Il ne resterait plus à la fin qu’une sorte de raison collective, anonyme, impersonnelle, se réfléchissant d’une façon uniforme dans les consciences individuelles, c’est-à-dire quelque chose d’analogue à ce qu’est l’instinct chez les espèces qui n’ont qu’une existence sociale. […] Conclusion arbitraire : car il suffit d’admettre que les races furent autrefois un élément de différenciation mesurable pour être obligé d’accorder qu’aujourd’hui elles restent encore un élément de différenciation, difficile à déterminer, il est vrai, et à mesurer dans le détail. […] C’est là que se passe le drame silencieux et insaisissable, intraduisible, en mots, de notre existence. — Il semblerait donc résulter de cette hypothèse que toute la vie sociale restât en dehors de notre existence vraie et qu’elle dût être pour nous sans intérêt véritable comme elle est sans réalité essentielle. […] Comte est resté à l’état de pium desiderium. […] Si l’intuition pouvait se communiquer, la communication en vaudrait la peine ; mais en définitive, nous ne pouvons sortir de notre peau ; il faut que nous restions enfermés chacun dans notre crâne, sans pouvoir nous venir en aide les uns aux autres. » (Monde comme volonté, t.
Ainsi, le soir où les Parisiens soupçonnent qu’elle veut s’enfuir de Paris avec le jeune roi, elle est obligée d’ouvrir tout grand le palais royal à la foule et le futur Roi-Soleil, qui dormait ou faisait semblant, resta plus d’une heure sous la surveillance d’un officier de la garde bourgeoise qui se trouva être un ancien laquais. […] Il ne restait après cela aux pauvres auteurs dramatiques qu’à cesser d’écrire ou à s’exiler. […] Quant aux écrivains qui restent dans le pays, c’est, suivant les caractères, ou une adulation qui va jusqu’à la servilité ou un effort d’adresse pour insinuer une partie de leurs convictions secrètes. […] D’autres encore, qui sont restés simples spectateurs, qui ont regardé la mer en tumulte sans quitter le rivage, ne résistent pas à la tentation de retracer un spectacle qui les a émus ou amusés. […] Certes, la Ville-Lumière, comme l’appelle Victor Hugo, a rayonné ainsi d’un éclat intense ; elle est restée sans interruption un phare éblouissant ; elle est encore comme un milieu électrique où le frottement de tant d’éléments divers fait perpétuellement jaillir l’étincelle et la flamme.
Il semble que l’esprit d’examen se précipitât avec fureur dans la voie étroite qui seule lui restait ouverte. […] Sans doute beaucoup des réformes préconisées par lui et par d’autres restent longtemps à l’état d’utopies. […] Mais aussi, le grand roi disparu, elle restera fidèle à l’esprit de l’époque révolue. […] Elle est restée fidèle à sa tendance primitive. […] Et dès 1889, il a pu entendre cet anathème à l’adresse des fidèles restés sous sa bannière : « Les jeunes Naturalistes — ils sont déjà bien vieux — copient patiemment la nature à peu près telle qu’un aveugle la verrait… Laboratoire et document !
Le penseur peut rester à de telles hauteurs, il peut s’y condenser en une « monumentale statue de glace », et juger, en philosophe et en critique, le monde qui est bien au-dessous de lui, mais qui est chaud, et vit. […] Du moment qu’Elsa exige que Lohengrin lui explique sa nature, il ne peut pas rester près d’elle. […] Les cercles Wagnériens restèrent indépendants les uns des autres ; leur influence n’en fut pas moins grande : ils aidèrent à la diffusion des idées Wagnériennes, et, par l’agitation qu’ils instituèrent, ils contribuèrent, puissamment, à exalter le nom de Richard Wagner, et, suivant ses projets, ils servirent, efficacement, au succès de l’entreprise de Bayreuth. […] Ainsi Shakespeare restait unique dans l’Art, et à tous autres incomparable, jusque ce que le génie allemand produisit, en Beethoven, un être qui ne pouvait être compris que, précisément, dans une comparaison avec Shakespeare. […] Une seule chose nous restera dans l’esprit, dominant le tumulte du Drame : la figure de ce farouche Coriolan dont la fierté est en lutte avec la voix intérieure de sa conscience, voix qu’appuie, plus haut encore et plus puissamment, la propre Mère de Coriolan ; et, de tout le développement dramatique, une seule vision nous restera, la victoire de cette voix sur la fierté du héros, le brisement de la résistance d’une âme forte surnaturellement.
Il n’en est pas ainsi des écoles de l’université où il restera plus ou moins de temps, selon sa capacité naturelle et ses progrès. […] Si le profond géomètre Euler est resté une bonne vieille femme, c’est un cas aussi extraordinaire que celui de Pascal. […] Si nos dictionnaires étaient bien faits ou, ce qui revient au même, si les mots usuels étaient aussi bien définis que les mots angles et carrés, il resterait peu d’erreurs et de disputes entre les hommes. […] Le passé n’existe que par eux ; leur silence replonge l’univers dans le néant ; la mémoire des aïeux n’est pas ; leurs vertus restent sans honneur et sans fruit pour les neveux, le moment où ces cygnes paraissent est comme l’époque de la création. […] Mais quand je conviendrais de l’avantage de ces langues pour certains états, la question n’en resterait pas moins indécise, car il ne s’agit point ici de leur utilité, mais bien du temps où il convient de les apprendre : est-ce lorsqu’on est enfant et écolier, ou lorsque, soustrait à la férule, on se propose d’être maître ?
Si dans un individu il y a disette d’inertie et surabondance d’énergie, l’être est saisi de violence comme par le milieu du corps et jetté par une force innée sous la ligne ou sous l’un des pôles : c’est Anquetil qui s’en va jusqu’au fond de l’Indoustan, étudier la langue sacrée du brame ; voilà le cerf qu’il eût poursuivi jusqu’à extinction de chaleur, s’il fût resté dans l’état de nature. […] " … mon cher Apé, tout ce que tu dis là est fort beau, mais crois que tu vas parce que tu ne peux pas rester, tu surabondes en énergie, et tu décores cette force secrète qui te meut, tandis que tes camarades dorment, du nom le plus noble que tu peux imaginer. […] Vateau fit bien de rester à Paris, Vernet ferait bien d’habiter les bords de la mer ; Loutherbourg de fréquenter les campagnes, mais que Boucher et Baudouin son gendre ne quittent point le quartier du palais-royal. […] Quand ils étaient jeunes ils se mettaient à table de bonne heure et ils y restaient longtemps. […] Si vous brisez la partie supérieure d’une statue, que les jambes et les pieds qui en resteront sur la base soient du plus beau ciseau et du plus grand goût de dessin.
