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1587. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

L’inquiétude qui l’avait promené pendant vingt ans dans toutes les capitales de l’Europe s’était changée, depuis sa réunion avec la comtesse, en une réclusion absolue et presque sauvage.

1588. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

L’intelligence peut se tromper, le sentiment peut s’égarer ; la conscience ne peut fléchir ; c’est l’instinct absolu et incorruptible du juste et de l’injuste, du bien ou du mal, du crime ou de la vertu, instinct supérieur à nos passions mêmes et à nos fautes, et qui nous juge même en flagrant délit de nos faiblesses ou de nos iniquités.

1589. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Dans tous ces poèmes, la grande loi littéraire de l’unité de sujet, qui est en même temps la condition absolue de l’intérêt, est rigoureusement observée.

1590. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Ces diverses considérations sont, en général, un peu trop absolues.

1591. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

On aurait tort d’attribuer une trop grande importance à la question de la réalité absolue de l’espace : autant vaudrait peut-être se demander si l’espace est ou n’est pas dans l’espace.

1592. (1925) Proses datées

En effet, la formidable mainmise opérée par Wagner, à l’avantage du Drame, sur tous les moyens de beauté, la confiscation de la Plastique et de la Poésie au profit de la Musique, apparaissait au poète esthéticien qu’était Mallarmé comme une usurpation magnifique, mais qu’il ne pouvait se résoudre à considérer comme définitive et absolue. […] Ces appuis n’ont pas manqué à Balzac et il y eut un temps où les balzaciens eurent raison de lui vouer une admiration absolue et même parfois quelque peu puérile. […] Lorsque, en 1861, il fit paraître une édition des Fleurs du Mal, augmentées de nombreux poèmes nouveaux, il songea à s’en expliquer publiquement dans une préface dont nous avons les esquisses, mais à laquelle, en définitive, il renonça, se contentant d’inscrire, dans une note du poème le Reniement de saint Pierre, la revendication du droit absolu, pour le poète, de « façonner, en parfait comédien, son esprit à tous les sophismes et à toutes les corruptions » sans être tenu responsable de ses fictions..

1593. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Il est fort poli, fort prudent, presque obséquieux, mais absolu dans ses goûts, qu’il appelle des principes ; il admirait tout avec des superlatifs, et je le conduisais, un peu embarrassé de son admiration. […] En ce genre, il n’y a pas de mesure absolue ; chaque époque, chaque race a la sienne. […] Nous savons de plus qu’il est très bon militaire, qu’il est chez lui maître presque absolu, que, de son chef et malgré les réclamations des siens, il a décidé et opéré l’adjonction des vingt-sept maisons, que les habitants annexés, étant de sa famille, ont fini par être fiers de leur annexion, et qu’à son ordre ils marcheront tous comme un seul homme. […] L’esprit positif et scientifique a gagné la littérature, on veut maintenant une imitation plus exacte des choses, des caractères plus voisins de ceux qu’on rencontre tous les jours, des descriptions prises sur place, et d’une précision absolue, bref une copie détaillée, littérale et micrographique de la réalité. […] Rien de violent dans cet état, point de transports, nulle illumination vive ; c’est la placidité de la croyance absolue, la paix de l’âme conservée dans le cloître comme dans un Bois-Dormant.

1594. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Mais le fanatisme de Paolo, dans l’état d’absolue pureté où l’on nous le montre, je vous affirme que je n’en sens pas en moi les plus petits commencements. […] Sa perfection décourage l’éloge ; c’est le naturel absolu dans la grâce accomplie. […] Et, au fait, il vaut mieux que Birac ne nous paraisse pas vivant : car, s’il vivait, la passion de Séverine pour ce lâche imbécile finirait par nous irriter. — Sylvanie, c’est la femme fatale, fascinatrice et méchante, la courtisane absolue, si je puis dire, « la Bête » aux cheveux d’or. […] Elle a, de la passion, le frémissement, l’emportement irrésistible ; elle en a la sensualité ardente ; elle en a la jalousie, la bravoure, — et même l’humilité ; elle en a l’audace, l’énergie, les déterminations brusques ; elle en a la logique étroite, absolue, imperturbable ; elle en a aussi l’aveuglement, la crédulité, l’illogisme, les inconsciences. […] Et, comme tous les sujets sont à tout le monde, si je constate que la Grande Marnière, c’est aussi l’Idée de Jean Téterol, le Fils Maugars, et même un peu Mlle de la Seiglière et Par droit de conquête, et que c’est encore, par un côté, la Recherche de l’absolu et, par un autre côté, Maître Guérin, ce ne sera nullement pour en triompher.

