Mais je ne m’arrêterai pas plus longtemps à ce moyen d’échapper à la difficulté, car je crois que la formation d’espèces très distinctes est possible dans de vastes régions parfaitement continues. […] Nous ne saurions douter que chacune de ces particularités de structure ne soit individuellement de quelque avantage aux représentants de chaque espèce d’Écureuils, chacune dans sa contrée natale, en ce qu’elle leur donne quelque facilité de plus, soit pour échapper aux oiseaux de proie ou aux autres animaux carnivores, soit pour se procurer plus aisément leur nourriture, soit encore pour diminuer le danger de chutes accidentelles plus ou moins fréquentes. […] Ce n’est pas que nos grands quadrupèdes actuels, sauf en de rares circonstances, soient aisément détruits par les Mouches ; mais ils en sont au moins continuellement harassés, épuisés, si bien qu’ils deviennent sujets à plus de maladies ou moins capables, en cas de famine, de chercher leur nourriture ou d’échapper aux animaux de proie. […] On conçoit, en effet, que le premier poisson volant, ou, pour employer une expression moins définie, le premier vertébré volant qui put se soutenir à fleur d’eau, de manière à échapper ainsi à ses ennemis sous-marins, dut avoir toute chance de survivre à ses rivaux et de laisser après lui une postérité nombreuse modifiée comme lui, mais plus que lui.
J’évoque, je compare mes souvenirs : je me rappelle que partout, dans le monde organisé, j’ai cru voir cette même sensibilité apparaître au moment précis où la nature, ayant conféré à l’être vivant la faculté de se mouvoir dans l’espace, signale à l’espèce, par la sensation, les dangers généraux qui la menacent, et s’en remet aux individus des précautions à prendre pour y échapper. […] Aucune théorie de la matière n’échappe à cette nécessité. […] Bien plus, si cette indétermination est chose qui échappe à l’expérimentation et au calcul, il n’en est pas de même des éléments nerveux sur lesquels l’impression est recueillie et transmise. […] Mais elles n’en demeurent pas moins exposées, isolément, aux mêmes causes de destruction qui menacent l’organisme dans son ensemble : et tandis que cet organisme a la faculté de se mouvoir pour échapper au danger ou pour réparer ses pertes, l’élément sensitif conserve l’immobilité relative à laquelle la division du travail le condamne.
Écoutez cet aveu curieux qui lui échappe à propos du gentleman Romney, type de l’humanitaire moyen qu’il trouve dans Aurora Leigh d’Élisabeth Browning : « Pour mon compte, écrit-il, en fait d’idéalistes, je n’admire tout à fait que les don Quichotte, ceux qui ne calculent rien et qui se brisent bravement la tête contre les moulins. […] « Pour ses yeux vainqueurs, d’étoile et d’épée, j’eus un bel amour ; pour son cœur ailé brillant et frivole un dédain léger… » Il rentre en France et au moment même où il publie à Paris ses seconds essais de critique, voici le cri lyrique qui s’échappe du plus profond de son être : « Âme libre, épurée, lointaine, ô mon âme future ! […] Jusqu’à ce qu’il ait été répondu à cette question préjudicielle, je m’abstiendrai de me mêler au débat que vous soulevez, car j’ai maintes fois éprouvé que les disputes fondées sur une opposition de purs sentiments, sur des appréciations qui échappent à toute formule rationnelle, ne produisent de part et d’autre aucun argument profitable à la recherche de la vérité qui est impersonnelle ; ce sont de vaines querelles qui ne peuvent aboutir à la conversion d’aucun des deux adversaires aux opinions de l’autre… Veuillez agréer, Monsieur et honoré confrère, l’expression de mes sentiments tout sympathiques et dévoués. […] La poétique elle-même ne peut pas échapper à cette constatation.
