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1171. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

Le Soleil de la Cathédrale de Cambrai déposera toujours contre la folle opiniâtreté de toute espece de novateurs, & attestera la magnificence & la docilité du Pasteur qui en conçut l’idée & en fit le présent*.

1172. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Elle conçoit moins encore cette énorme Amphitrite que cette Discorde dont les pieds étaient sur la terre et dont la tête allait se cacher dans les cieux.

1173. (1757) Réflexions sur le goût

Tout ce qui appartient non seulement à notre manière de concevoir, mais encore à notre manière de sentir, est le vrai domaine de la philosophie : il serait aussi déraisonnable de la reléguer dans les cieux et de la restreindre au système du monde, que de vouloir borner la poésie à ne parler que des dieux et de l’amour.

1174. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

En vain, pour diminuer sans doute la difficulté d’être un homme, conçut-elle son vicomte de Launay d’une délicatesse et d’une aristocratie approchant de l’aristocratie et de la délicatesse qui restent encore aux femmes de cette heure, et lui donna-t-elle ce ton comme il faut et rare que les hommes d’à présent n’ont plus.

1175. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Elle ne conçoit rien de mieux que Villemain sur Byron, Villemain qui a fait de l’épithète d’homme de goût qu’on lui a tant donnée, une injure !

1176. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Sismondi, qui n’était pas peintre et qui était économiste et philosophe, n’eût pas conçu de cette façon le règne de Louis XVI, et, s’il avait eu le temps de l’écrire, ne l’aurait pas concentré sous ce titre, qui est une manière de voir très entière et très accusée : Louis XVI et sa Cour.

1177. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

On le conçoit très bien.

1178. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Du xe au xiie  siècle, Ernest Semichon n’a vu que l’Église comme il la conçoit, c’est-à-dire le sacerdoce s’opposant à la Féodalité et la crosse finissant par briser l’épée.

1179. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XII. MM. Doublet et Taine »

Mécontent (on le conçoit très bien !)

1180. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Oserai-je dire que je le conçois et que je l’explique ?

1181. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Mais, indépendamment de ses tableaux mesquins de l’autre monde, qui rappellent l’art et la décoration comme les conçoivent les Jésuites, les raisons qui font mouvoir son mysticisme sont, le plus souvent, d’une telle puérilité, qu’on se demande si Dieu accorde de tels dons pour atteindre à de si misérables résultats !

1182. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Eh bien, on conçoit, n’est-il pas vrai ?

1183. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

Quand Vincent de Paul ne serait pas un Saint, on le concevrait encore comme un grand homme de bien, un organisateur, un Napoléon de la bienfaisance.

1184. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Cette école en plastique, et, qu’on me passe le jeu de mots, quelquefois en plaqué, ne conçoit la poésie que comme quelque chose de prodigieusement travaillé, de fouillé, de savant et de difficile.

1185. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

… On a peine à concevoir La Fontaine amoureux comme Werther et Saint-Preux, en supposant que Werther et Saint-Preux soient des types d’amoureux, comme l’Opinion les fait, la bête !

1186. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Certes, on peut concevoir que, dans un but de moralité supérieure, un génie misanthropique ou indigné prenne un coquin pour héros de son livre et en dévoile l’idéal affreux, comme Vautrin, ou la réalité immensément comique, comme Panurge, mais pour cela il faut savoir individualiser.

1187. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

Si la sociologie lato sensu , rejoignant la philosophie de l’histoire, ne peut être qu’une synthèse des sciences sociales particulières, il est permis de concevoir, en attendant l’heure de sa construction, une sociologie, stricto sensu qui serait elle-même une science sociale particulière — la science des formes des sociétés, de leurs causes et de leurs conséquences1.

1188. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Tout ce qui ajoute extérieurement aux forces de l’homme, tout ce qui d’abord double pour lui le temps ou abrège l’espace, doit à la longue profiter au retour de l’âme sur elle-même ; car l’homme, à tout prendre, n’est grand que de ce qu’il a conçu par la pensée et senti par le cœur.

