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1331. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Je prie le lecteur de vouloir bien jeter de nouveau un coup d’œil sur la figure qui donne une idée approchée des effets résultant de l’action combinée de ces divers principes : il verra qu’ils ont pour conséquence inévitable que les descendants modifiés, qui procèdent d’un même progéniteur, se séparent en groupes subordonnés à d’autres groupes. […] Le lecteur comprendra mieux ce que j’entends, s’il veut prendre la peine de consulter encore la figure du quatrième chapitre. […] Car le commun ancêtre d’une famille entière d’espèces, maintenant rompue en groupes et sous-groupes distincts, doit leur avoir transmis, à toutes, quelques-uns de ses caractères, modifiés, il est vrai, à divers degrés et de diverses manières ; et ces diverses espèces doivent en conséquence être alliées les uns aux autres par des lignes d’affinités tortueuses et d’inégales longueurs, se relevant à chacune de leurs extrémités pour aboutir aux espèces vivantes à travers la série de leurs nombreux prédécesseurs, ainsi qu’on peut le voir sur la figure à laquelle j’ai déjà si souvent renvoyé le lecteur.

1332. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Tout véritable poète a le don d’émouvoir le lecteur et, s’il émeut, il s’impose à l’admiration. […] Et rien n’est plus sublime. — Laissez-moi donc répondre à votre question : Victor Hugo et vous remercier, comme lecteur et comme poète, d’avoir préalablement épargné tout suffrage aux bardes vivants ; vous fîtes preuve d’indulgence et de prudence. […] Et l’avis motivé d’un grand nombre des poètes notoires de ce temps sera pour le lecteur attentif d’un enseignement meilleur que le jeu de pointage auquel nous pourrions nous livrer.

1333. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

J’ai, dans le temps, parlé à nos lecteurs de cette binette dont j’ai gardé l’exemplaire. […] Don Juan est une figure qui ne périra jamais : peut-être beaucoup de mes lecteurs ne savent-ils plus ce que je veux dire quand je parle de d’Estrigaud. […] Je me sers à dessein de ce mot débuter, qui étonnera peut-être le gros de mes lecteurs, quand il s’agit d’un rôle aussi connu, et d’un acteur aussi célèbre. […] C’est la troisième du quatrième acte, et j’engage les lecteurs à s’y reporter : ils suivront cette discussion avec plus de fruit. […] Permettrez-vous à un de vos lecteurs les plus fidèles de vous dire que tel n’a pas été l’avis d’une bonne partie du public et d’en chercher la raison ?

1334. (1922) Gustave Flaubert

Mais les Souvenirs littéraires froissent et irritent constamment le lecteur par la suffisance du langage, et par l’insuffisance des distances que Du Camp garde entre lui et les grands écrivains qu’il eut l’honneur de fréquenter. […] Il y a là un lyrisme ou plutôt un contre-lyrisme proprement flaubertien, qui demande une initiation, et devant lequel plus d’un lecteur fronce le sourcil. […] le lecteur fait écho, et sent là une histoire de fatalité. […] Je ne crois pas qu’un seul lecteur soit de bonne foi s’il dit qu’il a lu Salammbô sans la laisser reposer plusieurs fois un assez long temps. […] Mais, dans les grandes lignes, Flaubert a suivi le récit de Polybe ; le lecteur doit le savoir, on peut bien lui demander cela.

1335. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Renfermés dans les bornes d’une critique raisonnable et juste, auraient-ils excité la curiosité de ses lecteurs ? […] Il avait bien compris le goût des lecteurs français : il savait donner un tour plaisant aux plus graves préceptes : il savait qu’il ne suffisait pas d’instruire, mais qu’il fallait encore amuser et plaire ; c’est tout cela qui donne à son style un tour si vif, si vrai et si naturel. […] La plupart des modernes sont des chevaliers d’industrie qui veulent tromper le lecteur : il n’y a ni bonne foi ni probité dans leurs écrits ; à l’aide d’un éclat imposteur, ils font passer du cuivre pour de l’or. […] Des lecteurs de goût et de sens n’hésiteront pas à regarder cette scène comme supérieure, pour l’énergie des idées et du style, à tout ce que Voltaire a fait de meilleur en ce genre. […] Quelques-uns de mes lecteurs, et surtout ceux qui ont coutume de se laisser attendrir par les conversions théâtrales, sont peut-être scandalisés de cette obstination, de cet endurcissement de Corneille, d’ailleurs homme de bien et de bonnes mœurs, mais aveuglé par son attachement opiniâtre à cette damnable hérésie.

1336. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Par le plus singulier mélange, les livres qu’il préférait étaient ou les plus violents ou les plus réguliers, la Bible d’abord : « J’en suis grand lecteur et grand admirateur, je l’avais lue et relue avant d’avoir huit ans ; je veux dire l’Ancien-Testament, car le Nouveau, pour moi, était une tâche, mais l’Ancien un plaisir1261. » Remarquez ce mot ; il ne goûte point le mysticisme tendre et abandonné de l’Évangile, mais la roideur atroce et les cris lyriques des vieux Hébreux. […] Sûrement elle va se taire, honteuse et pleurante, et le lecteur moraliste ne manque pas de compter sur ses remords. Mon cher lecteur, vous n’avez point compté sur l’instinct et les nerfs. […] Les derniers chants du Don Juan traînaient ; la gaieté devenait forcée, les escapades se tournaient en divagations ; le lecteur sentait approcher l’ennui.

1337. (1932) Le clavecin de Diderot

Les bobards religieux ne trouvaient-ils plus une oreille qui voulût encore les tolérer, le plus grand nombre, du lecteur de roman sophistiqué au lecteur du journal démagogique, se refusait-il aux affirmations insinuées ou hurlées des mystiques ploutocrates, niait-il que le diable fût vivant là où le clergé a, si longtemps, prétendu qu’il s’incarne, alors, on se contentait de ravaler — et avec quel luxe de sournoiseries — au rang animal ce qui, pour être commun à toutes les espèces vivantes, n’en demeure pas moins propre à l’homme et le propre de l’homme. […] Mais Gide n’ignorait pas comment et combien le charme de Lafcadio ferait se pâmer d’amour (conscient ou inconscient) lecteurs et lectrices. […] Il s’agit manifestement d’une citation erronée du poème collage d’André Breton « Corset mystère » commençant par l’apostrophe « Mes belles lectrices, in Mont de piété, Éditions Au sans pareil, 1919.

1338. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Henri Mazel est arrivé à l’heure où l’effort se réalise, et si, en des drames donnés comme des essais, il a pu émouvoir le lecteur du coin du feu, c’est sans doute que le théâtre est son destin. […] Schwob s’était un peu inclinée vers le genre de mystification (où excella Edgar Poe) que les Américains appellent boaxe, que de lecteurs même savants il aurait pu duper avec cette vie de Cratès cynique, où pas un mot ne détruit la sérénité d’une biographie authentique ! […] J’ai vu un livre qui à un tel sembla de pur sensualisme, incliner un autre lecteur à des vues métaphysiques et un autre à des pensées seulement tristes. […] Mais, si le principe de l’instrumentation verbale peut s’expliquer et peut se comprendre, il ne peut être ni senti ni même perçu, le long de l’œuvre du poète, par un lecteur même prévenu et de très bonne volonté. […] C’était un lecteur assidu de Spinoza, qui lui avait enseigné, selon la juste expression de M. 

1339. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Malgré cela, le style de Rabelais, d’une splendeur adventice en quelque sorte, rebute à la fin le lecteur rassis que les mots n’affolent plus suffisamment. […] Il est seulement possible de faire saisir l’ensemble de l’œuvre au lecteur ignorant de la langue qui donna vie à cette œuvre ; il est possible de conduire, sans le rebuter, celui qui en déchiffre déjà le texte. Mettons aussi que l’on procure à tel autre lecteur, très versé dans la langue de l’original, la docte jouissance d’une comparaison curieuse ! […] En parlant au lecteur, M.  […] Il quitte la Reine Marie Leckzinska dont il est lecteur, et il va chez la danseuse Camargo.

1340. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Je me bornerai à indiquer au lecteur le récit, dans la Nuit de Noël à Verdun, d’une communion militaire à la chapelle de la forteresse. […] Vous me demandez, mon cher Pierre Brisson, de vous donner pour les lecteurs des Annales une page de souvenirs sur mon maître M.  […] Puisse-t-elle faire sentir à vos lecteurs de quelle vénération il convient d’entourer le souvenir du grand écrivain dont je m’honore d’avoir été l’élève et l’ami ! […] Il s’est dit avec raison qu’en dégageant de ses rapports des détails essentiels et en les reliant simplement par un récit de son existence officielle il rendrait présente à ses lecteurs une atmosphère d’attente où il a dû vivre lui-même. […] En contribuant à réveiller cette vertu dans les esprits des lettrés et par suite de leurs lecteurs, est-il exagéré de dire que la Revue a bien mérité de cette Patrie ?

1341. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Mais laissons le lecteur agiter lui-même ces agréables débats qui consolent de beaucoup d’autres, et remercions M. […] Si complet que puisse sembler ce portrait de Mme de Longueville, les lecteurs qui n’en auraient pas assez pourront chercher dans l’édition de 1867 de mon Port-Royal, au tome V, pages 123-139, et aussi dans l’Appendice du tome IV, pages 591-593 ; ils auront épuisé tout ce que j’ai su trouver et dire.

1342. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Des dieux auxquels on a cessé de croire, des héros dont les exploits et les amours sont des fables, des mœurs dont les descriptions nous semblent des inventions étranges du poète au lieu du portrait ressemblant de la civilisation que nous avons sous les yeux, tout cela intéresse peu le vulgaire des lecteurs ; le savant seul s’y plaît, mais la foule se détourne et court aux légendes et aux complaintes des chanteurs de rues ; de là un triste abaissement du niveau de l’imagination du peuple. […] Nous regrettons vivement de ne pouvoir les donner ici au lecteur : c’est Homère et la Bible fondus dans la familière sagesse des vieux jours.

1343. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

À cela près, nous ne connaissons pas un recueil de dépêches mieux senti, mieux écrit, présentant au lecteur sérieux, dans un meilleur style, plus de lumière et plus d’agrément. […] Si mon nom peut procurer à leurs ouvrages des lecteurs, et des acheteurs à leurs libraires, je m’en réjouirai très sincèrement, car je veux faire le bien, de quelque manière que ce soit.

1344. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Ces deux écrivains ont à eux seuls occupé l’espace de tout leur siècle ; ils ont tellement confondu leur nom avec le nom même de leur patrie qu’on ne peut dire Cicéron sans que Rome tout entière se présente à l’imagination du lecteur, et qu’on ne peut dire Voltaire sans que la France apparaisse avec toutes ses grandeurs littéraires, tous ses talents et tous ses défauts, à l’esprit de l’Europe. […] Le jour où cette indépendance, qui ne peut pas être éloignée et que les hommes de philosophie libre désirent ardemment, sera venue, ce jour-là seulement l’influence définitive de Voltaire sera fixée, et il ne restera de son nom et de son œuvre que ce qui doit en rester pour l’immortalité, c’est-à-dire : Un poëte lyrique sans flammes, sans ailes, sans enthousiasme ; Un poëte dramatique doué d’une certaine illusion théâtrale, mais d’un style au-dessous de Corneille, de Racine, style de parterre, qu’on peut entendre avec plaisir, mais qu’on ne peut relire avec admiration ; Un poëte badin au-dessous d’Arioste ; Un poëte familier égal à Horace ; Un historien inférieur à Thucydide, à Tacite, à Gibbon, à Montesquieu, sans profondeur dans les jugements, sans pathétique dans les sentiments, sans couleur et sans chaleur dans le récit, mais clair, rapide, sensé, judicieux, élégant, sincère, instruisant beaucoup, amusant toujours, ne trompant jamais son lecteur ; Un écrivain de lettres familières, tel qu’il n’en parut jamais dans l’antiquité ou dans les temps modernes, supérieur à Cicéron en facilité de style, égal en charme, en souplesse, en naturel à madame de Sévigné elle-même, féminin par la grâce, viril par le grand sens de ses lettres ; c’est là qu’il faut le chercher tout entier, ses imperfections sont dans ses œuvres, son génie est dans sa correspondance ; homme à la toise de beaucoup d’autres hommes si on le mesure quand il est vêtu, homme incommensurable en déshabillé ; Un polémiste dont on ne peut comparer l’éloquence aux éloquences de Cicéron, de J.

1345. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Vous connaissez le sujet de Tristan et Iseult dont j’ai quelquefois entretenu les lecteurs du Siècle, et vous savez que le clou de la pièce qui remplit le premier acte est l’accès de delirium tremens qui s’empare de Tristan et d’Iseult après qu’ils ont bu d’une certaine préparation pharmaceutique. […] Mais arrivons, sans faire languir notre lecteur, aux deux champions, qui, après boire, s’épuisent dans les convulsions.

1346. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

« Nous croyons devoir avertir nos Lecteurs, que M. l'Abbé Sabatier de Castres n'est point l'Auteur de deux Pieces de vers insérées sous son nom dans le Recueil de l'année précédente, l'une intitulée la Dame fidelle, & l'autre la Fille perdue & retrouvée. […] Que les citations qu'on trouve sous les N°. 4, 5 & 6 du Libelle, ont été puisées dans des Notes que j'avois faites pour les Trois Siecles, & qui m'ont servi ou qui étoient destinées à composer les Articles des Auteurs qui en sont l'objet : 3°. que les Lettres (sans date, comme toutes les autres), dont on rapporte des morceaux, pag. 30, 31, 32, 37 & 45, & que je me rappelle très-bien avoir écrites, sont un monument manifeste de la mauvaise foi de l'audacieux Compilateur, puisqu'elles renferment précisément la réfutation de ce qu'il avance sans preuve ; réfutation qu'il s'est bien donné de garde d'exposer aux yeux de ses Lecteurs : 4°. enfin, qu'à l'exception de quelques Billets & de trois ou quatre Lettres que j'ai écrites en ma vie à l'Abbé Martin, tous les papiers de mon écriture qu'on cite ou dont on parle dans le Libelle, ne sont que des brouillons informes ou des matériaux d'Ouvrage, que je dois avoir laissé égarer ou qui m'ont été méchamment dérobés.

1347. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Le poète déjà connu est toujours le Narcisse éternel qui a chanté ses cheveux noirs, qui va chanter les blancs, qui palpite pour lui et qui s’effraie pour lui, et s’imagine que tout l’intérêt des lecteurs va s’absorber dans cette incroyable contemplation de fakir ! […] Hugo à ses lecteurs, du livre des Contemplations.

1348. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Demandons seulement au lecteur de passer en revue les difformités diverses, puis de les diviser en deux groupes, d’un côté celles que la nature a orientées vers le risible, de l’autre celles qui s’en écartent absolument. […] On se rappelle le passage si amusant de Tartarin sur les Alpes où Bompard fait accepter à Tartarin (et un peu aussi, par conséquent, au lecteur) l’idée d’une Suisse machinée comme les dessous de l’Opéra, exploitée par une compagnie qui y entretient cascades, glaciers et fausses crevasses.

1349. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Le critique, et même le lecteur français, ne s’inquiète plus de ce qui lui plaît, de ce qu’il aimerait naturellement, sincèrement ; il s’inquiète de paraître aimer ce qui lui fera le plus d’honneur aux yeux du prochain.

1350. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Quoique le point de départ et le sujet principal de ses études semblassent devoir circonscrire d’abord le cercle de son public et de ses lecteurs, il a su l’étendre, dès son entrée dans la carrière, par la supériorité et la variété de son coup d’œil, sa manière neuve d’envisager et de présenter chaque question, et la rare distinction de sa forme.

1351. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Cela donne patience au lecteur et lui rafraîchit, s’il en avait besoin, la mémoire, l’image toute-puissante du héros.

1352. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Mais, à force de méditer sur les prérogatives de la poésie, Le Brun en était venu à envisager les hardiesses comme une qualité à part, indépendante du mouvement des idées et de la marche du style, une sorte de beauté mystique touchant à l’essence même de l’ode ; de là, chez lui, un souci perpétuel des hardiesses, un accouplement forcé des termes les plus disparates, un placage extérieur de métaphores ; de là, surtout vers la fin, un abus intolérable de la Majuscule, une minutieuse personnification de tous les substantifs, qui reporte involontairement le lecteur au culte de la déesse Raison et à ces temps d’apothéose pour toutes les vertus et pour tous les vices.

1353. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

. — Le lecteur sait que les objets géométriques n’existent pas dans la nature ; nous ne rencontrons pas, et probablement nous ne pouvons pas rencontrer, des cercles, des cubes, des cônes qui soient parfaits.

1354. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Il pense tout haut, il vit à coeur ouvert devant les contemporains, devant ses lecteurs.

1355. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

L’écrivain qui se fait lire est un inconnu : l’amitié, le respect n’insinuent point ses doctrines dans l’esprit du lecteur ; il n’a pas même l’avantage si puissant de la simple présence et l’autorité physique de la voix et du regard.

1356. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Mais on le sent artiste dans l’attention qu’il donne à la sonorité des vers, dans cette curieuse prière qu’il adresse à son lecteur de ne point lire sa poésie « à la façon d’une missive ou de quelques lettres royaux », dans des remarques telles que celle-ci sur la valeur sensible des sons : « A, O, U, et les consonnes M, B, et les SS finissant les mots, et, sur toutes, les RR qui sont les vraies lettres héroïques, sont une grande sonnerie et batterie aux vers ».

1357. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Au public enfermé jusqu’ici dans le goût littéraire, il ouvre des fenêtres sur l’art ; à travers toutes ses expansions sentimentales et ses dissertations de penseur, il fait l’éducation des sens de ses lecteurs ; il leur apprend à voir et à jouir, à saisir la vérité d’une attitude, la délicatesse d’un ton.

1358. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Par le mode d’exposition, la méthode, l’impression générale qu’il produit sur le lecteur, le livre de M. 

1359. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Et parfois tu rejetais le vin et les mets dont tu étais rassasié, sur ma poitrine et sur ma tunique, comme font les petits enfants. » D’autres exemples ne seraient pas rares : tel passage, dans les grands poèmes, fait dire au lecteur ce que disaient les disciples devant le sépulcre ouvert de Lazare : « Maître, il sent. » Domine, jam fœtet.

1360. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Toutefois l’abbé Prévost lui-même n’a pas cru perdre entièrement dans l’esprit du lecteur son chevalier Des Grieux en lui prêtant de semblables peccadilles.

1361. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Il a un milieu à tenir, pour contenter à la fois les spectateurs ou les lecteurs qui n’aiment point à voir heurter les idées reçues, & les poëtes eux-mêmes, auxquels il faut laisser ces grands traits, ces coups de force & de lumière, cette heureuse hardiesse, par laquelle seule il passe à la postérité.

1362. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

Ici quelques explications très-élémentaires sur l’appareil encéphalique sont nécessaires pour introduire le lecteur dans la discussion qui va suivre.

1363. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Aussi les passions principales que touche Homère, sont-elles conformes à la durée de son poème et à la nature de l’homme, considéré comme lecteur ; c’est la joie, la curiosité et l’admiration, passions douces, qui peuvent attacher longtemps le cœur sans le fatiguer : au lieu que la terreur, l’indignation, la haine, la compassion, et quantité d’autres dont la vivacité peut épuiser l’âme, ne sont traitées dans l’Iliade qu’en passant, et toujours avec subordination aux passions modérées qu’on y voit régner.

1364. (1761) Apologie de l’étude

C’est à tort que vous vous affligez d’avoir eu dans les sciences exactes des éloges et peu de lecteurs.

1365. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Seulement, par une particularité qui est peut-être un procédé de l’écrivain, les traits qui nous le font bien voir sont comme épars dans le livre et ne se rassemblent guères que dans la pensée du lecteur.

1366. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Devant tant de grandeur et de prospérité, je me suis surpris à faire, malgré moi, de douloureuses comparaisons…54 » L’aveu est net, bien que plus loin, pour pallier sans doute le mauvais effet produit sur le lecteur par son aveu naïf de mélancolie.

1367. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Je veux bien qu’« horloges » et « observateurs » n’aient rien de matériel : par « horloge » on entend simplement ici un enregistrement idéal de l’heure selon des lois ou règles déterminées, et par « observateur » un lecteur idéal de l’heure idéalement enregistrée.

1368. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Je ne puis que renvoyer le lecteur aux remarquables travaux de M.  […] Il a compris le danger de broyer le lecteur sous une avalanche de mots. […] L’âme du mot se révèle par un heurt chez le lecteur, elle déclenche notre émotion et provoque la suggestion en nous colorant de sa lumière. […] Le vers chez lui fait des pieds de nez au lecteur et, tout en se moquant de la rime, Verlaine finit par rejoindre Banville. […] Comme le poète de la suggestion et des paroles simples, il demande au lecteur d’achever par son émotion la vision qu’il a créée.

1369. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Le lecteur fera cet examen lui-même, le livre de M.  […] Et si vous avez affaire à un lecteur imbécile, vous l’avez persuadé pour toujours. […] Cela est tout à fait permis à qui met le lecteur à même d’être bon juge. […] Je crois que la principale raison en était que Sainte-Beuve était lecteur fieffé, né lecteur, et qu’il lisait de la bonne façon. […] » dit le lecteur.

1370. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Thomas Moore, le plus gai et le plus français de tous, moqueur spirituel1199, trop gracieux et recherché, et qui fit des odes descriptives sur les Bermudes, des mélodies sentimentales sur l’Irlande, un roman poétique sur l’Égypte1200, un poëme romanesque sur la Perse et l’Inde1201 ; Lamb, le restaurateur du vieux drame ; Coleridge, penseur et rêveur, poëte et critique, qui, dans sa Christabel et dans son Vieux Marinier, retrouva le surnaturel et le fantastique ; Campbell, qui, ayant commencé par un poëme didactique sur les plaisirs de l’Espérance, entra dans la nouvelle école tout en gardant son style noble et demi-classique, et composa des poëmes américains et celtes, médiocrement celtes et américains ; au premier rang Southey, habile homme qui, après quelques faux pas de jeunesse, devint le défenseur attitré de l’aristocratie et du cant, lecteur infatigable, écrivain inépuisable, chargé d’érudition, doué d’imagination, célèbre comme Victor Hugo par la nouveauté de ses innovations, par le ton guerrier de ses préfaces, par les magnificences de sa curiosité pittoresque, ayant promené sur l’univers et l’histoire ses cavalcades poétiques, et enveloppé dans le réseau infini de ses vers Jeanne d’Arc, Wat Tyler, Roderick le Goth, Madoc, Thalaba, Kehama, les traditions celtiques et mexicaines, les légendes des Arabes et des Indiens, tour à tour catholique, musulman, brahmane, mais seulement en poésie, en somme protestant prudent et patenté. […] La même ténacité qu’ils avaient portée dans les choses de la vie, ils l’ont portée dans les choses de l’esprit, studieux lecteurs et liseurs d’antiquités et de controverses ; poëtes de plus : les légendes naissent aisément, dans un paysage romantique, parmi des guerres et des brigandages invétérés. […] Il faut que le lecteur soit ému, véritablement, et avec profit pour son âme ; le reste est indifférent : montrons-lui donc les objets émouvants en eux-mêmes, sans songer à les habiller d’un beau style. […] Tout cela est fort bien, mais à la condition que le lecteur soit comme lui, c’est-à-dire philosophe moraliste par excellence et homme sensible avec excès.

1371. (1896) Le livre des masques

En œuvrant ainsi, on échappe au bizarre et à l’obscur ; le lecteur n’est pas brusquement jeté dans une forêt dédalienne ; il retrouve son chemin, et sa joie de cueillir des fleurs nouvelles se double de la joie de cueillir des fleurs familières. […] Le plus beau vers reste bien, il me semble, le vers formé d’un nombre régulier de syllabes pleines ou accentuées et dans lequel la place des accents est évidente et non laissée au choix du lecteur ou du déclamateur ; il n’y a pas que les poètes qui lisent les poètes et il est imprudent de se confier au hasard des interprétations. […] Un tel art, outre qu’il a l’inconvénient de répugner au peuple des lecteurs (qui veut qu’on lui conte des histoires et qui alors les demande au premier venu), est le signe d’une évidente et trop dédaigneuse absence de passion : or le dramaturge est un passionné, un amoureux fou de la vie, et de la vie présente, non des choses d’hier, des représentations mortes dont on retrouve les décors fanés dans les cercueils de plomb, mais des êtres d’aujourd’hui avec toutes leurs beautés et leurs laideurs animales, leurs âmes obscures, leur vrai sang qui va jaillir d’un cœur et pas d’une vessie gonflée, si on les poignarde au cinquième acte. […] c’est tiré des singulières Poésies : « Les perturbations, les anxiétés, les dépravations, la mort, les exceptions dans l’ordre physique ou moral, l’esprit de négation, les abrutissements, les hallucinations servies par la volonté, les tourments, la destruction, les renversements, les larmes, les insatiabilités, les asservissements, les imaginations creusantes, les romans, ce qui est inattendu, ce qu’il ne faut pas faire, les singularités chimiques du vautour mystérieux qui guette la charogne de quelque illusion morte, les expériences précoces et avortées, les obscurités à carapace de punaise, la monomanie terrible de l’orgueil, l’inoculation des stupeurs profondes, les oraisons funèbres, les envies, les trahisons, les tyrannies, les impiétés, les irritations, les acrimonies, les incartades agressives, la démence, le spleen, les épouvantements raisonnés, les inquiétudes étranges, que le lecteur préférerait ne pas éprouver, les grimaces, les névroses, les filières sanglantes par lesquelles on fait passer la logique aux abois, les exagérations, l’absence de sincérité, les scies, les platitudes, le sombre, le lugubre, les enfantements pires que les meurtres, les passions, le clan des romanciers de cour d’assises, les tragédies, les odes, les mélodrames, les extrêmes présentés à perpétuité, la raison impunément sifflée, les odeurs de poule mouillée, les affadissements, les grenouilles, les poulpes, les requins, le simoun des déserts, ce qui est somnambule, louche, nocturne, somnifère, noctambule, visqueux, phoque parlant, équivoque, poitrinaire, spasmodique, aphrodisiaque, anémique, borgne, hermaphrodite, bâtard, albinos, pédéraste, phénomène d’aquarium et femme à barbe, les heures soûles du découragement taciturne, les fantaisies, les âcretés, les monstres, les syllogismes démoralisateurs, les ordures, ce qui ne réfléchit pas comme l’enfant, la désolation, ce mancenillier intellectuel, les chancres parfumés, les cuisses des camélias, la culpabilité d’un écrivain qui roule sur la pente du néant et se méprise lui-même avec des cris joyeux, les remords, les hypocrisies, les perspectives vagues qui vous broient dans leurs engrenages imperceptibles, les crachats sérieux sur les axiomes sacrés, la vermine et ses chatouillements insinuants, les préfaces insensées comme celles de Cromwell, de Mademoiselle de Maupin et de Dumas fils, les caducités, les impuissances, les blasphèmes, les asphyxies, les étouffements, les rages, — devant ces charniers immondes, que je rougis de nommer, il est temps de réagir enfin contre ce qui nous choque et nous courbe souverainement. » Maldoror (ou Lautréamont) semble s’être jugé lui-même en se faisant apostropher ainsi par son énigmatique Crapaud : « Ton esprit est tellement malade qu’il ne s’en aperçoit pas, et que tu crois être dans ton naturel chaque fois qu’il sort de ta bouche des paroles insensées, quoique pleines d’une infernale grandeur. » Tristan Corbière Laforgue, au courant d’une lecture, crayonna sur Corbière des notes qui, non rédigées, sont tout de même définitives ; parmi : « Bohème de l’Océan — picaresque et falot — cassant, concis, cinglant le vers à la cravache — strident comme le cri des mouettes et comme elles jamais las — sans esthétisme — pas de la poésie et pas du vers, à peine de la littérature — sensuel, il ne montre jamais la chair — voyou et byronien — toujours le mot net — il n’est un autre artiste en vers plus dégagé que lui du langage poétique — il a un métier sans intérêt plastique — l’intérêt, l’effet est dans le cinglé, la pointe-sèche, le calembour, la fringance, le haché romantique — il veut être indéfinissable, incatalogable, pas être aimé, pas être haï ; bref, déclassé detoutes les latitudes, de toutes les mœurs, en deçà et au-delà des Pyrénées. » Ceci est sans doute la vérité : Corbière fut toute sa vie dominé et mené par le démon de la contradiction.

1372. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Je le compléterai ; mais c’est le programme de notre jeune « politicien » ; il n’est que juste que je lui donne la publicité de mes vingt millions de lecteurs. […] Ernest-Charles et, en même temps, n’allaient pas pour le lecteur sans une certaine fatigue. […] Cet avis au lecteur et aux auteurs, le livre de J.  […] Les chronomètres se moquèrent avec mépris des montres précédemment présentées au lecteur et attaquèrent le problème des origines des montres, en montres de précision qu’elles étaient. […] Un de ces lecteurs, qui aiment à refaire les titres des ouvrages, après avoir lu les deux volumes de M. 

1373. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Nous nous sommes ainsi des témoins, des lecteurs sans doute inremplaçables. […] Qui autant que moi est votre bon lecteur, un bon lecteur de vous. […] Vous étiez, je crois, un de mes bons lecteurs. […] Pas un lecteur. […] Vous n’aurez jamais un deuxième lecteur comme moi.