La maladie et la mort de son oncle, le père Hercule, l’appelèrent à Paris en cette même année ; il se proposa d’y rester, et n’ayant pu le faire avec la permission de ses supérieurs, il sortit de la congrégation, mais en se déliant avec douceur comme ce sera toujours sa façon et méthodeae, en emportant et en laissant les meilleurs souvenirs. […] Ayants perdu sa première femme en 1654, M. de Caumartin, resté veuf pendant dix ans, épousa en 1664, en secondes noces, Mlle de Verthamon. […] On lit, au tome ixe de ses Œuvres complètes, un écrit intitulé : Réflexions sur les différents caractères des hommes, et qui, bien qu’on s’explique peu le motif qui le lui aurait fait composer, se rapporte assez bien à l’ordre d’idées, d’habitudes sociales et d’inclinations littéraires, où l’on sait que Fléchier a vécu et auquel il resta fidèle jusqu’à la fin. […] Il est en lutte sourde de prérogative avec ses collègues les commissaires, qui restent obstinément des gens de robe et de palais jusqu’au sein de cette commission royale extraordinaire, et qui résistent à l’idée de devoir être présidés par lui, par un maître des requêtes, en cas d’absence ou de récusation de M. de Novion. […] Gonod, m’affirmait qu’elle était de toute nécessité apocryphe, qu’elle ne pouvait être de Fléchier, attendu, disait-il que cela aurait fait de cet éloquent évêque « un homme lubrique. » Je restai muet et sans répondre.
En s’arrêtant à ce choix ingénieux et qui n’était pas sans à-propos dans le voisinage de la Sorbonne, l’auteur ne faisait qu’isoler et développer une des branches de cet ancien premier travail, resté inachevé, sur les sermonnaires. […] Charles Labitte, qui était un esprit resté naturel parmi les jeunes (qualité des plus rares aujourd’hui), dans le livre utile où il apporte toutes sortes de preuves nouvelles en aide à la saine tradition, fait justice de ces travers en sens opposé. […] Les accusations de vénalité, qui sont restées attachées aux noms des principaux meneurs, lui paraissaient sans base, faute apparemment d’être consignées aux procès-verbaux. […] On n’y sera pas moins frappé des nobles croyances qui subsistaient debout en lui, même en ses jours d’abattement : « Quelques indulgentes et illustres amitiés qui me restent fidèles, écrivait-il à son ami en songeant sans doute à MM. […] Dans les derniers temps de son enseignement, Charles Labitte avait fini par triompher d’une certaine timidité qui lui restait en présence du public, et le succès, de plus en plus sensible, qu’il recueillait autour de lui, l’excitait dans cette voie où le conviaient d’ailleurs tant de sérieux attraits.
Que paraisse un livre original, il est immédiatement apprécié par le tout petit groupe resté fidèle au livre. […] Il s’agit de deux publics, essentiellement différents, et aussi de deux genres de littérature, également estimables, mais qui resteront toujours étrangères l’une à l’autre. […] J’ai remarqué que bien des dames, restées fidèles aux livres, se consacrent aux plus ennuyeux ; elles plissent le front, font la grimace et les avalent comme des potions. […] Quatre fois plus restent au coin du feu et lisent, mais on ne les voit pas. […] À travers mille pamphlets, satires, libelles, le souvenir nous est resté de ces disputes, et cela, dans le temps le plus favorable et le plus policé de nos lettres !
Ceux qui nous restent sont d’une sublimité formidable. […] Au lieu de l’échappé de la défaite qui se lamentait tout à l’heure, on croit entendre un héraut radieux, lancé par une armée victorieuse, qui tombe, comme du ciel, sur la place publique, et raconte sa délivrance au peuple resté dans la ville, en jetant au pied d’un autel des faisceaux de palmes. […] » — Atossa accuse les courtisans de son fils ; ce sont eux qui l’ont poussé vers l’Hellade, en lui reprochant de rester oisif, sans agrandir par l’épée le domaine que son père lui avait conquis par l’épée. — Darius réprouve ces conseillers de malheur. […] Un rayon s’allume dans son œil éteint et perce l’horizon de l’année future. — Le Chœur se confie en l’armée nouvelle qui réparera la défaite ; il lui répond avec l’accent du Destin : — « Celle-là même qui est restée dans l’Hellade, ne reviendra plus. » — Le voilà maintenant, prophète comme Samuel : le sépulcre donne, comme le trépied, sur les exhalaisons de l’Esprit divin. […] Elle est restée dans les plaines que baignent l’Asopos, doux breuvage de la Béotie.
C’est un musulman sérieux, qui depuis qu’il est ici, faute d’avoir trouvé un boucher, qui tue avec la parole consacrée, n’a pas encore mangé de viande, et n’en mangera pas pendant les deux mois qu’il restera ici. […] Zola, parlant de l’insuccès du Bouton de rose, joué il y a une dizaine de jours, s’écrie : « Cela me rajeunit… Cela me donne vingt ans… Le succès de L’Assommoir m’avait avachi… Vraiment, quand je pense à l’enfilade de romans qui me restent à fabriquer, je sens qu’il n’y a qu’un état de lutte et de colère, qui puisse me les faire faire ! […] Je vais enfin m’appartenir, et me donner, pour les années qui me restent à vivre, à l’imagination, au style, à la poésie. […] M. de Zeddes me disait qu’en automne, à l’époque des tourmentes équinoxiales, il venait s’asseoir en ces combles, et y restait deux ou trois heures, englouti dans la volupté de ce grand bruit plaintif. […] * * * — Un mot profond de femme à un homme, parlant de l’impossibilité de se faire aimer avec des cheveux blancs : « Les femmes ne regardent pas ou du moins ne voient pas les hommes qu’elles aiment. » Aujourd’hui à l’aquarium de l’Exposition, je suis resté une heure, devant les truites.