1189. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Ce qu’il avait ainsi conçu et contemplé intérieurement, il avait le don de le communiquer aux autres sous une forme enchanteresse. […] Seulement comprend, conçoit, juge et formule trop vite. […] Il ne concevait même pas qu’une considération personnelle pût arrêter l’expression d’une conviction sérieuse. […] Il conçut immédiatement ses deux cours comme les deux parties inséparables d’un même enseignement. […] Cette seconde partie de l’histoire de France est conçue dans un tout autre esprit et exécutée d’après une tout autre méthode que la première.

1190. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Et puisqu’enfin, si nous en croyons les Mémoires de son fidèle Racan, il n’a guère eu d’idées que sur son art, nous chercherons donc ailleurs que dans son influence les causes d’une transformation qu’il a lui-même éprouvée bien plus qu’il ne l’a faite, ou seulement conçue. […] Du moment que l’écrivain ou le poète, au lieu de s’isoler en eux-mêmes, se mêlaient au monde, et, pour lui plaire, commençaient par accepter la discipline que le monde leur imposait, Richelieu conçut la pensée de faire servir cette docilité nouvelle aux desseins de sa politique. […] Si, par exemple, ils avaient besoin d’un Dieu qui leur fît des loisirs, — et comment, en un temps où l’on ne concevait pas l’idée qu’un écrivain pût vivre de sa plume, s’en seraient-ils passés ?  […] Elles sont universelles ; et on ne conçoit pas qu’elles eussent pu naître ailleurs qu’en France, et au xviie  siècle ! […] Jacqueline Pascal]. — Si Pascal n’a pas conçu dès lors le dessein de ses Pensées, et si l’occasion des Provinciales n’est pas venue le traverser ?

1191. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Le rêve qu’elle avait conçu apparaît avec évidence et dans toute l’étendue de sa naïveté. […] Tandis que nous avons la croyance en Dieu, et que nous en concevons l’idée, il a la sensation de sa présence, converse avec lui et parle en son nom. […] Dans les types les plus significatifs qu’il a créés, Beyle s’est appliqué à personnifier l’énergie ainsi conçue. […] On a besoin d’un effort d’intelligence et surtout de bonne volonté pour concevoir que la littérature puisse encore avoir ici quelque chose à faire. […] C’est un élève régulier, laborieux, probe, assez lent à concevoir, sans aucune espèce de brillant, et particulièrement médiocre dans les examens.

1192. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Le libéralisme ne se conçoit guère sans une critique du libéralisme. […] On conçoit cependant fort bien qu’un livre puisse ne pas aller à des lecteurs, et des livres sans lecteurs ne manquent pas. Mais on ne conçoit guère une critique qui ne vienne pas de lecteurs. […] Sur cette page de Hugo que je viens de citer, on pourra toujours répéter la phrase immortelle de l’abbé Morellet, et dire que cela ne nous fait pas concevoir d’idées nettes et nouvelles. […] Les lois morales sont communes à tous les êtres raisonnables : je puis concevoir, dit à peu près Kant, des êtres raisonnables qui n’aient pas les mêmes mathématiques que nous ; je ne puis en concevoir qui, ayant reçu un bienfait, devraient ne pas en être reconnaissants.

1193. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Dans un premier volume j’ai étudié les penseurs qui avaient vu la Révolution française et qui avaient conçu pour l’avoir connue, soit une profonde aversion pour les nouveautés, soit une vive et tenace espérance, soit un besoin de consolider et d’organiser les conquêtes. […] Ils semblent avoir été conçus par un sceptique redoutable qui a voulu, en montrant successivement toutes les différentes faces de toutes les idées, nous laisser dans l’incertitude absolue de ce que nous devons croire vrai ou probable, ou possible, ou pratique ou impraticable. […] C’est cette façon de concevoir les choses qui a amené sans doute Proudhon à reconnaître le droit de la force. […] Sans croire que le beau ait nécessairement une vertu moralisante, il est très malaisé de concevoir qu’il soit corrupteur par lui-même. […] On conçoit que, s’il se refuse à croire aux lois historiques, il se refuse encore plus à croire à l’idée de progrès, qui est simplement une de ces lois, imaginée par les plus audacieux peut-être des législateurs de l’histoire.