1374. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Une semblable aventure guette le simple lecteur. […] Cependant, pour notre enthousiaste lecteur d’autrefois, cet art plus sûr de son poète n’est qu’une veine refroidie : le trouble se met dans son âme et le regret l’accable. […]   Lecteur, as-tu réfléchi sur le fond essentiel de la sculpture et sur ses rapports avec les autres arts ? […] … Ô lecteur, tu connais la plus célèbre des Dianes de Falguière ; tu en possèdes peut-être un plâtre sur ta cheminée. […] Tu ne l’ignores point, lecteur, Κόρη est un des noms de cette divinité souterraine.

1375. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Mais le classement que j’ai adopté permettra au lecteur de combler cette lacune sans grande fatigue. […] Alphonse Daudet et que les soixante mille lectrices de M. Daudet balancent les cent vingt mille lecteurs de M.  […] J’y renvoie le lecteur. […] Les longs romans pleins de paroles et d’aventures fabuleuses, vides des choses qui doivent rester dans l’esprit du lecteur et y faire fruit, étaient en vogue dans le temps que les chapeaux pointus étaient trouvés beaux.

1376. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Cette première édition si goûtée, avait été faite d’après un singulier principe et sur un sous-entendu étrange ; c’est que Saint-Simon, parce qu’il a sa phrase à lui et qui n’est ni académique, ni celle de tout le monde, écrivait au hasard, ne savait pas écrire (comme le disaient les marquises de Créquy et du Deffand), et qu’il était nécessaire de temps en temps, dans son intérêt et dans celui du lecteur, de le corriger. […] [NdA] Saint-Sirnon, dans le texte original, n’établit point de chapitres proprement dits ni aucune division ; il était d’une haleine infatigable ; on a bien été obligé, en imprimant, de faire des chapitres de longueur à peu près égale pour soulager l’attention du lecteur ; mais on a eu soin, dans la présente édition, de ne composer les sommaires qu’avec les termes mis en marge par Saint-Simon, et on a reproduit, autant qu’on l’a pu, ces mêmes termes de la marge, au haut des pages dans le titre courant.

1377. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

L’homme qui prend ce titre et qui ose dire à ses lecteurs : « Je vais écrire ma pensée cosmique », dit par là même : « Je vais vous donner le livre universel, l’Évangile de l’univers. […] Tâchons d’abord, malgré notre ignorance, d’en donner une idée à nos lecteurs.

1378. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Les maîtres et les enfants, fatigués de la longue course du matin, s’étaient assoupis, loin de nous, sur le gazon tondu par les moutons de la montagne ; les murmures de la brise du milieu du jour, tamisés par les feuilles de sapin, étaient le seul accompagnement de la voix du lecteur. Quand nous fûmes à la moitié à peu près du manuscrit, Vignet me passa les pages et me pria de continuer ; il n’y eut pas une interruption, on ne connut le changement de lecteur qu’au changement de voix.

1379. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Il était presque aveugle, et l’une de ses filles lui servait de lectrice. […] Le manque de connaissances, de travail et de réflexion, y choque à chaque instant le lecteur.

1380. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Tout ce qui est circonstance, réalité, forme visible de l’être s’efface : chaque Méditation n’est guère qu’un soupir, et Lamartine gagne cette gageure impossible d’établir par des mots entre son lecteur inconnu et lui ces intimes communications qui se forment dans la vie réelle par le silence entre deux âmes sœurs. […] Affectant un certain mépris de la forme et de l’art, il posa que toute l’œuvre littéraire consiste à ouvrir son cœur, et pénétrer dans le cœur du lecteur : émouvoir en étant ému, voilà toute sa doctrine ; et si l’émotion est sincère, communicative, peu importe quelle forme l’exprime et la convoie.

1381. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

22 Mais on aura beau faire, une page écrite ne sera jamais l’équivalent d’un tableau ; les mots, de quelque façon qu’on les accumule et qu’on les arrange, ne pourront qu’évoquer chez le lecteur, s’il s’y prête, une image approchante des objets qu’on lui décrit. […] Les phrases ou fragments de phrases que j’ai cités ont sans doute paru détestables à plus d’un lecteur, et c’est un sentiment qui peut se défendre.

1382. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Car si je vous dis que le caractère d’une époque poétique est tel ou tel, et que vous me citiez en opposition des auteurs dramatiques ou des romanciers, il faudra bien que je cherche ce qu’il y a de plus poétique en eux, la pensée avec laquelle ils font du drame et des caractères, il faudra bien que je leur demande leur pensée lyrique ; ce qui suppose que nous nous entendons, moi et le lecteur, sur cette question : À quelle condition le drame et le roman sont-ils de l’art ? […] Mais sa religion, loin de soutenir et d’illuminer ses lecteurs, ne fait que les abattre, les troubler, les prosterner, surtout quand leur esprit a de la vigueur et de la portée ; et le Christianisme dont il la décore n’est qu’un Christianisme de convention, comme on peut en faire encore quand tous les dogmes chrétiens sont dépassés par la science humaine, quand toutes les institutions chrétiennes sont écroulées.

1383. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Pour la méthode, qui consiste à proportionner chaque lettre au sujet, à en disposer les parties dans l’ordre le plus naturel, à n’y faire entrer que les détails qui s’y rapportent, à faire valoir chacun par la place qu’il occupe, à approprier, en un mot, l’écrit au lecteur, aucun ouvrage ne surpasse les Provinciales. […] Cette grande éloquence n’a d’ailleurs rien de disproportionné, ni avec son objet, ni avec les dispositions du lecteur ; ce n’est jamais témérairement que ces lettres s’élèvent au ton des antiques harangues.

1384. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Un système continu de notes met le lecteur à même de vérifier d’après les sources toutes les propositions du texte. […] Le lecteur peut, s’il le préfère, ne voir dans les divisions adoptées à cet égard que les coupes indispensables à l’exposition méthodique d’une pensée profonde et compliquée.

1385. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

« Quant aux efforts qu’il m’en coûta pour m’y rendre raison d’abord de quelques mots, puis par-ci par-là de phrases isolées, et enfin de passages d’une assez longue haleine, il sera facile au lecteur de s’en faire une idée, comme aussi du plaisir qui me transporta quand je fus parvenu à cette intelligence. […] Il réfléchit, et déclare qu’il est un pèlerin pieux, lecteur des Védas, qui vient visiter le saint ermite ; il s’informe habilement par les jeunes amies de Sacountala de la naissance étrange de cette jeune beauté, et des causes de sa résidence dans cette solitude.

1386. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Ce petit mot de métaphysique, jeté en passant et dont je demande pardon au lecteur, suffit à établir que le grand philosophe poète ou le grand poète philosophe prend nécessairement son caractère, ses idées, ses images, dans la scène de la nature qu’il habite ou qu’il a le plus habituellement sous les yeux. […] Les impressions que je reçus alors de ces solitudes se sont représentées avec tant de force et de netteté à mon imagination, ces jours-ci, que j’en ai reproduit une partie dans les vers suivants, méditation poétique tronquée dont je copie seulement quelques fragments pour mes lecteurs.

1387. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

— Comme ce volume tout entier n’est qu’une longue argumentation, il sera peut-être agréable au lecteur de trouver ici une récapitulation succincte des faits principaux et des indications qu’il renferme. […] Quant à la stérilité presque universelle des espèces lors d’un premier croisement, stérilité qui contraste d’une manière si remarquable avec la fécondité presque universelle des croisements entre variétés, je dois renvoyer le lecteur à la récapitulation des faits qui suit le huitième chapitre, et qui me semble démontrer avec toute évidence que cette stérilité n’est pas plus caractéristique que l’impossibilité de greffer l’un sur l’autre certains arbres ; mais qu’elle dépend de différences de constitution dans le système reproducteur des deux espèces croisées.

1388. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Au reste, ou je m’abuse sur mon ouvrage, ou jamais république ne fut plus grande, plus sainte, plus féconde en bons exemples30. » Tite-Live nous montre on ne peut mieux comment pensent, parlent, agissent et combattent ces sénateurs, ces tribuns, ces généraux, ces partis, ces légions ; mais la nécessité extérieure qui régit le développement de cette ambition incessamment conquérante, le génie de la formule religieuse ou juridique qui préside à tous les faits intérieurs ou extérieurs de cette histoire, en un mot le véritable secret de l’explication des choses romaines, Tite-Live ne le livre point à ses lecteurs, parce qu’il ne le possède pas bien lui-même. […] C’est assurément un grand mérite pour l’historien d’être complet dans ses analyses, ses descriptions, ses narrations ; mais serait-ce un moindre mérite que de faire revivre devant le lecteur cette même réalité que d’autres ont si bien fait voir et comprendre ?

1389. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Ce n’était pas le compte de Voltaire, qui prétendait, et avec raison, peindre, animer ses tableaux, tenir le lecteur en haleine et les yeux attachés sur les principaux personnages : « Je jetterais mon ouvrage au feu, si je croyais qu’il fût regardé comme l’ouvrage d’un homme d’esprit… J’ai voulu émouvoir, même dans l’histoire.

1390. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Daunou, la gracieuse et piquante naïveté de Joinville, il attache ses lecteurs par la simplicité, la franchise et le cours naturel de son récit. » Ce cours naturel est très bien dit : son récit marche et se presse.

1391. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Ce qui est certain, c’est qu’en lisant les Commentaires de Montluc, il revit pour nous tout entier. « Il faisait beau l’ouïr parler et discourir des armes et de la guerre » ; ainsi disait en son temps Brantôme qui l’avait entendu, et nous, lecteurs, nous pouvons le redire également aujourd’hui.

1392. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Dans ses rimes M. du Camp se donne trop de facilités, et de celles dont la monotonie ne se dérobe point au lecteur ; il fera rimer, par exemple, accroissements et affaissements, éducateurs et régénérateurs, rumeurs et clameurs, splendeurs et grandeurs, honoré et révéré, des roseraies et des palmeraies, des cotonniers et des citronniers.

1393. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Dans ces Mémoires, d’ailleurs, le grand Frédéric ne parle guère que de batailles, ce à quoi je n’entends rien… Ce que j’aurais voulu surtout savoir, c’est comment Frédéric menait son gouvernement, et les réflexions que ce sujet lui suggérait ; mais j’imagine qu’il dédaignait trop cette partie de sa vie pour s’appliquer à la faire comprendre au lecteur.

1394. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Augustin Thierry, qui se faisait beaucoup lire, un jour qu’il entendait ces Stances au chêne, arrêta son lecteur au vers que je viens de citer, et fit observer, en souriant de son fin sourire d’aveugle, qu’il n’y avait pas de raison pour qu’on ne dît pas à une citrouille : Pour ta rotondité, je t’aime entre nos sœurs.

1395. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Il n’a qu’une feuille de papier et qu’une heure pour exposer le litige, battre l’adversaire et donner son avis ; s’il dit un mot qui n’aille au but, s’il prononce une phrase que le lecteur ne comprenne pas tout d’abord, il n’entend point le métier.

1396. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Je livrais l’autre jour ces pages à l’inspection du plus sévère typographe, du plus classique en ce genre que je connaisse, qui sait voir des imperfections et des énormités là où un lecteur profane glisse couramment et se déclare satisfait ; il regarda longtemps en silence, et il ne put que dire, après avoir bien tourné et retourné : « C’est bien. » — De nombreux dessins de Gustave Doré illustrent ces Contes et les renouvellent pour ceux qui les savent le mieux.

1397. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Je conçois pourtant l’espèce d’impatience qu’il ont donnée à quelques lecteurs, notamment à sir David Brewster, dont on a pu lire la protestation et la réfutation chaleureuse (Revue britannique, juillet 1861).

1398. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Ce sentiment éternel d’opposition et de mécontentement a extrêmement nui à ses œuvres ; car non seulement le malaise du poëte se communique au lecteur, mais toute œuvre d’opposition est une œuvre négative, et la négation, c’est le néant.

1399. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Quelle que soit la confiance du mari dans son ami le docteur, l’impossible et l’indélicat même de la situation les font frémir tous deux, et le lecteur aussi.

1400. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Traduire en vers surtout est une entreprise qui suppose entre l’auteur et les lecteurs certaines conditions convenues, qui doivent changer d’un âge à l’autre.

1401. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Ce n’est point en Beauce ou en Brie que le chevalier de la Manche fait ses prouesses ; il traverse les gorges de la Sierra ; il assiste, dans ses courtes heures de repos, à des récits divers et animés qui varient les scènes et qui transportent le lecteur jusque sous le ciel africain : autant de motifs ou d’ingénieux prétextes pour le crayon.

1402. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Bignon, dans ses Souvenirs, a un avantage sur M. de Senfft dont il ne prévoyait pas les sévérités : il le réfute de la manière la plus propre à faire impression sur des lecteurs impartiaux ; il parle avec justice, et dans une parfaite mesure, de celui qui en a manqué à son égard : « M. de Sentit, dit-il, était en 1811 et est resté jusqu’à la fin de 1812 zélé partisan du système français (on le croyait, et il paraissait tel sans l’être au fond).

1403. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Mais il est évident qu’il y a eu des parties non imprimées et auxquelles il est référé même dans ce qu’on a donné et qui est aujourd’hui sous les yeux du lecteur.

1404. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Marie, qui parut en 1831, à travers la tourmente politique, annonça aux rares lecteurs attentifs ces qualités de cœur et d’art ménagées dans toute leur grâce.

1405. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Il résulte de ces interprétations voulues plutôt que trouvées une impression contestable dans l’esprit du lecteur, ce qu’il ne faut jamais.

1406. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Ils croient ainsi se mettre à la portée de leurs lecteurs ; mais il ne faut jamais supposer à ceux qui nous lisent, des facultés inférieures aux nôtres : il convient mieux d’exprimer ses pensées telles qu’on les a conçues.

1407. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Je n’ai qu’à y renvoyer le lecteur désireux de comprendre la substantielle solidité et l’art exquis des Fables.

1408. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

III En abordant maintenant l’étude des diverses formes de la loi d’association, je crois utile de les résumer dans le tableau, suivant, qui pourra servir de guide au lecteur :   I.

1409. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Il faut être juste : les puérilités prétentieuses de Bourget caressent les prétentions du lecteur et ne dérangent la quiétude d’aucune sottise.

1410. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Parmi les écrits qui peuvent donner une juste idée de la reine Marie-Antoinette et de son caractère aux années de sa prospérité et de sa jeunesse, je n’en sais pas qui porte mieux la conviction dans l’esprit du lecteur que la simple Notice du comte de La Marck, insérée par M. de Bacourt dans l’Introduction de l’ouvrage récemment publié sur Mirabeau.

1411. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Il excelle, à un tournant de sa fabulation, à un moment psychologique de ses personnages à montrer cette évolution et cette transformation par un fait brutal, net, dont la conclusion est laissée à tirer au lecteur.

1412. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Enfin, dans ce livre de critique sur Sterne, Tristram Shandy voile trop, selon moi, s’il ne l’écrase pas, le Voyage sentimental, aussi vivant, aussi dramatique, aussi pénétrant, aussi piquant pour le moins que Tristram Shandy, et sans l’encadrure de plomb, sans ces pages de Tristram Shandy qui semblent des partis pris de bouffonnerie presque insolente, des mystifications au lecteur.

1413. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Il le corrigera pour plus de sûreté, et y joindra, pour l’édification du lecteur, la plus étonnante préface qu’un philosophe ait jamais écrite.

1414. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Tout le rouge et le noir sortira de rapports dans ce genre, et Taine, grand lecteur de Stendhal et, lui, de formation très livresque, s’en inspirera évidemment (le Voyage en Italie nous rend les mémoires d’un touriste surchargés de pâte oratoire).

1415. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Pour peu qu’un lecteur soit instruit, les faits qui concernent les grands hommes lui sont connus.

1416. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

I « Que le lecteur sache bien, dit Luther dans sa préface318, que j’ai été moine et papiste outré, tellement enivré, ou plutôt englouti dans les doctrines papales, que j’eusse été tout prêt, si je l’avais pu, à tuer ou à vouloir faire tuer ceux qui auraient rejeté l’obéissance au pape, même d’une syllabe. […] Si Dieu n’y pourvoit, ajoute l’historien, cette corruption passera aux moines et aux religieux, quoique à vrai dire presque tous les monastères de la ville soient devenus des lupanars, sans que personne y contredise… » À l’égard d’Alexandre VI, amant de Lucrèce, sa fille, c’est au lecteur à chercher dans Burchard la peinture des priapées extraordinaires auxquelles il assiste avec Lucrèce et César, et l’énumération des prix qu’il distribue. Pareillement, que le lecteur aille lui-même lire dans les originaux la bestialité de Pierre Luigi Farnèse, le fils du pape, comment le jeune et honnête évêque de Fano mourut de son attentat, et comment le pape, traitant ce crime « de légèreté juvénile », lui donna par cette bulle secrète l’absolution « la plus ample de toutes les peines que, par incontinence humaine, en quelque façon ou pour quelque cause que ce fût, il eût pu encourir. » Pour ce qui est de la sécurité civile, Bentivoglio fait tuer tous les Marescotti ; Hippolyte d’Est fait crever les yeux à son frère, en sa présence ; César Borgia tue son frère ; le meurtre est dans les mœurs et n’excite plus d’étonnement ; on demande au pêcheur qui a vu lancer le corps à l’eau, pourquoi il n’avait pas averti le gouverneur de la ville ; « il répond qu’il a vu en sa vie jeter une centaine de corps au même endroit, et que jamais personne ne s’en est inquiété. » « Dans notre ville, dit un vieil historien, il se faisait quantité de meurtres et de pillages le jour et la nuit, et il se passait à peine un jour que quelqu’un ne fût tué. » César, un jour, tua Peroso, favori du pape, entre ses bras et sous son manteau, tellement que le sang en jaillit au visage du pape. […] Le lecteur n’a qu’à mettre en regard les portraits du temps, ceux d’Italie et ceux d’Allemagne ; il apercevra d’un coup d’œil les deux races et les deux civilisations, la Renaissance et la Réforme : d’un côté, quelque condottiere demi-nu en costume romain, quelque cardinal dans sa simarre, amplement drapé, sur un riche fauteuil sculpté et orné de têtes de lions, de feuillages, de faunes dansants, lui-même ironique et voluptueux, avec le fin et dangereux regard du politique et de l’homme du monde, cauteleusement courbé et en arrêt ; de l’autre côté, quelque brave docteur, un théologien, homme simple, mal peigné, roide comme un pieu dans sa robe unie de bure noire, avec de gros livres de doctrine à fermoirs solides, travailleur convaincu, père de famille exemplaire. […] En sorte que lorsqu’il se leva, il prit un bâton pesant de pommier sauvage, et descendit vers eux dans le cachot, et là se mit d’abord à les injurier comme s’ils étaient des chiens, quoiqu’ils ne lui eussent jamais dit un mot déplaisant ; puis il tombe sur eux et il les bat terriblement, de façon qu’ils n’avaient plus la force de s’assister ni de se retourner par terre424. » Ce bâton choisi avec l’expérience d’un forestier, cet instinct d’injurier d’abord et de tempêter pour se mettre en train d’assommer, voilà des traits de mœurs qui attestent la sincérité du conteur et font la persuasion du lecteur.

1417. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Ces réflexions sont ici placées pour appeler l’indulgence du lecteur sur un livre dont le fond a été mûri longuement, mais dont la forme est à demi improvisée. […] Le même souci de la liberté, de la dignité de l’âme nous inspire, en matière littéraire, un sentiment que bien des lecteurs trouveront dans ce livre exprimé avec trop d’insistance. […] Nous avons hésité à publier ces études fragmentées, par conscience de leur imperfection et en songeant au petit nombre de lecteurs que ces matières intéressent. […] Leur aspect sérieux ne promet pas aux lecteurs oisifs cette facile distraction qu’on demande aux œuvres littéraires ; leur élévation les a bien vite fait taxer d’obscurité. […] Esprit charmant et facile sous sa lenteur apparente, ayant vécu de la vie des affections, capable d’attendrir et de charmer cette classe de lecteurs que rebutent les œuvres trop sérieuses, il ne voulut pas chercher auprès d’eux la popularité.

1418. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Ce sont là de bonnes dispositions, et pour les lecteurs et pour l’auteur d’une histoire de la littérature française de ces derniers temps ; elles donnent de l’à-propos à un livre qui, outre l’intérêt durable du sujet, arrive à son heure pour être utile. […] Le lecteur se trouve ainsi dédommagé de ce qu’il a rencontré d’un peu aride dans la manière de l’écrivain, qui s’emprisonne et emprisonne avec lui les intelligences dans un champ mesuré et borné d’avance avec une rigueur géométrique, et sur lequel il accomplit, dans ses divers ouvrages, des évolutions successives sans jamais en sortir. […] On lit ici dans son cœur cette bonté qu’on retrouve surtout chez les hommes supérieurs, et cette lamentation paternelle si touchante, se prolongeant, dans un foyer désert, à la pensée de ceux qui y manquent, avertit le lecteur que l’homme de génie était un homme. […] Cousin, qui allaient jeter tant d’éclat et attirer une grande affluence, devaient être les lecteurs du livre De l’Allemagne. […] Ne vous étonnez point du charme que le lecteur de ce temps éprouve à le suivre sur ces beaux lacs, au milieu de cette nature si calme et si paisible, dans cette vie méditative et solitaire, loin du bruit des hommes et du fracas des événements.

1419. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Ainsi comprise, l’histoire de la littérature moderne offre au lecteur une œuvre qui commence, une œuvre qui finit. […] Qui suis-je en fin de compte, et de quel droit irais-je dire au lecteur le nom de ma nourrice et celui de mon maître d’école ? […] C’est une des lois de tout écrivain qui veut tenir en éveil son lecteur, de garder toujours quelque chose en réserve. […] Salgues, officier des eaux et forêts ; mais l’histoire des deux sœurs n’est pas faite pour arrêter un lecteur quelque peu gâté, comme ils le sont tous, par les grandes machines philosophiques et littéraires. […] Il alla prendre congé du roi Charles X, dont il était le lecteur, et qui l’honorait d’une amitié et d’une estime toutes particulières.

1420. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

A voir s’ouvrir cette lice grandiose et presque olympique dont Montesquieu eût envié avec la justesse le relief éclatant, il devient clair que le lecteur de Pindare n’a point perdu ses veilles, et que M. de Maistre est déjà trouvé. […] Quelles que soient les croyances ou les non-croyances du lecteur, il ne peut qu’admirer historiquement le beau passage (livre II, chapitre V) sur la translation de l’empire à Constantinople et sur la fable de la donation, qui est très-vraie. […] Les Soirées sont le plus beau livre de M. de Maistre209, le plus durable, celui qui s’adresse à la classe la plus nombreuse de lecteurs libres et intelligents. […] Quelques gouttes de miel, comme dit Chateaubriand, dans une coupe d’absinthe. — Bois, mon enfant, c’est pour te guérir. — Bien obligé ; cependant, j’aimerais mieux du sucre. — A propos de sucre, j’ai reçu votre lettre du…. » Je saute par-ci par-là quelques petites phrases un peu bien précieuses et maniérées ; mais ce qui paraît tel au lecteur a souvent été une pure plaisanterie agréable de société : « … Que dire de ce que nous voyons ?

1421. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Mais ce genre de critique est destiné aux recueils de poésie et aux lecteurs poétiques. […] Ainsi pour rassurer complètement la chasteté effarouchée du lecteur, je dirai que je rangerais dans les sujets amoureux, non seulement tous les tableaux qui traitent spécialement de l’amour, mais encore tout tableau qui respire l’amour, fût-ce un portrait14. […] La peinture n’est intéressante que par la couleur et par la forme ; elle ne ressemble à la poésie qu’autant que celle-ci éveille dans le lecteur des idées de peinture. […] Jules Barbey d’Aurevilly, le lecteur verra clairement que le dandysme est une chose moderne et qui tient à des causes tout à fait nouvelles.

1422. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Quelque respect que l’on ait pour ce qui est effort et labeur, on ne peut que sourire en lisant cette prose qui, par un étrange assemblage de mots très français, atteint le sublime du baroque (Sutter Laumann, la « Justice », 20 Sept. 86). « Moins un écrivain est compris de ses lecteurs, plus grand est son génie. […] Mais, de Mallarmé, il sied de sortir à temps… A peine remise de l’émoi éprouvé à la lecture de Traité du Verbe, la Presse repartit en plaisanteries et sarcasmes et de nouveau promit une prime au lecteur qui comprendrait ! […] Bellement, un article d’Ernest Mahaim avait présenté aux lecteurs les poètes des « Ecrits ». […] La plupart des lecteurs, et même des écrivains, ne leur demandent qu’un sens. […] Or, voici quelques indications encore, quant à la manière dont Mallarmé entendait disposer les volumes : Le volume serait un in-12  et le pliage du papier intervenait dans l’expression de la pensée, Le livre étant vierge, non coupé : le lecteur connaîtrait simplement les pages ainsi visibles au long du volume.

1423. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Le lecteur vient de suivre cet intermédiaire et de le retrouver toujours pareil sous ses différentes formes. — Tantôt il est simple ; telle est la force de gravitation qui explique la chute des corps pesants. — Tantôt il est multiple, composé de plusieurs intermédiaires. […] § III. — Si tout fait ou loi a sa raison explicative I À présent, que le lecteur rassemble et embrasse d’un coup d’œil toutes les conclusions auxquelles nous venons d’aboutir ; il les trouvera convergentes et sera conduit par leur convergence vers une loi universelle et d’ordre supérieur, qui régit toute loi. […] Le lecteur vient de voir comment il se construit en nous, et par quelle adaptation notre connaissance correspond aux choses. — Elle se compose de jugements généraux qui sont des couples d’idées générales.

1424. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

II Molière, au contraire, est moins poëte, il n’est même pas poëte tragique du tout, ce n’est pas du sang qu’il verse de sa coupe, ce ne sont pas des larmes, c’est de l’eau, mais c’est de l’eau limpide et rythmée qui coule naturellement de sa veine, qui amuse l’auditeur ou le lecteur par le plaisir de la difficulté vaincue, mais qui ne lui est pas nécessaire ; la preuve en est que mettez en vers les Précieuses ridicules ou en prose le Misanthrope, vous aurez toujours le même Molière devant vous : sa force est en lui, non dans sa forme ; il est versificateur parfait ; il n’est pas poëte, bien qu’il ait fait des milliers de vers faciles et agréables. […] Je conviens que ces moyens ont quelque chose qui rabaisse l’esprit du lecteur tout en l’amusant, et qu’un homme d’une grande âme, relégué par le malheur dans la solitude de ses tristes pensées, ne se nourrira pas de Molière comme des beaux morceaux de Shakespeare ; mais, s’il consent à lire, il pourra lire tout, et s’il peut jouir encore, il jouira pleinement de cet art accompli qui lui fait admirer la justesse et les perfections de l’esprit humain. […] Note au lecteur de ce fichier numérique: Seules les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.

1425. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Bien que, parmi les jeunes poètes, on soit d’ordinaire peu instruit à ce sujet, je ne ferai point au lecteur l’injure d’analyser, ici, le naturalisme dans son ensemble. […] Il y a, entre les lignes, une continuelle évocation, un mirage qui lève devant le lecteur la réalité des images… Les moindres détails s’animent comme d’un tremblement intérieur. […] Le but à atteindre n’est plus de conter, de mettre des idées ou des faits les uns au bout des autres, mais de rendre chaque objet qu’on présente au lecteur, dans son dessin, sa couleur, son odeur, l’ensemble complet de son existence.

1426. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

C’est par lui qu’ils reçurent une nouvelle vie : ses progrès réparèrent avec rapidité les pertes des siècles précédens, & les bons Auteurs, multipliés par l’impression, trouvèrent bientôt une foule de lecteurs, en état de les entendre & de les lire avec fruit. […] Cette affectation nuisoit sans doute à l’Eloquence, & nous blâmons avec raison ce défaut de goût ; mais convenons qu’alors, la plus grande partie des auditeurs ou des lecteurs, n’avoit pas besoin d’interprète : à peine au contraire, trouveroit-on aujourd’hui dans une assemblée nombreuse, quelques personnes assez instruites, pour pouvoir s’en passer. […] Si l’on estime dans l’un le prosateur ingénieux, le versificateur de la raison, on est forcé d’avouer que les trois quarts de ses Odes & de ses Fables glacent d’ennui le lecteur le plus bénévole.

1427. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Le livre sur le Sentiment est composé en entier, non pas de chapitres, mais d’une suite de digressions ; l’auteur a voulu faire un jardin anglais, et il promène son lecteur à travers les rochers, les cascades, les groupes de statues sentimentales et autres pareils accidents. […] Du Clésieux et datée de Précy-sur-Oise (12 octobre 1834) : ……………… Tel je vous sens, ami, — surtout quand, seul aux champs, Par ce déclin d’automne où s’endort la nature, Un peu froissé du monde et fuyant son injure, J’ouvre à quelques absents mon cœur qui se souvient… Si, parmi mes lecteurs des dernières années, il en est qui se sont plu à relever chez moi des sentiments de méfiance et de scepticisme habituel, ils ne sauront jamais ce qu’il m’en a coûté et ce que j’ai eu secrètement à souffrir pour avoir porté dès l’abord toute ma sincérité et ma tendresse d’âme dans mes relations politiques et littéraires.

1428. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Par malheur, le poëte, redevenu érudit, ne veut rien omettre, et il nous promène ensuite à travers toutes les vicissitudes d’un retour où certains tableaux, ménagés de distance en distance, ne suffisent pas à racheter la fatigue pour le lecteur. […] Il suffit de ce qu’on a pu entrevoir à travers nos rapides traductions, pour mettre tout lecteur équitable à même de répondre.

