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954. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

le bel article à faire sur la lourde bêtise et l’ignorance des jeunes blagueurs de première. […] Et dans ma pensée, je rapprochais ces deux premières, de l’avis de tout le monde exceptionnelles et particulières aux Goncourt, de la première d’Henriette Maréchal, où on aurait voulu nous déchirer mon frère et moi. […] Or, nous voilà, tout le monde de Jean-d’Heurs en route, dès neuf heures, pour être sur le terrain des manœuvres à onze heures, où nous arrivons aux premiers coups de canon. […] Le compartiment de première est envahi par des Allemands, qui se montrent mal élevés, autant que des Anglais en voyage, avec une note de jovialité peut-être plus blessante. […] Hefner, un paysagiste de premier ordre, avec les blondeurs couleur de glaise de ses futaies, avec le roux brûlé de ses terrains, avec le gris perle de ses eaux et de ses ciels.

955. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

A première vue, il peut paraître prudent d’abandonner à la science positive la considération des faits. […] Nous avons traité du premier point ailleurs. […] Pourtant, j’étends au second ordre de réalité tout ce qui s’applique au premier. […] Mais c’est par exception seulement que l’ordre du premier genre revêt une forme aussi distincte. […] Mais le second m’est indifférent ici, je ne m’intéresse qu’au premier, et j’exprime la présence du second en fonction du premier, au lieu de l’exprimer, pour ainsi dire, en fonction d’elle-même, en disant que c’est du désordre.

956. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Des premiers travaux de Bossuet. — § VII. […] Des premiers travaux de Bossuet. […] Pourquoi faire tenir ce langage aux premiers chrétiens ? […] Bossuet avait été saisi, dès ses premières études de théologie, de la suite de l’histoire de la religion. […] Il y mettait pour première condition qu’on déclarât le concile de Trente au moins comme suspensif en ce qui regarde les protestants.

957. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Le premier de ces Don Juan parut aux premiers jours de la révolution de juillet, à l’aurore, aux premières espérances d’un règne heureux, et déjà l’on peut voir, dans ces pages, une profonde sécurité de toutes choses ! […] À ce seul geste, et sans qu’il ait songé à s’expliquer à lui-même l’étrange vision, aussitôt — vanité de ces courages à l’épée et au premier sang ! […] La première scène du premier acte se passe dans le jardin de mademoiselle de La Vallière. […] Le roi répond par trois bêtises insupportables : Première bêtise. […] ) Premières des façons nombreuses de lever le vent.

958. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Vous l’étiez aux premiers actes en exigeant du respect et de la crainte ; vous l’êtes plus encore à présent. […] Non, il ne vous est pas permis d’être noble et digne aux premiers actes, d’être pathétique au dernier. […] Ses premiers contes ont été imprimés en 1661 ; les six premiers volumes des fables ne l’ont été qu’en 1668, un an après Le Sicilien. […] C’est à cela qu’il doit d’avoir connu du premier coup, atteint du premier coup la perfection du genre, et l’explication s’impose. […] J’avoue qu’à son entrée en scène ma première sensation a été de désappointement et de déplaisir.

959. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Chaque individu aspirait au premier grade. […] Il ne reconnaissait la supériorité de le Brun, ni à titre de premier Peintre du Roi, ni à titre de premier Peintre de la Nation. […] Ses premiers pas furent un triomphe. […] Gresset, un sixieme acte digne des cinq premiers. […] Sédaine est un des premiers qui ait tenté la nouvelle route.

960. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Il nous explique un de ses premiers jeux, que ses petites sœurs et lui appelaient la « musique des anges ». […] Mais c’est, je crois, une des plus parfaitement caractéristiques du lyrisme de ses deux premiers recueils. […] Et l’anneau nuptial s’échangeait sur la nappe, Premier chaînon doré de la chaîne des nuits. […] Du premier coup, il avait trouvé cela. […] Mais Lamartine a l’inexpérience sublime des premiers poètes qui se sont enivrés de l’univers.

961. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVII. La flûte d’ybilis »

Il reconnut du premier coup d’œil à qui il avait affaire mais il dissimula : « Cela va bien, répondit-il, et je vais te prendre pour femme ». Il donna à sa première épouse l’ordre de faire chauffer de l’eau pour ses ablutions.

962. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Dans son premier effort pour atteindre directement la vérité hors de lui, Proust éprouve une déception. […] Et c’est justement une des grandes et d’ailleurs des rares différences entre l’esprit de Swann et le sien, que cette paresse à supposer qu’il attribue au premier. […] C’était en tous cas, du premier coup, l’impression d’une sorte de miracle devant moi soudain réalisé. […] Du premier coup, Proust posa la main sur la peinture et en enduisit complètement son gant. […] Son premier rêve, celui qui le hantait dans ses promenades du côté de Roussainville et de Montjouvain, est donc pleinement réalisé.

963. (1893) Alfred de Musset

« Ses premiers pas dans la vie furent guidés par l’instinct de la passion native. […] A l’apparition de ses premières poésies, il écrivait au frère de sa mère, M.  […] Au premier livre qui me tomba sous la main, je m’aperçus que tout avait changé. […] Le Musset première manière avait subi le joug de la mode pour le rythme, le style, le décor, le choix des sujets. […] Sa conversation était alors riche d’imprévu, comme dans le dialogue du premier acte avec l’honnête Spark.

964. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

À première vue ils possédaient le don le plus précieux que le ciel puisse octroyer à des poètes et à des artistes, et ils le possédaient avec précision et profondeur. […] Quand Victor Hugo, en strophes admirables, raconte la mort de sa fille, l’angoisse première s’est déjà apaisée. […] En ce qui concerne son premier ouvrage, M.  […] Malheureusement, il appuie une simple affirmation sur d’autres affirmations qui ne sont pas mieux établies, et il prouve sa première formule par une série d’arguments dont la preuve est encore à faire. […] Rien, à première vue ; rien, excepté ce don indéfinissable que la nature dispense à ses élus, excepté un défaut peut-être.

965. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Il ne songe pas, comme on l’a tant fait, à le ramener à l’égoïsme comme à son origine première. […] Le matin au premier caquet des canards, qui est un signe de satisfaction, tous continuent en chœur. […] Tout ce que George Sand a écrit à Sainte-Beuve est de tout premier intérêt. […] Il lit son premier texte. […] Non pas tant celles du premier abord.

966. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Mais il ne leur emprunte guère que ce qui convient à sa nature première. […] Son premier et principal souci est d’imposer ses dogmes et ses pratiques. […] Mais il est loin de ressembler aux héros du premier et même du second âge de la chevalerie. […] Caravage et les naturalistes en général donnent pour leur œuvre définitive leur premier carton. […] La Renaissance en effet n’est, au premier moment, qu’une résurrection des anciens.

967. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

Le sceptre alourdit la main qui laissa choir l’archet, et, à ouïr les assonances frêles ou graves que le poète trouva, à se pénétrer de l’infinie délicatesse comme de l’écho sonore que dénote, voulu, le choix de ses mots, on se souvient, concis et formidables, de ces premiers poèmes orphiques dont le langage compliqué était, entre initiés, la parole par excellence. […] Charles Guérin, dans ses premiers livres, ne faisait guère pressentir le poète très sûr que nous a révélé le Cœur solitaire.

968. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre V. Caractère du vrai Dieu. »

À la voix du premier, les fleuves rebroussent leur cours, le ciel se roule comme un livre, les mers s’entrouvrent, les murs des cités se renversent ; les morts ressuscitent, les plaies descendent sur les nations. […] Un silence subit et pénible, des images vagues et fantastiques, succèdent au tumulte des premiers mouvements : on sent, après le cri de Pluton, qu’on est entré dans la région de la mort ; les expressions d’Homère se décolorent ; elles deviennent froides, muettes et sourdes, et une multitude d’S sifflantes imitent le murmure de la voix inarticulée des ombres.

969. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Le second événement était sa première communion qui détermina en lui le sentiment religieux et catholique, parfois obscurci depuis, mais ineffaçable. […] Pour le nouvel époux, les deux premières années se passèrent dans le même bonheur, dans les mêmes études. […] Ampère était religieux, qu’il était croyant au christianisme, comme d’autres illustres savants du premier ordre, les Newton, les Leibniz, les Haller, les Euler, les Jussieu. […] Maine de Biran, lequel, déjà connu par son Mémoire de l’Habitude, travaillait à se détacher avec originalité du point de vue de ses premiers maîtres. […] Ampère parle d’une difficulté première qui lui semblait insurmontable, et dont M. le chevalier de Biran lui fournit la solution.

970. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Une amitié passionnée unissait dès leur adolescence lady Élisabeth Harvey à la première duchesse de Devonshire ; cette première femme du duc de Devonshire était sans scrupules, femme de bruit, de passion, de beauté, de talent, de poésie et de politique. […] Que j’aurais voulu la voir alors, et qu’heureux sont les yeux qui se rafraîchirent et s’enivrèrent de son premier rayonnement ! […] À notre première entrevue je fus timide ; elle fut naturelle, gracieuse, adroite de simplicité ; mon impression fut un attrait doux, qui n’éblouit pas, mais qui attire : clair de lune qui rappelle un jour de splendide été. […] Ces deux femmes se ressemblaient étonnamment par leur âge, par leur figure, par leur société commune dans leur adolescence, par les souvenirs réveillés des premières années de leur vie ; à des époques un peu diverses elles avaient connu beaucoup des personnes du même monde. […] « Si j’ai parlé de ces premières années, malgré mon intention d’abréger tout ce qui m’est personnel, c’est à cause de l’influence qu’elles ont souvent à un si haut degré sur l’existence entière : elles la contiennent plus ou moins.

971. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Rousseau fut un des premiers écrivains en France qui écrivirent avec l’âme. […] Elle avait de ces beautés qui se conservent, parce qu’elles sont plus dans la physionomie que dans les traits ; aussi la sienne était-elle encore dans son premier éclat. […] L’aigreur de ses ressentiments contre Diderot, Grimm, le baron d’Holbach, ses premiers amis, le brouilla alors avec la secte des philosophes dont il avait été jusque-là le protégé. […] Quant à la duchesse de Luxembourg, elle avait été célèbre autrefois par sa beauté sous le nom de Boufflers, son premier mari. […] La guerre intestine qu’il avait déclarée aux philosophes, ses premiers prôneurs, lui avait créé entre le christianisme et l’athéisme une situation exceptionnelle qui lui faisait ce qu’on nomme un tiers-parti dans les assemblées.

972. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Vous croyez me faire une grâce en me permettant de m’exercer sur quelques points non définis, en me jetant le monde comme une matière à dispute, en m’avertissant bien par avance que du premier mot jusqu’au dernier je n’y entendrai rien. […] Quand je me rends compte des motifs pour lesquels j’ai cessé de croire au christianisme, qui captiva mon enfance et ma première jeunesse, il me semble que le système des choses, tel que je l’entends aujourd’hui, diffère seulement de mes premiers concepts en ce que je considère tous les faits réels comme de même ordre et que je fais rentrer dans la nature ce qu’autrefois je regardais comme supérieur à la nature. […] Dans l’impossibilité d’exposer avec précision de telles idées, je renvoie à l’hymne où, dès ma première jeunesse, je cherchai à exprimer ma pensée religieuse, à la fin du volume. […] Il est possible que Renan fasse ici allusion à une pièce de sa première jeunesse intitulée l’Idéal, publiée dans ses œuvres posthumes. […] Tel ouvrage allemand de premier ordre est lourd et insupportable en français ; ôtez à l’eau de rose sa senteur, elle ne vaut pas de l’eau ordinaire.

973. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Par des faits, des paroles, des gestes, des actes, sont signifiés les débuts de son hystérisme, son aversion pour son mari, son premier amour, les crises décisives et finales de sa douloureuse carrière. […] Arnoux riche, la religion du chic dont est imbu le jeune de Cisy, les plaisirs mondains de Mme Dambreuse et les galanteries maquignonnes de son premier amant, sont détaillés avec une insistance dont l’ironie n’exclut pas toute exactitude. […] Que l’on observe combien Mme Bovary est parfaitement, aux premiers chapitres, la jeune femme soucieuse d’intérieur et reconnaissante de l’indépendance que le mariage lui assure ; puis l’inquiétude, croissante de toute sa personne ardemment vitale, et son chaste amour pour un jeune homme fréquentant sa maison, prélude coutumier des adultères plus consommés. […] Dans Madame Bovary, le séjour, au château de la Vaubyessard, avec ses minuties d’élégance, la forêt où l’héroïne consomme son premier adultère, le tableau de l’agonie et de l’Extrême-Onction, jettent des éclats entre le restant d’ombre. […] Le mot, qui, selon les linguistes allemands (Steinthal, Geiger), est à l’idée ce que le cri est à l’émotion, ne peut constituer l’antécédent de l’idée, que lorsque le langage, énormément développé par des génies verbaux de premier ordre, devient quelque chose que l’on apprend, que l’on emmagasine, et non un mince bagage traditionnel, qu’il faut utiliser et augmenter selon ses besoins.

974. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Je les feuilletai avec complaisance et avec assiduité dans ma première jeunesse. […] Il toucha du premier coup sur son instrument des cordes de jeunesse, de sensibilité d’esprit, d’ironie de cœur, qui se moquaient hardiment de nous et du monde. […] Mais s’il fut malheureux dans ses premiers modèles, il fut également malheureux dans ses premières tendresses de cœur. […] Heureux celui qui aime plus haut que lui à son premier soupir de tendresse ! […] Ce n’était pas un caprice de jeunesse qu’il fallait à Musset, c’était une religion du cœur, notre premier maître de philosophie, c’est un chaste amour.

975. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Oserons-nous, après avoir si franchement déployé nos sympathies (mais notre vilain devoir nous oblige à penser à tout), oserons-nous dire que le nom de Jean Bellin et de quelques Vénitiens des premiers temps nous a traversé la mémoire, après notre douce contemplation ? […] Planet a fait ce que font tous les coloristes de premier ordre, à savoir, de la couleur avec un petit nombre de tons — du rouge, du blanc, du brun, et c’est délicat et caressant pour les yeux. […] Ce portrait dénote un coloriste de première force. […] Le modelé en est beau, et cette peinture a le mérite, rare chez ces messieurs, de paraître faite tout d’une haleine et du premier coup. […] Curzon a peint un site très-original appelé les Houblons. —  C’est tout simplement un horizon auquel les feuilles et les branchages des premiers plans servent de cadre. — Du reste, M. 

976. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Il passa sa première jeunesse au château de Marcellus, dirigé dans ses études par son père, aussi classique que lui. […] M. de Marcellus plut du premier coup à cet ambassadeur, obtint toute sa confiance et toute son affection. […] Canning étaient liés par les goûts littéraires communs que le premier ministre anglais avait conservés de son premier métier de journaliste. […] La nature avait fait en lui un poète de décadence dans une prose qui était le récitatif de la poésie, un orateur d’académie ; elle en avait fait, au contraire, un homme d’État de premier rang et de première influence, nié par les partis et perverti par ses propres rancunes. […] Ma première pensée fut de croire à quelque vengeance des musulmans.

977. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Ils ont été des premiers à s’emparer du cartésianisme, ils en ont neutralisé l’esprit en s’en appropriant la méthode. […] Mettant à profit la grande leçon de Malherbe, Pascal a laborieusement, lentement, patiemment amené son ouvrage à être l’expression pure et parfaite de sa pensée : il ne s’est pas contenté du premier effort de sa nature, si richement douée. Ayant dû improviser à peu près les trois premières lettres, dès qu’il peut, il travaille, il corrige : il refait, dit-on, treize fois la 18e lettre ; et par un mot profond, il s’excuse de n’avoir pas fait la 16e plus courte faute de loisir. […] Les trois premières parties fourniront des probabilités, des présomptions, des preuves indirectes : la quatrième, des preuves directes, intrinsèques, rigoureuses. […] Ce don de profondeur, qui est l’originalité propre de l’esprit de Pascal, apparaît à chaque page dans les Pensées, surtout dans celles qui se rapportent aux deux premières parties du plan précédemment expliqué.

978. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Il y eut en ce temps-là, sinon un homme de génie, du moins un esprit heureux qui a tracé quelques ébauches de caractères finement observés, et, comme il arrive, trouvé une langue toute formée pour exprimer ces premiers traits de la vérité dramatique. […] Une Chimène comme l’eût voulue le rédacteur fort habile du jugement de l’Académie, Chapelain, eût ennuyé tout des premiers Richelieu et son Tristan littéraire, Chapelain. […] Cette première révélation du génie intéresse singulièrement. Oserai-je la comparer au premier épanouissement d’une fleur, plus belle quand elle s’est ouverte tout entière, plus charmante quand elle vient de s’entrouvrir ? […] Ce qu’il avait fait comme poète, par un mauvais emploi de son esprit, comme juge il l’appréciait de ce premier coup d’œil toujours sûr d’un homme de génie rendu à son naturel.

979. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Et la Vie que nous avions créée, créée afin de nous donner la joie créatrice, a perdu son caractère premier. […] Alors certains peintres ont pu abandonner la destination première de la peinture, qui était à nous suggérer les sensations précises des visions. […] Son maître premier (après, peut-être, Mantegna, puis le Pérugin, si différents des réalistes de leur temps) ce fut l’extraordinaire poète Léonard de Vinci. […] Nous avions accoutumé, du moins, voir ces œuvres se passant des couleurs : et leur adjonction ne fait guère plus vive notre délicieuse impression première. […] À propos de Teodor de Wyzewa, on se reportera à la note n° 20 du premier volume de la Revue.

980. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

« Mme de Dino, qui, pendant les quatre ans qu’elle a passés en Angleterre, a complété la croissance dont son esprit supérieur était susceptible, et qui la place au premier rang des personnes les plus distinguées, n’oublie que ce qui ne vaut pas la peine qu’on s’en souvienne : elle est flattée que son souvenir corresponde à celui qu’elle a toujours gardé de vous, et elle me charge de vous le dire. […] Il lui échappa de dire en plus d’une occasion : « Je sens que je devrais me mettre mieux avec l’Église. » On remarquait encore qu’il revenait plus volontiers sur ses souvenirs de première jeunesse et sur ses années de séminaire ; il ne craignait pas de les rappeler. […] Le baron de Gagern raconte qu’étant à Varsovie et passant des matinées entières auprès de lui, une des premières choses qu’il exigea fut que son interlocuteur ne l’appelât plus Votre Altesse, mais simplement M. de Talleyrand, et sur ce mot d’Altesse, il lui arriva de dire : « Je suis moins, et peut-être je suis plus » ; se reportant ainsi à l’orgueil premier de sa race. […] une lettre expresse à ce sujet que m’a écrite, après mon premier ou mon second article, M.  […] Enfin, au premier mot de déclaration de guerre, je vous propose de vous donner un supplément d’article où je traiterai ce point : « M. de Talleyrand était certainement vénal et corrompu ; mais est-il vrai que, dans sa longue carrière, il n’ait fait de mal à personne ? 

981. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Des Florentins en grand nombre, à chaque trouble survenu dans la république des Médicis, avaient émigré sur ce point et y avaient fondé une espèce de colonie qui continuait d’associer, comme dans la patrie première, l’instinct et le génie du négoce au noble goût des arts et des lettres. […] Lorsqu’au début de son règne Henri II, avec Catherine de Médicis, fit sa première entrée solennelle à Lyon en septembre 1548, la petite colonie des Florentins voulut donner à la reine le régal de la Calandra, représentée par des comédiens qu’on avait mandés exprès d’au delà des monts. […] Puis quand je crois ma joye estre certaine, Et estre au haut de mon desiré heur, Il me remet en mon premier malheur. […] Depuis la publication première de cet article, j’ai dû la petite communication suivante à l’obligeance de M. […] Ainsi, à la fin de son élégie première, elle se souvient de Tibulle qui dit (liv. 

982. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

J’ai quitté l’Angleterre pour l’Amérique, avec autant d’indifférence que si je faisais mon premier pas pour une promenade d’un mille : il en a été de même de la France, mais il n’en a pas été de même de l’Italie : c’est là que j’ai joui pour la première fois de mon indépendance, c’est là que j’ai été le plus puissant de corps et d’esprit. […] Un goût vague ne se suffit pas à lui seul, et c’est pourquoi il est si aisé au premier venu de me faire abandonner ce qui tout a l’heure me semblait ma vie. […] Géruzez, auquel il dit cette parole d’une magnanime équité : « Voici des événements dont, plus que personne, nous profiterons ; c’est donc à nous d’y prendre part et d’y aider80. » Il se porta avec les attaquants vers le Louvre, du côté du Carrousel ; les soldats royaux faisaient un feu nourri dans la rue de Rohan, du haut d’un balcon qui est à l’angle de cette rue et de la rue Saint-Honoré ; Farcy, qui débouchait au coin de la rue de Rohan et de celle de Montpensier, tomba l’un des premiers, atteint de haut en bas d’une balle dans la poitrine. […] La pensée de l’art noblement conçu le soutient et donne à ses travaux une dignité que n’avaient pas ses premiers essais, simples épanchements de son âme et de sa vie habituelle. — Il comprend tout, aspire à tout, et n’est maître de rien ni de lui-même. […] C’est pour cela qu’aujourd’hui il nous faut faire tête au premier rang des Lyciens, et nous lancer au feu de la mêlée, afin qu’au moins chacun des nôtres dise, etc., etc… » Pour Farcy les avantages à conquérir avaient certes moins de splendeur, et le grand domaine, c’eût été une chaire.

983. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Mon imagination revenait s’abattre, aux approches de l’hiver, sur les tourelles natales et sur les prairies argentées de leur premier givre, à Saint-Point. […] L’un de ces artistes était le jeune Allemand Liszt, ce Beethoven du piano, pour qui la plume du premier Beethoven était trop lente, et qui jetait à plein doigté ses symphonies irréfléchies et surnaturelles au vent, comme un ciel des nuits sereines d’été jette ses éclairs d’électricité sans les avoir recueillis dans la moindre nuée. […] — Je l’ai compris dès vos premiers vers, lui dis-je : vous n’êtes pas un poète comme nous ; vous êtes plus que poète, vous êtes un prêtre de la parole chantée. […] Ce poème, fait pour le petit nombre, place Laprade au premier rang des philosophes en vers. […] XXX On est déjà bien loin des mâles imprécations des premières pages.

984. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

On comprend alors, dès qu’il apparaît, dès qu’il parle, dès qu’il agit, ses premiers mots et ses moindres actes ; on a le pressentiment de sa présence et de son importance dans le drame, on le regarde, on le reconnaît, on s’incorpore, pour ainsi dire, d’avance avec lui. […] Le pressentiment de ses malheurs, le souvenir des scènes tragiques de Versailles, les inquiétudes de chaque jour, pâlissaient seulement un peu sa première fraîcheur. […] Ce jeune étudiant, qui s’était improvisé publiciste, sur une chaise du jardin du Palais-Royal, aux premiers mouvements populaires du mois de juillet 1789, avait conservé dans son style, souvent admirable, quelque chose de son premier rôle. […] Son premier regard, son premier mot mettait une distance entre l’homme et l’orateur. […] Respectueuse et indifférente à la question des territoires nationaux, dès son premier mot elle s’interdit les conquêtes.

985. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Peut-être faut-il attribuer en partie à la contrainte et à la solitude de sa première enfance la sécheresse de son œuvre et la courte haleine de sa verse ; il fut habitué à se renfermer, et jamais une indulgente affection ne l’encouragea à laisser librement jaillir ses émotions dans leur vive et naturelle abondance. […] Nous ne savons pas grand’chose sur sa première enfance. […] On conte que « Despréaux alla lire une de ses premières pièces à l’hôtel de Rambouillet : il n’y eut pas de succès, et on l’engagea à prendre une espèce de poésie moins odieuse et plus généralement approuvée des honnêtes gens que la satire. […] Boileau est tout simplement un cartésien, de ce premier cartésianisme, encore inconscient de sa nature intime et qui se flattait de donner un appui à la foi qu’il était fait pour ruiner. […] Il y venait dîner avec des amis communs et causer belles-lettres ; ou bien il amenait sa petite famille, et Boileau, dépouillant sa gravité, jouait avec les enfants aux quilles, où il se piquait d’être de première force, ou les menait promener dans le bois de Boulogne.

986. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Amyot avait été appelé dans l’intervalle à l’évêché d’Auxerre ; il était tout pénétré de ses premières études de théologie, dont il ne sut d’ailleurs que le nécessaire. […] Ce grand homme marque un autre changement, qui n’est peut-être que la conséquence du premier : c’est la prédominance du génie latin sur le génie grec dans la littérature française. […] « Les raisons premières et plus aisées, dit-il, qui sont communément les mieulx prises, je ne sçais pas les employer, mauvais prescheur de commune. » C’est toucher droit à Cicéron, dont la gloire est d’avoir admirablement exprimé les raisons premières et plus aisées, celles qui forment le commun des hommes, et d’avoir été excellent prescheur de commune. […] Cette première douceur de ressembler à l’aimable philosophe n’est pas la seule que nous y goûtions. […] Montaigne est-il autre chose qu’un penseur capricieux et profond, qui, tantôt de son premier mouvement, tantôt sur l’invitation de l’auteur qu’il lit, de Plutarque le plus souvent, se porte ou se laisse mener vers tous les sujets de la méditation humaine ?

987. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

C’était vraiment de la male-chance pour des auteurs de publier leur premier volume2 juste le jour d’un coup d’État, et nous en fîmes l’expérience en ces semaines cruelles, où toute l’attention du public est à la politique. […] Et l’édition rapportée chez nous, et jetée sur le carreau d’une mansarde, deux ou trois années après, comme nous étions montés dans cette mansarde, je ne sais plus pourquoi, nous nous mettions, chacun dans un coin, assis par terre, à relire un exemplaire ramassé dans le tas — et nous trouvions, ce jour-là, notre premier roman, si faible, si incomplet, si enfantin, que nous nous décidions à brûler le tas. […] Donc, après m’être longtemps refusé à la réédition de ce premier livre, sur une toute récente lecture, je me suis rendu aux aimables et pressantes instances du vaillant éditeur belge, désireux de le joindre dans sa bibliothèque aux premiers livres des jeunes de ce temps. […] « Enfin cette description d’un salon parisien meublé de japonaiseries, publiée dans notre premier roman, dans notre roman d’En 18.., paru en 1851… oui, en 1851… — qu’on me montre les japonisants de ce temps-là… — Et nos acquisitions de bronzes et de laques de ces années chez Mallinet et un peu plus tard chez Mme Desoye… et la découverte en 1860, à la Porte Chinoise, du premier album japonais connu à Paris… connu au moins du monde des littérateurs et des peintres… et les pages consacrées aux choses du Japon dans Manette Salomon, dans Idées et Sensations… ne font-ils pas de nous les premiers propagateurs de cet art… de cet art en train, sans qu’on s’en doute, de révolutionner l’optique des peuples occidentaux ?

988. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Rousseau la rajeunit du premier mot ; elle se précipite à lui avec un enthousiasme qui ressemble au délire ; elle l’adopte, elle adore tout de lui, jusqu’à ses démences et à ses injures ; elle en fait son favori, son philosophe, son législateur, son apôtre, son cynique, son Diogène, son Socrate dans un seul homme. […] Sous ce premier rapport, c’est-à-dire comme corps destiné à faire naître et à élever le niveau du génie dans la nation, c’est à nos yeux une institution puérile ; nous dirons plus, c’est une institution complétement contraire à son but. […] Le livre avorta ; mais, malgré cet avortement, il contribua par sa popularité en Europe à répandre, avec la littérature française, l’aspiration aux doctrines et aux institutions de raison et de liberté, premières conditions de vérité dans les esprits et dans les choses. […] Un écrivain grave, dont nous avons signalé un des premiers la pénétration et la puissance d’analyse dans les autopsies des nations, M. de Tocqueville, vient de retomber, ce me semble, dans cette erreur de point de vue, en écrivant hier son beau livre sur l’ancien régime et la révolution. […] Les généreuses illusions sont toutes brûlantes au premier moment dans l’âme du peuple ; elles animent les premiers orateurs qui sortent du sein de ce peuple ; elles élèvent un instant ce peuple au-dessus de lui-même.

989. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Selon quelques-uns, la protase des anciens revient à nos deux premiers actes ; mais ceci a besoin d’être éclairci. […] La protase ne revient donc à nos deux premiers actes qu’à raison de la première place qu’elle occupait dans une tragédie ou dans une comédie, et nullement à cause de son étendue. […] Cette crainte peut être fondée : mais il n’y a guère que le défaut d’intérêt dans les actes suivants, qui rappelle au spectateur que le théâtre était rempli au premier acte : témoin Brutus et les ouvrages déjà cités. […] On a cité, avec raison, comme une beauté de dialogue du premier ordre, la cinquième scène du troisième acte de Cinna. […] Dans Cadmus et Hermione, opéra de Quinault, il y a, dans la dernière scène du premier acte, une très grande beauté de dialogue.

990. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Le plus remarquable fut celui d’Italie qu’il refit en 1802-1803, en compagnie de Mme Brun, dans des conditions et des circonstances bien différentes de celles de sa première visite trente ans auparavant. […] L’ouvrage se compose de deux parties fort distinctes : la première est d’un classique et d’un antiquaire : elle s’intitule : « Voyage sur la scène des six derniers livres de L’Énéide », et nous offre l’un des premiers exemples (sinon le premier) d’un critique homme de goût relisant en détail un poète sur les lieux mêmes qui sont le théâtre de ses chants, et qui en deviennent le plus lumineux commentaire. […] L’artiste, qui devait son premier succès à cet affectueux patron, aima toujours à le lui rapporter ; et à des amis de Bonstetten qui le visitaient trente ans après, il disait en les conduisant avec émotion à un endroit de son atelier, alors tout peuplé de marbres glorieux : « Voilà la place où était le Jason !  […] — J’ai toujours vécu d’amitié, et ma première jouissance était de la sentir bien placée. […] Au premier appel de l’amitié, il quittait allègrement sa plume ou sa bibliothèque : demeurait-il seul ?

991. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Mme Valmore, au premier mot qu’on lui en toucha, eut d’instinct un mouvement de refus. […] Si la Vierge et Notre-Seigneur me regardent en pitié, ne le sauras-tu pas un des premiers ? […] Après soixante ans d’existence comme au premier jour, elle vit en présence des êtres chers qui entouraient et protégeaient son enfance, et dont elle n’a cessé de faire les témoins invisibles, les juges et les surveillants de sa vie : « (23 septembre 1847)… Tu réalises le pressentiment que j’ai toujours eu qu’un jour, du fond de ton humble malheur, tu entoureras ton nom de considération et d’estime. […] Allons, va recevoir ta pension, ou je me fâche. » Mme de Launay eût encore moins compris sa singulière amie si on lui avait dit que sa pensée avait été d’abord de faire offrande des premiers quartiers échus à la cause des Grecs ; car elle ne savait comment justifier et purifier à ses yeux cet argent. […] Il semble que ses vers sont tombés de sa plume sans nul effort, comme les mots d’une bouche éloquente… C’est par là que Mme Valmore me paraît digne d’occuper une des premières places parmi les femmes-poètes de ce siècle.

992. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

M. de Balzac fut donc transplanté de bonne heure ; ce ne fut pourtant qu’après avoir fait ses premières études au collége de Vendôme probablement, car j’aime à croire que son récit de Louis Lambert n’est en rien une fiction, et qu’il a été lui-même cet ami inséparable du pauvre et sublime enfant extatique. […] M. de Balzac, dit-on, a chez lui une collection complète de tous ses premiers romans qui ne forment pas moins d’une trentaine de volumes ; il les conserve magnifiquement reliés, comme le berger-ministre conservait dans un coffre précieux son hoqueton et sa houlette, et il les appelle ses études. […] Il redevient chimiste : ses premiers travaux chez Lavoisier renouvellent tout leur attrait et le sollicitent à poursuivre : un officier polonais, qui passe à cette époque par Douai et qui cause avec Balthazar, provoque en lui cette subite révolution. […] M. de Balzac, par son affectation nobiliaire ridicule improvisée du jour au lendemain, a l’un des premiers mis à la mode cette manie de tant d’hommes de notre génération et qui depuis n’a fait que croître et embellir, — de se donner pour ce qu’on n’est pas. […] Un homme d’esprit à qui je citais, comme singulier, ce rapprochement qu’on avait fait des premiers écrits de M. de Balzac avec Pigault, n’en parut pas étonné : « Mais encore maintenant, me dit-il, voyez !

993. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Peut-être lui fit-il le danger moins fort qu’il ne me l’avait fait ; mais il m’a toujours assuré lui avoir dit, à cette première visite, qu’il n’y avait préparation qui tînt, et que l’inquiétude de tout ce qui s’intéressait au roi devait être fort considérable. […] La nouvelle de la petite vérole fut se répandre à Paris, et chacun dans ce premier moment ne douta pas que le roi ne succombât à cette maladie. […] Premier médecin ordinaire. […] Le duc d’Aumont, premier gentilhomme de la chambre, qui était d’année en 1774. […] Premier chirurgien du roi.

994. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Je vais examiner d’abord la littérature d’une manière générale dans ses rapports avec la vertu, la gloire, la liberté et le bonheur ; et s’il est impossible de ne pas reconnaître quel pouvoir elle exerce sur ces grands sentiments, premiers mobiles de l’homme, c’est avec un intérêt plus vif qu’on s’unira peut-être à moi pour suivre les progrès, et pour observer le caractère dominant des écrivains de chaque pays et de chaque siècle. […] Chaque fois qu’appelé à choisir entre différentes expressions, l’écrivain ou l’orateur se détermine pour celle qui rappelle l’idée la plus délicate, son esprit choisit entre ces expressions, comme son âme devrait se décider dans les actions de la vie ; et cette première habitude peut conduire à l’autre. […] On est honteux de justifier l’esprit, tant il paraît évident, au premier aperçu, que ce doit être un grand avantage. […] Il n’est pas vrai qu’un grand homme ait plus d’éclat, en étant seul célèbre, qu’environné de noms fameux qui le cèdent au premier de tous, au sien. […] En parcourant les révolutions du monde et la succession des siècles, il est une idée première dont je ne détourne jamais mon attention ; c’est la perfectibilité de l’espèce humaine12.

995. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Après avoir bien établi l’importance première de la nature des constitutions, il faudrait prouver leur influence par l’examen des faits caractéristiques de l’histoire des mœurs, de l’administration, de la littérature, de l’art militaire de tous les peuples. […] Je m’attends aux diverses objections de sentiment et de raisonnement qu’on pourra faire contre le système développé dans cette première partie. Rien n’est plus contraire, il est vrai, aux premiers mouvements de la jeunesse, que l’idée de se rendre indépendant des affections des autres ; on veut d’abord consacrer sa vie à être aimé de ses amis, à captiver la faveur publique. […] Ces deux idées premières dans l’existence, s’appliquent également à toutes les situations, à tous les caractères, et ce que j’ai voulu montrer seulement, c’est le rapport des passions de l’homme avec les impressions agréables ou douloureuses qu’il ressent au fond de son cœur. […] Dans l’analyse des diverses affections morales de l’homme, il se rencontrera quelquefois des allusions à la révolution de France ; nos souvenirs sont tous empreints de ce terrible événement : d’ailleurs, j’ai voulu que cette première partie fut utile à la seconde, que l’examen des hommes un à un put préparer au calcul, des effets de leur réunion en masse ; j’ai espéré, je le répète, qu’en travaillant à l’indépendance morale de l’homme, on rendrait sa liberté politique plus facile, puisque chaque restriction qu’il faut imposer à cette liberté, est toujours commandée par l’effervescence de telle ou telle passion.

996. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Chapitre premier. […] Si, sur une larve de grenouille, vous séparez la queue et que vous jetiez cette queue dans l’eau, elle s’organise et se développe jusqu’au dixième jour, comme si elle fût restée à sa première place1. […] Ce sont eux que nous avons nommés images. — Voilà un second groupe de sensations, si semblables aux premières qu’on peut les appeler sensations réviviscentes, et qui répètent les premières, comme une copie répète un original ou comme un écho répète un son. À ce titre, elles ont les propriétés des premières, elles les remplacent en leur absence, et, faisant le même office, elles doivent donner lieu au même travail mental. […] « J’ai passé mes premières années à Meaux, dit M. 

997. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

C’est par là que sa famille d’opulents parvenus, sortie d’un médecin célèbre, s’était insensiblement élevée par le commerce et les arts au premier rang de la république. […] « Il est assez difficile de savoir si les assiduités de Laurent et les prières de ses amis parvinrent, à la fin, à fléchir la fierté avec laquelle il y a lieu de croire que Lucretia reçut ses premiers hommages. […] Une légère insurrection de Bernardo Nardi, réprimée par Petrucci et par Ginori, citoyen de Florence, écrasa dans l’œuf cette première tentative des ennemis des Médicis. […] Laurent fonda Livourne et la marine toscane, et mit sous les auspices de la religion le commerce de son pays ; il plaça sur la flotte douze jeunes gens des premières familles de Florence, et séduisit les grands seigneurs ottomans par la magnificence de ses présents : l’Égypte et ses trésors s’ouvrirent ainsi devant lui ; il prit à bail toutes les mines d’Italie et s’empara ainsi, en bénéfice, de tous les immenses revenus intérieurs. […] L’or fut son premier sujet et lui enchaîna sans bruit tous les autres.

998. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Dans une société normale, l’homme aurait donc droit aussi au premier fond nécessaire pour se procurer cette vie. […] Or cela semble contradictoire ; car il semble, au premier coup d’œil, que l’abjection de quelques-uns et même de la plupart soit une condition nécessaire de la société telle que l’ont faite les temps modernes, et spécialement le XVIIIe, siècle. […] Il semble au premier coup d’œil qu’elles ont été vaincues. […] Alors viennent les empiriques avec leur triste naïveté ; chacun d’eux a trouvé du premier coup ce qui embarrasse si fort les sages, chacun d’eux promet de pacifier toute chose, ne mettant qu’une condition au salut de la société, c’est qu’on les laisse faire. […] Il est certain que la civilisation ne s’improvise pas, qu’elle exige une longue discipline et que c’est rendre un mauvais service aux races incultes que de les émanciper du premier coup.

999. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Mistress Clarkson sait que le duc est un tireur de premier calibre, et que Gérard n’est fort qu’au maniement du compas. […] Mauriceau connaissait pourtant les torts domestiques du duc de Septmonts, et il en parlait, au premier acte, du ton dégagé d’un vieux libertin indulgent aux fredaines de la jeunesse qu’il voudrait bien partager. […] Il n’est pas jusqu’au patito de la duchesse, le vicomte des Haltes, qui ne s’offre, au premier acte, de l’aller quérir, lorsqu’elle s’inquiète de ne pas le voir. […] Telles sont les origines de Lionnette de Hun, longuement contées et commentées, au premier acte, par un ami du mari. […] Telle est son entrée dans la pièce, et cette étrange figure, au premier abord, n’a rien qui déplaise.

1000. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Or notre durée intérieure, envisagée du premier au dernier moment de notre vie consciente, est quelque chose comme cette mélodie. […] Telle est notre première idée de la simultanéité. […] Nous voyons que, si notre esprit passe ici avec tant de facilité d’une petite distance à une grande, de la simultanéité entre événements voisins à la simultanéité entre événements lointains, s’il étend au second cas le caractère absolu du premier, c’est parce qu’il est habitué à croire qu’on peut modifier arbitrairement les dimensions de toutes choses, à condition d’en conserver les rapports. […] Les esprits les plus réfractaires aux premiers éléments se représentent tout de suite, et sans difficulté, des lignes sans épaisseur et des points sans dimension. […] Nous l’avons discutée en détail dans plusieurs de nos travaux, notamment dans les trois premiers chapitres de Matière et Mémoire et dans divers essais de L’Énergie spirituelle.

1001. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

C’est là le défaut de ses premières années ; c’est le premier pli qu’il a cru devoir se donner pour plaire. […] Même après les avantages, on laisse souvent l’ennemi se retirer en bon ordre : « Il aurait été difficile de l’entamer, dit-il d’une de ces premières marches prussiennes dont il est témoin ; à la vérité nous n’étions pas entamants. » À une première affaire où il s’agit d’occuper une crête de hauteur, il y arrive avec son monde en même temps que l’ennemi : « Nous eûmes un moment de flux et de reflux comme au parterre de l’Opéra. » Cette image lui vient tout naturellement comme à une fête. Il fait ses premiers prisonniers ; c’étaient quinze ou seize hommes et un capitaine qui, se trouvant coupés, se rendirent : « Et je les fis passer derrière les rangs avec un plaisir qui tenait de l’enfance. » L’affaire faite, il a perdu plus de la moitié de son bataillon, et ces débris victorieux continuent de rester encore exposés au canon fort mal à propos : « Il n’était venu en tête à personne de nous mettre à l’abri ; cependant tout était fini, et notre artillerie répondait fort mal à celle des Prussiens. […] À propos de je ne sais quelle position avantageuse aux Prussiens : « Le roi l’occupa parfaitement bien, dit le prince de Ligne ; il jouit de son plaisir ordinaire, qui était de nous tenir en suspens. » À la fin de la campagne de 1759, le prince de Ligne est choisi pour aller porter au roi de France à Versailles la nouvelle de l’affaire de Maxen ; il a raconté sa première apparition dans cette Athènes dont il était déjà, et il l’a fait avec piquant et un peu de cliquetis. […] Cela nous ramène aux petits soupers avec les mauvais sujets, avec les Du Barry et autres, et à une certaine affectation première de rouerie et de débauche à la mode, dont le prince de Ligne eut peut-être insensiblement à se corriger.

1002. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Il se forma en grande partie lui-même, si l’on en juge par l’aperçu qu’il a donné de sa première éducation : À la fin de 1709, dit-il, je fus mis au collège avec mon frère. […] À cela et à ses vues encore vagues sur lui, mais qui allaient à le faire un jour ou ministre, ou ambassadeur, ou même premier président du Parlement, d’Argenson, sans trop résister, répondait toutefois en rappelant ce qui lui manquait : qu’il était honteux et timide au premier abord ; qu’il avait été mal élevé sur un point ; que son père, en portant ses préférences trop longtemps sur son cadet et en le méconnaissant hormis dans les deux dernières années de sa vie, l’avait découragé ou trop habitué à se renfermer en lui, et « avait par là engourdi son entrée dans le monde » ; qu’il était balourd au jeu, qu’il s’y ennuyait et ne savait qu’y perdre son argent, etc., etc. […] Celui-ci opposait qu’il n’était point harangueur, qu’il n’avait jamais prononcé d’arrêt en public, et d’autres raisons encore ; puis il ajoutait pour lui : « Sans doute que nos deux premiers ministres (car c’est de la sorte qu’il qualifiait alors M. de Chauvelin conjointement avec le cardinal de Fleury) ne m’ayant encore connu principalement que touchant les démêlés parlementaires dont je raisonne avec application, le temps présent ne nous offrant meilleur champ, ils s’imaginent que c’est là le fort de ma capacité, et se trompent. » D’Argenson n’eut même d’abord la perspective de quelques fonctions diplomatiques et de quelque ambassade (bien avant celle de Portugal où il n’alla jamais) que dans cette vue éloignée de la première présidence du Parlement : « Si l’on vous employait en quelques négociations étrangères, et de peu d’années, lui disait M. de Chauvelin, au sortir de cela vous seriez bien enhardi. » Depuis la clôture de l’Entre-sol, d’Argenson avait toujours l’idée de renouer et de continuer ailleurs avec quelques amis, parlementaires pour la plupart, des conférences sur le droit public, sur les matières politiques : c’était son goût dominant. […] [NdA] Je donne le texte tel que je le trouve et dans ce qu’a d’inachevé une rédaction première, où la plume même a pu, en courant, laisser tomber quelque mot.

