Elles sont nombreuses surtout pour la vue ; l’excitation du nerf optique, et partant la sensation des couleurs ou de la lumière, dure après que l’ondulation éthérée a cessé de frapper la rétine ; en ce cas, les paupières fermées, ou l’œil tourné d’un autre côté, on continue à voir l’objet que l’on regardait d’abord ; selon les cas, l’image est incolore ou colorée, de couleur persistante, ou de couleur changeante ; et ces illusions sont soumises à des lois connues108 par lesquelles s’expliquent une multitude de faits singuliers. — Les mêmes sortes de sensations spontanées se retrouvent dans l’ouïe109. […] « J’ai remarqué dit-il, qu’après avoir longtemps regardé au microscope, surtout à l’aide d’une lumière vive, les figures des objets observés persistaient lorsque je fermais les yeux. — Elles persistaient encore lorsque je dirigeais mes yeux sur la table d’acajou qui porte mes instruments, sur mon carton à dessins, qui est de teinte bleu-grisâtre, ou sur mon papier à dessins. — Elles persistaient pendant deux ou trois minutes environ, en oscillant dans un cercle assez étroit ; après avoir diminué de grandeur, puis disparu, elles reparaissaient plus pâles ; après deux ou trois apparitions de plus en plus faibles, elles ne reparaissaient plus. — Elles disparaissaient plus vite lorsque je portais les yeux sur un papier blanc que lorsque je les tournais ou les portais sur ma table d’acajou foncé. — Je les voyais grisâtres comme sont les images des objets vus au microscope. […] Si le lecteur veut regarder un encéphale préparé ou tout au moins les figures de quelque grand atlas anatomique, il trouvera qu’à sa partie supérieure la moelle épinière se renfle en un bulbe nommé moelle allongée ou bulbe rachidien, par lequel commence l’encéphale. […] Si le lecteur veut regarder de nouveau un encéphale préparé, il verra que, des angles antérieurs de la protubérance annulaire, partent deux grosses colonnes blanches nommées pédoncules cérébraux, dont les fibres se terminent dans de gros renflements appelés couches optiques et corps striés, organes intermédiaires entre les lobes cérébraux et la protubérance. […] Si je fais du bruit auprès de la première, parfois elle se retourne pour regarder d’où vient le bruit, parfois elle s’enfuit plus loin; chez la deuxième, il se produit un léger soubresaut, mais elle ne bouge pas.
Si vous ouvrez un volume de MM. de Régnier, Samain ou Merrill, si vous regardez les pâles imageries de MM. […] Ah, si ces poètes regardaient à leurs alentours, ils y verraient des scènes courantes, y entendraient d’usuels dialogues. […] Mais c’est en vain qu’il regarde autour de lui. […] Dans sa boutique basse, voici le menuisier obstinément penché sur son travail symétrique, depuis des temps qu’on ne sait pas ; voici le sonneur sonnant son glas affolé tandis que l’anachronique clocher croule dans l’incendie ; le blanc cordier visionnaire qui semble attirer à lui les horizons, et enfin, vision macabre et triomphatrice : le Fossoyeur apparaît, qui, halluciné par son ultime sacerdoce, … regarde au loin les chemins lents Marcher vers lui, avec leurs poids de cercueils blancs. […] Zola qui, pourtant, cessa de se contempler pour regarder autour de soi, a laissé parler et agir ses héros selon leurs conditions et leurs instincts.
On leur disoit avant la joûte : Servants d’amour, regardez doucement Aux échaffauts, Anges de Paradis, Lors joûterez fort & joyeusement, Et vous serez honorés & chéris. […] Fiers de la vaine parure d’une fausse Philosophie, nous regardons avec mépris ces siècles peu éclairés. […] La science précédoit la connoissance du monde ; & loin de regarder comme perdues ces premières années consacrées à l’étude, & si nécessaires à bien employer pour fonder quelque espérance sur l’avenir, les heures n’étoient pas encore assez longues pour remplir un objet si essentiel & si intéressant. […] L’envie voudroit envain lui disputer le laurier dont il est couronné, Crébillon sera toujours regardé comme le Poëte le plus Tragique que la France ait eu. […] Mais moins Comique que Regnard, il a le premier altéré le masque de Thalie, & il peut être regardé comme le précurseur d’un genre, où il falloit tout le talent de La chaussée pour réussir.