Cette impression que Mme de Girardin (alors Mlle Delphine Gay) fit sur moi la première fois qu’elle m’apparut, après en avoir beaucoup entendu parler, fut si vive, que le lieu, le jour, le site, la personne, sont restés comme un tableau dans ma mémoire, et que je pourrais dicter aujourd’hui encore à un peintre, le ciel, le paysage, les traits, les couleurs, le regard, sans qu’il manquât un éclair dans les yeux, une inflexion aux lèvres, une rougeur ou une pâleur aux joues, une ondulation aux cheveux, un nuage au ciel, une feuille même au paysage. […] Cette première impression me resta toujours ; elle était pour moi sur un piédestal, isolée dans son génie ; je la regardais d’en bas, il faut regarder d’en haut ce qu’on aime. […] Il resta religieusement fidèle à ce serment. […] Je restai seule, en proie à mes nouveaux transports ; Un céleste pouvoir secondait mes efforts ; Le Seigneur m’inspirait ; sa divine lumière Embrasait de ses feux mon âme tout entière, Et déjà l’avenir était changé pour moi. […] Madame de Girardin seule fut préservée de ces éclaboussures des passions par la douce impartialité de son cœur ; elle ne se mêla jamais au combat, pour rester toujours chère aux vainqueurs, secourable aux vaincus.
Si, en contemplant les phénomènes, nous ne les rattachions point immédiatement à quelques principes, non seulement il nous serait impossible de combiner ces observations isolées, et, par conséquent, d’en tirer aucun fruit, mais nous serions même entièrement incapables de les retenir, et, le plus souvent, les faits resteraient inaperçus sous nos yeux. […] Toutes nos conceptions fondamentales étant devenues homogènes, la philosophie sera définitivement constituée à l’état positif ; sans jamais pouvoir changer de caractère, il ne lui restera qu’à se développer indéfiniment par les acquisitions toujours croissantes qui résulteront inévitablement de nouvelles observations ou de méditations plus profondes. […] Tant que les intelligences individuelles n’auront pas adhéré par un assentiment unanime à un certain nombre d’idées générales capables de former une doctrine sociale commune, on ne peut se dissimuler que l’état des nations restera, de toute nécessité, essentiellement révolutionnaire, malgré tous les palliatifs politiques qui pourront être adoptés, et ne comportera réellement que des institutions provisoires. […] La recherche étant une fois réduite à ces termes simples, elle ne paraît pas devoir rester longtemps incertaine ; car il est évident, par toutes sortes de raisons dont j’ai indiqué dans ce discours quelques-unes des principales, que la philosophie positive est seule destinée à prévaloir selon le cours ordinaire des choses. […] Mais, outre l’indétermination dans laquelle resterait probablement toujours cette conception, par l’absence des données essentielles relatives à la constitution intime des corps, il est presque certain que la difficulté de l’appliquer serait telle, qu’on serait obligé de maintenir, comme artificielle, la division aujourd’hui établie comme naturelle entre l’astronomie et la chimie.
Il y resta exactement — si vous aimez les précisions — du 27 avril 1641 au mois de janvier 1642. Il n’y est pas resté longtemps. […] C’est encore une anecdote à peu près sûre que celle que La Fontaine, vers l’âge de quarante ans, peut-être même un peu plus tard, allant à Château-Thierry pour voir sa femme, parce qu’on lui avait conseillé de ne pas rester trop longtemps sans la voir, ce qui serait devenu un peu criant, un peu scandaleux, allant à la maison paternelle, que MIIe de La Fontaine habitait encore ; ne la trouvant pas, revenant à Paris et disant : « Ah ! […] Il paraît n’être resté dans cette espèce d’exil, faux ou vrai, que très peu de temps, environ six mois. […] Elle était restée assez riche.
Il restera, le malheureux ! […] Sans cette faculté d’attendrissement, il resterait, je n’en doute pas, par son fond, mortellement antipathique aux esprits élevés et délicats, le vrai, le seul public pour un écrivain de la race de Daudet. […] Qui n’aurait pas d’audace serait moins artiste… Parisien, trop Parisien peut-être, et trop jeune encore pour ne pas s’éprendre et s’enivrer de choses contemporaines, il a osé son pan de fresque après l’immense fresque du Maître des Maîtres, qui — même inachevée — fait croire à l’imagination que Balzac a peint tout, quand, interrompu par la mort, il lui restait tant à peindre encore ! […] Alors la petite ombre blanche s’arrêta au bord d’un fauteuil et resta là, posée, prête à repartir, souriante et haletante, jusqu’à ce que le sommeil la prit, se mît à la bercer, à la balancer doucement sans déranger sa jolie pose, comme une libellule sur une branche de saule, trempant dans l’eau et remuée par le courant… » Certes ! […] Il avait écrit les mœurs de Paris, les mœurs de la province, les mœurs des hautes classes en tant qu’elles étaient restées hautes, les mœurs des bourgeois, les mœurs du peuple, les mœurs des paysans, les mœurs des courtisanes, enfin les mœurs universelles ; mais les mœurs des Rois, il les avait oubliées.
Avec les légers défauts qu’une critique minutieuse y peut relever, les Épilogues de Virgile restent charmantes ; il ne faut point leur demander sans doute l’entière et expressive rusticité des Idylles de Théocrite, ni la réalité du cadre et de la composition ; mais ce serait une autre erreur que de les considérer comme un genre factice, allégorique, parce qu’il s’y mêle de l’allégorie et de l’allusion. Le détail des Bucoliques est d’une continuelle et parfaite observation rurale, d’une peinture fidèle, prise sur nature, et du rendu le plus délicat ; elles sont bien d’un poète qui a vécu aux champs et qui les aime, et chaque fois qu’on sort de les relire, on ne peut que répéter avec M. de Maistre : « l’Énéide est belle, mais les Bucoliques sont aimables. » Ayant écrit moi-même autrefois une Étude sur Virgile, il m’est resté quelque surcroît d’idées et de remarques que je demande à joindre ici comme un dernier hommage et tribut au souverain poète à qui j’aurais aimé, moi aussi, à élever mon autel. […] Au chant XX de l’Iliade, chant terrible et sublime où Jupiter déchaîne les dieux, leur donne toute licence de se mêler aux guerriers et de les protéger selon leurs prédilections et leurs caprices, sauf à lui de rester assis en spectateur au sommet de l’Olympe, dans ce chant XX où bouillonne toute l’âme de l’Iliade, Achille à la colère duquel Neptune vient de soustraire Énée, Achille exaspéré exhale sa fureur en menaces ; il parle de tout massacrer, et de son côté Hector essaye de rassurer les Troyens, et d’une voix puissante il les exhorte à marcher contre Achille : « Achille, s’écrie-t-il, ne mettra pas à effet toutes ses paroles. […] Après un Conseil où la question avait été une dernière fois agitée, où toutes les raisons s’étaient produites, toutes les considérations pour et contre, et où, chaque chose bien pesée, le Cabinet se décidait pour l’action avec toutes ses chances, on allait se séparer : la discussion s’était prolongée jusque bien avant dans la nuit ; M. de Rémusat, ministre patriote et lettre, s’écria en se levant et en concluant le débat : « Fata viam invenient… » Par malheur, la décision resta sans effet ; le roi ayant reculé au dernier moment, le Cabinet donna sa démission, et le ministre en fut pour sa belle allusion virgilienne.