1595. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Ne croyez pas que le besoin de m’étendre en récriminations amères m’ait suggéré d’inutiles images de l’oppression qui m’imposait le silence : les causes, si bien définies par Longin, de ces décadences dont il avait médité l’origine, trouvaient leur preuve absolue dans notre esclavage : nous les avions reconnues par notre propre expérience ; nous portions les symptômes ; du mal dont un nouvel ordre nous a soulagés. […] Je m’abstiens de vous faire le compte de ses conditions absolues. […] Vous demanderai-je encore si le fait principal, raconté par le poète, se termine d’une manière satisfaisante sans une conclusion absolue du destin des personnages ou de leur entreprise, sans un dénouement parfait ? […] Unité absolue de la Jérusalem délivrée. […] Le merveilleux Je vous démontrerai que le merveilleux est essentiellement caractéristique de l’épopée, qu’il en est une condition absolue, et c’est pourquoi je le range après les cinq premières règles élémentaires que j’ai traitées.

1596. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

C’était l’effet de la monarchie absolue et du droit divin. […] À la bonne heure ; mais vous ne prétendez point nous apporter la vérité absolue. […] Tout le monde y sera récompensé ; ce sera la réalisation du bien absolu. […] Je ne comprends pas la philosophie de l’absolu et suis de la sorte très mal fait pour expliquer M. 

1597. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

C’est trop absolu ; mais cela renferme beaucoup de vérité. […] Mme de Raguais existe ; elle est vivante ; elle est d’une vérité absolue dans ses qualités et dans ses défauts. […] Ily a évidemment incompatibilité d’humeur absolue entre Judith et Aubier.

1598. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

L’« obstacle » ici est donc absolu, en dehors de toute discussion. […] Cette règle est absolue, et ne souffre pas d’exceptions. […] On doit fortement accentuer qui, cela ne fait pas l’ombre d’un doute : d’abord, parce que c’est amusant et que cette irrégularité de prononciation a, toute seule, la valeur d’une élégante plaisanterie, et puis, parce qu’elle affirme, avec une outrance lyrique et dont le poète se divertit, que le rythme qui a, dans la rime, son clou, son agrafe ou son coup d’aviron (pour reprendre les métaphores de Sainte-Beuve), est l’essentiel dans les vers et importe vraiment beaucoup plus que le sens ; que nous refusons délibérément d’« asservir la rime au joug de la raison », et qu’elle a un charme propre et qui se suffit, comme on le voit par certaines chansons populaires et par ces rondes d’enfants où il n’y a que des assonances et aucune idée suivie… Oui, vous proclamez tout cela en élevant insolemment la voix, contre tout bon sens, sur le modeste pronom relatif qu’il a plu à Banville de promouvoir à la dignité de rime, en quoi il a voulu montrer que le bon poète est le monarque absolu des mots et qu’il honore ceux qu’il veut : exaltavit humiles. […] La perfection absolue fait toujours plaisir.

1599. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Réalistes et Naturalistes I. Guy de Maupassant. Fort comme la mort. — 1889. « On ne sait pas le français, on ne le parle pas, on ne l’écrit pas sans savoir quantité d’autres choses qui font ce que l’on appelait jadis : l’honnête homme. Le Français porte mal le mensonge.