1194. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Si la vertu pouvoit se rendre visible aux hommes, a dit un philosophe, elle paroîtroit si touchante & si belle, que personne ne pourroit lui résister : c’est ainsi que doit la concevoir & celui qui la peint & celui qui en critique la peinture. […] L’un veut des ouvrages hardiment conçus, l’autre en veut de scrupuleusement finis ; l’un est le goût du critique supérieur, l’autre est le goût du critique subalterne. […] Il falloit donc que l’acteur fût enfermé dans une espece de statue colossale, qu’il faisoit mouvoir comme par ressorts ; & dans cette supposition comment concevoir une action libre & naturelle ? […] Il s’est introduit à cet égard un usage aussi difficile à concevoir qu’à détruire. […] La quatrieme consiste dans la négation & l’affirmation, c’est à-dire à désigner d’abord ce qu’une chose n’est pas, pour faire ensuite mieux concevoir ce qu’elle est.

1195. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Celle de Mérimée est bien à lui et si adaptée à son génie propre que l’on ne conçoit même pas qu’il eût pu écrire autrement, comme on ne conçoit pas qu’ayant été la personne qu’il était, il eût pu composer une œuvre autre que celle qu’il nous a laissée. […] Conçus dans les entrailles de leur siècle, tout le cœur humain se remue sous leur enveloppe. […] Cette facilité tient à la manière même dont ses livres ont été conçus. […] Elle a été conçue au lendemain des désastres de 1870. […] L’armée a grandi sur le type conçu par Roon et Moltke.

1196. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

On n’a peut-être jamais été fort curieux de savoir pourquoi Corneille avait composé Pompée : il a sans doute obéi à l’impulsion de son rare génie quand il a conçu l’idée de remplir une tragédie du nom d’un héros mort, et de montrer au spectateur, dans des narrations, ce qu’il ne pouvait pas exposer à ses yeux. […] On a de la peine à concevoir comment M. de La Harpe se montre si délicat, si scrupuleux sur la vraisemblance, tandis qu’il devait être aguerri, et même blasé sur les absurdités par la lecture de son poète favori, le moins raisonnable de tous les poètes. […] Je ne conçois pas comment Voltaire a voulu défigurer, par une fausse interprétation, l’opinion de Racine, si ce n’est pour avoir une occasion de mettre sur son compte le mal qu’il n’ose pas dire lui-même d’Héraclius. […] Aujourd’hui les spectateurs de ces grands bouleversements, de ces terribles catastrophes qui ont changé la face de l’empire français, ne se regardent plus comme étrangers au gouvernement, et conçoivent qu’il y a de plus grands malheurs dans le monde que celui de n’être pas aimé de sa maîtresse. […] Il faut compter que le spectateur aime le héros avec délicatesse, et que la moindre chose qui blesse l’idée qu’il en a conçue, lui est infiniment désagréable.

1197. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

On conçoit donc qu’elle prête à Hélène de la rancune. […] Maurice Rostand n’aime que les maladies de l’âme, on conçoit qu’il goûte peu ces deux grands hommes. […] On conçoit pourtant jusqu’à un certain point qu’il l’envoie promener. […] Qu’un dévot ose ce langage, on peut le concevoir : d’un incrédule avoué, c’est stupéfiant. […] Mais on conçoit que le milieu nègre fit valoir ses lectures par contraste.

1198. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Vous en concevez l’utilité, ô bourgeois, — législateurs, ou commerçants, — quand la septième ou la huitième heure sonnée incline votre tête fatiguée vers les braises du foyer et les oreillards du fauteuil. […] Lui seul, peut-être, dans notre siècle incrédule, a conçu des tableaux de religion qui n’étaient ni vides et froids comme des œuvres de concours, ni pédants, mystiques ou néo-chrétiens, comme ceux de tous ces philosophes de l’art qui font de la religion une science d’archaïsme, et croient nécessaire de posséder avant tout la symbolique et le traditions primitives pour remuer et faire chanter la corde religieuse. […] Le morceau y est bien conçu, exécuté facilement et tout d’une haleine ; mais leurs portraits sont souvent entachés d’une afféterie prétentieuse et maladroite. […] Haffner, — noyé dans le gris et resplendissant de mystère, — qui, au Salon dernier, avait fait concevoir de si hautes espérances à tous les connaisseurs. […] J’ai entendu dire à un poëte ordinaire de la Comédie-Française que les romans de Balzac lui serraient le cœur et lui inspiraient du dégoût ; que, pour son compte, il ne concevait pas que des amoureux vécussent d’autre chose que du parfum des fleurs et des pleurs de l’aurore.