Mais encore une fois, ce rôle de chroniqueur critique que remplit si bien M. de Saint-Victor n’est pas celui qui lui agrée le plus : il l’accepte, il le subit, mais il ne s’y plie qu’à son corps défendant ; il en sort tant qu’il peut, il y échappe par des éclats de plume, par des assauts d’imagination qui marquent sa manière et ne permettent de la confondre avec nulle autre.
puis sa flamme rapide, son naïf et irrésistible abandon, son attache soudaine et forcenée ; le caractère de Raymon surtout, ce caractère décevant, mis au jour et dévoilé en détail dans son misérable égoïsme, comme jamais homme, fût-il un Raymon, n’eût pu s’en rendre compte et ne l’eût osé dire ; une certaine amertume, une ironie mal déguisée contre la morale sociale et les iniquités de l’opinion, qui laisse entrevoir qu’on n’y a pas échappé ; tout, selon nous, dans cette production déchirante, justifie le soupçon qui a circulé, et en fait une lecture doublement romanesque, et par l’intérêt du récit en lui-même, et par je ne sais quelle identité mystérieuse et vivante que derrière ce récit le lecteur invinciblement suppose.
Parmi les personnages et portraits charmants déjà en foule échappés à sa plume, nous en savons un dont nous voudrions lui inculquer le souvenir, parce qu’en même temps qu’il est proche parent de Lélia pour les principales circonstances, il a, dans le caractère et dans l’expression, la mesure, la grâce, la nuance qu’on aime et qui attire tout lecteur : ce personnage est celui de Lavinia, que l’auteur a peinte dans une Vieille Histoire.
C’est ainsi que je m’explique surtout comment bien des délicatesses ont été peu senties et bien des finesses ont paru échapper.
Les esprits médiocres sont, en général, assez satisfaits de la vie commune ; ils arrondissent, pour ainsi dire, leur existence, et suppléent à ce qui peut leur manquer encore, par les illusions de la vanité ; mais le sublime de l’esprit, des sentiments et des actions doit son essor au besoin d’échapper aux bornes qui circonscrivent l’imagination.
Je n’ai point changé d’avis ; Aréthuse est accompagnée, outre les Roseaux de la flûte, de nouveaux poèmes qui ne valent pas mieux ; c’est longuet, languissant, monotone et, sauf la Corbeille des heures, dont l’intérêt m’échappe, néo-grec comme la Bourse.
Ce fut une vision de jeunesse et de tendresse sous la rose lumière de la lune, et Sylvette et Percinet avaient comme des aspects de héros échappés de la forêt de Shakespeare, avec leurs caracos de satin et leurs habits de soie : Roméo écolier et Juliette colombinette.
Il ne veut rien laisser perdre de cette vie brûlante et multiple qui lui échappe et qu’il dévore avec précipitation et avidité.
Un mot singulier & nouveau, échappé au hazard, en fit naître l’idée à un des membres de cette société, qui l’exécuta avec ses confrères.
Cette fable rentre un peu dans celle du mouton, du pourceau et de la chèvre, avec cette différence que le chapon est plus maître d’échapper à son sort.
On sait qu’il a échappé à cet auteur quelques propositions hardies, qui ont choqué les amis de la Religion.
Aucun procédé, aucun effort de volonté, aucune de ces comédies intérieures que l’homme se joue et qu’il appelle de l’art, n’a pu donner à l’auteur, de ces souvenirs d’Asie l’accent brisé et doux de bonheur impossible qu’on entend, mais qui ne gémit pas, sous ses phrases écrites, dirait-on, par une signora Pococurante, dans le calme et l’indifférence, ni lui faire composer à loisir ce parfum subtil qui s’en échappe et vous enveloppe bientôt tout entier… Mme de Belgiojoso a-t-elle jamais été une femme littéraire ?
» Effectivement, que le Christianisme, en Chine, ait existé à une période plutôt qu’à une autre, il est certain qu’il n’y a vécu qu’à grand’peine, plus ou moins altéré, d’ailleurs, plus ou moins souillé de nestorianisme, et finalement plus ou moins entraîné dans l’idolâtrie générale, ou dans cette effroyable indifférence qui est la seule manière pour les Chinois d’échapper à l’idolâtrie !
ce ne sera pas la faute d’une supériorité trop évidente pour ne pas échapper aux vues basses d’un temps qui ne regarde plus qu’à ses pieds.