1600. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Il se fatigue, il s’impatiente, il trouve que c’est payer trop cher un beau cri, un beau geste, un beau regard ; d’où il suit « que l’extrême sensibilité fait les acteurs médiocres, que la sensibilité médiocre fait la multitude des mauvais acteurs, et que le manque absolu de sensibilité prépare les acteurs sublimes ». […] Il reprenait les faquins, il abaissait les superbes, il humiliait les natures insolentes qui se croient faites pour le commandement et pour le règne absolu ; il écrasait ces esprits impuissants qui veulent produire, à toute forces, on ne sait quelles œuvres malades. […] Il est partout, ce Molière, il sert d’échelon à toutes les grandeurs du sourire et de l’ironie. — S’il vous plaît, nous réunirons au maître absolu, Aristophane qui fut le vrai père de la comédie. […] Ce que Molière n’a pas traduit, ce que les successeurs de Molière n’ont pas adopté, n’est plus que la lie funeste de ces comédies dépouillées de leur sel attique par les poètes de la France. — Et voilà pourquoi il faut désormais se méfier des traducteurs ; le traducteur est un maladroit sans génie qui ne sait pas comment on se rend maître absolu de ses emprunts et comment on copie avec grâce ; homme nécessairement médiocre et sans invention, il ne sait que mettre au jour une traduction sèche et indigente de charmants passages déjà copiés mille fois par les maîtres ; et le voilà bien avancé, pour avoir écorché un renard dont les plus habiles ont enlevé la peau depuis cent ans !

1601. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Aux yeux de l’une ni de l’autre elle n’était parfaitement innocente, elle qui s’était crue en droit de juger, de censurer, de montrer presque du mépris… » Théobald lui-même (le jeune baron allemand, amoureux d’Émilie), quand il veut faire trop le sévère, le partisan absolu du devoir, est convaincu de faiblesse aussi et ramené à la tolérance : « — Monsieur votre fils, dit Constance à Mme d’Altendorf, est-il lui-même ce qu’il veut que soient les autres ?

1602. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Mais j’irais trop loin en parlant ainsi ; on ne saurait trop se méfier de ces jugements absolus en telle matière, et l’Apologie renferme sur Zoroastre, Orphée et Pythagore, sur toutes ces belles âmes calomniées, ces génies des lettres, Omnes cœlieolas, omnes supera alla tenentes, des pages élevées, presque éloquentes, qui indiquent chez lui le sentiment ou du moins l’intelligence du Saint plus que je n’aurais cru.

1603. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Il me semble aussi que ceux qui ont l’esprit fait entendent tout ce qu’on dit, et qu’il ne leur faut plus après cela que de bons avertisseurs. » Quand le Dictionnaire de l’Académie, continué par nos petits-neveux, en sera au mot incompatible, quel meilleur exemple aura-t-on à citer, pour le sens absolu du mot, que ce trait du chevalier contre les raffinés qui ne savent causer, dit-il, qu’avec ceux de leur cabale, et qui voudraient toujours être en particulier, comme s’ils avaient à dire quelque mystère : « Je trouve d’ailleurs que d’être comme incompatible, et de ne pouvoir souffrir que des gens qui nous reviennent, c’est une heureuse invention pour se rendre insupportable à la plupart des dames, parce que, d’ordinaire, elles sont bien aises d’avoir à choisir. » Je pourrais continuer ainsi et varier les détails sur ce mérite d’écrivain et presque de grammairien du chevalier, qui s’en piquait tant soit peu ; mais il ne faut pas abuser.

1604. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Les convenances et l’usage sont aussi des despotes ; ajoutez-en un troisième, plus absolu encore, la vivacité impérieuse et folâtre d’une jeune reine qui ne peut supporter une heure de lecture.

1605. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

La domination de ce style est si absolue, qu’elle s’impose aux plus grands, et les condamne à l’impuissance quand ils veulent l’appliquer hors de son domaine.

1606. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Nécessité d’être fort, prêt à tout, dans une nation méditerranéenne, circonscrite par trois millions de soldats ou de matelots, aux ordres absolus des huit puissances militaires qui nous menacent en Europe, à toute heure : qui peut nier cette évidence ?