1429. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Les Tristes, écrits dans des quarts d’heure de vie errante, ne sont qu’un recueil de différentes petites pièces (prose ou vers), originales ou imitées de l’allemand, de l’anglais, et qui sentent le lecteur familier d’Ossian et d’Young, le mélancolique glaneur dans tous les champs de la tombe. […] Vinet182 exprimèrent l’admiration sans réserve et bien flatteuse d’un lecteur sérieux, complétement séduit.

1430. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

On y avait laissé un vide pour le lecteur. […] XXV M. de Chateaubriand, impatienté et humilié d’entendre ânonner ses vers par un lecteur qui avait peine à les lire, arracha, à la fin, le manuscrit des mains du grand acteur et voulut lire lui-même.

1431. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Et, même ainsi, je laisserai à la libre fantaisie du lecteur le soin de faire revivre l’Image en ses traits particuliers ; je l’y puis aider, uniquement, en traçant le schème très général de cette représentation. […] Il est certain que la philosophie de Schopenhauer comme le bouddhisme passent par le philtre wagnérien pour les lecteurs de la Revue.

1432. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

VI Ces considérations ne sont aucunement, on l’a jugé dès le début, une étude théorique sur l’art wagnérien ; j’ai négligé la suite méthodique et quelques entiers développements qu’eussent exigés une théorie ; encore ai-je voulu laissera l’écriture le ton d’une improvisation, avec les laisser-aller du style ici dans les familiarités du parler, là (quand m’y entraîne le sujet, et j’en demande pardon) dans les excessivités du lyrisme ; mes lecteurs m’excuseront — et peut-être me sauront gré — de n’avoir pas donné à ces trente-six pages les quatre ou cinq mois de labeur nécessaires à la correction de mes grammaticalités. […] IX En un temps où tout personnage réputé wagnérien aime conter, sauves les vraisemblances, comment il fut des premiers wagnéristes français, les lecteurs de la Revue Wagnérienne me sauront-ils un gré, pour peu qu’ils se soient une fois souciés de ce que peut être le directeur et fondateur d’une telle revue, si je leur avoue être l’un des derniers venus du wagnérisme.

1433. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

La masse des lecteurs ne s’inquiète pas de l’effort, mais de l’effet ; la foule veut sentir, et non s’étonner : de là le discrédit croissant du vers et de la rime, qui ne nous semblent plus que des jeux de plume ou d’oreille. […] L’ordre des matières, qui est le fil dans le labyrinthe, n’en sera toutefois brisé qu’en apparence pour l’ouvrage tout entier ; car nous aurons soin de ne point entrecroiser, dans le même entretien, des sujets appartenant à des temps, à des nations, à des auteurs différents, ce qui jetterait la confusion dans l’ouvrage, mais de consacrer chaque entretien tout entier ou plusieurs entretiens à un seul et même sujet ; nous placerons en tête ou en marge de chacun des entretiens l’époque à laquelle il se rapporte, en sorte qu’à la fin du Cours chacun des lecteurs pourra, en faisant relier ensemble les livraisons, rétablir sans peine l’ordre chronologique, interverti un moment pour la liberté et pour l’agrément de la conversation littéraire.

1434. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Son style de coups et de contrecoups brise en mille pièces la période ou l’épanche en un flot intarissable et écumant de phrases qui entraînent l’âme de ses lecteurs dans le débordement de ses impressions. […] Énumérez seulement quelques-unes des conditions innombrables de ce qu’on nomme style, et jugez s’il est au pouvoir de la rhétorique de créer dans un homme ou dans une femme une telle réunion de qualités diverses : Il faut qu’il soit vrai, et que le mot se modèle sur l’impression, sans quoi il ment à l’esprit, et l’on sent le comédien de parade au lieu de l’homme qui dit ce qu’il éprouve ; Il faut qu’il soit clair, sans quoi la parole passe dans la forme des mots, et laisse l’esprit en suspens dans les ténèbres ; Il faut qu’il jaillisse, sans quoi l’effort de l’écrivain se fait sentir à l’esprit du lecteur, et la fatigue de l’un se communique à l’autre ; Il faut qu’il soit transparent, sans quoi on ne lit pas jusqu’au fond de l’âme ; Il faut qu’il soit simple, sans quoi l’esprit a trop d’étonnement et trop de peine à suivre les raffinements de l’expression, et, pendant qu’il admire la phrase, l’impression s’évapore ; Il faut qu’il soit coloré, sans quoi il reste terne, quoique juste, et l’objet n’a que des lignes et point de reliefs ; Il faut qu’il soit imagé, sans quoi l’objet, seulement décrit, ne se représente dans aucun miroir et ne devient palpable à aucun sens ; Il faut qu’il soit sobre, car l’abondance rassasie ; Il faut qu’il soit abondant, car l’indigence de l’expression atteste la pauvreté de l’intelligence ; Il faut qu’il soit modeste, car l’éclat éblouit ; Il faut qu’il soit riche, car le dénûment attriste ; Il faut qu’il soit naturel, car l’artifice défigure par ses contorsions la pensée ; Il faut qu’il coure, car le mouvement seul entraîne ; Il faut qu’il soit chaud, car une douce chaleur est la température de l’âme ; Il faut qu’il soit facile, car tout ce qui est peiné est pénible ; Il faut qu’il s’élève et qu’il s’abaisse, car tout ce qui est uniforme est fastidieux ; Il faut qu’il raisonne, car l’homme est raison ; Il faut qu’il se passionne, car le cœur est passion ; Il faut qu’il converse, car la lecture est un entretien avec les absents ou avec les morts ; Il faut qu’il soit personnel et qu’il ait l’empreinte de l’esprit, car un homme ne ressemble pas à un autre ; Il faut qu’il soit lyrique, car l’âme a des cris comme la voix ; Il faut qu’il pleure, car la nature humaine a des gémissements et des larmes ; Il faut… Mais des pages ne suffiraient pas à énumérer tous ces éléments dont se compose le style.

1435. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Toutefois nous en dirons assez ici pour faire bien comprendre la naissance et la perfection de l’œuvre d’Athalie à nos lecteurs. […] Son premier mouvement fut de prendre une bougie pour éclairer le lecteur ; elle fit ensuite réflexion qu’il était plus convenable de s’asseoir, et de faire tous ses efforts pour paraître attentive à la lecture.

1436. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Les auteurs le sentent bien, et surtout leurs lecteurs, ou plutôt leurs auditeurs. […] Nous y renvoyons donc le lecteur, et nous nous contentons ici d’indiquer plus particulièrement : La Chanson de Roland, nombreuses éditions, parmi lesquelles il convient de signaler : l’édition F. 

1437. (1739) Vie de Molière

Le goût de bien des lecteurs pour les choses frivoles, et l’envie de faire un volume de ce qui ne devrait remplir que peu de pages, sont cause que l’histoire des hommes célèbres est presque toujours gâtée par des détails inutiles et des contes populaires aussi faux qu’insipides. […] Tous les lecteurs exempts de préjugés savent combien l’Amphitryon français est au-dessus de l’Amphitryon latin.

1438. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Quelques-uns de vos lecteurs vous prenaient au pied de la lettre dans vos explications fatalistes ; ils disaient : Quel révolutionnaire terrible !

1439. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

S’il y a un art, c’est qu’il est impossible au lecteur de sentir l’endroit où la réalité cesse et où la fiction commence.

1440. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Sans doute il le sentit plutôt en artiste qu’en philosophe ou en historien ; il le prit plutôt par le style que par l’ordre de ses idées ; il méconnut le théologien ; il négligea le côté tendre, suave même et idéalement amoureux ; il ne l’aborda que par L’Enfer, ne le suivit point au-delà, et y laissa ses lecteurs comme si ç’avait été le vrai but.

1441. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Avant Ronsard, il n’est chez nous qu’un seul écrivain célèbre, un seul qui soit capable de cette lecture largement prise à la source : c’est Rabelais, également lecteur de Platon, d’Hippocrate ou d’Homère ; et au milieu de ses bruyantes facéties, — à l’ampleur, au naturel et à la richesse aisée de sa forme, — il s’en ressent.

1442. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Malgré ces prédilections grotesques et bachiques auxquelles il s’abandonnait sans mesure, Saint-Amant n’avait pas entièrement renoncé à la poésie sérieuse ; il avait sur le chantier, comme on dit, plus d’un de ces longs et nobles ouvrages desquels on se promet beaucoup d’honneur, dont on ne finit jamais, et qui, avant d’ennuyer le lecteur, ennuient l’auteur tout le premier.

1443. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

On n’avait point jusqu’ici un recueil des lettres de Buffon ; on n’en avait que des extraits qui avaient servi de pièces à l’appui dans des biographies ingénieuses et savantes ; mais le lecteur aime, en fait de correspondance, à se former lui-même un avis ; il prend plaisir, quand il le peut, à aborder directement les hommes célèbres et à les saisir dans leur esprit de tous les jours.

1444. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Guizot, et le lecteur impartial tire ses conclusions.

1445. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

quand on publie ses Mémoires de son vivant, on s’expose à un jugement complet de son vivant ; on le réclame ; car ne demander qu’un simple jugement littéraire en venant présenter au public toute sa personne, toute sa vie, ce serait par trop diminuer le droit du lecteur et rabaisser sa juridiction.

1446. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Jamais éducation de prince (et en parlait ainsi, je me souviens de celle du Dauphin son père, élevé par Montausier et Bossuet) ne convoqua et ne réunit un groupe d’hommes plus distingués, plus appropriés à l’œuvre à laquelle ils se vouaient : M. de Beauvilliers, gouverneur ; — Fénelon, précepteur ; — l’abbé Fleury, sous-précepteur, conjointement avec l’abbé de Beaumont, neveu de Fénelon ; — l’abbé de Langeron, lecteur ; et le reste choisi à l’avenant.

1447. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Je n’ai pas tout dit de cette éducation inventive et agréable où « la conversation, les amusements, la table, tout, par les soins et l’habileté du maître, devenait leçon pour l’élève, et rien ne paraissait l’être. » Je n’ai rien dit du Télémaque, ce cours de thèmes comme il n’y en a jamais eu, qui n’est, a le bien voir, que la plus longue des fables de Fénelon, l’allégorie développée, devenue épique, et où l’auteur, abordant par les douces pentes de l’Odyssée la grandeur d’Homère, de cet Homère qui, « d’un seul trait met la nature toute nue devant les yeux », n’a fait, en le réduisant un peu, que lui donner la mesure et comme la modulation virgilienne, et le ramener en même temps aux convenances françaises, telles crue les entendaient les lecteurs de Racine.

1448. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Sandeau, sans le prévenir et sans avertir les lecteurs qu’on ne l’a pas consulté ; car c’est l’en rendre, jusqu’à un certain point, responsable et complice.

1449. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

La vue de ce beau livre m’a tenté, et je me suis mis à relire, — oui, à relire d’un bout à l’autre, non pas les quatre Évangiles, je mentirais, mais le premier des Évangiles, celui qui est dit selon saint Matthieu ; et les idées qu’a fait naître en moi cette lecture sont telles, que je crois pouvoir les communiquer à mes lecteurs sans inconvénient ni scandale pour aucun.

1450. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Mais, pour mettre les lecteurs à même de bien juger de la valeur de tels travaux, de la confiance qu’ils méritent et des solides fondements sur lesquels ils reposent, j’ai à dire quelques mots de la position qu’occupait l’auteur, de l’accès qui lui fut ouvert de tout temps aux sources secrètes et aux documents indispensables à son entreprise.

1451. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Antiquaire par son érudition allemande, poëte et philosophe par ses vues profondes et intimes sur l’histoire de l’humanité, familier avec les idées des Niebühr et des Gœrres, épris de l’imagination pittoresque de l’auteur de l’Itinéraire, il aborde la Grèce et l’interroge par tous les points, sur son antiquité, sur ses races, sur la nature de ses ruines, sur les vicissitudes de ses États, sur ses formes de végétation éternelle ; il saisit, il entend, il compose tous ces objets épars ; il les enchaîne et les anime dans un récit vivant, fidèle, expressif, philosophique ou lyrique par moments, selon qu’il s’élève aux plus hautes considérations de l’histoire des peuples, ou selon qu’il retombe sur lui-même et sur ses propres émotions ; c’est une œuvre d’art que ce récit de voyage : le sens historique et le sens des lieux y respirent et s’y aident d’un l’autre ; l’harmonie y règne ; le souffle du dieu Pan y domine ; l’interprétation du passé, depuis les époques cyclopéennes et homériques jusqu’à la féodalité latine, y est d’un merveilleux sentiment, et elle pénètre de toutes parts dans l’âme du lecteur, sinon toujours par voie claire et directe, du moins à la longue par mille sensations réelles et continues, comme il arriverait à la vue des ruines mêmes et sous l’influence du génie des lieux.

1452. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Que le lecteur suive la comparaison jusqu’au bout ; elle exprime la chose dans tous ses détails.

1453. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

Le lecteur voit maintenant comment la trame d’événements qui est nous-mêmes et dont nous avons conscience se lie avec le reste.

1454. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Il faut se représenter ce qu’étaient les lecteurs de Balzac : les guerres civiles avaient rendu une bonne partie de la noblesse à l’antique ignorance.

1455. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Dans le premier cas, le lecteur dira : « Comme c’est vrai ! 

1456. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Le lecteur jouit et de l’œuvre critiquée et de son critique.

1457. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Avec la ruine de la littérature du sentiment, de la peinture de genre et de la musique langoureuse, avec le retour de l’intellectualité française à ce genre d’ouvrages insolents, dont parle Stendhal, qui forcent le lecteur à penser au lieu d’émouvoir simplement ses nerfs, avec l’avènement de l’artiste aux suprématies morales dans une époque où les hiérarchies se meurent, le spectre grimaçant de l’ancien bohème, outrageant la noblesse vivante de l’artiste, avec celui du névrosé, de l’égotiste et de l’arriviste va reculer définitivement au fond de la région des ombres.

1458. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

De la sorte, le lecteur finit par s’effrayer de chaque mot, car auprès d’aucun.

1459. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Devaux, lecteur du roi Stanislas, elle appelle ce M. 

1460. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Un homme d’esprit me la propose aujourd’hui, et je veux essayer sinon de la résoudre, du moins de l’examiner et de l’agiter devant nos lecteurs, ne fût-ce que pour les engager eux-mêmes à y répondre et pour éclaircir là-dessus, si je puis, leur idée et la mienne.

1461. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

On peut dire tout ce qu’on voudra, maint noble cœur prendra parti pour Marie Stuart, même quand tout ce qu’on a dit d’elle serait vrai. » Cette parole que Walter Scott met dans la bouche de l’un des personnages de son roman (L’Abbé), au moment où il prépare le lecteur à l’introduction auprès de la belle reine, reste le dernier mot de la postérité comme des contemporains, la conclusion de l’histoire comme de la poésie.

1462. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Voilà deux ans passés que je converse sans interruption avec mes indulgents lecteurs, et je voudrais pourtant bien par moments, comme tout écolier émérite, prendre quelque semaine de congé.

1463. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

C’est ce que j’ai tâché de faire aujourd’hui avec le plus de simplicité et le moins de frais possible, en demandant grâce à mes lecteurs, car nous autres, serviteurs du public, nous sommes quelquefois fatigués aussi.

1464. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

En un mot, dans Anacharsis le courant n’est jamais rapide, mais il suffit pour porter le lecteur qui n’est pas trop impatient, et à qui une élégante douceur, munie d’exactitude, fait pardonner le manque de nerf et d’originalité.

1465. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Les lecteurs reconnurent en ces livres frustes le don suprême de susciter des émotions nouvelles ; l’on y sentit une âme farouche et sombre, interprétant le spectacle de la vie et l’agitation des âmes en sensations primitives ou barbarement subtiles ; et le sérieux profond, l’âpre signification humaine d’écrits aussi tristes qu’Humiliés et offensés, Crime et châtiment n’échappa à aucun de ceux que sollicite le penchant à comprendre ce qu’ils lisent.

1466. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Huysmans l’expédie en quelques phrases et consacre ses chapitres non plus au récit d’une série d’événements, mais à la description d’une situation, d’une scène, procède non par narrations successives avec de courtes haltes, mais par de larges tableaux reliés de brèves indications d’action ; et, comme tous les écrivains de cette école  avec de profondes différences personnelles  il possède un vocabulaire étendu et un style riche en tournures, apte, par des procédés divers, à rendre l’aspect extérieur des choses, à reproduire les spectacles, les parfums, les sens, toutes les causes diverses et compliquées de nos sensations, de façon à les renouveler dans l’esprit du lecteur par la voie détournée des mots.

1467. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Sans qu’ils y pensent l’un et l’autre, le lecteur se disposera de la manière la plus commode pour lui ; l’auditeur en fera autant.

1468. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

C’est ce qui me fait désirer que le lecteur arrive jusqu’à la fin de cet ouvrage avant de le juger.

1469. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Franchement le lecteur et l’auditeur sont-ils choqués ?

1470. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

À l’heure où il aura besoin d’un Morceaux choisis de Théophile Gautier, il se trouvera bien quelque professeur pour le lui tailler en plein drap, moyennant deux francs cinquante. » Cette boutade un peu colérique de Caliban — boutade qui contient d’ailleurs une part de vérité — a dû surprendre plus d’un lecteur. […] Dédaigneux des ignorances dont les esthètes sont coutumiers, très instruit au contraire, grand lecteur de livres petits et gros, il apercevait d’une vue perçante les civilisations très reculées, les races primitives, les drames confus qui se nouent au fond de ces perspectives troubles que les historiens découragés appellent « la nuit des temps ». […] Plusieurs de ses élégies ont été recopiées soigneusement par des lectrices fidèles, qui voulaient les garder à la portée de la main et près du cœur. […] Plus d’une fois, dans ces libres entretiens où l’on peut causer familièrement avec le lecteur, j’ai déclaré mon goût pour les biographies. […] Voyez plutôt cette scène des Chevaliers, que M. le professeur Deschanel a précisément traduite pour l’édification de ses auditeurs et de ses lecteurs.

1471. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

C’est une satire cruelle, mais écrite avec une finesse, une gaîté, une malice et une plaisanterie du meilleur ton : c’est le premier volume d’un recueil qui en contient cinq ; les quatre derniers n’offrent la plupart au lecteur que de grossiers mensonges et de pitoyables anecdotes qui paraissent écrites par des laquais. […] Une déclaration en style de Racine vaut beaucoup mieux pour le lecteur que les fureurs d’un héros forcené qui extravague en vers lâches, décousus et bouffis : en général, ces déclarations sont devenues froides au théâtre, depuis la décadence de la galanterie et des anciens romans. […] Cet épanchement de la nature ne plairait pas sur notre théâtre, mais, tous les lecteurs sensibles en sont charmés ; il était délicieux pour les Grecs, accoutumés aux mœurs domestiques. […] J’invite tous mes lecteurs à vérifier eux-mêmes, dans les traductions françaises, à quel point ces copies défigurent l’original : celle que je leur présente n’est pas servile, mais elle est fidèle. […] Rien n’est plus suspect que l’érudition de Voltaire : ce n’est pas chez lui qu’il faut chercher la vérité, et c’est aussi ce que la plupart des lecteurs cherchent le moins ; on lit pour s’amuser, et non pas pour s’instruire.

1472. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Non, cette fois, notre savant allemand trouve que les écrivains français ont une opinion vraiment trop défavorable de l’esprit de leurs lecteurs. […] J’en ai dit assez pour montrer au lecteur quelle est la manière de cet écrivain corrosif. […] Sa gloire est de celles qui survivent aux « nécrologies », hâtivement rédigées, avec l’aide de Vapereau, pour le lecteur pressé. […] Auguste Couat, après avoir étudié, en deux volumes solides et attrayants, Catulle et les maîtres de Catulle, a cru devoir — au grand déplaisir de ses lecteurs — quitter brusquement Alexandrie pour l’administration. […] Je ne sais si cette analyse infinitésimale du moi, si ce démontage minutieux du mécanisme intérieur, même lorsqu’on y ajoute, pour nous consoler, une réfutation du déterminisme, sont faits pour donner au lecteur le goût de la vie active.

1473. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Le même lecteur aborde une série d’autres ouvrages : René, Adolphe, Volupté, la Confession d’un enfant du siècle, Mademoiselle de Maupin ; plus près de nous, les poèmes de Baudelaire et de Verlaine. […] Notre lecteur rapproche ces symptômes les uns des autres. […]  » Ces mots, que je souligne, rappelleront aux lecteurs de la Littérature anglaise la conclusion de l’étude sur lord Byron. […] Les lecteurs d’Étienne Mayran constateront, dès le premier chapitre, combien l’auteur y reste au contraire étroitement mêlé au récit, à la narration, combien il est présent. […] Elle avait supprimé soigneusement les passages qui eussent indiqué au lecteur attentif la vérité de ses relations avec Balzac.

1474. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Témoin encore de cette faveur dont il fut l’objet, et lecteur charmé de Delille dans mon enfance, j’ai peu d’efforts à faire pour rentrer dans l’esprit qui le faisait goûter, et pour me souvenir, en parlant de lui, qu’il a régné, et en quel sens on le peut dire. […] Delille, etc., dans lequel il met en évidence les emprunts innombrables qu’a faits ce poète à une foule d’auteurs qui ont traité avant lui les mêmes sujets. » L’inventaire, s’il est complet, serait en effet singulièrement curieux à connaître et guiderait utilement le lecteur dans ce véritable magasin de poésie.

1475. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

. — Le lecteur en a déjà vu la preuve principale23. […] Que le lecteur y réfléchisse un instant : ici, comme dans toute proposition, la substance équivaut à la série indéfinie de ses propriétés connues ou inconnues.

1476. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Nous ne le reproduisons pas, cet hymne, à cause de son étendue ; mais que le lecteur se représente le chant de la joie céleste dans la présence de Dieu. […] Ce charmant babillage de jeune fille, qui paraît oiseux peut-être ici au lecteur, a un triple but caché dans l’esprit de l’auteur, qui prépare ainsi son pathétique dans le drame.

1477. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

« Un jour qu’on lisait dans un journal un article sur un centenaire (article qu’on ne passait pas, comme on peut croire), contre son habitude, il interrompit le lecteur pour dire avec enthousiasme : « — Celui-là a vécu sagement et n’a pas gaspillé ses forces en toute sorte d’excès, comme le fait l’imprudente jeunesse… « Il se trouva que ce sage se grisait souvent, au contraire, et soupait tous les soirs, une des plus grandes énormités que l’on pût commettre contre sa santé (selon mon père). […] « Je t’embrasse, chère consolatrice qui m’apportes l’espérance, baiser de tendre reconnaissance ; ta lettre m’a ranimé ; après sa lecture, j’ai poussé un hourra joyeux. » La liste de ses ouvrages, avec la date qu’il leur assigna après les avoir remaniés, peut seule faire comprendre la valeur de ses travaux, car peu de lecteurs ignorent l’importance de ces livres.

1478. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Mais il y a un roman imaginaire dont les lecteurs se lassent bientôt, parce qu’il ne laisse rien dans l’esprit que des situations forcées et des combinaisons fantaisistes ; il faut une triple oisiveté dans l’âme pour persévérer dans le goût de cette espèce de roman. […] Seulement, il faut que la simplicité des détails et la naïveté des récits forcent le lecteur à reconnaître qu’on ne le trompe pas et qu’il se dise : « Cela est si naturel que la nature ne se laisserait pas imiter à ce point ; cela est si vrai qu’aucun mensonge ne pourrait se glisser dans la sincérité de ces événements, ou dans les paroles de ces personnages.

1479. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Je n’ai jamais rencontré un être, homme ou femme, qui ait si bien lu qu’elle, un lecteur qui connaisse aussi à fond les moyens d’optique et de coloration, la syntaxe, les tours, les ficelles de tous les militants de l’heure présente. […] C’est ordinairement sur ce divan, que prend place le lecteur, quand une lecture est faite à haute voix.

1480. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

On lit ces poëmes avec le penchement de tête étonné que donnent les profondes distances entre le livre et le lecteur. […] En présence de ces sublimités, le lecteur subit une sorte d’insolation.

1481. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Il s’éleva sans difficulté jusqu’au niveau de la grossière irréligion de ses lecteurs : car on ne lui demandait pas de sacrifier les effets de banale poésie que le romantisme tirait de l’idée de Dieu et de la Charité chrétienne, sur qui les libres-penseurs se déchargent du soin de soulager les misères que crée leur exploitation ; il put même continuer à faire l’éloge du prêtre et de la religieuse, ces gendarmes moraux que la bourgeoisie salarie pour compléter l’œuvre répressive du sergot et du soldat26. […] Les Diderot, les Voltaire, les Rousseau, les D’Alemberte et les Condillac du xviiie  siècle l’avaient trop fait penser pour qu’elle ne désirât se reposer et goûter sans cassements de tête une douce philosophie et une sentimentale poésie, qui ne devaient plus mettre en jeu l’intelligence, mais amuser le lecteur, le transporter dans les nuages et le pays des rêves, et charmer ses yeux par la beauté et la hardiesse des images, et ses oreilles par la pompe et l’harmonie des périodes.

1482. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

XXVI Mais, puisqu’il est convenu, entre mes lecteurs et moi, que ce Cours familier de littérature n’est qu’un entretien à vol d’idées et à cœur ouvert, laissez-moi vous dire par quel hasard de jeunesse et de situation je fus initié de si bonne heure, et pour jamais, aux livres et aux lettres de ce beau pays. […] Point de salut sans intérêt pour l’écrivain, point d’instruction pour le lecteur.

1483. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Nous prions nos lecteurs de les lire comme nous les leur donnons, c’est-à-dire comme une opinion personnelle, non à croire sur parole, mais à examiner. […] Il y regrette ce qu’Aristote appelle la fable d’un drame, c’est-à-dire le mécanisme presque puéril qui excite la curiosité du spectateur ou du lecteur par l’artifice des situations dans lesquelles le poète place ses personnages.

1484. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Le poète aveuglé d’une telle manie En courant à l’honneur trouve l’ignominie, Et tel mot, pour avoir réjoui le lecteur, A coûté bien souvent des larmes à l’auteur. […] … est une image interrompue qui emporte l’avare et le lecteur jusqu’aux extrémités de l’Océan, à la fortune ou à la mort.

1485. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Que vous demande, en effet, le lecteur ? […] Il nous suffit d’avoir donné au lecteur, qui voudra lire les trois poèmes tout entiers, la clef de ces interprétations retrouvées et présentées par un judicieux et savant esprit.

1486. (1926) L’esprit contre la raison

Préface de Marie-Paule Berranger 2012 L’Esprit contre la raison est un texte véhément et inspiré qui porte le lecteur, sans qu’il puisse nécessairement situer son urgence, ni son actualité au cœur de l’œuvre de Crevel ; il se place entre les premiers romansa, ces « détours » autobiographiques, et un autre essai issu d’une thèse en gestation, Le Clavecin de Diderot, paru en 1932b. […] J’appellerai aussi le « mauvais tour de Lafcadio » les combinaisons plus ou moins conscientes d’actes qu’on nous propose comme modèles du gratuit, sans que d’ailleurs, aussi bien pour Gide que pour Dostoïevsky, nous ayons le droit de reprocher à ces auteurs une influence que des lecteurs trop hâtifs les forcent d’avoir.

1487. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Les critiques que fait ce lecteur dont j’ignore le nom, un peu minutieuses parfois, sont la plupart d’une grande justesse : il y relève des inexactitudes et des irrégularités d’expression, des phrases embarrassées, des répétitions (le mot de goût, par exemple, répété à satiété) ; il y fait sentir les faiblesses et les incertitudes du plan, surtout vers la fin ; il y reconnaît aussi et y loue les belles parties, le tableau si vif du prince de Conti à la journée de Neerwinden, et surtout la peinture animée des grâces, de l’affabilité et du charme habituel qui le faisaient adorer dans la vie civile.

1488. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Dans ce pays qui a conservé sans interruption le culte du gothique fleuri et de la noblesse chevaleresque, Froissart n’a pas cessé d’être apprécié, ou du moins il a de bonne heure retrouvé des lecteurs d’élite et des admirateurs, non pas seulement chez les savants et les érudits comme en France, mais chez les hommes de lettres et les curieux délicats.

1489. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Ce recueil en quatre volumes qui, même depuis sa réimpression, est resté rare, n’était destiné en premier lieu qu’à un petit nombre de lecteurs, et ce fut dans son château, pour plus de sûreté, que M. de Lassay le fit d’abord imprimer.

1490. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Lui, il était surtout favorable aux productions sérieuses, et il croyait voir que le goût du public et des lecteurs s’y portait de plus en plus103.

1491. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Ce pressentiment avant-coureur, cette sensation involontaire d’une âme qui est au terme de la route et qui arrive, perce, à n’en pas douter, dans les dernières lettres de Fénelon, et elle se communique par mille petits signes de joie au lecteur.

1492. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Je ne me pardonnerais point d’avoir parlé si longuement de Buffon sans en rien citer, et le lecteur aurait droit de m’en vouloir.

1493. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Maintenant, il est juste de dire que dans ces sermons ou discours prononcés par Bossuet de 1661 à 1669 et au-delà, — dans presque tous, il y a des endroits admirables, et qui pour nous autres lecteurs de quelque ordre que nous soyons, sont tout autrement émouvants que les sermons lus aujourd’hui de Bourdaloue.

1494. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Ce premier volume, tout scientifique, contient les divers mémoires sur la Formule barométrique et les Nivellements : il attend et il appelle les volumes suivants, d’un intérêt plus général pour les divers ordres de lecteurs, et dont le digne fils de M. 

1495. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Toutefois, comme il est fidèle à dire ce qu’il sait, on a bientôt chez lui la suite et les conséquences : il ne les donne pas comme une conséquence, mais avec un peu de logique le lecteur rétablit aisément la chaîne.

