Quand il eut annoté Dangeau, il se sentit seulement en haleine : il éprouva le besoin de rédiger, lui aussi, ses Mémoires ; il reprit les notes que, depuis l’âge de dix-huit ans, il avait entassées, et, gardant toujours une copie de Dangeau devant les yeux, pour lui donner le fil de l’exacte chronologie, il composa507 cette œuvre volumineuse qui embrasse les vingt dernières années de Louis XIV, avec toute sorte de digressions sur les parties antérieures du règne, et l’époque de la Régence. […] Mais la nature l’a fait curieux, elle lui a donné des yeux aigus, qui ramassent tous les ensembles et tous les détails, une mémoire étonnante pour rappeler les images dans toute la fraîcheur de la sensation première. […] Ses haines avivent sa curiosité, rendent ses yeux plus prompts « à voler partout en sondant les âmes » ; elles aveuglent son jugement, mais elles éclairent sa vision.
Je le vois derrière le treillis de ses vers, voûté, hagard un peu, avec des yeux comme des étoiles qui agonisent. […] Désormais ses yeux sondent l’immensité des cieux mornes : Vers tes éternités mes yeux lèvent leurs flammes… Le farouche s’immobilise en des pensées pleureuses d’anciens rêves, et ce Faust dont chaque poème est un prestigieux monologue, incarne l’esprit d’un demi-siècle.
C’est que les astres ne nous envoient pas seulement cette lumière visible et grossière qui frappe nos yeux de chair, c’est d’eux aussi que nous vient une lumière bien autrement subtile, qui éclaire nos esprits et dont je vais essayer de vous montrer les effets. […] Lui aussi est régulier, lui aussi obéit à des lois immuables, mais elles sont plus compliquées, en conflit apparent les unes avec les autres, et un œil qui n’aurait pas été accoutumé à d’autres spectacles, n’y aurait vu que le chaos et le règne du hasard ou du caprice. […] Grâce à l’éducation qu’elle a reçue, notre imagination, comme l’œil de l’aigle que le Soleil n’éblouit pas, peut regarder la vérité face à face.
En ses yeux le reflet d’une tristesse dort, Et sur sa robe où sont des fleurs bizarres d’or, Elle laisse dormir son autre main si froide Que dans un sombre jour de chapelle qui dort De moins rigides mains portent la palme roide. […] À son front lisse perle une sourde langueur, Et son corsage en dur brocart semble moins roide ; Est-ce toi, si longtemps immobile, son cœur, Qui pourra la venir chasser cette langueur, Et faire étinceler enfin la somnolence De ses yeux, si longtemps glacés comme son cœur ? […] Désuétude d’un grand heurt de primes cieux Une aurore perdant le sens des chants hymnaires Attire en souriant la vanité des yeux.
Un sonnet sera ce paysage sous vos yeux. » Certes, Corbière et Rimbaud ont leur part de vérité, et le Sage, réfléchissant, en vient à penser que l’art suprême serait de concilier les deux théories, d’apparence ennemies. […] Un sonnet sera ce paysage sous vos yeux. […] S’il ouvre cette fenêtre d’hôpital par où les yeux s’évadent des murs tristes, des linges fades, écœurants, c’est pour traduire le Rêve par quoi l’Homme s’évade de la platitude ambiante, des horreurs de la vie.
Il y avait dans Diderot quelque chose de béat, de pédant, de mystique, d’yeux fermés (on dit qu’il parlait les yeux fermés et je le crois), qui ne pouvait jamais être dans Lessing, cet homme qui n’est jamais dupe de rien, pas même de lui, et dont l’œil attentif est ouvert comme celui d’un archer qui vise… Avec Henri Heine, qui l’a jugé, Lessing est peut-être le seul allemand d’esprit comme nous entendons l’esprit en France, où on ne l’entend que là… Il était le seul qui pût se mesurer avec Voltaire et que Voltaire ne faisait pas trembler.
Ce ne sont pas là les larmes fières ou virilement désolées que j’aurais voulu voir tomber des yeux d’un poète qui a eu l’honneur de souffrir (c’est toujours un honneur que Dieu vous fait quand il vous frappe !) […] Sa Muse d’alors, je la comparai à une Madeleine qui n’avait encore que les yeux sur le Crucifix, et je lui promis que si elle s’y couchait le cœur tout entier, il deviendrait, lui, le Canova de la poésie du xixe siècle. […] Les yeux sur le Crucifix s’en sont détournés et se sont mis, de leurs beaux orbes démesurés, à regarder le passé, — cette fumée partie, — ce vide béant qui se moque de nous !
