Napoléon écrivait à son frère Joseph, alors roi de Naples, qui aimait fort les gens de lettres : « Vous vivez trop avec des lettrés et des savants. […] Il n’aimait, nous dit-il, que les historiens tout simples et naïfs, qui racontent les faits sans choix et sans triage, à la bonne foi ; ou, parmi les autres plus savants et plus relevés, il n’aimait que les excellents, ceux qui savent choisir et dire ce qui est digne d’être su.
Trois volumes (texte et traduction) ont déjà paru, et le savant traducteur, M. […] Pour moi, la moralité que je déduirai ici sera à la moderne, tout étroite et toute positive : c’est qu’il convient que l’impression de ce grand livre où se trouve ce bel épisode, et d’autres épisodes encore, se remette en train au plus vite et s’achève, et que les contrariétés, les ennuis qui, il y a huit cents ans, sous le régime du sultan Mahmoud, ont traversé la vie et l’œuvre du poète Ferdousi, ne continuent pas aujourd’hui de le poursuivre dans la personne de son savant éditeur et traducteur, qui mérite à la fois si bien et de lui et de nous.
J’ai dit que Mme Sand applique le procédé de Paul-Louis Courier ; mais, en s’en souvenant, elle moins savante ; par une grâce de génie, elle fait mieux d’emblée, c’est-à-dire avec plus de verve, plus d’entrain facile. […] Le roman est d’un intérêt plus pathétique, mais d’une étude moins savante et moins curieuse que La Petite Fadette, et c’est pourquoi j’ai insisté sur cette dernière.
Voltaire se trompait peut-être et avait le bandeau sur les yeux quand il écrivait : Jamais personne ne fut si savante qu’elle, et jamais personne ne mérita moins qu’on dît d’elle : C’est une femme savante… Les dames qui jouaient avec elle chez la reine étaient bien loin de se douter qu’elles fussent à côté du Commentateur de Newton : on la prenait pour une personne ordinaire.
Des savants habiles ont été chargés de l’exécution de ce projet ; M. […] Je recommande la lecture du chapitre vi, qui traite de la campagne de 1757, cette campagne si pleine de vicissitudes et de retours, et dans laquelle Frédéric, réduit aux abois, eut sa victoire facile et brillante de Rossbach, sa victoire savante et classique de Leuthen.
Il y a joint à son tour un travail biographique, littéraire et même grammatical, très soigné, qui permet de classer désormais le savant ami de Montaigne au nombre des auteurs que tout le monde peut aborder directement et suivre avec intelligence. […] En prenant pour texte et pour point de départ les Institutes de Justinien, le savant vieillard se montre attentif à saisir toutes les analogies ou même les oppositions qui peuvent se rencontrer entre l’ancien droit romain et notre vieux droit coutumier ; il éclaire, il explique l’un par l’autre, à l’aide d’un rapprochement continuel qu’il orne et relève d’érudition, et qui ne manque pas, jusqu’à un certain point, d’agrément.
Une mère demandait un jour à Fontenelle de lui indiquer un précepteur pour son fils, mais elle exigeait que ce précepteur fût savant, érudit en toute matière, antiquaire, physicien, métaphysicien, enfin qu’il sut tout, et quelque chose encore au-delà. […] Un mot charmant qui exprime bien cette passion de d’Aguesseau pour les lettres, c’est ce qu’il dit un jour au savant Boivin avec qui il lisait je ne sais quel poème grec : « Hâtons-nous, s’écria-t-il ; si nous allions mourir avant d’avoir achevé !
Je sais tel autre savant qui a placé sa dévotion et son culte en tout autre lieu, en Bossuet, et qui nous prépare une Histoire complète, exacte, minutieuse, de la vie et des ouvrages du grand évêque. […] Le xvie siècle était un grand siècle, fécond, puissant, très savant, déjà très délicat par portions, quoiqu’il soit bien rude et violent et qu’il ait l’air encore grossier par bien des aspects.