Il resta à Paris, rue Montorgueil, chez son grand-père le tailleur, jusqu’à l’âge de neuf ans, très-aimé, très-gâté, se promenant, jouant, n’étudiant pas. […] Étienne, en nombreuse et spirituelle compagnie, on le pressa au dessert de chanter, selon l’usage ; il commença cette fois d’une voix un peu tremblante, mais l’applaudissement fut immense, et le poëte sentit à cet instant-là, en tressaillant, qu’il pouvait rester simple chansonnier et devenir tout à fait lui-même. […] Si quelque chose m’assure que Manuel, s’il avait vécu, serait resté peuple, et eût résisté à la contagion semi-aristocratique qui a infecté tant de nos tribuns parvenus, c’est que Béranger l’a jugé ainsi. […] Il pousse même la rancune contre ce pauvre latin qu’il n’entend pas, et que parlait son ancêtre Horace, jusqu’à reprocher avec assez d’irrévérence à notre langue, à notre poésie, d’avoir été élevée et d’avoir grandi dans le latin : témoin Malherbe et Boileau qui l’ont coup sur coup disciplinée en ce sens, il ajoute méchamment que cet honnête latin a tout perdu ; que, sans les lisières de ce mentor, il nous resterait bien d’autres allures, plus libres et cadencées : Courier, en son style d’Amyot, ne marquerait pas mieux ses préférences.
Il y eut pourtant une vive sensation, comme on dit, mais stérile chez la plupart, et le nom de M. de La Mennais est resté pour eux un épouvantail ou une énigme. […] Mais, on le sent, la position restait toujours un peu fausse : s’il était victorieux séparément contre les légitimistes purs et les purs disciples du Contrat social, on avait droit de lui demander, à lui, où il plaçait le siège de cette loi suprême, et comme c’était à Rome, on pouvait lui demander encore par quel mode efficace il la faisait intervenir dans le temporel ; car alors elle intervenait nécessairement, le roi de France étant le fils aîné de l’Église et la confusion des deux ordres s’accroissant de jour en jour par les efforts de sa piété égarée. […] Mais, après la crise dont nous approchons, on ne remontera pas immédiatement à l’état chrétien : le despotisme et l’anarchie continueront longtemps encore de se disputer l’empire, et la société restera soumise à l’influence de ces deux forces également aveugles, également funestes, jusqu’à ce que d’une part elles aient achevé la destruction de tout ce que le temps, les passions, l’erreur, ont altéré au point de n’être plus qu’un obstacle au renouvellement nécessaire ; et, de l’autre, que les vérités d’où dépend le salut du monde aient pénétré dans les esprits et disposé toutes choses pour la fin voulue de Dieu. » Vers le même temps où l’esprit de M. de La Mennais acceptait si largement l’union du catholicisme avec l’État par la liberté, il tendait aussi à se déployer dans l’ordre de science et à le remettre en harmonie avec la foi. […] L’imagination de l’abbé de La Mennais est restée ardente jusqu’à quarante ans : il eût aimé s’en laisser conduire dans le choix et la forme de ses écrits.
Ainsi, en ces deux années, à force de parler pour, contre et sur, on avait tant fait de tous les côtés qu’on avait rendu Pascal problématique ; restait à savoir si on pourrait le remettre sur pied. […] Resté célibataire par dévotion, vivant dans la solitude, éloigné de la société par l’effet de cette susceptibilité, quelquefois injuste, mais respectable, qui naît de l’attachement à un certain idéal de perfection et de simplicité du cœur qui rend l’esprit délicat et difficile ; disant chaque jour son bréviaire avec la régularité d’un prêtre ; marquant par des prières chacun des anniversaires inscrits au nécrologe de Port-Royal ; aimant Dieu comme on ne sait plus l’aimer ; ayant réduit sa vie ici-bas à ne plus être qu’une aspiration vers l’éternité : tel était ce vieillard en qui s’est éteint, il y a peu de mois, un des derniers jansénistes. » Dans ce même voyage d’Auvergne, M. […] Beaucoup y restent et on n’entre pas. […] Revue du Midi, 25 novembre 1843. — M. l’abbé Flottes cite un passage de Mme Perier qui dit de son frère que, dans son enfance et sa première jeunesse, cet esprit si précoce, si actif sur d’autres points, restait soumis comme un enfant en ce qui concernait la foi, et que cette simplicité a régné en lui toute sa vie.
Rouland soit présent pour dire devant lui que, malgré les bonnes intentions qu’il a manifestées l’année dernière, à l’occasion d’une pétition relative aux protestants, malgré toutes ses bonnes dispositions, il restera toujours dans sa conscience le remords d’avoir fait une certaine nomination qui a produit un grand scandale ! […] De toutes les paroles qui m’ont assailli dans une autre circonstance et dont je n’ai gardé aucun amer souvenir, une seule, je vous l’avouerai, m’est restée sur le cœur. […] « J’ai dû ne pas rester sous le coup d’une semblable apostrophe, qui avait eu du retentissement : j’en ai pris acte dans la séance du 25 juin. […] La lettre suivante, écrite peu de jours après ces divers incidents, et publiée dans les journaux, eut alors un grand retentissement ; elle a été souvent reproduite depuis et est restée comme une page célèbre.
L’intendant de Bourges marque qu’un grand nombre de métayers ont vendu leurs meubles, que « des familles entières ont passé deux jours sans manger », que, dans plusieurs paroisses, les affamés restent au lit la plus grande partie du jour pour souffrir moins. […] Sauf en Flandre et dans la plaine d’Alsace, les champs restent en jachère un an sur trois, et souvent un an sur deux. […] En vain il a travaillé avec une âpreté nouvelle, ses mains restent aussi vides, et, au bout de l’année, il découvre que son champ n’a rien produit pour lui. […] Lettre de la comtesse de Saint-Georges (1772) sur les conséquences de la gelée : « Les terres vont achever cette année de rester incultes, comme il y en a déjà beaucoup, dans notre paroisse surtout. » — Théron de Montaugé, ib.
