La tragédie purge donc les passions à peu près comme les remedes guérissent, et comme les armes défensives garantissent des coups des armes offensives. […] Les écrivains qui ne veulent pas comprendre comment la tragédie purge les passions, alleguent pour justifier leur sentiment, que le but de la tragédie est de les exciter. […] Or quand on dit que la tragédie purge les passions, on entend parler seulement des passions vitieuses et préjudiciables à la societé. Une tragédie qui donneroit du dégoût des passions utiles à la societé, telles que sont l’amour de la patrie, l’amour de la gloire, la crainte du deshonneur, etc. Seroit aussi vitieuse qu’une tragédie qui rendroit le vice aimable.
. — Théorie de la tragédie. — III. […] Euripide. — Altération de la tragédie. — Pourquoi Rome n’eut point de théâtre […] Mais voici entre la tragédie grecque et la tragédie moderne une différence profonde. […] Mais qui de nous ou des Grecs a réalisé le plus parfaitement l’idéal de la tragédie ? […] Cette impersonnalité est bonne surtout dans la tragédie.
On peut s’en convaincre par l’inspection des prologues des tragédies grecques et des comédies de Térence. […] La protase ne revient donc à nos deux premiers actes qu’à raison de la première place qu’elle occupait dans une tragédie ou dans une comédie, et nullement à cause de son étendue. […] En remontant encore plus haut, on peut voir, par l’exposition des Cœphores, comment Eschyle avait conçu la tragédie. […] Les meilleurs poètes conçurent leurs épisodes de la sorte, et les tirèrent d’une même action ; pratique si généralement établie du temps d’Aristote, qu’il en a fait une règle : en sorte qu’on nommait simplement tragédies, les pièces où l’unité de ces épisodes était observée, et tragédies épisodiques, celles où elle était négligée. […] C’est pourtant sur ce modèle si déraisonnable, que sont faits la plupart des récits de nos tragédies, et on n’en connaît guère qui ne pèche contre la vraisemblance.
Mais le grand et incomparable succès de Raynouard fut au Théâtre-Français, quand on donna, le 14 mai 1805, sa tragédie des Templiers. […] « Il y avait, disait Geoffroy, un sort jeté depuis cinq ans sur les tragédies et les poètes tragiques : M. […] Un autre jour encore, un écrivain distingué venait de lui lire une tragédie […] Il traita de la tragédie considérée dans son influence sur l’esprit national : il se plut à montrer dans la tragédie des anciens, dans celle des Grecs, une institution politique. À Athènes, dès l’origine, il en fut ainsi ; à Rome, la tragédie, importée tard, et toute de cabinet, n’eut aucune influence sur l’esprit national.
Car, au surplus, on peut écrire des tragédies partout. […] la tragédie d’Euripide est fort belle. […] On parla beaucoup de la nouvelle tragédie. […] les tragédies historiques ! […] C’est, bel et bien, une divine tragédie.
Je crois même qu’à titre de pièce achevée et accomplie, de tragédie parfaite offrant le groupe dans toute sa beauté, il mettait Iphigénie au-dessus des autres, et la qualifiait le chef-d’œuvre de l’art sur notre théâtre. […] « Henriette d’Angleterre, belle-sœur de Louis XIV, dit-il, voulut que Racine et Corneille fissent chacun une tragédie des adieux de Titus et de Bérénice. […] J’accepte le mot sans défaveur, et je dirai à mon tour de Bérénice que c’est moins une tragédie qu’une comédie de cœur, une comédie-roman, contemporaine de Zayde, et qui allait donner le ton à la Princesse de Clèves. […] C’est par lui et par sa lutte sérieuse que le poëte remettait son œuvre sur le pied tragique, et prétendait corriger ce que le reste de la pièce pouvait avoir de trop amollissant : « Ce n’est point une nécessité, disait-il en répondant aux chicanes des critiques d’alors, qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie : il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. » Geoffroy, qui cite ce passage dans son feuilleton sur Bérénice, s’en fait une arme contre ceux qu’il appelle les voltairiens en tragédie, et qu’il représente comme altérés de sang et et de carnage dramatique. […] La lutte du cœur plutôt que celle des faits, tel est en général le champ de la tragédie française en son beau moment, et voilà pourquoi elle fait surtout l’éloge, à mon sens, du goût de la société qui savait s’y plaire.
Où est le physicien de nos jours chez qui l’on puisse apprendre à composer un discours et une tragédie ? […] Dans sa Poétique, telle qu’elle nous est parvenue, il n’est question que de la tragédie et du poème épique. […] « Puisque c’est par l’action que la tragédie imite, une première conséquence, c’est qu’une partie de la tragédie est nécessairement la pompe du spectacle, et que la mélopée et les paroles ne viennent qu’ensuite. […] Aristote termine au hasard, en donnant la supériorité à la tragédie sur le poème épique. […] « L’épopée, quelle que soit son imitation, est moins une que la tragédie ; et la preuve, c’est que, d’une seule épopée, on peut tirer plusieurs tragédies.