Je dis cela de tous les ouvrages de La Harpe en vers, soit qu’ils s’intitulent Warwick ou Mélanie, soit même qu’ils aient, comme dans Philoctète, une intention de goût plus sévère, mais à laquelle la vraie simplicité savante a manqué ; soit que l’auteur se joue d’un air plus léger, et qui vise au gracieux, dans des poèmes tels que Tangu et Félime, genre de poésie dans lequel Voltaire est à la fois, chez nous, le seul maître et le seul supportable ; car on ne peut lire que lui. […] L’ancienne tragédie française (je dis ancienne, parce qu’elle n’existe plus) avait ses règles, ses artifices, ses convenantes, que Racine surtout avait connus et portés à la perfection, et dont il était devenu l’exemplaire accompli La Harpe, après Voltaire, les entendait et les sentait plus que personne, et il est le meilleur guide en effet, du moment qu’on veut entrer dans l’économie même et dans chaque partie de ce genre de composition pathétique et savante.
Il parlait contre les méthodes, contre les bibliothèques, les écoles et les académies ; il protestait contre l’abus et même contre l’usage de l’analyse : « Pour bien juger du spectacle magnifique de la nature, il faut en laisser chaque objet à sa place, et rester à celle où elle nous a mis. » Il voulait donc qu’on s’accoutumât à considérer les êtres en situation et en harmonie, non pas isolés et disséqués dans les cabinets et les collections des savants. […] Bernardin était un peintre qui se disait un ignorant en se croyant mieux informé que les savants, et dont toute la théorie ne devait aboutir qu’à se décrire à lui-même en mille façons variées ses impressions naturelles.
Il ne saurait admettre que, dans un État, tout le monde indifféremment soit élevé pour être savant : « Ainsi qu’un corps qui aurait des yeux en toutes ses parties serait monstrueux, dit-il, de même un État le serait-il, si tous ses sujets étaient savants ; on y verrait aussi peu d’obéissance que l’orgueil et la présomption y seraient ordinaires. » Et encore : « Si les lettres étaient profanées à toutes sortes d’esprits, on verrait plus de gens capables de former des doutes que de les résoudre, et beaucoup seraient plus propres à s’opposer aux vérités qu’à les défendre. » Il cite à l’appui de son opinion le cardinal Du Perron, si ami de la belle littérature, lequel aurait voulu voir établir en France un moindre nombre de collèges, à condition qu’ils fussent meilleurs, munis de professeurs excellents, et qu’ils ne se remplissent que de dignes sujets, propres à conserver dans sa pureté le feu du temple.
Il y a du novice dans ces premières confidences belliqueuses de Frédéric à Jordan ; ce n’est pas, comme pour Napoléon, dès le premier jour, le grand géomètre militaire embrassant du haut des Alpes son échiquier et développant, avec une perfection inventive, des combinaisons profondes et savantes que l’héroïsme exécutera comme la foudre : Frédéric se forme lentement ; il s’essaye, il entame, il échoue, il revient à la charge, il s’y prend et reprend maintes fois. […] Quant à Jordan, il demeure fidèle à son rôle de savant, d’homme paisible et de philosophe ami de l’humanité.
Car, pour Charles Baudelaire, appeler un art sa savante manière d’écrire en vers ne dirait point assez. […] Au xixe siècle, que voulez-vous que fût un poète qui venait après le René de Chateaubriand et le matérialisme de Broussais, et qui, ramassant Musset tombé, l’étoile au front, qu’il avait éteinte dans le ruisseau, traduisait froidement, mais puissamment, avec bien des rayons de moins, mais une correction plus savante, ces ivresses dont Musset était mort sans avoir chanté l’horreur ?
Courons chez les savants, et que votre autorité les arrête sur le bord des funestes doctrines qui, insensiblement, goutte à goutte, vont faire couler la corruption dans le cœur humain. […] Dogme très-beau et très bon, et qui, à ce titre, a le droit de régler la science des fœtus, comme la science des roches, et comme la science du corps humain. » À ces réclamations que diront les savants ?
Après avoir suivi le genre des éloges chez les peuples barbares, ou ils n’étaient que l’expression guerrière de l’enthousiasme qu’inspirait la valeur ; chez les Égyptiens, où la religion les faisait servir à la morale ; chez les anciens Grecs, où ils furent employés tour à tour par la philosophie et la politique ; chez les premiers Romains, où ils furent consacrés d’abord à ce qu’ils nommaient vertu, c’est-à-dire, à l’amour de la liberté et de la patrie ; sous les empereurs, où ils ne devinrent qu’une étiquette d’esclaves, qui trop souvent parlaient à des tyrans ; enfin, chez les savants du seizième siècle, où ils ne furent, pour ainsi dire, qu’une affaire de style et un amas de sons harmonieux dans une langue étrangère qu’on voulait faire revivre ; il est temps de voir ce qu’ils ont été en France et dans notre langue même. […] Les hommes de lettres et les savants, qui commençaient en France à s’emparer de l’opinion et dirigeaient déjà la renommée, durent célébrer à l’envi le prince qui les honorait.