1607. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Napoléon nous donne un exemple des dangers qu’il y a à s’élever à l’absolu et à tout sacrifier à l’exécution d’une idée. » Après dîner, Goethe, parlant de la théorie des couleurs, a exprimé des doutes sur la possibilité de frayer un chemin à sa doctrine si simple.

1608. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

De tout cela, mélancolie foncière, pessimisme absolu, travail effréné, activité fébrile qui semble avoir peur du repos et vouloir tromper la vie, refus de sourire, retranchement ascétique de tout épicuréisme intellectuel, je conclus naturellement à une excessive sensibilité, et d’autant plus violente qu’elle est publiquement plus comprimée  à une extrême capacité de désir et de souffrance… Et cela est très singulier, à cause de la forme qui n’est pas précisément, ici, celle d’un Musset ou d’un Byron.

1609. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Mais permettez-moi d’aimer surtout, avec tout le monde, le talent de Flaubert dans Madame Bovary, dans cette monographie de génie de l’adultère bourgeois, dans ce livre absolu, que l’auteur jusqu’à la fin de la littérature, n’aura laissé à refaire à personne.

1610. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

XVIII Enfin le véritable poète pindarique ne chante que des vérités absolues et divines, dont la sainteté et la vertu se communiquent, pour ainsi dire, à son génie.

1611. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

L’indigence absolue mène bien plus sûrement aux places et aux richesses ; parce qu’en forçant à l’esclavage, elle y accoutume.

1612. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

En effet, il était une force, — et ce mot abstrait et absolu qui le résume est le mot encore qui le caractérise le mieux, tout en le résumant.

1613. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Rien ne peut sauver la misérable créature que la grâce, la grâce gratuite, pure faveur de Dieu, que Dieu n’accorde qu’à un petit nombre et qu’il distribue non d’après les efforts et les œuvres des hommes, mais d’après le choix arbitraire de son absolue et seule volonté. […] Personne ne voyageait sur les routes et ne se promenait dans les champs, excepté en cas de nécessité absolue.

1614. (1929) Amiel ou la part du rêve

Cette chose, il devait l’élever à l’absolu. […] Le Journal d’après-souper se termine par une page de fureur contre l’esprit français, contre le peuple de l’apparence et du faux plaqué, ces logiciens, absolus comme l’ignorance, qui ne comprennent rien « que le noir et le blanc, le oui et le non, omettent ainsi toutes les couleurs d’une part et d’autre part tous les degrés intermédiaires entre l’affirmation et la négation… Leur casier de catégories est d’une simplicité sauvage.

1615. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Chacune des espèces, étant différente des autres, ne peut renfermer des conditions pareilles, ni en nombre égal : il les fallait par conséquent distinguer et classer, afin de leur appliquer ensuite leurs règles convenables ; autrement ce qu’on eût enseigné sur le genre en général eût été sujet à trop d’exceptions et n’eût point acquis une force de principes absolus. […] Plutus est surpris de tous les miracles qu’il fait : l’auteur l’expose d’abord sous les haillons et dans le dénuement absolu d’un gueux, afin de manifester que l’or n’est rien par soi, et n’a de valeur que dans l’idolâtrie des hommes qui en relèvent le néant. […] La différence des jugements de ce poète et de ceux du public éclairé lui fera penser que l’excellence du comique tient à des opinions si variables qu’elle n’est pas absolue, positive, et que l’art dans cette partie de la littérature est aussi conjectural que dans les autres qu’on accuse de l’être. […] Les rôles de Micion et de Démée se retrouvent en ceux d’Ariste et de Sganarelle : un ami commun les a chargés en mourant du soin de ses deux filles et du droit de les épouser ou de les pourvoir à leur guise : tuteurs absolus de ces jeunes pupilles, chacun d’eux gouverne à sa manière celle qui lui fut confiée.