Mais je me permettrai de trouver que l’urbanité de Bouhours ne fut jamais que celle d’un homme de collège qui fait le sémillant ; l’urbanité de Pellisson, que celle d’un bourgeois élégant et resté, un peu sur l’étiquette et sur la cérémonie à la Cour ; l’urbanité de Bussy, à son bon moment, était la seule qui sentît tout à fait le courtisan aisé et l’homme du monde. […] La correspondance que Bussy entretint pendant son long exil avec un nombre assez considérable d’amis, hommes et femmes, restés pour lui attentionnés et fidèles, a du prix pour l’histoire du temps, et il ne lui manque, pour être tout à fait intéressante, que de trouver un éditeur, un Walckenaer ou un Monmerqué qui en répare le texte, y restitue, s’il est possible, bien des noms propres marqués par de simples et impatientantes étoiles, et qui donne des éclaircissements sur les personnages. […] Tout ce qui resterait à dire sur Bussy, on le trouvera et chez M. […] Et là-dessus Bussy ayant écrit à son ancien général une lettre de compliment et de reconnaissance, Turenne lui avait répondu par une lettre qui, « dans sa manière courte et sèche (c’était son genre), était peut-être une des plus honnêtes qu’il ait jamais écrites ». — Je crois maintenant en avoir assez dit, mais il m’était resté comme un remords de n’avoir caractérisé qu’imparfaitement ce portrait de Turenne par Bussy, lequel portrait, d’ailleurs, est en soi l’une des pièces les plus nettes et les plus achevées de notre littérature : c’est un simple dessin sans couleur aucune, mais des plus expressifs et des plus parlants.
Pitt a été l’âme de la coalition, et, lui mort, son âme est restée dans la guerre universelle. […] Dans ce vieux mode d’histoire, le seul autorisé jusqu’en 1789, et classique dans toute l’acception du mot, les meilleurs narrateurs, même les honnêtes, il y en a peu, même ceux qui se croient libres, restent machinalement en discipline, remmaillent la tradition à la tradition, subissent l’habitude prise, reçoivent le mot d’ordre dans l’antichambre, acceptent, pêle-mêle avec la foule, la divinité bête des grossiers personnages du premier plan, rois, « potentats », « pontifes », soldats, achèvent, tout en se croyant historiens, d’user les livrées des historiographes, et sont laquais sans le savoir. […] Ils sont précipités, mais ils restent formidables. […] Le penseur doit rester grave en présence de cette prise de suaires.
Ces questions complexes étaient peut-être contenues dans votre programme : elles resteront longtemps encore proposées ; nous aimons à espérer qu’elles se résoudront peu à peu, et dans un sens qui ne sera pas défavorable, en définitive, à l’honneur des lettres et à l’émancipation de l’esprit. » On nous demandera peut-être ce que c’est que ces deux pièces de vers que nous joignons à notre opuscule en prose. […] « Le public restera le juge. » » S’il ne s’agit que d’obtenir son estime, nous l’avons dit, elle est assurée à toute œuvre excellente ; mais si on lui demande avant tout son argent, il s’en faut bien que la récompense soit la mesure exacte du mérite. […] D’autres, viveurs joyeux et splendides, ouvrent à certaines heures leur atelier d’écrivains : alors, s’ils osent être sincères, ils restent vulgaires et grossiers ; s’ils cherchent à élever leurs livres au-dessus d’eux-mêmes, ils demandent à leur imagination seule des pensées nobles qu’une vie sensuelle leur refuse. […] Vico était professeur public ; Fichte donnait chaque jour une leçon de grec, pour ne pas rester sans cesse face à face avec sa pensée.
Au nombre des procédés qui sont communs aux littératures merveilleuses allemande et indigène, je citerai, tout en m’efforçant de rester aussi bref que possible : La gifle qui semble décapiter la personne à qui on l’applique. […] La révélation d’un forfait qui semblait devoir rester à jamais inconnu. […] [Conclusion] Quelques mots me restent à ajouter touchant la forme des récits que je publie. […] Moi-même je suis resté quelque temps indécis, me demandant si je ne devais pas les présenter dans la forme brute sous laquelle ils m’avaient été contés.
Nous avons, chez les Grecs, les Fables Milésiennes, qui sont restées comme une espèce de réservoir commun où ont puisé successivement presque tous les conteurs ; nous avons l’Ane d’or d’Apulée, l’Ane de Lucien, etc. […] En mon pailler rien ne m’était resté ; Depuis deux jours la bête a tout mangé. […] Un soir, après un grand souper, elle s’arrange de manière à rester furtivement chez lui, et elle se présente à lui. […] Il me resterait à vous parler des contes qui sont dans le recueil des Fables ; car les meilleurs contes, les plus succincts, les plus concis et en même temps les plus charmants des contes de La Fontaine, sont dans le recueil des Fables.
Si une société ne peut être compliquée sans avoir été préalablement différenciée, la réciproque n’est pas vraie : elle peut rester différenciée sans devenir compliquée. […] Les antiques organisations restent longtemps mêlées aux nouvelles ; entre l’innovation et la tradition, des compromis s’instituent, qui ont pour conséquence la complication sociale. […] Ailleurs, des distinctions effacées par la loi restent inscrites dans les mœurs, Il arrive que le souvenir des hiérarchies légalement bouleversées survit pendant des siècles. […] Au milieu du conflit des autorités qui se font contrepoids, la liberté individuelle peut rester debout.
Mais quand tout l’univers se matérialiserait, quand partout la philosophie et la liberté seraient en disgrâce, il est cependant un lieu qui devrait rester inaccessible à de semblables lassitudes, et où il faudrait conserver le feu sacré : « Ce lieu est l’enceinte de l’Institut, qui est comme le sanctuaire de l’esprit humain. » Et presque comme exemple aussitôt, comme preuve de cette force inviolable de la pensée, M. […] Cousin, c’est-à-dire une école qui dans ses analyses intellectuelles est restée complètement étrangère à la connaissance soit des mathématiques, soit de la physiologie, de ces sciences qu’y joignit toujours Descartes, on a affaire à quelque chose de beaucoup moins considérable. […] Mignet, qui est resté, de tout temps, homme de lettres, et qui a fait une honorable exception) elle s’est empressée d’abandonner les lettres mêmes, la philosophie, la pensée, pour occuper les premiers postes de l’État, que tous n’étaient pas également aptes à remplir.