Jamais l’auteur octogénaire de l’incomparable Épître à Horace n’avait, même dans sa plus ardente jeunesse, retrouvé sur la lyre les touches vives et savantes du poëte romain. […] C’est à ce titre qu’un poëte, d’abord de l’école alexandrine, sous l’ancienne royauté, puis de l’école frénétique sous l’anarchie, Lebrun, affecta les écarts d’une veine à la fois savante et forcenée, n’étant d’ailleurs qu’un artiste en paroles, sans libre invention, comme sans principe moral, et d’autant plus impétueux qu’il était plus servile sous la passion ou le pouvoir du moment.
Pauvre et savant bibliophile ! […] Il avait le mot pour rire, ce savant père ! […] Il était déjà un savant absorbé par la science ; mais la science ne lui suffisait pas. […] Le savant M. […] Michaud un homme aussi savant que lui, un pauvre savant aveugle qui a jeté une si grande clarté sur les ténèbres de notre histoire, un écrivain qui a produit un chef-d’œuvre : j’ai nommé M.
Pour moi, il me semble que ces hommes, doués d’une seconde vue, sont assez semblables à ces chauves-souris en qui le savant anatomiste Spallanzani a découvert un sixième sens plus accompli à lui seul que tous les autres… Ce sixième sens, si admirable, consiste à sentir dans chaque objet, dans chaque personne, dans chaque événement, le côté excentrique pour lequel nous ne trouvons point de comparaison dans la vie commune et que nous nous plaisons à nommer le merveilleux… Je sais quelqu’un en qui cet esprit de vision semble une chose toute naturelle.
Le ministre de l’instruction publique a, par une fondation heureuse, réuni depuis quelques années, les travaux des diverses Sociétés provinciales et les a fait en quelque sorte comparaître à son ministère pour être, après examen en commission et rapport, analysés ou mentionnés dans la Revue des Sociétés savantes : une solennité annuelle rassemble à Paris sous sa présidence et met en contact, dans une sorte de congrès, les membres de ces Sociétés qui correspondent utilement avec son ministère.
J’y étais toujours fort bien reçu ; et j’ai plaisir à vous apprendre (pardonnez-moi cette innocente vanité) que je suis membre d’une des Compagnies savantes établies jadis par le roi Louis XIV.
Et ce seront alors des chansons douces, comme d’une teinte effacée, des ballets de Lulli où sourient de mièvres marquises, des brises ailées et des caresses, toute une savante combinaison de syllabes fondues, atténuées, prolongées ou redoublées, des divertissements verbaux exécutés par un rêveur légèrement triste qui fermerait les yeux pour ne pas être distrait par les choses réelles et mieux rêver les rêves qu’il a élus.
Si nous nous sentions tentés de risquer un pronostic, nous résisterions aisément à cette tentation en songeant à toutes les sottises qu’auraient dites les savants les plus éminents d’il y a cent ans, si on leur avait demandé ce que serait la science au XIXe siècle.
On proscriroit sur-tout ces Bureaux d’esprit où l’on anathématise les meilleurs Ouvrages, quoiqu’on ne puisse s’en dissimuler le mérite ; où l’on encense la médiocrité, parce qu’elle est en état de protéger ou de nuire ; où l’on n’admet tant d’adorateurs stupides, que pour en faire des écho, dont la voix ira d’oreille en oreille déifier tous les Membres du tyrannique Sénat, & promulguer ses intrépides Arrêts ; nous aurions la douce joie de voir couler le lait & le miel à côté de l’Hipocrene, de pouvoir cueillir les fruits du sacré Vallon, sans redouter ceux de la Discorde, de dormir sur le Parnasse sans craindre de réveils fâcheux ; nous verrions renaître en un mot l’âge d’or de la Poésie, & le Monde savant retraceroit le modele de cette République, dont M.