Un jour qu’il avait sa petite exposition devant lui, passait le prince de Tsugarou, qui regardait l’étalage, et lui disait d’envoyer chez lui tous ses morceaux de bois. […] Samedi 4 avril Je crois vraiment, que lorsqu’on sait regarder, découvrir tout ce qu’il y a dans une image, on n’a pas besoin d’aller dans les pays à images. […] Et au milieu de tous ces visages, vous êtes attiré par des visages d’enfants, aux tempes lumineuses, au bossuage du front, à la linéature indécise des paupières autour du noir souriant de vives prunelles, aux petits trous d’ombre des narines, au vague rouge d’une molle bouche entr’ouverte, à la fluidité des chairs lactées qui n’ont point encore l’arrêt d’un contour, — des figures d’enfants regardées en des penchements amoureux, qui sont comme des enveloppements de caresse, par des visages de femmes aux cernées profondes, aux creux anxieux, aux grandes lignes sévères du dessin de l’Inquiétude maternelle. […] Lors d’un mariage d’une de ses belles-filles, elle demande à une autre belle-fille de lui prêter un manteau, avouant, que si près de mourir, elle regardait à cette dépense. […] Pourquoi une figure aimée, souvent regardée, ne revient pas, précisée, arrêtée, lignée, dans votre œil, comme ce bouchon de liège.
Brunet lui parlant amicalement de son sort, l’autre lui disait : « Moi je me regarde comme le plus heureux des hommes… Je suis maître timonier en second, et je vais être nommé prochainement timonier en premier, et je serai un jour décoré… Oui, il n’y a pas une peau d’homme autre que la mienne, où je voudrais être… Dans ma vie, il n’y a qu’une chose qui m’embête, c’est que j’ai un frère plus jeune que moi, que j’aurais voulu voir amateur de galon… Eh bien, il s’est fait calicot ! […] Le directeur s’éprenait de lui, et l’invitait quelquefois à dîner, et le retenait à causer, à regarder des images et des bibelots, si bien que tout à coup, ses yeux regardant la pendule, il s’écriait : « Ah vraiment, je vous ai fait rester trop tard, vous ne trouverez plus d’omnibus ! […] Aujourd’hui, je regarde la couverture du catalogue, avec attention, et j’y lis : Vente après décès de M. de Lescure, homme de lettres. […] Mais, dans cette maison, mon lieu de prédilection était une salle de spectacle ruinée, devenue une resserre d’instruments de jardinage : une salle aux assises des places effondrées, comme en ces cirques, en pleine campagne, de la vieille Italie, et où je m’asseyais sur les pierres disjointes, et où je passais des heures à regarder, dans le trou noir de la scène, des pièces qui se jouaient dans mon cerveau. […] Il y a une vingtaine de jours, c’était ce ménage espagnol, qui voulait absolument me faire accepter un éventail, représentant Marie-Antoinette en train de regarder avec le Dauphin, l’enlèvement d’une montgolfière ; aujourd’hui, c’est une Américaine qui m’apporte un bouquet de chrysanthèmes, et se répand en paroles élogieuses sur mes descriptions ; et c’est encore aujourd’hui, rue de Berri, l’ambassadeur de Suède et sa femme, qui me demandent à voir ladite maison, et qui m’étonnent par leur science de ce qu’elle contient.
. : mais on ne peut faire le même éloge de l’Histoire Romaine de Laurent Echard ; ce qui regarde la République est fort court, peu exact, & assez négligemment écrit. […] Quelques personnes le regardent comme très-véridique, mais toutes les horreurs qu’il raconte ne sont guéres croyables, quoiqu’elles puissent être vraies. […] Le premier est plein d’aigreur, le second est exact dans ce qui regarde les guerres de Belisaire, mais il paroît aussi satyrique dans ses anecdotes qu’il a été lâche flatteur dans sa grande histoire. […] Il faut croire que cette production est un brouillon dérobé à l’auteur ; & on peut la regarder comme un recueil de mémoires informes qui lui ont été enlevés, & qu’il ne destinoit point à voir le jour. […] Une partie des ouvrages précédens roulant sur les guerres de la fronde, nous croyons devoir placer ici ce qui regarde Condé & Turene qui y jouerent un rôle.
