Elles suffisent à établir pour combien de ses contemporains, et des plus savants, des plus délicats, l’auteur des Émaux et Camées est resté lettre close. […] Nul ne peut rien à ces évolutions fatales : les poètes, les tempéraments d’une sensibilité aimante et délicate, les contemplent et les signalent, pleins de terreur. […] Par malheur — et nous sommes obligés d’y revenir après l’avoir déjà répété — toutes ces pensées, toutes ces doctrines, toutes ces impressions sont bien complexes, bien délicates, bien peu en harmonie avec la psychologie générale des foules. […] Elle a fini, après les avoir amusés d’abord, par lasser la patience même des plus délicats lettrés, et la réprobation qui l’avait justement atteinte est remontée peu à peu, et d’une manière injustifiable, jusqu’au grand écrivain avec qui elle se solidarisait. […] Qu’elle ait même contribué à dérouter momentanément les lecteurs les plus délicats et les plus sagaces, c’est possible.
Si dans ces modeles on trouve quelques traits qui ne peuvent amuser que le peuple, en revanche combien de scenes dignes des connoisseurs les plus délicats ? […] Lucien au contraire met de l’esprit par-tout ; tous les dieux, tous les hommes qu’il fait parler, sont des gens d’une imagination vive & délicate. […] Ce que nous connoissons de lui de plus délicat & de plus touchant, ne peut guere être mis que dans la classe des madrigaux. […] toutes ces formules sont usées, & l’orgueil qui est si peu délicat, en est lui-même dégoûté. […] On seroit choqué de voir dans le sphinx la tête délicate, & le cou délié d’une femme sur le corps d’un énorme lion, c’est donc au peintre à rapprocher les proportions des deux especes.
Guy de Maupassant par une citation qui indiquera, mieux que je ne saurais faire, la donnée délicate sur laquelle il a édifié son roman. […] Mais les autres, les poètes, les délicats, les rêveurs, les chercheurs, les inquiets. […] Celui-ci devine l’indiscrétion et une scène du plus grand effet, très délicate de sentiment, éclate entre le père et la fille. […] Son génie, qui est la transformation d’un ami, lui explique la civilisation du monde martien ; c’est le rêve d’une âme délicate et éprise de justice. […] Son mariage, sa paternité, récits délicats, ensembles parfaits que je craindrais de dénaturer en en donnant seulement quelques lignes.
« Ses cheveux dénoués pendaient sur son dos, et une déchirure de sa robe découvrait son épaule délicate. […] C’est là qu’est le point délicat ; je veux croire aveuglément ce que M. […] De petites lumières tremblantes se détachaient du vaste foyer, s’élevaient doucement, d’un vol délicat, sans qu’on pût rien distinguer qui les tînt à la terre. […] Bien que la beauté relève de la géométrie, c’est par le sentiment seul qu’il est possible d’en saisir les formes délicates. […] Avant de terminer cette vue d’ensemble sur l’œuvre si délicate, si osée aussi de M.
Les hésitations, les combats, la chute, les remords de cette âme fière et fragile sont notés par un observateur exquis, et gradués avec un art tout à fait délicat. […] Toucher aux enfants est aussi délicat que toucher à la femme. […] Champfleury choisit volontiers ses héros parmi les musiciens, sachant bien que la musique, qui violente les nerfs et surexcite parfois jusqu’aux larmes les organisations délicates, prépare admirablement à l’illusion. […] Il est simplement et fatalement un difficile, un délicat, et un délicat incorrigible. […] Au lieu de ce délicat, au lieu de cet émigré dans le passé littéraire, nous n’avons plus qu’un louangeur du présent, exécutant des préfaces sur commande, pour le compte d’un ministre content de peu.