1496. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

S’il ne les avait pas lus lui-même, il s’était fait lire quelque chose de Tite-Live, de Langey, de Guichardin (dont il a oublié le nom, mais qu’il appelle un bon auteur) : « Il me semblait, dit-il quelque part, lorsque je me faisais lire Tite-Live, que je voyais en vie ces braves Scipions, Catons et Césars ; et quand j’étais à Rome, voyant le Capitole, me ressouvenant de ce que j’avais ouï dire (car de moi j’étais un mauvais lecteur), il me semblait que je devais trouver là ces anciens Romains. » Voilà le degré de culture de Montluc ; c’était assez, avec son esprit naturel et son amour de la gloire, pour le mener, sans imitation directe, à être l’émule de ces anciens qu’il connaît peu.

1497. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

En retraçant un portrait du parfait souverain en ces belles années de Henri IV, il semble quelquefois dessiner d’après nature, mais il laisse aux lecteurs les applications à faire, et il ne le dit pas.

1498. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Il parle, il est vrai, la meilleure des langues, et comme un roi qui méritait d’avoir Pellisson pour secrétaire et Racine pour lecteur.

1499. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Pour nous, qui nous contentons de sentir sa force, son mérite, mérite toujours contrarié et traversé de certaines ombres, il nous attire surtout à titre d’écrivain, et nous voudrions par ce côté nous en rendre compte à nous-même en présence de nos lecteurs, sans rien ajouter à l’idée, fort élevée d’ailleurs, qu’on se doit faire de lui, et sans rien exagérer.

1500. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Je n’ai fait qu’entamer et mener à moitié chemin cette intéressante correspondance entre les deux frères : il me faut en tirer encore et en faire connaître à nos lecteurs de belles et surtout de judicieuses pages.

1501. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Geffroy, et qui, à la rigueur, se peuvent suffire à elles-mêmes, ont surtout mis en lumière les commencements et les préliminaires de la mission de la princesse des Ursins en Espagne ; c’est le côté neuf de la publication (je suppose des lecteurs au courant et qui se souviennent de l’ancien recueil de 1826).

1502. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Mme de Staël est une grande personne ; et le lecteur curieux, admis à l’entendre causer dans l’intimité, doit être un peu impatienté, ce me semble, de ne pouvoir l’aborder sans l’intervention continuelle d’une sorte de trucheman, d’un tuteur et d’un mentor qui l’explique, la commente, au risque de forcer parfois sa pensée, qui lui coupe peut-être la parole si elle est tentée d’en dire trop sur quelque point.

1503. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

C’est peut-être un motif de plus, pour le lecteur distingué, de s’y plaire, en y remettant partout cet air et cet accent sous-entendus.

1504. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

C’est ce côté qui ennoblit le Journal de la santé du roi, et que le lecteur ne doit jamais négliger.

1505. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

En fait de connaissance purement curieuse et ironique de la nature humaine, je ne sais ce que l’auteur des Lettres persanes laisse à désirer aux plus malins ; et dans l’Esprit des Lois, Montesquieu cherche à réparer, à rétablir les rapports exacts, à faire comprendre les résultats pratiques sérieux, à faire respecter les religions civilisatrices, et son explication historique des lois et des institutions, si elle ne conclut pas, inspire du moins tout lecteur dans le sens du bien, dans le désir du perfectionnement social graduel et modéré.

1506. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Je les dois à nos lecteurs, avec un mot sur la Jeanne d’Arc, occasion ou prétexte de tout ceci.

1507. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Cousin, qui traite avec tant de dédain les Relations d’Elie Benoît pour des époques antérieures, et qui, du haut de son esprit, a déclaré cet utile et modeste historien « une très-médiocre intelligence », serait obligé ici de convenir qu’il doit y avoir quelque chose de très-vrai dans ce fonds d’horreurs où un intéressé seul pouvait nous faire pénétrer77 : c’est chose si désagréable en effet que d’avoir à s’appesantir sur des atrocités ; cela même semble contraire au bon ton et au respect qu’on a pour soi et pour ses lecteurs.

1508. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Lorsqu’on aura rabattu, çà et là, de quelques assertions hasardées et de quelques interprétations trop subtiles du critique, il restera en définitive, dans le souvenir du lecteur qui l’aura suivi dans son excursion, une plus haute idée de la faculté historique instinctive du grand Corneille.

1509. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

M. de Girardin a donné aux malveillants un prompt démenti, et il a retrouvé tous ses anciens lecteurs, sans compter les nouveaux.

1510. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Somme toute, et quoi qu’il en soit de ces critiques de détail, le premier il a permis aux lecteurs curieux et patients de se faire une vaste idée, une idée continue (j’y insiste) du génie et de la force complexe de son héros.

1511. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Il serait bien bon, pour guider le lecteur dans la prononciation, d’adopter ses deux espèces de lettre s sous les deux formes qu’il propose, l’une sonnante et l’autre grave.

1512. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

La Fontaine Dans ces rapides essais, par lesquels nous tâchons de ramener l’attention de nos lecteurs et la nôtre à des souvenirs pacifiques de littérature et de poésie, nous ne nous sommes nullement imposé la loi, comme certaines gens peu charitables ou mal instruits voudraient le faire croire, de mettre en avant à toute force des idées soi-disant nouvelles, de contrarier sans relâche les opinions reçues, de réformer, de casser les jugements consacrés, d’exhumer coup sur coup des réputations et d’en démolir.

1513. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Que si l’on nous demande maintenant ce que nous prétendons conclure de ce long parallèle que nous aurions pu prolonger encore ; lequel d’André Chénier ou de Regnier nous préférons, lequel mérite la palme, à notre gré ; nous laisserons au lecteur le soin de décider ces questions et autres pareilles, si bon lui semble.

1514. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Nous ne savons quelle impression une pareille exhibition peut produire sur la masse des lecteurs, mais nous pouvons affirmer à M. 

1515. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Comment espérer que des pensées, qu’un ouvrage, puissent captiver tellement l’intérêt, que l’inconvenance du style ne détourne pas l’attention du lecteur ?

1516. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

CXLVII, résumé. « Un lecteur sage s’apercevra aisément qu’il ne doit croire que les grands événements qui ont quelque vraisemblance, et regarder en pitié toutes les fables dont le fanatisme, l’esprit romanesque, la crédulité ont chargé dans tous les temps la scène du monde. » 340.

1517. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Ajoutons à cela la parodie des expéditions lointaines et des folies chevaleresques, à laquelle pourtant il ne faut se laisser prendre qu’à demi : il les conte pour s’en moquer, et il pense bien en les contant allécher les lecteurs.

1518. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Jusque dans le détail des fonctions les plus secrètes de la nature, il sait ne rien taire en ne disant rien qui puisse faire rougir le lecteur, et il reste peintre en éteignant la description au moment où la science coûterait à la pudeur.

1519. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

C’est enlever aux lecteurs le délicat plaisir de collaborer avec lui, de laisser leur pensée courir à côté de la sienne et au-delà.

1520. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Il paraît qu’entre les deux interlocuteurs les paroles furent vives et singulières ; et ce qui prouverait que l’esprit de la dame se fourvoya dans le dialogue, c’est l’étrange condition qu’elle voulait imposer… » Le lecteur, à travers ces vagues allusions, est dans un certain embarras et peut bien se fourvoyer lui-même.

1521. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Je les parcourrai rapidement, moins en juge qu’en lecteur empressé, à la fois séduit et résistant, et qui, pour contrôler ces pages faciles, n’a guère eu recours qu’à ses propres souvenirs.

1522. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Cela dit pour ne laisser aucun embarras dans l’esprit du lecteur, continuons de suivre Mallet hors de France et dans son rôle d’observateur et d’informateur excellent.

1523. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Quelques pages auparavant, le lecteur pouvait lui-même s’étonner de voir, dans ce petit livre des Préjugés, Newton classé pour son principe de l’attraction parmi les auteurs de vains systèmes.

1524. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Sur les femmes, toutes les fois qu’il a à en parler, il y a de petites hymnes galantes et comme de petits couplets destinés à plaire aux belles et sensibles lectrices ; il a de ces tirades dans le procès Goëzman, il en aura plus tard dans le procès Kornman : « Et je serais ingrat au point de refuser, dans ma vieillesse, mes secours à ce sexe aimé qui rendit ma jeunesse heureuse !

1525. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Pour le moment, je vous donnerai seulement mon opinion, c’est que, bien que vos raisonnements soient subtils et puissent prévaloir auprès de quelques lecteurs, vous ne réussirez pas au point de changer les sentiments généraux de l’humanité sur ce sujet ; et, si vous faites imprimer cet ouvrage, la conséquence sera beaucoup d’odieux amassé sur vous-même, du dommage pour vous, et aucun profit pour les autres.

1526. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Car la vie de La Fontaine est devenue comme une légende, et il suffit de commencer à raconter de lui une anecdote pour que tout lecteur l’achève aussitôt.

1527. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Et il y avait des relations non encore brisées entre Rouland et les Passy, qui parlaient chaudement en notre faveur, et le samedi 19 février, le président de la 6e chambre donnait lecture, à la fin de l’audience, du jugement dont voici le texte : « En ce qui touche l’article signé Edmond et Jules de Goncourt, dans le numéro du journal Paris, du 11 décembre 1852 ; « Attendu que si les passages incriminés de l’article présentent à l’esprit des lecteurs des images évidemment licencieuses et dès lors blâmables, il résulte cependant de l’ensemble de l’article que les auteurs de la publication dont il s’agit n’ont pas eu l’intention d’outrager la morale publique et les bonnes mœurs ; « Par ces motifs : « Renvoie Alphonse Karr, Edmond et Jules de Goncourt et Lebarbier (le gérant du journal) des fins de la plainte, sans dépens. » Nous étions acquittés, mais blâmés.

1528. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

« La morale de l’Esprit des Lois, nous dit-il, n’oblige le lecteur qu’à des vœux d’humanité, de justice, de liberté pour tous, qui l’acquittent à son insu de toute obligation particulière.

1529. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Si le lecteur daigne relire l’exposé des causes qui ont guidé ses fondateurs, il en trouvera deux : le besoin de subordonner la science à la morale, et le goût des mots abstraits.

1530. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Ces jours derniers, il rencontra les articles que vous venez de parcourir, cher et redoutable lecteur.

1531. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Il y a deux heures, cher lecteur, que vous avez envie d’en faire autant.

1532. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Mensonge ou vérité, peu leur importe, pourvu qu’on parle, pourvu qu’on écrive, pourvu que le journal, le matin, aille porter à plus de cent mille lecteurs leur héroïsme ou leur infamie, dansant au haut de leur nom, l’enragé cancan de la publicité. […] Il existe autant de dieux que de romanciers ; je pourrais même dire : que de lecteurs, et pour un esprit supérieur comme l’est celui de M. de Maupassant, ce n’est point chose désirable que d’aspirer à une divinité si banale qu’elle peut être conquise par tout le monde, aussi bien par M.  […] Il était coiffé d’une casquette en peau de lapin, cultivait des betteraves, et braconnait les anguilles dans la rivière d’Eure. » *** Les lecteurs du Figaro se souviennent peut-être d’un article que je publiai ici même, il y a juste un an, et qui était intitulé « La Maison du philosophe ». […] Et — comble de l’audace — M. de Gourmont avouait garder à la mémoire de Jules Laforgue, qui avait été lecteur de l’impératrice Augusta, un culte tendre… Alors, il ne l’aurait pas fusillé non plus, celui-là, un espion sans doute ? […] Paul Hervieu, en pince-sans-rire obstiné qu’il est, fait descendre le lecteur angoissé, au plus profond des abîmes de l’âme et le conduit à travers la nuit de la vie mentale, où se projettent d’étranges, de soudaines, d’affolantes lueurs.

1533. (1888) Portraits de maîtres

Cette œuvre, plus d’une fois discutée, commande l’attention du lecteur comme une interprétation hardie, pénétrante, et, pour tout dire, originale. […] Il n’appartient pas aux poètes médiocres de s’emparer ainsi du lecteur. […] Cependant ce livre est à lire, et, comme il fait partie d’une œuvre qui s’impose, il recrutera toujours des lecteurs et des admirateurs, surtout des admiratrices, dont nous ne chicanerons pas les jouissances littéraires ; car notre Alfred de Vigny, même inférieur à lui-même, reste encore très attachant et très élevé. […] Que l’on ne se méprenne pas sur notre sentiment : c’est une admiration sincère à l’endroit d’Alfred de Vigny qui nous fait regretter les chefs-d’œuvre dont nous ont frustré une concentration excessive de la pensée et une défiance non moins exorbitante à l’égard des lecteurs. […] Ce qu’il y a de vraiment nouveau dans ce volume, d’inconnu pour les lecteurs, c’est la justice rendue pour la première fois à l’intensité laborieuse, à la fécondité créatrice de cette période thermidorienne.

1534. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

La marche de ses pensées est plus graduée ; il les développe, amène par degrés le lecteur à les partager ; s’animant peu à peu d’une sainte chaleur, il remplit les cœurs, et par une route différente produit aussi tous les nobles effets de l’éloquence. […] Chacun se donnait franchement pour ce qu’il était, sauf à être blâmé ou approuvé ; c’était au lecteur à juger la force du témoignage de l’historien, et la confiance qu’il lui devait donner. […] Mais comme il y a de la simplicité dans le récit, le lecteur est touché comme si la chose même se passait devant ses yeux. […] Rien ne repose ; jamais des paroles simples ne viennent replacer le lecteur dans la nature habituelle. […] Souvent il a une telle vérité, que le lecteur se sent ému jusqu’au fond du cœur, comme si l’auteur avait voulu peindre les effets des passions.

1535. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Albert Vandal ne s’est pas contenté de présenter à son lecteur un édifiant tableau des âges révolus. […] Jules Renard donne à son lecteur l’impression de l’exacte vérité. […] Et il était minutieux : il n’omettait rien de nulle misère et, pour la raconter, il n’en épargnait rien non plus à son lecteur. […] Le chercheur d’or avait trouvé sa vocation ; le typographe se faisait imprimer ; le pilote menait ses lecteurs aux extrêmes confins de l’imagination la plus étrange. […] L’auteur ne se proposait pas de rassurer son lecteur et de l’encourager : il n’avait pour objet que la vérité, quelle qu’elle fût.

1536. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Elle ne prouve pas la valeur intrinsèque de l’ouvrage : livre ou pièce de théâtre, mais elle décèle un certain état d’esprit chez le lecteur et le spectateur. […] Renan non plus ne soupçonnait pas à quelle profondeur les « vérités importunes », dont il se faisait l’apologiste, pénétreraient dans les esprits de ses lecteurs, précisément parce qu’elles étaient importunes. […] Spécifiquement, j’y insiste, en demandant au lecteur de ces notes de me permettre, une fois de plus, une citation qui donne son plein sens à ce terme d’une physionomie bien pédante, mais il est précis. […] Notre lecteur quitte les colonnes des faits divers. […] Il ne peut que s’en tenir à des réflexions destinées, s’il était possible, à en provoquer d’autres chez les lecteurs.

1537. (1904) Zangwill pp. 7-90

Il y a bien de la fabrication dans Renan, mais combien précautionneuse, attentive, religieuse, éloignée, ménagée, aménagée ; c’est une fabrication en réserve, une fabrication de rêve et d’aménagement, entourée de quels soins, de quelles attentions, délicates, maternelles ; on fabriquera ce Dieu dans un bocal, pour qu’il ne redoute pas les courants d’air ; on lui fera des conditions spéciales ; cette fabrication de Renan est vraiment une opération surhumaine, une génération surhumaine, suivie d’un enfantement surhumain ; et l’humanité de Renan, ou la surhumanité de Renan, si elle usurpe les fonctions divines, premièrement, nous l’avons dit, usurpe les fonctions de connaissance divine, les fonctions de toute connaissance, beaucoup plutôt que les fonctions de production divine, de toute création, deuxièmement, et ceci est capital, usurpe aussi, commence par usurper les qualités, les vertus divines ; cette première usurpation, cette usurpation préalable, pour nous moralistes impénitents, excuse, légitime la grande usurpation ; nous aimons qu’avant d’usurper les droits, on usurpe les devoirs, et avant la puissance, les qualités ; enfin l’accomplissement de cette usurpation est si lointain ; et les précautions dont on l’entoure, justement par ce qu’elles ont de minutieux, par tout le soin qu’elles exigent, peuvent si bien se retourner, s’entendre en précautions prises pour qu’il n’arrive pas ; une opération si lointaine, si délicate, si minutieuse, ne va point sans un nombre incalculable de risques ; Renan, grand artiste, a évidemment compté sur la sourde impression que l’attente et l’escompte de tous ces risques produiraient dans l’esprit du lecteur ; lui-même il envisage complaisamment ces risques ; ils atténuent, par un secret espoir de libération, de risque, d’aventure, et, qui sait, de cassure, disons le mot, de ratage, cette impression de servitude mortelle et d’achèvement clos ; ils effacent peut-être cette impression de servitude ; et quand même ils effaceraient cette impression glaciale ; l’auteur sans doute s’en consolerait aisément ; il ne tient pas tant que cela aux impressions qu’il fait naître ; ces risques soulagent également le lecteur et l’auteur ; par eux-mêmes Renan n’est point engagé au-delà des convenances intellectuelles et morales ; lui-même les envisage complaisamment ; dans cette institution de la Terreur intellectuelle que nous avons passée, la remettant à plus tard, « mais ne pensez-vous pas », dit Eudoxe : « Mais ne pensez-vous pas que le peuple, qui sentira grandir son maître, devinera le danger et se mettra en garde ? […] Mais il y en aura une. qui le franchira ; l’esprit triomphera. » Des milliers d’humanités ont peut-être sombré dans ce défilé : Théoctiste nous le dit pour nous effrayer ; mais Renan, bon père, nous le dit parce que c’est vrai, et aussi à seule fin de nous rassurer ; lui-même il se rassure ainsi ; la réalisation de son Dieu en vase clos l’épouvante lui-même ; et c’est pour cela qu’il met la réalisation du risque au passé, de l’indicatif, passé indéfini ; c’est acquis ; c’est entendu ; et la réalisation d’échapper au risque, la réalisation de Dieu, il met la réalisation de Dieu au futur, qui est le temps des prophéties ; si elle est mise au temps des prophéties, religieuses, si elle est une prophétie, peut-être bien qu’elle ne se réalisera pas, espérons qu’elle ne se réalisera pas ; il était payé pour savoir ce que valent les prophéties, particulièrement les prophéties religieuses, et comment elles se réalisent ; mettre cette affirmation au rang des prophéties, de sa part, c’était nous garantir qu’elle ne se confirmerait point ; un peut-être ajouté au parfait indéfini masquera cette garantie aux yeux du vulgaire grossier ; mais elle éclatera, toute évidente, le langage étant donné, pour le lecteur insidieux ; dans la préface même de ces dialogues redoutables et censément consolateurs, de ces rêves redoutablement consolateurs, le sage nous met en garde contre les épouvantements : « Bien assis sur ces principes, livrons-nous doucement à tous nos mauvais rêves.

1538. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Puis il entame tout de suite le second acte et passe au troisième… En nos cervelles, pendant cette lecture, peu d’idées ; au fond de nous une anxiété que nous essayons de refouler et de distraire, en nous appliquant à écouter notre pièce, les mots, le son de la voix de Thierry, le lecteur. […] Elle est le moyen de transporter le lecteur dans un certain milieu favorable à l’émotion morale qui doit jaillir de ces choses et de ces lieux. […] Nous attendons en compagnie de ce pauvre Guyard, le lecteur mélancolique de tous les ours, un homme si attristé de toutes les tragédies infiltrées en lui, qu’il rêve toutes les nuits que son ménage est dans un cachot, et assailli à tout moment, à propos de ces tragédies, d’incidents comme celui-ci : il vient de recevoir une lettre d’un malheureux qui lui écrit d’un lit de la Charité, qu’il a un pistolet sous son traversin, pour se brûler la cervelle, si sa pièce n’est pas reçue.

1539. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Involontairement et hors de propos, il vient d’écarter le masque tragique qui couvrait son visage, et le lecteur, derrière les traits contractés de ce masque terrible, découvre un sourire gracieux et inspiré qu’il n’attendait pas. […] Le lecteur cherche en vain des yeux la route intermédiaire, étourdi de ces sauts prodigieux, se demandant par quel miracle le poëte au sortir de cette idée est entré dans cette autre, entrevoyant parfois entre deux images une longue échelle de transitions que nous gravissons pied à pied avec peine, et qu’il a escaladée du premier coup. […] Que le lecteur compare aux conversations de notre théâtre ce petit poëme, « enfant d’une imagination vaine, aussi légère que l’air, plus inconstante que le vent », jeté sans disparate au milieu d’un entretien du seizième siècle, et il comprendra la différence de l’esprit qui s’occupe à faire des raisonnements ou à noter des ridicules, et de l’imagination qui se divertit à imaginer. […] Le critique est perdu dans Shakspeare comme dans une ville immense ; il décrit deux monuments et prie le lecteur de conjecturer la cité.

1540. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Comme si elle avait voulu s’excuser par avance de laisser un testament durable de sa pensée — peut-être soupçonnait-elle que son lecteur en deviendrait un jour l’historien ?  […] Mais ici qu’avons-nous, sinon un aveu personnel, une confession directe, par où le poète prend à témoin son lecteur ? […] Sait-il pas en effet que, parmi les quelques centaines ou quelques milliers de lecteurs qui forment la clientèle d’un auteur d’imagination, la grande majorité vient chercher dans ses livres l’histoire qui la pourra divertir un instant ? […] C’est douter en quelque façon de la subtilité du lecteur, croire ou paraître croire qu’il n’y a pas assez de pénétration en lui pour dégager à mesure les intentions de l’auteur, ce que Stendhal appelait sa pensée de derrière la tête.

1541. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Il y paraît, commue le lecteur ne tardera pas à le reconnaître ; il trouvera plus loin des expressions dix fois répétées, des tours de phrase d’une correction douteuse, et un pitoyable désordre. […] C’était au temps où l’Assommoir effarouchait si étrangement les lecteurs d’un grand journal du soir que la publication dût en être interrompue. […] Et j’espère aussi que les lecteurs y ont reconnu dans l’allure et le ton des vers, cette qualité spéciale, presque indéfinissable, inhérente aux vers de ceux qui ne cesseront jamais d’en faire. […] De là, des surprises pour le lecteur qui, s’il est intelligent, relit et comprend, ou qui, dans l’autre cas, proclame : c’est obscur ! […] Tout lecteur lettré doit être un peu le faune de ces nymphes, les Idées.

1542. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Mais les poèmes dont se composaient ces recueils étaient depuis assez longtemps connus, sinon de tout le public, du moins des lecteurs lettrés, et si l’on se souvient des époques, que j’ai indiquées plus haut, à l’occasion d’Alfred de Vigny, il deviendra bien difficile de décider si c’est Lamartine, adolescent précoce, ou Victor Hugo, enfant de génie, qui se manifesta le premier. […] l’avenir en décidera — qui cherchent un nouveau mode d’expression poétique en un verbe obscur et fuyant, en la sonorité de rythmes imprécis où la pensée se disperse jusqu’à devenir, pour la plupart des lecteurs, insaisissable. […] Dès les premières lignes, je fus épouvanté, et Villiers, tantôt me consultait d’un regard furtif, tantôt écarquillait vers le lecteur ses petits yeux gonflés d’effarement. […] et n’y aurait-il pas, si deux lecteurs même très raffinés lisaient ensemble la même page, un péril de cacophonie analogue à celle qui se produirait si deux violonistes jouaient une mélodie continue, — notez que je dis continue, — écrite sans aucune indication de mouvement, et sans aucune division en mesures ? […] Il ne s’agit point ici d’attendrir sur une existence trop tôt interrompue (cette mort, cruelle pour nous, ne saurait vous émouvoir, vous, lecteurs indifférents, et qui avez le droit de l’être), ni, surtout, de profiter, — comme on fit à propos d’un Malfilâtre, d’un Gilbert ou d’un Moreau, — de l’apitoiement du public pour lui extorquer un enthousiasme pleurnicheur.

1543. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Ce double aspect ou, si l’on peut dire, ce double personnage en un même auteur jette quelque trouble dans l’esprit du lecteur et nuit à l’unité du livre, qui n’est, à vrai dire, qu’une suite d’articles fort différents de manière et de ton. […] Monselet père, qui avait formé ce cabinet à Bordeaux, en 1814, offrait à ses lecteurs, qui payaient trois sous la séance, les œuvres complètes de Pigault-Lebrun, de Ducray-Duminil, de madame de Genlis, qui étaient alors les auteurs les plus goûtés. […] Mais ses livres, jadis dévorés par toutes les âmes, n’ont plus guère de lecteurs ; son histoire, qui fut celle de l’Église pendant un demi-siècle, est oubliée, et nous ne nous faisons qu’une incertaine et vague idée de ce génie agité qui remua le monde. […] J’offre à mes lecteurs un fruit à demi défendu. […] Il y a dans le livre que je présente à mes lecteurs trop de choses intéressantes et bien dites ; l’étoffe en est trop précieuse pour s’arrêter à quelques aspérités du tissu.

1544. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Malgré toute son énergie, il lui fut impossible d’achever « la ligne commencée. » Le hasard, ou, pour dire plus juste, un concours particulier de circonstances, qui ne saurait en rien intéresser le lecteur, a voulu qu’il nous fût permis de recueillir la tradition la plus précise de ses projets. […] Pourvu que nos lecteurs ne soient pas de notre avis et ne trouvent pas aussi que nous eussions mieux fait de persister dans notre première voie ! […] Maintenant, nous demandera peut-être le lecteur parquet filament se rattache à l’histoire du Romantisme ce brave Jules Vabre, charmant garçon d’ailleurs, mais dont les titres littéraires sont un peu minces, puisque, de votre aveu, il n’a pas achevé ni même commencé l’Essai sur l’incommodité des commodes, cet ouvrage d’ébénisterie transcendantale. […] Comme Henri Beyle, mais sans aucune ironie, Gérard de Nerval semblait prendre plaisir à s’absenter de lui-même, à disparaître de son œuvre, à dérouter le lecteur. […] Delacroix a surpassé les tableaux que je m’étais faits de scènes écrites par moi-même, à plus forte raison les lecteurs trouveront-ils toutes ces compositions pleines de vie et allant bien au-delà des images qu’ils se sont créées.” » C’est ainsi que le Jupiter de Weimar, le poète marmoréen, le grand plastique, jugeait dans sa vieillesse les jeunes efforts de l’artiste romantique.

1545. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Je préviens le lecteur que dans ce qui suivra il y aura des idées de moi, sans que je songe peut-être toujours à distinguer minutieusement. Le lecteur aura soin de m’attribuer toutes celles qu’il trouvera fausses. […] Le lecteur pourrait conclure ainsi, d’autant plus qu’il songerait que les chefs de l’Encyclopédie sont un « scientifique », d’Alembert, et un homme qui, lui, a été audacieux et aventureux en toutes choses, et particulièrement en littérature, Diderot. […] on manquait de lecteurs. […] Quelle économie du temps de son lecteur !

1546. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Qu’on se figure bien ce que pouvait être l’ordre et l’habitude d’idées d’un homme qui venait de publier l’année d’auparavant son in-folio historique sur le xvie  siècle, et des nombreux lecteurs parisiens qui l’avaient goûté.

1547. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Les gens du métier, les habiles ou les vertueux, qui l’ont étudiée et pratiquée à fond, ont gardé ou retrouvé, en l’appréciant, l’admiration qu’elle inspirait autrefois : le commun des lecteurs, je le crois, a besoin de refaire un peu son éducation à cet égard.

1548. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Son Octave, jeune homme riche, blasé, ennuyé, d’un esprit supérieur, nous dit-on, mais capricieux, inapplicable et ne sachant que faire souffrir ceux dont il s’est fait aimer, ne réussit qu’à être odieux et impatientant pour le lecteur.

1549. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Tandis que le voluptueux Salluste cherche au commencement de ses Histoires à élever sa pensée et celle de ses lecteurs et à la fixer vers les choses impérissables, La Fare, moins ami de l’idéal et qui sépare moins ses écrits de ses propres habitudes, commence par une citation de Pantagruel.

1550. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Qu’on me permette de citer tout ce fragment du journal de Bernardin de Saint-Pierre pour nous délasser, le lecteur et moi, du factice que nous avons eu à traverser : Le 17 (juin 1768), il fit calme.

1551. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

En remerciant donc les lecteurs qui m’ont suivi jusqu’ici avec tant de bienveillance dans mes excursions toutes modernes, j’ai besoin de leur demander de me laisser pour quelque temps interrompre ces communications habituelles : le jour où je me sentirais en mesure de les reprendre, serait, on peut le croire, un jour heureux pour moi.

1552. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

J’essaierai, en choisissant quelques points, de rendre ce résultat bien sensible à nos lecteurs.

1553. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Il n’est pas commode pour le lecteur que ces volumes, qui sont un supplément à la correspondance générale, renferment eux-mêmes deux suppléments subsidiaires ; dans une réimpression on devrait mettre ordre à ce dérangement.

1554. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Une notice préliminaire, à la fois instructive et élégante, met le lecteur au fait de tout ce qu’il doit savoir pour se plaire tout d’abord dans cette bonne compagnie, pour en entendre à demi-mot les allusions et les badinages habituels, pour en connaître les principaux personnages et tous les entours.