Si le plan des Philosophes ressemble un peu trop à celui des Femmes Savantes, pour laisser à l’Auteur la gloire de l’invention, il a du moins su se procurer celle qui doit être le prix du ton de la bonne Comédie, d’une versification heureuse, énergique, & facile.
Nous avons aujourd’hui un savant cantonné dans chacun des idiomes de l’Orient, depuis la Chine jusqu’à l’Égypte.
Pour qu’elle ne restât pas lettre morte, il ne suffisait pas de la promulguer ; il fallait en faire la base de toute une discipline qui prît le savant au moment même où il aborde l’objet de ses recherches et qui l’accompagnât pas à pas dans toutes ses démarches.
Quand un écrivain comme Ambroise-Firmin Didot, qui pouvait mettre dans un écrit la plénitude et l’agrément sans lesquels toute l’érudition de la terre ne vaut pas une pincée de cendres de papyrus, ne produit, en réalité, qu’une œuvre d’érudition, maniable seulement aux savants et aux esprits spéciaux, tant elle est hérissée de citations et de textes, il court grand risque d’être traité, malgré le mérite de ses renseignements, comme le porc-épic de sa propre science… On n’y touchera pas !
Les quelques grands écrivains qui ont paru de nos jours attestent presque cette décadence qu’il est si dur d’avouer par la nature même de leur génie tourmenté, multiple, savant, chargé d’ornementations et d’effets, mais privé de la simplicité tranquille des fortes littératures, comme l’atteste à son tour la plèbe des écrivains sans talent par l’inanité de leur effort.
Elle ne tient pas à être savante, — et quand elle sent la nécessité de le devenir, soit qu’il s’agisse de l’esprit général d’un peuple ou du génie particulier d’un homme, c’est que le peuple ou cet homme ont déjà largement vécu.
Ils se désolent de ne pas voir, en place des contemporains que nous a nécessairement créés notre civilisation, soit un Turc dans son harem (rêve de Gautier), soit un grand seigneur anglais dans ses terres (rêve de Taine), soit un savant revêtu des pouvoirs et privilèges qu’eurent jadis les princes de l’Eglise (rêve de Renan).
La Grèce savante avait élevé un temple à Homère ; mais elle ne se vantait pas de posséder sa statue, et l’image authentique de ses traits n’existait nulle part.
Ses manières sont douces et féminines, et, quoique savante, elle n’affiche aucune prétention. […] Sully Prudhomme offre à peu près partout le même caractère de beauté savante. […] Louis Ménard pense, et tellement, que le philosophe et le savant ont failli dévorer en eux le poète. […] Ce savant a commencé cette publication en 1863, et sa préface nous dit qu’il a passé vingt ans à en rassembler les matériaux. […] Il a fallu six mille ans (à dater la création de l’homme de l’année 4138 avec le savant M.
Burckhardt, — dans son livre si mal fait, plus mal traduit encore, mais d’ailleurs si savant, si suggestif, sur la Civilisation en Italie au temps de la Renaissance ; — et c’est ce qu’il a lui-même appelé « le réveil de la personnalité ». […] Un Clairaut ou un d’Alembert sont nécessairement plus savants de tout ce qu’un Newton leur a enseigné. […] Je vous avoue que je n’y comprends rien. — Je ne m’en étonne pas, Madame, dit le président ; une infinité de très savants hommes n’y ont rien compris, non plus que vous. […] ou encore, et pour vulgariser les idées qu’ils croient justes, est-ce qu’un art trop subtil, trop savant, trop serré n’y serait pas un empêchement à leurs yeux ? […] Les romantiques sont les héritiers d’une tradition longtemps interrompue, et cette tradition, il s’agit de la rétablir dans ses droits… Mais, je le répète, Sainte-Beuve est à peine encore lui-même, et sa critique, déjà savante, n’a rien pourtant de très original.
