Émile Gaume, en présence de la tombe, a prononcé un discours plein de convenance et d’affection, dans lequel il a rappelé la pensée et le but de cette réunion commémorative. […] C’est à un jeune membre de cette honorable maison, lui-même élève de Dübner, et un élève de prédilection, qu’est due la pensée pieuse de ce monument et de cette inauguration funéraire : qu’il en soit remercié au nom de tous ! « Remercions aussi l’artiste distingué dont le ciseau a si bien servi cette pensée d’amitié et de justice, et a su figurer à nos yeux l’image et l’esprit de notre ami dans une composition heureuse. […] Heureux après tout, heureux homme, pourrions-nous dire, qui a consacré toute sa vie à d’innocents travaux, payés par de si intimes jouissances ; qui a approfondi ces belles choses que d’autres effleurent ; qui n’a pas été comme ceux (et j’en ai connu) qui se sentent privés et sevrés de ce qu’ils aiment et qu’ils admirent le plus : car, ainsi que la dit Pindare, « c’est la plus grande amertume à qui apprécie les belles choses d’avoir le pied dehors par nécessité. » Lui, l’heureux Dübner, il était dedans, il avait les deux pieds dans la double Antiquité ; il y habitait nuit et jour ; il savait le sens et la nuance et l’âge de chaque mot, l’histoire du goût lui-même ; il était comme le secrétaire des plus beaux génies, des plus purs écrivains ; il a comme assisté à la naissance, à l’expression de leurs pensées dans les plus belles des langues ; il a récrit sous leur dictée leurs plus parfaits ouvrages ; il avait la douce et secrète satisfaction de sentir qu’il leur rendait à tout instant, par sa fidélité et sa sagacité à les comprendre, d’humbles et obscurs services, bien essentiels pourtant ; qu’il les engageait sans bruit de bien des injures ; qu’il réparait à leur égard de longs affronts.
» Cette scène, qui saisit l’imagination à la lecture, se réduit à cette pensée : « Vous me demandez, Sire, de déshonorer le nom que mes aïeux m’ont transmis glorieux et pur. » À l’idée des aïeux, de la race, le poète s’est contenté de substituer celle des individus : il a mis les unités à la place du groupe. […] De cette pensée vulgaire parmi les apologistes du christianisme : « tous les prophètes de l’Ancien Testament ont annoncé le Christ », un prédicateur anonyme tire tout un sermon par l’énumération de ces prophètes ; le moyen âge, à son tour, agrandissant le cadre, fait sortir du sermon le drame des Prophètes du Christ, où jusqu’à vingt-sept personnages défilèrent successivement en annonçant le Sauveur. […] Une fois qu’on a dit : je suis joyeux, ou triste, ou irrité, j’aime ou je hais, il semble que vraiment on n’ait plus rien à dire, et de fait on voit souvent des écrivains, de fort grands, se tirer de là par la simple rhétorique, par les périphrases et les comparaisons, par le développement à la Sénèque, qui consiste à inventer cent formes de la même pensée. […] La peinture d’une passion, c’est la peinture de la forme que prennent toutes les pensées sous l’influence de cette passion.
Le mot le plus vrai qu’on ait dit sur elle, est celui de Descartes : la lecture des bons livres est comme une conversation qu’on aurait avec les plus honnêtes gens des siècles passés, et une conversation où ils ne nous livreraient que le meilleur de leurs pensées. […] Elle fait que l’homme trouve dans un exercice de sa pensée, à la fois sa joie, son repos, son renouvellement. […] Mais il ne faut jamais perdre de vue deux choses : l’une, que celui-là sera un mauvais maître de littérature qui ne travaillera point surtout à développer chez les élèves le goût de la littérature, l’inclination à y chercher toute leur vie un énergique stimulant de la pensée en même temps qu’un délicat délassement de l’application technique ; c’est là qu’il nous faut viser, et non à les fournir de réponses pour un jour d’examen ; l’autre, que personne ne saura donner à son enseignement cette efficacité, si, avant d’être un savant, on n’est soi-même un amateur, si l’on n’a commencé par se cultiver soi-même par cette littérature dont on doit faire un instrument de culture pour les autres, si enfin, tout ce qu’on a fait de recherches ou ramassé de savoir sur les œuvres littéraires, on ne l’a fait ou ramassé pour se mettre en état d’y plus comprendre, et d’y plus jouir en comprenant. […] Brunetière : j’ai estimé plus utile, en une matière où il n’y a point de vérité dogmatique ni rationnelle, d’apporter les opinions, les impressions, les formes personnelles de pensée et de sentiment que le contact immédiat et perpétuel des œuvres a déterminées en moi.
Ensuite le poète dit la Vie des morts, leur âme éparse dans les arbres, dans les broussailles, dans les sources qui sont leurs yeux, dans les nuages qui sont leur pensée inquiète, dans les astres où flambent leurs anciennes passions, dans la mer, « temple obscur des métamorphoses », dans les parfums, dans le chant nocturne des voix terrestres… Et cependant ce n’est pas tout ce qui reste des morts. « Ce que m’a pris le rêve, mes aspirations vers le juste et le beau, ce que j’ai dit tout bas à la nuit, ce que j’ai vu en fermant les yeux, Ma chair ne saurait plus l’entraîner au tombeau. […] De pensée dans tout cela, autant dire point. […] S’étendre la nuit sur les montagnes humides de rosée, embrasser en extase la terre et le ciel, s’enfler d’une sorte de divinité, pénétrer par la pensée jusqu’à la moelle de la terre, repasser en son sein les six jours de la création, s’épandre avec délices dans le Grand Tout, dépouiller entièrement tout ce qu’on a d’humain et finir cette haute contemplation… (avec un geste) je n’ose dire comment. […] Armand Silvestre garderait cette originalité d’avoir fait vibrer les deux cordes extrêmes de la Lyre, la corde d’argent et la corde de boyau… (l’épithète est dans Rabelais) ; et son oeuvre double n’en serait pas moins un commentaire inattendu de la pensée de Pascal sur l’homme ange et bête.