. — La Lyre et la flûte — La Tragédie et la Comédie se forment sous le double aspect des fêtes de Bacchus. — Le Dithyrambe. — Le Chœur. — Le premier acteur. […] C’est du chœur dansant, mené et rythmé dans ces pompes par le Dithyrambe, que la tragédie et la comédie naquirent en même temps. […] Naïveté touchante, enfance vénérable, Eschyle crie, Sophocle bégaye dans ce vagissement ; la tragédie y demande le lait sanglant qui la fera croître. […] Nouveauté d’une portée immense, Phrynicos introduisit la femme dans la tragédie ; avec elle, la tendresse et la pitié, la maternité et l’amour entrèrent sur la scène. […] Pratinas coupa à la tragédie cette queue bestiale qui la dégradait.
Si on en croit des Censeurs éclairés, il n’a pas conçu assez fortement la Tragédie ; il n’a pas mis assez d’action dans ses personnages. […] Une preuve que l’amour n’est pas nécessaire pour animer l’intérêt d’une Tragédie, c’est que les Grecs n’en ont point fait usage. […] Voilà Corneille, qui, sans modele, sans guide, trouvant l’Art en lui-même, tire la Tragédie du chaos où elle étoit parmi nous. […] Racine a réussi dans la Tragédie, la Comédie, l’Ode, l’Epigramme, & dans d’autres genres. […] A cette sage conduite, il joignit la plus grande docilité à profiter des critiques de ses amis, à se régler sur leurs observations, & à bannir de ses Tragédies les défauts qu’ils y reprenoient.
Je regarde, dit Voltaire, la tragédie et la bonne comédie comme des leçons de vertu, de raison et de bienséance. […] La tragédie nous humanise par la compassion, et nous retient par la crainte ; la comédie ôte le masque à demi, et nous présente adroitement le miroir. […] La tragédie excite la terreur et la pitié ; ce qui est signifié par le nom même de tragédie. […] C’est ce que le grand Corneille trouvait de moindre dans une tragédie. […] Est-ce une tragédie ?
Ce nom rappellera toujours le souvenir du Pere de nos Tragédies, & du plus étonnant de nos Poëtes. […] Il est certain qu’il n’eut jamais d’autre guide que son propre génie, qui, créé pour le sublime, entraîné par cette vigueur, cette énergie & cette fécondité qui lui étoient si naturelles, le portoit de lui-même vers les plus grands objets, & la Tragédie seule pouvoit développer ses richesses, en lui présentant des sujets dignes de son activité. […] Le Cid est la premiere Tragédie où il parut tout ce qu’il étoit & ce qu’il pouvoit devenir. […] Voltaire a fait des Tragédies, il est vrai ; mais sa touche est si foible auprès de celle de l’Auteur de Cinna, de Polieucte, de Rodogune, des Horaces, qu’il auroit dû se borner au genre de suffrages qu’il mérite, sans chercher à détruire une espece de culte dont la France & l’Europe Littéraire ne se départiront jamais en sa faveur. […] « Ce fut Corneille, dit M. l’Abbé de Voisenon, qui eut la gloire difficile de tirer la Tragédie du chaos où elle étoit.
quel changement des mœurs, ou du goût public, ou de l’idéal du drame et de la tragédie ? […] Réapparition du « romanesque » et du « lyrisme » dans la tragédie. — Que l’on assiste dans Phèdre à la transformation de la tragédie en grand opéra. — La vraie lignée de Racine. […] Or voilà justement ce qu’ils ne reconnaissaient pas dans la tragédie de Racine. […] Précisément en ce temps-là, Quinault, renonçant à la tragédie et à la comédie, n’écrivait plus que des « tragédies » lyriques. […] » Mais il avait mieux répondu dans la préface de sa tragédie.
L’intention du professeur du lycée est d’opposer à Corneille, fondateur de la tragédie de l’esprit, de la tragédie héroïque et politique, Racine, créateur de la tragédie du cœur, de la tragédie amoureuse et pathétique : il va plus loin, il semble vouloir ôter le titre de tragédie au drame héroïque et politique, pour en décorer exclusivement le drame amoureux et pathétique. […] Tout cela n’est point la tragédie ? […] Que manque-t-il donc à cette tragédie ? […] En effet, dans la tragédie d’Héraclius, on suppose à Phocas un règne de vingt ans. […] Cherchez dans toutes les tragédies de Voltaire un coup de théâtre aussi frappant.
Quels perfectionnements pouvait recevoir la tragédie après Corneille. — Des tragédies de Quinault. — § II. […] Quels perfectionnements la tragédie pouvait recevoir après Corneille. — Les tragédies de Quinault. […] Était-ce donc là de la tragédie rabaissée ? […] De ses onze tragédies, six ont pour premier rôle une femme. […] C’est là le principe de vie dans la tragédie.