1616. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Aussi, malgré le reproche qu’on lui a si fréquemment adressé d’avoir exercé un empire absolu sur ceux qui cultivaient les arts dans le même temps que lui, est-on forcé de reconnaître aujourd’hui qu’aucun maître n’a moins imposé sa manière ; qu’il en a même changé quatre ou cinq fois, et qu’enfin, lui, dont l’enseignement était basé sur des principes fixes, mais si larges dans leurs applications, a formé des artistes dont les talents offrent une diversité remarquable. […] Cependant, ceux de ses élèves les plus avancés en âge, et qui n’avaient pas perdu le souvenir du passé, ne purent s’empêcher de sourire intérieurement, et même de pardonner bien des écarts d’imagination à un homme qui se passionnait ainsi pour un général républicain dont l’influence politique et les manières avaient, déjà à cette époque, quelque chose de si puissant et de si absolu. […] En jetant un coup d’œil sur les variations de David, si rigide républicain en théorie, et toujours allant au-devant du pouvoir, quelque absolu qu’il fût, il semble que cet homme ait rassemblé en lui toutes les oppositions d’idées qui caractérisent les Français, républicains d’opinion et monarchiques par les mœurs, comme les a si spirituellement définis Chateaubriand.

1617. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Dans les derniers jours de sa vie, l’Empereur défunt rendit plus restrictif encore et plus farouche son despotisme, plus absolue son autocratie. […] Les autres tirèrent leur gloire, en faisant étalage de leur insociabilité… D’ailleurs, il n’y a pas de règle absolue… Tous les moyens sont bons, à condition qu’ils soient extra-littéraires et qu’on y mette de la persistance et de la passion. […] Les milieux aussi sont rendus avec une vérité absolue, dans toute la philosophie d’une observation qui ne laisse rien échapper des gestes et des pensées.

1618. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Ils avaient involontairement communiqué à leurs récits quelque chose de la quiétude et du calme de la vie monastique ; et les historiens officiels de la monarchie absolue ajoutèrent, plus tard, à ces fausses couleurs, un ton d’étiquette et de gravité. […] L’esprit de l’homme, on le dit en philosophie, on l’éprouve en littérature, n’invente rien d’une manière absolue, même quand il combine les fables les plus chimériques.

1619. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Car, dit-il, « mon peu de goût pour la monarchie absolue ne me laissait aucune illusion sur le parti que je prenais. » M. de Malesherbes répond à ses objections. […] On n’a pas toujours le besoin absolu de respecter ceux qu’on aime, ou, si vous voulez, on n’aime pas ceux-là seulement qu’on respecte. […] Sa principale vanité, c’est de se donner l’air d’un profond penseur ; c’est de dire, par exemple, dans la préface de la Légende des siècles : « … L’auteur, du reste, pour compléter ce qu’il a dit plus haut, ne voit aucune difficulté à faire entrevoir, dès à présent, qu’il a esquissé dans la solitude une sorte de poème d’une certaine étendue où se réverbère le problème unique, l’Être, sous sa triple face : l’Humanité, le Mal, l’Infini ; le progressif, le relatif, l’absolu ; en ce qu’on pourrait appeler trois chants : la Légende des siècles, la Fin de Satan, Dieu. » Voyez aussi les préfaces lourdement insensées de presque tous ses drames.

1620. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Ce qui me touche, ce qu’il faut montrer, c’est, de nos jours, dans notre pays, en plein Paris, cette foule d’êtres admirablement doués par la nature chez lesquels une éducation étroite, une mauvaise hygiène morale et la préoccupation constante de minuties ont si bien atrophié l’intelligence que la beauté et la jeunesse, ou, pis encore, la toilette qui à leurs yeux y supplée, leur sont devenues des conditions absolues de bonheur. […] Au moment de saisir le marteau du géologue ou la loupe du botaniste comme un talisman contre tous les malheurs de la vie, le lecteur se dit que, s’il eût suivi toutes les inspirations de cette voix éloquente, il eût dû se faire tour à tour comédien, maçon, avocat, musicien, laboureur, poète, meunier, numismate, et il se demande si, après avoir fait aujourd’hui du dévouement au bien général l’absolue condition du bonheur, le romancier n’entonnera pas demain l’hymne de la vie contemplative et ne prendra pas pour héros un brahmane. […] vous prenez Dieu pour type absolu, et de même qu’il produit et règle l’éternelle activité, vous voulez que l’homme crée et ordonne sans cesse la prospérité de son milieu par un travail sans relâche !  […] « Parvenu au plus haut degré religieux que jamais homme avant lui eût atteint, arrivé à s’envisager avec Dieu dans les rapports d’un fils avec son père, voué à son œuvre avec un total oubli de tout le reste, et une abnégation qui n’a jamais été si hautement pratiquée, victime enfin de son idée et divinisé par la mort, Jésus fonda la religion éternelle de l’humanité, la religion de l’esprit, dégagée de tout sacerdoce, de tout culte, de toute observance, accessible à toutes les races, supérieure à toutes les castes, absolue en un mot. » Les travaux de M. 