Je regarde aujourd’hui l’intelligent M. […] mais qu’on regarde ce qu’ont écrit, le peu qu’ont écrit, MM. […] Regardez. […] Je regardais M. […] Tenez, regardez-moi cela : c’est le dernier opuscule de Viellé-Griffin.
C’est un mot d’humaniste ; mais de nos jours, c’est le mot d’un homme qui regarde au-delà des frontières dans l’espace, au lieu de regarder au-delà des frontières dans le temps, qui regarde du côté de l’étranger au lieu de regarder du côté de l’antique. […] Il regarde comme puéril d’avoir une certitude de sentiment ou une évidence de volonté. […] Comte et ne regarde en aucune façon M. […] Elle regarde à leur art, à leur style, pensant, du reste, pour elle-même. […] Quand un genre disparaît, regardez à côté, sachez regarder : vous verrez que vient de s’élever un autre genre, qui semble avoir détourné et comme soutiré à son profil les forces intimes du genre qui a disparu ou qui languit.
Cependant le faisceau de ces armes splendides décuple leurs forces isolées, et l’on regarde avec émoi cet élégant volume, dense d’évocations et d’images, organisme complet où chaque partie a son existence propre. […] Un vieillard et un étranger regardent d’un jardin, par une baie éclairée, une famille qui, dans la maison, fait la veillée sous la lampe. […] Mais bientôt les yeux ne se contentent plus d’être admirés, ils regardent, ils ont l’univers à découvrir. […] Elle ne satisfait plus personne, et ses derniers défenseurs regardent avec tristesse les débris de Ricardo, d’Adam Smith, de Quesnay péniblement recousus par nos opportunistes effarés du grand mouvement actuel des esprits. […] Il s’agit cette fois de dégager une loi morale, très simple et très grande, et de la présenter au lecteur avec un geste d’exemple et de conseil : « Tiens, regarde et conclus.
Jamais la solution de continuité, qui est au fond du talent poétique de Musset, n’a été plus sensible ; il y a longtemps que cela existe pour qui sait réfléchir et veut se rendre compte ; ces lacunes ne sont pas nouvelles chez lui, mais les engoués n’y regardent pas de si près. — Dans son sonnet à Victor Hugo, lequel du moins est intelligible, quel salmigondis : Les bonbons, l’océan, le jeu, l’azur des cieux, Les femmes, les chevaux, les lauriers et les roses ! […] LXXI Le La Rochefoucauld est vrai presque partout où on l’examine, partout où il est donné de pénétrer ; les moralistes les plus consommés en viennent à juger comme lui après avoir bien connu l’homme : toujours et partout, regardez-y bien, on est dans l’intérêt, dans la vanité, dans l’amour de soi, quelles que soient les formes généreuses qu’affectent nos passions. […] Cousin se fût privée d’un tel moyen ; mais en pareil cas l’audacieux personnage n’y regardait pas de si près. […] On ne commence à regarder à sa montre que du moment où l’on prend la file. […] Pendant qu’ils étaient, lui et elle, debout à les regarder, on sonne : Vigny prend une mine grave, et dit à la demoiselle : « Mademoiselle, quelqu’un vient, remettons-nous ; il importe quon nous trouve assis. » — Mademoiselle D. le regarda d’un air étonné et eut peine à ne pas lui envoyer un éclat de rire au visage.
Leur nombre est peut-être plus grand que l’on ne s’imagine ; ce qui le rend difficile à déterminer, c’est qu’il y a des mots que certains auteurs regardent comme pouvant être définis, et que d’autres croient au contraire ne pouvoir l’être : tels sont, par exemple, les mots âme, espace, courbe, etc. […] Cicéron, qu’on regarde comme le modèle de la bonne latinité, a écrit différents ouvrages, dans lesquels, ni les expressions ni les tours n’ont dû être de la même nature et du même genre. […] Dans les dictionnaires de langue vivante étrangère, on observera, pour ce qui regarde la syntaxe et l’emploi des mots, ce qui a été prescrit plus haut sur cet article pour les dictionnaires de langue vivante maternelle ; il sera bon de joindre à la signification française des mots leur signification latine, pour graver par plus de moyens cette signification dans la mémoire. […] On parlera plus au long, à la fin de cet article, des différentes qualités que le style doit avoir en général, et pour toutes sortes de sujets : nous nous bornerons ici à ce qui regarde l’orateur. […] Il paraît même avoir regardé cet objet comme très essentiel dans des morceaux très frappans par le fond des choses, et où la beauté de la pensée semblait dispenser du soin d’arranger les mots.
