Celui qui clamait son « immense désir de sortir des ornières du passé » appartient désormais à un autre temps. […] Vous phrasez en compositeur, plutôt qu’en écrivain : je saisis bien votre désir exquis, ayant passé par là, pour en revenir comme vous le ferez peut-être de vous-même ! […] Malheureusement les invectives, en tous deux, se gâtaient en route, et devenaient grossières : ce qui me permettait le désir d’en savoir davantage. […] J’affirmerais toutefois, sans crainte de démenti, que ce qui les unit, c’est le commun désir de substituer partout la Synthèse à l’Anecdote. […] Son désir incessant et exaspéré lui crée un rêve monstrueusement heureux, et il arrive à croire un peu qu’il les a domptées en ses étreintes !
La pensée et le désir de la mort reviennent presque à chaque page. […] Les vipères que j’ai comme tout le monde dans le cœur, vanité littéraire, ambition, jalousie, soucis, désirs et passions de toute sorte, s’étaient parfaitement assoupies. […] Peut-être voudrai-je vivre avec plus de confort ; et qui sait si la turlutaine des « objets d’art » ne me viendra pas, ou le désir de ressembler un peu plus aux « gens du monde » ? […] Mais les faits se permettent souvent de résister à nos plus pieux désirs, et c’est une impitoyable chose que l’histoire. […] des désirs de cruauté, pour rien, pour éprouver sa puissance — ou pour changer.
Le Mauvais désir, de M. […] L’amant du Mauvais désir est jaloux. […] Et c’est fini du mauvais désir… C’est, tout à coup, l’apaisement, presque la joie. […] Il nous venait de ces deux nobles esprits une émulation puissante et le désir ardent de bien vivre et de mieux faire. […] Elle fut prise du désir vague, informulé, d’écrire un jour, elle aussi, des histoires.
« De vaillants guerriers osaient, dans leurs désirs, prétendre comme il sied à la vierge digne d’amour ; personne ne la haïssait ! […] Beaucoup de héros s’y pressaient, pleins du désir de voir le mieux possible la noble vierge. […] « Je l’ai entendu exprimer le désir que vous receviez bien ses hôtes puissants et que vous lui accordiez d’aller à leur rencontre devant Worms, sur le sable. […] « Certain désir ne quittait point son cœur. […] « Elle dit : « Si vous voulez me montrer de la confiance, mon cher seigneur, vous enverrez des messagers à Worms au-delà du Rhin, et je ferai savoir à mes amis le désir qui me tient au cœur.
A toute heure du jour, il s’en envole quelque désir. Les colombes reviennent au colombier, mais les désirs ne reviennent pas au cœur. […] Il agit sans cesse au rebours de ses intentions, à contresens de ses désirs. […] Ni le calcul, ni la vanité ne se soutiennent, pendant dix-huit ans, à ce ton de lyrisme intime et de désir. […] Leurs désirs, leurs besoins passaient dans mon âme, ou mon âme passait dans la leur.
Ils mèneront sans désirs une vie plus triste que la mort. […] Ils goûtent ensemble, loin de cette humble et misérable terre, la paix dans le désir et la joie dans l’immortalité. […] Le veau granit, le veau fauve, le basane et le parchemin suffisaient à leurs désirs, mais ces désirs étaient ardents ; ils avaient la flamme et l’aiguillon : c’étaient enfin de ces désirs que la symbolique chrétienne, au moyen âge, représentait dans les églises sous la forme de diablotins à tête d’oiseau et à pieds de bouc, avec des ailes de chauve-souris. […] Mais il est lui-même le fard et les onguents de la beauté : il est l’éternel désir. […] Pour accomplir son dessein, l’ermite feint d’abord d’éprouver des désirs charnels.