1199. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Mais quelque chose de ce pouvoir peut rester diffus dans le reste de l’organisme, comme le prouvent les faits de régénération, et l’on conçoit que, dans certains cas privilégiés, la faculté subsiste intégralement à l’état latent et se manifeste à la première occasion. […] Mais, dans le temps ainsi conçu, comment se représenter une évolution, c’est-à-dire le trait caractéristique de la vie ? […] et « ceci » et « cela » et « autre chose » sont toujours pour nous du déjà conçu, du déjà connu. […] On conçoit, en effet, que le même effort pour tirer parti des mêmes circonstances aboutisse au même résultat, surtout si le problème posé par les circonstances extérieures est de ceux qui n’admettent qu’une solution. […] Mais il faudrait une infinité d’éléments infiniment petits, présentant une infinité de nuances, pour obtenir l’exact équivalent de cette figure que l’artiste à conçue comme une chose simple, qu’il a voulu transporter en bloc sur la toile, et qui est d’autant plus achevée qu’elle apparaît mieux comme la projection d’une intuition indivisible.

1200. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

En effet, la substance identique et impersonnelle de Dieu se dissout dans la mythologie en un cercle de divinités différentes et même contradictoires, qui sont autant de personnes morales, et comme l’antiquité païenne ne conçoit pas encore la personne morale sous la forme de l’esprit immatériel, ces divinités ont un corps ; dès lors elles sont sujettes à toutes les passions humaines208. […] Le dégoût que conçoit un grand cœur au spectacle de la corruption et de la servitude, tel est le sentiment qui leur a inspiré leurs plus éloquents discours en vers, tel est aussi le lieu commun qui résonne dans leurs plus creuses déclamations. […] Au lieu d’être simplement l’organe fidèle de l’idée qu’il a conçue, l’humoriste, dans l’ivresse du pouvoir arbitraire et des droits superbes de l’esprit, s’érige en dominateur de l’idéal, change à son gré l’ordre normal des choses, foule aux pieds la nature, la règle et la coutume, efface, éclipse, annule sa propre conception par l’éblouissant éclat de ses caprices, et n’est satisfait que lorsque son tableau, vide d’intérêt, vide de substance, sans vérité comme sans unité, présente à nos regards fatigués et distraits le spectacle à la fois changeant et monotone d’un chaos fantastique, où tout se mêle, s’entrechoque et se détruit.

1201. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Le plan de la campagne conçu par Napoléon à loisir et pertinemment exposé par M.  […] On avait lu aux troupes, qui étaient pleines d’ardeur, une proclamation courte et énergique, conçue dans les termes suivants : « “Soldats, la seconde guerre de Pologne est commencée…” » « Ainsi le sort en était jeté ! […] Mais la gloire pour le chef qui conçoit et qui exécute la perte de sept cent mille hommes pour une cause absurde, et par une poursuite insensée d’un but qu’il ne peut ni atteindre ni conserver, est-ce là le mot dont un écrivain philosophe doit décorer la folie meurtrière d’un conquérant ?

1202. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

L’épopée s’anime et devient le drame le plus miraculeux, le plus naturel et le plus surnaturel de tous les drames conçus par le génie religieux de l’humanité. […] Sublime idée, détails plus touchants et plus sublimes encore : Marguerite dépasse en tendresse, en innocence, en joie, en larmes, tout ce que la poésie de tous les âges a jamais conçu. […] On conçoit que les hommes de son temps se soient inclinés devant Goethe et consacrés à l’écouter dans le désert de sa vieillesse, et que, plus ils étaient grands et forts eux-mêmes, plus ils se sont volontairement abaissés devant lui.

1203. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Et de même, quand Newton conçoit le système du monde, il faut que la nature et la suite de ses idées correspondent à la nature et à l’enchaînement des phénomènes réels ; il faut que ce qui est en lui s’ajuste à ce qui est hors de lui. […] Ceux qui ne parviennent pas à se réaliser, restent à l’état de simples tendances, c’est-à-dire de mouvements simplement conçus ; et ces impressions internes en suscitant d’autres, ainsi se forme cette succession d’idées régulière ou irrégulière que nous appelons mémoire. […] On le voit clairement dans cette oscillation entre deux états, qui constitue la forme de conscience la plus simple qu’on puisse concevoir ; on le voit aussi dans ces pensées très complexes des hommes les plus savants.