La tragédie appartient à des affections toujours les mêmes ; et comme elle peint la douleur, la source de ses effets est inépuisable. […] C’est que l’attendrissement dans les tragédies, comme le rire dans la comédie, n’est qu’une impression passagère. […] La tragédie met en action cette sublime vérité. […] Le nom de M. de Malesherbes, sa noble et terrible destinée, seraient le sujet de la tragédie du monde la plus touchante. […] Mais c’est la réunion même de ces deux talents qui a été l’une des principales causes des grandes différences qui existent entre la tragédie française et la tragédie anglaise.
Il y a eu successivement en France deux formes de la tragédie, deux tragédies… essentiellement distinctes et opposées. […] Elle est assez vraie de la tragédie antique comparée à la tragédie française. […] Nous sommes pleinement dans la tragédie française. […] Seulement les tragédies de Montchrétien n’étaient pas des tragédies. Les tragédies de Racine sont des tragédies, et elles sont écrites en style poétique.
Les résultats du théâtre romantique : la tragédie est impossible. […] Aussi lui faut-il d’autres proportions que celles de la tragédie classique : il débute par Cromwell, qui est injouable ; et lorsqu’il se resserre selon les nécessités de la représentation, il a encore en général une durée presque double de celle des tragédies. […] Job, l’Empereur, Guanhumara, Otbert se retrouvent comme dans une tragédie de Crébillon. […] C’était la tragédie qui ressuscitait, mais la vraie tragédie, la vivante, l’humaine, celle de Corneille et celle surtout de Racine. […] La tragédie était impossible.
Il entend parler du pere Rapin et de Monsieur Dacier, dont il vient de rapporter les jugemens sur les tragédies françoises, jugemens qu’il adopte avec d’autant plus de plaisir qu’il a composé son ouvrage, principalement pour montrer la supériorité de la tragédie ancienne sur la tragédie moderne. […] Le lecteur ne sçauroit avoir oublié déja que lui-même il étoit poete, et qu’il avoit composé plusieurs tragédies à l’imitation de celles des anciens. […] En mil sept cent douze, Monsieur Philips fit représenter, et puis imprimer une nouvelle traduction en vers de cette même tragédie. […] Enfin nos voisins ne traduisoient pas les tragédies de Jodelle et de Garnier. […] L’abbé Gravina a fait une pareille plainte pour la langue italienne dans son livre sur la tragédie.
Et puis, où sont donc les tragédies créées, parmi celles que depuis trente ans on nous a données pour nouvelles ? […] Si nous passons à l’Odéon, nous trouvons en première ligne des tragédies qu’on y a représentées, les Macchabées, ouvrage fort remarquable de M. […] Espérons que le Théâtre-Français se souviendra enfin que ses cartons renferment une belle tragédie d’un poète trop tôt pleuré, et que le public l’attend. […] Villemain sur ce créateur de la tragédie moderne, et qu’ils voient comment le goût le plus pur se prosterne devant le génie. […] Il est urgent qu’une tragédie de Shakespeare, prévienne le danger et empêche l’opinion de s’égarer soit en bien soit en mal sur le grand procès dramatique.
On s’en servoit même quelquefois dans la représentation des tragédies. Le masque quoique banni de nos tragédies, ne l’est pas encore entierement de nos comédies. […] Dans la tragédie, les acteurs sont montez sur des especes d’échasses, et ils portent des masques, dont la bouche est d’une ouverture énorme. […] Les acteurs anciens, tant ceux qui joüoient la tragédie, que ceux qui joüoient la comédie, avoient plusieurs masques, et ils en changeoient. […] Tout le monde sçait la fable de Phedre, dans laquelle un renard s’écrie après avoir examiné un masque de tragédie ?
C’est qu’il est très-rare qu’un tableau fasse pleurer, et que les tragédies font souvent cet effet, même sans être des chefs-d’oeuvres. […] Une tragédie qu’on entend réciter sur le théatre, est aidée par des secours étrangers dont nous exposerons tantôt le pouvoir. Les tragédies qu’on lit en particulier ne font gueres pleurer, principalement ceux qui les lisent sans avoir entendu les réciter auparavant. […] Je réponds en second lieu, qu’une tragédie renferme une infinité de tableaux. […] Cinquante scénes qui sont dans une tragédie doivent donc nous toucher plus qu’une seule scéne peinte dans un tableau ne sçauroit faire.
Cet éclat extraordinaire que jetait dès lors la tragédie, et qui faisait d’un succès dramatique un événement des fastes nationaux, cette illustration du génie poétique sous la forme la plus vivante, était renfermée dans la cité de Minerve. […] C’est là que, pour juges de ce prix de l’art dramatique décerné, aux applaudissements d’un peuple idolâtre, la tragédie naissante avait eu les dix généraux de l’armée de Marathon. […] Ailleurs même il l’appelle « cet inintelligible et boursouflé Thébain, auquel M. de Chabanon veut bien prêter, en le traduisant, de l’ordre et de la clarté », au lieu de faire de son chef quelque tragédie nouvelle, ou quelque opéra. […] La tragédie des Perses115 semble d’abord un hymne élégiaque, talles que les malédictions et les déplorations des prophètes hébreux. Quel hymne chanté à deux parties, quel chœur lamentable égala jamais l’ouverture de cette tragédie, ce réveil sinistre du palais de Xercès, cette présence de sa mère, de la veuve de Darius, au milieu des vieillards de sa suite et de ses femmes ?