Cela ne veut pas dire que l’on en ait fini avec la tristesse vague, la contemplation mélancolique, le désir de choses autres que celles que nous offre la réalité tangible, le mécontentement, la soif de l’âme et les autres maladies qui n’atteignent que les esprits élevés et puissants, ou tendres et délicats. […] Seulement son observation implacable démontre à chaque instant la bassesse et la nullité des desseins et des désirs de l’homme. […] Zola a été le premier peut-être à les supprimer, comme le confesseur, lorsque le pénitent, par pudeur ou par désir de rendre sa conduite plus honorable, cherche des détours et choisit des phrases ambiguës et des mots obscurs, déchire les voiles dont l’âme s’enveloppe et dit le mot propre que le pécheur n’osait employer. […] Malgré tout cela, il y a chez les romanciers anglais, pour si réalistes qu’ils soient, une intention morale, un désir de corriger et de convertir, et comme le dit spirituellement un récent historien de la littérature anglaise, une soif de sauver le lecteur de l’enfer et non de l’ennui. […] A chaque fois qu’on m’en demandait un, je leur eusse conseillé pour leur bien de l’acheter, si je n’eusse craint qu’on n’attribuât le conseil au désir de ne pas prêter.
Le decorum, ce fantôme de la règle morale, est quelquefois davantage ; il peut être un pressentiment, un désir d’ordre et de vérité. […] Je partage, Messieurs, le point de vue de Massillon, et je crois qu’avec un sincère désir de s’instruire oïl apprend plus avec soi-même qu’avec les autres. […] Le second office de la sagesse consiste à « regler ses désirs et plaisirs107 ». » Ici l’auteur fait des plaisirs une apologie qui nous semble au moins inutile. […] Séparé de Dieu dès sa naissance, ignorant de son but, doué d’une existence sans objet hors de lui, détaché de la chaîne des êtres, fibre discordante dans le concert de la création, il n’a ni garantie sûre contre les désirs de son propre cœur, ni pierre de touche infaillible. […] La civilité est un désir d’en recevoir et d’être estimé poli253. » C’est par le même principe, et non par obligeance, que nous louons les autres.
La chevelure d’abord aperçue fait courir dans les reins du Faune la brûlure du désir. […] Sa préciosité tient en partie à ce qu’il est resté un aristocrate, un mondain qui, outrant son désir d’une plus grande délicatesse et d’un cercle plus intime, a rencontré la solitude. […] La chevelure vol d’une flamme à l’extrême Occident de désirs pour la tout déployer. […] : c’est un flottement de chair qui s’exhale, bercée et soutenue, comme Psyché, par les Désirs, un mouvement de mains enlaçantes et tendres, des fonds de chevelure fluente. […] Son Occident réel et vivant ce sont les désirs de la main, les désirs pour la déployer toute, flottant déjà dans les regards.
« Ce fut ainsi qu’autrefois, avant qu’on eût inventé le soufflet aux puissants poumons, lorsque l’orgue était encore muet, Timothée sut, à l’aide de la flûte et de la lyre sonore, éveiller tour à tour la colère et le tendre désir dans l’âme des hommes. […] La cour a exprimé le désir de l’entendre avant que nous ayons demandé à être reçus. […] » XIII L’indignation d’avoir échoué, la honte de reparaître à Salzbourg sans avoir cueilli cette palme de l’art à Vienne, le désir de faire respirer à l’enfant l’atmosphère musicale de l’Italie, cette terre du chant, quelques secours de l’empereur pour soutenir la famille errante dans ce long voyage, font franchir les Alpes aux deux Mozart. […] Nous ne pouvons résister au désir de la reproduire ici tout entière.
Mais quand j’en ai longtemps échauffé ma pensée, Que la Prière en pleurs, à pas lents avancée, M’a baisé sur le front comme un fils, m’enlevant Dans ses bras loin du monde, en un rêve fervent, Et que j’entends déjà dans la sphère bénie Des harpes et des voix la douceur infinie, Voilà que de mon âme, à l’entour, au dedans, Quelques funestes cris, quelques désirs grondants Éclatent tout à coup, et d’en haut je retombe Plus bas dans le péché, plus avant dans la tombe ! […] qu’un peu de ces chants, un peu de ces couronnes, « Avant les pâles jours, avant les lents automnes, « M’eût été dû plutôt à l’âge efflorescent « Où, jeune, inconnu, seul avec mon vœu puissant, « Dans ce même Paris cherchant en vain ma place, « Je n’y trouvais qu’écueils, fronts légers ou de glace, « Et qu’en diversion à mes vastes désirs, « Empruntant du hasard l’or qu’on jette aux plaisirs, « Je m’agitais au port, navigateur sans monde, « Mais aimant, espérant, âme ouverte et féconde ! […] « À ce que je viens de dire que Virgile était décoré de pudeur, il ne serait pas juste d’opposer comme une contradiction ce qu’on raconte d’ailleurs de certaines de ses fragilités : “Il fut recommandable dans tout l’ensemble de sa vie, a dit Servius ; il n’avait qu’un mal secret et une faiblesse, il ne savait pas résister aux tendres désirs.” […] Et en acceptant même sur son compte les quelques anecdotes assez suspectes que les anciens biographes ou grammairiens nous ont transmises, et qui intéressent ses mœurs, on y trouverait encore ce qui répond bien à l’idée qu’on a de lui et ce qui le distingue à cet égard de son ami Horace, de la retenue jusque dans la vivacité du désir, quelque chose de sérieux, de profond et de discret dans la tendresse.