Si, par quelque côté, la matière se prête à une division en agents et patients, ou plus simplement en fragments coexistants et distincts, c’est de ce côté que l’intelligence regardera. […] Elle n’a pas plus pour fonction de regarder passer des ombres vaines que de contempler, en se retournant derrière elle, l’astre éblouissant. […] Elle se mêle de bien des choses qui, jusqu’ici, ne la regardaient pas. […] Notre conscience à nous est la conscience d’un certain être vivant, placé en un certain point de l’espace ; et, si elle va bien dans la même direction que son principe, elle est sans cesse tirée en sens inverse, obligée, quoiqu’elle marche en avant, de regarder en arrière. […] Mais que l’action grossisse en avançant, qu’elle crée au fur et à mesure de son progrès, c’est ce que chacun de nous constate quand il se regarde agir.
Pour moi, j’en ai pris une autre idée : Je regarde le Tribunat comme une assemblée d’hommes d’État chargés de contrôler, réviser, épurer, perfectionner l’ouvrage du Conseil d’État, et de concourir avec lui au bonheur public. […] J’aime la tragédie63, mais toutes les tragédies du monde seraient là d’un côté, et des états de situation de l’autre, je ne regarderais pas une tragédie, et je ne laisserais pas une ligne de mes états de situation sans l’avoir lue avec attention.
Elle reviendra, mais j’ai vu clairement que si je n’emportais pas le poste de M. le prince de Bade, on me regarderait comme un fou. […] Quant à Villars, il n’entrait pas dans toutes ces susceptibilités, et les heurtait sans trop les regarde ni les apercevoir ; il allait son train, poussant ses qualités, usant de ses défauts, remplissant sa carrière, et bonhomme au demeurant.
Mais ce qui me frappe chez lui, à le bien voir et à le regarder sous le masque, ce qui est caractéristique et à noter, c’est l’influence qu’eurent les femmes sur sa conduite politique. […] Tous deux politiques incomplets, et malgré les spécieuses constructions de leur libéralisme ou de leur monarchisme selon la Charte, ils ont (regardez-y bien au fond et par-dessous) une couche première essentielle de scepticisme.
Un des beaux enfants d’Ottilie, la belle-fille de Gœthe, s’approcha du visiteur et le regarda avec de grands yeux. […] Il lui donne quelques conseils sur les projets de voyage qu’Eckermann formait à ce moment, et lui recommande ce qui lui reste à voir de curiosités à Weimar : « Je ne pouvais me rassasier de regarder les traits puissants de ce visage bruni, riche en replis dont chacun avait son expression, et dans tous se lisait la loyauté, la solidité, avec tant de calme et de grandeur !
Quand ils entrent en leur maison, ils craignent que quelqu’un les regarde. […] mais regardez nos yeux, Les pleurs y sont encor, pleurs amers, pleurs sans nombre.
Cette infante qui est volontiers regardée comme un hors-d’œuvre dans la pièce de Corneille, comme un rôle insipide fait pour être supprimé, est au contraire bien vivante dans l’auteur espagnol. […] Tous les seigneurs et les courtisans prenaient parti dans la querelle du Cid ; à ces scènes d’appel et de désobéissance, je me figure qu’un frisson parcourait la salle, et parmi les rangs de la jeune noblesse on devait se regarder dans le blanc des yeux.
Quelques femmes françaises nous regardaient à travers leurs croisées entr’ouvertes et pleuraient… » Arrivé à Constantinople, les illusions du prisonnier continuent : il persiste à se croire en pays civilisé ou du moins non entièrement barbare ; une captivité politique ne l’effrayait pas : « Quelque fâcheux qu’il fût pour moi de me voir prisonnier, je regardais d’abord comme très-consolant d’être réuni à d’autres Français dont la société pouvait me procurer quelques douceurs.