Pour penser bien, selon Bouhours, ce n’est pas assez que la pensée n’ait rien de faux ; il faut qu’elle frappe et qu’elle surprenne. Si les pensées ne sont pas neuves, c’est au tour à l’être. […] Sa théorie du vrai embelli, figuré tantôt par un bâtiment qui déplaît s’il n’est que solide, tantôt par un diamant à qui la taille donne son prix, transporte tout le travail littéraire de la pensée au mot. […] Je vous donne à deviner ce qui s’appelait, en ce temps-là, tour à tour, « une bibliothèque vivante où l’on apprend tout sans peine et sans étude ; une salle de musiciens où l’on entend les plus savants concerts ; un théâtre magnifique où tout ce qui frappe les yeux étonne l’esprit et glace la voix ; une école toute céleste où les esprits, de quelque étage qu’ils soient, peuvent, en y arrivant, s’élever à tous moments, et, par l’approche et la communication d’un corps lumineux, acquérir tous les jours des clartés nouvelles ; un parterre orné de fleurs de toutes les couleurs ; un corps qui marche à frais communs et à pas égaux vers l’immortalité ; le sanctuaire et la famille des Muses ; une si haute région d’esprit, que l’on en perd la pensée, comme, quand on est dans un air trop élevé, on perd la respiration. » C’est l’Académie française à qui s’adressaient ces louanges à la fois si énigmatiques et si outrées, dans des discours de réception où les nouveaux élus se donnaient toute cette peine pour ne pas se dire simplement reconnaissants.
Supposez que je considère l’Esprit divin simplement comme la série des pensées divines prolongée pendant l’éternité, ce serait assurément considérer l’existence de Dieu comme aussi réelle que la mienne ; ce serait faire ce qu’au fond on fait toujours, c’est-à-dire se fonder sur la nature humaine pour en inférer la nature divine. […] Laissez-nous donc simplement faire disparaître par la pensée ce support et supposer que les phénomènes restent, et forment les mêmes groupes et les mêmes séries, grâce à quelque autre agent ou même sans aucun agent, si ce n’est une loi interne, et nous arriverons, sans substance, aux conséquences en vue desquelles la substance était supposée. […] « Qu’il y ait quelque chose de réel dans ce lien, dit-il en concluant, réel comme les sensations elles-mêmes, et que ce ne soit pas un simple produit des lois de la pensée, sans rien qui y corresponde, c’est ce que je tiens pour indubitable. […] « Il existe, prétend-il, une sorte d’harmonie préétablie entre le cours de la nature et la succession de nos idées, et quoique les puissances et les forces par lesquelles la première est gouvernée nous soient pleinement inconnues, nos pensées et nos conceptions ne laissent pas en définitive d’avoir suivi la même marche que les autres objets de la nature.
Pour lui le premier mérite et le plus indispensable dans tout écrivain, est celui des pensées : la poésie ajoute à ce mérite celui de la difficulté vaincue dans l’expression ; mais ce second mérite, très estimable quand il se joint au premier, n’est plus qu’un effort puéril dès qu’il est prodigué en pure perte et sur des objets futiles. […] Ce qui fait le caractère de la poésie lyrique, c’est la grandeur et l’élévation des pensées ; toute ode qui remplira cette condition, est assurée d’enlever les suffrages. Mais les pensées sublimes sont rares, et ne peuvent être suppléées, ni par la magnificence des mots, cette magnificence si pauvre quand celle des choses n’y répond pas, ni par ce beau désordre qu’on n’a pu jusqu’ici bien définir, ni par des invocations triviales qui ne sont point exaucées, ni par un enthousiasme de commande qui semble annoncer une foule d’idées et qui n’en produit pas une seule. […] Celui-ci, sans dessein et sans objet, se perd en écarts continuels, et étouffe quelques pensées heureuses sous un monceau de décombres ; celui-là a plus de suite et de plan, mais n’a presque point d’autre mérite, et délaie des idées communes dans des vers froids ou boursouflés.
La pensée est sortie de son repos, l’esprit vivifiant étend ses ailes fécondes sur la surface du grand abîme. […] Cette vue de Rome jetait ma pensée dans la contemplation de quelques-unes des vérités qui font le sujet du chapitre précédent. […] Sortons à présent de ces emblèmes et de ces allégories que j’ai employés pour rendre ma pensée plus sensible, et entrons dans la sphère de la réalité. […] Mais y aurait-il quelque inconvénient à garder dans le fond de sa pensée la certitude intime où nous devons être, que sans les libertés qui ont précédé 1789, jamais la France n’aurait pu parvenir à l’émancipation, car le propre de l’esclavage est de ne donner que des sentiments d’esclaves ?
Dans tous les temps, sans doute, l’homme a enfanté des pensées vaines et gratuitement angoisseuses ; mais elles mouraient dans l’imagination qui les avait conçues, dans le cœur qui les avait nourries. L’imprimerie est venue tirer de leur solitude ces pensées oiseuses : nul alors n’a voulu perdre le fruit amer de son propre tourment ; il fallait être Pascal pour se réjouir de sa pensée oubliée. […] Je suis loin de penser qu’il ne faille pas faire pénétrer le plus possible l’instruction dans toutes les classes de la société ; je sais tout ce qu’il y a d’inévitable et de fatal dans la force des choses, et j’ai déjà expliqué ma pensée à cet égard ; mais enfin cette diffusion des lumières trouvera toujours, et inévitablement aussi, une limite dans le besoin du travail, pour le plus grand nombre.
J’ai pris seulement la pensée qui plane sur tout ce fouillis de noms et d’œuvres, et cette pensée, toute politique, invalide pour moi le livre entier… En résumé, l’histoire littéraire ne peut et ne doit être écrite que par des plumes exclusivement littéraires. […] Les partis sont les ogres de la pensée des hommes. […] Il pense trop à côté, et ce qu’il pense à côté est ce qu’il estime le plus de sa pensée, il a voulu, ce benthamiste, faire de l’histoire utile ; mais son utilitarisme a été trompé.