1555. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Ce journal lui fait beaucoup d’honneur en ce que, sans que l’auteur vise à aucun effet ou songe à aucun lecteur futur, on y voit clairement, naïvement, l’état perplexe de sa croyance et la force de conscience qu’il lui fallut, modéré et timide comme il était, pour résister à des assauts aussi répétés que ceux qu’on lui livrait.

1556. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Un roi qui a Racine pour lecteur eut, à la rigueur, ménager ses yeux.

1557. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Mais Apulée n’y met pas tant d’intention et se contente d’une malice générale qui circule, et que le lecteur sent ou néglige selon qu’il lui plaît : lui, il ne songe qu’à bien conter avant tout, à donner du mouvement à ses récits et à être plaisant.

1558. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Casimir Delavigne devient faible du moment où il veut intercaler dans ses phrases pures et élégantes les idées gigantesques nées en Allemagne ou en Angleterre ; tandis que Mme Tastu, modeste et discrète comme la langue dont elle fait usage, en n’effarouchant pas le lecteur par la singularité des expressions, protège beaucoup mieux l’élan qu’elle fait prendre à l’imagination de celui, qui lit ; enfin M. 

1559. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Moland à poursuivre du même pas, et avec lui ceux des autres éditeurs qui sont à l’œuvre et qui contribuent, chacun de son côté et par une estimable émulation, à recruter de plus en plus des lecteurs et des admirateurs à Molière.

1560. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Les discours prononcés chaque année à la rentrée des Cours impériales et de la Cour de cassation roulent d’ordinaire sur d’importants sujets, et sont quelquefois de véritables études concernant des personnages historiques qui n’appartiennent pas seulement à la magistrature, et qui intéressent tous les ordres de lecteurs.

1561. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Cervantes était allé, pour changer d’air, à la petite ville d’Esquivias, pays de sa femme ; mais il revint peu après à Madrid sans avoir trouvé de soulagement et en sentant son mal empiré ; ce mal dont on ne dit pas le principe et le siège se traduisait par un hydropisie : « Il advint, cher lecteur, nous dit Cervantes, que deux de mes amis et moi, sortant d’Esquivias (lieu fameux à tant de titres, pour ses grands hommes et ses vins), nous entendîmes derrière nous quelqu’un qui trottait de grande hâte, comme s’il voulait nous atteindre, ce qu’il prouva bientôt en nous criant de ne pas aller si vite.

1562. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Je ne suis choqué, dans la description que j’ai citée et que j’abrège, que du choix des mots, de la façon rude, désobligeante, dont on le traite, et qui tend à le ridiculiser dans l’esprit du lecteur.

1563. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Le critique philosophe, ayant porté toutes ses forces sur les parties difficiles et comme sur les hauts plateaux, descend un peu vite ces pentes agréables, si riches toutefois en accidents heureux et en replis ; il dédaigne de s’y arrêter, oubliant trop que c’eût été pour nous, lecteurs français, la partie la plus accessible et une suite d’étapes des plus intéressantes par le rapprochement continuel avec nos propres points de vue.

1564. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

C’est ainsi que juge le peuple des lecteurs : une femme déclare qu’un homme est beau, donc elle l’aime.

1565. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

— Les autres admirent mon courage, mais ils ne connaissent pas mes jouissances ; toi, qui dois les sentir, conserve-leur tout leur charme par la constance de ton courage. » Faut-il insister sur ce tutoiement perpétuel qui aura certainement frappé et peut-être étonné quelques lecteurs ?

1566. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Son livre n’est point un Journal suivi, ce qui serait plus intéressant à coup sûr pour le vulgaire des lecteurs ; mais il a dû procéder autrement, en raison du but plus sérieux qu’il se propose.

1567. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Je courus aux batteries faire tirer, afin de venger la perte de l’État et la mienne. » De telles pages, toutes sincères et d’original, sont de ces bonnes fortunes qu’on ne saurait négliger en passant et dont on aime à faire partager l’impression à ses lecteurs.

1568. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Mes fonctions se bornent à quelques lectures ; il est plus naturel qu’elles soient faites par une femme de chambre comme chez la reine ou par une lectrice comme chez Mesdames.

1569. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Pour les autres, pour le grand nombre de lecteurs, instruits même et cultivés, et plus ou moins gens de goût, cette vache toute seule, cette moitié de vache ne dit pas assez.

1570. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Cette disgrâce de Moncrif fit sa fortune, puisqu’il lui dut de devenir lecteur chez la reine et d’être la coqueluche des petits appartements.

1571. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Ce que les lecteurs mondains diraient de nos jours en lisant le détail des mortifications et de certains excès, un grand nombre parmi les contemporains des personnages le disaient également et presque par les mêmes termes.

1572. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

C’est un moyen assuré de faire dresser les oreilles à l’honnête lecteur : un écrivain d’autant d’esprit devrait savoir s’en passer.

1573. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Nous ne dirons rien des autres écrits de Mme de Souza, de Mademoiselle de Tournon, de la Duchesse de Guise, non qu’ils manquent aucunement de grâce et de finesse, mais parce que l’observation morale s’y complique de la question historique, laquelle se place entre nous, lecteur, et le livre, et nous en gâte l’effet.

1574. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Parfois même, une seconde opération surajoutée la place plus loin ; les sons et les couleurs, qui ne sont que des sensations, nous semblent aujourd’hui situés, non dans nos organes, mais au loin, dans l’air ou à la surface des objets extérieurs ; le lecteur verra, dans l’examen de la perception extérieure, comment l’éducation des sens produit ce recul apparent.

1575. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Cependant, comme nous l’avons dit, parmi ceux qui portèrent des vers à Pisistrate, quelques-uns, pour obtenir une plus grande récompense, en ajoutèrent de leur façon, que l’usage ne tarda pas à consacrer aux yeux des lecteurs.

1576. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Et Boileau, voyez-le tailler, rogner, changer, abréger son Longin, sans autre loi que son goût et le désir d’éviter de la peine à son lecteur, écartant les « antiquailles » (entendez ce qui suppose une teinture d’histoire ou d’archéologie), supprimant ce qui est « entièrement attaché à la langue grecque » (entendez ce qui suppose la connaissance du grec), substituant, dans une citation de Sapho, un « frisson » à une « sueur froide », parce que « le mot de sueur en français ne peut jamais être agréable, et laisse une vilaine idée à l’esprit ».

1577. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Dans le fragment de la Résurrection qu’on citait tout à l’heure, la forme dramatique est encore engagée dans une narration continue qui relie les scènes dialoguées, et qu’un lecteur ou meneur du jeu avait peut-être charge de réciter.

1578. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Mais ces rencontres sont rares, et peut-être un peu surfaites par le bonne volonté que développe chez le lecteur la surprise de le trouvaille.

1579. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

J’admire la complaisance de la Chambre, applaudissant sa métamorphose ; j’admire encore plus qu’elle prenne si naïvement un perroquet pour un aigle et un lecteur pour un orateur.

1580. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

C’est le lecteur qui, à la réflexion, fait ce travail aujourd’hui.

1581. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

l’éminent historien provoque évidemment tout lecteur qui pense, à se faire lui-même cette autre question : « Pourquoi la Révolution de France a-t-elle échoué jusqu’ici ?

1582. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Il s’agit d’un immense poème composé, il y a plus de huit cents ans, par un grand poète, l’Homère de son pays, et dont le nom frappe sans doute ici bien des lecteurs pour la première fois.

1583. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Le poète Gray a dit des mémoires en général « que, si l’on voulait se contenter d’écrire exactement ce qu’on a vu, sans apprêt, sans ornement, sans chercher à briller, on aurait plus de lecteurs que les meilleurs auteurs ».

1584. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Il a rempli cet autre vœu de Fénelon : « Il ne faut prendre, si je ne me trompe, que la fleur de chaque objet, et ne toucher jamais que ce qu’on peut embellir. » Et, enfin, il semble avoir été mis au monde exprès pour prouver qu’en poésie française il n’était pas tout à fait impossible de trouver ce que Fénelon désirait encore : « Je voudrais un je ne sais quoi, qui est une facilité à laquelle il est très difficile d’atteindre. » Prenez nos auteurs célèbres, vous y trouverez la noblesse, l’énergie, l’éloquence, l’élégance, des portions de sublime ; mais ce je ne sais quoi de facile qui se communique à tous les sentiments, à toutes les pensées, et qui gagne jusqu’aux lecteurs, ce facile mêlé de persuasif, vous ne le trouverez guère que chez Fénelon et La Fontaine.

1585. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Tout cela est bon pour les lecteurs qui ne l’ont pas connu, ou pour ceux qui ne voient jamais de la scène que le devant.

1586. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Les L’Hôpital, les de Thou, les Pithou, voilà de grands noms assurément, et dont chacun en particulier pourrait servir d’exemple pour une démonstration ; mais en français, et eu égard aux lecteurs d’aujourd’hui, nul mieux qu’Étienne Pasquier ne les représente au vif dans ses écrits, ne les développe et ne les résume commodément et avec fidélité ; il offre une vie de xvie  siècle au complet, et il a exprimé cette vie dans des ouvrages encore graves et à demi familiers, dans des lettres écrites non pas en latin, mais dans le français du temps, et avec une attention visible de renseigner la postérité.

1587. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

D’Aguesseau, grand lecteur de Platon et nourri des antiques lectures, pense qu’il n’est pas besoin d’imputer à la philosophie païenne plus d’imperfections qu’elle n’en a eu en effet : « La véritable religion, dit-il, n’a pas besoin de supposer dans ses adversaires ou dans ses émules des-défauts qui n’y sont pas. » L’Évangile sera toujours assez hors de comparaison : laissons à la morale purement humaine la part légitime qui lui revient.

1588. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Ce n’est pas un modèle encore une fois que nous proposons, c’est une distraction que nous voulons prendre et offrir à nos lecteurs.

1589. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Le maréchal de Berwick, qui se tient au-dessus de toutes ces tracasseries odieuses, rend plus de justice à Orry, et tout porte le lecteur impartial à penser que Mme des Ursins était encore plus nette sur ce chapitre, et qu’elle se sentait, comme elle le dit, très dégagée dans sa taille : « Je suis gueuse, il est vrai, écrivait-elle à la maréchale de Noailles en entrant en Espagne, mais je suis encore plus fière. » Racontant plus tard à Mme de Maintenon les indignités de ce genre dont on les chargeait toutes deux, elle en parle avec un ton de haute ironie et de souverain mépris qui semble exclure toute feinte.

1590. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

On ne voit pas assez dans l’uniformité du récit de Carrel où est le nœud de l’action, et ce qu’il en veut dégager pour l’instruction, sinon pour l’agrément du lecteur.

1591. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Une de ses pensées encore, et qui est comme la conclusion qu’un lecteur du monde pouvait tirer de son livre, c’est que « l’homme, sans la dévotion, est un animal sévère, âpre et rude » ; et, sans la dévotion, « la femme est grandement fragile et sujette à déchoir ou ternir en la vertu ».

1592. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Au temps de la Vogue et de la Revue indépendante, pour le vrai lecteur (minorité que nous aimions nous figurer une élite), la littérature nouvelle commençait à Goncourt, égrégé du naturalisme, passait par Villiers de l’Isle-Adam, et nous englobait tous, nous autres du moins sur les confins, disait-on métaphoriquement.

1593. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Le lecteur se souviendra de ce qui a donné lieu à cette digression sur la capacité des anciens dans l’art de la peinture.

1594. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

«  Le lecteur ne trouvera ici, dit-elle, ni le parti pris chagrin de La Rochefoucauld, et moins encore la verve caustique de La Bruyère. » Est-ce bien sûr que la misanthropie de La Rochefoucauld fût un parti pris ; et l’optimisme des Jocrisses de la philanthropie moderne n’en serait-il pas beaucoup plus un chez Mme Stern, qui ne paraît pas avoir d’entrailles si aisément émues, qui n’a ni charité ni véhémence, mais qui fait l’effet de la poupée de l’abstraction montée sur un ressort d’acier, remplie du son du panthéisme allemand et pour la sévérité, peinte en Gœthe ?

1595. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Eh bien, quel que soit mon peu de penchant à me croiser pour les choses du théâtre, j’apprendrai cependant aux lecteurs ce que vaut le livre d’Édelestand du Méril, et, plus et mieux encore, ce que vaut l’auteur de ce livre !

1596. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Ainsi, on a du talent et plus que du talent ; on écrit un livre de la plus haute et de la plus rare éloquence ; on sème dans ce livre les aperçus et les axiomes ; à chaque mot, c’est, pour le lecteur, une décharge électrique d’idées neuves dans la tête et dans la poitrine ; — et tout cela est inutile !

1597. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

On s’imaginait tout connaître de cette intelligence profonde et grave, et dont l’éclat est d’autant plus vif et plus dardant que son bloc, comme celui du diamant, est plus massif et plus solide, quand, bien du temps après sa mort, on s’est avisé de publier sa Correspondance avec sa fille, qui étonna tout à la fois et qui ravit, et modifia, pour la plupart des lecteurs, qui n’ont pas vu le lion quand il aime, la physionomie de ce lion-ci, qui avait la grâce au même degré que la force, car il ne pouvait pas l’avoir davantage !

1598. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Pour avoir quelques lecteurs de plus !

1599. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Beaucoup de mes lecteurs ont vu des messes en plein air à l’armée ; tous, du moins, en ont lu de nombreuses descriptions.‌

1600. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Le lecteur voit que le pouvoir personnel n’est que la force prédominante d’une idée ; que bien loin d’être une chose distincte et une personne réelle, il n’est que la qualité périssable d’une idée périssable ; que si M. 

1601. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Pendant que sur le bocage, le bétel si sauvage et si beau agite sa cime dans l’air, le faisan magnifique, avec sa queue traînante et ses ailes étendues, s’élance d’un rapide essor, et aussi le volatile aux cent couleurs, dont les dames d’Ava prisent tant le plumage. » Peut-être, lecteur français, ces noms étrangers, cet amas de vives couleurs, vous semblent-ils monotones, comme les cieux qu’ils rappellent ; mais l’âme du poëte va reparaître dans quelques vers tout anglais de sentiment et de paysage : « Jamais si riches ombrages et pelouses, si verdoyantes n’ont tressailli aux pas de nos danses britanniques.

1602. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Depuis, il n’a cessé de tenir les lecteurs de la Revue des deux mondes au courant de ce qui s’est passé de saillant dans le pays dont il paraît avoir fait sa patrie intellectuelle. […] Mais, au lieu de cela, le merveilleux de la vie bourgeoise, un mélange piquant de réalité et de féerie, un sentiment frais et gracieux, une bonhomie exquise, une gaîté souvent bouffonne : voilà ce qui enivra tout d’abord les lecteurs français et stimula bientôt la fantaisie des écrivains ! […] Erckmann-Chatrian est un Allemand, ou du moins un Alsacien et l’on devine que c’est avec une gaîté toute juvénile qu’il s’étudie à effrayer ses lecteurs. […] Et, comme si elles venaient directement de la nature, les trois impressions pénètrent simultanément le cerveau du lecteur. […] Quant à ce dernier, (je regrette d’avoir à détruire l’illusion des lecteurs du Don Carlos de Schiller,) mais il est prouvé que Don Carlos n’était rien moins qu’un héros de drame ou de roman.

1603. (1898) Essai sur Goethe

Les figures de femmes qui se partagent, avec les protagonistes, l’intérêt du lecteur, il les a toutes connues de très près : toutes ont joué un rôle dans ce qu’il appelle son « développement » ; parfois il leur conserve jusqu’à leurs prénoms : il l’a fait pour Charlotte et, plus tard, pour Marguerite. […] La plupart de ses écrits ont un caractère tendancieux : ils ne soutiennent pas, à proprement parler, des thèses, mais ils exposent, ils développent une certaine conception de la vie à laquelle ils s’efforcent de convertir le lecteur. […] Pour le lecteur, il représente la moyenne humaine, en laquelle les plus nobles qualités s’aplatissent. […] Mais ici, l’exagération même de l’éloge, en choquant l’impression beaucoup plus modeste que tout lecteur de sens rassis retirera de la lecture de Werther, pourrait servir à montrer ce qu’il faut rabattre de l’enthousiasme qui l’a dicté. […] Un livre ne vit qu’autant qu’il suscite dans l’âme des lecteurs, à travers les âges, les passions que l’auteur a remuées ; qu’autant qu’il demeure une force active et réelle ; qu’autant qu’il contribue encore à façonner les générations nouvelles qui se nourrissent et croissent de son inépuisable sève.

1604. (1923) Nouvelles études et autres figures

Ce n’est qu’à la fin du recueil, et comme pour préparer le lecteur à ce qui attendra dans les autres, qu’avec Plein ciel et la Trompette du Jugement il lâche la bride à son démon prophétique. […] Nous avons un autre exemple dans notre littérature d’un écrivain de génie qui s’enivrait autant que lui de la musique des vocables et qui s’amusait à déployer devant ses lecteurs un immense éventaire d’érudition : c’est Rabelais. […] Aucun effort pour éblouir le lecteur : il ne lui fait jamais mal aux yeux. […] La terre natale, où il transplantera ses impressions, n’en dénaturera ni le parfum, ni la saveur ; mais elles y perdront cette pointe de bizarrerie qui déconcerterait le lecteur ou les lui rendrait insaisissables. […] Je ne vois pas du tout pourquoi l’on attribuerait cet élargissement d’humanité, dans sa version définitive, au désir assez plat de contenter les lecteurs d’une grande Revue et les acheteurs en librairie.

1605. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

J’ai à peine besoin d’avertir le lecteur que je n’ai pas même songé à écrire sous cette forme un chapitre de l’histoire du théâtre ou du roman : les lacunes y seraient trop considérables. […] À l’encontre de presque tous les auteurs dramatiques, c’est à l’approbation des lecteurs qu’il attache le plus de prix. […] Nul n’ignore l’attrait qu’ont ces descriptions pour certains lecteurs, et non les plus distingués. […] Il faut tenir compte des dispositions du lecteur, et c’est là même qu’est toute la question. […] Zola prodigue dans ses livres les détails obscènes, c’est de sa part un calcul pour amorcer le lecteur et pousser à la vente.

1606. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Mais s’il eut à un moment ces velléités d’enthousiasme, comme semble l’attester son admiration de jeune homme pour Campanella, elles furent courtes chez lui ; il retomba vite à l’état de lecteur contemplatif et critique, notant et tirant la moralité de chaque chose, repassant tout bas les paroles des sages, et, pour vérité favorite, se donnant surtout le divertissement et le mépris de chaque erreur. […] Je voudrais pouvoir donner idée du Mascurat à des lecteurs gens du monde, et j’en désespère.

1607. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Partout il met en scène non son objet, mais les grâces un peu lourdes de sa propre personne, cherchant à étonner le lecteur par des rapprochements inouïs de choses et d’idées, sans lien naturel ni rapport déchiffrable. […] Les lecteurs auxquels le texte de Hegel suffira pourront se dispenser de lire notre développement : Dans la tragédie, le principe éternel et substantiel des choses apparaît victorieux dans son harmonie intime, puisqu’en détruisant dans les individualités qui se combattent, leur côté faux et exclusif, elle représente dans leur accord profond, les idées vraies que poursuivaient les personnages.

1608. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Notez encore sa musique profane, 128 chanteurs, danseurs, instrumentistes, maîtres et surintendants ; son cabinet de livres, 43 conservateurs, lecteurs, interprètes, graveurs, médaillistes, géographes, relieurs, imprimeurs ; le personnel qui orne ses cérémonies, 62 hérauts, porte-épées, introducteurs et musiciens ; le personnel qui pourvoit à ses logements, 68 maréchaux des logis, guides et fourriers. […] Le grand chambellan et le premier gentilhomme lui présentent sa robe de chambre ; il l’endosse et vient s’asseoir sur le fauteuil où il doit s’habiller  À cet instant, la porte se rouvre ; un troisième flot pénètre, c’est « l’entrée des brevets » ; les seigneurs qui la composent ont en outre le privilège précieux d’assister au petit coucher, et du même coup arrive une escouade de gens de service, médecins et chirurgiens ordinaires, intendants des menus-plaisirs, lecteurs et autres, parmi ceux-ci le porte-chaise d’affaires : la publicité de la vie royale est telle, que nulle de ses fonctions ne s’accomplit sans témoins  Au moment où les officiers de la garde-robe s’approchent du roi pour l’habiller, le premier gentilhomme, averti par l’huissier, vient dire au roi les noms des grands qui attendent à la porte : c’est la quatrième entrée, dite « de la chambre », plus grosse que les précédentes ; car, sans parler des porte-manteaux, porte-arquebuse, tapissiers et autres valets, elle comprend la plupart des grands officiers, le grand aumônier, les aumôniers de quartier, le maître de chapelle, le maître de l’oratoire, le capitaine et le major des gardes du corps, le colonel général et le major des gardes françaises, le colonel du régiment du roi, le capitaine des Cent-Suisses, le grand veneur, le grand louvetier, le grand prévôt, le grand maître et le maître des cérémonies, le premier maître d’hôtel, le grand panetier, les ambassadeurs étrangers, les ministres et secrétaires d’État, les maréchaux de France, la plupart des seigneurs de marque et des prélats.

1609. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

VI Cette étude, souverainement intéressante et souverainement morale, serait une admirable histoire de l’Europe par sa diplomatie, si je pouvais, sans fatiguer l’attention du lecteur, la faire remonter jusqu’aux premières transactions diplomatiques connues entre les grands cabinets et les grands ministres de l’Europe ; ce serait un livre, vous ne me permettez qu’un entretien. […] En relisant ce chef-d’œuvre d’exposition historique dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs, nous ne nous reprochons qu’une chose, c’est de ne l’avoir pas assez admiré.

1610. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Public composé, non point de cent mille lecteurs quotidiens, mais de cinquante ou de cent personnes riches, nobles, distinguées, cultivées, oisives. […] On pourrait dire que la netteté, le poli, l’aisance imperturbable et le « fini » classique de son œuvre, qui font que tout le monde peut s’y plaire, n’en laissent sentir toute l’originalité qu’aux lecteurs très attentifs.

1611. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Un écrivain a le droit de compter sur la patience de son lecteur, d’interroger sa mémoire, de lui demander, en quelque sorte, une part de collaboration. — surtout le devoir d’ordonner son œuvre avec rigueur, de poursuivre aussi loin, aussi profondément qu’il pourra, ses pensées dans leurs origines et leurs conséquences. […] Il serait donc injuste, Lecteur, de juger sévèrement ces discours comme vous pourriez faire d’un traité.

1612. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Pour percevoir entre ces deux points, non plus une étendue concrète, mais une étendue vide, simplement possible, un espace, il faut qu’il se produise en nous, à l’état naissant, l’idée des diverses sensations musculaires, tactiles, visuelles, qui ont été précédemment données par l’expérience entre A et B. « Si le lecteur considère sa main ou quelque objet également proche, et qu’il se demande quelle espèce de connaissance il a de l’espace compris entre ses yeux et l’objet, il verra que cette connaissance est pour ainsi dire complété. […] Nous renverrons aux Premiers principes le lecteur curieux de plus de détails sur ces dissentiments.

1613. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Renan déclare n’avoir pas plus lu que les autres, mais j’affirme sur l’honneur, — et les gens qui me connaissent, pourraient attester qu’ils ne m’ont jamais entendu mentir, — j’affirme que les conversations données par moi dans les quatre volumes, sont, pour ainsi dire, des sténographies, reproduisant non seulement les idées des causeurs, mais le plus souvent leurs expressions, et j’ai la foi, que tout lecteur désintéressé et clairvoyant, en me lisant, reconnaîtra que mon désir, mon ambition a été de faire vrais, les hommes que je portraiturais, et que pour rien au monde, je n’aurais voulu leur prêter des paroles qu’ils n’auraient pas dites. […] Et il me semble qu’un jour, en ce cimetière aux portes de la ville, où notre ami repose, quelque lecteur, encore sous l’hallucination attendrie et pieuse de sa lecture, cherchera distraitement aux alentours de la tombe de l’illustre écrivain, la pierre de Madame Bovary.

1614. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Mais il se trouve assez de vrai-semblance dans mes idées pour en discourir avec le lecteur. […] Le lecteur voit déja quels faits je vais emploïer pour montrer que le progrès des beaux arts vers la perfection, devient subit tout-à-coup, et que ces arts franchissant en peu de temps un long espace, sautent de leur levant à leur midi.

1615. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

C’est à une question d’amusement, c’est à un résultat de temps tué plus ou moins agréablement pour ses lecteurs, qu’aboutit toute la force — très réelle — employée à produire cette immense quantité de romans qui se succèdent depuis vingt ans14 sous forme de feuilleton dans les journaux. […] D’ailleurs, même pour ces lecteurs-là, cette Histoire des Jésuites était une œuvre rude à aborder.

1616. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Elles suffiraient, telles qu’elles sont, à édifier le lecteur sur les véritables sentiments de l’« aigle de Meaux » à l’égard des « religionnaires ». […] III L’étonnement qu’aura fait naître, chez quelques lecteurs, cette appréciation nouvelle du rôle d’un homme aussi communément vanté que Bossuet, ne me surprend qu’à demi. « Eh quoi, s’écriera-t-on peut-être, nierez-vous, après tout, sa légitime gloire ?

1617. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

  Tel est l’exposé bien incomplet sans doute de ce vaste système ; nous l’abandonnons aux méditations de nos lecteurs. […] « Lecteur impartial, dit-il en terminant, il est bon que tu saches que j’ai dicté cet opuscule au milieu des douleurs d’une maladie mortelle, et lorsque je courais les chances d’un remède cruel qui, chez les vieillards, détermine souvent l’apoplexie.

1618. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Pour tout lecteur impartial, il est aujourd’hui évident que Roederer, au 20 Juin et au 10 Août, se conduisit en magistrat probe, exact, peu royaliste sans doute d’affection, mais honnête, strict et consciencieux ; que, dénué de pouvoir et chargé de responsabilité, il usa des faibles moyens légaux qu’il avait entre ses mains, et que, les trouvant souverainement inefficaces, il prit le seul parti qui pouvait éviter dans cette dernière journée un malheur immédiat : il conduisit, en les assistant et les protégeant de sa personne, le roi et sa famille, du château déjà envahi, au sein de l’Assemblée désormais responsable.

1619. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Il invoque plus d’une fois Montesquieu ; il dit qu’à une certaine époque de sa vie il relisait Les Provinciales tous les ans : mais il n’a pas le javelot comme Montesquieu et comme Pascal ; il ne donne jamais à l’esprit de son lecteur une impulsion inattendue qui le réveille, qui le transporte et l’incite à la découverte.

1620. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

[NdA] Un de mes instruits et obligeants lecteurs me fait remarquer que la princesse n’était pas luthérienne comme je l’avais dit d’abord, mais réformée, c’est-à-dire plutôt calviniste : La conversion de la maison palatine au calvinisme ou à ce qui en approche est, dans l’histoire d’Allemagne, un événement important et qui eut de graves conséquences.

1621. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

., ce sont des inexactitudes qu’à la rigueur un lecteur instruit peut rectifier : voici qui est plus grave.

1622. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Il est seulement à regretter qu’il ait trop négligé son style : il est trop négligé et très incorrect ; mais sa manière rigoureuse d’argumenter récompense le lecteur des désagréments de sa diction.

1623. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Sur le chapitre des mathématiques, et sur cette géométrie de complaisance dont le goût prit subitement à Voltaire, le nouveau recueil nous fournit quelques lettres qui sont de celles que le commun des lecteurs se contente de parcourir et d’effleurer du regard : un habile homme m’avertit d’y prendre garde, et il me fait lire, en me le commentant, ce passage : Puisque me voilà en train, dit Voltaire en écrivant à un M. 

1624. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Si Vauvenargues dit qu’il lit peu, c’est bien souvent aussi que ses yeux malades lui refusent le service, et qu’il ne trouvait point en tout lieu de lecteur à sa disposition pour le soulager.

1625. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Je ne suis pas un ambitieux comme un autre (car il se figure ne pas l’être) ; — tout cela fait de lui, à cette période de sa vie, un personnage à demi comique pour le lecteur.

1626. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Mais auparavant j’ai à donner, à ceux de nos lecteurs qui ne la connaîtraient pas, une première idée de la personne distinguée dont il s’agit et dont le nom a quelque effort à faire, ce semble, pour courir aisément sur des lèvres françaises, — pour se loger dans les mémoires françaises.

1627. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Cousin, il lui accorde toutes les prétentions et presque toutes les conclusions de ses brillants ouvrages, et, après avoir proclamé le chef-d’œuvre, il n’apporte dans le compte rendu aucun de ces correctifs de détail qui seraient nécessaires à chaque instant pour remettre le lecteur dans le vrai ; car selon la parole d’un des hommes qui connaissent le mieux l’illustre auteur, « c’est un des esprits qui ont le plus besoin de garde-fou ; et quand ce n’est pas dans le fond, c’est dans la forme, il excède toujours. » Mais M. de Pontmartin, une fois qu’il a pris parti pour quelqu’un, n’est pas homme à mettre des garde-fous d’aucun côté ; il les ôterait plutôt ; il lui suffit qu’un courant général de spiritualisme élevé le rapproche de M. 

1628. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

La comtesse de Boufflers, si connue de tous les lecteurs familiers de Rousseau, a perdu depuis que celui-ci est moins en faveur ; elle est allée insensiblement où sont allées toutes ces admiratrices et ces patronnesses de Jean-Jacques, où sont allées toutes ces dames du temps jadis, chantées et plaintes par Villon ; son nom ne réveille, chez la plupart, qu’un vague écho, et ceux même qui sont le plus au fait, par un reste de tradition, de ces choses du xviiie  siècle, quand on leur parle de la comtesse de Boufflers, sont sujets à la confondre avec d’autres du même nom : on a quelque peine à les remettre exactement sur la voie.