Lorsqu’on ne commence à connaître un grand homme que dans le fort de sa gloire, on ne s’imagine pas qu’il ait jamais pu s’en passer, et la chose nous paraît si simple, que souvent on ne s’inquiète pas le moins du monde de s’expliquer comment cela est advenu ; de même que, lorsqu’on le connaît dès l’abord et avant son éclat, on ne soupçonne pas d’ordinaire ce qu’il devra être un jour : on vit auprès de lui sans songer à le regarder, et l’on néglige sur son compte ce qu’il importerait le plus d’en savoir. […] Ronsard, mort depuis longtemps, mais encore en possession d’une renommée immense, et représentant la poésie du siècle expiré ; Malherbe vivant, mais déjà vieux, ouvrant la poésie du nouveau siècle, et placé à côté de Ronsard par ceux qui ne regardaient pas de si près aux détails des querelles littéraires ; Théophile enfin, jeune, aventureux, ardent, et par l’éclat de ses débuts semblant promettre d’égaler ses devanciers dans un prochain avenir.
Heureux ceux qui n’ont jamais regardé leur autorité que comme un dépôt qui leur est confié pour le seul bien des peuples ! […] De tous les grands hommes de ce grand siècle de Louis XIV, aucun n’a laissé une figure plus douce à regarder.
« Or pouvez vous savoir que ceux-là regardèrent fort Constantinople, qui jamais ne l’avaient vue : car ils ne pouvaient croire que si riche ville put être en tout le monde, quand ils virent ces hauts murs et ces riches tours dont elle était close tout autour à la ronde, et ces riches palais et ces hautes églises, dont il y avait tant que nul ne l’aurait pu croire, s’il ne l’eût de ses yeux vu, et la longueur et la largeur de la ville qui sur toutes les autres était souveraine. […] Deux ou trois impressions, sèches, sinon faibles, ou réprimées rapidement, piquent à peine quelques traits pittoresques sur la grave démonstration de la conduite de la quatrième croisade : Joinville regarde tout, s’émerveille de tout, et dit tout.
Ce dégoûté, qui ne pourrait manger d’une andouille mâchonnée par Renart, est un maître fourbe : avec sa mine doucereuse et sa pateline éloquence, c’est le seul qui soit de force à lutter contre Renart, et rien n’est plus drôle que de le voir manger tout seul l’andouille sur la branche de la croix où il a grimpé, en adressant à son compère qui le regarde d’en bas le plus impertinent persiflage. […] D’où cela vient-il, sinon de cette vanité française qui fait qu’on se sépare des autres, qu’on se met au-dessus d’eux, et qu’on se regarde comme n’ayant part ni à leurs misères ni à leurs vices ?
Si nous regardons seulement, la valeur intrinsèque et non l’influence, il n’y a à tenir compte que de l’œuvre profane de Marot : c’est à elle surtout qu’il faut nous attacher. […] Littérairement, le sentiment n’est caractéristique qu’à condition d’être, d’abord, une disposition habituelle de l’âme et comme le verre à travers lequel elle regarde les choses, en second lieu, un plaisir de l’âme, qui savoure l’amertume.
Dans cette vue de l’homme, rien de systématique, aucun parti-pris : Maupassant s’est regardé, jugé dans sa soif de bien-être, de jouissances, d’active expansion de son être physique et sensible ; il a regardé, jugé nombre d’individus, paysans et bourgeois, en qui il n’a rien trouvé aussi de plus.
Apprendre quelque chose qui ne nous regarde en rien et sentir que le “devoir” consiste précisément dans cette activité “objective” ; apprendre à évaluer séparément le plaisir et le devoir, voilà la tâche et l’action inappréciable de la pédagogie. […] On a remarqué avec raison84 que dans notre civilisation, toutes les valeurs tendaient à se dépersonnaliser, à s’éloigner de l’individu, à s’ériger en fins eu soi, en buts généraux et impersonnels, au lieu d’être regardés comme des facteurs composants ou des moyens d’une personnalité saine, forte, complète et harmonieuse.
« Ils m’avaient ennuyé, dit-il, je les ai poussés et je les ai regardés se débattre. » Un an après, ce petit misérable sauvait trois personnes en danger ; c’est maintenant un excellent soldat. […] On vous regarde comme des connaisseurs en fait de vertu, on suppose que vous en avez des réserves, si bien que, quand on en veut, c’est à vous qu’on s’adresse.
Il suffit de regarder la moins mauvaise des épopées artificielles qui encombrent notre période classique, je veux dire la Henriade. […] Les méfaits de l’influence mondaine sont plus graves encore, si l’on regarde les genres littéraires qui ont des visées plus sérieuses et plus hautes.
