De tels engagements paraissaient tout simples il y a trente ans, lorsque le commun et ardent amour de l’art faisait fraterniser entre eux les artistes de toutes armes, de la plume, du pinceau, de l’ébauchoir et du piano. […] Jules Barbey d’Aurevilly Nous aimons à louer, avec ferveur et sympathie, un talent très réel, très ému, très naturel et aussi très cultivé, mais il faut bien reconnaître que M. de Châtillon, triple artiste, peintre, sculpteur et poète, qui n’est pas un jeune homme sans expérience, et dont le début pour le public n’est pas un début pour la muse, n’a pas su préserver un talent d’une inexprimable délicatesse, des épaisseurs et des grossièretés de l’art de son temps.
Vainement me serais-je efforcé de ne regarder leurs œuvres que par le côté de l’art ; le philosophe invoqué par l’esprit d’anarchie m’aurait caché l’écrivain supérieur. Je me suis donc abstenu, attendant que l’ordre, rétabli dans la société et dans les esprits, me permît de les juger, non comme des auxiliaires appelés en de mauvais jours pour des œuvres de destruction, mais comme des maîtres de l’art et comme les guides de l’esprit humain au dix-huitième siècle.
Il commence par examiner quelle est la nature des Arts, quelles en sont les parties & les différences essentielles ; il fait voir ensuite que leur unique but ne tend qu’à cette imitation nécessaire, & qu’ils ne different entre eux que par les moyens qu’ils emploient pour y arriver. Le sentiment vient à l’appui de son systême, & lui fournit des observations pour prouver que le goût, dans les Arts, ne sauroit subsister sans l’imitation, dont il n’est lui-même qu’une conséquence.
Il eut l’art de rappeler les grandes machines, si négligées depuis Quinault. […] Des sentimens nobles & fermes, l’amour de la Patrie, le triomphe des Arts, le danger du vice, le tableau des vertus, la terreur du crime, l’amour de l’humanité, &c. ne sont-ils pas des sujets capables d’occuper comme d’embellir la Scene ?
Gibert, est peut-être le meilleur Livre que nous ayons sur le bel art de persuader & de convaincre. […] Il y est peut-être moins érudit & moins profond, que le Professeur du Collége Mazarin dans sa Rhétorique ; mais il est plus élégant, plus moëlleux, plus piquant, plus instructif, plus didactique ; il a l’art d’insinuer ce qu’il enseigne.
Qui veut la liberté de l’art doit vouloir la liberté de la critique ; et les luttes sont toujours bonnes. […] Les personnes que préoccupent ces graves questions d’art et de poésie ont semblé choisir un moment ses ouvrages comme une arène, pour y lutter.
Personne n’entend comme Boucher l’art de la lumière et des ombres. Il est fait pour tourner la tête à deux sortes de gens ; son élégance, sa mignardise, sa galanterie romanesque, sa coquetterie, son goût, sa facilité, sa variété, son éclat, ses carnations fardées ; sa débauche, doivent captiver les petits-maîtres, les petites femmes, les jeunes gens, les gens du monde, la foule de ceux qui sont étrangers au vrai goût, à la vérité, aux idées justes, à la sévérité de l’art ; comment résisteraient-ils au saillant, au libertinage, à l’éclat, aux pompons, aux tétons, aux fesses, à l’épigramme de Boucher.
Art et style de Pascal. — 5. […] Il y a là un art singulier de traduire les idées abstraites en actes, en gestes, en accents, en un mot une réelle force d’imagination dramatique. […] C’est une œuvre d’art aussi, d’un art qui s’emploie à manifester uniquement la raison. […] Il a l’art surtout de les saisir en profondeur. […] Art. 1.
. — L’Art d’être grand-père (1877). — Histoire d’un crime (1877). — Discours pour Voltaire (1878). — Le Pape (1878). — La Pitié suprême (1879). — L’Âne (1880). — Religion et Religions (1880). — Les Quatre Vents de l’Esprit (1882) […] Mais il a l’air de croire qu’elle s’est méprise dans son enthousiasme et que le véritable régénérateur de l’art n’est pas venu. […] Hugo ne dit pas quand… Ce que nous avons dit à l’occasion d’Hernani s’appliquera à beaucoup de productions du même genre, et nous n’aurons plus à revenir sur la question principale : la liberté dans l’art réclamée au même titre que la liberté dans la société. […] Victor Hugo une qualité, la plus grande, la plus rare de toutes dans les arts : la force ! […] Hugo était devenu un symbole, un principe, une affirmation, l’affirmation de l’idéalisme et de l’art libre.
Ses Stances sur la solitude, fort au-dessus de celles de Saint-Amand, & son Poëme sur l’art de prêcher l’avoient déjà mis en quelque réputation. […] Pourquoi borner son aimable pouvoir, Et lui ravir l’art de nous émouvoir ? […] Riccoboni a traité son art plus mal encore que La Mothe n’a traité celui des vers. […] C’est ainsi que cet auteur, qui posséde si bien son art, mais que son art n’aveugle point, sçait réunir les intérêts de l’homme de lettres, du philosophe & du chrétien. […] Le Flamen ne se doutoit pas que l’art de Térence fut celui de Locuste.