Elle y est, et la preuve, — ne riez pas, — c’est qu’on y joue des tragédies ! […] Depuis quelques années on s’était mis à jouer des tragédies dans nos villages du Comtal. […] On était en rivalité de tragédies, et dans ces luttes pacifiques on apportait la même passion que dans ces rixes terribles où, vingt ans auparavant, des villages entiers venaient offrir la bataille aux villages ennemis. » Or, à cette tragédie jouée à Montalric, il y avait, au milieu de la foule compacte, un homme qui assistait pour la première fois a cette solennité, et c’est de la rencontre et de la combinaison de la tête singulière de cet homme, simple potier-terrailler de son état, et de cette tragédie, dont l’impression le bouleversait, que va sortir tout le roman de M. de La Madelène. […] IV Et il n’y avait d’ailleurs qu’un artiste enfant à son aurore, et charmant comme tous les enfants et comme toutes les aurores, qui pût naïvement s’encharmer, — et à ce point, — d’une tragédie de Voltaire ; et un initiateur de vocation, qui pût s’atteler à ce projet de la faire jouer, cette tragédie, dans son village, malgré l’indifférence, les railleries, les routines, l’inintelligence, les obstinations des circonstances et des hommes, toujours plus bêtes qu’elles… Pour que la donnée du livre de M. de La Madelène fût admissible, il fallait Espérit ; il fallait cette perle de poésie éveillée, d’enthousiasme, de candeur, de finesse, de douceur infatigable ; il fallait ce lunatique irrésistible qui finit par les emporter dans sa nuée, les plus récalcitrants, les plus lourds à soulever, les plus attachés à la terre, et qui fait jouer un jour, et qui qu’en grogne, sa tragédie devant dix villages rassemblés ! […] Lorsque, dans le cours du roman, Espérit parvient à faire jouer sa tragédie, il éclate tout à coup, à la représentation qu’il a achetée par tant d’efforts, une émeute effroyable qui, à elle seule, ferait lire le livre du Marquis des Saffras et classerait l’homme qui l’a peinte.
Aristote, il est vrai, a prétendu que le poème épique est tout entier dans la tragédie : mais ne pourrait-on pas croire, au contraire, que c’est le drame qui est tout entier dans l’épopée ? Les adieux d’Hector et d’Andromaque, Priam dans la tente d’Achille, Didon à Carthage, Énée chez Évandre, ou renvoyant le corps du jeune Pallas, Tancrède et Herminie, Adam et Ève, sont de véritables tragédies, où il ne manque que la division des scènes et le nom des interlocuteurs. D’ailleurs, la tragédie même n’est-elle pas née de l’Iliade, comme la comédie est sortie du Margitès ? […] L’Épopée a donc des parties qui manquent au drame ; elle demande donc un talent plus universel ; elle est donc une œuvre plus complète que la tragédie. […] Enfin, si le drame est la première des compositions, et que l’Épopée ne soit que la seconde, comment se fait-il que depuis les Grecs jusqu’à nous on ne compte que cinq ou six poèmes épiques, tandis qu’il n’y a pas de nations qui ne se vantent de posséder plusieurs bonnes tragédies ?
La vraisemblance encore soumettait la tragédie aux unités ; et la vraisemblance enfin imposait à la tragédie un langage simple et naturel, sans pompe et sans déclamation. […] Ainsi, dans toutes ses parties et dans toute sa forme, la tragédie doit être vraisemblable. […] Dans la tragédie, c’est la « douce terreur », la « pitié charmante » ; ce sont les pleurs. […] Voilà pourquoi la tragédie doit être pathétique, ne pas nous décrire les caractères en repos, niais les figurer dans la passion, en convulsion. […] La loi du genre est de faire rire, comme celle de la tragédie est de faire pleurer.
Il n’y a rien dans une telle disposition, qui puisse fournir aux développements de la tragédie. […] Accius, dit un commentateur, avait composé une tragédie sur Brutus, qui fut représentée aux jeux apollinaires. Mais une lettre de Cicéron à Atticus dit que ce fut la tragédie de Térée qui fut représentée à ces jeux ; et un autre commentateur assure que ce n’était point une tragédie de Brutus qu’avait faite Accius, mais des vers adressés à un Brutus, descendant du premier, avec lequel il était très lié. […] Il ne nous est resté ni un titre ni un éloge de semblables tragédies dans Horace ni dans Cicéron, qui mettaient l’un et l’autre cependant beaucoup de prix à faire valoir la littérature latine. […] Les Romains sont d’une nature ardente et sublime ; ils respirent le sentiment de la tragédie, et peuvent oser avec succès.