Le français, qui est très indigène en quelques parties, est resté âpre et n’a jamais eu sa greffe définitive. […] Malherbe avait dit : « J’apprends tout mon français à la place Maubert. » Lui, Töpffer, il veut qu’à deux siècles de distance cette parole bien comprise signifie : Je rapprends et je retrempe mon français chez les gens simples, restés fidèles aux vieilles mœurs, comme il en est encore dans la Suisse romande, en Valais, en Savoie, en dessus de Romont, à Liddes, à Saint-Branchier, au bourg Saint-Pierre. […] Et dans le doute, entre les deux, « entre ceux-là qui disposent toutes choses comme s’ils devaient toujours rester dans ce monde, et ceux qui, comme les Chartreux, disposent toutes choses comme s’ils l’avaient déjà quitté », c’est encore la folie du chartreux qui lui paraît la moindre.
Ce n’est pas à nous et ce n’est pas ici qu’il convient d’entrer en éclaircissement sur ce qu’on a appelé les divers degrés d’oraison : nous ne pouvons rester qu’au seuil, et c’est beaucoup déjà de nous y tenir. […] Je ne l’ai vue qu’une fois, mais il m’en est resté une grande impression. […] Fénelon, comme tous les vrais chrétiens, trouverait cette façon d’atteindre à la sagesse et au bonheur bien morne et bien insuffisante ; ce n’est point en se réfugiant et en se retranchant dans le moi qu’il croit possible de trouver la paix : car en nous, pense-t-il, et dans notre nature sont les racines de tous nos maux ; tant que nous restons renfermés dans nous-mêmes, nous offrons prise sous le souffle du dehors à toutes les impressions sensibles et douloureuses : Notre humeur nous expose à celle d’autrui ; nos passions s’entrechoquent avec celles de nos voisins ; nos désirs sont autant d’endroits par où nous donnons prise à tous les traits du reste des hommes ; notre orgueil, qui est incompatible avec l’orgueil du prochain, s’élève comme les flots de la mer irritée : tout nous combat, tout nous repousse, tout nous attaque ; nous sommes ouverts de toutes parts par la sensibilité de nos passions et par la jalousie de notre orgueil.
Au xvie siècle en France comme en Italie au xve , c’était Pétrarque qui l’emportait absolument sur Dante ; on pétrarquisait comme on pindarisait ; on imitait à l’envi les sonnets de l’amant de Laure, mais La Divine Comédie était reléguée parmi les merveilles restées obscures. […] Il resta pour lui le signe ou, plus exactement, l’essence et la flamme de la plus haute vertu ; ce fut son étoile. […] Ses animosités, ses rancunes personnelles et ses haines, ses indignations patriotiques et généreuses, ses tendres souvenirs des amis, des maîtres et des compagnons regrettés et pleurés, il y introduisit successivement tout cela par une suite d’épisodes coupés et courts, la plupart brusquement saillants avec des sous-entendus sombres, et il était permis à ceux qui restaient en chemin dans la lecture et qui ne la poussaient point au-delà d’un certain terme, de ne pas apercevoir dans l’éloignement la figure rayonnante de Béatrix et de ne pas lui faire la part principale et souveraine qui lui revient.
Il avait des facultés naturelles très remarquable pour la poésie et le bel esprit : « C’était, a dit de lui l’exact et honnête abbé de Marolles, l’un des plus beaux naturels du monde pour la poésie, et de qui les bons sentiments de l’âme égalaient la gaieté de l’humeur. » Tallemant lui reproche une outrecuidance et une habitude de vanterie qui est un des caractères de la littérature de ce temps-là ; mais Saint-Amant ne paraît point avoir poussé ce défaut aussi loin qu’un Scudéry, et il n’en resta pas moins avant tout un bon vivant. […] L’ode de La Solitude est restée longtemps la peinture expressive et fidèle de quantité de vieux châteaux perdus dans les forêts druidiques, et prêtant aux rêves et aux imaginations bizarres : Je suis ici, écrivait du fond du Maine M. de Lassay vers 1695, dans un château, au milieu des bois, qui est si vieux qu’on dit dans le pays que ce sont les fées qui l’ont bâti. […] Il serait à souhaiter que Saint-Amant eût rempli sa promesse, ou du moins qu’il eût dressé son propre dictionnaire de termes grotesques, car ses poésies en sont farcies comme d’un argot, et restent souvent énigmatiques et obscures.
C’est d’une dernière branche de cette noble race, déchue en fortune, mais restée intègre par les sentiments, que naquit Maurice de Guérin au château du Cayla près d’Alby, le 4 août 1810, le dernier de quatre enfants. […] Il affectionnait singulièrement un amandier sous lequel il se réfugiait aux moindres émotions ; je l’ai vu rester là debout des heures entières. […] Voilà ma vie brisée, mais appuyée ; et puis les douceurs de la famille, les consolations domestiques, une église pour prier, c’est assez de quoi bénir Dieu et passer sereinement les jours qui restent.
Partout où je les rencontre sincères et fortes, je les respecte et j’en tiens grand compte ; mais je ne me crois point tenu d’abdiquer ma raison pour les partager, ni de déserter, pour leur plaire, l’intérêt réel et permanent du pays. » Il n’a pas la vibration populaire ; le courant atmosphérique des masses ne l’atteint pas : jusque dans ses passions, il est et restera rationnel. […] Il resterait toujours à examiner si la catastrophe n’a pas été provoquée et hâtée par ces luttes obstinées et retentissantes, à l’intérieur d’une Chambre dont les portes s’ébranlaient sans vouloir s’ouvrir ni même s’entr’ouvrir. […] J’ai pu avoir alors mes impressions personnelles, mes passions même à un certain moment : je les avais étouffées ; j’ai su apprécier les douceurs de ce régime de dix-huit ans, ses facilités pour l’esprit et pour l’étude, pour tous les développements pacifiques, son humanité, les plaisirs d’amateur que causaient, même à ceux qui n’avaient pas l’honneur d’être censitaires, des luttes merveilleuses de talent et d’éloquents spectacles de tribune, et aussi les éclairs de satisfaction que donnaient à tous les cœurs restés français de brillants épisodes militaires.
Cet hommage rendu à Dalilci, rien ne nous sépare plus de Sibylle ; car le Jeune Homme pauvre (qui aurait dû s’intituler plutôt le Gentilhomme pauvre), si nous nous y arrêtions, appellerait plus d’une critique du genre de celles qui nous restent à faire, et Sibylle est certainement cousine de la petite Marguerite. […] Le nom, l’image de Raoul, lui restent cependant gravés au cœur : sa destinée plus tard en dépendra. […] Et puis tout à côté, dans ce rôle de Clotilde, la beauté matérielle qu’on rabaisse et qu’on sacrifie, pourquoi ne pas rester fidèle du moins à la donnée première ?