1629. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Je ne crois pas avoir à m’excuser auprès de mes lecteurs pour leur avoir donné ici tant de pages qui ne sont pas de moi et qui sont de meilleurs que moi ; comme la plupart étaient inédites ou peu connues, j’imagine qu’on aura pris, à les lire, quelque chose du plaisir que j’ai eu moi-même à les rassembler.

1630. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Vous êtes peut-être du même avis, mon cher lecteur, mais prenez bien garde !

1631. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Pourquoi, quand la lumière a percé, redonner champ libre au chaos, et livrer le lecteur sans réplique à ce monologue incohérent qui couronne la mystification du cercueil, à ce conflit de beautés aveuglantes et de pensées qui se heurtent, Telles par l’ouragan les neiges flagellées ?

1632. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

De même, pour les belles lectrices, il y a je ne sais quelle attraction, mais ici moins naïve et plus perfide, sous ces combinaisons qu’elles pressent avec anxiété sans les bien démêler. — Reprenant donc ma pensée première, j’oserai affirmer, sans crainte d’être démenti, que Byron et De Sade (je demande pardon du rapprochement) ont peut-être été les deux plus grands inspirateurs de nos modernes, l’un affiché et visible, l’autre clandestin, — pas trop clandestin.

1633. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Pour ne pas nous perdre ici en des apologies de détail dont le lecteur n’a que faire, nous poserons tout d’abord un principe, et ce principe est celui-ci : Il faut avoir l’esprit de son âge, dit-on : cela est vrai en avançant ; mais surtout et d’abord il faut en avoir la vertu : des mœurs et de la pudeur dans l’enfance, de la chevalerie, de la chaleur de conviction et de la générosité de pensée dans la jeunesse.

1634. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Aussi je ne serais pas étonné que, malgré l’intérêt réel et de fond qui s’attache à la Correspondance qu’on publie, certains lecteurs la jugeassent fastidieuse, monotone.

1635. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Jamais Chateaubriand n’a délayé plus de larmes dans plus de couleurs : AUX INFORTUNÉS « Ce chapitre n’est pas écrit pour tous les lecteurs : plusieurs peuvent le passer sans interrompre le fil de cet ouvrage.

1636. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Il fit nommer l’abbé Fleury sous-précepteur, et l’abbé de Langeron lecteur du jeune prince.

1637. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Il s’attacha à Henri III, qui le nomma son lecteur et conseiller au Parlement (de Grenoble ; après la mort de Henri III, il se rallia à Henri IV, qui le fit premier aumônier de la reine en 1600, et évêque de Séez en 1607.

1638. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Par les généralisations aussi, Montesquieu donnait du piquant à son ouvrage : il se ménageait la liberté des allusions, la possibilité de faire entrer dans ses types autant d’accidents caractéristiques qu’il fallait pour faire deviner l’individu qui en avait fourni le modèle ; il échappait aux sévérités du pouvoir, et donnait au lecteur le plaisir d’entendre à demi-mot.

1639. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

I J’ai besoin de rappeler ici que la perfection littéraire d’une oeuvre n’est pas, même pour un lecteur très lettré, l’unique mesure du plaisir qu’il y prend.

1640. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

En 1848, il n’avait pas cru qu’une république se fondât en plantant des arbres, et, le ministre Carnot ayant voulu le nommer « lecteur du peuple », il avait refusé cette fonction vague et idyllique.

1641. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Mme Du Deffand n’eut de cesse qu’elle n’eût tiré cette jeune personne de sa province, et qu’elle ne l’eût logée avec elle au couvent de Saint-Joseph pour lui tenir compagnie, lui servir de lectrice et lui être d’une ressource continuelle.

1642. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Or, pour arriver à cet heureux résultat, il a suffi d’élaguer tout ce qui ne tenait pas nécessairement aux mémoires, de substituer aux deux cents premières pages, dénuées d’intérêt dans le manuscrit, une courte introduction qui mit le lecteur au fait des événements antérieurs au mariage de Mlle d’Esclavelle avec M. d’Épinay ; de supprimer entièrement un dénouement tout à fait romanesque, en le remplaçant par une simple note ; enfin d’ajouter çà et là, dans le courant du texte, quelques phrases servant à rapprocher les passages entre lesquels il avait été fait des coupures indispensables : en sorte que, nous pouvons l’affirmer, c’est bien le manuscrit copié sous les yeux de Mme d’Épinay, et apostillé de sa main, qui a été mis entre celles des imprimeurs, et qu’ils ont suivi exactement dans tout ce qui a été conservé.

1643. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Ce qui soutient et presque ce qui touche le lecteur, dans cette lutte où tant d’art est dépensé et où l’éternel conseil revient toujours le même au fond sous tant de métamorphoses, c’est l’affection vraie, paternelle, qui anime et qui inspire le délicat et l’excellent maître, patient cette fois autant que vif, prodigieux de ressources et d’adresse, jamais découragé, inépuisable à semer sur ce sol ingrat les élégances et les grâces.

1644. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Michaud et Poujoulat, avaient pu mettre en goût les lecteurs ; mais autre chose est un extrait où l’on ne prend que les beautés et la fleur d’un sujet, autre chose une reproduction exacte et complète des textes latins dans toute leur teneur, et des instruments mêmes (comme cela s’appelle) d’une volumineuse procédure.

1645. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

En recherchant moins l’agrément, mais en ne s’attachant pas moins à l’extrême clarté, les Buffon, les Cuvier, les Humboldt eux-mêmes en français, n’ont pas craint de composer quelques portions de leurs écrits en vue des ignorants, et de les publier à l’usage de toutes les classes de lecteurs.

1646. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Ce mot du proverbe, caché dans l’action, semblait d’abord assez important pour qu’on ne le dît pas, et Carmontelle a soin de donner à chacun de ses proverbes un autre titre, en en rejetant le mot tout à la fin du volume, pour que le lecteur puisse le deviner lui-même, s’il est habile.

1647. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Ne tenir plus à la vie que par le corps et sentir que ce corps diminue et dépérit chaque jour, c’est là l’idée générale qui règne dans cette correspondance des deux spirituels vieillards, et qui finit par affecter assez péniblement le lecteur.

1648. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

C’est pour cette classe nombreuse de lecteurs que je voudrais aujourd’hui expliquer, avec plus d’ensemble que je ne l’ai pu faire autrefois, ce qu’est véritablement Jasmin, le célèbre poète d’Agen, le poète de ce temps-ci qui a le mieux tenu toutes ses promesses.

1649. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Flourens, qui a rendu un nouveau service à toutes les classes de lecteurs par cet excellent écrit.

1650. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Pour nous, qui sommes incompétent sur le fond de ces doctes matières, nous nous bornerons ici à ce qui est de notre portée et de notre coup d’œil, et aussi à ce que nous demandent nos lecteurs, je veux dire à tâcher de saisir et de marquer la forme de l’esprit de M. 

1651. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Mais quand Jean-Baptiste Rousseau s’échauffe dans son ode au comte Du Luc, ou sur une naissance ou sur une mort de prince du sang, il a beau produire quelques tons brillants et harmonieux, le vide des idées et des sentiments se fait aussitôt sentir ; le factice du genre apparaît ; cet auteur qui, de propos délibéré, entre en délire, trouve des lecteurs froids, et il les laisse froids.

1652. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Mais je m’aperçois que j’ai choisi le sujet de Mme de Motteville pour me distraire un moment, moi et, s’il se peut, mes lecteurs, du spectacle pénible de nos dissensions présentes, et je ne veux pas y retomber par les allusions qu’elle me fournirait trop aisément.

1653. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Dreyss fort exact, fort rapproché des manuscrits originaux dont il ne laisse passer ni une phrase inachevée ni une faute d’orthographe sans la reproduire, fort prisé et fort loué, je le sais, de plusieurs personnes compétentes, m’a paru, je l’avoue, à moi qui suis apparemment plus frivole, et au point de vue du goût, susceptible de beaucoup d’objections, dont la plus grave est qu’à force de faire subir au lecteur toutes les fatigues et les peines qu’il s’était données dans son examen et qu’il est venu étaler trop complaisamment, l’éditeur a rendu la lecture de ces Mémoires, d’agréable qu’elle était dans l’ancienne et la mauvaise édition, très difficile et très pénible, — j’allais dire impossible —, dans la sienne qui va passer désormais pour la seule authentique et la seule bonne.

1654. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Appelé un peu inopinément à l’honneur de venir ici entretenir nos lecteurs d’un homme de guerre aussi éminent, je dirai par quelle succession d’impressions j’ai passé moi-même à son égard.

1655. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Il y parvint sans doute à la date de 1721 : la partie libertine et, pour ainsi dire, libidineuse des Lettres persanes, ces détails continuels d’eunuques, de passions, de pratiques et presque d’ustensiles de sérail, sur lesquels on arrêtait avec complaisance l’imagination des lecteurs, purent prendre une société qui allait s’engouer pour les romans de Crébillon fils.

1656. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Voltaire continua de triompher en apparence, et de jeter au moins du trouble dans l’esprit des lecteurs les moins ordinaires.

1657. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Je tâcherai de la bien saisir et de la rendre sensible aux lecteurs sur quelques points décisifs.

1658. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Le roi vieilli, et lui-même bien près de sa tombe, lui répond par cette lettre qui, dans sa sobriété, devra paraître bonne et digne encore, mais qui éveille une impression de contraste dans l’esprit du lecteur pour qui les quarante-cinq années d’intervalle n’existent pas, et qui les franchit en un coup d’œil d’une page à l’autre : À mon conseiller de guerre et maître des postes de Suhm, à Dessau.

1659. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

En 1707, un nommé Nahum Tate publia un Roi Lear, en avertissant les lecteurs « qu’il en avait puisé l’idée dans une pièce d’on ne sait quel auteur, qu’il avait lue par hasard. » Cet on ne sait qui était Shakespeare.

1660. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Je ne veux faire ici que quelques remarques, afin de rappeler à l’esprit du lecteur certains points principaux.

1661. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Proudhon est un brutal et même un bestial quand il n’est pas un ironique qui se moque de lui-même et de son lecteur, et qui a raison pour tous les deux !

1662. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

A plus forte raison est-ce une joie vive pour le lecteur lorsqu’avec le style le plus naturel l’écrivain exprime les pensées les plus justes et les sentiments les plus vrais. […] Claveret était ce singulier poète qui, dans sa tragédie intitulée le Ravissement (l’Enlèvement) de Proserpine, où la scène est tour à tour au Ciel, en Sicile, et aux Enfers, se piquait d’avoir respecté l’unité de lieu, « le lecteur, disait-il, pouvant la concevoir comme une ligne perpendiculaire du Ciel aux Enfers ; bien entendu que cette verticale doit passer la Sicile !  […] Un lecteur agacé écrivit au-dessous : Et poète et gascon, Il aura du bâton. […] ni des autres chaleurs poétiques et militaires, qui font rire le lecteur presque dans tous vos livres ? […] Scudéry, en tête de sa pièce de Lygdamon au lieu de mettre Avis au lecteur, avait mis : A qui lit.

1663. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Pour que la représentation par le poète d’une sensation visuelle, indifférente en elle-même, produise tout son effet sur l’esprit du lecteur, il faut alors que celle-ci soit environnée de sensations moins passives, et mêlée à des sentiments moraux. […] Le vrai coloris ne vient pas des images qui se trouvent déjà toutes faites dans la langue et qui, fanées par l’usage, sont plutôt une gêne qu’un secours ; il vient des images nouvelles et expressives que le poète, avec les mots les plus simples, sait évoquer devant l’esprit de son lecteur. […] Les vérités scientifiques, pour devenir poétiques, ont donc besoin d’une condition essentielle : il faut qu’elles soient devenues assez familières au poète lui-même et à ses lecteurs pour pouvoir prendre la forme du sentiment et de l’intuition. […] Shairp, est obligé d’instruire préalablement ses lecteurs des faits qu’il veut traduire dans le langage de l’imagination, il se trouve force par là même de devenir froid et sans poésie. […] L’appréciation du public en aurait davantage ; mais, en général, tout lecteur qui n’est point un rimeur lui-même n’attachera pas une importance exagérée à la richesse de la rime : c’est là une affaire de métier plutôt que d’oreille.

1664. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Il suffira au lecteur de feuilleter cet ouvrage sans notes et sans références pour conclure que je n’ai pas employé cette méthode. […] En parlant du travail théâtral, des décors, des jeux et des combinaisons scéniques, j’ai d’ailleurs évité de me servir d’expressions techniques peu familières aux lecteurs. […] Nous n’en sommes que très rarement les spectateurs, et c’est uniquement comme lecteurs que nous apprenons à les connaître et que nous les jugeons. […] Je prendrai cet exemple dans le second acte de l’Ami Fritz :, et je rappellerai aux lecteurs, qui tous connaissent la pièce, la fontaine où Sûzel vient puiser de l’eau, eau véritable que le public voit couler. […] Je le ferai très brièvement, attendu que le lecteur, arrivé au dernier chapitre de cet ouvrage, a son jugement formé sur les points principaux qu’il nous faut examiner.

1665. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Dans la prose, « les Anglais, comme le disait un jour Gœthe à Eckermann, écrivent en gens pratiques et tournés vers la réalité ; les Français ne démentent pas dans leurs écrits le caractère essentiel de leur race : ils sont sociables par nature, et, comme tels, ils n’oublient jamais le public auquel ils s’adressent ; ils s’efforcent d’être clairs, afin de convaincre le lecteur, et ornés, afin de lui plaire. » Gœthe semble sous-entendre que, comme l’habitude des Anglais n’est pas de se mettre en frais d’amabilité pour autrui, et comme la nature de leur esprit n’est pas aussi légère que vigoureuse, ils ne cherchent pas autant que les Français le plaisir du lecteur, ou bien ils se proposent tout au plus le plaisir du lecteur anglais. […] Celles-ci sont pour le lecteur une récréation et un charme ; l’autre est d’abord une fatigue, et reste longtemps un travail, jusqu’à ce qu’on y soit habitué. […] Tout le monde connaît ces peintures d’une éternelle vérité ; je prie seulement le lecteur d’en rappeler les principaux traits dans sa mémoire. […] S’il était possible que le lecteur ne s’aperçût point qu’il y a des mots entre vos idées et lui, et ne vît que les idées, votre style serait parfait. […] Vous tuerez et vos éditeurs et vos lecteurs avec vos coliques et vos évanouissements, et vous ferez, après notre mort, le panégyrique ou la satire de tous ceux avec lesquels vous vivez.

1666. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Il ne citait en note que lui-même, renvoyant sans façon le lecteur, d’un livre de M.  […] Avec cela on n’a pas besoin d’avoir toutes sortes de lecteurs, mais seulement des lecteurs qui vous sentent et vous goûtent : les autres n’ont que faire de vous.

1667. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

. —  Ajoutez que ces divinations et ces affirmations véhémentes sont fort souvent dépourvues de preuves ; Carlyle laisse au lecteur le soin de les chercher ; souvent le lecteur ne les cherche pas, et refuse de croire le devin sur parole. —  Considérez encore que l’affectation entre infailliblement dans ce style. […] Je le laisserai parler lui-même ; il va dire au lecteur ce qu’il a vu.

1668. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Il faut que le lecteur soit bien judicieux pour redresser ce que de tels renseignements impriment dans l’esprit d’excessif et de disproportionné à l’effet que le narrateur même voulait produire.

1669. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Je ne veux pas abuser avec Saint-Martin des pensées détachées, sachant qu’il a dit, de celles mêmes qu’il écrivait : « Les pensées détachées ne conviennent qu’aux esprits très faibles ou qu’aux esprits très forts ; mais, pour ceux qui sont entre ces extrêmes, il leur faut des ouvrages suivis qui les nourrissent, les échauffent et les éclairent tout à la fois. » Saint-Martin n’ayant écrit aucun ouvrage qu’un lecteur ordinaire puisse lire de suite, il faut bien en venir aux pensées et aux extraits avec lui pour en donner quelque idée au monde.

1670. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Ce qu’il appelle l’âme même n’y suffit pas : il faut un effort philosophique qui laisse souvent le lecteur à moitié du chemin.

1671. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Son premier étonnement passé, il redevint aisément, le lendemain de sa sortie du ministère, ce qu’il était la veille, un homme studieux, un grand lecteur, l’étant avec délices, faisant de son cabinet son royaume et son monde, et plein de pensées et d’observations sur les livres et sur les choses· En lisant ce qu’il a ainsi écrit pour lui seul et dont on a le recueil depuis 1742 jusqu’en 1756, au milieu des mille variétés de chaque jour, je suis frappé d’une remarque fréquente et suivie, d’une plainte qui revient sans cesse sous sa plume jusqu’en 1750 : elle tient de près à ce que nous l’avons déjà vu dire à propos de son frère sur le genre frivole et léger, sur l’esprit de moquerie et de malice qui détruit tout, et sur l’absence de cœur et d’amour du bien.

1672. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Qui ne sent que de tels lecteurs devraient seuls faire autorité dans la littérature ?

1673. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Je n’ai point à conclure ni à porter de jugement ; je n’ai voulu qu’offrir à nos lecteurs un choix dans ces pages qu’il a été donné à peu de personnes de parcourir.

1674. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Il ne faut pas demander au récit du général Pelleport, son ami et son collègue comme colonel pendant la retraite de Russie, et qui, comme lui, eut l’honneur d’être à l’extrême arrière-garde de l’arrière-garde, il ne faut pas lui demander, dirai-je tout d’abord, les mêmes qualités de correction, d’élégance, et d’un pathétique par moments presque virgilien ; mais la vérité, la candeur, un ton de sûreté et de probité dans les moindres circonstances, le scrupule, la crainte de trop dire jointe à une bravoure si entière et si intrépide, un bon sens pratique et des jugements à peine exprimés qui comptent d’autant plus qu’ils ne portent jamais que sur ce que le narrateur a su par lui-même, tout cela compense bien pour le lecteur ce qui est inachevé littérairement, et nous dessine dans l’esprit une figure de plus d’un bien digne et bien estimable guerrier.

1675. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Leur Histoire de Marie-Antoinette les a désignés à l’attention des lecteurs sérieux, qui aiment pourtant du nouveau dans des sujets connus.

1676. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Les lecteurs familiers avec ces questions auront reconnu M. 

1677. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Comment assez m’excuser, mes chers lecteurs !

1678. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Les Lettres de Balzac, en 1624, avaient produit une vive et agréable impression sur tout un cercle de lecteurs par la constante pureté de l’élocution, par un certain éclat de netteté, de grâce et de politesse, qui faisait dire à première vue : Que de fraîcheur !

1679. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

J’aime les extraits et, en les rassemblant, je tâche de faire en sorte que le lecteur tire librement sa conclusion et qu’il la dégage des textes mêmes qui lui sont offerts et soumis.

1680. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

J’ai pris un grand plaisir à l’entendre lire, il y a quelques mois, dans un temps où je n’étais guère capable d’une application continue ; cette notice m’a touché à la fois par la singularité de la destinée individuelle qu’elle retrace, et par les réflexions morales et humaines qu’elle suggère : je me suis promis d’en faire part à mes lecteurs, à mon premier loisir, et de les associer, s’il se peut, aux sentiments que j’avais éprouvés moi-même au récit de cette simple et véridique histoire.

1681. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Les secondes Méditations ne finissent pas, ne s’accomplissent pas comme les premières ; elles ouvrent un chant nouveau, indéfini, plus serein, plus paisible et lumineux ; elles laissent entrevoir la consolation, l’apaisement dans l’âme du poëte ; mais elles n’apaisent pas le lecteur.

1682. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

On aurait pu compter ce soir-là tout le bataillon sacré, tout le chœur choisi : de peur de froisser personne en mentionnant, en qualifiant ou en omettant, j’aime mieux renvoyer pour les noms le lecteur curieux aux collections de la Muse.

1683. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Combien donc j’aime mieux me reporter et convier le lecteur vers tant d’admirables et incontestables chapitres de M.

1684. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Comme goût, même dans ce genre spécial, j’aimerais parfois un peu moins de luxe d’érudition en certaines parenthèses, qui font trop souvenir l’irrévérencieux lecteur de ce joli mot de Bonaventure Des Periers : « Que, comme les ans ne sont que pour payer les rentes, aussi les noms ne sont que pour faire débattre les hommes. » Enfin on se passerait très-bien çà et là de quelques petits mouvements comme oratoires, qui sortent de l’excellent ton critique, et qui semblent dire avec Scipion : Montons au Capitole !

1685. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

nous dit le lecteur, que dites-vous de ces chefs-d’œuvre ?

1686. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Les presses de la Hollande, de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Angleterre, ne pouvaient suffire à multiplier les exemplaires du Télémaque au gré de l’avidité des lecteurs.

1687. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Ce n’est pas la causerie facile d’Horace, si finement liée par l’unité de la pensée qui suit sa pente naturelle : ce n’est pas la déclamation fougueuse de Juvénal, entassant avec rage faits sur faits, invectives sur invectives, pour enfoncer dans l’esprit du lecteur le sentiment qui réchauffe.

1688. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Parla, il a convaincu tout le monde, et légitimé l’expédition : les croisés qui aimaient mieux aller à la croisade contre les Infidèles, ont tint par suivre ; les lecteurs, avant ces méticuleux critiques de nos jours, n’ont pas raisonné.

1689. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

C’est le naïf Candide et la tendre Cunégonde, flanqués du docteur Pangloss et du philosophe Martin, qui viennent jeter à bas l’optimisme et la Providence : une série de petits faits, secs, nets, coupants, choisis et présentés avec une terrible sûreté de coup d’œil, anéantissent insensiblement dans l’esprit du lecteur la croyance qui console du mal.

1690. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Il veut que le roman soit objectif, impersonnel, « impassible » ; et, malgré les violences ou les gaucheries des formules dont il use dans sa Correspondance, il a raison lorsqu’il veut que l’émotion, la pitié sortent, s’il y a lieu, des choses mêmes, et non pas d’une pression directe de l’auteur sur le lecteur, lorsqu’il défend au romancier de forcer pour ainsi dire la carte de la sympathie ou de l’attendrissement par une intervention indiscrète.

1691. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Par suite, l’esprit romanesque, considéré non plus chez l’écrivain, mais chez les lecteurs et chez le commun des hommes, est une tendance à accepter comme vraies ces imaginations d’un monde meilleur et plus beau.

1692. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Lorsque M. le duc d’Aumale lut à l’Académie le récit de la bataille de Rocroy, l’auditoire fut traversé d’un frisson qu’il n’aurait probablement point senti si le lecteur n’avait pas été un descendant de Henri IV.

1693. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Marguerite ne veut ni se tromper, ni tromper son lecteur ; ses impressions ne sont jamais plus fortes que sa raison.

1694. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

C’est pourquoi le philologue fut jusqu’à présent l’éducateur par excellence : son activité elle-même donne l’exemple d’une monotonie s’élevant jusqu’au grandiose ; sous son égide, le jeune homme apprend à bûcher : première condition pour remplir plus tard, avec excellence, le devoir machinal (comme fonctionnaire de l’État, bon époux, rond de cuir, lecteur de journaux, soldat, etc.)

1695. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Il se fie à l’intelligence de ses lecteurs pour reconstituer la pensée de l’auteur.

1696. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Quand on les ouvre, après cet avis au lecteur, on est tout étonné d’y trouver des scènes égrillardes, des peintures fort peu édifiantes.

1697. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Le lecteur aimerait à trouver ici de nouvelles notions sur la figure et la taille de cette femme de quarante-cinq ans, dont la résistance affligeait le roi le plus galant du monde, et plus jeune qu’elle de trois ans.

1698. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Bien des lecteurs ne connaissent aujourd’hui le docte Huet que par les vers badins de Voltaire même : Vous demandez, madame Amanche, Pourquoi nos dévots paysans, Les Cordeliers à la grand’manche, Et nos curés catéchisants, Aiment à boire le dimanche ?

1699. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

On voit trop l’esprit sérieux qui s’est appliqué tout entier à la chose même, et qui n’écrit qu’en présence de son sujet, sans s’inquiéter assez de l’effet sur ses lecteurs.

1700. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Il croit devoir s’en justifier dans un des premiers numéros de son journal (les Révolutions de France et de Brabant) : Je vous demande pardon de mes citations, mon cher lecteur.

1701. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Le talent de Choisy consistait à introduire en tout sujet une facilité familière et une rapidité qui gagnait et entraînait le lecteur.

1702. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Ce petit écrit, qui parut pour la première fois en 1680, du vivant même de Mme de La Vallière, a été souvent réimprimé depuis : mais nous avertissons les lecteurs qui croient le connaître d’après l’édition donnée par Mme de Genlis, et en général d’après les dernières éditions, que le style en a été continuellement altéré, affaibli, et qu’ils n’ont pas entre les mains la pure et vraie confession de Mme de La Vallière.

1703. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Elle connut par lui Huet (le futur évêque), lequel, jeune alors, lui servait quelquefois de lecteur pendant sa toilette.

1704. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Je demande pardon aux lecteurs pour les qui, que, quand, en faveur de l’idée, qui est juste.

1705. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Une des meilleures épigrammes du poète Le Brun est contre l’abbé Maury ; elle a cela de piquant, qu’elle a, d’un bout à l’autre, un faux air d’éloge ou d’apologie, et que c’est le lecteur seul qui, en contredisant à chaque vers, est comme forcé de faire lui-même l’épigramme ; le satirique, dans ce cas, a besoin de compter sur la complicité de tout le monde : L’abbé Maury n’a point l’air impudent ; L’abbé Maury n’a point le ton pédant ; L’abbé Maury n’est point homme d’intrigue ; L’abbé Maury n’aime l’or ni la brigue ; L’abbé Maury n’est point un envieux ; L’abbé Maury n’est point un ennuyeux ; L’abbé Maury n’est cauteleux ni traître ; L’abbé Maury n’est point un mauvais prêtre ; L’abbé Maury du mal n’a jamais ri : Dieu soit en aide au bon abbé Maury !

1706. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

La seule chose que je veuille conclure de ces détails qui assaisonnent en toute occasion la partie aimable des Mémoires de Marmontel, c’est qu’il était de sa nature un peu sensuel et qu’il le laisse voir, ce qui ne nuit pas à l’intérêt et ce qui fait que le lecteur se dit en le suivant : « Le bon homme embellit quelquefois le passé de trop faciles couleurs, mais il s’y montre avec naïveté en somme et tel qu’il était, il ne ment pas ! 

1707. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Je ne sais si j’ai bien fait toucher du doigt au lecteur tous les points singuliers et les traits distinctifs de cette destinée et de cette fortune bizarre du Mariage de Figaro, une représentation arrachée, malgré le roi et les magistrats, par la Cour, par le public et par l’auteur, triomphante et déréglée, se tournant contre ses propres spectateurs, s’aidant tour à tour de tous les moyens auxiliaires de scandale, de sensibilité et de bienfaisance, et menant au plus beau moment son héros à Saint-Lazare ; traitement infamant et indigne, dont il se trouve toutefois presque consolé, puisqu’il en est sorti une ordonnance de comptant de deux millions cent cinquante mille livres.

1708. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Je prends donc celui que j’appelle le premier Cosnac, et j’en veux donner une idée à nos lecteurs d’aujourd’hui, qui ont un peu oublié ce que c’était alors, pour un jeune abbé de qualité, que faire son chemin à la Cour et dans le monde.

1709. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Foisset en 1836, a produit sous les yeux du lecteur toutes les pièces du procès.

1710. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

» Mardi 12 avril Aujourd’hui la lettre de Blancheron, annonçant dans La Faustin son suicide, je l’ai écrite en pleurant comme un enfant ; — aura-t-elle près du lecteur l’effort nerveux qu’elle a produit sur moi ?

1711. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Ce partage de la sensibilité entre les deux affections contraires les plus puissantes, cet acharnement d’une lutte où chaque coup porté ensanglante deux poitrines, fait des ironies du poète allemand quelque chose de tragique et d’insensé ; ces éclats de rire stridents qui partent au bout des pièces les plus calmement rêveuses, avec une dissonance accrue par la traîtrise des débuts pacifiques, ce passage d’un état d’âme paisible à une subite crispation de douleur, la révulsion nerveuse qui s’est opérée tout à coup dans l’esprit de l’amant accusent devant le lecteur comme un commencement de démence, une sorte de spasme hystérique, un excès de douleur morale que l’âme ne peut souffrir sans être arrachée de ses gonds.

1712. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Ce qui ne l’empêche pas de s’occuper de vous, spectateur ou lecteur, de vous faire de la morale, de vous donner des conseils, et d’être votre ami, comme le premier bonhomme La Fontaine venu, et de vous rendre de petits services.

1713. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Vers le même temps, un autre, anglais aussi, mais de l’école écossaise, puritain de cette variété mécontente dont Knox est le chef, déclarait la poésie enfantillage, répudiait la beauté du style comme un obstacle interposé entre l’idée et le lecteur, ne voyait dans le monologue d’Hamlet qu’« un froid lyrisme », et dans l’adieu d’Othello aux drapeaux et aux camps qu’« une déclamation », assimilait les métaphores des poètes aux enluminures des livres, bonnes à amuser les bébés, et dédaignait particulièrement Shakespeare, comme « barbouillé d’un bout à l’autre de ces enluminures ».

1714. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Le lecteur aura moins à comprendre qu’à deviner.

1715. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Vraies ou fausses, le lecteur y gagnera toujours quelque chose.

1716. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

L’orateur exercé aperçoit par une espèce d’instinct la succession harmonieuse des mots, comme un bon lecteur voit d’un coup d’œil les syllabes qui précèdent et celles qui suivent.