1621. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Venons-en à son chef-d’œuvre, la Métromanie, pour laquelle il se départit de sa roideur absolue, et par où il a bien mérité du théâtre et de la haute littérature (janvier 1738).

1622. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Tu ne saurais pas aujourd’hui que les plus belles philosophies n’ont que des jours d’explosion et des années de fumée, fumée à travers laquelle on ne reconnaît plus rien que des décombres ; que les peuples, comme des banqueroutiers de la vérité, ne tiennent jamais ce qu’ils promettent ; que les princes les meilleurs ne recueillent que l’assassinat, comme Henri IV, ou le martyre, comme Louis XVI ; que les réformateurs les plus bienfaisants ont pour ennemis les utopistes les plus absurdes ; que les gouvernements héréditaires subissent les dérisions de la nature, qui ne sanctionne pas toujours l’hérédité du génie ou des vertus ; que les gouvernements parlementaires subissent la domination de l’intrigue, la fascination du talent, l’aristocratie de l’avocat, qui prête sa voix à toutes les causes pourvu que l’on applaudisse, et qui est aux assemblées ce que la caste militaire est aux despotes, pourvu qu’ils les payent en grades et en gloire ; que les gouvernements absolus font porter à tous la responsabilité des fautes d’une seule tête ; que les gouvernements à trois pouvoirs sont souvent la lutte de trois factions organisées qui consument le temps des peuples en vaines querelles, qui n’ont d’autre mérite que d’empêcher les grands maux, mais d’empêcher aussi les grandes améliorations, et qui finissent par des Gracques ou par des Césars, ces héritiers naturels des anarchies ou des servitudes ; que les républiques sont la convocation du peuple entier au jour d’écroulement de toute chose pour tout soutenir, le tocsin du salut commun dans l’incendie des révolutions qui menace de consumer l’édifice social ; mais que si ces républiques sauvent tout, elles ne fondent rien, à moins d’une lumière qui n’éclaire pas souvent le fond des masses, d’une capacité qui manque encore au peuple, et d’une vertu publique qui manque plus encore aux classes gouvernementales.

1623. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Il le poursuivit laborieusement, passant avec un égal succès de la peinture la plus hideuse du vice jusqu’à la Recherche de l’absolu, cette pierre philosophale de la philosophie, jusqu’au Lys dans la vallée, cette perle de l’amour pur.

1624. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

C’est dire, que dans cette négation absolue de la musique, prendre cette grosse blague injurieuse, pour le vrai jugement de l’illustre écrivain sur le talent de M. 

1625. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

La vie telle que nous la connaissons, en solidarité avec toutes les autres vies, en rapport direct ou indirect avec des maux sans nombre, exclut absolument le parfait et l’absolu.

1626. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Si nous avons pu paraître sévère une fois envers lui, il est juste de dire que, dans toute cette relation avec Fauriel, il se montre tout à fait à son avantage, non plus sceptique absolu, mais sceptique regrettant le bien, cœur triste, appréciant le bonheur sans l’espérer, ami affectueux du moins et reconnaissant. […] Je désire le rendre le moins imparfait possible ; il faut qu’il ait assez de mérite pour se soutenir durant cette époque de dégoût pour les sujets dont je traite, de manière à se retrouver lorsque ce dégoût sera passé. » Ce dégoût du public pour les sujets religieux n’était pas si absolu que Constant le supposait, et le succès du Génie du Christianisme lui aurait pu fournir une mesure meilleure de l’état théologique des esprits.