— Si les belles soirées se maintiennent, dit madame de Goethe, j’aurais un grand désir de donner ces jours-ci dans le parc un thé, au chant des rossignols. […] Je fus heureux de son désir. […] Je redescends vite, et je me mets à errer dans les rues, qui alors n’étaient pas éclairées. — Plein de passion et de colère, je marchai à travers la ville pendant une heure environ, repassant sans cesse devant la maison de ma bien-aimée et souffrant d’un désir ardent de la voir. […] une des fauvettes, devenue déjà grosse, se mit à donner la becquée aux oiseaux plus petits qu’elle ; cela, il est vrai, un peu par jeu et en enfant, mais cependant avec le désir et le penchant bien marqué d’imiter l’excellente mère.
Alors sa frénésie s’apaise un instant : elle se reporte aux jours où elle se sentit secrètement troublée par les effluves du désir d’un dieu, et un doux chant d’élégie s’exhale de ses lèvres. La Francesca du Dante, cette autre damnée de l’amour, emportée elle aussi par une rafale éternelle, n’est pas plus mélodieusement plaintive, lorsqu’elle raconte « à quels signes, aux temps des doux soupirs, Amour lui permit de connaître ses désirs incertains. […] Car Zeus brûle par toi sous le trait du désir, et il veut posséder Cypris avec toi. Ô jeune fille, ne dédaigne point le lit de Zeus, mais sors de ta demeure, et va dans la vaste prairie de Lerne, où sont les étables et les troupeaux de ton père, afin que l’œil du dieu ne brûle plus de désirs. » Ce frère de douleur qu’elle a rencontré sur sa voie fatale a gardé le don de la prescience.
Cette tourbe néfaste, personnification de l’esprit catholique du temps, ne prétendait à rien moins qu’à diriger la politique française ; l’objet de ses désirs, c’était avant tout l’extermination du parti de la Réforme en France. […] L’Église triomphait ; car ce n’était pas seulement Bossuet, mais l’épiscopat français presque tout entier qui allait voir son plus cher désir se réaliser. « On peut réfléchir en passant, observe Saint-Simon, sur la dureté du joug que le clergé exerce sur les plus grands rois qui ont eu la faiblesse de se le laisser imposer. » A nul autre temps cette remarque ne s’appliqua mieux qu’à celui-ci. […] D’autant plus que le désir de massacrer les Réformés était loin d’être unanime. […] Le désir de la fuite les transformait en héros.
Si Costar, y pensant déjà, avait pu être retenu dans son désir de parler de Voiture et de se porter pour son second par la crainte de fâcher l’illustre rival M. de Balzac, voilà que, par la plus favorable rencontre, c’était Balzac lui-même qui venait le solliciter et lui faire l’ouverture naturelle de défendre un ami, de plaider pour un homme à qui il avait la secrète prétention de ressembler et sur qui il s’était modelé tant quil avait pu. […] Il trouvait enfin amplement à satisfaire sa principale passion, qui était le désir de paraître.
Je vous remercie mille-fois du plaisir que vous me faites de vouloir vous prêter à mes désirs, et si le ciel pouvait être touché par nos vœux, je le prierais de répandre sur votre personne les bénédictions les plus précieuses. […] Il se peut que je me trompe, mais je le crois rempli du désir et du zèle à faire le bien ; mais n’ayant pas de génie et de connaissances, il ne sait comment s’y prendre.