. — Quand on regarde de haut l’histoire religieuse de la France, on s’aperçoit bien vite de deux grands faits qui s’en dégagent : l’un, c’est que du moyen âge à nos jours l’Église catholique perd peu à peu sa puissance, ses privilèges, son autorité sur les esprits ; l’autre, c’est qu’elle passe par des alternatives de grandeur et de décadence qui se succèdent avec une parfaite régularité. […] Il faut regarder de près l’organisation de l’Église ; savoir si elle fut gallicane ou ultramontaine ; en quel sens le pape la poussa ; quels furent ses rapports avec l’État, sa richesse, ses moyens d’action ; quelle part elle eut dans l’éducation de la jeunesse en général et des écrivains du temps en particulier.
C’est à travers une haine glaciale qu’elle le regarde et qu’elle lui répond. […] Elle le regarde à son tour, et l’on voit passer l’aveu de la femme à l’homme, pareil à un éclair qui foudroierait en silence.
Il a en aversion les bureaux d’esprit, tels que l’était en son temps le salon de la marquise de Lambert, et, sans parler de sa surdité qui le gêne, il a ses raisons pour cela : On n’y regarde la meilleure comédie ou le roman le plus ingénieux et le plus égayé, remarque-t-il (non sans un petit retour sur lui-même), que comme une faible production qui ne mérite aucune louange ; au lieu que le moindre ouvrage sérieux, une ode, une églogue, un sonnet, y passe pour le plus grand effort de l’esprit humain. […] La petite maison de la haute ville de Boulogne, où il passa ses derniers jours, et que j’ai tant vue et regardée dans mon enfance, était certes moins riante et moins jolie.
Les nonnes de Tercère, les dames espagnoles de Caxacas, n’y sont pas regardées avec moins de complaisance. […] Je trouve maint beau mot, mainte belle pensée chez M. de Broglie, mais on n’a pas toujours l’espace et la place pour les regarder.
Dans sa petite maison du Luxembourg, qui est isolée et champêtre, et où l’on n’arrive que par un détour comme dans un village, elle se montre presque comme une fermière retirée au lendemain des grandeurs de Versailles : C’est un délice que de se lever matin ; je regarde par ma fenêtre tout mon empire, et je m’enorgueillis de voir sous mes lois douze poules, un coq, huit poussins, une cave que je traduis en laiterie, une vache qui paît à l’entrée du grand jardin, par une tolérance qui ne sera pas de longue durée. […] Je dis cela pour ceux qui y regarderaient de près.
Parlant de la première, de la Cananée, elle s’écrie : « Regardez-moi quelquefois en m’approchant de vous comme cette humble étrangère, j’entends, Seigneur, comme une pauvre chienne, qui s’estime trop heureuse de ramasser les miettes qui tombent de la table où vous festinez vos élus. » L’expression est franche jusqu’à la crudité, mais elle est sincère, et, en reproduisant le texte de Mme de La Vallière, il ne fallait pas la supprimer, surtout quand on assure qu’on ne s’est pas permis d’y changer un seul mot 43. […] Ce qu’il voulait avant tout, en prêchant devant elle, c’était de porter à cette âme une bonne parole, et non de briller aux yeux des mondains par un de ces miracles d’éloquence qui lui étaient si faciles et si familiers : Mais prenez bien garde, messieurs, qu’il faut ici observer plus que jamais le précepte que nous donne l’Ecclésiastique : « Le sage qui entend, dit-il, une parole sensée, la loue et se l’applique à lui-même. » Il ne regarde pas à droite et à gauche, à qui elle peut convenir ; il se l’applique à lui-même, et il en fait son profit.
Un ancien dit qu’il faut les regarder comme des amis malheureux… Songez que l’humanité et le christianisme égalent tout. » Le temps, évidemment, approche où de toutes part on parlera humanité et égalité ; elle a été des premières à s’occuper de ces choses, à les pressentir et à les nommer avant que Louis XIV eût disparu. […] Mme de Lambert marque à mes yeux le terme moyen entre ces deux salons ; elle est à mi-chemin, et elle regarde déjà du côté du plus moderne.
Lorsque mes vestes de basin lui étaient renvoyées, elle regardait vite si la chaîne d’argent qui suspendait la croix avait noirci ma boutonnière ; et, lorsqu’elle y voyait cette marque de mon triomphe, toutes les mères du voisinage étaient instruites de sa joie ; nos bonnes religieuses en rendaient grâces au ciel ; mon cher abbé Vaissière en était rayonnant de gloire. […] Le préfet furieux, n’osant entamer le bataillon sacré, se contenta de regarder Marmontel d’un œil menaçant : « Il me prédit que je serais un chef de faction.