1204. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Le poète pindarique s’adresse, dans sa pensée et dans ses œuvres, à l’auditoire le plus vaste, le plus élevé de cœur et d’esprit, le plus universel et le plus éternel qu’il puisse concevoir. […] Tout est conçu lentement dans son esprit, porté longtemps dans sa méditation, aiguisé à loisir par sa sagacité, poli jusqu’au scrupule par son goût, combiné pour l’effet qu’il veut produire, adapté à l’air populaire le plus propre à faire danser les paroles, rire le refrain, vibrer les couplets ; puis tout est lancé par le poète à son adresse avec la sûreté du coup d’œil et du doigt de la brodeuse de dentelle qui lance le fil aminci sur les lèvres dans l’œil de l’aiguille. […] Cela se conçoit ; on s’attache à ce que l’on fréquente.

1205. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Est-elle même conçue et réalisée dans un système de traduction irréprochable ? […] Or, excepté la minute où le grand artiste, l’homme inspiré, le poète, est, par l’intensité de sa conception, le personnage qu’il conçoit et auquel il donne la vie, excepté pendant cet éclair de la conception, Shakespeare n’avait, certes ! […] » Que Cuvier, dont l’idée nous porte à la tête et nous grise, ait retrouvé des espèces perdues, cela se conçoit : il allait du connu à l’inconnu, du même au même, — non au différent, — et il tenait dans deux doigts de sa main un petit os, base de ses inductions sublimes.

1206. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Et j’ai même conçu le téméraire dessein de légitimer mon « incroyance », au cours de ces pages, par un exposé d’histoire qui ne manque pas de signification. […] Le savant… S’il faut entendre par science l’investigation en tous sens de la nature et la fixation progressive de ses lois, personne n’essayera de nous contredire, si nous affirmons que Bossuet professa toujours pour un aussi vain et insolent savoir le plus orgueilleux mépris qu’il soit possible à un catholique de concevoir pour tout ce qu’enfantent la terre et l’homme. […] Aussi le voyons-nous, au cours de tous ses ouvrages, de tous ses sermons et de toutes ses oraisons, inonder Louis XIV des flatteries les plus basses et les plus insensées qu’il soit possible à l’esprit courtisanesque de concevoir.

1207. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

Si le Temps attribué par Pierre au système de Paul n’est vécu ni par Pierre ni par Paul ni par qui que ce soit, est-il du moins conçu par Pierre comme vécu ou pouvant être vécu par Paul, ou plus généralement par quelqu’un, ou plus généralement encore par quelque chose ? […] Ainsi, en résumé, tandis que le temps attribué par Pierre à son propre système est le temps par lui vécu, le temps que Pierre attribue au système de Paul n’est ni le temps vécu par Pierre, ni le temps vécu par Paul, ni un temps que Pierre conçoive comme vécu ou pouvant être vécu par Paul vivant et conscient. […] Mais il veut aider le philosophe dans sa tâche ; et jamais son regard ne se détache de la ligne mouvante de démarcation qui sépare le symbolique du réel, le conçu du perçu.

1208. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

N’aurait-il pas pour effet possible de lui offrir l’idéal permanent des sentiments de fils, de frère, d’amant, de prêtre évangélique, comme toute belle âme non tourmentée les conçoit encore ? […] Après un court voyage à Paris (vers 1800), où il retrouve, sans lui parler, Laurence en proie aux dissipations du monde, et après avoir aussi conçu une rapide et profonde idée de la renaissance du siècle, Jocelyn s’enfuit à la hâte vers ses montagnes et se replonge en cet air âpre et vivifiant dont il a besoin pour ne pas défaillir.

1209. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

La voici : N’admirez tant que la belle Cordière D’Amour en elle ait conçu tout le feu : Son bon mari qui n’entendoit le jeu Chez lui tenoit fabrique journalière, Grand magasin de câbles et d’agrès, Croyant le tout étranger à la Dame ; Mais Amour vint, la malice dans l’âme, Choisit la corde et n’y mit que les traits3. […] Son précédent sonnet et sa manière en général de concevoir la Vénus éternelle m’ont rappelé un très-beau fragment de Sophocle, assez peu connu, que nous a conservé Stobée11.