Dans le journal très intéressant, et qui ne va plus discontinuer depuis lors, de ses impressions et de ses pensées, on suit parfaitement, sans en rien perdre, les différents temps et presque les motifs de ses désirs, de ses troubles et de ses transformations de doctrine. […] On a l’aperçu de ce livre, qui est moins un livre de philosophie qu’une peinture morale, livre de naïveté et de bonne foi, nullement d’orgueil, d’où il résulte qu’un homme de plus, et de ceux qui sont le plus dignes de mémoire, est bien connu ; livre à mettre dans une bibliothèque intérieure à côté et à la suite des Pensées de Pascal, des Lettres spirituelles de Fénelon, de L’Homme de désir par Saint-Martin, et de quelques autres élixirs de l’âme.
Notre vie se passe moitié en désirs, moitié en regrets. […] Notre vie se passe moitié en désirs, moitié en regrets.
Si cela est, et qu’elle ne m’ait pas pardonné cette curiosité frustrée, il faut avouer que j’étais bien né pour être victime de mes faiblesses, puisque, si l’amour vainqueur me fut si funeste, l’amour vaincu me le fut encore plus. » Et là-dessus, sa tête travaillant, il va attribuer à Mme de Boufflers, déçue dans son désir, un mauvais vouloir persistant qui aboutira en projet formel de le livrer à ses ennemis. […] Hume pour qui j’ai la plus grande admiration, en le prévenant d’une chose qu’il découvrira en peu de temps, c’est le désir qu’on sent, d’abord qu’on vous connaît, de vous être utile, et l’impossibilité de l’obtenir de vous.
Il s’était fait d’elle toute une théorie, qui est aussi celle de Mme du Deffand, et qu’il exprime de cette façon piquante ; c’est dans une lettre à son ami, le poëte Gray : « Mme de Boufflers, qui a été en Angleterre, est une savante, maîtresse du prince de Conti, et qui a grand désir de devenir sa femme. […] Un jour que cette Cour était au château de La Muette, la duchesse de Polignac à qui Mme de Boufflers avait dit obligeamment de vouloir bien disposer, le cas échéant, de sa maison d’Auteuil, crut pouvoir profiter de l’offre ; mais la comtesse Amélie eut un caprice, et sa belle-mère, pour ne pas la contrarier, fut obligée de se dédire ; elle se permit donc de refuser très-poliment ce qu’elle avait offert de bonne grâce, et elle termina sa lettre d’excuse par les vers suivants : Tout, ce que vous voyez conspire à vos désirs : Vos jours toujours sereins coulent dans les plaisirs ; La Cour en est pour vous l’inépuisable source, Ou si quelque chagrin en interrompt la course.
Mais ceux qui le connaissaient mieux, qui savaient qu’il avait le désir d’être cardinal et qui le voyaient compromettre à jamais une ambition si légitime par sa conduite envers Rome, y donnaient une autre explication. […] M. de Harlay, en toutes ces démarches qui ont gravé à jamais son nom dans l’histoire de la Compagnie, était animé du noble désir de la servir, et aussi peut-être de la crainte que si l’Académie venait à se choisir, après le chancelier Séguier, un second protecteur au-dessous du trône, ce protecteur ne fût pas lui, encore si nouveau et l’un des derniers élus.
Feuillet de Conches, toujours si libéral, mais qui, dans son désir d’être complet, attendait trop. […] Aussi l’un de ses premiers désirs à la Cour sera de visiter la maison de Saint-Cyr.
Après quelques démarches tentées encore par Jomini (et sans y réussir) pour se concilier le prince de Neuchâtel, — comme de lui offrir la dédicace d’une seconde édition qu’il fit faire exprès de son Traité des grandes Opérations militaires, — de lui témoigner le désir d’être mis à la tête d’une des brigades suisses qui allaient être levées, et dont le commandement lui était spécialement réservé en sa qualité de colonel général des Suisses, — après n’avoir éprouvé de sa part que rebuffade et mauvaise grâce, après s’être entendu dire un jour qu’il se plaignait : « Eh bien, si vous vous croyez lèse, donnez votre démission ; j’en référerai a Sa Majesté », Jomini n’hésita plus et se tourna vers la Russie. […] Cette démarche prouvait le grand désir que j’avais de me rendre utile.