Il est bien délicat d’être d’un avis tranché dans un sens ou dans un autre, en cette affaire. […] Ce qu’ils ont trouvé, chacun dans sa langue, c’est le secret des rythmes propres à la prose, rythmes très complexes, très délicats, très fuyants, plus difficiles à saisir que ceux de la poésie qui sont plus fixes, d’un charme incomparable quand ils sont al teints. […] Celle de Lamartine est l’expression élevée sans effort et pure sans affectation de ce qu’il y a de plus pudiquement délicat dans les sentiments tendres. […] C’est là ce qui justifie presque les délicats trop raffinés qui ne veulent pas de sensibilité en art. […] De là aussi un art bien délicat et une ressource précieuse sur quoi il faut insister.
I En 1688, chez un marchand de toile rue des Lombards à Londres, naquit une petite créature délicate et maladive, factice par nature, toute fabriquée d’avance pour la vie de cabinet, n’ayant de goût que pour les livres, et qui, dès son bas âge, mit tout son plaisir dans la contemplation des imprimés. […] Nous comprenons enfin que, même en cet âge correct et dans cette poésie artificielle, l’antique imagination subsiste ; qu’elle se nourrit, comme autrefois, de bizarreries et de contrastes, que le goût, en dépit de toutes les cultures, ne réussira jamais à s’acclimater chez elle, que les disparates, au lieu de la choquer, la réjouissent, qu’elle est insensible à nos douceurs et à nos finesses ; qu’elle a besoin de voir passer devant elle une suite de figures expressives, inattendues et grimaçantes, qu’elle préfère ce rude carnaval à nos insinuations délicates, que Pope est de son pays en dépit de sa politesse classique et de ses élégances voulues, et que sa fantaisie désagréable et vigoureuse est parente de celle de Swift. […] Elles sont un produit du pays, comme la viande et la bière ; tâchons, pour en jouir, d’oublier nos vins, nos fruits délicats, de nous faire des sens obtus, de devenir par l’imagination compatriotes de ces gens-là. […] Il y a surtout Mackensie, « l’homme de sentiment », dont le héros timide, délicat, s’attendrit cinq ou six fois par jour, devient poitrinaire par sensibilité, n’ose déclarer son amour qu’en mourant, et meurt de sa déclaration.
À défaut de ce honneur impossible, Mme Necker essayait quelquefois de lui indiquer d’autres sources de consolation et le souverain remède contre l’isolement du cœur ; elle lui avait fait promettre de lire l’ouvrage de son mari sur L’Importance des opinions religieuses, et elle avait, à l’occasion, sur ce sujet de christianisme et de monde invisible, des paroles amies et délicates, que Gibbon du moins ne repoussait pas. […] C’est le témoignage qu’ont rendu les contemporains les plus délicats et les plus respectables dans le temps de la publication.
En abordant ce sujet délicat, il y a porté de sa rigueur d’historien, et, en retour, ce sujet lui a rendu de sa douceur et de son élégance. […] Comblée en apparence, et malgré son éclat, elle était de ces natures délicates qui sont restées plus sensibles aux secrètes injures du monde qu’à ses grossières offrandes.
Cette réponse montrée par Vauvenargues au duc de Durfort et à d’autres officiers, à un dîner d’auberge à Besançon, paraît bonne et dans le caractère de celui qui l’écrit : « Mais nous plaignîmes, ajoute Vauvenargues, une pauvre fille, qui a de l’esprit et qui vous aime. » Sur ce chapitre essentiel et délicat, la différence des deux natures se prononce. […] mais, le délicat et l’orgueilleux qu’il est, il s’en garde bien.
Mais enfin je retrouve quelqu’un qui laisse la note dans son naturel et qui me prend par mes fibres délicates, sans me heurter, sans m’offenser et me faire souffrir. […] Entre lui et Madeleine, mariée, femme du monde, il s’engage un jeu délicat, périlleux, dans lequel calme, supérieure, affectueuse et sans émotion d’abord, elle s’efforce de le ramener, de le guérir.