1717. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

J’ai hâte d’arriver à l’analyse de cet ouvrage, si remarquable de profondeur, de simplicité et de portée, que, sans cette analyse fidèle, le lecteur certainement ne le croirait pas.

1718. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Parfois dupe de cette forme dont les regains, quand elle en a, sont dus à l’habitude d’une plume longtemps exercée, l’esprit du lecteur s’imagine que quelque chose va enfin sortir de cette intelligence qui a des velléités de vérité, mais rien ne vient.

1719. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

D’abord l’art de se faire entendre, du premier coup, toujours, jusqu’au fond, sans peine pour le lecteur, sans réflexion, sans attention ! […] Comme j’observais dans son maintien quelque chose qui ressemblait à la folie, j’imaginai d’abord qu’il était là pour représenter cette sorte de démence que les médecins appellent hydrophobie ; mais m’étant rappelé le but du spectacle, je revins à moi à l’instant, et conclus que c’était l’Anabaptisme942. » C’est au lecteur de deviner ce que représentaient ces deux premières figures.

1720. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

La seule expérimentation, ici, est celle dont le romancier lui-même est le sujet, et qui permet aux lecteurs de dire qu’il a le cerveau fait de telle ou de telle manière, des yeux qui voient de telle ou telle couleur. […] » Selon lui, « tout roman vrai doit empoisonner les lecteurs délicats. » Un de disciple l’école, Guy de Maupassant, a trouvé une formule meilleure et plus vraie en disant : « La vie, voyez-vous, ça n’est jamais ni si bon ni si mauvais que ça. » Mais pour la plupart des réalistes l’humanité semble composée de « brutes », de fous, de coquins.

1721. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Ce sera notre excuse et ce sera le charme du lecteur intelligent. […] XII Suivent plusieurs récits aussi simples, aussi vrais que nous laissons à la curiosité des lecteurs. […] Le lecteur comprendra maintenant pourquoi Gabriel se sentait si inquiet des ordres que venait de lui signifier sa maîtresse. « Elle a des ménagements pour cet homme, se disait-il (Gabriel ne le savait que trop et traitait Guérassime en conséquence) ; mais comment songer à marier ce sourd-muet ?

1722. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Je note seulement ce désaccord entre nos deux amoureux poétiques, et je laisse au lecteur, instruit maintenant de leurs aventures, le soin de ratiociner. […] Je désire fort la faire connaître, ou la rappeler, à mes jeunes lectrices amies des Muses. […] L’Olive, suite de sonnets amoureux, précédés d’une Épistre au lecteur fort curieuse, parut en 1550. […] Mais, d’ordinaire, le lecteur se contente d’un sonnet : Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle… Ou d’une chanson : Mignonne allons voir si la rose… Certes, les sonnets amoureux de Ronsard sont remplis de grâce, et ses belles chansons montent à tire-d’aile. […] Ces vers charmeront, je le jure, celles de mes lectrices qui s’intéressent encore à la poésie.

1723. (1925) Proses datées

Depuis de longues, années, j’admirais profondément le célèbre écrivain, et j’étais un lecteur passionné de son œuvre. […] Faguet, une fois formulées les réserves que j’ai indiquées, une fois bien établie sa résolution d’échapper à ce que j’appelais plus haut le prestige balzacien, une fois prouvé son éloignement de tout fétichisme, ne marchande pas à Balzac son admiration clairvoyante, mais cette admiration, il ne fait pas que là déclarer, il en donne les raisons critiques dans les pages substantielles auxquelles je renvoie le lecteur. […] De là aussi le scandale qu’elles suscitèrent chez « l’hypocrite lecteur » et qui fit momentanément de Baudelaire un poète d’exception, un « poète maudit », selon l’expression de Verlaine, de ceux dont le laurier, en sa verdeur éternelle, conserve toujours la trace de la foudre et sa divine cicatrice. […] La même préface ajoute qu’en cette seconde édition on a changé au récit « quelques mots et quelques expressions en faveur des lecteurs difficiles auxquels le style simple et souvent grossier d’un marin aurait pu déplaire ». […] Comme nous demeurions hésitants sur le seuil, le lecteur nous fit signe d’approcher.

1724. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Encore le lecteur et surtout l’auteur du présent livre se doivent-ils estimer heureux de cette espèce d’unité qui se présente, inespérée, en cette œuvre de dépouillement. […] Voilà le seul fil par lequel seront reliées les comédies qui vont venir ; seulement il faut prévenir le lecteur que mademoiselle Mars n’est pas seulement dans les œuvres passées, elle se retrouvera dans les œuvres modernes, avec les poètes qui vont venir, Hélas ! […] Plusieurs lecteurs curieux qui lisent un livre, uniquement pour apprendre quelque chose, qui font peu de cas de la forme, et qui ne tiennent nul compte de la recherche et des efforts du langage, vont demander à quoi bon ces passages qui ne sont que des longueurs ; pourquoi, par exemple, quatre longs chapitres à propos de Don Juan et pas un mot de L’Avocat Patelin ? […] À propos d’artistes sérieux, le lecteur sera quelque peu étonné de rencontrer M.  […] Le lecteur ne sera pas fâché de retrouver ici les vers d’Antoni Deschamps, adressés à Monrose au moment où quelque favorable lueur semblait se poser sur ce faible cerveau, doucement réjoui.

1725. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Un mémorialiste ne gagne la sympathie des lecteurs que s’il donne réellement la sensation que c’est des autres et non de lui qu’il s’occupe. […] Lecteur intrépide, au courant de tout, il trouvait toujours l’expression pittoresque et jugeait les œuvres avec un sens critique d’une finesse déconcertante. […] On ne peut pas dire que Moréas fût de ses propres vers lecteur infatigable. […] Mon œuvre ne séduisit que la moitié des lecteurs. […] Trouverez-vous dans tout cela matière à intéresser vos lecteurs, mon cher confrère ?

1726. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Il y aurait surtout à bien éclaircir le texte au moyen de notes claires, simples, précises ; il faudrait que, d’un coup d’œil jeté au bas de la page, le lecteur fût brièvement informé de ce que c’est que tous ces auteurs et ces ouvrages oubliés que cite continuellement Gui Patin, et que, sans être médecin, on pût comprendre dans tous les cas s’il s’agit du Pirée ou d’un nom d’homme.

1727. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Je ne sais si cette pensée d’un rapprochement funèbre est venue à l’esprit de Froissart ; elle semble comme négligemment touchée dans les paroles qui concluent le récit, et, qu’il l’ait eue ou non, il met le lecteur à même d’achever et de tirer toute la réflexion morale.

1728. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Les lettres de ce genre sont le plus souvent d’une lecture assez fade pour les indifférents : « Ce qui fait que les amants et les maîtresses ne s’ennuient point d’être ensemble, a dit La Rochefoucauld, c’est qu’ils parlent toujours d’eux-mêmes. » La flamme seule et la rapidité de la passion a sauvé quelques lettres de la Religieuse portugaise du sort commun aux lettres d’amour, qui est d’ennuyer bientôt ceux qui n’y sont pas mêlés ; Mlle de Lespinasse, dans les siennes, est quelquefois importune au lecteur presque autant qu’à M. de Guibert ; elle a des longueurs.

1729. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Mais soyez tranquilles sur le résultat : toutes celles de ces admirations qui sont bien fondées, et si lui-même, lecteur, en son âme secrète, n’est pas devenu, dans l’intervalle, moins digne d’admirer le Beau, toutes ou presque toutes gagneront et s’accroîtront à cette revue sincère : les vraiment belles choses paraissent de plus en plus telles en avançant dans la vie et à proportion qu’on a plus comparé.

1730. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

J’aurais cru manquer de goût et de mesure en me permettant la moindre allusion publique à un livre dont le personnage type n’est point suffisamment connu, et n’est pas apprécié comme il pourrait l’être ; mais il n’est aucun des lecteurs du roman auquel ne soit venu en idée, en m’entendant célébrer le bon curé de Laviron, cet autre curé, si touchant et si respectable, honneur et douleur de la famille des Courbezon ; et je suis bien sûr de ne point manquer au respect que j’ai pour mon sujet, en glissant ici cette note qui satisfera les littérateurs et que comprendront les moralistes.

1731. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Le lecteur ne s’en plaint pas.

1732. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Sainte-Beuve touchait autour de lui, et parmi ses lecteurs, à des cordes vibrantes où l’amitié résonnait et devait répondre.

1733. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Chateaubriand, Vie de Rancé « Mon premier ouvrage a été fait à Londres en 1797, mon dernier à Paris en 1844 : entre ces deux dates, il n’y a pas moins de quarante-sept ans ; trois fois l’espace que Tacite appelle une longue partie de la vie humaine : Quindecim annos, grande mortalis ævi spatium. » Cette pensée s’élève inévitablement dans l’esprit du lecteur qui ouvre le volume, quand l’auteur ne l’aurait pas fait remarquer.

1734. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

La révolution de Juillet, en brisant, du moins en droit, le système insoluble de la Restauration, a permis à M. de La Mennais de se produire enfin politiquement dans une pleine lumière : après sa mémorable série dans l’Avenir sur la réorganisation catholique et sociale, il n’est plus possible à un lecteur de sens et de bonne foi de garder l’ombre d’un doute aujourd’hui.

1735. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

 » Ce serait trop demander pourtant au lecteur d’aujourd’hui que de me suivre en détail près de chaque poëte de cette famille, de cette coterie.

1736. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Tout son art est critique, et consiste, pour les ouvrages où il se déguise, à dispenser mille petites circonstances, à assortir mille petites adresses afin de mieux divertir le lecteur et de lui colorer la fiction : il prévient lui-même son frère de ces artifices ingénieux, à propos de la Lettre des Comètes.

1737. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

I Le lecteur vient de suivre, dans toutes ses formes, l’événement intérieur qui constitue nos connaissances.

1738. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

D’autres lapidaires, d’autres bestiaires suivront, attestant et le succès du genre et l’ineptie scientifique des lecteurs, d’autant plus extravagants que la description des choses naturelles s’y mêlera davantage de moralisations allégoriques.

1739. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Avec l’antithèse, il prodigue l’ironie où il est maître : il se plaît à dérouter le lecteur par l’exposition flegmatique de la pensée contraire à celle qu’il veut enfoncer, jusqu’à ce qu’un mot, un tout petit mot parfois, tout à la fin du morceau, donne la clef du reste, et nous découvre qu’il faut renverser tous les termes.

1740. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Je rappelle au lecteur que cet article et le suivant sont des articles de polémique et qu’ils rendent surtout des impressions d’un jour.

1741. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

L’étude que Calvin avait faite des anciens et particulièrement de Cicéron, dont la méthode est si naturelle et si agréable, lui avait donné le secret de ce grand art d’approprier une matière à l’intelligence du lecteur, de la proportionner à son attention, de raisonner avec force, sans abuser de l’appareil du raisonnement.

1742. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

XXII Je demande pardon au lecteur pour mille aperçus partiellement exagérés qu’il ne manquera pas de découvrir dans ce qui précède et je le supplie de juger ce livre, non par une page isolée, mais par l’esprit général.

1743. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Jean de Thommeray Si Jean de Thommeray n’est pas un échec, c’est tout au moins une déception à laquelle devaient, du reste, s’attendre les lecteurs de la nouvelle de M. 

1744. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Il faut que mistress Clarkson ait une rude confiance dans la crédulité de sa visiteuse pour lui servir une histoire que les lecteurs de Rocambole refuseraient absolument d’avaler.

1745. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

— Mais voici de vraies fautes dont je liens à avertir mes lecteurs, n’ayant pas à espérer de les pouvoir corriger moi-même dans une réimpression de ces Causeries.

1746. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Bref, pour conclure littérairement sur Bussy, il a sa date dans l’histoire de la langue ; il est grammairien, puriste, cherchant et trouvant la propriété des termes : « Il écrivait avec peine, a dit quelqu’un qui l’a bien connu39, mais les lecteurs n’y perdaient rien ; ce qu’il écrivait ne coûtait qu’à lui. » Il y a du Vaugelas en Bussy ; et de plus, dans le genre épistolaire, il fait le lien de Voiture à Mme de Sévigné.

1747. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

En un mot, nous fûmes très raisonnables à la fin d’une journée où nous avions joué à colin-maillard. » Pour tranquilliser le lecteur sur la source d’où je tire ces paroles de Sophie, je dirai que c’est du cahier manuscrit des Dialogues, dans lesquels Mirabeau, enfermé deux ans après à Vincennes, se plaisait à revenir sur les origines de leur liaison et à se repaître des moindres souvenirs de ces premiers temps heureux.

1748. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Il y mêle des considérations politiques qui sont toutes dans le sens de l’ordre et de la défense sociale : mais, même quand il serait plus sobre de ce genre de discussions, le seul tableau des faits, la suite même des textes, les pièces à l’appui qu’il produit avec étendue, fournissent une base de jugement irréfragable, et tout lecteur, en se laissant conduire par le biographe, peut statuer à son tour en connaissance de cause et en sûreté de conscience.

1749. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

« De ces deux explications, le lecteur choisira celle qu’il voudra. » Comme on le voit, à l’époque où ce livre fut publié, l’auteur ne jugea pas à propos de dire dès lors toute sa pensée.

1750. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

De Bonald semble avoir été de ces privilégiés ; du moins, en le lisant, on le suppose volontiers ; un esprit étroit et absolu, qui n’a jamais eu qu’un petit nombre d’idées, qui, une fois trouvée la formule concise de chacune d’elles, s’est désormais cité lui-même comme un credo, et qui, ayant, en quelque sorte, emprisonné sa pensée dans ses propres sentences, n’a jamais rencontré sous sa plume le commentaire varié, abondant, persuasif, par lequel il eût éclairé ses lecteurs sur la part de vérité contenue dans ses aphorismes, un tel esprit devait croire à la simultanéité du signe et de l’idée, et même à une harmonie préétablie entre eux de toute éternité ; il constitue donc parmi les écrivains une de ces exceptions qui confirment la règle.

1751. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Il a cru, dans ces sortes de contes, que chacun devait être content à la fin ; cela plaît toujours au lecteur, à moins qu’on n’ait rendu les personnes trop odieuses.

1752. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Un lecteur, quelque peu familiarisé par la solitude (bien mieux que par les livres) à ces vastes contemplations, peut déjà deviner où j’en veux venir ; — et, pour trancher court aux ambages et aux hésitations du style par une question presque équivalente à une formule, — je le demande à tout homme de bonne foi, pourvu qu’il ait un peu pensé et un peu voyagé, — que ferait, que dirait un Winckelmann moderne (nous en sommes pleins, la nation en regorge, les paresseux en raffolent), que dirait-il en face d’un produit chinois, produit étrange, bizarre, contourné dans sa forme, intense par sa couleur, et quelquefois délicat jusqu’à l’évanouissement ?

1753. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

En lisant l’histoire romaine, un lecteur raisonnable doit se demander avec étonnement que pouvait être cette vertu si vantée des Romains avec un orgueil si tyrannique ?

1754. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Si donc, lecteur qui parcourez ces pages par une étude de spéculation et de goût, vous ne voulez jamais oublier le côté sérieux des arts, ce qui touche à l’énergie de l’âme, à la passion du devoir et du sacrifice, à la liberté morale, même pour bien juger les grâces et la puissance du lyrisme hellénique, vous aimerez à réfléchir sur une beauté plus sévère : vous contemplerez cette originalité plus étrangère, plus lointaine pour nous, et cependant incorporée dans notre culte religieux et partout présente, que nous apporte la poésie des prophètes hébreux, de ces prophètes nommés par le Christ à côté de la loi, dont ils étaient, en effet, l’interprétation éclatante et figurée.

1755. (1905) Promenades philosophiques. Première série

La gloire de Bacon repose, en grande partie, sur l’indulgence de ses lecteurs, de ses commentateurs et de ses traducteurs. […] En usant des termes les plus généraux, l’écrivain, renonçant à obtenir lui-même des coïncidences toujours contestables, laisse au lecteur le soin de les obtenir au gré de sa logique personnelle ; il livre une ébauche dont les imaginations particulières feront le tableau de leur rêve : des peintres ont réussi à plaire par un procédé analogue. […] Pour rendre quelques pages de Victor Hugo accessibles au commun des lecteurs, on écrira : Chace orne dans son ceur crée à sa fantèzie… 15. […] Dans cette question de l’orthographe, le lecteur n’a donc qu’un seul intérêt : c’est que le même mot lui soit toujours présenté sous la même forme. […] Curieux pour tout lecteur françaisqui s’intéresse à sa langue, il sera précieux pour tous les étrangers qui veulent affiner leur prononciation et acquérir cette absence d’accent, si appréciée en France chez les étrangers.

1756. (1774) Correspondance générale

On ne permettrait plus d’écrire, nous n’oserions même plus penser ; bientôt il deviendrait impossible de lire ; car auteurs, livres et lecteurs seraient également proscrits. […] Il n’est point d’auteur qui n’ait cette sorte d’autorité, et qui ne consulte sur le caractère et la page son goût particulier, la nature de son ouvrage, et l’espèce de lecteurs qu’il se promet. […] Luneau, qui a fait imprimer, et qui s’est promis des lecteurs, ne l’ignore pas. […] Je vous atteste ici, lecteurs, tous tant que vous êtes, soyez vrais ; et dites-moi si l’on n’est pas toujours le maître de quitter cet éloge, de recevoir une visite, de faire un whist, de se mettre à table et de le reprendre, et si cela fera passer une nuit sans dormir. […] Assézat ayant annoncé qu’il donnerait la lettre de Voltaire à laquelle celle-ci répond, nous la publions ici, par exception ; pour les autres lettres ou réponses de Voltaire et de Rousseau, le lecteur voudra bien se reporter aux éditions complètes de ces deux écrivains.

1757. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

IX D’après ces magnificences du palais et des réceptions du roi de Perse, on juge de l’impression qu’un pareil livre produisait sur les lecteurs de Chardin. […] X Après avoir émerveillé et ébloui l’imagination de ses lecteurs par ce panorama de puissance et de richesse du royaume dont on lui découvre les entrailles, Chardin passe à la religion, à la politique, aux mœurs, et nous introduit dans la vie publique et dans la vie privée de ce peuple.

1758. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Je souhaite, en finissant, que l’aveu sincère de mes prédilections et de mes regrets n’arrête pas le lecteur au seuil de mon livre. […] C’est pour cela sans doute que les lecteurs enthousiastes mettent le Lac fort au-dessus de Novissima Verba.

1759. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Si jamais un écrivain a hérité d’un lecteur, il a fallu que le lecteur le connût, le fréquentât, approchât du corps de cet esprit.

1760. (1911) Nos directions

Pour ceux qui nous accuseraient d’insister volontairement sur les petits côtés d’un génie qui se forme, je citerai tout au long cette curieuse page qui nous donne amplement raison : Au lecteur Musardise : action de celui qui musarde. […] « C’est là ce que tu trouveras dans le dictionnaire, ami lecteur. […] Ce mouvement, il faut qu’elle le communique à l’âme du lecteur. […] Il reste que, — pour la première fois, peut-être, — un critique averti mais sans complaisance, aura reconnu tout haut : 1° l’insatisfaction que laisse désormais à nombre de lecteurs sensibles l’emploi systématique et exclusif du vers régulier traditionnel, 2° la légitimité d’une autre forme, non peut-être encore définitive, mais consacrée par des œuvres maîtresses et en voie de perfection. […] Cet article préliminaire a été écrit il y a dix ans ; au lecteur de rajeunir et de compléter notre énumération, à sa guise.

1761. (1899) Arabesques pp. 1-223

Le lecteur bénévole préférerait peut-être un écrit qui ne revête pas un caractère de polémique sur des faits exclusivement personnels. […] Donc, une fois pour toutes, qu’il soit entendu que publier son opinion sur quelqu’un, c’est renseigner le lecteur sur la façon dont on se représente ce quelqu’un. […] Plusieurs seront de l’avis de Taine lorsqu’il dit : « Aucune sorte de talent ne pénètre le lecteur d’impressions plus vives et plus contraires. […] Lebey est un poète fécond — trop fécond peut-être — car, à force de répéter les mêmes choses il finit par lasser le lecteur.

1762. (1902) La poésie nouvelle

On a souvent accusé le poète nouveau de vouloir à tout prix « étonner le lecteur » : certes, il était indispensable qu’il l’étonnât, afin de lui rendre justement cette aptitude à s’émerveiller. […] On n’y retrouve aucune image connue, aucune de ces alliances de mots qu’on a coutume de voir dans les poèmes et qui rassurent le lecteur, le familiarisent. […] Et même si l’on a parfaitement réussi ce que l’on se proposait, un art si complexe et concis doit imposer au lecteur une attention plus vigilante que la facile poésie de MM.  […] Pour une œuvre bien plus limpide, les Méditations, Lamartine n’a-t-il pas donné au lecteur, en guise de « commentaire », de très personnelles indications ? […] Le lecteur d’aujourd’hui qui ouvre les Syrtes est, d’abord, très déconcerté, parce que tout le symbolisme qu’il y cherche, il ne l’aperçoit pas.

1763. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

À son tour le lecteur croyait qu’on lui disait pour la première fois que la vertu est supérieure au vice et que tous les hommes sont sujets à la mort, quand c’était Victor Hugo qui le lui disait. […] Henry Houssaye l’a écrite tout entière avec ce don de la vie, c’est-à-dire ce don de vivre ce qu’il raconte et le faire vivre à son lecteur, qui est sa qualité maîtresse. […] Quoi qu’il en soit, on doit aux lecteurs son sentiment tel qu’il est : la conduite de Napoléon Ier, à partir de Waterloo, me paraît plus touchante et digne de pitié, que grande et digne d’admiration. […] Tout cela pouvait rester un peu confus dans l’esprit du lecteur, qui sait ? […] Tous ces conseils sont excellents ; mais ils ne sont pas assez nouveaux pour intéresser passionnément le lecteur.

1764. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Préface Lecteur, ma Préface ne vous fatiguera pas. […] Il y a bien le critique, chargé de rendre compte des nouvelles représentations, qui pourrait et devrait, dans les feuilles hebdomadaires, charitablement prévenir ses lecteurs ; mais les trois quarts n’auraient garde, et le voulussent-ils, ils ne le pourraient pas, les colonnes du journal leur seraient fermées, s’ils tentaient de critiquer le théâtre qui envoie loges et billets, et s’ils essayaient de louer le théâtre qui les refuse ! […] Peut-être a-t-il existé encore quelques auteurs tragiques contemporains de Pierre Corneille ; mais nous croyons avoir passé en revue ceux d’entre eux dont les œuvres, au point de vue littéraire ou anecdotique peuvent offrir quelque intérêt aux lecteurs de l’époque actuelle. […] Dans ses belles et suaves compositions, Racine intéresse et fait passer l’âme du spectateur ou du lecteur par toutes les péripéties du drame intime. […] Il se tue à rimer pour des lecteurs ingrats ; L’Énéide, à son goût, est de la mort aux rats ; Et, selon lui, Pradon est le roi du théâtre.

1765. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

. — Vos lecteurs vont enfin respirer ! […] Vos lecteurs rendront justice à mon indépendance… ou la lui feront. […] Je n’affirme pas cependant que vers la fin de mes lettres je n’aie attribué à celui-ci ce qui était arrivé à celui-là ; mais cet aveu me coûte peu, car il ne repose bien certainement que sur des faits sans conséquence et que j’aurai mal retenus ; ou bien ils se rapportent à des écrivains très secondaires dont je me souciais peu, et vos lecteurs aussi.

1766. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Eh bien, nous avons changé tout cela, et depuis le temps de Jean-Jacques Rousseau on a trouvé au contraire que le moi était très agréable ; et les écrivains, persuadés que le moi est aussi intéressant pour les autres que pour nous-mêmes, n’ont cessé d’en entretenir leurs lecteurs. […] Ce fut, au lieu de nous donner un poème se suivant du début à la fin, ce pour quoi il faut, de la part du poète, un souffle puissant et de la part des lecteurs, beaucoup de patience et de résignation, au lieu de nous donner ainsi un poème épique tout d’un bloc, de nous donner des séries de fragments épiques. […] Ou encore, vous savez, aux dernières pages des journaux, il y a des mots qu’on propose à la curiosité des lecteurs, des mots qui sont des énigmes, des énigmes que résout l’Œdipe du Café du commerce, il y a des mots en losange, des mots carrés, des mots qu’on lit en travers, de côté.

1767. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Si j’avais à conseiller à une jeune personne sérieuse, à une lectrice douée de patience, un livre d’histoire de France qui ne faussât en rien les idées, et où aucun système artificiel ne masquât les faits, ce serait encore Sismondi que je conseillerais de préférence à tout autre.

1768. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Roland, une lettre du 8 octobre, que nous livrons, ainsi expliquée, à la sensibilité des lecteurs.

1769. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

beaucoup de savoir-faire, de facilité, de dextérité, de main-d’œuvre savante, si l’on veut, mais aussi ce je ne sais quoi que le commun des lecteurs ne distingue pas du reste, que l’homme de goût lui-même peut laisser passer dans la quantité s’il ne prend garde, le simulacre et le faux semblant du talent, ce qu’on appelle chique en peinture et qui est l’affaire d’un pouce encore habile même alors que l’esprit demeure absent.

1770. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Le talent de l’illustre sœur est incomparablement d’un autre ordre que celui du roi, et, chaque fois que c’est elle qui prend la plume, le lecteur le sent à la fermeté du ton et à une certaine élévation de pensée.

1771. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Un juge compétent, témoin oculaire, Mallet du Pan581, écrit en 1799 : « Dans les classes mitoyennes et inférieures, Rousseau a eu cent fois plus de lecteurs que Voltaire.

1772. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

La trop grande étendue que j’ai été obligé de donner à l’Entretien précédent me force à restreindre celui-ci et à m’arrêter là de peur de fatiguer le lecteur de métaphysique sociale.

1773. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

. — Si les raisons que j’ai apportées déjà ne paraissaient pas suffire à ma justification, ajoute-t-il ensuite, je n’ai plus qu’à me recommander à l’indulgence de mes lecteurs.

1774. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Catulle Mendès, soucieux de ne pas laisser les lecteurs de l’Écho de Paris privés de poésie, après leur avoir offert exceptionnellement G. 

1775. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Si je la regarde dans les parties de ce livre qui ont été inspirées par la Renaissance, que de nouveautés dans ces expressions si profondes et si générales, qui ouvrent comme des horizons infinis à l’esprit du lecteur !

1776. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

C’est par là que s’explique son manque d’autorité sur le lecteur.

1777. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Mais Balzac avait formé des lecteurs pour les Lettres provinciales.

1778. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

V Je termine ici ces souvenirs, en demandant pardon au lecteur de la faute insupportable qu’un tel genre fait commettre à chaque ligne.

1779. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

La chose paraîtra sans doute exorbitante à des lecteurs accoutumés à la centralisation française.

1780. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Les lecteurs de la Revue savent, à n’en pas douter, que mon directeur et moi professons des opinions agréablement différentes sur un grand nombre de points.

1781. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Pour la curieuse histoire de Laura Bridgmann, nous renverrons le lecteur à Burdach, Traité de physiologie ; Ampère, Revue des Deux-Mondes, 1853 ; et Schroder van der Kolk, Revue des cours littéraires, janvier 1868.

1782. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Avec une pension sur le Mercure, une autre sur les Menus, une place de secrétaire des commandements du prince de Condé ou de lecteur du comte d’Artois, une place de secrétaire de Madame Élisabeth (car Chamfort eut tout cela), avec une place à l’Académie où il arriva en 1781, avec un logement que M. de Vaudreuil lui donna dans son hôtel, rue de Bourbon, on se disait : « M. de Chamfort a une position faite, il a de quoi vivre ; qu’il vienne donc dans le monde, que nous en jouissions, et que son charmant et malin esprit nous amuse ! 

1783. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Tel psychologue annonce au lecteur une simple étude de « psychologie descriptive », mais en réalité, outre les descriptions psychologiques les plus ingénieuses et les plus savantes, il est bien obligé de lui présenter encore une série de pures hypothèses, et il aboutit, en somme, à des solutions d’un caractère exclusivement mécaniste.

1784. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Vous souvient-il, lecteur, de cette sérénade Que don Juan déguisé chante sous un balcon ?

1785. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Boileau, en traduisant le commencement de l’Énéide, a mis trois vers pour deux, comme le remarque M. de la Harpe, et pourtant il a supprimé l’une des circonstances les plus essentielles dont l’auteur latin avait voulu frapper l’esprit du lecteur.

1786. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Je vous ferai remarquer que toute cette fable les Animaux malades de la peste, c’est, non pas la glorification de l’âne, car le pauvre animal y joue encore un rôle un peu sot ; il est trop candide, il est trop innocent ; l’innocence consiste souvent à se trouver coupable, et c’est précisément le cas de notre pauvre animal ; mais c’est la vérité que la sympathie du lecteur se porte tout entière sur ce pauvre animal opprimé.

1787. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Les mots auront beau alors être choisis comme il faut, ils ne diront pas ce que nous voulons leur faire dire si le rythme, la ponctuation et toute la chorégraphie du discours ne les aident pas à obtenir du lecteur, guidé alors par une série de mouvements naissants, qu’il décrive une courbe de pensée et de sentiment analogue à celle que nous décrivons nous-mêmes.