Elle mérite d’être appelée classique, s’il est vrai que l’art classique soit celui qui ne prétend pas tirer de l’effet plus qu’il n’a mis dans la cause. […] Pour bien lire, il suffit de posséder la partie intellectuelle de l’art du comédien ; mais pour bien jouer, il faut être comédien de toute son âme et dans toute sa personne. […] « Tous les arts sont frères » : dans cette phrase le mot « frère » est pris métaphoriquement pour désigner une ressemblance plus ou moins profonde. […] Prudhomme : « Tous les arts sont sœurs. » « Il court après l’esprit », disait-on devant Boufflers d’un prétentieux personnage. […] Nous nous proposons, en effet, d’étudier les caractères comiques, ou plutôt de déterminer les conditions essentielles de la comédie de caractère, mais en tâchant que cette étude contribue à nous faire comprendre la vraie nature de l’art, ainsi que le rapport général de l’art à la vie.
… L’art de M. […] Tant d’art, et avec tant de naturel ! […] Quel art charmant, d’une merveilleuse prestesse ! […] Tel fut son art : et le roman, plutôt qu’une science, est un art ; l’histoire en est un. […] Les difficultés ne le rebutaient pas ; il avait l’art de réussir, mais non pas l’art de se contenter.
Un peu plus loin, Théagès dit qu’il veut apprendre l’art du commandement pour être le chef de l’État. […] Il est si novice dans l’art de raisonner, qu’il comprend à peine ce qu’on lui demande. […] La philosophie, la science, l’art, la critique nous ont surchargés de leurs découvertes et de leur jargon. […] Il faut que l’histoire soit respectueuse et que l’art soit original. […] Les sciences physiques ont fait jaillir des arts et des industries entières.
Quand le portrait énergique qu’il y trace des prétendus Philosophes de nos jours, & la sublime Prosopopée où il représente le Dauphin s’adressant à la Religion, ne justifieroient pas notre jugement, les persécutions qu’il a essuyées en entrant dans la carriere de la part des ennemis que lui a suscités la jalousie, ces persécutions suffiroient pour prouver sa supériorité ; & véritablement peu d’hommes ont débuté avec plus d’éclat dans l’art de l’Eloquence, & y ont acquis, plus jeunes, des titres à l’admiration. […] Par mes bienfaits, j’enchaînerai leurs cœurs ; par tes leçons sublimes, tu les épureras ; par mes soins, je contiendrai les vices ; par ta force divine, tu feras germer les vertus ; j’encouragerai les arts, tu formeras les mœurs ; je ferai respecter la justice, tu en inspireras l’amour ; tu parleras quand les Loix se tairont ; & si jamais l’oubli des saints devoirs, si l’ivresse de la puissance pouvoit jamais m’égarer moi-même, alors tonne du haut des Cieux, remplis mon ame d’un effroi salutaire, rappelle-moi à mes sermens ; & que, traîné devant ton Tribunal, je reconnoisse qu’en toi seule les Princes ont un Juge, & les Peuples un vengeur ».
Il écrit avec noblesse, & souvent avec élégance ; il a l’art de présenter les faits d’une maniere intéressante ; on voit qu’il est plein de sagacité dans la Critique, judicieux & quelquefois profond dans ses Réflexions, toujours vrai dans ses Récits. Mais qu’il nous soit permis d’observer que les mœurs de la Nation, l’état des Arts & des Sciences, les usages des différentes classes de Citoyens, devenus si intéressans sous la plume de MM.
Il faut encore posséder l'art d'enchaîner naturellement les Scenes, d'exposer des caracteres variés & soutenus, d'amener des situations comiques qui sortent du sujet, de plaire enfin au Spectateur, sans l'égarer dans des routes nouvelles, & par-là même suspectes. […] Ainsi, pourvu qu'ils viennent à bout de se procurer une gloire éphémere, ils ne craignent pas de dégrader le talent, en détruisant l'Art même, qui se perd quand il sort de ses limites.
Ce grand art est cultivé avec tant de soin aujourd hui qu’il seroit honteux d’en ignorer les principes. […] L’Art de tenir les Livres à doubles parties, in-fol. par Samuel Ricard : bon ouvrage & peu commun.
En cela, il commet la gaucherie d’art qu’avait commise avant lui une femme d’un grand talent fantastique, cette Anne Radcliffe qui avait sous sa pâleur sinistre et idéale quelques gouttes du sang de Shakespeare. […] L’artifice a remplacé l’Art. […] Dans le pays de la plus cynique utilité, il ne vit que la beauté, la beauté par elle-même, la beauté oisive, inféconde, l’art pour l’art. […] Victor Hugo, traître à cet art pour l’art qui ne fut jamais pour lui qu’une religion de préface, et qui, en vieillissant, a livré sa Muse à de bien autres préoccupations ; Victor Hugo, même aux plus chaudes années de sa jeunesse, est bien tiède et bien transi dans son amour fanfaron de la forme et de la beauté, en comparaison d’Edgar Poe, de ce poète et de cet inventeur qui a la frénésie patiente, quand il s’agit de donner à son œuvre le fini… qui est son seul infini, hélas ! […] Tout cela — des contes d’ogre pour des enfants qui se croient des hommes — n’a qu’une prise d’un moment sur l’imagination du lecteur, et manque, comme impression d’Art, de profondeur et de vraie beauté.