Nous aurions le plus singulier des anonymes, un anonyme d’idées et dédoublé de tout, nous n’eussions eu à vous présenter que ce phénomène d’un homme de goût qui, pendant un gros volume in-8º de cinq cents pages, à l’exception du dernier chapitre, — indiscret comme le post-scriptum de la lettre d’une pauvre femme qui a fait tout ce qu’elle a pu pour bien se tenir, mais qui s’échappe, — ne se serait montré absolument rien de plus qu’un dilettante de littérature et… un homme de goût.
Les Grecs ne voient que l’effet produit ; le dedans des choses leur échappe.
et je cause volontiers avec ceux qui échappent à cette loi de notre temps !
Saisset est au contraire une discussion en forme contre le panthéisme et une doctrine élevée à côté pour échapper aux conclusions envahissantes de ce fléau, qui s’étend toujours !
Jules Simon et que l’ennui, un immense ennui, s’échappe de ses œuvres, mais raison de plus pour tout craindre.
La niaiserie même de cette morale lui échappe, car, vous le savez, le Truism soleille en Orient ; la bêtise a dans ces contrées la beauté et la grandeur du climat, et les Chinois en particulier (à un très petit nombre près de proverbes qui font exception au reste de leur littérature), les Chinois sont d’incommensurables La Palisse.
Parce que cette organisation appartenait au Moyen Âge, à une époque couchée dans la tombe, il n’a pas cru qu’elle en partageât la poussière ; il ne l’a pas cru finie, épuisée, impossible ; car une institution fondée sur la nature des choses doit échapper à la destinée de ces institutions ambulatoires que les siècles emportent avec eux.
Ils n’ont pas vu que dans le vide de conclusions qui leur échappent la même atmosphère de scepticisme et d’espérance les enveloppait.
IV Cette imitation des deux à trois grands poètes du siècle, qui résume, en ces derniers temps, le stérile mouvement des imaginations poétiques, Reboul, plus que personne peut-être, était né pour y échapper.
Nous, qui avons toujours accueilli avec joie et même avec tressaillement toute personnalité de poète qui a cherché à se dégager de la prose du temps, nous savons trop combien cette prose, qui monte toujours, a été puissante contre l’énergie des plus fiers instincts, révoltés pour lui échapper.
Didier en a conscience, car il fait tout ce qu’il peut pour y échapper !
Seulement, par la variété des aptitudes, l’étendue des connaissances et le flottant des goûts, il échappe à la profondeur toujours un peu étroite de la spécialité.
Sans doute il comprenait avec raison sous cette dénomination les vagabonds sans lois et sans culte qui, pour échapper aux rixes continuelles de l’état bestial, cherchaient un asile dans les lieux forts occupés par les premières sociétés, faibles qu’ils étaient par leur isolement, et manquant de tous les biens que la civilisation assurait déjà aux hommes réunis par la religion.
Une observation a échappé aux grammairiens, aux politiques et aux jurisconsultes, c’est que dans la lutte des plébéiens contre les patriciens pour obtenir le consulat, ces derniers voulant satisfaire le peuple sans établir de précédents relativement au partage de l’empire, créèrent des tribuns militaires en partie plébéiens, cum consulari potestate, et non point cum imperio consulari.
Il a échappé à la diminution morale qu’entraîne presque toujours la vie de plaisir à outrance, et je lui en fais bien mon compliment. […] Et pareillement, que le théâtre soit le seul amour des comédiennes, il ne vous échappe point que c’est encore là une idée de théâtre, ce qui ne veut point dire que ce soit là une idée fausse. […] Mais dans sa dissection du talent de Regnard, il a oublié une chose qui, en effet, échappe à l’analyse. […] Céard me répond que toutes ces choses sont expliquées dans sa pièce, je jure que ces explications m’ont échappé, et que c’est donc lui qui a tort. […] Et Henriette, torturée, laisse échapper son secret : « Hé !