Burnouf, lequel y verrait un essai d’acclimatation en français d’une foule d’expressions plus ou moins obscures, et dont, pour l’honneur de la couleur locale, si importante aux yeux des costumiers poétiques, toute cette poésie est émaillée. […] L’ennui n’est peut-être pas senti aux Indes, dans ce pays d’immobilité, d’yeux ouverts pendant que l’esprit dort, de cerveaux fermés sous les parasols ! […] Et on n’oubliait pas surtout la fameuse strophe : Non loin quelques bœufs blancs couchés parmi les herbes Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais Et suivent de leurs yeux languissants et superbes Le songe intérieur qu’ils n’achèvent jamais !
La troisième nuit, ne dormant pas, il continuait à voir les images de ses rêves, même en ouvrant les yeux dans l’obscurité ; mais à la lumière, elles disparaissaient. […] Notre malade, fort bien du reste et ne se plaignant que de la faim, vit à son réveil une image gracieuse assise près de son lit, dans la pose du tireur d’épine (chevelure et épaules toutes semblables), mais dont la main droite était étendue vers le lit du patient ou de l’observateur (comme on voudra), et posée sur la couverture à 30 centimètres de ses yeux, c’est-à-dire tout près de sa figure et à portée des investigations les plus minutieuses du regard.
Sans doute la fable, le plus humble des genres poétiques, ressemble aux petites plantes perdues dans une grande forêt ; les yeux fixés sur les arbres immenses qui croissent autour d’elle, on l’oublie, ou, si l’on baisse les yeux, elle ne semble qu’un point.
Voyez comme le Poussin est sublime et touchant, lorsqu’à côté d’une scène champêtre, riante, il attache mes yeux sur un tombeau où je lis : et ego in arcadia. […] Moi, Monsieur Juliart, dont ce n’est pas le métier, je montrerais sur une colline les portes de Thèbes ; on verrait au devant de ces portes la statue de Memnon ; autour de cette statue des personnes de tout état attirées par la curiosité d’entendre la statue résonner aux premiers rayons du soleil ; des philosophes assis traceraient sur le sable des figures astronomiques ; des femmes, des enfans seraient étendus et endormis, d’autres auraient les yeux attachés sur le lieu du lever du soleil ; on en verrait dans le lointain qui hâteraient leur marche, de crainte d’arriver trop tard.
. — L’incomparable derviche tourneur de Péra, Baudelaire-Azem — les yeux extasiés et les bras pendants — se met à valser avec une volubilité effrayante.) […] Et maintenant, écoute ceci, Méry-Achmet : on va t’enfermer dans une cage de fer treillissé, — une roulette sera établie devant le treillis ; et, tous les jours, pendant cent années consécutives, ton plus cruel ennemi gagnera des millions sous tes yeux, en se servant de ta martingale.
Il raconte ce que ses yeux et ses oreilles ont vu et entendu. […] Chaque fois qu’il parlait du Maître, c’était avec des yeux pleins de larmes. […] »… Il leva les yeux au ciel : « — Quelle blague, les boulevards ! […] On le voyait, l’œil terrible, monocle en arrêt, criant tue-tête : « Vous me dégoûtez ! […] Ce paradoxe trouvait grâce à ses yeux.
À ces mots, je levai les yeux de mon livre : “Sans doute, fis-je, je ne sais pas ce qui en est : comment le saurais-je ? […] que quiconque a pu m’affliger ou me blesser, — vienne à moi dans un jour de douleur, — il trouvera des larmes dans mes yeux. […] Un soldat reçoit une lettre de sa mère : il la décachette à la lueur d’une lanterne, « de ses deux mains tremblantes, sous deux yeux dilatés où brillent deux belles larmes. Il lit la lettre très vite, en accompagnant d’un mouvement de tête le mouvement des yeux et en murmurant des mots sans suite. […] En vain nos yeux tâchaient-ils d’exprimer les sentiments de nos cœurs, nous brûlions d’impatience ; enfin nous restâmes un moment seuls.
Mais son erreur est de croire qu’en rompant avec tous ses liens elle s’est ennoblie à nos yeux. […] Deux savants, deux sociologues, exposent successivement sous ses yeux deux théories radicalement opposées ; pensez-vous que cela le gêne ? […] Ils refusent de se bander les yeux. […] À leurs yeux, la destinée de notre domaine africain est désormais compromise. […] Il étale à nos yeux toutes les impuretés d’une certaine charité qui n’est qu’un masque de l’orgueil.