Mais, dans cette perte de l’art et de sa gracieuse élégance, on sent parfois encore palpiter l’âme poétique : « Toi qui reçus la salutation de l’Ange et enfantas le Créateur198, ô Vierge ! […] Ce fut alors qu’un rhéteur célèbre de Béryte et de Laodicée, devenu prêtre de l’Évangile après la mort d’une femme qui lui laissait un fils né comme lui pour l’enthousiasme et les arts, employa son ardeur, sa facilité de génie à dépouiller, pour ainsi dire, l’ancienne imagination grecque au profit d’une autre croyance, se servant de chacune de ces belles formes de l’art païen, comme d’un vase précieux qu’il dérobât pour y verser le vin nouveau de la foi. […] Mais l’art n’était pas l’objet du poëte : il épanchait ses craintes, ses douleurs, ses méditations chrétiennes de chaque jour, et s’inquiétait peu des fréquentes répétitions, qui n’étaient que l’écho de sa foi. […] On peut le croire : l’âme contemplative, la noble imagination si charmée des arts de la Grèce avait encore pénétré bien peu dans la sévérité du dogme chrétien, lorsque lui échappaient ces vers. […] Il appartient à l’art, en quelque sorte, plus qu’à la religion ; et cependant cet art, qu’il aimait, et auquel les épreuves et les émotions de sa vie le ramenaient sans cesse, ne nous a laissé que des chants religieux : ni les maux de sa patrie ni ses douleurs privées ne se retrouvent dans ses vers.
Ceux qui ont transmis les paroles du maître, à commencer par saint Matthieu le publicain, l’apôtre de la onzième heure, n’étaient pas des écrivains de profession ; il convenait même au rôle qu’ils remplissaient qu’ils ne le fussent pas, qu’ils n’eussent rien de la rhétorique ni de l’art des Grecs. […] Il n’y a pas d’art exactement contemporain de cette prédication simple et qui en soit l’expression fidèle. […] Quel rapport y a-t-il, je vous le demande, entre la parole de Jésus et l’art romain sous Léon X ? […] Quant à revenir aux Catacombes, ce serait prendre un grand parti et certainement se rapprocher de Jésus ; mais l’idée d’un tel art est encore à l’état archéologique, et l’Imprimerie Impériale, dont l’objet essentiel est la typographie, et pour qui l’ornementation n’est que l’accessoire, ne pouvait ni ne devait, quand elle en aurait eu le temps, hasarder une telle nouveauté. […] — L’Imprimerie Impériale, qui, dans cette affaire, est allée par le grand chemin, une fois mise hors de cause, la question générale reste entière : Quel est l’art, le style de dessin, le plus convenable à employer dans l’accompagnement et l’encadrement des textes sacrés évangéliques ?
— 1836 Depuis six ans environ, il s’est fait un assez bon nombre de tentatives poétiques pour sortir du genre qu’on pourrait appeler élégiaque, lyrique, individuel, du genre de l’art pour l’art, de ces deux cercles voisins l’un de l’autre et où se dessinent hautement Gœthe et Byron. […] Cette comparaison doit donner de la modestie aux poëtes qui réussissent, à l’égard de leurs généreux frères qui échouent ; mais elle doit donner aussi à penser à ces derniers : dans les arts, dans la poésie, rien ne dure, rien n’est véritablement beau, sans la qualité de finesse. […] Du reste, dans cette épopée, la partie d’imagination populaire serait remise à sa place ; elle pourrait se faire jour par endroits, ou circuler dans le tout avec art, mais sans masquer jamais les événements réels et les situations historiques. […] Ses vers me semblent une levée en masse, indisciplinée, orageuse, ardente ; même lorsqu’il triomphe, c’est par le nombre et l’impétuosité, par la bravoure du talent plutôt que par l’art, à la manière d’une invasion d’Arabes quand il est brillant, d’une invasion de Huns ou de Hulans quand il est sombre : ce ne sont pas des victoires romaines.
Pas un mot de politique, ceci seulement : quand on est bien persuadé (et c’est peut-être fort triste) que l’art de gouverner les hommes n’a pas dû changer malgré nos grands progrès, et que, moyennant ou nonobstant les divers appareils plus ou moins représentatifs et soi-disant vrais, au fond cet art, ce grand art, et le premier de tous, de mener la société à bien, de la conserver d’abord, de l’améliorer et de l’agrandir s’il se peut, ne se pratique jamais directement avec succès qu’en vertu de certains résultats secrets d’expérience, très-rigoureux, très-sévères dans leur équité, très-peu optimistes enfin, on en vient à être, non pas indifférent, mais assez indulgent pour les oppositions de systèmes plus apparentes que réelles, et à accorder beaucoup, au moins quand on n’est que simple amateur, à la façon : je rentre, on le voit, en pleine littérature. […] Molé, au début de son discours, a parlé avec modestie, avec émotion, des jours de son enfance et des enseignements littéraires réguliers qui, a-t-il dit, lui ont manqué. « Vous, les maîtres de l’art d’écrire et de la parole, la chaîne des temps n’a pas été interrompue pour vous ; avant d’exceller vous-mêmes, vous avez appris. […] Il avait déjà trouvé, par piété filiale, dans ses journées passées aux sections, quelque chose de l’art d’aborder, de deviner, de manier les hommes.