Les anciens, s’ils ont eu à subir bien des outrages du temps, lui ont dû cet avantage du moins d’échapper à l’analyse de la curiosité biographique. […] Pour l’y décider, il combine la louange et les airs de discrétion, il s’humilie à dessein ; tout-à l’heure il se relèvera, et déjà le feu dont il est plein lui échappe : Et moi aussi je suis une bouche brûlante des Muses ! […] D’après la plainte amère qu’il exhale, on voit que Théocrite n’a pas échappé au destin commun des poëtes, à cette souffrance des natures idéales et délicates aux prises avec la race dure et sordide.
X Dans une profondeur d’antiquité dont nous n’essayerons pas de calculer les siècles, le peuple chinois apparaît non pas comme un peuple jeune et naissant à la civilisation, aux lois, aux arts, à la littérature, mais comme un peuple déjà vieux ou plutôt comme le débris d’un peuple primitif, déjà consommé en expérience et en sagesse, peuple échappé en partie à quelque grande catastrophe du globe. S’il y a un fait historique consacré par toutes les mémoires ou traditions unanimes des peuples, c’est le fait d’un déluge universel ou partiel du globe, déluge qui submergea les plaines avec leurs cités et leurs empires, et après lequel il y eut sur la terre comme une renaissance de la race humaine dont une partie avait échappé à la submersion de sa race. […] Quoique ce que nous avons en ce genre se réduise en un petit nombre de volumes, on sera étonné qu’ils aient échappé à tant de naufrages.
Dans cette conviction on nous força à coucher seuls, et lorsque, ne pouvant plus maîtriser nos terreurs, nous nous échappions du lit pour nous glisser dans la compagnie des valets et des servantes, notre père, enveloppé dans sa robe de chambre mise à l’envers, et, par conséquent, suffisamment déguisé pour nous, nous barrait le passage et nous faisait retourner sur nos pas. […] La main de Faust s’abaisse ; la coupe lui échappe. […] Marguerite serre sa main, se dégage et s’échappe.
Quand Bonaparte sentit l’empire échapper par grands lambeaux de sa main avec la victoire, il se hâta de rendre les États pontificaux au pape et de renvoyer respectueusement le pontife à Rome comme un gage de restitution et de paix à l’Europe. […] Charles-Quint et Léon X ne triomphent pas plus que les Français de leur indépendance ; mais les Turcs triomphent graduellement de leur puissance navale et coloniale en Orient ; Chypre et la Grèce leur échappent ; leur époque héroïque finit avec leur ascendant sur la mer. […] Il prêta devant la junte révolutionnaire, comme régent, le serment de soutenir la constitution espagnole ; puis, pressé d’échapper à la responsabilité de son double rôle, il se mit à la tête de deux régiments de cavalerie et d’artillerie, et se rendit à Novare dans une intention équivoque et non expliquée.
Sa maigreur, sa pâleur, ses évanouissements fréquents, l’insomnie, la voix brisée par l’effort pour répondre à l’avidité et aux applaudissements de la foule, son exténuation précoce, qui, pour une gloire du barreau et des lettres trop tôt cueillie, menaçait une vie avide d’une plus haute et plus longue gloire, peut-être aussi les conseils que lui donnèrent ses amis d’échapper à l’attention de Sylla, qu’une si puissante renommée pouvait offusquer dans un jeune favori du peuple, et que Cicéron avait légèrement blessé en défendant un de ses proscrits que personne n’avait osé défendre ; toutes ces causes, et plus encore la passion d’étudier la Grèce en Grèce même, décidèrent Cicéron à quitter Rome et le barreau, et à visiter Athènes. […] Le frère de Cicéron, blessé lui-même par le fer des gladiateurs de Clodius, n’échappa à la mort qu’en se cachant sous les corps amoncelés sur les marches de la tribune. […] Osera-t-on la révoquer en doute parce qu’elle échappe à nos sens et qu’elle ne se montre pas à nos regards ?