deux fois nouvelle, puisqu’il atteste des modifications inespérées et profondes dans la pensée de son auteur, connu déjà par des publications importantes et tout un enseignement public. […] Quoi qu’il en soit, après Fénelon, contre lequel le cœur lui a manqué un peu, Lerminier retrouve toute l’indépendance de sa pensée ; et, suivant l’erreur qui tombe, d’esprit en esprit, toujours plus bas et toujours plus large, de Fénelon en Montesquieu, de Montesquieu en Mably, de Mably en Barthélemy, de Barthélemy en Saint-Just et en Robespierre, et de ces derniers en toute cette plèbe de démocrates timbrés encore de République, il dresse admirablement le compte de cette longue lignée d’adorateurs de la Grèce, qui l’aiment, il est vrai, à la manière grecque, avec un bandeau sur les yeux, et qui ont cru, soit dans leurs livres, soit dans leurs essais d’organisation politique, qu’on pouvait détremper et pétrir les cendres des civilisations consumées pour en faire le ciment des institutions des peuples vivants ! […] … À travers ce beau tableau, non de la Grèce, mais des républiques de la Grèce, — espèces de Cyclades de l’histoire, sans esprit général, sans cohésion et sans unité, et que Lerminier nous peint les unes après les autres avec un pinceau si lumineux et si pur, — ne voit-on pas tout ce qui nous sépare de cette Grèce qui a tant pesé dans les destinées de la pensée européenne, moins pour sa gloire que pour son malheur ? […] Contrairement à la mer qui se gonfle pour atteindre tout son niveau, la force, en montant dans l’homme, l’apaise et détend sa pensée.
Sans être marquée de ce cosmopolitisme du génie qui rend les grandes œuvres justiciables de la critique de tous les pays et en fait une acquisition pour le monde, cette histoire, que Macaulay s’est engagé à continuer jusqu’à nos jours, est, dans la pensée du célèbre écrivain, le monument de sa gloire future, ce point central sur lequel, quand on a quelque renommée, on veut en ramener les rayons. […] Est-ce que Macaulay, qui nous a tant donné de magnifiques fragments de sa pensée, ne serait lui-même qu’un grand fragment d’intelligence, inapte aux ensembles et aux grandes compositions ? […] et qui prouve à quel point il faut tenir haut sa pensée pour la préserver ! […] Mais cet asservissement explique très bien que, dans le champ si étendu de son sujet, — l’histoire d’Angleterre, — il ait plus exclusivement dévoué sa pensée à tout ce qui fut l’origine, la fondation et le triomphe de son parti.
Elle sait que, dans ce pays où la pensée, plus pratique qu’ailleurs, ne s’enivre point de ce capiteux Idéalisme qui est comme l’opium de l’Allemagne, elle est toute la philosophie. […] Enfin, elle est si bien parmi nous toute la philosophie, que dans le langage habituel, dans ce langage qui dit mieux la pensée d’un peuple que les livres de ses écrivains, les intérêts de la conscience et de l’esprit, lesquels sont, en définitive, nos intérêts les plus légitimes, sont traités de choses moins positives que les plus grossières matérialités. […] En vain aurait-on, par les instincts de sa pensée, le tempérament de son esprit, la droiture de son être moral, ce qu’il faut pour échapper à des conséquences qu’on ne voit pas très bien, tant elles sont fondues avec tout ce qui nous entoure, la logique est impitoyable comme le destin… Quand on ne rompt pas nettement avec de certaines idées, on les partage. […] Car, s’il les avait aperçues, averti par tout ce qui eût répugné à sa pensée dans cette philosophie dont il est un des derniers disciples malgré lui, il aurait certainement à relier une donnée économique, qui ne peut jamais être qu’une conclusion, à un système plus élevé que la philosophie du xviiie siècle.
que le Don Juan de Byron devait parcourir le globe tout entier dans le plan du poète, de même le héros de Gogol devait parcourir l’empire russe ; mais ce n’était pas la main aveugle des circonstances qui le poussait à travers l’empire, c’était une pensée de spéculation. […] Il est évident que l’auteur n’a pas eu la pensée de créer une individualité, en le créant. […] Gogol a beau vouloir n’être que Russe, il a beau regimber contre l’influence française et l’influence allemande, il les porte toutes les deux sur sa pensée : il a appris le latin dans Richter et dans Voltaire. Ce penseur à moitié de pensée et à deux réminiscences, sait bien ce qui manque à la Russie ; il sait aussi ce qui lui manque, à lui !
Après le discours éteint, fumant, évaporé, le livre, qui condense la vie de la parole et qui la force à reparaître et à rester là pour qu’on la juge ; le livre, qui affronte la pensée solitaire, glacée, difficile ! […] Elles resteront comme une des illustrations de la littérature catholique au xixe siècle, et, si j’osais employer un mot qui rendit juste ma pensée, comme une occasion perpétuelle de conversion pour les âmes qui n’ont pas la foi. […] L’expérience, — ce fruit tardif, le seul fruit qui mûrisse sans devenir doux, — l’expérience a ajouté son enseignement aux facultés sagaces et translucides que la contemplation et la chasteté religieuse développent et fécondent, et cette double éducation de la pensée a communiqué à la voix et à la parole du P. […] Des esprits plus sévères que justes ont, je ne l’ignore pas, reproché au révérend père Lacordaire ce qui m’a toujours semblé la meilleure raison de son influence sur les esprits, je veux dire cette hardiesse de langage qui soit quand il s’agit d’idées philosophiques, soit quand il s’agit des passions, n’hésite jamais ni sur le mot, ni sur la pensée, et parle volontiers des choses du monde, et de manière à ce que ce monde, dans l’insolence de son dédain, ne renvoie pas le dominicain à son couvent comme un pauvre religieux fort estimable sans doute, mais qui ne sait rien de la vie !
Toujours frères et amis, Michelet et Quinet, ces historiens de la démocratie et de la libre pensée, qui se sont fait trente ans pendant l’un à l’autre, comme le fifre et le tambour sur le même panneau d’une salle à danser, se sont improvisés également les historiens de la nature pour avoir lu, de hasard, quelques bouquins d’histoire naturelle. […] II D’ailleurs, au fond et sérieusement, à part cet ennui qui est certain, qu’est-ce que ce livre de la Création, voire dans la pensée et l’intention même de Quinet ? […] , tous les mots d’une langue hier inconnue, comme Sganarelle ses bribes de latin dans la comédie, n’a dans la pensée ni consistance, ni point de vue supérieur, ni principe de philosophie… Tout son fait et toute sa méthode ne sont qu’une perpétuelle et superficielle induction, la plus aisée des opérations de l’esprit, et qui n’a aucune portée de conclusion quand elle est seule. […] Seulement, les grands et les petits faits font plus spectacle à l’imagination fastueuse d’un homme qui a besoin du luxe des mots pour couvrir l’indigence de sa pensée.