La tragédie qu’il n’a pas achevée, c’est Achille. […] Vous savez ce que c’est que les vers de Voltaire dans les Tragédies. […] Ce n’est pas du style de Voltaire, c’est du style de la tragédie de cette époque, voilà tout. […] Ce sont des vers de tragédie comme on les faisait à cette époque. […] Cette tragédie avait été écrite par l’abbé Genest en 1684.
En effet, s’il y a dans les ouvrages des anciens dramatiques des beautés de tous les temps et de tous les lieux, il n’en est pas moins vrai qu’une bonne tragédie grecque, fidèlement transportée sur notre théâtre, ne serait pas une bonne tragédie française. […] C’est à lui que l’on dut la première tragédie intéressante qui commença la gloire du théâtre français, et prépara sa supériorité. […] Combien l’art de la tragédie, qui doit être le résultat de tant de mérites différens, était loin de les réunir ! […] Il vit que des conversations politiques n’étaient pas la tragédie. […] On avait vu de belles scènes : on vit enfin une belle tragédie.
Dans ses tragédies, Arnault n’a qu’un demi-talent : dans ses apologues et dans sa prose, il a tout son esprit, et, par ce côté, il s’y est mis tout entier lui-même. […] Il avait été question d’Homère, de l’Odyssée, de la tragédie, de toutes sortes de choses littéraires. […] Les autres intérêts, qui s’y trouvent mêlés, les intérêts d’amour surtout, qui dominent dans les tragédies françaises, ne sont que de la comédie dans la tragédie. — Ce n’est qu’une comédie non plus, qu’un drame, si sérieux, si pathétique qu’il soit, tout y étant fondé sur les intérêts privés. Zaïre, d’après son opinion, n’était qu’une comédie. — Un jour, à la suite d’une discussion sur la tragédie, il avait dit à Arnault : « Faisons une tragédie ensemble. » Le poète avait répondu avec plus de fierté et de malice que de curiosité et de confiance : « Volontiers, général, mais quand nous aurons fait ensemble un plan de campagne. » Revenu en France avant que Bonaparte fût de retour d’Égypte, Arnault avait fait représenter sa tragédie des Vénitiens qui eut beaucoup de succès (16 octobre 1799) ; il la dédia « à Bonaparte, membre de l’Institut », et reconnut dans la dédicace que l’idée du cinquième acte était due au général. […] Une tragédie de lui, Don Pèdre, ou Le Roi et le Laboureur, représentée en 1802, réussit peu devant le public et n’agréa pas davantage à Saint-Cloud.
Le poète y demeure deux mois, et aussitôt voilà les tragédies qui reprennent l’avantage sur les coursiers aux fières encolures. […] En un mot, dans ma tragédie, telle que je la conçus tout d’abord, Myrrha ferait les mêmes choses qu’elle décrit dans Ovide ; mais elle les ferait sans les dire. […] C’est ainsi que, pour la troisième fois, je manquai à ma résolution de ne plus faire des tragédies, et que de douze qu’elles devaient être, elles sont arrivées au nombre de dix-neuf. […] « — Mais j’ai fait quatorze ou quinze tragédies contre les rois de l’antiquité, j’ai fait Brutus ! […] J’éprouvai donc une immense satisfaction, quand vint le jour où ces tragédies, qui m’avaient coûté tant de sueurs, terminées et emballées, s’en allèrent en Italie et ailleurs.
Les tragédies en prose plairoient ou ne plairoient pas. […] Voudriez-vous réduire nos tragédies à la nudité des vers ? […] On fit bien-tôt d’autres tragédies dans ce genre. […] Pourquoi des vers dans vos tragédies ? […] On fait vanité de porter l’epique dans la tragédie : en croyant la parer, on la déguise.
Si ses talens poétiques ne peuvent être comparés à ceux des Corneilles, des Racines, des Moliere, des Lafontaine, des Boileau, &c. il peut du moins être regardé comme le Créateur des Tragédies lyriques parmi nous, & comme le meilleur modele de ce genre de Poésie. […] Quinault s’est aussi exercé dans la Tragédie & dans la Comédie ; c’est même par-là qu’il avoit commencé d’essayer ses talens : mais ses Tragédies sont foibles, romanesques ; & de toutes ses Comédies, on n’estime guere que la Mere coquette, qui effectivement est une bonne Piece d’intrigue, & une des plus anciennes qui soient sur le Théatre. Au reste, les détracteurs de Boileau lui font un crime des traits qu’il s’est permis contre ce Poëte, comme s’ils pouvoient ignorer que Boileau n’avoit en vue [ainsi qu’il est aisé de s’en convaincre par les Notes de son Commentateur] que les Tragédies non lyriques de Quinault, qui en effet sont médiocres. […] D’ailleurs, Boileau, nous le répétons, n’avoit en vue que les Tragédies de Quinault, & rendoit justice à ses autres Ouvrages, comme il s’en explique lui-même dans une de ses Préfaces. […] Quinault, dont on a quinze ou seize tant Tragédies que Comédies, & treize Opéra, continua jusqu’à sa mort, avec une régularité scrupuleuse & un courage inoui, les fonctions monotones de sa Charge d’Auditeur des Comptes, comme s’il n’eût jamais connu d’occupation plus intéressante pour son esprit & pour son cœur ; effet admirable & cependant naturel de cet amour du devoir, la base de toute société, l’idole de nos bons aïeux, & que, pour le malheur de notre âge, a éteint dans presque tou les cœurs l’esprit de systême & d’égoïsme, digne fruit des tristes lumieres de la moderne Philosophie.