L’essence même du tempérament artistique est de percevoir vivement tout le spectacle du monde ambiant, qui échappe d’habitude, en majeure partie, aux hommes obtus et sains. […] Balzac a échappé par l’énormité de son génie à cette prise de parti mais Michelet et d’autres avaient porté la sensibilité dans l’histoire et dans la chaire ; Sainte-Beuve et M. […] Chez le public lisant français de ce siècle, plutôt dans les classes aisées que dans les classes pauvres qui échappent à notre appréciation, ce qui l’emporte, tout au rebours de ce qui l’emportait jusqu’à la seconde moitié du XVIIIe siècle ce sont certaines dispositions émotionnelles de sympathie, de pitié, d’horreur pour la souffrance humaine Une préoccupation inquiète des masses de nos semblables s’est emparée de la masse intelligente, qui sait ou qui sent comment il est inévitable que tous les hommes soient solidaires les uns des autres et qui s’effraie de l’étrange désintéressement réciproque qui va séparant de plus en plus les uns des autres, de ce manque d’affection, de communion, de coopération qui rend peu à peu les individus indépendants et solitaires.
» L’ami respira et se tut longtemps comme Hafiz, après avoir respiré le bouquet de fleurs. « Je ne sais pas ce qui est sain ; je ne sais pas ce qui est méphitique, dit-il au poète, je ne puis pas décomposer ce qui échappe à mes yeux et à mes doigts, mais les couleurs sont ravissantes et le parfum est délicieux. » — « Laisse-moi donc vider ma coupe et regarder Leïla », poursuivit Hafiz, et il acheva nonchalamment de savourer son double délire. […] Werther se tuait, mais au moins c’était pour échapper au crime ; Rolla et les héros de Musset se tuent, mais c’est pour échapper à la satiété ou à la punition de leurs fautes.
Ainsi toute nation, eût-elle échappé aux causes extérieures de destruction, est condamnée à mourir tôt ou tard de sa belle mort. […] Ce fait, comme tous les autres, a une loi ; mais cette loi n’a rien de commun avec celles qui gouvernent les phénomènes astronomiques, physiques, chimiques et vitaux : elle n’est pas nécessitante, elle ne contraint pas ; elle échappe à l’inflexible rigidité des formules mathématiques. […] Lorsqu’il voit que le jour et la nuit s’égalisent, c’est-à-dire que les peuples qui s’agitaient dans les ténèbres se convertissent à la pure lumière, il fait retentir sa voix d’heure en heure, nuit et jour, cherchant la proie qui lui échappe. » Ainsi encore à propos du castor, dont on croyait qu’il s’arrachait lui-même les organes de la génération pour arrêter la poursuite des chasseurs : « De même tous ceux qui veulent vivre chastes en Jésus-Christ doivent arracher les vices de leur âme et de leur corps pour les jeter à la face du démon. » Et ne trouvons-nous pas comme un dernier écho de ce symbolisme dans Bossuet lui-même quand il dit : « Il semble que Dieu ait voulu nous donner, dans les animaux, une image de raisonnement, une image de finesse ; bien plus, une image de vertu et une image de vice ; une image de piété dans le soin qu’ils montrent tous pour leurs petits et quelques-uns pour leurs pères ; une image de prévoyance, une image de fidélité, une image de flatterie, une image de jalousie et d’orgueil, une image de cruauté, une image de fierté et de courage.
Freud échappe à l’erreur des psycho-physiologistes en n’acceptant comme renseignements sur la vie psychique que des faits psychiques. […] Son esprit, pour sortir de cette situation si cruelle, pour échapper à ce contraste trop fort entre ses besoins et les possibilités de la connaissance va trouver un joint, — excusez ce mot familier, il est tout à fait en place — un joint extraordinaire. […] Peut-être est-il aussi inexact de croire qu’elles s’échappent ou reviennent. […] Je la relus dès mon retour ; et j’eus l’impression que sa jeunesse avait augmenté, qu’elle était rayonnante de grâces et de forces qui m’avaient d’abord échappé. […] Elle échappe au temps.
