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872. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

Il lui arrivera une fois de sortir de son caractère, de vaincre la disposition et la pente de son organe. […] C’est mon ami Grimm ou ma Sophie qui m’ont apparu, et mon cœur a palpité, et la tendresse et la sérénité se sont répandues sur mon visage ; la joie me sort par les pores de la peau, le cœur s’est dilaté, les petits réservoirs sanguins ont oscillé, et la teinte imperceptible du fluide qui s’en est échappé, a versé de tous côtés l’incarnat et la vie.

873. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Il étoit reservé à ces peuples que la misere feroit sortir un jour de dessous les neiges du nord, de croire que le meilleur champion devoit être necessairement le plus honnête homme, et qu’une societé où l’honneur obligeroit les citoïens à vanger eux-mêmes à main armée leurs injures, ou vraïes ou prétendues, pouvoit mériter le nom d’état. […] Il semble que Claudien auroit eu peine à croire une chose à laquelle les provençaux ne daignent pas faire attention, s’il ne fut jamais sorti de l’égypte, où l’on croit qu’il étoit né.

874. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

cette admirable figure de Don Quichotte, d’où sort tant de mélancolie qui se répand dans tout le livre et pénètre jusqu’aux endroits où il semble être le plus gai, cette figure et ce sentiment, supérieurs dans l’œuvre de Cervantes à tous les personnages qui y vivent et à tous les sentiments qui s’y expriment, voilà précisément ce qui manque à l’œuvre de son continuateur. […] Germond de Lavigne ne pourra rien contre le sort qui attend le livre dont il est le scoliaste volontaire et passionné.

875. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

. — Nous, cœur d’honnête homme, nous croyions naïvement que si MM. les commissaires n’avaient pas associé le chef de l’école actuelle à cette fête artistique, c’est que ne comprenant pas la parenté mystérieuse qui l’unit à l’école révolutionnaire dont il sort, ils voulaient surtout de l’unité et un aspect uniforme dans leur œuvre ; et nous jugions cela, sinon louable, du moins excusable. […] Ne le raillez point de vouloir sortir de sa sphère, et aspirer, l’excellente créature, aux régions hautes.

876. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

. — Remarquons seulement ici que les hommes, sortis de leur liberté native, et domptés par la sévérité du gouvernement de la famille, se trouvèrent préparés à obéir aux lois du gouvernement civil qui devait lui succéder. […] Cependant, lorsque la barbarie antique reparaissant au moyen âge détruisait partout les cités, le même ordre assura le salut des familles, d’où sortirent les nouvelles nations de l’Europe.

877. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Le lendemain matin il sortit, prit place à la porte et dit au peuple : « Vous êtes justes. […] Comment sortir de nous-mêmes ? […] Des bois, des plaines, des collines sort la grande âme végétale, qui monte à la rencontre de ses rayons. […] On sort de cette lecture avec la conviction qu’aux yeux de l’auteur la France est une vaste Salpêtrière. […] Dansons avec reconnaissance sur le volcan où le sort nous a jetés.

878. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Ces talents étaient éclos et inspirés d’eux-mêmes et sortaient bien en droite ligne du mouvement français inauguré par Chateaubriand. […] Sur ses pas, les Français sortirent des jardins taillés par Le Nôtre, des décors d’opéras, de la nature artificielle, pour aller contempler la vraie nature en pleine campagne. […] Arrivés à la porte, nous fûmes accostés par un personnage qui en sortait. […] Que peut contre le sort la raison mutinée ? […] Les Français auront toujours de la peine à sortir des vieilles ornières.

879. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Tout sort ici de la donnée première, tout s’y rapporte et tout y est d’abord contenu. […] Aussi n’en sortirions-nous pas s’il n’avait heureusement un point faible : — c’est sa sensualité. […] pouvons-nous croire au « sort » ainsi jeté sur elle ? […] aucun d’eux n’a le courage ni de sort crime ni de sa résistance, et on ne se défend pas plus mal qu’Hippolyte. […] J’acceptai le premier parti, et en sortis à six heures du soir ivre-mort.

880. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Ce fait sort de toutes parts. […] Un pape sorti de l’école des Arabes ! […] C’est le sort d’Alexandre. […] Une autre va sortir du plus grand homme de l’Espagne, du Cid. […] Il domine la foule ; et il en est sorti.

881. (1922) Gustave Flaubert

De cette idée qu’il n’y a pas de sujet sort en effet la poésie de Boileau comme celle de La Fontaine. […] Ils admirent le désir et l’ivresse, mais ils sourient des choses désirées, du flacon qui sort d’une pharmacie ridicule. […] Ou plutôt le cliché, l’idée reçue, qui sortent de ceux-ci comme une exsudation molle, se découpent chez Homais en profils massifs et puissants. […] Les deux amis sortent ensemble de l’obscurité normande, abordent en compagnie la pleine lumière et le grand courant. […] Nourri d’illusions comme Frédéric, il est toujours sorti de lui-même par le tapage, sorti de sa famille par les maîtresses et le café, sorti de son entreprise présente par le rêve d’une autre plus belle.

882. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Ils en sortent plus déchirés qu’avant. […] C’est par ce qu’elles ont de cadencé qu’elles sortent pour nous des ombres oublieuses. […] Ensuite, du charme qui s’éteint sortiront des réflexions graves. […] Après l’épopée napoléonienne toute une poésie nouvelle sortit des entrailles meurtries des nations. […] Elle sort de sentiments pervers exprimés d’une façon naïve par des marionnettes inconscientes.

883. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Il est clair que le livre aura le sort d’un livre hindou ou persan. […] Telles sont ces instances à l’aide desquelles on oblige le créateur à sortir de son sublime repos ! […] Il n’est jamais indigné ni irrité contre le sort ni contre les hommes ; Dieu l’a voulu, tout est bien. […] Sorti de ce corps, il entre dans un troisième monde, qui est celui des esprits. […] Sortir non seulement de la vie, mais de l’être, tel est le souverain bien.

884. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Ce livre, en paroissant, eut le sort de toutes les nouveautés marquées au coin du génie & de l’audace. […] Dans la crainte d’éprouver le sort de Galilée, il délibéra s’il ne mettroit pas au feu tous ses papiers. […] Ils alloient subir le même sort, lorsque les religieuses crièrent miracle. […] Arnauld, le grand Arnauld, sorti de sa retraite, est reçu partout comme le Chrysostome de son siècle. […] Il sortit avec plus de violence qu’auparavant.

885. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Il ne faudra pas vous attendre à sortir de ces causeries avec la connaissance du système de Freud et du système de Proust, comme on peut sortir d’un cours de la Sorbonne avec la connaissance du système de Platon. […] Il ne cherchera plus à faire sortir l’espace que du temps parfaitement reconstitué. […] Alors l’être avec qui nous nous plaisons à ce moment-là, le sort en est jeté, c’est lui que nous aimerons. […] Son sort était lié à l’avenir, à la réalité de notre âme dont elle était un des ornements les plus particuliers, les mieux différenciés. […] Son sort était lié à l’avenir, à la réalité de notre âme dont elle était un des ornements les plus particuliers, les mieux différenciés.

886. (1893) Alfred de Musset

Quand je sors de chez Nodier ou de chez Achille (Devéria), je discute tout le long des rues avec l’un ou l’autre. […] Tous les raisonnements du monde ne pourraient faire sortir du gosier d’un merle la chanson du sansonnet. […] C’est toujours de la réaction contre la rime et les rimeurs, contre la poésie lyrique et haute dont, après tout, il est sorti. […] Quelques jours après, le dialogue était écrit et toute la pièce en sortait. […] Personne, ou à peu près, ne savait d’où cela sortait.

887. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Alfred de Musset reste quelquefois trois mois sans sortir de son cabinet. […] Un hasard adorable fit sortir M.  […] La pièce finissait, nous sortîmes. […] Paul Foucher fut sorti, mon compatriote m’apprit que ce jeune écrivain est beau-frère, par sa sœur, de M.  […] Je l’ai rencontré sur le boulevard Beaumarchais ; il avait l’air de sortir du Cadran Bleu où il a placé tant de noces et de parties carrées.

888. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Comptez qu’ils sortent à peine du moyen âge, et que le moyen âge a vécu sur un fumier. […] Beaucoup de gens n’osent sortir de leur village après le soleil couché. […] Le paganisme du Nord s’exprime tout entier dans cet héroïque et douloureux soupir ; c’est ainsi qu’ils conçoivent le monde tant qu’ils restent hors du christianisme, ou sitôt qu’ils en sortent. […] Elle sort debout, âpre et toujours plus hautaine : « Une maison de repenties ? […] » Quoi qu’il fasse, il ne peut sortir de ce cœur, de ces lèvres pâles, que des paroles de tendresse et d’adoration.

889. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Pour achever de sortir du vague, il considère ce sentiment dans un héros. […] Par là Carlyle est sorti des biographies. […] Et ce Cromwell, avec ses puritains, sort de cette épreuve réformé et renouvelé. […] The rites, by some supposed to be of the Menadic sort, or perhaps with an Eleusinian or Cabiric character, are held strictly secret. […] Fiction, “imagination, imaginative poetry,” etc., etc., except as the vehicle for truth, or fact of some sort… what is it ?

890. (1933) De mon temps…

Gribius était un gros homme barbu et silencieux et qui ne sortait de son silence que pour tenir des propos sans fantaisie, mais marqués au coin du bon sens. […] Il était, comme Mallarmé l’a écrit de Villiers de l’Isle-Adam, un de ces hommes au « rêve habitué », mais il savait sortir du rêve avec une aimable et une peu condescendante courtoisie. […] Ainsi pourquoi, à certaines heures, d’un coin de la pièce qu’il me désignait, voyait-il sortir un lapin blanc qui traversait la chambre et disparaissait à l’angle opposé? […] Il sort peu de son logis de la rue des Saints-Pères. […] Une partie de l’histoire du Symbolisme est liée à cet antique immeuble d’où sortirent les premiers volumes qui portèrent sur leur couverture jaune l’empreinte du caducée.

891. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Mardi 1er mars Une carte de Daudet me disant : que Porel sort de chez lui, et qu’on répète Germinie Lacerteux dans deux jours. […] Et il arrivait qu’un jour, Français ayant dîné chez le père de Corot, ce père, au moment où Français allait sortir, lui dit qu’il allait le reconduire, et comme son fils s’apprêtait à le suivre, il lui fit signe de rester. […] Et c’était, quand on entrait dans le salon, un lent soulèvement des paupières de la liseuse, comme si elle sortait de l’abîme de sa lecture. […] Et il se trouvait, que le père de Jean Lorrain, abominait la littérature, et ne voulait pas admettre que son fils en fît un jour, tandis que sa mère, portée vers les choses de l’intelligence avait mis tout son cœur et un peu de son orgueil en lui, si bien que son père jaloux de cette tendresse, l’avait fourré dans un collège à Paris, d’où il ne sortait qu’au Jour de l’An, et aux vacances. […] Un jour, la préfète sort seule de la préfecture, et voici mon Césarin, qui lui offre le bras, et s’indigne tout haut et très drolatiquement du refus de la dame.

892. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

On se figure difficilement ce que devait paraître cette féconde et forte époque aux yeux de ceux qui en sortaient, qui en héritaient, et pour qui elle était véritablement le dernier et grand siècle. […] Après tant de nouveautés que l’âge des derniers parents avait vues sortir, on arrivait aisément à se persuader qu’il n’y avait plus qu’une seule découverte et qu’une seule merveille qui en méritât le nom. […] « On vend toujours ici la bibliothèque de ce rouge tyran, écrit Guy Patin (30 janvier 1652) ; seize mille volumes en sont déjà sortis ; il n’en reste plus que vingt-quatre mille. […] Naudé rentra vite, pour n’en plus sortir, dans l’ombre de ces bibliothèques qu’il avait tant aimées et qui allaient être son tombeau. […] Passe encore, cela ne sortait pas de la confidence.

893. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Il y avait même dans sa famille des traditions de vieilles souches et de vieille sève de nature à élever l’âme plus haut que le sort. […] Il y a plus, ma famille a toujours espéré que, par une vicissitude quelconque du sort, elle remonterait au rang légitime d’où elle était tombée par la misère, et qu’elle se ferait reconnaître, ses titres à la main, pour ce qu’elle est. […] Il y contracta des opinions républicaines et soldatesques très opposées à celles de son père ; il y respira le sentiment plébéien, noblesse inverse du prolétaire, jusqu’au dédain pour des classes plus favorisées du sort. […] Le grand poète, c’est le sort ; nous ne sommes que les personnages avec lesquels il compose ses drames. […] Cependant on ne peut éviter son sort ; il allait trouver une gloire historique dans un refrain où il ne cherchait que l’écho de la rue et l’engouement d’un soir.

894. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Son sort toucha Pétrarque ; le poète avait été, ainsi qu’on l’a vu, le partisan et le complice du tribun de Rome ; il était embarrassé maintenant de son attitude envers l’homme qu’il avait exalté jusqu’au niveau des anciens héros de la liberté romaine. […] » XXVIII Ainsi s’écoulaient en chers souvenirs et en soupirs devenus vers au sortir du cœur les dernières et sereines années de ce grand homme. […] les paroles suprêmes de Torquato Tasso, après avoir vécu quarante-sept ans au milieu du mépris des courtisans, de l’orgueil des princes, tantôt incarcéré, tantôt errant et vagabond, et toujours mélancolique, infirme, indigent, il se coucha enfin dans son lit de mort, et il écrivit, en exhalant son dernier soupir : — Non, je ne veux pas me plaindre de la malignité du sort, pour ne pas dire plutôt de l’ingratitude des hommes. […] ces paroles me résonnent toujours dans le cœur, et il me semble connaître quelqu’un qui peut-être un jour mourra de même en les répétant. » (Ugo Foscolo parlait là de lui-même, et son triste sort a vérifié son pressentiment : il est mort encore jeune à Londres, dans l’exil, dans le travail mercenaire et dans le dénuement. […] Ses vers, sobres d’images, mais neufs d’expressions, sortent en petit nombre, non de sa plume, mais de son cœur, comme des palpitations cadencées de ce cœur qui se répercutent sur sa page ; la musique de ces sonnets ressemble aux majestueux et graves murmures de la grotte de Vaucluse, qui viennent de l’abîme, qui sonnent creux, qui remplissent l’âme, qui la troublent et qui l’apaisent comme des échos souterrains des mystères de Dieu.

895. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Le père était de nouveau sorti de Genève. […] C’est le forfait de la plume, c’est l’instrument du supplice de celle dont le seul sort fut de trop aimer son bourreau ! […] Il entre comme caissier dans la maison de madame Dupin, il en sort après quelques jours de noviciat ; il renonce à toute ambition de fortune par un travail régulier ; il trouve qu’il est plus facile d’accepter la pauvreté que d’acquérir l’aisance. […] L’athéisme, délire froid des sociétés expirantes, ne pouvait sortir des montagnes, des lacs et des glaciers d’un peuple pastoral comme la Suisse. […] Comment admettre ce génie inné ou improvisé de la législation dans le premier songeur venu, étranger même au pays pour lequel il écrit, et sorti de l’échoppe de son père artisan, pour dicter des lois à l’univers ?

896. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

La socialité est pour lui le principe de spiritualisation par excellence ; c’est elle qui fait sortir notre pensée des limbes de la matière. […] Chez plus d’un, la pensée sociale s’installe de bonne heure en maîtresse absolue ; elle dit à l’intuition comme Tartufe à Orgon : La maison est à moi ; c’est à vous d’en sortir. […] Toute idée doit réaliser pour lui une de ces trois conditions : 1º sortir de lui ; 2º lui être utile directement ; 3º lui être utile indirectement. […] Plus d’un penseur de nos jours qui ne croit plus au Paradis croit à l’amélioration du sort de l’humanité sur la planète. […] Si l’intuition pouvait se communiquer, la communication en vaudrait la peine ; mais en définitive, nous ne pouvons sortir de notre peau ; il faut que nous restions enfermés chacun dans notre crâne, sans pouvoir nous venir en aide les uns aux autres. » (Monde comme volonté, t. 

897. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

— Il vient de sortir à l’instant même ! […] On a peur de sortir de chez soi… l’on tremble de déranger quelqu’un, en mourant chez lui. […] * * * — Ce soir au dîner des Spartiates, Raoul Duval qui avait fait sa rentrée à la Chambre, dans la journée, disait qu’il en était sorti tout triste, trouvant la droite plus inintelligente, la gauche plus commune que jamais. […] Je fais ouvrir par le sacristain la porte d’une balustrade, et aussitôt qu’elle a jeté son eau bénite, elle peut sortir et gagner, avec Mme Claretie, sa voiture de deuil, où elle fait monter Jacques près d’elle. […] Car il sort de chez Hardy, qui lui a dit que ses maux d’estomac avaient amené chez lui un gonflement, lui ayant fait remonter le cœur, et lui donnaient le sentiment d’un asthme.

898. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

De même, quand Luther eut détruit l’influence de Rome dans une grande partie de l’Allemagne, les esprits une fois sortis de la vieille autorité, n’en surent plus reconnaître aucune ; le luthéranisme eut aussi ses schismes, le calvinisme ses bûchers, et ce qui restait de foi ne sut plus à quelle forme se prendre et s’arrêter. […] Au milieu de ce grand mouvement, un homme né à Kœnisberg, et qui, comme Socrate, ne sortit guère des murs de sa ville natale, publia un ouvrage de philosophie qui, d’abord peu lu et presque inaperçu, puis, pénétrant peu à peu dans quelques esprits d’élite, produisit, au bout de huit ou dix ans, un grand effet en Allemagne, et finit par renouveler la philosophie, comme la Messiade avait renouvelé la poésie. […] Il ne suffit plus ici d’analyser le sujet pour en tirer l’attribut ; car j’aurai beau décomposer la notion de corps, la notion de pesanteur n’en sortira pas comme partie intégrante. […] Au contraire, prenez la dernière vérité de la géométrie, et cherchez d’où elle sort ; elle sort de la vérité précédente, qui, à son tour, sort d’une vérité antérieure, et chacune d’elles vous paraissant tour à tour principe et conséquence, il vous faudra remonter de théorème en théorème jusqu’à des vérités premières qui aient leur raison en elles-mêmes, qui soient principes, sans être conséquences, c’est-à-dire jusqu’à la définition du triangle, de l’angle, du cercle, de la ligne droite.