C’est, je le répète, et toute l’histoire des salons le prouve, qu’un certain mauvais goût littéraire est très compatible avec le goût social le plus délicat. […] Royer-Collard, droit de taille, le front couvert d’une perruque brunâtre, le sourcil proéminent et remuant, le nez fort et marqué, le visage rugueux, la voix mordante, par moments stridente et se riant volontiers à elle-même quand il avait dit quelque mot ; en tout un esprit altier et des plus fins sous une écorce restée en partie rustique ; mais il ne faudrait pas faire non plus M. de Talleyrand plus délicat qu’il n’était et plus débile à cause de son infirmité.
La pensée lyrique, et surtout la portion la plus molle, la plus délicate de celle-ci, la pensée élégiaque, intime, craignait un peu le moment de la victoire à cause du bruit et de l’invasion des profanes ; elle insistait avec une sorte de timidité superstitieuse sur cette interdiction quasi pythagoricienne : Odi profanum vulgus et arceo. […] Non, l’épithète propre et pittoresque ne remplace pas toujours la première avec avantage ; non, toutes les nuances du prisme, en les supposant exprimables par des paroles, ne suppléent pas, ne satisfont pas aux nuances infinies du sentiment ; non, le ciel en courroux n’est pas nécessairement détrôné par le ciel noir et brumeux ; les doigts délicats ne le cèdent pas à jamais aux doigts blancs et longs.
Gresset avait le cœur délicat ; même à son heure la plus brillante et en son midi, il se rejetait le plus qu’il pouvait dans le demi-jour33. […] Malgré tout, on revient toujours à se poser à son sujet cette question délicate, embarrassante : Comment se fait-il que, lorsqu’on a eu du goût, on cesse tout d’un coup d’en avoir ?
Hier encore, un estimable journal, du très-petit nombre de ceux dont les jugements comptent, le Semeur 86, tout ému de charmantes lettres d’amour écrites en 1814 par Benjamin Constant, et dont M.de Loménie a publié des extraits, semblait en conclure que nous avions perdu notre cause, comme si nous nous étions mêlé de cette délicate matière, et comme si nous avions rien dit qui pût faire injure à ces tendres billets. […] Ils ont beau ne rien dire, je les entends. » Avec un scrupule un peu plus marqué à l’endroit de la dignité, le jeune homme ne se serait pas fait dire deux fois ces choses dont souffrait pour lui une femme délicate ; il se serait mis au plus vite en règle avec le mari.
La forme sous laquelle se réalisent ces sentiments délicats de quelques âmes est variable et assez indifférente. […] Quoique Mme de Ferriol, femme exigeante, pleine de sécheresse et d’aigreur, n’eût pas pour Mlle Aïssé ces égards délicats qu’inspire la bienveillance de l’âme, la jeune Grecque, comme on l’appelait, était l’idole de cette société aimable, sinon sévère : Mme de Parabère, Mme du Deffand, lady Bolingbroke, la recherchaient à l’envi.
Sa santé d’ailleurs, toujours si délicate, s’était dérangée de nouveau ; il éprouvait une extinction de voix et une surdité qui lui interdisaient le monde et la cour. […] La raison fut son génie ; c’était en lui un organe délicat, prompt, irritable, blessé d’un mauvais sens comme une oreille sensible l’est d’un mauvais son, et se soulevant comme une partie offensée sitôt que quelque chose venait à la choquer. » Cette même raison si sensible, qui lui inspirait, nous dit-il, dès quinze ans, la haine d’un sot livre, lui faisait bénir son siècle après Phèdre.
Puisque la sensibilité plus aiguë de l’artiste lui procure, dans la vie vécue ou vue, des admirations plus délicates et de plus parfaites contemplations, que va-t-il peiner pour réfléchir sur la toile, sur le papier ou sur le marbre, un reflet plus ou moins pâle de l’émotion déjà passée ? […] Des œuvres que seuls quelques délicats pleinement pénètrent, et pour qui seuls elles sont écrites, n’appartiennent pas plus à cet art populaire et en plein air du théâtre, que les Dialogues philosophiques.