1627. (1925) Portraits et souvenirs

»   La haine de Villiers de l’IsIe-Adam contre la Réalité est d’autant plus forte que son Idéalisme est absolu. […] Tous reconnaissaient sa charmante bonté, son désintéressement absolu de tout ce qui n’était pas son rêve, tous furent touchés par la façon dont il mêlait la noblesse mélancolique de ce rêve aux hasards de son existence vagabonde.

1628. (1864) Études sur Shakespeare

Corneille bourgeois n’avait point de termes assez humbles pour exprimer sa reconnaissance et sa dépendance envers le cardinal de Richelieu ; Corneille poëte repoussait l’autorité qui voulait prescrire des règles à son génie, et défendait, contre les prétentions littéraires d’un ministre absolu, les « secrets de plaire qu’il pouvoit avoir trouvés dans son art. » Enfin les esprits, encore vigoureux, échappaient de mille manières au joug d’un despotisme encore incomplet ou novice, et l’imagination s’élançait de toutes parts dans les routes ouvertes à son essor. […] Différent en ceci des autres arts, outre les règles absolues que lui impose, comme à tous, l’invariable nature de l’homme, l’art du théâtre a des règles relatives qui découlent de l’état mobile de la société.

1629. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Chère maman, Je vais te raconter mes enfantillages : ce matin je me suis promenée et je suis entrée dans l’église catholique ; j’ai profité de la solitude absolue pour monter dans la chaire, dans le chœur, sur l’autel, et pour réciter les prières posées sur les tablettes de l’autel ; je l’ai fait pour prier, parce que j’ai un tas de projets et que j’ai besoin de l’assistance du ciel… Mais l’idée que j’ai lu une messe me transporte. […] Seulement vous comprenez bien, Monsieur, qu’il faut pour cela une discrétion absolue.

1630. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Mais il est un stade plus noble d’acceptation, proche du désir du sacrifice, et dont la compréhension absolue s’appelle sainteté. […] La recherche de l’absolu n’est pas que dans les cornues de Balthazar Claes ! […] Les images sont ici très rares et d’une simplicité absolue. […] Nous lui devons tous, à Taine, une reconnaissance absolue et des autels dans notre imagination.

1631. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Un peuple vaincu est un dieu vaincu ; de plus, la défaite est toujours un châtiment ; aucune considération ne saurait prévaloir contre la loi barbare qui met les tribus domptées à l’absolue discrétion du vainqueur. […] Il cessa d’être un dieu local et provincial pour devenir un être absolu, dont Israël était le peuple de choix ; par là il échappa aux discrédits où sont tombés successivement le Camos des Moabites, le Rimmon des Ammonites, le Salm des Arabes, et Baal et Moloch. […] Il faut renoncer à l’étroit concept de la scolastique, prenant l’esprit humain comme une machine parfaitement exacte et adéquate à l’absolu. […] Taine s’est enfermé, avec Tite-Live, dans la société romaine, afin de voir d’où viennent et où aboutissent l’art de combattre, de négocier et d’administrer, l’invincible amour de la patrie, le courage orgueilleux et froid, le projet soutenu de conquérir le monde, de le garder et de l’exploiter. — Avec La Fontaine, Racine, La Bruyère, Saint-Simon, Fléchier, il s’est arrêté dans le décor pompeux de la monarchie absolue et de la société polie, empire de la raison oratoire et des idées générales, où le talent de bien dire, l’art de louer, de médire, de conter avec grâce sont prisés par-dessus tout, patrie d’une littérature de salon et de cour, milieu propice à l’éclosion de cet esprit classique qui, après avoir fait des merveilles en littérature, devint l’esprit jacobin et fit des ravages en politique.