1210. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

L’examen des manuscrits restants m’a rendu cette supposition de plus en plus difficile à concevoir. […] Bref, je me borne à dire, sur les trois portefeuilles, que je ne les ai jamais bien conçus ; qu’aujourd’hui que j’ai vu l’unique, c’est moins que jamais mon impression de croire aux autres, et que j’ai en cela pour garant l’opinion formelle de M. 

1211. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

… Nous ne concevons pas que tant de gens de conscience se jettent dans les affaires politiques, et poussent le char de notre fortune dans un sens ou dans un autre, avant d’avoir songé à se poser ces grandes questions…. […] On le conçoit ; dans ses habitudes de pensée et de parole, il a besoin d’espace et de temps pour se dérouler, et de silence en face de lui.

1212. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

XIII Il arriva ceci : c’est que tous les cabinets européens sans exception, les plus hostiles à la France, et surtout à la France sous la dénomination de république, eurent la bouche fermée et la main désarmée par cette déclaration d’inviolabilité de tous les territoires, de tous les gouvernements et de tous les traités, même les plus onéreux pour la France ; c’est qu’aucun gouvernement, monarchique, représentatif ou républicain, n’eut le prétexte d’appeler ses peuples aux armes contre une république qui respectait chez les autres les inviolabilités inoffensives qu’elle revendiquait pour elle ; c’est que les peuples, au lieu de s’indigner et de se lever contre une France conquérante ou menaçante de leurs foyers, conçurent une partialité bienveillante pour une France respectueuse envers tous les territoires et envers toutes les formes d’institutions nationales des autres contrées ; c’est que cette loyauté équitable de la France popularisa à l’instant le nom de la nouvelle république dans toute l’Europe, et prédisposa, sans aucune immixtion propagandiste du cabinet républicain, tous les peuples voisins à se donner des institutions représentatives modelées de plus ou moins près sur la France ; c’est que Berlin, Vienne, Turin, Milan, Naples, Rome, Florence, Londres même et Dublin s’émurent d’une sympathie spontanée pour la France ; c’est que, bien loin de pouvoir penser à former des coalitions nationales contre nous, les princes et les gouvernements eurent assez à faire pour se préserver eux-mêmes du contrecoup de notre sagesse ; c’est qu’enfin, après trois mois seulement d’une telle diplomatie pratiquée religieusement dans le cabinet français, la France n’avait qu’à choisir entre tous les systèmes d’alliances qu’il lui conviendrait d’adopter. […] L’incursion en Belgique fut avortée aussitôt que conçue, par l’entente loyale entre les deux gouvernements.

1213. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Elle en conçut une très vive pour ma femme et pour moi. […] XLVII Après tout un été passé ainsi dans l’intimité de ces princesses et du prince, on conçoit aisément que je ne puisse être impartial sur le sort de ces souverains, qui descendaient du trône pour s’entretenir avec un poète, et pour méditer tout bas le bonheur des peuples qui leur étaient confiés.

1214. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Là commence son rôle vraiment politique : il conçut la pensée de rallier l’armée française à la monarchie des Bourbons, en lui fournissant l’occasion de combattre contre la révolution d’Espagne. […] On conçoit ce culte quand on le compare aux petitesses qui l’entourent.

1215. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

En d’autres termes, on lui avait montré la pratique, et on lui avait enseigné le droit comme un métier : il eût fallu, pour l’y intéresser, le lui présenter comme une science, lui en expliquer la philosophie, seule capable de satisfaire cette intelligence, qui ne voulait concevoir que l’universel. […] Par elles, il pouvait ne travailler que pour lui, c’est-à-dire pour l’idéal qu’il avait conçu.

1216. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Amyot eut cette sorte de génie, qu’il sentit avec une admirable justesse tout ce que l’esprit français développé par cette première culture de l’antiquité, pouvait concevoir et exprimer d’idées générales, et qu’en traduisant un des écrivains de l’antiquité les plus riches en idées de cet ordre, il s’arrêta toujours au point juste où le génie de notre langue aurait résisté. […] S’il a rarement l’espèce de beautés supérieures qui naissent d’un plan fortement conçu et d’un sujet traité en rigueur, ni cette perfection intérieure et secrète de l’ensemble qui se fait sentir par la réflexion, il a une diversité infinie de pensées justes, délicates profondes, qui sont comme des lumières répandues sur tout le domaine de la pensée.