Son art, c’est de battre l’ennemi avec ses propres troupes. […] Tout leur secret était renfermé dans l’art de plaire. […] Son art est de déplaire. […] Il n’avait d’autre refuge que l’Art. […] « L’Art, disait-il, est supérieur à la Nature qui se répète.
I Les procédés d’art de M. […] Huysmans est seul à posséder, l’art de rendre véridiquement la conversation, d’écrire en style parlé les dires d’un concierge, ou les bavardages de deux artistes ; assurément le réalisme de M. […] Par d’adroites combinaisons de choses réelles, en éliminant tout ce qui dans l’art et la nature, était pour lui dénué d’émotion agréable, il a créé des visions et des perceptions artificielles, qui, élaborées de propos délibéré, se sont trouvées en harmonie parfaite avec ses facultés réceptives et les aptitutes de son style. Il semble ici que la limite de l’art de voir et de rendre est atteinte. […] Tous ces traits du pessimisme, connus déjà, sont rassemblés, coordonnés, caractérisés et montrés avec un art merveilleux et pénétrant dans les livres de M.
L’effet général de ce tableau blesse les yeux, c’est un exemple de l’art de papilloter en grand. […] La scène entière est ordonnée d’enthousiasme ; tout y est bien d’action et de position, rien n’y manque que l’intelligence et le pinceau de Rubens, la magie de l’art, la distinction des plans, de la profondeur. […] J’avoue toutefois que s’il fut jamais permis à la peinture d’employer l’allégorie, c’est dans un triomphe de la justice, personnage allégorique, à moins qu’on ne poussât la sévérité jusqu’à proscrire ces sortes de sujets, sévérité qui achèverait de restreindre les bornes de l’art, qui ne sont déjà que trop étroites, de nous priver d’une infinité de belles compositions à faire, et d’écarter nos yeux d’une multitude d’autres qui sont sorties de la main des plus grands maîtres. […] Vous possédez les règles de la composition ; vous connaissez tous les accords et leurs renversemens ; les modulations s’enchaînent à votre gré sous vos doigts ; vous avez l’art de lier, de rapprocher les cordes les plus disparates ; vous produisez, quand il vous plaît, les effets d’harmonie les plus rares et les plus piquans ; c’est beaucoup. […] Quoi qu’il en soit, le lieu du corps lumineux étant donné, il faut que l’art obéisse ; il n’en peut circonscrire, altérer ou changer la nature, la direction, les reflets, la dégradation ou l’éclat.
Les vérités moyennes sont celles qui appartiennent à la conversation et non à la science, qui sont du domaine de tous et non du domaine de quelques-uns, qu’on entend et qu’on aime, non parce qu’on est un homme spécial, mais parce qu’on est un homme bien élevé : telles sont les questions de morale ordinaire, d’art, de politique, d’histoire. […] Vous reconnaissez dans ce morceau tout l’art des maîtres. […] II Voilà de grands dons : un art de composition exquis, la largeur et l’aisance des phrases, un ton familier et noble, un style pur, une imagination riche et mesurée, toutes les facultés oratoires. […] Socrate, il y a bien longtemps, démontrait à Polus que l’éloquence n’est pas la dialectique, et que l’art de persuader le public par un choix habile de raisonnements vraisemblables, n’est pas l’art d’établir des analyses exactes et des syllogismes rigoureux.
L’art de vérifier les dates s’applique peu au siège de Troie. […] Chez eux (souvent) l’art dévore la critique, le métier dévore l’art et le procédé dévore le métier, et vous voyez assez ce qui reste. […] La comédie bouffe est dans l’art dramatique ce que la caricature est dans les arts de dessin. […] Ce ne sont là encore que des traits légers d’un art nouveau. […] Joad, à un degré supérieur, a le grand art du remueur d’hommes, l’art de frapper puissamment les imaginations.
Et, tout d’abord, le grand art de caractériser. […] Il pratique surtout admirablement l’art délicat des compensations. […] Il a forcé la main à Malesherbes, et avec quel art ! […] C’était placer Chardin bien haut peut-être ; Diderot ne connaissait assez ni l’art italien ni l’art hollandais. […] Il a mis devant ce qui était derrière, et du principal il a fait l’accessoire ; il a parlé de l’art de peindre absolument comme si l’art de peindre visait à provoquer l’émotion littéraire, et de l’art dramatique absolument comme si l’art dramatique était avant tout l’art d’« ordonner » des tableaux vivants.
Pour comprendre ce que devint l’une, il faut comprendre ce qu’était l’autre : l’art dépendit des affaires, et l’esprit des partis fit l’esprit des écrivains. […] Lorsqu’il réussit, c’est moins par l’art que par le nombre de ses mensonges, ces mensonges étant quelquefois découverts en une heure, souvent en un jour, toujours en une semaine. […] Son art consiste à prendre une supposition absurde et à déduire sérieusement les effets qu’elle amène. […] Il faut supprimer ces sciences, ces arts, ces combinaisons de sociétés, ces inventions d’industries dont l’éclat éblouit. […] But now all this he cunningly shades under the following allegory : that the Nauplians in Argos learned the art of pruning their vines, by observing that when an ass had browsed upon one of them, it thrived the better and bore fairer fruits.