Robert Etienne dans sa petite grammaire françoise imprimée en 1569, prétend que nous n’en avons point quant à la signification ; & soit que l’autorité de ce célebre & savant typographe en ait imposé aux autres grammairiens françois, ou qu’ils n’ayent pas assez examiné la chose, ou qu’ils l’ayent jugée peu digne de leur attention, ils ont tous gardé le silence sur cet objet. […] Il y a diverses manieres de restreindre la signification d’un nom générique : ici c’est l’apposition d’un autre nom, le prophete roi : là c’est un autre nom lié au premier par une préposition, ou sous une terminaison choisie à dessein ; la crainte du supplice, metus supplicii : dans une occasion c’est un adjectif mis en concordance avec le nom ; un homme savant, vir doctus : dans une autre c’est une phrase incidente ajoûtée au nom ; la loi qui nous soûmet aux puissances : souvent plusieurs de ces moyens sont combinés & employés tout-à-la-fois. […] [table] Il faudroit peut-être, pour donner à cet article toute la perfection nécessaire, faire connoître ici les différentes Grammaires des langues savantes & vulgaires.
C’est pour cela que dans tous les peuples, à toutes les époques, il a été, en quelque sorte, divinisé et qu’un grand artiste a toujours été plus grand, plus fêté, plus acclamé, qu’un grand savant. […] L’intérêt n’y manque point, et le style en est d’une couleur savante, quelquefois d’une couleur de sang, comme l’époque qu’il raconte. […] Bourges n’est point le critique ignorant et soumis tel que l’a fait la perversion du théâtre moderne ; c’est le critique indigné et savant, tel que le créent la solide éducation littéraire et le respect de soi. […] Au dire de ces derniers, qui sont de fort savantes gens, les Belges, si tant est qu’ils existent, au sens strictement biologique du mot, ne seraient, à proprement parler, qu’une variété de singes. […] Un savant russe, le professeur W.
Ces deux livres sont d’une composition très libre et pourtant très savante. […] Son pédantisme. — Vous savez quel est pour beaucoup de gens le sens de ce mot, et que, pour eux, savant et pédant, c’est tout un. […] On put voir en cette circonstance l’absolue opposition qui existe entre l’état d’esprit du politicien et celui de l’homme de lettres ou du savant. […] Il y a place aujourd’hui, d’abord, pour une prédication « savante ». […] L’Institut catholique groupe de jeunes prêtres et des laïques : il les met en contact, comme il arrive dans les Universités allemandes pour le clergé et le monde savant.
Notons également que toutes ces théories sont savantes, se justifient des données de la science, ne laissent aucune place à la fantaisie. […] Et la Vérité ne peut surgir que des laborieuses et patientes recherches des savants. […] Et cependant ils se croient savants, devenus hommes. Ils se croient assez savants pour résoudre les problèmes les plus compliqués des relations individuelles et mondiales — et ils n’y manquent pas. Ils se croient de tels savants et voilà le mal.
Mauvillon, savant professeur de Brunswick, lui fournit les mémoires qui composent cette lourde compilation sur la monarchie prussienne, où le style est en général trop indigne du sujet et du génie de Frédéric. […] Il me montra ensuite quelques fragments de correspondance avec le savant Mosès, juif de Berlin, et l’un des plus subtils métaphysiciens de ce siècle. […] Alfred-le-Grand et Charlemagne la possédèrent dans un siècle d’ignorance ; et des siècles savants ne l’ont pas toujours connue. […] Les arguments théologiques, les savantes controverses, les instructions édifiantes pouvaient suffire à des siècles éminemment religieux. […] Une seule lampe éclairait les veilles du savant de Thou, des Harlay, des Potier, des Molé, des ancêtres du chancelier Daguesseau et du président de Lamoignon.
Les philosophes eux-mêmes partagent ce point de vue avec les savants. […] On oppose aux hommes d’imagination la suprême sagesse des savants, des géomètres. Quand le savant est autre chose qu’un vulgarisateur de vérités déjà conquises, lorsqu’il crée à son tour, lorsqu’il invente, est-ce en vertu d’un syllogisme ? […] N’abaissez donc plus la raison de l’artiste devant celle du savant sous prétexte des erreurs de l’imagination. […] L’ère des véritables savants semble terminée ; on ne fait depuis longtemps qu’appliquer à l’industrie les grandes découvertes du passé.