Dans son livre d’aujourd’hui qui, malgré la prose, est un poème dans la pensée de son auteur, et un poème où, comme dans Childe-Harold (car M. […] C’est là sa pensée et c’est là son histoire. […] … c’est peut-être parce qu’il n’est plus tout cela que, de loisir forcé, cet homme, fait pour les grandes besognes, et de prétention épique dans l’action comme dans la pensée, nous a donné ce ruminement d’Ahasverus, L’Enchanteur Merlin ! […] La plupart, sinon tous (et je ne vois guère que Shakespeare qu’on puisse excepter), n’ont presque jamais eu dans l’esprit qu’un seul sujet qu’ils reprennent, retournent, renouvellent et transforment ; préoccupation qui n’est qu’un esclavage sublime, thème incommutable, posé par Dieu dans leur pensée, et sur lequel ils sont condamnés, pour toute gloire et pour tout génie, à faire d’éternelles variations !
Et comme avant Darwin et Proudhon, ces grands scélérats intellectuels, on n’avait pas encore vu ces abominations qui sont le fond de l’abîme dans l’ordre de la pensée et après lesquelles il n’y a plus que la mort de l’Esprit humain à plat ventre dans ses ténèbres, on n’avait pas entendu non plus — car dans les vieilles civilisations les poètes ne viennent qu’après les philosophes — de poésie vibrant à l’unisson de ces épouvantables et damnés penseurs. […] La femme qui a écrit ces terribles choses : L’Amour et la Mort, Le Positivisme, les Paroles d’un Amant, L’Homme à la Nature, La Nature à l’Homme, le Dernier Mot, Le Cri, est tout à la fois un monstre et un prodige, — un prodige par le talent et un monstre par la pensée. […] C’est bien là l’expression poétique de ce matérialisme qui fait mal au cœur et qui résume la pensée philosophique de cette fin du xixe siècle. […] Elle l’est, du moins, par la certitude de son impiété et la douleur de sa pensée.
Il jouissait, sybarite intellectuel, de la vie et de la pensée dans son rayonnement solitaire, sans se préoccuper le moins du monde de la longueur de ses rayons. […] L’homme alors que tourmente un éternel souci S’interroge : — Est-ce là l’asile salutaire Où la pensée est sainte, où la joie est austère ? […] Et un autre jour, il jette au Soleil et à l’Océan des strophes qu’eut admirées Pascal et dans lesquelles il aurait reconnu sa pensée. […] Ils échappent à la popularité, cette applaudisseuse d’en bas, par la hauteur de leur pensée.
Si j’avais à dire ma pensée dans un mot, je dirais que M. […] … Et au moment même où Stendhal devait agir et agissait le plus fortement sur sa pensée, n’a-t-il pas tenté d’imiter aussi Walter Scott, dans la Chronique de Charles IX ? […] Il n’a de goût ni pour les opulences de la pensée, ni pour les fantaisies de la forme. […] Car, après tout, le style, c’est-à-dire la pensée, qui a besoin d’éclater et de se répandre, fait d’autant plus de phrases qu’elle a plus besoin de se répandre et d’éclater !
D’abord, ce n’est pas lui, pour avoir plus vite fait, qui a abrégé les offices du roman comme il sait l’écrire ; car c’est un de ces esprits difficiles et vaillants, dédaigneux de l’improvisation, qui veulent que toute œuvre ait ses escarpements et son labeur, et qui savent, par leur expérience, que l’homme est condamné à manger à la sueur de son front, comme le pain de la terre, le pain de sa pensée ; c’est une de ces organisations d’écrivain, aux mâles mécontentements d’elles-mêmes, toujours prêtes à la rature, à la correction, au changement incessant, mouvement perpétuel de l’esprit à la recherche de l’idéal, et que personne de cette époque, dit-on, n’eut au même degré que les deux plus grands, Chateaubriand et Balzac. […] Quoique la description et le sentiment y tiennent leur place, ils n’y débordent pas, comme dans la plupart des romans actuels, et l’auteur, qui a vécu, car il faut avoir vécu pour faire des romans, a mis tout au fond une pensée. […] Il guérit par l’amour d’une femme pieuse qui le sauve et qui met en relief cette pensée, le vrai fond du livre : — les femmes, malgré l’infériorité de leur sexe, peuvent plus que les hommes à cette heure, car elles ont une éducation moderne unitaire, et les hommes ne l’ont pas ! […] Comme eux, c’est un concentrateur dont la force porte bien plus en dedans qu’en dehors, ainsi que nous l’avons montré en racontant son livre ; et l’on peut même douter, à la vigueur expérimentée de son esprit et à la décision de sa pensée, dont les plis sont trop marqués pour s’effacer, qu’il élargisse beaucoup cette « cuiller à café » dans laquelle Chamfort voulait faire tenir toutes les émotions et tous les efforts de la vie.