Si c’était Racine, par exemple, si c’était la tragédie comme la comprenait ce chaste génie aux grâces décentes, Vacquerie écrirait-il encore : « L’admiration, chose admirable ! […] Racine et la tragédie sont les deux horreurs d’Auguste Vacquerie. […] la tragédie, qu’il confond, non sans raison, avec l’homme qui se l’est appropriée par la perfection dont il a joué de cette chose difficile, force le théoricien de l’admiration effrénée que nous venons de voir à se tenir devant, le poing fermé, au lieu de se tenir derrière, à comparer malhonnêtement la vieille tragédie au jeune drame, et à ramasser non plus la plume du poète, qu’il ferait bien de garder s’il la ramassait, mais des injures inouïes et des raisons exhilarantes contre les objets de sa double détestation. Écoutons-le un peu, ce gracioso de la critique : « La tragédie est le jambage de l’art. […] Ne nous parle-t-il pas aussi quelque part de tragédies éculées ?
Nous envisageons, nous, Andromaque en tragédie et en tragédie romanesque, bien entendu. […] C’est un « mélodrame », soit ; mais, diantre, c’est aussi une tragédie et une fière tragédie. […] Que fait la tragédie classique ? […] Autant que la tragédie, elle compte sur son humilité et plus que la tragédie elle le met à l’épreuve. […] Elle avait affranchi la tragédie.
Qu’est-ce que la tragédie ? […] Tragédie et comédie faites pour s’entendre. […] Ce sphinx soufflait à Eschyle la tragédie et à Aristophane la comédie. […] C’était souvent moins une tragédie qu’un dithyrambe. […] Cinquante-deux de ses tragédies avaient été couronnées.
Racine, ce peintre de l’amour, dans ses tragédies, sublimes à tant d’autres égards, mêle souvent aux mouvements de la passion des expressions recherchées qu’on ne peut reprocher qu’à son siècle : ce défaut ne se trouve point dans la tragédie de Phèdre ; mais les beautés empruntées des anciens, les beautés de verve poétique, en excitant le plus vif enthousiasme, ne produisent pas cet attendrissement profond qui naît de la ressemblance la plus parfaite avec les sentiments qu’on peut éprouver. […] La tragédie de Tancrède doit donc faire verser plus de larmes. — Voltaire, dans ses tragédies, Rousseau, dans La Nouvelle Héloïse, Werther, des scènes de tragédies allemandes ; quelques poètes anglais, des morceaux d’Ossian, etc. ont transporté la profonde sensibilité dans l’amour.
Dans les vives polémiques qui s’engagèrent, les partisans du nouveau genre et ses ennemis ne le comparaient pas ordinairement à la comédie pure, mais à la tragédie : de La Chaussée à Beaumarchais, le grand argument qu’on fait valoir en sa faveur, c’est qu’il est plus vrai, et plus moral que la tragédie, parce qu’il peint des personnages pareils à nous, dans des situations pareilles à celles où nous nous trouvons tous les jours. Si bien que ce genre, qui se détache de la comédie, aspire à remplacer, non la comédie, mais la tragédie. […] Mais il ; reconnaît autour d’eux d’autres genres dramatiques, et voilà la liste qu’il dresse : Comédie — Comédie sérieuse — Tragédie bourgeoise — Tragédie. […] Les Italiens et la Foire La Comédie-Française était seule à jouer des tragédies : elle maintenait au besoin les auteurs dans la tradition. […] Il fait une tragédie, Annibal, après l’échec de laquelle il donne aux Italiens son Arlequin poli par l’amour (1720).
La seconde était une tragédie d’imagination imitée de Zaïre, et dont le sujet était pris dans les croisades. La troisième était une tragédie biblique, intitulée Saül, pastiche, assez bien versifié, de Racine et d’Alfieri. […] J’ai écrit une tragédie intitulée Saül. […] J’ai écrit trois ou quatre tragédies ; vous venez d’en entendre une. […] C’est que leurs tragédies ne sont que des œuvres d’art, et que celle de Racine est une inspiration de foi.