La pensée dramatique au contraire, qui, en passant par le lyrique, n’y voyait qu’un début et un prélude, ne se sentait pas satisfaite à si peu de frais ; elle croyait, elle, énergiquement à la poétisation possible du siècle ; et, plus vaste en désirs, moins effarouchée du bruit des profanes, elle insistait plutôt sur l’autre devise confiante et conquérante : L’avenir est à nous ! […] Elle attribue beaucoup, pour l’inspiration élégiaque des Latins, aux obstacles que rencontrait l’amant dans la situation sociale de la femme, obstacles qui ne pouvaient être écartés que par elle ; elle ajoutaït en finissant : « S’il se trouvait donc un individu dont le sort, en aimant, dépendit absolument de la volonté, des désirs, des penchants d’un autre, sans qu’il lui fût permis de rien faire pour se le rendre favorable ; dont tous les sentiments éternellement réprimés se consumassent en souhaits inutiles, n’aurait-il pas un grand avantage pour la peinture des agitations du cœur ?
La critique, en causant de ces choses, ne peut avoir d’autre prétention que de proposer ses doutes et de faire naître dans les esprits élevés de généreux désirs. […] Et pourtant cela ne laisse pas d’être agréable ; car, en ces choses d’amoureux désir, l’espérance a plus de douceur encore que la réalité. » Mais comme ces Grecs, dans leur malice même, s’arrêtent naturellement à la grâce !
Qu’est-ce donc si le désir est en jeu et si l’on veut plaire ? […] C’est un poëte grec qui a dit : « Il y a trois Grâces, il y a trois Heures90, vierges aimables ; et moi, trois désirs de femme s me frappent de fureur.
J’imagine, pour accorder mon désir avec l’exactitude bien reconnue du narrateur, qu’ayant su par un témoin que la saignée au pied avait été difficile, il aura attribué cette difficulté à un reste d’embonpoint, tandis que la saignée au pied est quelquefois lente et pénible, même sans cette circonstance. […] Le premier amour, celui de dix-huit ans, par exemple, en le supposant aussi vif et aussi avancé que possible, en l’environnant des combinaisons les plus favorables à son cours, ne se prolonge jamais jusqu’à vingt-quatre ans ; et il se trouve là un intervalle, un sommeil du cœur, entrecoupé d’élancements vers l’avenir, et durant lequel de nouvelles passions se préparent, des désirs définitifs s’amoncellent.
La vie s’est faite onéreuse, ses conditions se sont compliquées, ses voies se resserrent et s’encombrent, les intérêts, les besoins, les tentations, les désirs se sont multipliés à outrance. […] La jeunesse pauvre, avec ses désirs refoulés, ses faims inassouvies, ses illusions tuées en germe, remplirait des milliers de drames.
Le vieil écuyer Bertrand de Poulangy, qui, dans sa jeunesse, avait eu l’honneur d’escorter Jeanne lors de sa première chevauchée de Vaucouleurs à Chinon, disait que, dans toutes les nuitées et les couchées du voyage, il n’avait pas eu à son égard une pensée de désir. […] Jeune alors et beau, et très préféré d’elle entre tous les capitaines, parce qu’il était gendre du duc d’Orléans prisonnier, à la cause duquel elle s’était vouée, il témoignait avoir souvent bivouaqué à côté d’elle ; il avouait même l’avoir vue se déshabiller quelquefois, et avoir aperçu ce que la cuirasse avait coutume de cacher (« aliquando videbat ejus mammas, quae pulchrae erant ») : « Et pourtant, disait-il, je n’ai jamais rien eu de désir charnel à son égard. » Elle avait cette simplicité d’honneur et de vertu qui éloigne de telles pensées.