Tous les objets dont on s’y occupe sont grands, et en même temps sont utiles ; c’est l’empire des connaissances humaines ; c’est là que vous voyez paraître tour à tour la géométrie qui analyse les grandeurs, et ouvre à la physique les portes de la nature ; l’algèbre, espèce de langue qui représente, par un signe, une suite innombrable de pensées, espèce de guide, qui marche un bandeau sur les yeux, et qui, à travers les nuages, poursuit et atteint ce qu’il ne connaît pas ; l’astronomie, qui mesure le soleil, compte les mondes, et de cent soixante-cinq millions de lieues, tire des lignes de communication avec l’homme ; la géographie, qui connaît la terre par les cieux ; la navigation, qui demande sa route aux satellites de Jupiter, et que ces astres guident en s’éclipsant ; la manœuvre, qui, par le calcul des résistances et des forces, apprend à marcher sur les mers ; la science des eaux, qui mesure, sépare, unit, fait voyager, fait monter, fait descendre les fleuves, et les travaille, pour ainsi dire, de la main de l’homme ; le génie qui sert dans les combats ; la mécanique qui multiplie les forces par le mouvement, et les arts par l’industrie, et sous des mains stupides crée des prodiges ; l’optique qui donne à l’homme un nouveau sens, comme la mécanique lui donne de nouveaux bras ; enfin les sciences qui s’occupent uniquement de notre conservation ; l’anatomie par l’étude des corps organisés et sensibles ; la botanique par celle des végétaux ; la chimie par la décomposition des liqueurs, des minéraux et des plantes ; et la science, aussi dangereuse que sublime, qui naît des trois ensemble, et qui applique leurs lumières réunies aux maux physiques qui nous désolent. […] Il en est qui se sont formés en parcourant l’Europe ; il en est dont la pensée solitaire et profonde n’a vécu qu’avec elle-même. […] Enfin, vous voyez ces hommes extraordinaires se faire presque tous un régime pour la pensée, ménager avec économie toutes leurs forces, et quelques pas même, par la vie la plus austère, s’affranchir, autant qu’ils le peuvent, de l’empire des sens, pour que leur âme, dès qu’ils l’appellent, se trouve indépendante et libre. […] Ce qui caractérise l’auteur de ces éloges, c’est une philosophie pleine de fermeté, et quelquefois de hauteur ; une âme qui ne craint pas de se montrer, qui ose afficher son estime ou sa haine, qui ne blesse point les convenances, mais qui, en ôtant à la vérité ce qu’elle a de révoltant, lui laisse tout ce qu’elle a de noble ; un esprit à la fois sage et profond ; l’étendue des idées jointe à la méthode ; un style précis qui n’orne point sa pensée, qui ne l’étend pas, dont la clarté fait le développement, et dont la parure est la force ; et quelquefois l’art de saisir le ridicule et de le peindre avec toute la vigueur que donne le mépris, quand ce mépris est commandé par la raison.
Pour redire encore ma vraie pensée, je ne trouve pas cela déraisonnable. […] Mais ôter l’ironie, c’est prendre l’envers de la pensée de Pascal. […] Il espère que, pour lui, avoir vécu signifie, à cette heure, avoir grandi en sagesse et en scepticisme, — et il ne redoute pas les curieux qui voudraient opposer sa pensée d’hier à sa pensée d’aujourd’hui. […] La pensée est plus forte que tout. […] Il faut déjà ruser pour dire sa pensée, quand elle blesse la morale chrétienne.
Sans doute, monsieur le ministre, la pensée de l’arrêté du 12 octobre 1851 n’a pas été de provoquer sur la première scène française la création d’un genre exclusivement moral, qui ne s’attacherait à présenter que des exemples vertueux, et à en tirer directement des leçons : un tel genre a été tenté en d’autres temps et n’a produit bien vite que monotonie, emphase et déclamation suivie de beaucoup d’ennui. […] Ernest Serret, qui rentre tout à fait dans l’esprit et dans la pensée de la fondation présente. […] La Commission, dans son regret de n’avoir pas trouvé à en appliquer toutes les dispositions particulières, s’estimerait du moins heureuse d’avoir été, une première fois, l’interprète et l’organe fidèle de cette utile pensée.
Le ministre de l’instruction publique, à qui toutes les pensées généreuses conviennent si naturellement265, n’a pas négligé celle-ci entre tant d’autres ; il a envoyé en Grèce un savant conseiller de l’Université, M. […] Dans le cas présent toutefois, il y a une pensée supérieure qui doit dominer. […] Si nous n’avons pas à tracer ici de programme à une noble pensée, nous ne prétendons pas non plus en présenter un idéal anticipé ; ce que nous voudrions, ce serait, en remerciant M. de Salvandy de son heureuse initiative, de l’y encourager, si ce mot nous est permis, et de maintenir, pour peu qu’il en fût besoin, l’idée première dans sa libre et large voie d’exécution : ce qui rapetisserait, ce qui réduirait trop cette idée, ce qui la ferait rentrer dans les routines ordinaires, en compromettrait par là même la fécondité et en tuerait l’avenir.
Dans tout ce qu’elle écrit se mêle la pensée de Louis XIV ; elle en est absorbée ; sa sollicitude n’omet aucune circonstance sur la santé défaillante du vieillard ; une garde-malade n’en dit pas plus ; elle omettrait plutôt un succès de Villars qu’une prescription du médecin Fagon, et chaque fois que le roi prend sa médecine de précaution, madame des Ursins en est informée. […] Dès lors son unique pensée est d’achever doucement de vivre, et de savourer à loisir la béatitude qu’elle s’est ménagée : dans sa lettre d’adieux à madame des Ursins, le rayonnement de l’amour-propre satisfait perce sous la froideur ascétique et les sentiments chrétiens : « Vous avez bien de la bonté, madame, d’avoir pensé à moi dans le grand événement qui vient de se passer ; il n’y a qu’à baisser la tête sous la main qui nous a frappés. […] Le mouvement de leur style diffère autant que la physionomie de leur pensée : plus vif et varié dans madame des Ursins, plus doux et monotone dans madame de Maintenon.
Lerminier porte dans son enseignement un don trop invincible et trop naturel pour qu’on en puisse faire abstraction quand on parle de lui : c’est une faculté de parole, une puissance d’enthousiasme et d’images, un génie d’improvisation, entraînant, éblouissant, exubérant, qui me fait croire, en certains endroits, à ce qu’on nous rapporte des merveilles un peu vagabondes de l’éloquence irlandaise ; de la gravité toutefois, un grand art, des illustrations de pensée empruntées à propos à d’augustes poètes ; et puis un geste assuré, rhythmique, un front brillant où le travail intérieur se reflète, et, comme on le disait excellemment sous Louis XIV, une physionomie solaire et une heureuse représentation. […] La pensée inspiratrice de l’écrivain, ç’a été le besoin de venger la France, aux yeux de l’Allemagne éclairée, des calomnies de ceux qui la disaient méchante, des lâchetés de ceux qui la faisaient petite. […] Après s’être incliné, et avoir levé un instant, puis baissé l’épée devant l’individualité brillante et aventureuse de M. de Chateaubriand, le jeune écrivain arrive à l’homme le plus constant et le plus uni des temps modernes, à celui dont l’individualité solennelle, depuis cinquante ans, consiste à exprimer la patiente et invariable pensée de la démocratie victorieuse.