En un mot, ces deux tragédies qui parurent dans le même mois, lutterent durant plusieurs jours avant que l’excellente eut terrassé la mauvaise. […] Elle fit aller un peu plus de monde à la tragédie de Pradon qu’il n’y en auroit été, par le motif seul de voir comment le concurrent de Racine avoit traité le même sujet que ce poëte ingénieux. […] Quand le succès de ces deux tragédies sembloit égal, à compter le nombre des personnes qui prenoient des billets à l’hôtel de Guenegaud et à l’hôtel de Bourgogne, on voïoit bien qu’il ne l’étoit pas dès qu’on écoutoit le sentiment de ceux qui sortoient de ces hôtels, où deux troupes separées joüoient alors la comedie françoise. […] Nous apprenons encore d’Aulugelle, qu’Euripide ne vit couronner que cinq tragédies des soixante et quinze qu’il avoit composées. […] Je répons : Aulugelle et Martial ne disent point que les tragédies d’Euripide ni les comédies de Menandre aïent été jugées mauvaises, mais bien que d’autres pieces plurent d’avantage.
Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. […] Une tragédie chrétienne dont l’action se passe à un moment quelconque des trois premiers siècles de l’Empire, de Néron à Dioclétien, cela comporte un certain nombre de personnages sans doute inévitables. […] Mais souvent, dans les tragédies chrétiennes qu’on nous fait encore, les martyrs semblent verser leur sang pour un « idéal » aussi peu formulé que celui des poètes romantiques, ou, tout au plus, pour la religion de Pierre Leroux et de George Sand, et quelquefois pour celle du prince Kropotkine. […] Jules Barbier, dans son avant-dernière scène, met bravement cette note de couleur scientifique, un peu inattendue dans une tragédie chrétienne : « Ponticus complètement anesthésié ». […] Là aussi nous retrouvons d’abord les éléments habituels d’une tragédie chrétienne.
C’est d’après cet ouvrage précieux à la littérature que j’ai entrepris de rendre une des plus singulières tragédies de Shakespeare. […] Enfin, il couronna sa carrière dramatique par une tragédie de son invention, Abufar (1795). […] De là l’originalité de Ducis, originalité sincère, généreuse, dont les contemporains ne tardèrent pas à s’apercevoir en écoutant ses tragédies, et qui aujourd’hui ne nous échappe qu’à cause du mauvais goût général, du style banal et convenu où elle est noyée. […] Sa première pièce donnée au Théâtre-Français fut la tragédie d’Amélise, de laquelle Collé dit en son Journal (janvier 1768) : Les Comédiens-Français ont donné, le samedi 9 du courant, la première représentation d’Amélise, tragédie d’un M. d’Ussy, auteur inconnu. […] Aux tragédies de Ducis, il ne faut demander ni plan, ni style suivi, mais des mots et quelques scènes.
Mais si d’abord la tragédie n’était ni dans la conception, ni dans le développement, je doute que plus tard elle se retrouvât dans cette étude du détail. […] Même chose arriva à une tragédie de Roméo et Juliette, que je développai pourtant tout entière, mais avec effort et non sans me reprendre. […] J’avais conçu cette tragédie à Pise, l’année d’avant, et j’en avais pris le sujet dans l’Agamemnon de Sénèque, pièce détestable, s’il en fut. […] Je n’avais jamais su qu’il eût fait une tragédie de ce nom. Je pris alors quelques avis, et l’on me dit que c’était une des bonnes tragédies de l’auteur.
. — Lucrèce, tragédie (1863). — Agnès de Méranie (1846). — Charlotte Corday (1850). — Horace et Lydie, comédie (1851). — Ulysse, tragédie avec chœurs, prologue et épilogue (1852). — L’Honneur et l’Argent (1853). — La Bourse, comédie (1856). — La Bourse, cinq actes (1856) […] La beauté de cette tragédie serait la conséquence obligée des métaphores à tous crins d’un adversaire ? […] Viennet, il peut s’appeler la Fosse, Saurin, du Belloy, la Touche, c’est-à-dire du nom de tous les gens de lettres qui ont bâti des tragédies ! […] Ponsard alla lire sa tragédie tous les soirs !
Comment les émotions de la tragédie n’ont-elles pas ébranlé d’abord le poëte éminemment tragique ? […] N’est-ce pas là de la tragédie ? […] De là aussi la différence de conception qui se fait remarquer entre ses pièces historiques et ses tragédies. […] Ainsi fut fait le monde ; ainsi Shakespeare a conçu la tragédie. […] Dans Hamlet, la seconde de ses tragédies, il en reproduit le tableau avec une sorte d’effroi.
Quoique le geste ne soit pas réduit en art parmi nous, quoique nous n’aïons pas approfondi cette matiere, et par consequent divisé les objets autant que les anciens l’avoient fait, nous ne laissons pas de sentir que la tragédie et la comédie ont des gestes qui leur sont propres spécialement. Les gestes, les attitudes, le maintien et la contenance de nos acteurs qui récitent une tragédie, ne sont pas les mêmes que ceux des acteurs qui joüent une comésie. […] Mais les choeurs des tragédies anciennes étoient executez par de bons acteurs bien exercez, et la dépense qui se faisoit pour les représenter étoit même si grande, que les athéniens avoient ordonné par un reglement particulier que les magistrats en feroient les frais. […] Il me semble qu’un pareil spectacle n’étoit pas la scéne la moins touchante d’une tragédie. […] Enfin nous avons vû des choeurs qui ne parloient pas, et qui ne faisoient qu’imiter le jeu muet des choeurs de la tragédie antique réussir sur le théatre de l’opera, et même y plaire beaucoup, tant qu’ils y ont été executez avec quelque attention.