La Dot de Suzette, qui ne semblait qu’une anecdote vraie, racontée avec intérêt et délicatesse par une femme (car la première édition était anonyme), donna satisfaction à ce désir d’un goût plus simple. […] Par penchant et par habitude, il était encore plus homme de presse qu’il ne l’avait été de consultation et de cabinet : « Comme écrivain, disait-il, entre m’adresser au public ou à un souverain, fût-il dix fois plus élevé que la colonne de la place Vendôme, je n’hésiterai jamais à préférer le public ; c’est lui qui est notre véritable maître. » En laissant dans l’ombre les côtés faibles et ce qui n’est pas du domaine du souvenir, et à le considérer dans son ensemble et sa forme d’esprit, je le trouve ainsi défini par moi-même dans une note écrite il n’y a pas moins de quinze ans : Fiévée, publiciste, moraliste, observateur, écrivain froid, aiguisé et mordant, très distingué ; une Pauline de Meulan en homme (moins la valeur morale) ; sans fraîcheur d’imagination, mais avec une sorte de grâce quelquefois à force d’esprit fin ; — de ces hommes secondaires qui ont de l’influence, conseillers nés mêlés à bien des choses, à trop de choses, meilleurs que leur réputation, échappant au mal trop grand et à la corruption extrême par l’amour de l’indépendance, une certaine modération relative de désirs, et de la paresse ; — travaillant aux journaux plutôt par goût que par besoin, aimant à avoir action sur l’opinion, même sans qu’on le sache ; — Machiavels modérés, dignes de ce nom pourtant par leur vue froide, ferme et fine ; assez libéraux dans leurs résultats plutôt que généreux dans leurs principes ; — sentant à merveille la société moderne, l’éducation moderne par la société, non par les livres ; n’ayant rien des anciens, ni les études classiques, ni le goût de la forme, de la beauté dans le style, ni la morale grandiose, ni le souci de la gloire, rien de cela, mais l’entente des choses, la vue nette, précise, positive, l’observation sensée, utile et piquante, le tour d’idées spirituel et applicable ; non l’amour du vrai, mais une certaine justesse et un plaisir à voir les choses comme elles sont et à en faire part ; un coup d’œil prompt et sûr à saisir en toute conjoncture la mesure du possible ; une facilité désintéressée à entrer dans l’esprit d’une situation et à en indiquer les inconvénients et les ressources ; gens précieux, avec qui tout gouvernement devrait aimer causer ou correspondre pour entendre leur avis après ou avant chaque crise.
Au début de ses feuilles de correspondance, il continue d’être dans les mêmes sentiments ; son ton et son intention ne sont rien moins que frivoles ; il ne voit, dans le secret qu’on lui promet, qu’une raison de plus d’exercer une franchise sans bornes : L’amour de la vérité, dit-il, exige cette justice sévère comme un devoir indispensable, et nos amis même n’auront pas à s’en plaindre, parce que la critique qui n’a pour objet que la justice et la vérité, et qui n’est point animée par le désir funeste de trouver mauvais ce qui est bon, peut bien être erronée et sujette à se rétracter quelquefois, mais ne peut jamais offenser personne. […] Il avait manqué, comme il le disait quelquefois, « le moment de se faire enterrer ». — Je n’ai pas craint de laisser voir, sans pourtant y trop appuyer, la doctrine morale de Grimm dans toute sa tristesse et son aridité, sans un désir et sans un rayon ; elle n’a rien qui puisse séduire.
Un des meilleurs témoins de ce temps-là, Mme Du Deffand, dont M. et Mme Necker firent la connaissance. en 1773, nous les a peints, la femme et le mari, et surtout le dernier, d’une façon vraie et qui ne laisse rien à désirer au point de vue de la société : « Ils ont voulu me connaître, dit-elle, parce qu’on m’a donné auprès d’eux la réputation d’un bel esprit qui n’aime point les beaux esprits ; cela leur paraît une rareté digne de curiosité. » Elle se reproche d’abord d’avoir cédé à leur désir, puis bientôt, quand elle a connu M. […] Necker, en s’attaquant à Turgot « comme n’ayant que le désir et le soupçon de la grandeur sans en avoir la force », semblait se désigner assez distinctement en plus d’un endroit à titre de ministre bien préférable : « S’il y avait constamment à la tête de l’administration, disait-il, un homme dont le génie étendu parcourût toutes les circonstances ; dont l’esprit moelleux et flexible sût y conformer ses desseins et ses volontés ; qui, doué d’une âme ardente et d’une raison tranquille, etc. » Si l’on ne pense pas à soi en parlant ainsi et en décrivant si complaisamment celui qu’on appelle, il y a au moins manque de tact, puisqu’on fait croire à tout le monde qu’on y a pensé.