1788. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

 » La dernière phrase est jolie ; l’antithèse entre aimer et conspirer, entre tout le monde et personne, est faite pour flatter dans tous les temps le goût des lecteurs frivoles : par malheur cela est aussi faux que joli, et il n’y a presque pas un mot qui soit juste et raisonnable dans tout ce passage. […] Les admirables raisons que Voltaire vient d’exposer sont appuyées d’un conte qui vaut beaucoup mieux que ses raisons : quand on a tort, il faut tâcher de faire rire ses juges, et quand on n’a pas l’art d’instruire et de persuader ses lecteurs, on doit du moins les amuser : un bon mot est pour le vulgaire un bon argument. […] Il sera peut-être intéressant pour les lecteurs de trouver ici quelques détails historiques et quelques réflexions impartiales au sujet de cette grande bataille livrée en 1760, sur le théâtre de Paris, entre les factieux avides de nouveautés et les défenseurs des anciennes lois du royaume : ceux-ci engagèrent l’action. […] Pour dépayser ses lecteurs et masquer ses emprunts, Voltaire a jugé à propos de prendre une route diamétralement opposée : chez lui, les hommes sont des extravagants à lier ; les femmes, des raisonneuses et des philosophes, qui, malgré leur morgue doctorale, ne sont pas souvent beaucoup plus sages. […] Je ne renverrai point mes lecteurs sans leur présenter un bouquet de quelques vers de Voltaire : Et nous, sur le tyran nous suspendons des coups Que ma mère à mes yeux porta sur son époux.

1789. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

J’étonnerai beaucoup de lecteurs en disant que les premiers âges de l’humanité constituent la période des grandes inventions27 et que cette période pourrait être considérée comme close au moment où paraît la première hache de bronze, s’il ne restait à signaler les origines de l’écriture. […] Il se compose d’une grande sensibilité, d’une émotivité vive, transformées rapidement, avec une conscience très faible du travail intellectuel, en phrases mesurées mélodiques, propres à évoquer chez l’auditeur ou chez le lecteur une émotion du même ordre que celle qui les a dictées31. […] Regarde en toi-même, « Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère », que penses-tu de la bigamie ? […] Et vous, lectrices ?... […] Le Midi semble l’avoir un peu dépaysé, à moins que ce ne soit le lecteur qui ait pris moins d’intérêt à des régions plus éloignées de ses mœurs.

1790. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

C’est le chapitre à sensation de l’ouvrage, et la Revue de Paris ne s’y est pas trompée ; pour donner à ses lecteurs une idée du travail de Tolstoï, c’est ce chapitre qu’elle leur a servi. […] Pour ne citer qu’un exemple entre mille autres, que le lecteur veuille se reporter au thème chevaleresque qui caractérise Lohengrin, et qui éclate à l’orchestre dès que le chevalier du Graal apparaît. […] Il est inutile d’insister et de nous attarder plus longtemps à ces pages absolument vides d’idées, où le miroitement d’un style souple et nerveux malgré son incohérence, où le cliquetis amusant de quelques mots plus ou moins ingénieux arrêtent seuls l’attention du lecteur. […] Qu’il me soit permis de renvoyer mes lecteurs au remarquable livre de M.  […] Je prie mes lecteurs de n’y pas voir autre chose.

1791. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

L’École des Maris, dédiée au duc d’Orléans, son protecteur, est le premier ouvrage qu’il ait publié de son plein gré ; à partir de ce moment (1661), il entra en communication suivie avec les lecteurs. […] Chaque homme de plus qui sait lire est un lecteur de plus pour Molière.

1792. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Si le lecteur veut regarder un encéphale préparé ou tout au moins les figures de quelque grand atlas anatomique, il trouvera qu’à sa partie supérieure la moelle épinière se renfle en un bulbe nommé moelle allongée ou bulbe rachidien, par lequel commence l’encéphale. […] Si le lecteur veut regarder de nouveau un encéphale préparé, il verra que, des angles antérieurs de la protubérance annulaire, partent deux grosses colonnes blanches nommées pédoncules cérébraux, dont les fibres se terminent dans de gros renflements appelés couches optiques et corps striés, organes intermédiaires entre les lobes cérébraux et la protubérance.

1793. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

C’est pourquoi Hugo appelle l’ombre athée ; ce n’est pas pour le plaisir de faire une métaphore inattendue et étonnante qu’il a dit, dans les vers sublimes par où se terminent les Contemplations : « l’immense ombre athée. » Les allusions à cette conception des choses, à la fois imaginative et métaphysique, sont continuelles chez Hugo, mais passent naturellement incomprises pour la plupart des lecteurs. […] De là, chez le lecteur, ces antipathies ou ces sympathies qui ne se formulent pas toujours, mais qui n’en sont pour cela que plus fortes ; de là, parfois, ce mauvais vouloir apparent de toute une génération pour un poète, quelque grand qu’il soit d’ailleurs, au moment où il cesse de représenter exactement l’état intellectuel et moral d’une époque.

1794. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

C’est une dernière considération que de Maistre doit à ses lecteurs, et qu’il leur prodigue. […] Dans toute question il cherche la vérité, sans doute, mais aussi le moyen de la prouver qui contrariera le plus son lecteur, qui sera le plus capable de heurter son bon sens et même d’irriter son cœur. […] Le ménage des Belmont, dans Delphine, est une idylle à la Jean-Jacques, caressée par elle avec amour, avec une émotion troublante, qui se communique au lecteur. — Jeune, elle lit Richardson avec passion : « L’enlèvement de Clarisse fut un des événements de ma jeunesse. » Mourante, Walter Scott la console. […] Elle confirme dans l’esprit du lecteur cette idée que l’esprit de la Renaissance, après avoir animé deux siècles, a perdu, pour ainsi dire, sa force, s’éteint et s’épuise de 1715 à 1820, n’inspire plus que des admirations froides ou de plus froides imitations. […] « En France, le public commande aux auteurs. » Nous voyons toujours, en face de nous, le lecteur qui écoute, et nous voulons lui plaire plutôt qu’à nous.

1795. (1881) Le naturalisme au théatre

Chaque lecteur, chez lui, les pieds sur les chenets, se fâche plus ou moins. […] Les lecteurs et les spectateurs s’habitueront, voilà tout. […] C’est à peine si les lecteurs pourront en retrouver les morceaux. […] Si l’on ne se jetait pas ses préférences à la tête, où serait le plaisir, pour les juges et pour les lecteurs ? […] Le lecteur peut continuer aisément ce travail.

1796. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Le besoin de produire une œuvre, le désir de plaire aux lecteurs, le sentiment des goûts du public viennent se combiner avec les souvenirs d’enfance et les réalités journalières de la vie pour suggérer l’invention, pour faire naître l’idée synthétique. […] Sans examiner jusqu’à quel point il a régularisé la vérité et tâché peut être de mystifier son lecteur, nous n’en devons pas moins retenir son cas en le rapprochant des renseignements analogues fournis par d’autres auteurs. […] Pourquoi cette mort sentimentale et romance, cette si facile amorce à l’attendrissement du lecteur ? […] Que l’idée mère apparaisse d’un bloc ou qu’elle résulte d’un travail latent, toujours l’élément primitif est quelque chose d’analogue à l’ovule et à l’instinct68. » Il y a une grande part de vérité dans ces opinions et le lecteur peut d’ailleurs voir par ce qui précède jusqu’à quel point je les accepte, et jusqu’à quel point aussi je les rejette.

1797. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Il en est de même des assemblages de mots qui composent le discours ; un lecteur instruit raporte un tel mot, une telle phrase à une telle espéce de figure, selon qu’il y reconoit la forme, le signe, le caractére de cette figure ; les phrases et les mots, qui n’ont la marque d’aucune figure particuliére, sont come les soldats qui n’ont l’habit d’aucun régiment : elles n’ont d’autres modifications que celles qui sont nécessaires pour faire conoitre ce qu’on pense. […] Il y a peu de lecteurs qui conoissent Archemore, c’est un enfant du tems fabuleux. […] Boileau sur un sujet pareil a fait d’après Horace une espèce de périphrase qui tire tout son prix de la peinture dont elle ocupe l’imagination du lecteur. […] Le lecteur trouvera dans le livre de m.

1798. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Van Praet, avant l’invasion du grand public et l’irruption d’un peuple de lecteurs, était restée l’idéal de M. 

1799. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Le lecteur fut fréquemment interrompu par les applaudissements : ils éclatèrent surtout au portrait que M. de Talleyrand traça d’un parfait ministre des affaires étrangères : « La réunion, disait-il, des qualités qui lui sont nécessaires est rare.

1800. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Cette invraisemblance se trouve de la sorte plus facile à accepter pour tout lecteur naïf, que ne le serait souvent une réalité plus serrée de près et plus motivée.

1801. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

L’anecdote de la conversation de Pascal avec M. de Saci, et celle de la roulette résolue pendant un violent mal de dents, sont indiquées par allusion et noblement, au lieu d’être expressément racontées ; ce qui pourtant mordrait bien mieux sur l’esprit du lecteur.

1802. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Publiant en 1808 son premier recueil de chansons, il toucha, dans sa préface, quelque chose de ces horribles scènes dont il avait été témoin et victime ; mais, chez les êtres vivement doués et qui ont été désignés en naissant d’une marque singulière, la nature au fond est si impérieuse, et elle donne tellement le sens qui lui plaît à tout ce qui vient du dehors, qu’il y voyait plutôt un motif de s’égayer désormais et de chanter : « Permettez-moi, disait-il au lecteur de cette préface, de payer à la Gaieté, ma généreuse libératrice, un hommage que l’ingratitude la plus noire pourrait seule lui refuser ; daignez m’entendre, et vous en allez juger.

1803. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Nous signalons surtout au lecteur la pièce adressée à un ami victime de l’amour ; elle est sublime de gravité tendre et d’accent à la fois viril et ému.

1804. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Dans cette ascension de la Dôle, j’ai oublié, pour compléter la scène, de dire qu’outre les deux amis et le pâtre, il y avait là un vieux capitaine de leur connaissance, redevenu campagnard, révolutionnaire de vieille souche et grand lecteur de Voltaire.

1805. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

Un seul détail pour montrer l’étendue des grâces : j’ai compté quatre-vingt-trois abbayes d’hommes possédées par des aumôniers, chapelains, précepteurs ou lecteurs du roi, de la reine, des princes et princesses ; l’un d’eux, l’abbé de Vermond, a 80 000 livres de rente en bénéfices.

1806. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Trois heureuses journées littéraires I J’ai sur ma table aujourd’hui deux livres que je viens de lire avec un grand charme, et qui me convient, par ce charme même, à me distraire un moment de l’antiquité avec mes lecteurs, pour donner un regard à la jeune France poétique d’aujourd’hui.

1807. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

XVII Pardon de cette réminiscence de famille, hors-d’œuvre de notre entretien sur Phidias ; Plutarque en a beaucoup de ce genre et on les lui pardonne ; car si l’esprit du lecteur aime à marcher quand il se promène, il aime aussi à s’asseoir et à divaguer pour reprendre haleine.

1808. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Montaigne est un charmant génie, mais il écrit pour s’amuser lui-même et pour amuser ses lecteurs.

1809. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

» Voilà pourquoi les temps et les événements m’ayant enlevé le loisir d’écrire en vers, comme Jocelyn, cette simple et touchante aventure, je l’écris en prose, et je demande pardon à mes lecteurs de ne pas en avoir fait un poème ; mais, vers ou prose, tout s’oublie et tout s’anéantit en peu d’années ici-bas, il suffit d’avoir noté, à quoi bon écrire ?

1810. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Le monde, le vrai inonde le recherchait ; on était curieux de le voir, de l’entendre lire ses œuvres : d’autant qu’il avait un vrai talent de lecteur, et doublait la beauté de ses vers par la justesse de la diction.

1811. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Madame de Staël se trompe donc lorsqu’elle reproche à Goethe de s’être passionné et d’avoir passionné ses lecteurs pour le suicide.

1812. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Je ferai connaître, de mon mieux, à vos lecteurs notre école Wagnérienne russe ; encore que les exigences d’un commerce de fourrures et de thés me rendent bien incompétent pour traiter d’aussi hautes questions.

1813. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Mon but est de placer ici sous les yeux du lecteur dilettante la Réminiscence telle qu’elle était à l’époque où Wagner commença de mettre en œuvre son Leitmotif dans le Vaisseau Fantôme et Tannhaeuser.

1814. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

C’est ici chose parfaitement originale et exquise ; c’est autour du poète et du lecteur la création d’une atmosphère de jadis qui est pour le rêve et la nostalgie un refuge où nulle précision ne blesse.

1815. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

En vous rencontrant dans mes livres, le lecteur s’effarera, vous prendra pour des types généraux non pour des mufles particuliers et il m’accusera d’avoir inventé trop grotesques et trop faciles la banalité sordide de ton nom, Gaston Deschamps, la sordidité ridicule de ton nom, pauvre petit Ballot.

1816. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Dès qu’ils ont paru dans un livre et sur le théâtre, les personnages fictifs sont inscrits dans la mémoire du lecteur et du spectateur, comme sur les registres d’un état civil.

1817. (1904) En méthode à l’œuvre

Et, que s’en souvienne la voix savante, savante instrumentalement du Lecteur, — qui, lui qui sait vraiment lire, tout haut et en toutes les valeurs sonores et idéales que nous aurons voulues, interprétera l’Œuvre.

1818. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Il y avait aussi beaucoup de femmes russes, de femmes allemandes, de femmes anglaises, de pieuses et fidèles lectrices venant rendre hommage au grand et délicat romancier.

1819. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Mais dès que la littérature d’une époque se répand au point de devenir quasi universelle, la transformation de la langue tend à se ralentir, parce que les œuvres écrites dans le ton déjà connu de tous sont celles qui doivent être le mieux accueillies par le plus grand nombre des lecteurs.

1820. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Par lui la prose française, trop molle dans Fénelon, trop brusque dans Bossuet, trop pompeuse dans Buffon, trop légère dans Voltaire, prend une vigueur, une gravité mâle, une majesté digne, mais toujours naturelle, qui donne l’autorité à la pensée, la plénitude à l’oreille, l’émotion à la conscience du lecteur.

1821. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Ce fut ainsi que ce chant me monta du cœur aux lèvres, et que j’en écrivis les strophes au crayon sur les marges d’un vieux Pétrarque in-folio, où je les reprends pour les donner ici aux lecteurs.

1822. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Aux lecteurs qui seraient tentés de trouver ce jugement un peu sévère, je ne ferai pas cette mauvaise plaisanterie de leur demander s’ils connaissent la philosophie de Duns Scot, — dont Renan, dans L’Histoire littéraire de la France, t. 

1823. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

En vérité, c’est bien se jouer du sens commun, et compter sur la bonhomie du lecteur.

1824. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Je convie mes lecteurs et je me convie le premier à de nouvelles recherches.

1825. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Il y a peut-être parmi les lecteurs de M. 

1826. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Feydeau les laisse dans l’esprit de son lecteur sans y répondre, pour peindre un bonheur du sein duquel il va lancer le tonnerre de la péripétie, qui doit changer ce bonheur en supplice par l’intervention très-naturelle du mari.

1827. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Le lecteur quelque peu mathématicien aura remarqué que l’expression équation peut être considérée telle quelle comme correspondant à un Espace-Temps hyperbolique.

1828. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Comme d’autres lecteurs ont pu rencontrer la même difficulté, et que nul, assurément, ne l’aura formulée d’une manière plus claire, nous allons citer cette lettre dans ce qu’elle a d’essentiel.

1829. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Avec de tels observateurs armés d’un tel microscope, les apparences s’effacent devant la réalité ; le lecteur se sent, se reconnaît tel que sa conscience l’avait toujours révélé à lui-même.

1830. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Le ton y changeait de lettre en lettre, avec les exigences de la polémique, et quelque grand intervalle qu’il y eût de la satire directe et personnelle à la plus haute éloquence, l’auteur le franchissait avec une agilité dont c’est le cas de dire qu’elle « ravissait » le lecteur. […] 2º L’Évolution du Roman. — Que l’action de Descartes ne s’est pas plus fait sentir dans le roman qu’au théâtre ; — et que, pas plus qu’elle n’a détourné Corneille de ses voies, elle n’a détourné les romanciers, ni leurs lecteurs, des modèles de l’Astrée. — Si l’on peut dire qu’il y ait une esthétique cartésienne [Cf.  […] V, « L’éloquence de Bossuet »]. — Qu’il semble qu’en tout cas la gloire du controversiste ait nui à celle de l’orateur. — Que, de dire de Bossuet qu’il était trop supérieur à son auditoire pour en être apprécié, c’est se tromper étrangement sur des auditeurs qui étaient les lecteurs de Pascal et les spectateurs de Racine. — D’un mot de Nisard à ce sujet. — C’est méconnaître également la manière dont agit l’éloquence. — Que si, comme le dit Voltaire, « Bossuet ne passa plus pour le premier prédicateur quand Bourdaloue parut », la raison en est bien simple ; — c’est que Bourdaloue aborde les chaires de Paris au moment où Bossuet en descend, — pour n’y plus remonter qu’à de rares intervalles ; — à partir de sa nomination comme évêque de Condom, 1669 ; — et comme précepteur du Dauphin, 1670. […] La Critique de Boileau. — Du mérite éminent de la critique de Boileau, qui est : — d’avoir enlevé leurs lecteurs aux Chapelain et aux Scarron ; — d’avoir presque révélé Molière [Cf. les Stances sur l’École des femmes] ; — La Fontaine [Cf. la Dissertation sur Joconde] ; — Racine [Cf. le Dialogue sur les héros de roman], à eux-mêmes autant qu’au public ; — et d’en avoir de haute lutte comme imposé l’admiration. — Haines que cette manière d’entendre la satire a naturellement soulevées ; — et comment Boileau y a fait tête ; — sans avoir contre elles d’autre protection que sa probité [Cf.  […] Digression sur les Anciens et les Modernes]. — Son indépendance à l’égard de la tradition. — Et enfin un homme d’esprit, c’est un homme qui voit les liaisons ou les appartenances des choses [Cf. l’Histoire des oracles] ; — et qui en suggère à son lecteur d’autres encore ; — de plus inattendues ou de plus éloignées. — Comment Fontenelle fait penser ; — et qu’une part de son esprit consiste dans la finesse ; — et dans la portée de ses sous-entendus.

1831. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Mais notre coup d’œil ne se bornera pas au livre, la personne nous attirera bien plus avant ; et ce sera notre plaisir, notre honneur d’introduire quelques lecteurs, de ceux même qui se souviennent d’elle, comme de ceux qui ont tout à en connaître, dans l’intimité d’un noble esprit qu’une confiance amicale nous a permis à loisir de pénétrer.

1832. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

L’article sur Varron est un modèle parfait de ce genre d’érudition et de doctrine encore grave, et déjà ménagé à l’usage des lecteurs du monde et des gens dégoût ; l’étude sur Lucile également ; et nous pourrions citer vingt autres articles gracieux et sensés, et finement railleurs, qui attestaient une plume faite, et si nombreux que de sa part, sur la fin, on ne les comptait plus.

1833. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Ce sont là des morceaux d’apparat, qui délassent le lecteur des descriptions exactes.

1834. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Elle recueillit toute sa force pour s’élever, par le mépris des coups, au-dessus de ses ennemis ; elle ne les sentit plus que dans les autres. » Nous demandons à tout lecteur de bonne foi si la pitié manque à l’infortune et si le respect manque à la catastrophe dans un tel tableau ?

1835. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Ce ne sont pas les œuvres, c’est la bouche que le lecteur veut connaître dans le grand artiste.

1836. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Il se peut que ce contraste même ravisse certains lecteurs, justement parce qu’il échappe à première vue et qu’on se sait gré de le découvrir, parce que Racine peut-être ne s’en doutait pas toujours, et qu’on se croit beaucoup d’esprit de démêler ce dont il n’avait pas conscience.

1837. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Nous l’avons vu, il use assez souvent de la forme didactique ; il s’adresse au lecteur et l’interpelle, ce qui suppose la présence de l’interpellateur.

1838. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Je ne donnerai donc que la légende explicative d’une sorte de préparation anatomique du système musical de la vie dramatique dans cette œuvre si puissamment organisée, laissant au lecteur entreprenant le plaisir de synthétiser l’homme dans son œuvre, l’artiste dans son caractérisme.

1839. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

Ce n’est pas aux lecteurs de cet ouvrage que je croirai jamais devoir prouver que les idées gouvernent et bouleversent le monde, ou, en d’autres termes, que tout le mécanisme social repose finalement sur des opinions.

1840. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

C’est que pour juger la prose, il faut de l’esprit, de la raison et de l’érudition, et qu’il y a beaucoup de tout cela en France ; tandis que pour juger la poésie il faut le sentiment des arts et l’imagination, et ce sont deux qualités aussi rares dans les lecteurs que dans les auteurs français.

1841. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

On voit qu’il se complaît dans sa création, et qu’il veut enlever l’admiration du lecteur pour cet homme si fort « dont le regard plombe les imbéciles ». […] Paul de Kock, qui eurent autrefois une certaine vogue dans un certain monde de lecteurs. […] Comment appeler sur ces matières abstraites l’attention du vulgaire des lecteurs, avides seulement d’émotions ? […] C’est vers ce but, sans doute, que l’ami d’Antoine l’exhorte à diriger ses efforts, quand il ajoute : « Au nom de Dieu, frère, écoute-moi : prend en main la défense de notre cause ; aide pour ta part à préparer une société meilleure pour tous 244. » Je veux bien que l’intention de l’écrivain ne soit pas allée jusque-là, mais la logique y mène le lecteur. […] Malheureusement ils survivent aux barricades ; et le nom, la popularité de son auteur ont fait à celui-ci, dans une certaine classe de lecteurs, un déplorable succès.

1842. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Pour l’objet du Cours dont le présent volume n’est que l’Introduction, je crois l’avoir assez clairement défini dans la première de ces dix Leçons, et il me suffit d’y renvoyer le lecteur. […] C’est avec lui que rivalisent, mais sans pouvoir l’éclipser, ni peut-être y songer seulement, et l’auteur de l’Alaric, et celui du Clovis, et celui du Saint-Louis, tous ces poêles épiques inspirés, comme lui, de la Jérusalem, du Tasse, et comme lui, curieux avant tout de faire voir aux lecteurs « qu’ils n’ont rien entrepris sans savoir toutes les proportions et tous les alignements que l’art enseigne ». […] Nous en avons un bel exemple dans Ronsard et dans ses imitateurs, comme Du Bellay, Du Bartas, Desportes, qui, dans le siècle précédent, ont été l’admiration de tout le monde, et qui aujourd’hui ne trouvent pas même de lecteurs. […] Mais, du même coup, par une suite nécessaire, elle nous enseignait à douter des règles de l’ancienne critique, fondées qu’elles étaient, elles, sur une expérience littéraire dont l’insuffisance apparaissait brusquement aux yeux de ses lecteurs. […] Il y a dans Calderon des beautés qui n’en sont point d’abord pour des lecteurs français, formés à l’école de Corneille, de Racine, de Voltaire ; qui sont cependant des beautés certaines, des beautés réelles, comme étant expressives de ce que le génie espagnol a de plus particulier ou de plus adéquat à lui-même ; qu’il nous faut donc en conséquence nous efforcer de sentir, par une étude plus approfondie de ce qui n’est pas nous ; — voilà ce que Mme de Staël avait voulu dire, voilà ce qu’elle avait dit.

1843. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Cependant quelques Grammairiens ont mieux aimé épuiser la Métaphysique la plus recherchée, & si je l’ose dire, la plus inutile & la plus vaine, que d’abandonner le Lecteur au discernement que lui donne la connoissance & l’usage de sa propre Langue. […] les lieux communs ou classes sous lesquelles on a rangé les matieres relatives à un même titre ; 5°. les Recueils faits par certains Lecteurs pour leur utilité particuliere, & accompagnés de remarques ; 6°. les extraits qui ne contiennent que des lambeaux transcrits tout entiers dans les Auteurs originaux, la plûpart du tems sans suite & sans liaison les uns avec les autres. […] Ils avertissent le lecteur de la distinction du sens. […] En latin, lorsqu’on marque les accens pour régler la prononciation du lecteur, si la pénultieme syllabe d’un mot doit être prononcée breve, on met l’accent aigu sur l’antépénultieme, quoique cette antépénultieme soit breve. […] Quoi qu’il en soit, j’ai crû qu’on seroit bien aise de trouver dans les exemples suivant, quel est aujourd’hui l’usage à l’égard de ces mots, sauf au lecteur à s’en tenir simplement à cet usage, ou à chercher à faire l’application des principes que nous avons établis, s’il trouve qu’il y ait lieu.

1844. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Cette disposition est excellente pour écrire des pages qui troublent le lecteur. […] Avec ces dons merveilleux, Villiers ne conquit jamais la faveur du public, et je crains que ses livres, même après sa mort, ne soient goûtés que d’un petit nombre de lecteurs. […] Maurice Spronck, cette étude méthodique fortement documentée, savante, profonde, laisse le lecteur sous une impression de tristesse et d’inquiétude. […] Faute d’avoir dans sa troupe deux lecteurs capables de dire les deux rôles d’Asmodée et du poisson — car le poisson parle — il imagina que le poisson n’était autre qu’Asmodée lui-même. […] Joséphin Péladan et qui eussent embarrassé des lecteurs mal préparés.

1845. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Édouard, que nous connaissons déjà, annonçait à ses lecteurs une nouvelle douloureuse : « La charmante et séduisante Moscovite, écrivait-il, une des reines de la mode, l’ornement des salons parisiens, madame de Lavretzky, était morte presque subitement ; et cette nouvelle, qui n’était malheureusement que trop vraie, venait de lui parvenir à l’instant. — On peut dire, continuait-il, que je fus un des amis de la défunte. » Lavretzky reprit ses vêtements, descendit au jardin et se promena en long et en large jusqu’au matin. […] demandera peut-être le lecteur curieux.

1846. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Je demande au lecteur s’il aperçoit clairement dans sa conscience ce qui distingue les deux idées. […] Il arrive assez souvent, dans certaines poésies modernes, qu’un des mots de la phrase n’a pas de sens connu du lecteur ou de l’auditeur ; celui-ci n’est pas arrêté par cette lacune ; il s’en aperçoit à peine ; il ne réclame pas le lexique indoustani ou malais dont l’ouvrage aurait besoin pour être entièrement compris.

1847. (1911) Études pp. 9-261

C’est simplement que Gide est attaché à tout ce qu’il ressent ; il aime ses goûts, il prend le parti de ses préférences, il insiste un peu sur ses penchants ; tant il les trouve agréables, il ne peut s’empêcher de les conseiller aux autres ; il les voit par mille délices récompensés, et se félicite de les éprouver, et invite le lecteur à les essayer à son tour. […] Un trouble léger émeut et confond les mots, ainsi que sous la délicatesse du vent s’emmêlent les feuillages d’arbres différents ; c’est un enchevêtrement pour plus de suite et de silence ; chaque parole finit par se poser à l’endroit où elle sera le plus passagère et le mieux persuadera le lecteur de la quitter le moins difficilement. […] Aux quelques lecteurs des Cahiers d’André Walter, Gide sans doute apparut d’abord pur et méfiant, auprès de la vie plein de scrupule, chaste, je veux dire : séparé.

1848. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

D’ailleurs, le lecteur trouvera à la fin de ce volume un Appendice consacré à la comparaison des différents textes de Hamlet, et cette étude plus générale lui fournira, nous l’espérons, quelques raisons encore de conclure comme nous sur le point du débat spécial auquel nous avons dû nous borner ici. […] Nous renvoyons les lecteurs à la Vie des hommes illustres, pour voir tout ce que le poëte doit à l’historien. […] On critiquera sans doute, dans cette pièce, le peu de liaison des scènes entre elles, défaut qui tient à la difficulté de rassembler une succession rapide et variée d’évènements dans un même tableau ; mais cette variété et ce désordre apparent tiennent la curiosité toujours éveillée, et un intérêt toujours plus vif émeut les passions du lecteur jusqu’au dernier acte. […] Passe, lecteur, en me donnant male heure, Seulement passe, et me va maudissant.

1849. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Songe-t-on à Shakespeare quand Othello tue Desdémone, et les lecteurs de l’Odyssée se soucient-ils de savoir quel était Homère ? […] Si le lecteur ne tire pas d’un livre la moralité qui doit s’y trouver, c’est que le lecteur est un imbécile, ou que le livre est faux au point de vue de l’exactitude » [Cf.  […] 1º Par l’intermédiaire d’Émile Montégut ; — qui fait du roman anglais et du roman américain, dans la Revue des Deux Mondes, 1851-1858, — une étude plus approfondie qu’aucun auteur étranger ne l’a faite, en aucun temps, d’une littérature étrangère ; — une sorte de « réalisme » à la fois sentimental et caricatural ; — se révèle aux lecteurs français. — Dickens et Thackeray en sont les principaux représentants ; — et David Copperfield, ou La Foire aux vanités deviennent presque aussi populaires en France qu’en Angleterre, — lorsque Taine a eu tracé de Thackeray et de Dickens, — les très beaux portraits que l’on sait.

1850. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Amédée Renée (est-il besoin de le rappeler aux lecteurs de cette revue ?)

1851. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Aimé-Martin, mais sans prétendre du tout dispenser le lecteur d’y recourir, ainsi qu’aux débats qui s’y rattachent.

1852. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

La métaphysique amaigrit l’esprit et lasse le lecteur ; il faut se reposer souvent dans cette route.

1853. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Elle ne veut plus de mannequin, elle n’invente plus de machine ; car la première chose que fait maintenant l’esprit du lecteur, c’est de dépouiller le mannequin, c’est de démonter la machine et de chercher la poésie seule dans l’œuvre poétique, et de chercher aussi l’âme du poète sous sa poésie.

/ 2011