La tragédie court les rues. […] Adieu donc la tragédie ! […] La Correspondance avec Talma commence en ces années, et elle nous offre de touchantes et mâles beautés qui valent bien, à mon sens, celles des tragédies elles-mêmes. […] De la raison, de l’enchaînement, oui ; mais de l’émotion, mais de la tragédie… Ma gloire, si gloire il y a, sera d’avoir été voire poète… » (Avril 1804.) […] Ducis était sur le chemin de la tragédie, telle qu’il l’eut souhaitée et qu’il l’appelait de ses vœux en la demandant partout autour de lui aux poètes de son temps ; mais la tragédie ne se commande point.
Le lyrisme domine aussi toute la tragédie de la Renaissance, de Jodelle à Montchrétien. […] Il se dégage, de cette richesse, une impression de vie, de spontanéité, bien plus grande que de la tragédie. […] Bien plus ; il envahit la tragédie ! À l’époque de la Renaissance, la tragédie était souvent une élégie ; au xviie siècle elle est surtout romanesque. […] D’ailleurs, dans cette tragédie antique qui nous apparaît comme un bloc, combien d’étapes diverses par où s’expliquent les éléments lyriques et épiques !
Sa pièce de 1820 n’était autre, après tout, qu’une tragédie. […] Quant à l’œuvre dramatique, pour tous ceux qui veulent tenir compte de ce qu’était et de ce que devait être une tragédie avant que les moules fussent brisés, même une tragédie en voie de renouvellement, elle a fait tête à la reprise. […] Les applaudissements en tragédie, comme le tonnerre sur les temples, doivent tomber là où il faut. […] Quand on relit aujourd’hui Schiller, et que l’on compare avec la tragédie de M. […] On peut s’étonner qu’il n’y ait pas eu plus tôt en français de tragédie, du moins notable, sur Marie Stuart.
Ce seul exemple suffit à montrer combien, dans les premières imitations latines, la tragédie grecque devait perdre de sa magnificence et de son harmonie. […] La tragédie, à Rome, eut-elle toujours aussi la même timidité ? […] Une circonstance même des essais dramatiques, à Rome, favorisait cet essor de la tragédie. […] Seulement, le retour en était plus fréquent sur le théâtre antique ; et cette forme, que goûtaient les spectateurs, dut rendre enfin à la tragédie latine, dans les sujets imités de l’art grec, quelques accents d’inspiration lyrique. […] Ne soyons donc pas étonnés que, sauf les éloges donnés à la Médée d’Ovide et au Thyeste de Varius, il n’y ait aucun souvenir de la tragédie latine sous les premiers Césars.
Il y a à cela trois causes qui sont dans la nature même du drame ou de la tragédie. […] C’était Molière qui avait fait représenter les premières tragédies de son ami sur son propre théâtre, en répondant, pour ainsi dire, au public, de la chute ou du succès de ces tragédies. […] Cependant Racine n’ayant pas été satisfait dans sa vanité de la manière dont les comédiens de Molière jouaient son Alexandre, retira brusquement sa tragédie de ce théâtre. […] Elle passa, avec la tragédie, du théâtre de Molière au théâtre de Bourgogne, enlevant ainsi à Molière la curiosité d’une pièce nouvelle et la popularité d’une comédienne accomplie. […] L’idylle ici s’élève au ton de la tragédie.
Pourquoi aller choisir nos Tragédies dans le costume antique ? […] La Tragédie, en France, a peint l’homme en efforts & non dans ses habitudes, qui révèlent le fond des caractères. […] Nous citerons ici une petite fable Persanne, intitulée : La Tragédie moderne. […] Un seul & même moule a frappé leurs productions, à un coin toujours semblable ; & l’uniformité n’a fait, pour ainsi dire, qu’une Tragédie, de toutes nos Tragédies Françoises. […] On affiche le monstre, sous le nom de Tragédie.
Forts de l’autorité de Newton, qui a quelque part traité la poésie de « niaiserie ingénieuse », les géomètres demanderont bientôt ce que « prouve » une tragédie ? […] Qui s’étonnera là-dessus qu’il n’y ait pas ombre de psychologie dans les tragédies de Voltaire, dans sa Sémiramis, dans son Orphelin, dans son Tancrède ? […] on dirait que la tragédie reflue vers sa source, pour s’y retremper ; et rien ne ressemble davantage à sa lutte contre le mélodrame des Diderot, des Mercier, ou bientôt des Guilbert de Pixerécourt, que la lutte autrefois soutenue par la tragédie cornélienne contre la tragi-comédie des Rotrou, des Mairet, des Hardy. […] Pareillement, on ne prend pas non plus la tragédie de Corneille ou de Racine pour modèle quand on a cessé de sentir ou de penser comme eux. […] II, 639], — elle est le contraire même de la tragédie, — et du théâtre.