Puisque la sensibilité plus aiguë de l’artiste lui procure, dans la vie vécue ou vue, des admirations plus délicates et de plus parfaites contemplations, que va-t-il peiner pour réfléchir sur la toile, sur le papier ou sur le marbre, un reflet plus ou moins pâle de l’émotion déjà passée ? […] Des œuvres que seuls quelques délicats pleinement pénètrent, et pour qui seuls elles sont écrites n’appartiennent pas plus à cet art populaire et en plein air du théâtre, que les Dialogues philosophiques.
Hésitation qui implique un culte mille fois plus délicat de l’éternel idéal que les téméraires solutions qui satisfont tout d’abord les esprits superficiels ! […] En ces délicates matières, chacun a raison par quelque côté.
Mme Necker avait tracé de Mme de Lauzun dans sa première jeunesse un portrait délicat et senti qu’elle terminait en disant : « Les portraits d’imagination sont les seuls qui lui ressemblent », et dans lequel elle la recommandait vivement comme une vierge orpheline à son bon ange gardien : Ô vous ! […] Elle s’en cachait comme d’une affection coupable, et que son mari a toujours ignorée… Elle était grande, bien faite, extrêmement fraîche ; mais de gros yeux qui n’y voyaient pas, et où il était impossible de démêler tout ce qu’elle avait de mérite et d’esprit, la déparaient un peu… Mme de Biron, pure, délicate, extrêmement timide, d’un caractère doux et sage, ne laissait voir que dans l’intimité un esprit aussi élevé qu’original.
Si jeune pourtant, si belle, et d’une beauté si pure et si délicate entre ses compagnes ! […] De tels exemples, où tant de sentiments délicats et généreux se confondent des deux parts dans un sentiment religieux supérieur, semblent ramener la poésie à ses plus nobles origines et ne se peuvent raconter sans émotion.
D’Alembert, moins délicat que Voltaire, et moins averti par le sentiment du beau, se donnait toute carrière sur Buffon. […] Il était, en ce genre de soin, aussi scrupuleux que le plus délicat des anciens ; il avait l’oreille, la mesure et le nombre.
On comprend maintenant pourquoi : il avait trop logé en lui la haine et l’injure pour laisser place à la tendresse et à l’accent d’une délicate volupté ! […] Il avait de la galanterie plus que du sentiment, mais souvent une galanterie fort ingénieuse et délicate (lire de lui, au premier livre des Épigrammes, La Méprise, ou les Flambeaux changés).
Il nous définit, à d’autres jours, son ami en des termes moins métaphysiques et charmants de grâce ; tremblant pour sa santé, au moment où il le voit s’éloigner pour aller en Russie : « Votre corps délicat, lui dit-il, est le dépositaire d’une âme fine, spirituelle et déliée. » Par allusion sans doute à cette frêle enveloppe que l’âme dévore, il l’appelle familièrement son cher Diaphane. […] On a souvent cité56 des passages de lettres de Frédéric qui se rapportent à ce point délicat : on voit qu’il hésitait à contracter une obligation de ce genre envers l’impératrice : la nécessité toutefois le força de passer sur toutes les considérations.
L’auteur de La Feuille était fait pourtant, ce semble, pour s’entendre avec le chantre du Buste de Vénus, avec l’auteur de plus d’une ode délicate et exquise. […] » Et l’éloge continuait, d’autant plus délicat qu’il avait été assaisonné d’un grain piquant.