1632. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Elle soulèvera son drap funéraire pour chercher de quelle maladie il est mort et quelles ont été devant l’absolu ses suprêmes agitations… » Bien ! […] Car la véritable épopée est un absolu, un être de raison, que des philologues, imbus de la métaphysique des autres, ont inventé à leur convenance et dont ils parlent à leur gré. […] Non qu’il ait regretté l’Inde, — je crois qu’il s’en échappa dès qu’il le put ; — mais cette nostalgie est d’un tel caractère universel et absolu qu’elle est, finalement, le regret des pays qu’on n’a point vus, des plaisirs qu’on n’a point possédés et enfin de toute la vie, imaginaire, irréelle peut-être et impossible, qu’en tout cas on n’a point vécue.

1633. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Pressés de parvenir, ils n’ont pas compris que, si l’on peut, à vingt ans, écrire les Méditations ou les Orientales, pourvu qu’on soit Lamartine ou Hugo, il faut avoir vécu, même quand on doit être George Sand ou Balzac, pour écrire Valentine ou la Recherche de l’absolu. […] Et comme un pauvre homme de savant, — puisqu’il y en a de tels, — qui rassemblerait des « documents » ou qui ferait des « expériences » au hasard, — parce qu’il aurait entendu dire dans les laboratoires que la science consiste à faire des « expériences » ou à rassembler des « documents », — ils ont cru que les « documents » ou les « expériences » avaient en soi, par eux-mêmes, leur valeur absolue, leur intérêt, ou leur raison d’être. […] Est-ce au « maître » qu’il a prétendu nous intéresser, au père de famille, volontaire et absolu ? […] Elle est d’abord la plus humaine qu’il y ait jamais eue, sans même peut-être excepter la littérature latine ; et ce qu’il faut entendre par ce mot, nul, je crois, ne l’a mieux ni si bien dit qu’Eugène Fromentin, dans ses Maîtres d’autrefois : « Il existait alors une habitude de penser hautement, grandement, un art qui consistait à faire choix des choses, à les embellir, à les rectifier, qui vivait dans l’absolu plutôt que dans le relatif, qui voyait la nature comme elle est, mais se plaisait à la montrer comme elle n’est pas.

1634. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Au dix-huitième siècle, second âge de la monarchie absolue, on vit d’un côté les pompons et les coupoles enguirlandées, de l’autre les jolis vers de société, les romans musqués et égrillards remplacer les lignes sévères et les écrits nobles.

1635. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Aussi Bernardin de Saint-Pierre, mécontent de la lenteur avec laquelle le roi Louis XVI, devenu révolutionnaire modéré, admettait dans les lois ses paradoxes absolus de sa théorie de perfectionnement qui commençaient tous par des destructions du pouvoir royal, s’impatientait contre son disciple couronné.

1636. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Tous les musulmans croient que les moindres circonstances de la vie de chaque homme sont écrites de toute éternité dans un livre déposé au ciel, où, suivant le texte même d’Al-Bédaouy, célèbre commentateur, « elles sont décrétées et écrites sur une table conservée avant leur existence. » Il est inutile d’accumuler les citations pour prouver que les musulmans nient toute espèce de libre arbitre ; leur fatalisme absolu et sans bornes est connu de tous ceux qui connaissent l’existence de la religion musulmane.

1637. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Il y a tant de diagnostiqueurs qui se trompent, et dans la confiance absolue de leur diagnostic, n’écoutent rien, dans une visite, de ce que leur racontent les malades.

1638. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

On ne peut pas impunément laisser penser la France ; dès qu’elle pense, elle conspire : elle conspire à haute voix sous les gouvernements despotiques ; elle conspire à voix basse sous les gouvernements absolus.

1639. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

… Y a-t-il un bien et un mal absolu ? […] Son œuvre, comme celle et plus que celle de tous les écrivains féconds, ressemble à une de ces collections où l’on voit deux ou trois belles choses au milieu de ferrailles, de coquilles, de porcelaines, de bijoux, de peintures sans grande valeur absolue, mais qui résument après tout les trois règnes de la nature et trois mille ans d’époques historiques, et qui entraînent des notices curieuses au catalogue.

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