Que de temps, que d’études, que d’observations rectifiées l’une par l’autre, que de recherches dans le présent et dans le passé, sur tous les domaines de la pensée et de l’action, quel travail multiplié et séculaire, pour acquérir l’idée exacte et complète d’un grand peuple qui a vécu âge de peuple et qui vit encore ! […] Ainsi la créature nouvelle est à la fois stable et complète ; partant, sa structure, ses instincts et ses facultés marquent d’avance le cercle dans lequel s’agitera sa pensée ou son action. […] Avec leur littérature, leur philosophie, leurs sciences, leurs gazettes et leurs correspondances, nous pouvons reconstituer toute leur pensée et jusqu’à leur conversation familière.
Je jouis de leurs économies de pensée ; je suis reconnaissant à ces pauvres gens qui m’ont procuré, par leur sobriété intellectuelle, de si vives jouissances. […] D’où viendraient les sentiments instinctifs, la bravoure, qui est si essentiellement héréditaire, l’amour noble, qui n’a rien à faire avec la réflexion, toutes ces pensées, qui ne se rendent pas compte d’elles-mêmes, qui sont en nous sans nous, et forment la meilleure partie de l’apanage d’une race et d’une nation ? […] Comme mon âge me conseille de penser à la vie future, je me surprends parfois occupé à garnir ma mémoire des pensées qui devront l’occuper durant toute l’éternité.
Inutilité de la Calomnie Je vais dire toute ma pensée sur plusieurs jeunes écrivains. […] Combien je sens qu’ils s’appliqueront à s’emparer de nos pensées, et à prendre enfin cette riche aptitude qui nous porte à être extasiés, perpétuellement, ici et là, au sujet d’une coquille marine, d’une belle demoiselle dénouant sa ceinture, ou bien d’un rouge grain de grenade. […] Retté apporte dans la littérature une exaltation sans pensée ; M.
L’hébreu, concis, énergique, presque sans inflexions dans ses verbes, exprimant vingt nuances de la pensée par la seule apposition d’une lettre, annonce l’idiome d’un peuple qui, par une alliance remarquable, unit à la simplicité primitive une connaissance approfondie des hommes. […] Dans Homère, le sublime se compose encore de la magnificence des mots en harmonie avec la majesté de la pensée. […] Il en résulte un ébranlement, un froissement incroyable pour l’âme : car lorsque, exalté par la pensée, l’esprit s’élance dans les plus hautes régions, soudain l’expression, au lieu de le soutenir, le laisse tomber du ciel en terre, et le précipite du sein de Dieu dans le limon de cet univers.
Il renferme sa pensée dans un cercle de boue, dont il ne peut plus sortir. […] Ne nous parlez plus de mystères de l’âme, du charme secret de la vertu : grâces de l’enfance, amours de la jeunesse, noble amitié, élévation de pensées, charme des tombeaux et de la patrie, vos enchantements sont détruits ! […] Toutefois on aurait dû remarquer qu’il y a deux sortes de clartés : l’une tient à un ordre vulgaire d’idées (un lieu commun s’explique nettement) ; l’autre vient d’une admirable faculté de concevoir et d’exprimer clairement une pensée forte et composée.
Sa pensée a bien un autre éclat : elle paroît bien plus relevée, lorsqu’elle est revêtuë de figures poëtiques, et lorsqu’elle met entre les mains de Cesar l’instrument de la vengeance de Jupiter. […] Nous sommes séduits par les images dont le poëte se sert pour l’exprimer ; et la pensée de triviale qu’elle seroit énoncée en stile prosaïque devient dans ses vers un discours éloquent qui nous frappe et que nous retenons. […] L’abbé De Chaulieu nous présente cependant cette pensée sous des images qui la rendent capable de toucher infiniment.
Après avoir cité des passages des Pensées pleins de belles antithèses, nous concluons formellement par ces mots : « On voit le profit qu’on peut tirer de ce magnifique style. » Voilà comment nous déconseillons la lecture de Pascal « comme du temps perdu ». […] L’art ne consiste pas à contenter tous les goûts, en flattant les uns par ce qui choque les autres, mais à faire que les goûts les plus différents soient d’accord de la justesse d’une pensée, de la beauté d’une expression, de la vérité d’une peinture. » C’est fort bien dit ; mais Nisard oublie que La Bruyère n’était pas dupe et qu’en cette occasion surtout il ne parlait point par principe. […] Amour, conscience, pensée, art, libre arbitre, inspiration, talent, on a la manie aujourd’hui de tout expliquer par la physiologie.
même dans ce siècle de chemin de fer et de vélocipèdes, où l’on prend le mouvement pour la pensée, et où toute notion paraît suspecte si elle n’est pas timbrée de l’idée de progrès, du progrès que l’on met partout ! […] L’auteur d’un livre si singulièrement nommé : La Religion progressive, doit être bien plus fort comme postillon que celui qui intitulerait le sien, par exemple : « Religion du Progrès », car la religion du Progrès pourrait être quelque chose de fixe et d’absolu, que la pensée de l’homme ne traverserait pas comme une cour d’auberge et pour se remettre incontinent, après y avoir relayé, le cul sur la selle ; tandis que la Religion progressive, c’est tout autre chose : c’est une religion qui va toujours, et qui postillonne, à son tour, comme les philosophes, sur le chemin sans bout de l’humanité ! […] Déclaration solennelle, dont nous aimons à prendre acte et qui équivaut à celle-ci : c’est qu’après la religion catholique, de l’aveu même de la philosophie, il n’y a plus de religion possible pour les hommes, et que toutes les têtes des philosophes se mettraient-elles, bout à bout, les unes sur les autres, et feraient-elles toute une pyramide de cerveaux, elles ne parviendraient pas à en construire péniblement la queue d’une seule, en dehors de cette circonférence du catholicisme qui étreint l’Univers et la Pensée !