Nous ne rencontrons point sur notre route d’images extraordinaires, soudaines, éclatantes, capables de nous éblouir et de nous arrêter ; nous voyageons éclairés par des métaphores modérées et soutenues ; Jonson a tous les procédés de l’art latin ; même quand il veut, surtout en sujets latins, il a les derniers, les plus savants, la concision brillante de Sénèque et Lucain, les antithèses équarries, équilibrées, limées, les artifices les plus heureux et les plus étudiés de l’architecture oratoire119. […] Un sot prodigue, Asotus, veut devenir homme de cour et de belles manières ; il prend pour maître Amorphus, voyageur pédant, expert en galanterie, qui, à l’en croire lui-même, « est d’une essence sublime et raffinée par les voyages, qui le premier a enrichi son pays des véritables lois du duel, dont les nerfs optiques ont bu la quintessence de la beauté dans quelque cent soixante-dix-huit cours souveraines, et ont été gratifiés par l’amour de trois cent quarante-cinq dames, toutes de naissance noble, sinon royale ; si heureux en toute chose que l’admiration semble attacher ses baisers sur lui166. » Asotus apprend à cette bonne école la langue de la cour, se munit comme les autres de calembours, de jurons savants et de métaphores ; il lâche coup sur coup des tirades alambiquées, et imite convenablement les grimaces et le style tourmenté de ses maîtres. […] Figurez-vous, au lieu de cette pauvre idée sèche, étayée par cette misérable logique d’arpenteur, une image complète, c’est-à-dire une représentation intérieure, si abondante et si pleine qu’elle épuise toutes les propriétés et toutes les attaches de l’objet, tous ses dedans et tous ses dehors ; qu’elle les épuise en un instant ; qu’elle figure l’animal entier, sa couleur, le jeu de la lumière sur son poil, sa forme, le tressaillement de ses membres tendus, l’éclair de ses yeux, et en même temps sa passion présente, son agitation, son élan, puis par-dessous tout cela ses instincts, leur structure, leurs causes, leur passé, en telle sorte que les cent mille caractères qui composent son état et sa nature trouvent leurs correspondants dans l’imagination qui les concentre et les réfléchit : voilà la conception de l’artiste, du poëte, de Shakspeare, si supérieure à celle du logicien, du simple savant ou de l’homme du monde, seule capable de pénétrer jusqu’au fond des êtres, de démêler l’homme intérieur sous l’homme extérieur, de sentir par sympathie et d’imiter sans effort le va-et-vient désordonné des imaginations et des impressions humaines, de reproduire la vie avec ses ondoiements infinis, avec ses contradictions apparentes, avec sa logique cachée, bref de créer comme la nature. […] Balzac, qui est savant comme Jonson, fait des êtres réels comme Shakspeare.
Nanette fut Ursuline ; Babet aussi, après la mort de son père ; Fanchon et Madelon moururent filles, assez jeunes encore et tout embaumées de piété et de bonnes œuvres… Racine sanglotait à la vêture de ses deux aînées, quoiqu’il sût bien que, par les leçons dont il les avait nourries, il était sans le vouloir le vrai prêtre de ce sacrifice… Ainsi, l’auteur de Bajazet et de Phèdre, le plus savant peintre des plus démentes amours terrestres continuant toujours d’aimer, mais d’autre façon paya sa dette à Dieu en lui donnant quatre vierges, et, faible et grand jusqu’au bout, mourut peut-être d’un chagrin de courtisan, mais d’un chagrin qu’il s’attira pour avoir eu trop indiscrètement pitié des pauvres. […] Mais, l’expérience du plus savant homme étant toujours fort restreinte, toute explication d’un ensemble un peu considérable de phénomènes, même suggérée par l’expérience, devient forcément création. […] Il abonde en métaphores savantes. […] Et, par un mouvement excusable, ces méthodes mal déterminées encore, mais apparemment contradictoires à ses aptitudes, cette guerre trop savante, peu avantageuse aux « héros », il s’en défie, il les appréhende pour nous.
Ils ont appris que Wagner donnait à l’orchestre un rôle important : ils surchargent leurs partitions de sonorités bruyantes, accompagnent des romances sentimentales avec des dissonances très savantes. […] Beckmesser est savant il connaît les règles des tablatures, et tous les contrepoints ; et, parmi ses collègues de l’Institut de Nuremberg, il préside les jurys d’examen. […] Enoncer cette affirmation, c’est prophétiser à coup sûr, mais nous sommes heureux de pouvoir dire notre certitude au jeune et savant musicien qui, depuis plusieurs années déjà, n’a cessé de combattre le bon combat avec tant de zèle, de succès et de talent. […] Pour paraître le 22 mai prochain, Correspondance de Richard Wagner (1830-1883), éditée par notre savant collaborateur et correspondant viennois, M.