C’étaient peut-être les vers mêmes, que nous retrouvons, au début de la Théogonie108 : « Ayons les Muses en tête de nos chants, les Muses qui habitent le grand et fertile sommet d’Hélicon, et dansent de leurs pieds légers autour de la fontaine bleuâtre et de l’autel du puissant fils de Saturne ; les Muses qui, lavant aux sources du Permesse leur beauté délicate, auprès de l’Hippocrène, ou sur le divin sommet d’Holmios au plus haut de l’Hélicon, forment des chœurs gracieux, sous leurs pas tressaillants ; puis, élancées de là, sous le voile d’un épais nuage, ont marché dans la nuit, jetant d’harmonieuses clameurs, en hymnes à Jupiter porte-égide, à la sainte Junon, reine d’Argos aux brodequins dorés, à la fille du dieu porte-égide, Minerve aux yeux pers, à Phébus Apollon, à Diane chasseresse, à Neptune qui enceint la terre et l’ébranlé, à la vénérable Thémis, à Vénus aux roulantes prunelles, à Hébé parée d’une couronne d’or, à la belle Dioné, à l’Aurore, au Soleil immense, à la Lune brillante, à Latone, à Japet, au ténébreux Saturne, à la Terre, au vaste Océan, à la Nuit sombre et à la race sacrée des autres dieux : célébrons ces Muses, qui enseignaient une si belle chanson à Hésiode, occupé de paître ses agneaux, aux bords de l’Hélicon divin. » Cette poésie brillante et gracieuse, non moins ancienne que les chants homériques, mais indigène en Béotie, offerte aux yeux et gravée dans les temples de cette religieuse contrée, suffisait à dénouer la langue du jeune homme, né pour les vers, qui vivait dans ces lieux. […] Quelle fierté fidèle, et en même temps quel art délicat dans ce souvenir du poëte, qui, se nommant avec orgueil le nourrisson favori de la ville de Thèbes, alors tant répudiée par les Grecs, revendique en même temps pour elle la parenté de la vaillante Égine, naguère l’ennemie, et aujourd’hui la glorieuse alliée d’Athènes !
Manuel mourant, feront celles de tout esprit délicat et fin dans les meilleures journées de loisir.
La littérature de Patin est classique, excellente, bien digérée : il aime le délicat, mais il ne hait pas le faible.
Feuillet l’a si bien compris, qu’avant même de donner sa Collection, il n’a pu y tenir et que, dans son tome II des Causeries d’un Curieux (1862), il a pris les devants et a publié, comme la plus délicate des primeurs et bien faite pour affriander, la première lettre de Marie-Antoinette à l’impératrice sa mère, dès son arrivée sur la terre de France (Strasbourg, 8 mai 1770).
Si par malheur vous comprenez peu et que vous n’aimiez guère la poésie ; si vous n’avez pas reçu de la nature le sens délicat de la mélodie, le goût exquis du chant, et que vous vous trouviez embarrassé pour apprécier directement le mérite d’un poète, écoutez-le une demi-heure parler en prose ; et si sa prose est molle, vide d’idées, sans éclat, sa poésie court grand risque d’être elle-même pauvre, pâle et chétive ; osez-le ranger impitoyablement parmi les versificateurs.
. — Et cela même lorsqu’il sort d’une bouche autorisée — Les rôles de médecins sont particulièrement délicats à traiter, car ils oscillent forcément entre la terminologie vague des mentalités moyennes, ou le répertoire magistral de l’enseignement technique.
Shakspeare fut romantique parce qu’il présenta aux Anglais de l’an 1590, d’abord les catastrophes sanglantes amenées par les guerres civiles, et, pour reposer de ces tristes spectacles, une foule de peintures fines des mouvements du cœur, et des nuances de passions les plus délicates.
On comprendra aisément que l’emploi en est délicat, puisqu’il faut que le lecteur soit en état d’ajouter et de retrancher, en qualité et en quantité, au sens rigoureux des mots, précisément ce qui leur manque pour équivaloir à la pensée de l’écrivain, dont il n’a point de connaissance directe, et dont il faut lui faire deviner le degré précis et la nuance exacte.
Elle est l’effort d’une volonté très hautaine et d’un très délicat orgueil.
Kahn, sa « vaste ambition », il se risque, bien témérairement à notre sens, à interdire au poète de l’avenir l’usage de la symbolique gréco-latine ; il effleure là des questions bien délicates d’atavisme et de culture, et nous devons faire toutes réserves de nos droits à disposer selon nos goûts de l’héritage aryen.
Un charme délicat nous pénètre, un subtil parfum, une légère coulée de sons doux et purs.