1217. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Taine conçoit l’histoire comme Guy de Maupassant concevait le style et les descriptions.

1218. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Il faut donc, comme Wagner le demande, que le poème, la musique et le décor se complètent l’un l’autre, que l’un soit conçu pour l’autre et qu’ils constituent, en leur trinité, une œuvre une et parfaite. […] Encore un coup, le wagnérisme, tel que nous le concevons, c’est le retour à la logique et à l’humaine vérité.

1219. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Enfin, le livre est conçu dans un esprit d’impartialité : les auteurs, qui sont de dévoués admirateurs de l’œuvre Wagnérienne, n’ont pourtant pas fait une apologie ; et leur ouvrage, qui contient des critiques, est finalement, très favorable. […] Laissons donc à ce bien heureux Bellini la forme de ses morceaux de musique, usuelle chez les Italiens, ses crescendi qui suivent régulièrement le thème, ses tutties, ses cadences, et ses autres formules constantes contre lesquelles nous nous fâchons si violemment ; ce sont des formes fixes que l’Italien ne conçoit pas autrement, et qui, sous bien des rapports, ne sont pas du tout aussi regrettables.

1220. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Dans ces pays, il paraîtrait aussi, que pour les rôles de criminel, les directeurs de théâtre sont en quête d’un vrai criminel, et quand il s’agit de jouer Macbeth, on fait des propositions d’engagement à une empoisonneuse, au moment de sortir de prison : et l’on voit des affiches ainsi conçues : Le rôle sera rempli par Mme X***, et entre parenthèses (10 ans de travaux forcés). […] Dimanche 15 juillet Une élégante, chez laquelle je me trouvais, après avoir pendant un quart d’heure blagué la maladie du comte de Chambord, et sa mort future, termine par cette phrase : « J’ai commandé une robe noire, que je porterai, si je ne suis pas en province… vous concevez, à Paris, n’être pas en noir… moi, ce serait ridicule. » Mardi 17 juillet Pendant que j’attendais des livres, dans la salle de lecture de la bibliothèque, je regardais un bossu : tout le haut de la tête d’un bossu, est dans le bas de sa mâchoire.

1221. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

En remontant encore plus haut, on peut voir, par l’exposition des Cœphores, comment Eschyle avait conçu la tragédie. […] Les meilleurs poètes conçurent leurs épisodes de la sorte, et les tirèrent d’une même action ; pratique si généralement établie du temps d’Aristote, qu’il en a fait une règle : en sorte qu’on nommait simplement tragédies, les pièces où l’unité de ces épisodes était observée, et tragédies épisodiques, celles où elle était négligée.

1222. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

D’aptitude spontanée et incontestable, l’auteur des Révolutions d’Italie était un homme de forte imagination et de pénétration littéraire, et il n’est pas permis d’en douter, quand on a lu son livre d’aujourd’hui, et qu’on en a comparé les meilleures pages historiques aux quelques fragments de littérature qu’il a introduits dans son travail, car l’histoire, telle que nous autres modernes la concevons, est une véritable encyclopédie. […] Ainsi donc, beaucoup de talent et un talent très spécial, très particulier, très difficile à classer surtout, voilà ce qui distingue l’auteur de l’Histoire de la Raison d’État, mais ce n’est ni le talent d’un philosophe, ni même celui d’un historien, quoiqu’il y ait là une puissance de déduction à faire bien les affaires d’une philosophie, si la tête de l’auteur pouvait en concevoir les principes, et quoiqu’il y ait en même temps une étendue de coup d’œil et de connaissance et une faculté de rapprochement à faire tout aussi bien les affaires d’une histoire.

1223. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Ce n’est point un enfant, parce qu’il a dix ans de moins qu’elle, mais parce qu’il n’a ni force de volonté, ni principe, ni manière à lui de concevoir la vie, ni rien, enfin, de ce qui constitue en bien ou en mal la virilité morale d’un homme. […] L’auteur de Fanny avait été accusé naguère d’appartenir au réalisme, non pas au réalisme du fond de la tonne, mais de la surface et des bords, et probablement humilié (et on le conçoit) d’être la fleur d’un pareil panier, il a voulu montrer comment il entendait l’idéalisme dans la forme et la poésie dans la prose.

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