Quoique ignorant comme un carpillon des choses de l’Église, Octave Feuillet, ce jeune homme pauvre… en théologie, a eu l’extrême bonté de recommander le catholicisme aux petites dames dont il est le favori et pour lesquelles il fait des petites comédies, et de l’excuser, et de l’arranger, et de l’attifer, ce vieux colosse de catholicisme, de manière à le faire recevoir sur le pied d’une chose de très bonne compagnie dans les plus élégants salons du xixe siècle… Or, voilà ce que madame Sand, cette prêcheuse de la Libre Pensée, qui ne veut pas, elle ! […] je trouve aussi dans ce livre tous les vices de la pensée d’un homme qui se déprave de plus en plus, et qui, à chaque nouveau volume, augmente l’embarras de la Critique la plus résolue, par un système historique que l’on ne peut résumer que par le mot dont il devrait bien faire son titre : « De la Porcherie dans l’Histoire ! […] Et que sont, en comparaison, même les autres livres, à quelque catégorie de la pensée qu’ils appartiennent, d’une année qui, en fait d’œuvres en prose, n’a produit que la Madelon d’About, la Thérèse d’Erckmann-Chatrian, la Madame de Warens d’Arsène Houssaye, la Fior d’Aliza de Lamartine, les Tristesses de madame de Gasparin, et, en fait d’œuvres en vers, ne nous a donné que la Diane au bois de Théodore de Banville et les Satires de Veuillot, — de Veuillot qui n’est pas encore un poète aujourd’hui, mais qui le sera peut-être demain, s’il peut s’arracher aux difficultés contre lesquelles il lutte et se débat, comme le lion de Milton contre les dernières fanges du chaos !
Ici, notre pensée se précise. […] Il a traité de l’art en penseur et de la pensée en artiste. […] Un incurable ennui, la perpétuelle pensée de la mort. […] Toute pensée qui dure est contradiction. […] Il sait inventer de réels détails qui fixent la pensée attentive.
M. de la Beaumelle a publié un Livre intitulé Mes Pensées. […] Puisqu’il s’est rendu ainsi justice à lui-même, on ne doit pas le priver des louanges qu’il mérite, pour les vues profondes, les pensées vives, les critiques justes, & sur-tout pour la maniere nerveuse & précise avec laquelle il y exprime toutes ses idées.
Ce n’est pourtant que depuis 89, depuis cette ère historique, où tout s’est retrempé et d’où nous datons, que le libre examen, l’exercice de la pensée, cet exercice non pas simplement intérieur, mais se produisant au dehors en des termes de discussion convenable et sérieuse, est devenu de droit commun ; il l’est devenu surtout pour les régimes qui se font honneur d’inscrire 89 dans leur acte de naissance et dans leur titre de légitimité. […] Et, par exemple, pour éclairer ma pensée, je me permettrai ici une remarque critique. […] Il est tel esprit, telle forme d’esprit qui, dans les faits les plus précis et les mieux constatés qui tiennent à la physiologie du cerveau, ne verra aucune nécessité de conclure à la non-existence de la pensée pur esprit, de la pensée monade essentielle et indestructible : personne plus que moi n’honore de tels hommes qui procèdent, dans la sincérité de leur conscience, avec toutes les ressources d’une intelligence élevée et déliée, et qui dans un problème aussi complexe s’obstinent à réserver, à maintenir les éléments qui échappent à nos sens, à nos instruments les plus perfectionnés, et qui ne tombent pas sous une prise immédiate : mais si d’autres venaient à conclure plus nettement et plus simplement, je ne verrais pas ce qui peut forcer l’État moderne, et le Gouvernement qui en est l’expression, à les réprouver, à les plaindre ou à les morigéner. […] Tantôt, au sein de l’institut, au seuil de l’Académie française, si un savant modeste, profond, exercé, un honnête homme modèle, déjà membre d’une autre classe de l’Institut, se présente, c’est un pétulant adversaire, un prélat zélé et plus que zélé (je voudrais rendre ma pensée en évitant toute qualification blessante), qui le dénonce aux pères de famille, qui le dénonce aux confrères eux-mêmes déjà prêts à l’élire, et par des considérations tout à fait extra-académiques qui ne laissent pas d’avoir action sur les timides et tes tièdes, l’écarte, l’exclut et l’empêche d’arriver. […] comment au rai s-je conservé l’indépendance de ma pensée et de mes mouvements sous la suggestion d’un confesseur, qui m’eût gouverné par les craintes de l’enfer ?
Quand un étranger arrive le soir, c’est là qu’on va chercher le maître, et qu’on le trouve, à la lueur d’une lampe qui s’use, attablé, la plume à la main, devant un texte grec ou latin, anglais ou italien, qu’il quitte avec joie pour accueillir un ami, sûr de retrouver son texte et sa pensée à la même place le lendemain ! […] XX Les pensées de l’ambassadeur et du secrétaire se confondaient dans le même royalisme décidé. […] La politique de la Restauration, entre autres, est une justice sévèrement rendue à la haute pensée de Louis XVIII, le vrai roi de la liberté moderne, compatible avec la démocratie, vraie pensée du temps. […] Ma première pensée fut de croire à quelque vengeance des musulmans. […] On cherche un désert en Asie pour passer en vivant entre les pensées de Dieu et l’oubli des hommes.
Il s’apprêtait donc à en parler en poète, comme il l’a fait trois mois après, sous l’impression toute récente de ce douloureux épisode, quand se produisit un incident assez singulier, un incident qui aurait pu le mettre en défiance, s’il y eût arrêté sa pensée. […] Il me semble que l’amie d’Alfieri, celle qui consacre désormais sa vie à rendre un culte à la mémoire de ce grand homme, sera prévenue en faveur d’un ouvrage d’un de ses plus zélés admirateurs, d’un ouvrage où elle retrouvera plusieurs des pensées et des sentiments qu’Alfieri a développés avec tant d’âme et d’éloquence. […] Parmi ces hommes qui comprennent si mal les hautes pensées et les sentiments généreux, il reste cependant encore une secrète admiration pour des vertus et un dévouement dont ils sont incapables. […] Voilà ma pensée tout entière… Ai-je raison ? […] Telle qu’elle était, et en enlevant par la pensée trente ans de vie agitée à cette personne, on ne pouvait s’empêcher de lui restituer une vivacité sereine et une grâce agile, en contraste avec la majesté de son rang et avec les malheurs de son union, très propres à inspirer un immense amour.
il faut que je le confesse : de ces soirées de Bayreuth se dégage un mortel ennui, et je regrette que la langue honnête ne possède pas un substantif plus énergique pour exprimer ma pensée … Or M. […] Il ne faudrait pas croire, cependant, que cette non-répétition des paroles nuit au développement symphonique de la pensée musicale ; elle y aide au contraire et en accentue la portée. L’auteur, du reste, en donnant comme pivot à son œuvre entière une phrase exquise et passionnée, sur laquelle est bâti le prélude, établit d’avance un courant secret qui échauffe ses auditeurs et les associe à la pensée génératrice du drame. […] Il en serait autrement dans une composition littéraire, où la pensée acquiert une précision sans rivale : une scène d’amour entre Héloïse et Abélard, par exemple, pourrait être heureusement traversée de querelles d’école et d’argumentations philosophiques. […] Elles ne sont possibles que par l’union de tous les exécutants en une seule pensée et par la puissance de l’enthousiasme.