Leurs intérêts les y engageaient, les intérêts mêmes de leur art, et le souci de leur dignité. […] Vienne maintenant un peintre plus habile, plus consciencieux surtout, plus amoureux de son art, et qui fasse mieux, s’il le peut ! […] Si donc Le Sage est assurément en français un des maîtres de l’art de conter, n’avons-nous pas le droit de croire qu’il doit bien quelque chose de sa supériorité dans cet art à ces habitudes nouvelles contre lesquelles cependant il proteste ? […] On les avait un peu écartées de la littérature et de l’art, entre 1660 et 1690. […] J., L’Art poétique de Boileau commenté par ses contemporains, Lille, 1888.
Par rapport à l’art dramatique. […] Il faut donc se persuader d’abord qu’écrire est un art ; que cet art a nécessairement des genres, et que chaque genre a des règles. […] Le docteur Beattie aime à s’étendre sur des lieux communs de morale, qu’il n’a pas toujours l’art de rajeunir. […] Sa Muse, encore enfant, ignorait l’art du poète, fruit du travail et du temps. […] Quel chef-d’œuvre des arts égale vos beautés ?
Jean de Mitty Goudeau avait fondé les Hydropathes, cette réunion de poètes qui marque une date amusante dans les annales de l’art contemporain, et fait partie du premier Chat-Noir, ce milieu fécond qui fut, pour beaucoup, le tremplin de la célébrité. […] Je retrouve, dans la Graine humaine, la verve robuste, l’art léger et sain, et l’imagination souriante qui constituent la physionomie littéraire de Goudeau et lui assignent une des places en vue parmi les écrivains de tradition française.
Sainte-Beuve Si l’on considère aujourd’hui le talent et les poésies d’Hégésippe Moreau de sang-froid et sans autre préoccupation que celle de l’art et de la vérité, voici ce qu’on trouvera, ce me semble : Moreau est un poète ; il l’est par le cœur, par l’imagination, par le style, mais, chez lui, rien de tout cela, lorsqu’il mourut, n’était tout à fait achevé et accompli. […] [L’Art romantique (1868).]
. — Modestes observations sur l’art de versifier (1893). […] Louis Aurenche Nous faisons la connaissance des quatre frères Tisseur : Barthélemy, un sensitif et un amoureux ; Jean, savant et poète, plus savant que poète ; Alexandre, voyageur à la narration colorée, et enfin le dernier disparu, Clair, le plus poète des quatre, littérateur du plus haut mérite, d’un parfait et pur hellénisme, dans l’œuvre duquel se joue doucement un rayon de l’art antique.
Les réflexions ; la critique, les discussions, l’art d’analyser les matieres, s’y montrent tour-à-tour, jamais hors de propos, & répandent la lumiere sur les objets les plus abstraits. […] Peut-être les Sciences & les Arts, auxquels il s’attache plus particuliérement, en éloignent-ils le commun des Lecteurs.
On sera satisfait à cet égard en lisant l’Art de vérifier les dattes, que de savans Bénédictins ont fait imprimer ou plûtôt réimprimer en 1770. […] L’Art de vérifier les dattes est d’un prix qui effraie les lecteurs peu accommodés des biens de la fortune.
Ces sortes de compositions, outre le technique général de l’art, ont une poétique qui leur est particulière ; on peut rendre raison du profil élégant d’un vase, de la grâce d’une guirlande. L’art de dessiner une étoffe n’est pas plus arbitraire que celui de dessiner la figure ; j’en trouve seulement les règles plus cachées, plus secrètes.
La guirlande de fleurs qui descendait d’une épaule, jolie, mais peu selon la sévérité de l’art ; la coëffure moitié antique, moitié moderne. […] C’est quelque mauvais plaisant qui a conseillé à cette tête de chou de se faire mettre en marbre, cette matière, cet art qui est si grave, si sévère, qui demande tant de caractère et de noblesse.
C’est un homme qui a les traditions de son art, et qui a médité sur son art, et qui s’en fait une idée élevée. […] Il n’en avait cure que très peu, et dans l’art du conteur ce n’est pas l’art du créateur d’âmes ni qu’il eût, ni qu’il fit semblant d’avoir, ni qu’il cherchât. […] Précisément l’art propre du conteur sans rien qui le soutienne et l’appuie, l’art du conteur en soi, le talent de bien conter n’importe quoi. […] Il n’y a jamais eu d’art plus impersonnel. […] L’art d’écrire et l’art de parler sont deux arts.