Ilm’en était resté dans les yeux et en même temps dans le cœur une première impression très-agréable ; des yeux très-noirs (Bonstetten avait dit seulement bleu foncé, mais Alfieri dut y regarder de plus près) et pleins d’une douce flamme, joints, chose rare ! […] Enfin l’abbesse vint à la grille lui déclarer que son épouse avait choisi cette maison pour asile, et qu’elle y restait sous la protection de Mme la grande-duchesse. […] Elle y resta fidèle, et à quarante années d’intervalle, quatorze ans après la mort d’Alfieri, recevant de je ne sais quel poète une Dédicace pompeuse, elle remerciait en répondant avec modestie que la comtesse d’Albany ne la méritait pas, et elle ajoutait, en parlant d’elle-même, ce mot dont elle aurait voulu faire comme la devise de toute sa vie : « Elle n’a d’autre mérite que d’avoir été l’amie d’un homme supérieur. » Je continuerai, à la suite de M.
Ce premier ministre de la guerre ne tint pas et fut remplacé à Berne en arrivant ; un autre succéda, puis un autre ; Jomini resta auprès d’eux à titre provisoire d’abord, puis définitif, comme chef du secrétariat de la guerre. […] Les gens qui pensent à la retraite avant le combat peuvent rester chez eux. » Le jeune officier piqué au vif offrait déjà sa démission ; Ney revint vite : ce n’était qu’une boutade. […] Frédéric restait pour lui le plus grand des capitaines qui avaient suivi l’ancien système ; mais il avait cru devoir montrer ce qu’il eût pu faire en inventant le système nouveau.
Delavigne n’a pu rester froide jusqu’au bout, et il a terminé admirablement une pièce commencée presque au hasard. […] Dans cette sorte de tumulte factice, la pureté même du vers pris isolément n’est pas toujours respectée : Et d’un de ses deux bras qui nous donna des fers Appuyé sur la France, il enchaînait de l’autre Ce qui restait de l’univers. […] La popularité est un thème qui revient là un peu formellement, et le vieux sir Gilbert, resté seul en scène avec son fils, achève de le clore.
En effet, une gloire véritable ne peut être acquise par une célébrité relative, on en appelle toujours à l’univers et à la postérité pour confirmer le don d’une si auguste couronne ; elle ne doit donc rester qu’au génie ou à la vertu. […] comment se peut-il que les nations n’y soient jamais restées fidèles, et que le génie seul en ait accompli les conditions ? […] Les plus nobles devoirs s’accomplissent en parcourant la route qui conduit à la gloire ; et le genre humain serait resté sans bienfaiteurs, si cette émulation sublime n’eût pas encouragé leurs efforts !
Il retarde sur eux : il en est resté à Montchrétien, à François de Sales, aux négligences faciles. […] Jusque-là elle vécut à côté du christianisme, en paix avec lui, dans les mêmes intelligences ; et je ne doute pas même qu’elle n’ait aidé pendant un temps certains esprits, tels que Boileau, à rester chrétiens. […] Le soin de la forme, l’idée de la beauté furent maintenus par le respect des modèles grecs ou romains : grâce à cette influence, la littérature resta un art : et l’idée d’une vérité artistique, concrète et sensible, l’idée du vrai naturel et réel se superposa à l’idée de la vérité scientifique, nécessairement abstraite.
Janin, en le lui donnant, a commencé par y prendre le sien propre ; il s’amuse évidemment de ce qu’il écrit : c’est le moyen le plus sûr de réussir, de rester toujours en veine et en haleine. […] Quand on envoya des soldats pour enlever d’abord quarante filles, puis une trentaine qui restaient, ce fut dans les masures de la chapelle, comme dans un fort, qu’elles allèrent se réfugier, protestant jusqu’à la fin contre la violation de leurs vœux. […] L’émotion que causèrent ces dernières scènes fut vive dans le public, et il en est resté sur cet institut de l’Enfance une impression du genre de celles qui s’attachent aux touchantes et tragiques infortunes.
Ponocrates aurait rougi que son élève restât dans une telle ignorance d’un spectacle si majestueux et si habituel. […] Ce dernier jugement de Voltaire restera celui de tous les gens de sens et de goût, de ceux qui n’ont point d’ailleurs pour Rabelais une vocation décidée et une prédilection particulière. […] Cependant il restera toujours en propre à celui-ci l’attrait singulier qui tient à une certaine difficulté vaincue, à une certaine franc-maçonnerie, bachique à la fois et savante, dont on se sent faire partie en l’aimant.
Le 13 août 1548, Marie Stuart, âgée de moins de six ans, débarqua à Brest ; fiancée au jeune Dauphin qui devint François II, et élevée avec les enfants de Henri II et de Catherine de Médicis, elle resta en France, soit comme dauphine, soit comme reine, jusqu’à la mort si prématurée de son mari. […] Quand Marie Stuart perdit subitement son mari (5 décembre 1560), et que, veuve à dix-huit ans, il fut décidé qu’au lieu de rester en son douaire de Touraine, elle retournerait en son royaume d’Écosse pour y mettre ordre aux troubles civils qui s’y étaient élevés, ce fut un deuil universel en France dans le monde des jeunes seigneurs, des nobles dames et des poètes. […] » Après un acte si rigoureux qu’elle laissait accomplir par crainte du scandale, et pour mettre son honneur au-dessus de toute atteinte et de tout soupçon, Marie Stuart n’avait, ce semble, qu’un parti à prendre, c’était de rester la plus sévère et la plus vertueuse des princesses.
Il se croyait observateur, documentaire et, en un mot, réaliste ; il était, il restait et il devenait de plus en plus un romantique en retard, mais un romantique effréné. […] Elle irrita les disciples de Zola qui, peu qualifiés, quelques-uns du moins, pour faire les renchéris à cet égard, se fâchèrent tout rouge et beaucoup trop, dans un manifeste resté célèbre, publié à propos de la Terre : « Non seulement, disaient-ils, l’observation est superficielle, les trucs démodés, la narration commune et dépourvue de caractéristique ; mais la note ordurière est exacerbée encore, descendue à des saletés si basses que, par instant, on se croirait devant un recueil de scatologie. […] Brunetière le combattit avec acharnement, et de sa longue campagne contre lui il est resté tout un volume : le Roman naturaliste, qui est un des meilleurs ouvrages du célèbre critique ; M.