C’est l’esprit du Dictionnaire de Bayle — « notre cher Pierre Bayle », laisse-t-il échapper à un endroit pour se reposer de Calvin. […] Voici Lamennais qui « ne se résignait pas à être un simple individualiste et ne savait absolument pas de quelle manière, par quel biais forcé, par quelle contorsion d’argumentation et par quel prestige de galimatias il pourrait échapper à l’être. […] C’est la guerre civile régularisée, donc admise. » « Chaque parti… » Aucun n’échappe, en effet, à la justice distributive de M. […] Aussi, lorsque le romantique, par ses origines et par ses traditions, n’était pas révolutionnaire, il s’échappait tôt ou tard de son camp, invinciblement attiré dans l’autre : ce fut le cas de Lamartine et de Victor Hugo. […] Comme on excuse cet homme aimable de saisir avec empressement ou même de faire naître le prétexte de dîners de corps ou de congrès en Suisse pour échapper à la tyrannie de son association !
Il y eut quelques encouragements menteurs et balbutiés, des recommandations vagues ; puis les trois savants se hâtèrent au départ, pressés de sortir, d’échapper à la responsabilité de ce désastre. […] Il lui avait échappé un jour de leur dire : « Vous êtes bien fatigants avec tous ces lazzis. » Ce mot de lazzi les avait amusés, et comme Moret était de taille courte, ils l’avaient tout aussitôt surnommé : lazzi mineur. […] Le comte Léopold laissa-t-il échapper ce secret de son cœur, ou cette combinaison si naturelle et si convenable saisit-elle d’elle-même l’imagination des deux familles ? […] Chrétien trouva Rigault fort effaré et lui dit : « Les soldats sont en bas, il faut descendre. » Rigault lui proposa de le suivre sur les toits et d’essayer ainsi d’échapper aux poursuites. […] Il en est un cependant qui sut échapper à ce ridicule, c’est Augustin Ranvier.
Je ne me serais pas pardonné de laisser échapper l’occasion de le faire voir. […] On ne voyait ni pourquoi Bayle donnait sept preuves de son assertion, au lieu de six, plutôt que huit, ni pourquoi la seconde n’était pas la première ou aussi bien la dernière, et ses exemples avaient leur prix, mais la raison de ses exemples échappait. […] Alors, la loi de la conduite n’échappe aux servitudes de la religion et de la philosophie que pour tomber sous la tyrannie la plus redoutable et la plus inintelligente qui soit ; c’est celle du fait. […] Oserai-je dire que, si c’est un reproche, Boileau lui-même — si Gaulois, si Français, si Parisien à tant d’autres égards — n’y saurait échapper entièrement ? […] C’est qu’à la date précise de 1713, les définitions de la bulle venaient comme barrer les dernières issues par où le sens individuel pouvait encore échapper à la domination tyrannique du dogme.
Dès l’instant que l’on écarte l’hypothèse du devoir d’élève ou du pastiche prémédité, il faut toujours chercher un élément de sincérité dans cette ouverture sur l’âme humaine qu’est une page littéraire… Sincérité, c’est-à-dire aveu, confession, manifestation du trait individuel qui échappe à la conscience. […] Voyons en effet, examinons un peu ce qui advient dans la pratique courante de la vie : Toujours par quelque endroit, si fervent que soit un amour, la femme échappe à l’homme. […] Chez Mme Lucie Delarue-Mardrus l’artifice apparaît chaque fois qu’elle échappe à la sensation directe et à sa notation réaliste. […] » A cet accent vous pourrez reconnaître la série des générateurs immédiats, ceux à l’influence de qui la faculté inventive de l’auteur n’avait pas licence d’échapper, puisque ces voix d’âge en d’âge se répondent avec une vibration qui prolonge en nous leur écho : Juan de Marana, Valmont, Richelieu, Effrena, Priola, et nous entendons encore les intonations du dernier en date, le marquis, distribuant des conseils à son fils…. quels conseils, et à qui donnés ! […] Depuis les époques lointaines où ce leur était l’unique moyen d’échapper à la mort en écartant, par l’éveil du désir, les brutalités du mâle primitif, jusqu’aux temps d’extrême civilisation où ce devint leur meilleur gage de domination sur le citoyen policé, elles ne poursuivent pas d’autre but ; tous leurs efforts vont à préparer les armes qui assureront leur pouvoir.