Il ajoutait même que, s’il s’était engagé dans une telle entreprise dont d’autres que lui auraient pu mieux s’acquitter pour la partie littéraire, c’était uniquement en raison de la connaissance particulière qu’il avait de ces matières d’art, à la différence des orateurs « qui font souvent, disait-il, de grandes incongruités quand ils en parlent, et presque toujours à proportion de leur éloquence et de leur grande habileté en autre chose. » La publication de Perrault, si conforme à l’esprit moderne, ne fit pas tomber d’un seul coup et comme par enchantement les barrières ; elle ne faisait que montrer la voie : si le divorce avait cessé, la séparation durait encore. […] Les grands collecteurs et amateurs du XVIIe siècle contribuèrent à établir les communications, à généraliser le goût dans ses applications diverses : Diderot, par sa curiosité active, par sa chaleur et son éloquence sympathique, donna après Perrault le plus grand exemple, et fit faire un pas de plus à l’union des arts et des lettres. […] Il ne s’agit pas de déplacer les genres, d’échanger les procédés, de transporter un art dans un autre, ce serait aller trop loin ; mais il importait, en effet, de multiplier les points de vue, de comprendre, d’embrasser sans acception de métier, toutes les expressions de talent et de génie, toutes les originalités de nature, tous les modes de l’imagination ou de l’observation humaine. […] On était en 1829, Gavarni n’avait que vingt-cinq ans ; lui aussi, il était de ce groupe d’artistes chercheurs, voués à la production féconde, à la rénovation de l’art dans tous les genres, et dont la naissance, remontant aux premières années du siècle, a été comme proclamée à son de trompé dans ce vers célèbre : « Le siècle avait deux ans… » C’est quatre ans qu’il faut dire pour Gavarni. […] » Un jour, un peintre, Louis Marvy, allant chez Delacroix, le trouva dessinant… devant un Gavarni : « Vous le voyez, dit Delacroix, j’étudie le dessin d’après Gavarni. » Mais quelque carrière qu’eût pu s’ouvrir et se frayer alors Gavarni dans une voie dite plus sévère, je ne pense pas qu’il faille, même au point de vue de l’art, rien regretter pour lui de ce qu’il a été, ni s’amuser à rêver ce qu’il aurait pu être.
Qu’ils réussissent dans l’art et dans la poésie, s’ils le peuvent ; tous nos vœux les accompagnent ; mais il y a sur ce point peu de conseils à donner. […] Je l’ai toujours pensé, pour être un grand critique ou historien littéraire complet, le plus sûr serait de n’avoir concouru en aucune branche, sur aucune partie de l’art (à moins d’avoir excellé dans toutes) ; car autrement on porte dans l’examen du passé ou, à plus forte raison, du présent, une prédilection, une exclusion, nées de cette concurrence179, une susceptibilité d’impatience et d’ennui, qui est le contraire de l’esprit d’eclectisme et d’impartialité exigé dans une telle œuvre. […] Sans doute le beau reste toujours beau, et il ne varie pas d’hier à demain ; mais il y a aussi dans les œuvres la forme, le cadre, l’art, l’artificiel même, si vous voulez. […] Il reçut de la Grèce sa façon de sentir, de juger, de s’exprimer ; il fut Athénien par ses idées sur l’art, sur le beau. Après le génie grec, ce fut ce qui s’en rapproche le plus, le goût italien, le soleil d’Italie, l’art de Venise, de Florence, de Rome, qui l’enchantèrent le plus.
Parce qu’il faut un sentiment plus fin pour saisir le caractère de l’art de Boileau, est-ce une raison pour nier qu’il soit poète ? […] Le vers est pour lui une forme d’art, ayant sa beauté propre, et traduisant d’une certaine façon en sensations de l’oreille le caractère de l’idée. […] Il nous en avait pourtant bien avertis, lui qui jugeait de ses vers par l’oreille et croyait les justifier assez en attestant qu’il n’en avait jamais fait de plus « sonores » ; lui qui défendait le mot de lubricité pour le bon son qu’il faisait à la rime ; lui qui tant d’années avant qu’on l’eût inventé, connaissait l’art de la lecture, et qui lisait ou disait les vers en perfection, de façon à transporter les plus froids auditeurs : il les débitait tout simplement en poète, rendant sensibles toute sorte d’effets d’harmonie et de rythme, qui échappent à la lecture des yeux. […] Même il ne recule pas devant la conséquence extrême où semble devoir toujours descendre l’art réaliste : l’expression de la réalité vulgairement hideuse ou répugnante. […] Il se peut qu’on ait droit de le faire : en tout cas, on ne pourra contester qu’il y ait un art réaliste ; et c’est cet art réaliste qui a produit au xviie siècle les vers de Boileau, comme ailleurs il a produit des tableaux et des romans.
Chacun sait qu’en France, durant ces trente-cinq années, tous les genres littéraires ont vu triompher avec éclat, sous le nom de réalisme ou de naturalisme, la tendance à subordonner le beau au vrai, l’art à la science. […] Est-il nécessaire de rappeler que certains auteurs, Alexandre Dumas fils, par exemple, se sont donné pour mission de corriger, non seulement les mœurs, mais les lois ; que la condition des femmes, celle des enfants naturels, voire les principes régissant l’héritage et la propriété ont été maintes fois débattus par le roman et le théâtre ; que des cas de conscience84, comme en présente par dizaines la profession du juge ou celle de l’avocat, se sont déroulés en savantes et émouvantes, péripéties ; que l’art, aux époques où il est militant, travaille à la préparation d’un code de l’avenir ? […] ― Fâcheuse subordination du beau à l’utile, ravalement de la littérature à de basses besognes, ont dit de leur côté les champions de l’art pour l’art, les élégants et dégoûtés partisans de ce que Victor Hugo appelle « l’art fainéant ! […] Le difficile a été toujours de marquer le point précis où finit le droit incontestable de l’art à peindre le vice et où commence l’excitation voulue à la débauche.