899. (1739) Vie de Molière

Au sortir du collège, il reçut de ce philosophe les principes d’une morale plus utile que sa physique, et il s’écarta rarement de ces principes dans le cours de sa vie. […] Il engagea le jeune Racine, qui sortait de Port-Royal, à travailler pour le théâtre dès l’âge de dix-neuf ans. […] Il mourut entre leurs bras, étouffé par le sang qui lui sortait par la bouche, le 17 février 1673, âgé de cinquante-trois ans. […] Cette pièce eut le sort des bons ouvrages, qui ont et de mauvais censeurs et de mauvais copistes. […] Mais c’est le sort de tous ceux qui n’ont que leur talent pour appui, de travailler pour un public ingrat.

900. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Si vous sortez du Parthénon chrétien, le temple de Saint-Pierre de Rome, écrasé par la masse, l’immensité, la majesté, la divinité de ces édifices, véritables temples de l’infini, qui semble avoir été construit pour faire comprendre et adorer deux des attributs de Dieu, l’espace et la durée, rendus sensibles, et si vous voulez résumer en un seul nom d’homme vos impressions confuses pour reporter cette merveille à son principal auteur, c’est le nom de Michel-Ange qui tombe de vos lèvres : l’architecte de Dieu ! […] Si vous entrez, à Florence, dans la chapelle monumentale de San Lorenzo, cette pyramide mortuaire des Pharaons de la Toscane, les Médicis ; si vous levez vos yeux sur ce peuple de pierre qui semble sortir des Catacombes pour veiller éternellement sur ces sarcophages ; si les deux figures du Jour et de la Nuit, l’une image vivante de la vie, l’autre image, vivante aussi, de la mort, calment comme par enchantement vos pensées terrestres, et vous font envier d’être de pierre comme elles pour respirer éternellement la majesté dédaigneuse de la vie et la mélancolie sereine de la mort ; et si vous demandez à ces statues : Qui vous a taillées ou plutôt animées d’un seul jet dans le bloc ? […] Les écrivains florentins décrivent ce carton de Michel-Ange comme un poëme national, prélude du poëme universel de son Jugement dernier, et nullement inférieur à ce prodige du crayon et du pinceau : « Pendant que les soldats sortaient en hâte des ondes ruisselantes sur leurs membres, on voyait parmi eux, dit Vasari, par la main divine de Michel-Ange, la figure d’un vétéran qui, pour s’ombrager du soleil pendant le bain, s’était coiffé la tête d’une guirlande de lierre, lequel s’étant accroupi sur le sable pour remettre sa chaussure que l’humidité de ses jambes empêchait de glisser sur sa peau, et entendant en même temps les cris de ses compagnons et le roulement du tambour appelant aux armes, se hâtait pour faire entrer de force son pied dans sa chaussure mouillée ; en outre, ajoute Vasari, que tous les muscles et tous les nerfs du vétéran se dessinaient en saillie dans l’effort, toute sa physionomie exprimait son angoisse, depuis la bouche jusqu’à l’extrémité de ses pieds. […] On voit, dans la suite de la vie de Michel-Ange, que ce tombeau, conçu, commencé, interrompu, repris, abandonné, presque achevé, jamais fini, fut l’œuvre capitale et favorite du grand artiste, le rêve, le réveil, l’espoir et le désespoir de sa vie, poëme de marbre dont les vicissitudes du sort déchiraient les pages à mesure qu’il les avait composées et qu’il s’efforçait de les réunir. […] Dans le sonnet suivant, il revient à son amour et à son deuil, et il défie le sort de ruiner davantage ses espérances, dans une image digne des prophètes : « Que peut la scie ou le ver contre le chêne réduit déjà en cendres ?

901. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Mercredi 3 avril La chanteuse Alboni, cette large et joviale mangeuse, disait à une cuisinière, nouvellement entrée chez elle : « Vois-tu, ma fille, à la maison, dans les plats, il faut qu’il y ait de quoi en manger trois fois, pour chacun. » Samedi 6 avril J’ai la conscience qu’en histoire, sortira bientôt de dessous terre, une génération pareille à celle qui s’est levée dans le roman, une génération qui se mettra à faire l’histoire à mon imitation. […] Ce garçon, originaire du Poitou, et sorti d’une famille de la magistrature, en ce temps de sensualisme grossier, était un type du sensuel délicat, et du curieux dans les choses du boire et du manger. […] * * * — En travaillant à la préface du livre de Bergerat, je m’aperçois que tous les terribles paradoxes de Flaubert ne sortent pas de lui : ils sont de Gautier. […] J’étais sous l’impression de ce chant, quand une voix, qui semblait sortir par les narines d’un nez, me dit que le propriétaire de cette voix avait lu Manette Salomon, dans le sérail. C’est ce Polonais étrange qui, après s’être manqué d’un coup de pistolet dans la bouche, est devenu peintre de Sa Hautesse, dans le palais duquel il a passé une fois cinq cents jours de suite, sans en pouvoir sortir une minute, occupé de l’éternelle et colossale mise en peinture des batailles, hantant la cervelle du Sultan : pauvre peintre qu’on faisait, lorsqu’il était malade, traverser les cours à cheval, en lui tenant les genoux, de peur qu’il ne tombât, qu’on asseyait sur une chaise, et qui devait quelquefois travailler douze heures sans manger.

902. (1772) Éloge de Racine pp. -

Le premier qui, de la combinaison de tous ces arts réunis, fit sortir de grands effets et des beautés pathétiques, mérita d’être appelé le père de la tragédie. […] Racine avait lutté dans Bérénice contre un sujet qu’il n’avait pas choisi, et il était sorti triomphant de cette épreuve si dangereuse pour le talent qui veut toujours être libre dans sa marche, et se tracer à lui-même la route qu’il doit tenir. […] Pour en voir tous les effets, c’est au théâtre qu’il faut se transporter ; c’est là qu’il faut voir les tendres pleurs d’Iphigénie, les larmes jalouses d’éryphile, et les combats d’Agamemnon ; c’est là qu’il faut entendre les cris si douloureux et si déchirans des entrailles maternelles de Clytemnestre ; c’est là qu’il faut contempler d’un côté le roi des rois ; de l’autre Achille, ces deux grandeurs en présence, prêtes à se heurter, le fer prêt à étinceler dans les mains du guerrier, et la majesté royale sur le front du souverain : et quand vous aurez vu la foule immobile et en silence, attentive à ce grand spectacle, suspendue à tous les ressorts que l’art fait mouvoir sur la scène ; quand vous aurez entendu de ce silence universel sortir tout à coup les sanglots de l’attendrissement, ou les cris de la terreur ; alors, si vous vous méfiez des surprises faites à vos sens et à votre ame par le prestige de l’optique théâtrale, revenez à vous-même dans la solitude du cabinet ; interrogez votre raison et votre goût, demandez-leur s’ils peuvent appeler des impressions que vous avez éprouvées, si la réflexion condamne ce qui a ému votre imagination, si retournant au même spectacle vous y porteriez des objections et des scrupules ; et vous verrez que tout ce que vous avez senti n’était pas de ces illusions passagères qu’un talent médiocre peut produire avec une situation heureuse et la pantomime des acteurs, mais un effet nécessaire et infaillible, fondé sur une étude réfléchie de la nature et du coeur humain ; effet qui doit être à jamais le même, et qui loin de s’affaiblir augmentera dans vous à mesure que vous le considérerez de plus près. […] Il sort vainqueur de la lice, mais il n’y rentrera plus ; il vous cède, vous n’entendrez plus sa voix. […] Nous nous plaignions tout à l’heure du sort de Phèdre  ; faut-il encore déplorer une injure plus cruelle et plus durable ?

903. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Sainte-Beuve, dans son Tableau de la poésie française au seizième siècle, ouvrage d’une grande utilité et d’un grand charme, qui restera comme un monument de l’art, comme un modèle de critique, et qui ne pouvait sortir que de la tête d’un érudit, d’un philosophe et d’un poète. […] … Les hommes forts et pensants n’ont pas pu écouter longtemps tout ce ramage ; et ils se sont habitués à ne plus ouvrir un volume de vers, de peur d’en voir sortir, à chaque page, tout un poulailler décrit, ou de la mélancolie de Directoire. […] On vit l’imitation des anciens devenue originale et créatrice, réfléchir, en l’embellissant encore, la civilisation la plus splendide de notre monarchie, et de cette fusion harmonieuse entre la peinture de l’antiquité et celle de l’âge présent, sortir un idéal ravissant et pur, objet de délices et d’enchantements pour toutes les âmes délicates et cultivées. […] Ils font l’effet de ces latinistes qui sont tout déconcertés quand on les sort de l’Hexamètre de Virgile ou du Pentamètre d’Ovide. […] C’est un chant suave et pur qui sort d’un récitatif bruyant et agité.

904. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Roederer était à peine sorti de sa retraite après la Terreur, qu’avant même de reparaître dans le Journal de Paris, il aidait activement de sa plume au réveil de l’esprit public et à la défaite du jacobinisme encore menaçant. […] Tous les matins, je l’ai dit, il a une idée, une remarque, et il aime à la faire sortir. […] Dans un écrit : Des fugitifs français et des émigrés (août 1795), il distinguait entre ceux qui étaient sortis de France quand tout était calme encore ou du moins régulier, et qui en étaient sortis pour combattre, et ceux qui s’étaient seulement échappés par nécessité, pour se dérober à la captivité ou à la mort.

905. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Loin de ressembler à un pirate et de se réjouir des naufrages, il est quelquefois comme le pilote côtier qui va au secours de ceux que surprend la tempête à l’entrée ou au sortir du port. […] On n’est plus au temps où, quand on naissait dans une capitale, on n’en sortait pas. […] Si le temps, ce grand dévorateur, fait disparaître le souvenir de bien des faits, et anéantit avec les témoins les explications véritables, il est aussi, à bien des égards, le grand révélateur ; il fait sortir d’autres soudains témoins de dessous terre, et livre bien des secrets inespérés. […] — Vous qui irez à Athènes, qui y allez tous les jours, vous résisterez de votre mieux à ce renversement des points de vue, même en ce qui est des époques modernes, et si, dans celles-ci, la vérité à tout prix (ou ce qu’on prend pour elle), si la curiosité l’emporte décidément sur l’art, vous ferez du moins que le procédé antique et ce qui en est sorti reste en honneur, un objet de culte et d’étude, présent à la mémoire et à la réflexion des intelligences fidèles que touche encore l’idée de beauté.

906. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Dans le temps d’ailleurs qu’il publiait ces productions de troisième ordre, productions peu authentiques, où il ne trempait souvent que comme collaborateur et auxquelles il n’attacha jamais son nom, M. de Balzac ne s’en exagérait pas la valeur, et trouvant un jour un de ses récents volumes aux mains d’un ami qui le lisait : « Ne lisez pas cela, lui dit-il ; j’ai bien dans la tête des romans que je crois bons, mais je ne sais quand ils pourront sortir. » Nous avons eu la curiosité de retrouver et de feuilleter la plupart de ces romans oubliés, espérant y saisir quelque trace du brillant écrivain d’aujourd’hui. […] Pour résumer notre idée sur la première période presque clandestine d’une existence littéraire désormais si en évidence, voici ce qui nous semble : M. de Balzac, jeune, au sortir des bancs, bachelier ès-lettres, mena, comme il en convient dans Lambert, une vie passionnée et aventureuse. […] M. de Balzac n’a pas le dessin de la phrase pur, simple, net et définitif ; il revient sur ses contours, il surcharge ; il a un vocabulaire incohérent, exubérant, où les mots bouillonnent et sortent comme au hasard, une phraséologie physiologique, des termes de science, et toutes les chances de bigarrures. […] qu’il se tienne satisfait de son sort et remercie les Dieux !

907. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Lorsque Dieu forma le cœur et les entrailles de l’homme, il mit premièrement la bonté, comme propre caractère de la nature divine, et pour être comme la marque de cette main bienfaisante dont nous sortons. […] Non-seulement il y a le mal à côté du bien, mais l’un sort même souvent de l’autre. […] Il en est autrement dans Jean Cavalier : la révolte des Cévennes, qui ensanglanta les premières années du dix-huitième siècle, fut sérieuse ; elle sortit du plus profond des misères et du fanatisme des populations ; elle coïncida avec les grands événements de la guerre de la Succession ; elle fit ulcère au cœur de la puissance déclinante de Louis XIV. […] Ainsi Cavalier, avant de sortir de France, alla à Paris et vit le ministre Chamillard à Versailles. « Chamillard, écrit un historien64, écouta Cavalier.

908. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Or, à part un très-petit nombre de noms grandioses et fortunés qui, par l’à-propos de leur venue, l’étoile constante de leurs destins, et aussi l’immensité des choses humaines et divines qu’ils ont les premiers reproduites glorieusement, conservent ce privilège éternel de ne pas vieillir, ce sort un peu sombre, mais fatal, est commun à tout ce qui porte dans l’ordre des lettres le titre de talent et même celui de génie. […] Avec infiniment moins d’ambition qu’aucun, il a son point sur lequel il est autant hors de ligne : Manon Lescaut subsiste à jamais, et, en dépit des révolutions du goût et des modes sans nombre qui en éclipsent le vrai règne, elle peut garder au fond sur son propre sort cette indifférence folâtre et languissante qu’on lui connaît. […] La malheureuse fin d’un engagement trop tendre me conduisit enfin au tombeau : c’est le nom que je donne à l’Ordre respectable où j’allai m’ensevelir, et où je demeurai quelque temps si bien mort, que mes parents et mes amis ignorèrent ce que j’étois devenu. » Cet Ordre respectable dont il parle, et dans lequel il entra à l’âge de vingt-quatre ans environ, est celui des Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur ; il y resta cinq ou six ans dans les pratiques religieuses et dans l’assiduité de l’étude ; nous le verrons plus tard en sortir. […] » Malgré les démonstrations du doyen, les passions de tous ces jolis couples allaient toujours et se compliquaient follement ; l’aimable Rose, dans sa logique de cœur, ne soutenait pas moins à son frère Patrice qu’en dépit du sort qui le séparait de son amante, ils étaient, lui et elle, dignes d’envie, et que des peines causées par la fidélité et la tendresse méritaient le nom du plus charmant bonheur.

909. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Rappelons-nous le goût de la société polie pour les Maximes, d’où était sorti le livre de La Rochefoucauld : et rappelons le goût de la même société pour les portraits, d’où était sorti le Recueil de Mademoiselle en 1659, et qui, dans les romans ou comédies, et jusque dans les sermons du siècle, mit tant de descriptions de caractères individuels. […] Avec tout cela, ce style n’est point factice : il sort naturellement d’une imagination toute pénétrée de la poésie homérique, et échauffée d’une sincère admiration. […] On appelle ainsi le résumé des conversations politiques que Fénelon eut à Chaulnes en novembre 1711 avec le duc de Chevreuse, et d’où sortit tout un plan de gouvernement qui devait être présenté au duc de Bourgogne.

910. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Il les connut plus tard, et c’est un soulagement de lire dans l’Esprit des lois ce qu’il dit des maux infinis qui sortirent de l’entreprise des Gracques, et dont le plus grand fut l’usurpation de la loi par les magistrats chargés de la défendre, et le peuple instruit à la mépriser par ceux qui la violaient à son profit. […] Je sors d’une lecture du Discours résolu à moins exiger des gouvernements et plus de moi-même. […] Seulement, on me pardonnera de garder une secrète préférence pour le Discours, comme plus propre à me conduire, et comme faisant sortir pour tous, de l’étude de l’histoire, la vérité qu’il nous importe le plus d’avoir présente, à savoir que les vertus privées font seules la grandeur publique. […] Il peut se faire qu’on sorte du commerce de Montesquieu un peu trop content de son esprit ; mais on en sortira toujours meilleur citoyen.

911. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Je reste deux ou trois jours, sans sortir de chez moi, travaillant de l’heure où je me lève, à l’heure où je me couche, mais le troisième ou le quatrième jour, j’ai besoin de m’acheter un bibelot, pour me payer de mon travail. Jeudi 16 janvier Triste, triste cette journée, comme l’un de ces matins de sa jeunesse, où, au sortir du bal masqué, l’on a couché avec une femme, qui n’avait pas de drap à son lit, et où, au jour levant, on est entré voir l’enterrement d’un pauvre, dans l’église en face. […] Et l’homme sorti : « Voilà le voleur… C’est un pédéraste… il a fait le coup avec son amant, qui doit avoir la garde du magot… Demain je saurai, qui il est. » Mais Boitelle appuie surtout sur la désorganisation de la police de famille, de cette police qui doit être exercée par un préfet de police, dans les cas, où il faut défendre les honnêtes gens, quand la loi manque pour les protéger, — police qui doit être exercée à la façon d’un cadi, mais à la condition de ne jamais se tromper — répète-t-il deux fois. […] Je me surprends à causer aux dîners de la princesse, comme chez moi, et quelquefois je sors de table, étonné de mon nouveau moi-même.

912. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Ce que voyant, l’homme se tranquillise, il met sa tête hors de son trou, et regarde de tous côtés ; il fait un pas, puis deux, comme je ne sais plus quelle souris de La Fontaine, puis il se hasarde à sortir tout à fait de dessous son échafaudage, puis il saute dessus, le raccommode, le restaure, le fourbit, le caresse, le fait jouer, le fait reluire, se remet à suifer la vieille mécanique rouillée que l’oisiveté détraquait ; tout à coup il se retourne, saisit au hasard par les cheveux dans la première prison venue un de ces infortunés qui comptaient sur la vie, le tire à lui, le dépouille, l’attache, le boucle, et voilà les exécutions qui recommencent. […] il faut épouvanter par le spectacle du sort réservé aux criminels ceux qui seraient tentés de les imiter ! […] Or, disons-le bien ici, sortir de Paris c’est sortir de la civilisation.

913. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

La Fontaine a une singulière idée : c’est de remplacer la fumée qui sort de la boîte de Vénus et qui endort Psyché, par une vapeur qui la transforme… en négresse, et il nous assure qu’après cette métamorphose fâcheuse, elle est peut-être plus jolie qu’auparavant. « C’est d’une imagination un peu burlesque, direz-vous, cela sent son Scarron !  […] Qu’il est dur d’éprouver, après tant de délices, Les cruautés du Sort ! […] Mais le sort me fait voir Qu’il ne sera jamais en mon pouvoir De mériter de vous aucune grâce. […] La forme est exquise, et c’est (malheureusement que je le reconnais) toute une littérature qui sortira de ce vers-là : la littérature de la réhabilitation de la courtisane.

914. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Ces deux amis, qui prirent alors l’engagement, avec les admirateurs de Maurice de Guérin, de publier prochainement tout ce qui est sorti de sa plume, pensèrent à faire précéder leur publication d’un petit volume et eurent à cœur d’en bien déterminer le caractère. […] Ces larmes ont fécondé la tombe sur laquelle elle pleure et en ont fait sortir cette fleur de gloire, plus rare que jamais pour les poëtes ! […] « De cette même origine sont sortis plusieurs hommes marquants. […] Depuis qu’il était sorti du collège et qu’il était entré dans le monde, Georges-Maurice de Guérin avait été toujours errant, tantôt chez M. de Lamennais, en Bretagne, où il vit le Lucifer du sacerdoce pencher longtemps sa tête d’astre sur le gouffre au fond duquel il allait se précipiter ; tantôt à Paris, ici ou là, obligé aux luttes familières à tous les membres de cette pauvre société déclassée, et sauvant de ces luttes qui auraient dû l’écraser, le talent le plus fait pour le repos, la contemplation, la position horizontale, et ce que les gens, qui suent aux mécaniques de ce temps, appelleraient peut-être l’oisiveté.

915. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Partant de ces trois erreurs, ils ont cru que les rois et autres grands personnages des temps anciens s’étaient consacrés, eux, leurs familles, et tout ce qui leur appartenait, à adoucir le sort des malheureux qui forment la majorité dans toutes les sociétés du monde. […] Achille est-il juste quand Hector lui demande la sépulture en cas qu’il périsse, et que, sans réfléchir au sort commun de l’humanité, il répond durement : Quel accord entre l’homme et le lion, entre le loup et l’agneau ? […] Tel fut le sort (pour ne citer qu’un exemple) de ce Manlius qui avait sauvé le Capitole. […] Comment expliquer cette prétendue alliance, quand Romulus lui-même, sorti du sang des rois d’Albe, vengeur de Numitor auquel il avait rendu le trône, ne put trouver de femmes chez les Albains.

916. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Il s’extasie, au début de la première olympique sur « tant de sublimes figures qui se s’y trouvent réunies1, la métaphore, l’apostrophe, la métonymie », et définit Pindare « un génie qui, pour mieux entrer dans la raison, sort de la raison même ». […] Nous donne-t-il, par exemple, comme échantillon pindarique, la douzième olympique, l’ode à la Fortune, cette hymne courte et sublime, chantée à l’occasion de la victoire, qu’est venu chercher dans les fêtes des grandes cités de la Grèce un Crétois, chassé par une faction de Gnosse, sa patrie, où il avait langui longtemps dans les querelles obscures d’une petite démocratie, il se garde bien d’être simple et uni comme le poëte grec : il ne nomme pas ce coq guerroyant au logis, auquel Pindare compare son jeune héros, avant qu’il eut été délivré par l’exil et jeté par ce coup du sort en Sicile, pour y devenir citoyen paisible de la ville opulente d’Himère, et de là, vainqueur à Olympie : « Je n’ai osé, dit-il, me servir de ce mot de coq3, qui produirait un mauvais effet en français, et qui suffirait pour gâter la plus belle ode du monde. […] Ainsi tous les hommes commencent par les mêmes infirmités : dans le progrès de leur âge, leurs années se poussent les unes les autres, comme les flots ; leur vie roule et descend sans cesse à la mort par sa pesanteur naturelle ; et enfin, après avoir fait comme des fleuves un peu plus de bruit, et traversé un peu plus de pays les uns que les autres, ils vont tous se confondre dans ce gouffre infini du néant, où on ne trouve plus ni rois, ni princes, ni capitaines, ni tous ces noms qui nous séparent les uns des autres, mais la corruption et les vers, la cendre et la pourriture qui nous égalent. » C’est ainsi, c’est avec un semblable regard mélancolique et vaste, que souvent, à l’occasion d’une prouesse vulgaire et d’un nom sans souvenir, le poëte thébain suscite une émotion profonde par quelque leçon sévère sur la faiblesse de l’homme et les jeux accablants du sort. […] Mais, habitantes du ciel, les âmes des justes chantent harmonieusement dans des hymnes le grand bienheureux15. » Cette dernière expression, qui n’a point été remarquée ni traduite, n’aurait-elle pas pu sortir de la bouche de Bossuet même, lorsqu’il parle de ces justes « jouissant de Dieu dans une bienheureuse paix qui réunit en lui tous leurs désirs, et le contemplant avec une insatiable admiration de ses grandeurs », ou bien encore, lorsqu’il se figure « les élus tombant, à la vue de Dieu, dans un tel ravissement d’amour qu’il leur faut toute l’éternité pour en revenir » ?

917. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

De leurs défauts combinés avec d’autres parties meilleures, il peut s’engendrer, chemin faisant, de bonnes choses et sortir des effets non méprisables. […] Au sortir du xviiie  siècle, nous franchissons le plus périlleux des détroits, je parle toujours au point de vue de l’atticisme. […] En 1793 elle fut mise en arrestation, elle s’y attendait ; conduite au couvent des Oiseaux, qui était alors converti en prison, elle y passa tolérablement les mois de la captivité, et en sortit après le 9 thermidor.

918. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Cet homme paisible, aux goûts tout littéraires, né pour le cabinet et pour la bibliothèque, ou pour une promenade modérée dans l’entretien de quelques amis, était sorti d’un des plus vaillants hommes de son temps, du brave Claude de Marolles, capitaine des Cent-Suisses de la garde du roi, célèbre par le combat singulier à la lance et la joute mortelle qu’il engagea devant les tranchées de Paris, le jour même de la mort de Henri III et le premier jour du règne de Henri IV, contre Marivaut, un des plus braves gentilshommes de l’armée du roi. […] C’est de ce personnage chevaleresque sortit le fils qui lui devait ressembler si peu. […] Au sortir du collège, il s’appliqua avec une certaine ardeur à l’étude, même à celle de la théologie, mais surtout il rechercha la connaissance des beaux esprits et grands hommes du temps, et dans la rue Saint-Étienne-des-Grès, où il logeait alors, il forma, en société de quelques amis honnêtes gens, une petite académie où chacun s’exerçait, se produisait, et où probablement on se louait aussi ; la louange fut très chère de bonne heure à Marolles, et il ne la marchandait pas aux autres, ne leur demandant qu’un peu de retour.

919. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Il avait toutes les qualités et conditions pour en bien parler ; il en sort, il en possède la suite et la tradition. […] Jean-Jacques Rousseau seul a brillé aux yeux de tous : celui qui se proclamait le citoyen de Genève par excellence, est sorti de son cercle natal ; il a éclaté ailleurs, mais ç’a été en rompant avec les siens. […] Mais faut-il donc, pour cette république studieuse et intelligente, parce qu’elle est devenue démocratique dans sa forme, dans son ménage intérieur, lui faut-il renoncer à l’idée de voir sortir désormais de son sein des continuateurs et de dignes héritiers de ces hommes qui ont exercé sur leur temps une action si suivie, si salutaire, qui ont rempli dans le monde savant une telle fonction, plus efficace et plus utile encore que brillante ?

920. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Ce n’est point d’ordinaire la chaleur ni aucune inspiration émue ou éloquente qui distingue les écrits littéraires sortis de cette plume de savant ; soignés, élégants, d’une justesse ornée, parfois d’une simplicité un peu coquette, ils sont en général destitués de mouvement et de vie : un seul de ses écrits fait exception, c’est le précis intitulé : Essai sur l’Histoire générale des Sciences pendant la Révolution française, qui avait été composé pour servir de préface à une nouvelle édition du Journal des Écoles normales, et qui fut publié séparément (1803). […] Biot trouve de nobles paroles pour caractériser ce nouvel effort héroïque d’où sortirent l’École polytechnique dans sa première forme plus ouverte et plus libre que depuis, et surtout l’École normale d’alors qui dura peu, mais qui donna, dans cette résurrection des esprits, une impulsion puissante et décisive, — assez pour que sa destinée fût remplie : « On voulut qu’une vaste colonne de lumière sortit tout à coup du milieu de ce pays désolé, et s’élevât si haut, que son éclat immense pût couvrir la France entière et éclairer l’avenir… Ce peuple, qui avait vu et ressenti en peu d’années toutes les secousses de l’histoire, était devenu insensible aux impressions lentes et modérées ; il ne pouvait être reporté aux travaux des sciences que par une main de géant. » Ces géants civilisateurs et pacifiques qui remirent alors en peu de mois l’édifice entier sur ses bases, se nommaient Lagrange, Laplace, Monge, Berthollet… moment immortel !

921. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Le futur Pierre III, tel qu’il sort de son récit, est une brute ; il n’y a pas d’autre mot. […] Ensuite je rendis au comte Gyllenbourg son écrit, comme il m’en avait priée, et j’avoue qu’il a beaucoup servi à former et à fortifier la trempe de mon esprit et de mon âme. » Si nous suivons le parallèle des deux intelligences et des deux caractères si mal appareillés par le sort, quel contraste ! […] Elle ne ressemblait pas à Frédéric qui se passait de lecture allemande et ne lisait que des ouvrages français ; elle en lisait aussi en russe et trouvait à cette langue adoptive, qu’elle s’appliquait à parler et à prononcer en perfection, « bien de la richesse et des expressions fortes. » Les Annales de Tacite qu’elle lut en 1754 seulement, c’est-à-dire à l’âge de vingt-cinq ans, opérèrent, dans sa tête une singulière révolution, « à laquelle peut-être la disposition chagrine de mon esprit à cette époque, nous dit-elle, ne contribua pas peu : je commençais à voir plus de choses en noir, et à chercher des causes plus profondes et plus calquées sur les intérêts divers, dans les choses qui se présentaient à ma vue. » Elle était alors dans des épreuves et des crises de cœur et de politique d’où elle sortit haute et fière, avec l’âme d’un homme et le caractère d’un empereur déjà.

922. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Il s’aperçut tout à la fois de combien on était en arrière dans la maison de ses parents sur la marche qu’avaient suivie les arts depuis dix ans, et pressentit tout ce qu’il fallait qu’il connût et qu’il étudiât pour rattraper le gros de l’armée dans laquelle il se trouvait enrégimenté tout à coup. » La remarque est juste, et l’expression aussi : voilà Étienne enrégimenté et enrôlé dans l’armée de David ; c’est là son premier groupe et son premier milieu ; c’est ce qu’il va entendre, embrasser, admirer et puis commenter à merveille : mais que les années s’écoulent, que de nouveaux courants s’élèvent dans l’air, que l’École de David, en se prolongeant, se fige comme toutes les écoles, qu’elle ait besoin d’être secouée, refondue, renouvelée, traversée d’influences rafraîchissantes et de rayons plus lumineux, lui, il ne voudra jamais en convenir ; il y est, il y a été élevé, nourri ; il y a pris son pli, le premier pli et le dernier ; il n’en sortira pas. […] Il n’a ni élévation de style, ni gravité de ton, ni noblesse ou élégance de formes, ni rien de ce dont il parle sans cesse en des termes qui jurent souvent avec le fond ; mais il a dans quelques parties une vérité naïve, un peu gauche, un peu distraite ou inexpérimentée, la sincérité non pas du pinceau (il n’a pas de pinceau), mais du crayon, de la plume ; il a le croquis véridique pour les choses, qu’il sait et qu’il a vues en son bon temps et de ses bons yeux ; il copie honnêtement, simplement, et un sentiment moral, touchant ou élevé, comme on le verra, peut sortir quelquefois de cette suite de détails minutieux dont pas un ne tranche ni ne brille. […] « David était sorti de l’atelier ; Charles Moreau et Mme de Noailles s’étaient remis au travail, mais Étienne resta assis auprès du poêle, essayant vainement de composer un seul et même homme de l’ancien ami de Robespierre et du nouveau protecteur des émigrés.

923. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

— On obtient des Mercenaires, après ce festin, qu’ils sortent de Carthage moyennant une pièce d’or distribuée à chacun, et qu’ils aillent camper à Sicca, à quelques journées de la capitale. […] A peine sortis du conduit ténébreux, Mâtho croit que Spendius va l’accompagner à la maison d’Hamilcar pour y voir Salammbô ; mais Spendius, qui a fait jurer à Mâtho, avant de tenter l’entreprise, de lui obéir en tout aveuglément, le contient dans son désir et se dirige avec lui vers le temple de la déesse Tanit. […] Les menaces, les imprécations le poursuivent ; mais toujours revêtu de l’inviolable étole, s’en servant comme d’un bouclier, bravant les traits qu’on n’ose lui lancer que de loin et en tremblant, il arrive à l’une des portes principales, parvient à l’ouvrir par un tour de main digne de Samson, et, à la vue de tous, sort sans trop se presser, majestueux et triomphant, emportant avec lui la fortune de Carthage.

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