Ce ne sont là que des inductions sublimes, des désirs qui s’élèvent de la coupe d’un cœur embrasé ; mais qui sait, disait profondément le vieux Gœthe, qui n’était pas toujours profond, si le désir n’est pas le pressentiment du possible ?
Puis ce désir d’« intégration » a pris une autre forme, car mon socialisme procédait de là pour une large part. […] Je ne crois pas qu’il soit possible de trouver un texte où s’affirme avec plus de force et d’émotion le désir passionné d’Israël de se confondre dans l’âme française.
En un mot, quand on a souci de l’avenir, quand, sans avoir la vanité de croire à rien de glorieux, on se sent du moins le désir permis d’être en un rang quelconque un témoin honorable de son temps, on a toutes les précautions à prendre. on ne saurait trop faire navire et clore les flancs, pour traverser, sans sombrer, les détroits funestes. » Et comme pour mieux détourner dans l’avenir du dessein de rechercher ses anciens articles, le critique disait encore : « Après le Globe saint-simonien, que je n’avais pourtant pas tout aussitôt déserté, je suis entré au National par suite d’obligeantes ouvertures de Carrel.
Joseph Delorme en était ; il en avait les désirs, les rêves, les passions refoulées, le besoin d’arriver, l’impuissance d’atteindre, l’orgueil intérieur et le découragement amer ; il fut de ceux que les protections d’alors n’apprivoisèrent pas, et qui aimèrent mieux se ronger que s’attiédir.
Mais vous savez que sous chacun de ces points sombres ou bigarrés il y a un corps vivant, des membres actifs, une savante économie d’organes, une tête pensante, conduite par quelque projet ou désir intérieur, bref une personne humaine.
En effet, si l’on sent vivement, la conception peut être en retard sur l’émotion ; l’intelligence n’arrive pas à se mettre au même pas que la sensibilité et l’imagination : alors la figure qui traduira le désir ou la passion sera vague et n’offrira point une idée claire à l’esprit.
Le désir de la femme les mordra au cœur ; et la femme, introduite dans la place, les trahira, livrera au peuple les secrets des savants et les machines par lesquelles ils terrorisaient la multitude.
Le désir est, de sa nature, inassouvissable.
Verlaine, rendue seulement à sa pleine valeur poétique, par la suppression de toutes règles vaines et du stérile désir de raconter une histoire.
La récompense de ces modestes travailleurs ne sera pas la gloire ; mais il est des natures douces et calmes, peu agitées de passions et de désirs, peu tourmentées de besoins philosophiques (gardez-vous de croire qu’elles soient pour cela froides et sèches ; au contraire, elles ont souvent une grande concentration et une sensibilité très délicate), qui se contenteraient de cette paisible vie, et qui, au sein d’une honnête aisance et d’une heureuse famille, trouveraient l’atmosphère qu’il faut pour les modestes travaux.
Le remède au mal n’est pas de faire que le pauvre puisse devenir riche, ni d’exciter en lui ce désir, mais de faire en sorte que la richesse soit chose insignifiante et secondaire ; que sans elle on puisse être très heureux, très grand, très noble et très beau ; que sans elle on puisse être influent et considéré dans l’État.
Pendant que la joyeuse Galilée célébrait dans les fêtes la venue du bien-aimé, le triste Jean, dans sa prison de Machéro, s’exténuait d’attente et de désirs.
D’autres, tels que Fénelon et Rousseau, estiment que la pièce blesse la monde, en ce qu’elle semble autoriser toutes les ruses d’une jeune femme pour se soustraire aux honnêtes désirs d’un vieillard.
Le vrai Philosophe, éclairé par les vérités qu’il connoît, est sans cesse enflammé par le désir d’en connoître de nouvelles ; s’il réfléchit sur ce qu’il fait, s’il observe bien, s’il apprécie ce qui l’entoure, c’est depuis la combinaison de ce qu’il sait & de ce qu’il voit, qu’il s’éleve à de nouvelles découvertes, ou dans les profondeurs de la Nature, ou dans les replis du cœur humain.