Dona Elvire, en habit de campagne, lui a fait de sombres menaces, la mer a voulu l’engloutir, deux jolies filles de la campagne, deux alouettes au doux plumage qu’il avait prises à la glue, Charlotte et Mathurine, ont échappé à l’ardent amoureux ; il s’en va dans la campagne cherchant l’odeur de la chair fraîche, lorsqu’il fait la rencontre de ce vieillard. […] Bulwer a osé intituler : L’Argent, on se demande comment il se fait que ces pages athéniennes, d’un atticisme si pur, car c’est là de l’Aristophane élégant, ont pu échapper si complètement à M. […] Que me veut cet échappé de prison ? […] Bulwer se plaint que jusqu’à présent Louis XIV ait échappé à la résurrection du théâtre, et il promet de ressusciter Louis XIV : avec son égoïsme somptueux et royal, son besoin maladif d’amusement, les propriétés de son tempérament susceptible, malgré sa froideur, aux énergies dorlotées, aux ressources sans culture, « et cætera ». […] Enveloppez-vous dans ce voile ; vivez cachée à vous-mêmes aussi bien qu’à tout le monde ; et connue de Dieu, échappez-vous à vous-même, sortez de vous-même, et prenez un si noble essor, que vous ne trouviez de repos que dans l’essence du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » 25.
Comment la littérature échapperait-elle à l’une des lois, ou peut-être même à ce qu’on pourrait nommer la loi du dix-neuvième siècle ? […] À gauche du peintre, grouille et s’étale avec orgueil un bataillon de monstres échappés de la cour des miracles. […] Mais la réalité humaine est double aux yeux de tout homme qui pense ; elle a sa manifestation extérieure et matérielle, elle a aussi son expression morale, dont la perception échappe à l’entendement du vulgaire. […] Si vous ne savez pas la saisir et la fixer dans vos œuvres, c’est que le côté interne des choses et des hommes vous échappe ; vous n’êtes réaliste qu’à demi ; vous calquez, vous ne peignez pas ; vous êtes un faiseur de procès-verbaux et de croquis, non un jugeur d’hommes et un penseur, vous n’êtes pas l’héritier de Balzac, vous êtes l’élève de Daguerre. […] Vous aurez beau vous en défendre ; bien qu’échappant dans la pratique à toute réglementation préconçue, ainsi qu’y échapperont plus tard, du reste, toutes les manifestations de l’activité humaine, l’art ne peut devenir l’humanité qu’en se faisant positif.
Imaginez le désagrément et la peine pour un honnête homme comme Kestner, heureux d’épouser celle qu’il aime depuis des années, l’emmenant comme en triomphe de Wetzlar à Hanovre, la présentant avec orgueil à tous les siens, et remplissant avec considération un emploi honorable, imaginez-le, après dix-huit mois de mariage, recevant de son meilleur ami, en cadeau, ce petit volume, où il est crayonné d’une manière assez reconnaissable sous les traits d’Albert ; où sa fiancée paraît à bien des moments près de lui échapper ; où elle n’est guère retenue que parce qu’elle est supposée déjà liée à lui par un engagement positif. […] Grâce à Dieu, nous avons vécu et nous vivons encore ensemble heureux et contents. » Il n’est que bien modéré quand il s’échappe jusqu’à dire : « Un de mes amis m’écrivait dernièrement : Sauf le respect pour votre ami, il est dangereux d’avoir un auteur pour ami.