Je ruine l’un, je fais l’aumône à l’autre. » Et encore : « Mes curés reçoivent mes ordres, et les prédicants genevois n’osent me regarder en face. » Une furieuse tempête s’élève à Paris contre les encyclopédistes ; d’Alembert quitte décidément l’entreprise ; Palissot va mettre sur la scène les philosophes ; mais Voltaire qui, dès son entrée en possession, a fait bâtir un petit théâtre à Tourney, et qui y fait jouer la comédie pour narguer Genève et Rousseau, s’écrie dans son exaltation et son triomphe : « Si quelqu’un est en souci de savoir ce que je fais dans mes chaumières, et s’il me dit : Que fais-tu là, maraud ? […] Mais, à y regarder de plus près, on distingue très bien que c’est une inquiétude à la fois nerveuse et intéressée qui le possède ; il sait à merveille pourquoi il fait tous ces maniements et remaniements au contrat ; il a l’air de citer comme textuels des articles qu’il sait ne point exister et que de parti pris il altère.
On prend un plaisir secret à trouver petits ces objets qu’on a vus si grands : on regarde avec complaisance la vallée couverte de nuées orageuses, et l’on sourit d’entendre sous ses pas ce tonnerre qui gronda si longtemps sur la tête ; on aime à voir à ses pieds ces sommets jadis menaçants, devenus dans leur abaissement semblables aux sillons d’un champ ou aux gradins d’un amphithéâtre ; on est flatté d’être devenu le point le plus élevé de tant de choses, et un sentiment d’orgueil les fait regarder avec plus de complaisance.
Un arc est beau, lançant sa flèche ; le bouclier d’Ajax avec ses sept peaux de bœuf était beau dans la mêlée, arrêtant comme un mur tous les projectiles ; les poulies compliquées, des puits de Vérone, près du vieux palais des Scaliger, prennent une certaine beauté lorsqu’on les voit soulever le seau ruisselant jusqu’aux plus hautes fenêtres du palais ; un levier semble beau aussi quand il soulève un rocher, et ensuite, si on le regarde au repos, on ne lui refusera plus un certain caractère, esthétique par, la vision anticipée de son effet. […] Vous regarderez, vous écouterez, et, dans la mesure du possible, vous-même vous aimerez.
Si lu as de bons yeux, Et que tu regardes dans mes chants, Tu verras une belle jeune fille Y errer sans cesse. […] La déesse me regarda avec compassion, mais aussi avec tristesse, comme si elle voulait dire : “Ne vois-tu pas que je n’ai point de bras et que je ne puis t’aider ?”
Effarée, elle regarde les génies en cachant tout, et elle dit : Quels goinfres ! […] Voilà trois siècles tout à l’heure que Shakespeare, ce poëte en toute effervescence, est regardé par les critiques sobres avec cet air mécontent que de certains spectateurs privés doivent avoir dans le sérail.
Une leçon qui est un homme, un mythe à face humaine tellement plastique qu’il vous regarde et que son regard est dans un miroir, une parabole qui vous donne un coup de coude, un symbole qui vous crie gare, une idée qui est nerf, muscle et chair, et qui a un cœur pour aimer, des entrailles pour souffrir, et des yeux pour pleurer, et des dents pour dévorer ou rire, une conception psychique qui a le relief du fait, et qui, si elle saigne, saigne du vrai sang, voilà le type. […] Avez-vous quelquefois regardé un cap avançant sous la nuée et se prolongeant à perte de vue dans l’eau profonde ?
Si d’ailleurs il y avait lieu d’espérer que l’on pût par quelque moyen empêcher les hommes de penser de telle ou telle manière, s’il y avait quelque procédé sûr de maintenir les esprits dans cet état d’obéissance que l’on regarde comme si souhaitable, je comprendrais à la rigueur qu’on l’essayât ; mais depuis que le flot du libre examen a fait irruption dans la science, dans la société, dans la religion, il a marché sans cesse de progrès en progrès : il a pénétré de couche en couche dans toutes les classes, il a gagné les contrées les plus rebelles à sa puissance ; il n’existe aucune force capable de le contenir et de le refouler ; les pouvoirs qui commencent par marcher contre lui se voient ensuite contraints de marcher avec lui. […] Ceux qui sont attachés à certains principes d’ordre et de tradition qu’ils regardent comme la base nécessaire de toute société, doivent se guérir de leurs défiances envers la liberté de penser, car elle est pour eux aussi bien que pour leurs adversaires.