La récompense de ces modestes travailleurs ne sera pas la gloire ; mais il est des natures douces et calmes, peu agitées de passions et de désirs, peu tourmentées de besoins philosophiques (gardez-vous de croire qu’elles soient pour cela froides et sèches ; au contraire, elles ont souvent une grande concentration et une sensibilité très délicate), qui se contenteraient de cette paisible vie, et qui, au sein d’une honnête aisance et d’une heureuse famille, trouveraient l’atmosphère qu’il faut pour les modestes travaux.
Dire que la chasteté du langage ne doit pas aller au-delà de celle des mœurs, quelque corrompues qu’elles soient, c’est prétendre que la société de mœurs honnêtes est condamnée à entendre et à parler un langage qui respire le mépris de l’honnêteté et de la morale ; c’est avancer que le langage peut mettre à découvert des mœurs que la morale oblige à cacher ; c’est aussi établir en principe que des esprits délicats et polis n’ont pas le droit d’exclure de leur langage des expressions grossières et brutales, et j’observe ici que si la décence est une loi de la morale, c’est aussi une loi du goût.
« Celui qui aime généreusement, ajoute l’auteur de l’Imitation, demeure ferme dans les tentations, et ne se laisse point surprendre aux persuasions artificieuses de son ennemi. » Et c’est cette passion chrétienne, c’est cette querelle immense entre les amours de la terre et les amours du ciel, que Corneille a peint dans cette scène de Polyeucte53 (car ce grand homme, moins délicat que les esprits du jour, n’a pas trouvé le christianisme au-dessous de son génie).
Nous ne connaissons point de mot de sentiment plus délicat que celui-ci : « Mon bonheur eût été d’être aimé aussi bien que d’aimer, car on veut trouver la vie dans ce qu’on aime. » C’est encore saint Augustin qui a dit cette parole : « Une âme contemplative se fait à elle-même une solitude. » La Cité de Dieu, les épîtres et quelques traités du même Père, sont pleins de ces sortes de pensées.
C’est une idée délicate du peintre.
Le plomb dispersé de quelques articles cinglants est, en se ramassant, devenu la balle mortelle d’un livre, — une balle d’argent ou d’or, qui n’en tue pas moins comme la balle de Robin-des-Bois, et même plus sûrement, car elle est mâchée… L’auteur de ce livre, qui aurait dû en fierté délicate se nommer, puisque son livre était une attaque, — (il s’est nommé dans la revue où son travail parut pour la première fois, mais ceux qui maintenant liront le livre n’auront peut-être pas lu la revue), — pourquoi tairions-nous son nom, nous ?
C’est un problème délicat, mais d’économie domestique.
Les habitants de Vouziers, en allant à Paris, s’arrêtaient à Rethel : dans le bureau de la voiture publique, tenu par les tantes de Taine, ils admiraient les guéridons délicats, les vieilles poteries, certain gros vase de thériaque tout fleuri, et une foule d’arbustes rares que les dames soignaient tendrement. » M.
On est à table au milieu d’un luxe délicat, parmi des femmes souriantes et parées, avec des hommes instruits et aimables, dans une société choisie où l’intelligence est prompte et le commerce est sûr. […] Nombre de principes ne sortent pas de l’étage supérieur ; ils y demeurent à l’état de curiosités ; ce sont des mécaniques délicates, ingénieuses, dont volontiers on fait parade, mais dont presque jamais on ne fait emploi. […] L’ironie des Lettres persanes est aussi mesurée que délicate ; l’Esprit des Lois est conservateur.
Avec des sens plus délicats, plus impressionnables, plus raffinés ; avec des sensations plus vives et plus pénétrantes ; avec un goût plus délicat, que tous les objets dont il est entouré blesseraient ou ne pourraient satisfaire ; obligé de vivre toujours dans une sphère qui répugnerait à la perfection de ses organes, il vivrait de souffrance, ou périrait de désir ». […] Il est juste d’ajouter à cette inconstance du poète le sentiment délicat de la gêne que sa présence imposait à une sœur dont l’indigence suffisait à peine à la nourriture de ses deux fils et de ses deux filles.