1003. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

« Ils ont cela de bon, disait-il des aubergistes allemands, qu’ils demandent quasi du premier mot ce qu’il leur faut, et ne gagne-t-on guère à marchander. […] Quant à l’air, il remerciait Dieu de l’avoir trouvé si doux, car il inclinait plutôt sur trop de chaud que de froid, et en tout ce voyage, jusques lors, n’avions eu que trois jours de froid et de pluie environ une heure ; mais que du demeurant, s’il avait à promener sa fille, qui n’a que huit ans, il l’aimerait autant en ce chemin qu’en une allée de son jardin ; et quant aux logis, il ne vit jamais contrée où ils fussent si dru semés et si beaux, ayant toujours logé dans belles villes bien fournies de vivres, devin, et à meilleure raison qu’ailleurs. » Montaigne, à la veille de quitter l’Allemagne et le Tyrol autrichien, écrit une lettre à François Hotman, ce célèbre jurisconsulte qu’il avait rencontré à Bâle, pour lui exprimer sa satisfaction de tout ce qu’il a vu dans le pays et le regret qu’il avait d’en partir si tôt, quoique ce fût en Italie qu’il allât ; ajoutant qu’excepté quelques exactions à peu près inévitables des hôteliers guides et truchements, « tout le demeurant lui semblait plein de commodité et de courtoisie, et surtout de justice et de sûreté. » Cette première partie de son voyage, dont il se montrait si enchanté, n’avait fait que le mettre en goût et en appétit de découverte. […] » Et il en repartait moins encore pour voir d’autres lieux que pour en finir de celui qu’il avait, du premier coup d’œil, dévoré. […] Il juge très bien, à première vue, du changement de configuration du sol, et de l’ensevelissement de l’ancienne Rome : la forme des montagnes et des pentes n’est plus du tout la même, et il tenait pour certain « qu’en plusieurs endroits nous marchions sur la tête des vieux murs et sur le faîte des maisons tout entières. » La liberté de vie à Rome lui paraît bien différente de celle de Venise : la sûreté y manque. […] Montaigne, à ce premier séjour, avait passé à Rome près de cinq mois ; il se rendit de là aux bains de Lucques et revint encore à Rome avant de repartir pour la France.

1004. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Né de lui-même, formé par des lectures personnelles, par des comparaisons directes, incessantes, et par une rude expérience première des choses de la vie, l’auteur dont nous parlons s’est de bonne heure tracé une route et a obéi à une vocation dont il n’a jamais dévié. […] Les frères Le Nain, nés et élevés à Laon, eurent pour premier maître un étranger et probablement un Flamand, qu’on ne nomme pas ; ils étaient trois, Antoine, Louis et Mathieu, « vivant, est-il dit, dans une parfaite union » ; ils offraient, dans l’application de leur pinceau, des différences, qui paraissent avoir été de dimension plutôt que de manière. […] Un autre de leurs chefs-d’œuvre, s’il était effectivement d’un des Le Nain, ce serait la Procession d’un prélat en grand costume, accompagné de son clergé, dans une espèce de chapelle ou de sanctuaire ; mais la richesse, la chaleur des tons, le magnifique et l’étoffé de l’ensemble, tout ce lustre de premier aspect, ont paru trop forts pour les modestes Le Nain, et l’on a généralement, dans ces dernières années, retiré leur nom à cette toile, sans pouvoir indiquer auquel des peintres flamands ; ou peut-être italiens, on l’attribuerait. […] Champfleury qui, l’un des premiers, est revenu à eux comme critique, et qui a plus fait que personne pour les remettre en honneur, a trouvé à leur sujet une conclusion élevée, presque éloquente, tant il est vrai qu’une étude approfondie et une sincère conviction amènent leur expression avec elle ! […] Le moment où Gardilanne arrive à Nevers, en se faisant précéder d’une lettre que Dalègre ne reçoit qu’une demi-heure auparavant, le coup de foudre de cette chute d’ami qui le consterne, son premier mouvement pour dérober en toute hâte les moindres traces de son fragile et casuel trésor, le déménagement nocturne de la faïence par le maître de la maison et sa ménagère, pendant que le voyageur est endormi, la crainte que le cliquetis chéri ne le réveille (car tout collectionneur, comme tout amant, a le sommeil léger pour ce qu’il aime), tout cela fait une scène excellente.

1005. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

De même que ceux qui voulaient la délivrance et la liberté en 89, eurent un moment d’ineffable joie et d’espérance trop tôt déçue, trop tôt souillée par des excès, et qu’ils virent le plus cher de leurs vœux se tourner en mécompte, de même bien des esprits sages, modérés, tolérants ou même religieux de sentiment et d’intention, ouverts à la haute pensée de la civilisation renaissante, qui se réjouirent de la réconciliation de la religion et de la société en 1801, et qui y poussèrent ou y applaudirent, eurent bientôt à revenir de cette satisfaction première, et quelques-uns, s’ils vécurent assez, purent douter s’ils n’avaient pas erré. […] Ce qu’il m’appartient de noter, c’est l’heureux esprit de sagesse qui présida à toute cette première partie de l’œuvre qui consistait à réunir et à fondre, à effacer les divisions entre l’un et l’autre Clergé, celui qui rentrait et reparaissait tout orthodoxe et pur, et celui qui, pour avoir été docile et constitutionnel, avait maintenant à se faire pardonner d’avoir obéi aux lois. […] Ce fut un beau moment dont rien ne saurait effacer l’éclat dans cette première splendeur de l’inauguration du siècle : « Ils ne sont pas encore assez loin pour être oubliés, s’écriait en 1818 un des témoins émus, ces jours alors si nouveaux et si sereins, si inattendus et si consolants, dans lesquels, après tant d’années d’interruption et d’outrages, on vit le culte catholique ramené en pompe dans le même temple où il avait reçu les plus graves insultes, — ramené par la main d’un jeune guerrier qui semblait jusque-là aussi étranger aux choses religieuses qu’il était familiarisé avec la victoire. […] Ailleurs ils éveillèrent de la curiosité, et rencontrèrent sympathie même, chez quelques esprits libéraux et indépendants, qui n’avaient pas renoncé à la pensée religieuse première, retrouvée par le siècle en son berceau. […] On revint de cette première méprise ; l’Université regagna peu à peu son rang, ses droits, son autonomie que de zélés et loyaux ministres94 lui maintiennent et s’efforcent chaque jour d’accroître et d’affermir.

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