La fatuité naïve et l’orgueil inhérent à tous ceux qui composent d’imagination, leur font regarder la critique comme une besogne inférieure. […] Mais c’est un critique qui sait ce dont il parle, qui connaît sa langue et l’histoire de sa langue, qui a du bon sens, et une conscience très haute de sa beauté, de son influence civilisatrice, et qui se lamente à regarder l’anarchie actuelle, la décadence prochaine.
La littérature facile qu’il avait cinglée, pourtant, non pas avec une férule de professeur, mais avec une cravache de la plus fringante élégance et dont le manche — regardez-y ! […] Voilà donc, quand on y regarde, ce que fut en réalité lord Byron, le ribaud, le mauvais.
Regardez s’avancer vers vous ce distingué spécialiste des titillements de l’âme. […] Cet homme arrête sur vous deux yeux, qui sont beaux, mais tournés au dedans : ce sont des yeux qui ne regardent pas.
Beaucoup de personnes diront qu’il ne se passe rien : c’est qu’elles ne regardent pas attentivement. […] N’essaie pas de fuir ; je te tiens ; tu me livreras ton secret, tu vas me laisser voir ce que tu faisais. » A quoi le moi des rêves répondra : « Regarde : je ne faisais rien, et c’est justement par là que nous différons, toi et moi, l’un de l’autre.
Il la regardait attentivement : « A la bonne heure ! […] Il se méfiait et me regardait sournoisement. […] Moréas regardait le titre et fronçait les sourcils. […] Faguet regarde le trou, regarde Rostand et, doucement, conseille : « Signez le trou… » Il aimait les plaisanteries et les relevait avec plaisir. […] Je le regarde et je divine ; je crie, je veux parler, et je fonds en larmes.
Ces manques de justesse dans un panégyriste nous font souffrir plus qu’il ne faudrait, nous autres critiques littéraires qui y regardons de plus près.
Ils devraient, ce me semble, laisser leurs disputes jusqu’à ce que la paix générale fût faite, et ensuite recommencer leurs guerres civiles, s’arracher leurs bonnets de la tête, s’ils en avaient envie ; mais présentement nous avons des choses plus sérieuses ; et pour moi, j’ai si fort regardé ces deux partis avec indifférence, que je n’ai pas voulu presque en entendre parler, et que je cherche toujours mes confesseurs exempts de haine ou d’amitié pour eux. » Grâce à madame des Ursins et à la reine d’Espagne, princesse remplie de force et de prudence, l’intérieur de cette cour demeura libre de toute intrigue religieuse, quoique le roi Philippe méritât d’être appelé un grand saint ; et, malgré l’exemple de la France, on n’eut à s’occuper en Espagne que des soins de la guerre.
Tous ceux qui faisaient partie de ces deux tiers, « véritables comédiens ambulants qui changèrent de nom et d’habit en même temps que de rôle »,lui paraissent « indignes non-seulement de gouverner, mais encore de vivre. » Il reconnaît pourtant qu’en voyant meilleure compagnie ils se sont amendés sous quelques rapports, et que, pour tout dire, « ils ont fait à peu près comme ces malheureuses femmes, qui, ramassées dans les carrefours et dans les prisons de la capitale, sont envoyées dans les colonies Étrangères, où, quoique leur jeunesse se soit écoulée dans le désordre, elles adoptent une nouvelle vie, redeviennent honnêtes, et, grâce à de nouvelles habitudes, dans une position nouvelle, sont encore des membres tolérables de la société. » Le rapprochement n’a rien de flatteur ni de délicat ; mais l’illustre baronnet n’y regarde pas de si près ; il a même tant d’affection pour ces sortes d’images, que plus tard l’arrangement du premier consul avec ses ministres lui semblera « pareil aux mariages contractés par les colons espagnols ou les boucaniers avec les malheureuses créatures envoyées pour peupler les colonies », et qu’il trouvera les moyens en un endroit de comparer, je ne sais trop pour quelle raison, M. de Talleyrand à une vivandière.
Je regarde le gazon.