On ne peut attaquer par trop d’endroits à la fois une production pareille, quand on voit par la préface des Consolations (de Sainte-Beuve) la déplorable émulation qu’elle peut inspirer à un esprit délicat et naturellement juste. […] Les lames de Tolède, les médailles florentines ne sont pas plus acérées ou plus délicates que les strophes qu’il lui plaît d’ouvrer. […] Ferdinand Brunetière Dans la traduction comme dans l’analyse des sentiments un peu particuliers, délicats et subtils, il échouera presque toujours, faute précisément de délicatesse et de subtilité.
Un drame lu paraîtra, aux âmes délicates, plus vivant que le même drame joué, sur un théâtre, par des acteurs vivants. […] Assise ou debout, la jeune fille qu’il a vue séduit par l’aspect d’une délicate et artistique vie. […] Puis il osa peindre de jolis poèmes sans nul sujet décrit, des jeux de nuances, délicates et larges.
Nous sommes plus affinés, plus délicats, plus ingénieux à nous tourmenter, plus habiles à souffrir. […] Il est violent et il est délicat, il est brutal et il est exquis. […] Ce marquis de Cluses a l’esprit médiocrement étendu ; le goût petit, mais délicat, une belle candeur d’âme et un cœur fidèle. […] Et Denon retourne sous le beau ciel de l’Italie où il goûte en délicat la grâce des femmes et la splendeur des arts. […] Une belle jeune fille venant à faire partie de ce gain, le partage devient délicat.
Dans les élégies et les sonnets de Louise Labé, Eros apparaît, certes, tout couvert des armes que la Renaissance pilla pour lui dans l’antique arsenal grec et romain ; cependant la douce Muse Lyonnaise conserve à l’amour ces sentiments délicats et quasi-mystiques dont il a plu au Moyen Âge de le douer. […] C’était le même naturel, plus délicat chez Mellin. […] Il y goûtait, sans doute, au bruit des cascades, le plaisir délicat d’un optimisme mélancolique. […] Que de pensées ingénieuses pourtant et que de sentiments délicats ! […] Émule des Sannazar et des Vida comme poète latin, il a rimé en français plusieurs morceaux charmants, d’un goût délicat, d’une couleur vive, spirituels et enjoués.
C’était un régal parfois indigeste, mais délicat : l’oiseau bleu à la sauce Robert ! […] Et si l’écrivain chez Allais était sympathique par ses qualités solides et simples, l’homme ne l’était pas moins par la bravoure de son caractère et par sa délicate sensibilité. […] Baudelaire en était justement à ce point si délicat de soi-même où se décide l’heure opportune du début. […] Un toit pointu, couvert d’ardoise, le protège où grimpe un rosier dont une délicate petite rose blanche est encore épanouie. […] C’est un état de mélancolie et désir qui est une des sensations spéciales au voyage et dont je goûtais, ce matin-là, la délicate saveur, à la fois ardente et triste.
Vous parlez à des gens sociables, délicats, vaniteux, qu’il faut ménager et flatter. […] Chère âme délaissée, ses pieds délicats se sont déjà froissés aux sentiers de la vie ; chaque jour ses illusions s’effeuillent, et c’est en vain qu’elle les consigne en vers, dans un petit livre relié de velours bleu avec un fermoir d’or, intitulé : Mes Larmes. […] En personne délicate, vraie dilettante et amateur du beau, elle la gronde pour ses yeux battus et son visage pâle. […] À la moindre émotion, ses larmes coulent, ses sentiments frémissent, comme un papillon délicat qu’on écrase dès qu’on le touche. […] Étant à Constantinople, il y a quelques années, pour une mission délicate (les Russes jouaient un double jeu, et de notre côté il devint nécessaire d’envoyer un négociateur supplémentaire), Leckerbiff, pacha de Roumélie, alors premier galéongi de la Porte, donna un banquet diplomatique dans son palais d’été à Bukjédéré.