Ce n’était point seulement un jeune concurrent, c’était un art nouveau qu’il voyait s’avancer sur lui ; un art moins grand et moins fort, mais plus attrayant et plus souple, Il pressentit sans doute une décadence sous cette perfection tempérée, une décroissance dans cette réduction harmonieuse. […] L’art grec, pour conquérir sa liberté merveilleuse, eut longtemps à lutter contre l’archaïsme et la routine de ses Sages ; l’Egypte avait chez lui une école. […] Toute rudesse primitive tombe comme une vieille écorce de cette nouvelle souche ; ses mœurs, ses arts, sa religion même font peau neuve. […] Malgré son art admirable et son profond renouvellement intérieur, sa tragédie est, pour ainsi dire, d’ordre cyclopéen. […] Mais cette tragédie de style lapidaire, à moitié prise dans le bloc d’un art ébauché, est aussi vivante que le plus libre des drames.
Il y a dans l’art un point de perfection, comme de bonté ou de maturité dans la nature, celui qui le sent et qui l’aime a le goût parfait ; celui qui ne le sent pas, et qui aime en deçà ou au-delà, a le goût défectueux. […] Combien de siècles se sont écoulés avant que les hommes dans les sciences et dans les arts aient pu revenir au goût des anciens, et reprendre enfin le simple et le naturel. […] Ils nuisent également, par cette chaleur à défendre leurs préventions, et à la faction opposée et à leur propre cabale : ils découragent par mille contradictions les poètes et les musiciens, retardent les progrès des sciences et des arts, en leur ôtant le fruit qu’ils pourraient tirer de l’émulation et de la liberté qu’auraient plusieurs excellents maîtres de faire, chacun dans leur genre et selon leur génie, de très bons ouvrages. […] Il semble que la logique est l’art de convaincre de quelque vérité ; et l’éloquence un don de l’âme, lequel nous rend maîtres du cœur et de l’esprit des autres ; qui fait que nous leur inspirons ou que nous leur persuadons tout ce qui nous plaît. […] Il y a des artisans ou des habiles dont l’esprit est aussi vaste que l’art et la science qu’ils professent ; ils lui rendent avec avantage, par le génie et par l’invention ce qu’ils tiennent d’elle et de ses principes ; ils sortent de l’art pour l’ennoblir, s’écartent des règles, si elles ne les conduisent pas au grand et au sublime ; ils marchent seuls et sans compagnie, mais ils vont fort haut et pénètrent fort loin, toujours sûrs et confirmés par le succès des avantages que l’on tire quelquefois de l’irrégularité.
L’art et la sexualité L’abstinence sexuelle comme principe créateur en art I Narcisses modernes — Ne t’effarouche pas, petit ! […] Je crois que cet appétit de la solitude mentale et du plaisir jalousement individuel, — ce mode d’embrasser la vie qui consiste à la savourer avec art et toute entière en soi-même, — peut facilement se ramener à une cause unique. […] Rien ne peut remplacer l’audace et la franchise de vivre : aucune vertu ni aucun vice, aucune patience ni aucune finesse, aucune intelligence ni aucune délicatesse ne peuvent valoir le clair et libre accomplissement d’un acte naturel et libre, pas même l’art prodigieusement esthétique et raffiné auquel peut parvenir l’égotisme dans tous les mondes, et spécialement — selon l’intention de cet article — dans une partie de la jeunesse littéraire moderne. […] Dans le monde qui n’est qu’une immense étreinte, où chaque atome de chaque vivant reçoit et déverse mille sensations variées, profondes ou fugitives, de douleur et de joie, où chaque impondérable molécule de chair est, à chaque seconde, baignée par les flots continus, en marche éternelle, d’êtres innombrables qui subissent eux-mêmes la même toute puissante fécondation, où les floraisons humbles ou géantes de l’action, s’épanouissent et meurent, nourrissant de leurs parfums et réchauffant de leur éclat la mouvante foule autour d’eux, dans ce monde où la grandeur naît de l’enlacement des forces, le solitaire amoureux de lui-même, refermant sur son être, d’un geste de farouche et pudique fierté, le triple voile de son dédain, de sa mélancolie et de son art, se dresse devant le monde stupéfait comme la victime de l’exil dans un monde de douleur insondable. […] … J’entends en moi naître et s’élever la mélodie des élus du silence… Et le solitaire, abîmé sans la contemplation de sa beauté, dont la simple clarté du jour ruinerait l’infinie délicatesse incomprise, se perd de plus en plus dans les abîmes de jouissance qu’il découvre en lui-même, en sculptant sa propre image, d’une main que l’art rend toujours plus mystérieusement habile.