La Marquise de Lambert, l’Abbé Terrasson, & l’Abbé de Pons, qu’on appelloit le Bossu de la Motte, se rangerent de son côté contre les défenseurs du Poëte Grec, à la tête desquels étoit la savante Madame Dacier. […] in-12, est fidéle à la vérité dans le texte, savante & instructive dans les notes ; mais elle manque de grace. […] Mais quoiqu’il défigure Horace, & que ses notes soient d’un savant peu spirituel, son Livre est plein de recherches utiles, & on louë son travail en voyant son peu de génie. […] in-fol. avec les figures de Picart ; version bien écrite, & enrichie de savantes notes, mais non exempte de tout reproche.
s’ils peuvent, au Journal des savants, où ils vont avoir de la besogne. […] Ce sont les savants, les Congrégations, les Écoles, qui, depuis trois siècles environ, au dire de l’auteur des Origines de la langue française, ont lamentablement aberré sur ces origines ; et c’est contre leurs affirmations superficielles et erronées, traditionnelles et universelles, mais doctoralement articulées comme si elles n’étaient ni erronées ni superficielles, que Granier de Cassagnac s’élève. […] Ils laisseront parler sans lui répondre ce diable de savant qui débute tard, mais qui a trente ans de calorique accumulé à son service, et passer sur leur poil hérissé, avec une patience de Job, mais plus muette, cette tempête philologique qui souffle sur eux du fond du livre de Granier de Cassagnac. Ce livre serait, en effet, bien capable de renverser, à lui seul, la vieille théorie fainéante qui règne en matière de linguistique parmi les savants de ce temps.
Oublierez-vous qu’il fut un philosophe, un politique, un historien, un polémiste, un savant, un écrivain et un orateur de premier ordre ? […] Bossuet philosophe, politique, historien, polémiste, savant, écrivain, orateur… Je demande la permission d’examiner en détail ces faces différentes de son génie. […] Le savant… S’il faut entendre par science l’investigation en tous sens de la nature et la fixation progressive de ses lois, personne n’essayera de nous contredire, si nous affirmons que Bossuet professa toujours pour un aussi vain et insolent savoir le plus orgueilleux mépris qu’il soit possible à un catholique de concevoir pour tout ce qu’enfantent la terre et l’homme. […] Son érudition en ce genre est incontestable : mais ferais-je observer qu’il y a un abîme entre la science et l’érudition, cette dernière n’étant qu’une qualité accessoire pour le savant ?
L’art, le génie de Haydn, le caractère de cette musique riche, savante, magnifique, pittoresque, élevée, y sont présentés d’une manière sensible et intelligible à tous. […] Il n’explique pas ce démenti que donne l’auteur des Femmes savantes et du Misanthrope à cette théorie d’une mort partielle chez tous les classiques.
Il semble qu’on ait tout dit à l’honneur des lettres et pour célébrer la douceur dont elles sont dans les différentes circonstances et aux différents âges de la vie ; il y a longtemps qu’on ne fait plus que paraphraser le passage si connu de Cicéron plaidant pour le poète Archias : « Haec studia adolescentiam alunt, senectutem oblectant… », Frédéric nous offre une variante piquante à cet éloge universel des lettres et de l’étude ; il va jusqu’à prétendre, sans trop de raffinement et d’invraisemblance, que toutes les passions (une fois qu’elles ont jeté leur premier feu) trouvent leur compte dans l’étude et peuvent, en s’y détournant, se donner le change par les livres : Les lettres, écrit-il au prince Henri (31 octobre 1767), sont sans doute la plus douce consolation des esprits raisonnables, car elles rassemblent toutes les passions et les contentent innocemment : — un avare, au lieu de remplir un sac d’argent, remplit sa mémoire de tous les faits qu’il peut entasser ; — un ambitieux fait des conquêtes sur l’erreur, et s’applaudit de dominer par son raisonnement sur les autres ; — un voluptueux trouve dans divers ouvrages de poésie de quoi charmer ses sens et lui inspirer une douce mélancolie ; — un homme haineux et vindicatif se nourrit des injures que les savants se disent dans leurs ouvrages polémiques ; — le paresseux lit des romans et des comédies qui l’amusent sans le fatiguer ; — le politique parcourt les livres d’histoire, où il trouve des hommes de tous les temps aussi fousaf, aussi vains et aussi trompés dans leurs misérables conjectures que les hommes d’à présent : — ainsi, mon cher frère, le goût de la lecture une fois enraciné, chacun y trouve son compte ; mais les plus sages sont ceux qui lisent pour se corriger de leurs défauts, que les moralistes, les philosophes et les historiens leur présentent comme dans un miroir. […] Il s’y conduit d’abord avec habileté et talent ; il fait une diversion en Bohême par une marche savante et difficile, à laquelle Frédéric qui est par-delà, en face de la grande armée autrichienne, applaudit comme à une merveille, espérant toujours communiquer à son frère de ce nerf et de cette vigueur dont il est si pourvu lui-même : il force à son égard la dose de louange, il fait tout pour l’électriser ; mais il n’en vient pas à bout, et la conduite du prince Henri est assez sévèrement qualifiée dans les mémoires que le roi a écrits de la guerre de 1778.