. — Un jour, dans une discussion, à propos de je ne sais quel livre où Luther était voué au feu infernal et qu’on voulait nous faire couronner, il m’est échappé de dire à l’un des orthodoxes religieux dont j’ai l’honneur d’être le confrère, et qui s’étonnait de ma protestation : « C’est bien assez, à l’Académie, d’être de la religion d’Horace. » J’ai touché à bien des points, m’efforçant de montrer l’Académie comme elle est et évitant tout parti pris de dénigrement ou de complaisance. […] Quoiqu’on n’aime aujourd’hui que le saillant et le coloré, je citerai le passage : « En voyant un si grand homme dans le négligé de sa vie domestique, j’admirais encore en lui une simplicité de manières qui encourageait la modestie timide, sans permettre cependant la familiarité ; un entier oubli de sa gloire, mais qui n’excluait pas le goût de la louange ; une habitude de distractions toujours réparées par les retours d’une bonté naïve ; une vivacité de discours qui avait l’air de l’abandon, mais d’où s’échappaient des éclairs de génie. » C’était le goût d’alors, tout en nuances : on ne saurait moins appuyer et mieux dire. — Il y avait une chose que Suard n’eût jamais dite en pleine Académie, mais qu’il aimait à raconter.
Il ne disconvient pas avoir pu laisser échapper quelques regrets, quelques paroles dont on a pu abuser. […] Le chancelier Olivier lui-même, lisant les Regrets dans leur nouveauté et les goûtant extrêmement, avouait qu’il y avait des choses qui lui échappaient : « Quanquam sunt in iis nonnula quæ me fugiunt, quod scilicet res ipsas non capio. » 111.
Bien des détails précieux qui échapperaient, si on ne les saisissait au passage, et qui ne se retrouveraient plus, sont ainsi fixés, et pourront fournir d’imprévues conclusions à nos neveux, ou du moins, en vieillissant, en se colorant par le seul effet de la distance, ils leur deviendront poétiques et chers. […] quand je m’échappe quelquefois à parler du factice inévitable des rôles humains ; quand j’ai l’air de me plaire à la pure réalité, ce n’est pas que je me dissimule les misères et les petitesses de celle-ci, ce n’est pas que je méconnaisse le mérite et la force des entreprises.
Ce jeune homme, abandonné, nécessiteux, ardent, dont la plume acquit par la suite un renom d’impureté ; qui, selon son propre témoignage, possédait assez bien son Pétrone, et des petits madrigaux infâmes de Catulle pouvait réciter les trois quarts sans honte ; ce jeune homme échappa à la corruption du vice, et, dans l’âge le plus furieux, parvint à sauver les trésors de ses sens et les illusions de son cœur. […] Sans doute l’idée de morale le préoccupa outre mesure ; il y subordonna le reste, et en général, dans toute son esthétique, il méconnut les limites, les ressources propres et la circonscription des beaux-arts ; il concevait trop le drame en moraliste, la statuaire et la peinture en littérateur ; le style essentiel, l’exécution mystérieuse, la touche sacrée, ce je ne sais quoi d’accompli, d’achevé, qui est à la fois l’indispensable, ce sine qua non de confection dans chaque œuvre d’art pour qu’elle parvienne à l’adresse de la postérité, — sans doute ce coin précieux lui a échappé souvent ; il a tâtonné alentour, et n’y a pas toujours posé le doigt avec justesse ; Falconnet et Sedaine lui ont causé de ces éblouissements d’enthousiasme que nous ne pouvons lui passer que pour Térence, pour Richardson et pour Greuze : voilà les défauts.
Ils naissent instruits, et ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l’enfance. » Au chapitre des Grands, il s’est échappé à dire ce qu’il avait dû penser si souvent : « L’avantage des Grands sur les autres hommes est immense par un endroit : je leur cède leur bonne chère, leurs riches ameublements, leurs chiens, leurs chevaux, leurs singes, leurs nains, leurs fous et leurs flatteurs ; mais je leur envie le bonheur d’avoir à leur service des gens qui les égalent par le cœur et par l’esprit, et qui les passent quelquefois. » Les réflexions inévitables que le scandale, des mœurs princières lui inspirait n’étaient pas perdues, on peut le croire, et ressortaient moyennant détour : « Il y a des misères sur la terre qui saisissent le cœur : il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments ; ils redoutent l’hiver ; ils appréhendent de vivre. […] Pour moi, en relisant les Caractères, la rhétorique m’échappe, si l’on veut, mais j’y sons déplus en plus la science de la Muse.