Il ne faut pas mépriser l’art ; il faut seulement le distinguer de l’habileté froide qui énerve une matière en l’appropriant. […] La science en a d’ailleurs affaibli l’autorité par des doutes sur l’exactitude de Bossuet supputant les temps d’après la vraisemblance plutôt que par l’Art de vérifier les dates. […] Colbert n’aurait pas jugé en termes plus propres et plus précis, ni vu de plus haut la sage administration des Egyptiens, la grandeur pratique de leurs arts, l’économie de leurs travaux publics. […] Sa vigueur se modère, sa facilité se règle, cette tête puissante se courbe sous les lois dont Boileau rédigeait le code dans l’Art poétique. […] Le Saint-Siège même, en le frappant, laissa voir qu’il avait été sensible à ce grand art de plaire que relevait une vertu admirable.
Pour tout ce qui concerne l’industrie principalement, et l’association des travailleurs, nul doute qu’il n’y ait beaucoup à profiter des vues neuves, précises, jetées en avant par les économistes de ces divers systèmes, et opposées à l’art de grouper des chiffres, ainsi qu’aux autres jongleries de nos financiers. […] La Religion et l’Art, ces deux points élevés, ces deux sommets que quelques-uns croient apercevoir devant nous à l’horizon, et qu’ils tâchent de démontrer aux autres, lesquels prétendent n’y rien voir ; ces deux pics merveilleux, qui ne sont pour certains regards sévères qu’une fantaisie dans les nuages, apparaissent aux directeurs de la Revue comme les deux phares de l’avenir ; ils essaient souvent de s’en approcher et d’en gravir les premières hauteurs. […] En politique, l’avènement du prolétariat ; en religion, l’hostilité contre le christianisme, contre le spiritualisme pur, et l’appel à un panthéisme encore confus ; en art, le symbolisme le plus vaste : tels nous apparaissent les principes généraux, flottants sans doute, mais pourtant saisissables, inscrits sur les bannières de cette école.
Eh bien, pour revenir à M. de Bernard, il pourra bien être, s’il le veut, l’Améric Vespuce de cette terre dont M. de Balzac est le Christophe Colomb ; oui, l’observation du monde des dix dernières années, il la possède ; ce fond nouveau de sensibilité, de coquetterie, d’art, de prétentions de toutes sortes, ce continent bizarre qui ressemble fort à une île flottante, il y a pied et n’en sort pas. […] Par quelle série d’événements et quelle adresse de tactique Marillac et Gerfaut se trouvent-ils naturellement introduits au château, accueillis du baron, et pouvant s’y livrer en toute aisance, Marillac à l’art, comme il dit toujours, Gerfaut à sa passion ? […] Et voilà qu’avant le soir un roman nous donne le fin mot de cette péripétie sanglante, N’est-ce pas là tomber dans l’art à bout portant comme le pratique Marillac ?
Les liens délicats, les préjugés maniés avec art, formaient les rapports des premiers sujets avec leur maître : ces rapports exigeaient une grande finesse dans l’esprit ; il fallait de la grâce dans le monarque, ou tout au moins dans les dépositaires de sa puissance ; il fallait du goût et de la délicatesse dans le choix des faveurs et des favoris, pour que l’on n’aperçût ni le commencement, ni les limites de la puissance royale. […] Les Italiens et les Espagnols étaient inspirés par le désir de plaire aux femmes ; et cependant ils étaient loin d’égaler les Français dans l’art délicat de la louange. La flatterie qui sert à l’ambition exige beaucoup plus d’esprit et d’art que celle qui ne s’adresse qu’aux femmes : ce sont toutes les passions des hommes et tous leurs genres de vanité qu’il faut savoir ménager, lorsque la combinaison du gouvernement et des mœurs est telle, que les succès des hommes entre eux dépendent de leur talent mutuel de se plaire, et que ce talent est le seul moyen d’obtenir les places éminentes du pouvoir.
Si l’on a bien dans la mémoire l’ensemble des œuvres du comique français, on discerne sans peine l’élément important que lui a transmis la double veine, littéraire et populaire, de l’art italien ; élément important, non par le fonds des idées satiriques et morales, mais par l’abondance des moyens d’expression ; élément en quelque sorte matériel, artificiel, mis à la disposition du grand ouvrier. […] Les expositions étaient généralement très vives, très brusques dans la comédie de l’art ; Molière lui déroba ce secret. […] Il en est de même, en quelque sorte, dans les arts.
L’art prochain sera héroïque. […] Je crois que nous assisterons à la naissance d’un art extrêmement beau. […] C’est d’un art assez grossier.
Enfin la plus grande loüange qu’on donnât aux hommes qui excelloient dans leur art, c’étoit de dire qu’ils étoient des Roscius dans leur genre. […] Cette étude recherchée de tous les artifices capables de mettre de la force et de jetter de l’agrément dans la déclamation, ces rafinemens sur l’art de faire paroître sa voix, ne passeront point pour les bizarreries de quelques rêveurs auprès des personnes qui ont connoissance de l’ancienne Grece et de l’ancienne Rome. […] Suetone et Dion nous apprennent que ce prince étoit si sçavant dans l’art de la déclamation, qu’il avoit joüé les premiers rolles dans les tragedies de Canacée, d’Oreste, d’Oedipe et d’Hercule furieux.