Et Voltaire, ce même homme qui trébuchait ainsi dans le détail, reprenait ses avantages dès qu’il s’agissait d’ensemble ; il était de ces esprits fins et prompts qui devinent mieux qu’il ne connaissent, qui n’ont pas la patience de porter une démonstration un peu longue, mais qui enlèvent parfois tout d’une vue une haute vérité, et qui réussissent alors à l’exprimer de manière à ravir les savants eux-mêmes. […] Biot se plaisait à citer, comme le plus fidèle et le plus vivant résumé de la théorie de la lumière, ces beaux vers de l’épître à Mme du Châtelet Sur la philosophie de Newton : Il déploie à mes yeux par une main savante De l’astre des saisons la robe étincelante ; L’émeraude, l’azur, le pourpre, le rubis, Sont l’immortel tissu dont brillent ses habits.
L’originalité de La Bruyère n’est pas d’avoir fait des portraits tels quels, à la diable, et dessinés plus ou moins couramment à la plume, par manière de jeu de société, comme on les brochait avant lui, mais de les avoir faits serrés, profonds, savants, composés, satiriques, en un mot tels qu’un grand peintre seul les pouvait faire. […] Une bonne nouvelle cependant : le dictionnaire de l’Académie, non pas celui de l’usage, qui est dans les mains de tout le monde, et qui peut suffire quelque temps encore jusqu’à une prochaine révision, mais le dictionnaire historique commencé depuis quinze ans, — un fascicule important de ce dictionnaire si complet, si riche en citations, si intéressant même à la lecture (chose rare pour un dictionnaire), va paraître avec un avertissement du savant rédacteur M.
Celle-ci, durant son séjour en Angleterre, ne vit pas seulement les gens du monde et de la haute société, elle voulut connaître les savants, et l’on a le récit de sa visite au grand critique d’alors, à la fois homme de goût et roi des cuistres, à cet original de Samuel Johnson ; je donne l’historiette telle qu’on la lit dans la Vie du célèbre docteur par son fidèle Boswell ; il la tenait lui-même de la bouche de M. […] Il s’était fait d’elle toute une théorie, qui est aussi celle de Mme du Deffand, et qu’il exprime de cette façon piquante ; c’est dans une lettre à son ami, le poëte Gray : « Mme de Boufflers, qui a été en Angleterre, est une savante, maîtresse du prince de Conti, et qui a grand désir de devenir sa femme.
Et à ce sujet, je ne puis m’empêcher de me rappeler une analyse du savant Fauriel, une leçon professée, il y a trente ans, à la Faculté des Lettres. […] Viguier, ce savant émule et ce contemporain de tous nos maîtres, aurait tort de penser que, pour s’y prendre d’une autre sorte devant un public qui nous commande aussi et que nous avons à satisfaire, on ne l’a pas lu et qu’on n’a pas profité de son travail excellent.
Tous deux sont soumis à la même loi d’évolution, aux mêmes variétés de forme ; il y a des sociétés rudimentaires tout comme des organismes grossiers ; il y a des organisations sociales, savantes et compliquées, tout comme des organismes dont le mode de vie est riche et complexe. […] D’autre part, le savant sincère, content de suivre l’évidence partout où elle le mène, se convainc plus profondément par chaque recherche que l’univers est un problème insoluble.