Il prétend nous livrer, en images et en fresques imposantes, un résumé schématique de tout ce qui s’agite dans le monde de la pensée, désormais occupé presque morbidement de philosophie et de sociologie. […] L’histoire politique a incontestablement dominé la pensée sociale et philosophique de M. […] Maurice Maeterlinck, lequel constate une absence complète de vie mentale chez la femme et qui estime l’œuvre féminine dépourvue, presque toujours, de pensée, d’idées générales et de poids intellectuel. […] De plus, ce sont des œuvres dans lesquelles l’idée ne fait pas tort à la parure dont elle est rehaussée, de même que les grâces de la forme et la diversité du cadre n’entament point la valeur de la pensée. Par malheur, cette pensée inquiète trop le moraliste.
Victor Hugo est arrivé, même dans la confection plastique de son vers, à ce degré d’individualisme solitaire qui est la dépravation la plus entière de la pensée. […] Son style a tous les désordres de sa pensée. […] Détournons-nous de l’inspiration et ne nous préoccupons que du vers dans sa construction grammaticale et rythmique, et nous reconnaîtrons qu’il est dans ce morceau aussi détestable que la pensée. […] Le vers sort de lui sans que la pensée y soit pour quelque chose. […] Je vous assomme. » C’est la pensée de M.
Le nom leur en restera. » Et cela veut dire, non pas que la libre pensée mène à l’immoralité ; mais que l’affectation de l’immoralité mène à l’affectation de la libre pensée et se couvre de la libre pensée comme d’un beau manteau philosophique. […] C’est un perpétuel improvisateur de pensées et d’actions. […] Et ce Dieu qu’il invoque comme autorité appuyant sa parole et sa pensée, il y croit comme à l’inspirateur secret qui a dicté sa pensée et sa parole. […] Elle montre précisément le fond de la pensée de l’Assemblée constituante. […] D’elle-même, de ses pensées à elle, multiples et diverses, jamais !
Sois le premier et le dernier de mes pensées, et le guide et l’assistance continuelle de toutes mes actions. […] La pensée d’un danger impossible l’effrayait autant que la vue d’un péril imminent. […] Soir et matin, le marteau machinal berce de ses notes assourdissantes la même pensée incessamment ramenée et reployée sur elle-même. […] Sous cette pensée formidable le cœur fléchit. […] Mais au-dessus de tout étaient les ardentes et joyeuses pensées qui leur venaient, sachant qu’ils allaient habiter là en telle compagnie, et cela pour toujours.
Amiel, qui avait aigrement décrié les délicats causeurs de la Sorbonne, s’accommoda des liseurs. « Le rapport est impersonnel, écrit-il, la pensée parle à la pensée, mais les acteurs ne se voient pas. […] d’être initiée à la vie idéale par la pensée aimante, par l’amour intellectuel ? […] Veuves, femmes, jeunes filles, grand’mères m’ont ouvert elles-mêmes la chapelle de leurs secrètes pensées… J’ai été un directeur laïque, choisi spontanément par ses pénitentes. […] À elle les pensées de l’oreiller ! […] France et Valéry les ont fait sortir de leur pensée active par divertissement, ou pour vérification.
Paléologue, la pensée de la volupté s’associait presque toujours à celle de la damnation ». […] qu’à rétrécir l’horizon de notre pensée ? […] Disons-le d’une autre manière : il y a peut-être trop de « pensée » dans les vers de M. […] Il est image, il est légende, il est idée ; et la pensée, le sentiment, les sens y trouvent également leur compte. […] Comme ils se sont efforcés de trouver pour leurs pensées les expressions justes !
Edmond Scherer Je ne sais à comparer au Journal d’Amiel, comme drame de la pensée, comme méditation à la fois religieuse et inquiète sur les mystères de l’existence, que les monologues de Maine de Biran, de Maurice de Guérin et d’Obermann ; mais Amiel dépasse, à mon avis, tous ces martyrs de la pensée ; il va bien plus au fond de tout ; sa philosophie spéculative est bien autrement vaste, sa psychologie morbide bien autrement curieuse, sa perplexité morale bien autrement pathétique.
Charles, qui tombait en province pour la première fois, eut la pensée d’y paraître avec supériorité. […] Mille pensées confuses naissaient dans son âme et y croissaient à mesure que croissaient au dehors les rayons du soleil. […] Telle était la pensée d’Eugénie, pensée humble et fertile en souffrances. […] » À cette pensée, elle jetait à sa mère des regards flamboyants de courage. […] Elle se plongeait nuit et jour au sein de deux pensées infinies, qui pour elle peut-être n’en faisaient qu’une seule.
En fait, les plus beaux passages de Madame Bovary et de l’Éducation sont ceux où l’auteur s’exalte à montrer la pensée de ses héroïnes. […] Pourquoi arrive-t-on toujours à faire un vers, quand on resserre trop sa pensée ? […] — Ces derniers passages sont extrêmement significatifs ; ils semblent indiquer en Flaubert le sentiment qu’entre ses idées et la phrase particulière dont il veut les revêtir une lutte existe, dans laquelle la forme l’emporte sur le fond et exclut celles des pensées qu’elle ne peut figurer. […] Les uns n’ont que la somme de pensées que produit la richesse même de leurs mots. […] Au réveil du sujet, aucune des trois listes ne détermina chez lui soit un courant particulier, d’idées, soit une modification de langage qui le forçât à exprimer des pensées habituellement étrangères.
C’est ainsi que, devant l’étang, ma première pensée a été une pensée de fin dernière ! […] Il est connu que le mouvement de la marche facilite étonnamment le travail de la pensée. […] Involontairement, par la pensée, je me reporte à l’historiette charmante du livre de Pantagruel. […] Non certes, et la pensée, précieuse partout, vivace chez M. […] Sa pauvreté d’expression force, du reste, à la netteté de la pensée.