Il tourne son âme inquiète vers le Ciel : quelque chose lui dit que c’est là qu’habite cette souveraine beauté après laquelle il soupire : Dieu lui parle tout bas, et cet homme du siècle, que le siècle n’avait pu satisfaire, trouve enfin le repos et la plénitude de ses désirs dans le sein de la religion.
Il en est d’eux comme des femmes laides : si elles sont chastes, c’est manque d’amants et non de désirs. « Aridi declamatores fidelius quos proposuerunt colores tuentur ; nihil enim eos sollicitat, nullum schema, nulla dulcedo sententiæ subrepit : sic quæ malam faciem habent, sæpius pudicæ sunt ; non animus illis deest, sed corruptor. » SENEC, lib.
« Une vie retirée, libre, indépendante des volontés ou des caprices d’un autre, une vie d’études et de travail », voilà le but et le désir de cet enfant merveilleusement intelligent et totalement dépourvu.
qui est descendu plus avant dans les profondeurs de la politique ; a mieux tiré de grands résultats des plus petits événements ; a mieux fait à chaque ligne, dans l’histoire d’un homme, l’histoire de l’esprit humain et de tous les siècles ; a mieux surpris la bassesse qui se cache et s’enveloppe ; a mieux démêlé tous les genres de crainte, tous les genres de courage, tous les secrets des passions, tous les motifs des discours, tous les contrastes entre les sentiments et les actions, tous les mouvements que l’âme se dissimule ; a mieux tracé le mélange bizarre des vertus et des vices, l’assemblage des qualités différentes et quelquefois contraires ; la férocité froide et sombre dans Tibère, la férocité ardente dans Caligula, la férocité imbécile dans Claude, la férocité sans frein comme sans honte dans Néron, la férocité hypocrite et timide dans Domitien, les crimes de la domination et ceux de l’esclavage, la fierté qui sert d’un côté pour commander de l’autre, la corruption tranquille et lente, et la corruption impétueuse et hardie, le caractère et l’esprit des révolutions, les vues opposées des chefs, l’instinct féroce et avide du soldat, l’instinct tumultueux et faible de la multitude, et dans Rome la stupidité d’un grand peuple à qui le vaincu, le vainqueur, sont également indifférents, et qui sans choix, sans regret, sans désir, assis aux spectacles, attend froidement qu’on lui annonce son maître ; prêt à battre des mains au hasard à celui qui viendra, et qu’il aurait foulé aux pieds si un autre eût vaincu ?
Joignez à cela les causes naturelles qui produisent les gouvernements humains, et qui sont toutes contraires à celles qui avaient produit l’héroïsme, puisqu’elles ne sont autres que désir du repos, amour paternel et conjugal, attachement à la vie.
Ici, l’enseigne de vaisseau détaché pour la négociation revint nous assurer de tout le désir qu’on avait de nous rendre notre politesse maritime ; mais en même temps, le château se trouvant totalement privé de poudre, le gouverneur turc priait le capitaine français de lui en faire passer autant de charges qu’il désirait de coups de canon. […] « Cet isolement complet redoubla le désir que j’avais depuis longtemps de me rapprocher du seul Européen habitant ces contrées. […] Et j’y mourrai au moins de désir.
Dans le cercle étroit qu’elle parcourt, son activité lui semble vaine, et sa science du délire ; un désir invincible la presse de s’élancer vers des régions élevées dans des sphères plus libres ; elle croit qu’au terme de sa carrière un rideau va se lever pour lui découvrir des scènes de lumière : mais quand la mort touche son corps périssable, elle jette un regard en arrière vers les plaisirs terrestres et vers ses compagnes mortelles. […] Il reste bien encore quelques petites difficultés sur l’origine des choses et le but de notre existence, mais on a bien simplifié la question, et la raison conseille de supprimer en nous-mêmes tous les désirs et toutes les espérances que le génie, l’amour et la religion font concevoir ; car l’homme ne serait alors qu’une mécanique de plus dans le grand mécanisme de l’univers : ses facultés ne seraient que des rouages, sa morale un calcul, et son culte le succès. […] Ont-ils pu lui parler de leurs froids intérêts, de leurs misérables désirs ?