On a pu voir ainsi qu’elle n’était pas condamnée à rester une branche de la philosophie générale, et que, d’autre part, elle pouvait entrer en contact avec le détail des faits sans dégénérer en pure érudition. […] Mais parce que la Société n’est composée que d’individus4, il semble au sens commun que la vie sociale ne puisse avoir d’autre substrat que la conscience individuelle ; autrement, elle paraît rester en l’air et planer dans le vide. […] Et nous sommes assuré qu’en lui attribuant une telle prépondérance nous restons fidèle à la tradition sociologique ; car, au fond, c’est de cette conception que la sociologie tout entière est sortie.
Mais façonnez, si vous pouvez, le tigre à l’esclavage : non, Dieu a voulu qu’il restât libre dans les forêts, ainsi que le chamois sur les rochers escarpés. […] Montesquieu était parti de l’existence de la société pour en étudier les lois : Rousseau était parti, au contraire, de l’hypothèse d’un état de nature pour arriver à la fiction d’un contrat primitif ; mais il sapait les bases de son édifice, en proclamant cet axiome antisocial : « L’homme est bon, et les hommes sont mauvais. » Fénelon a fait contre la doctrine d’un contrat primitif des arguments qui sont restés sans réponse, parce qu’ils sont l’expression même de la vérité. […] Ils n’ont pas fait attention, d’une autre part, que cette unité morale qui fait qu’une nation est ; ils n’ont pas fait attention, disons-nous, que cette unité morale existait avant eux, qu’ils n’étaient pour rien dans la cause restée mystérieuse de son existence, et qu’une telle aristocratie ne pouvait être qu’artificielle.
Elle n’en demeure pas moins dans son rapport naturel et inaltérable avec nous, et fussions-nous plus bas ou plus insensés que nous sommes, la proportion entre les poètes et les hommes n’en resterait pas moins dans son éternelle inflexibilité. […] J’avais montré, de loin, à l’horizon, le poète qui allait y poindre et qui l’a, d’un trait, subitement envahi, pour y rester, étoile à sa place, malgré les efforts réagissants de l’Envie qui voulait l’en précipiter, et j’attendis longtemps alors avant de parler des Névroses. […] Il ne s’agit, en définitive, que d’une seule chose pour elle : c’est, après avoir constaté le genre d’inspiration du poète, de déterminer son degré de puissance et sa place dans le hiérarchique Pandémonium des poètes, où il faut le mettre et où il doit rester.
Mais si, pour ces raisons suprêmes, il a vu dans les habitudes de son Midi plus de paganisme qu’il n’en est resté véritablement, s’il a eu tout comme un autre (et pourquoi pas ?) […] … Qu’on lui ôte sa tendance très exprimée, mais très vague, au spiritualisme qu’avait aussi le sceptique Voltaire ; qu’on lui ôte ces attractions encyclopédiques qui allaient jusqu’à devenir des facultés chez Voltaire l’universel, et que restera-t-il à Babou, le satirique et non le critique ?… Il lui restera la superficialité brillante, nonchalante et un peu impertinente, la superficialité marquise, qui n’a jamais manqué son effet quand elle a dit : « Tarte à la crème !
En médecine, il est une doctrine qui prétend guérir les semblables par les semblables ; en morale, surtout au théâtre, pareille doctrine est des plus périlleuses ; chercher le retour au bien par les images prolongées et souvent attrayantes du mal, c’est aimer à rester en chemin. […] Ponsard, il ne resterait plus à décerner qu’une prime de trois mille francs destinée « à l’auteur de l’ouvrage en moins de quatre actes, en vers ou en prose, représenté avec succès pendant le cours de l’année, à Paris ou dans les départements, sur quelque théâtre que ce soit, autre que le Théâtre-Français », et qui satisferait d’ailleurs aux conditions morales du concours.
Lorsque Ampère va en Suisse, Bastide, resté au Limodin en Brie, lui écrit en ces termes : « Mon ami, tu es donc à Vevay. […] Les expressions, les réminiscences d’Oberman s’appliquent à chaque pas. — Nous obéissons à une intention du vénérable auteur en rappelant formellement ici qu’il n’en est pas resté au système oppressé d’Oberman ; il s’est appliqué à s’en dégager sans relâche, à perfectionner, à mûrir ses Libres Méditations, et à y considérer la pensée religieuse indépendamment de tout dogme téméraire ; il ne vit depuis des années que dans ce haut espoir.)
Restait à savoir si elle désignerait elle-même les deux tiers à conserver, ou si elle laisserait le choix aux assemblées électorales. […] Tant que les cinq directeurs constitutionnels restèrent au pouvoir, tant que les deux tiers conventionnels eurent la majorité dans les Conseils, en un mot, tant que les auteurs de la Constitution furent là pour la surveiller et la pratiquer, tout alla bien ; les Conseils et le gouvernement vécurent en harmonie ; on vit la prospérité renaissante au dedans, au dehors d’immortelles victoires qui n’ont pas été surpassées depuis.
Mais la dissolution du Globe n’en résultait pas nécessairement ; l’idée première, la conception fondamentale dont le développement avait dévié en se resserrant dans la politique de la Restauration ; qui pourtant s’était reproduite plus d’une fois dans des applications partielles, dans des pressentiments organiques ; qui, en plus d’une page, à l’occasion de l’union européenne et de la politique de Napoléon, à l’occasion du Comité de salut public et de sa tentative avortée ; qui, plus récemment, au sujet du libéralisme de Benjamin Constant, jugé par le noble et infortuné Farcy, avait percé au point d’offenser dans le journal le principe dominant, et d’y scandaliser les politiques pratiques ; cette idée qui nous en avait inspiré le début ; qui, par le choix intérieur des matières et des faits, en alimentait le fond ; qui, par des renseignements nombreux, par d’amples informés sur l’instruction primaire aux frais de l’État, sur l’émancipation des artisans, sur les essais divers de système coopératif et sur une foule d’autres sujets, avait sourdement lutté contre les doctrines économiques d’indifférence et de laisser-faire professées dans des colonnes plus officielles ; cette idée qu’une plume ingénieuse et délicate avait autrefois effleurée, sans l’entamer, dans un article intitulé de la Critique de la critique, et qui s’était hardiment résumée en Juillet sous ce cri prophétique, bien qu’un peu étrange : Plus de criticisme impuissant ; cette féconde et salutaire idée d’association universelle et d’organisation future restait entière à exploiter ; elle demeurait à nu, dégagée de tous les voiles factices, de toutes les subtilités prestigieuses que la Restauration avait jetées devant. […] Plus d’une fois, auparavant, nous avions approché de cette doctrine et de ces communications imparfaites il nous était resté, du moins, pour elle et pour ceux qui la cultivaient, un sentiment profond de sympathie et d’estime.