Les yeux clairs regardaient d’un regard à la fois aigu et distrait. […] D’instinct, les yeux du passant tenteront donc de lire le nom gravé au socle du buste ou au piédestal du monument. […] J’ai vu le rire illuminer ses yeux bleus, faire tomber son monocle, l’épigramme contracter sa bouche sinueuse. […] Ses yeux, d’un noir singulier, animaient son visage très pâle sous la blancheur argentée des cheveux. […] Cette œuvre — la sienne — son œil aigu scrutait sur les visages le degré d’admiration qu’on en pouvait avoir.
Un jeune élève de Washington, qui avait acquis de la gloire en Amérique, doit trouver grâce, même aux yeux des monarques les plus absolus, quand il défend la liberté ; mais il est condamnable aux yeux des républicains, quand il ne s’oppose pas aux excès de la licence, qu’il est fait pour réprimer et pour punir. […] Cependant l’Ange de la paix, descendant vers le juste, touche de son sceptre d’or ses yeux fatigués, et les ferme délicieusement à la lumière. […] « La Bible, dans tous ses genres, n’a ordinairement qu’un seul trait ; mais le trait est frappant et met l’objet sous les yeux. […] Elle rougit et baisse les yeux devant Énée, qui débarque en Épire : Dejecit vultum, et demissâ voce locuta est, etc. […] L’éloge du maréchal de Saxe, par exemple, fut proposé peu d’années après sa mort, et presque sous les yeux des témoins de ses exploits.
Il n’y a pas de nom placé au bas de ce portrait dont la ressemblance crève les yeux. […] Ce qui frappe de stérilité à mes yeux les opinions de M. […] Taxile Delord, auquel je supposais d’excellents yeux. […] Taxile Delord est venu se mêler à la manifestation du Gymnase et a fourré son vieux plumet dans l’œil de l’auteur du Demi-Monde. […] Citadin ou touriste, on y est avide de tous les spectacles des yeux et l’on y vit en quelque sorte en public et dans la rue.
Je ne sais pas ce qu’il paraîtrait à nos yeux si nous avions entre nos mains ses cent tragédies. […] Son visage, dont les yeux me lancent de côté des regards amoureux, ressemble à un lotus d’or (ah ! […] Ils ont un petit signe entre les deux yeux. […] « Et dans tous les romans où j’ai jeté les yeux… », dit-elle. […] Elle repose les yeux.
Je suis presque de l’avis de Hegel disant : « Il n’y a de véritable comique que lorsque les personnages de la pièce sont comiques à leurs propres yeux comme aux yeux des spectateurs » ; et je blâme Philbert d’avoir ignoré ce texte et M. […] Hegel dit : « Il n’y a de véritable comique que lorsque les personnages de la pièce sont comiques à leurs propres yeux, comme aux yeux des spectateurs. […] Vous l’avez vu épanoui, élargi, souriant de la bouche, des yeux, et pour ainsi parler, de tout le corps. […] Si nous jetons les yeux sur la vaste perspective du temps, alors, pour la première fois, nous sentons que nous ne figurons qu’un instant dans le monde. […] Il se dérangea pour aller la revoir et il arriva à temps pour lui fermer les yeux.
Elle s’en allait à petits pas, et la marquise la suivait des yeux. […] Il n’y a pas à nos yeux de livres dangereux et de livres qui ne le soient point. […] Mais il s’essuyait avec la main et demeurait immobile, les yeux baissés. […] Zola le produit aux yeux. […] Leurs yeux restent fixés sur le but entrevu, poursuivi et manqué.
Le pieux et enthousiaste Canalis, que l’on voit dans les lithographies, drapé à la lord Byron, les cheveux en coup de vent et les yeux au ciel, ce poète abstrait n’existe que sur le papier. […] Les trépieds, les boîtes d’or, les surtouts de Laconie, et même quelquefois des mots grecs, peu nécessaires à la clarté du récit, papillotent devant les yeux d’une manière qui pourrait devenir fatigante. […] Son aspect était florissant de santé ; ses yeux brillaient comme des turquoises ; on eût pris ses joues pour des roses, ses lèvres pour des cerises, et son nez même était un peu rouge. […] Jules Janin d’un mauvais œil. […] Janin s’élève sur le ton du dithyrambe, il est au fond de très bonne foi, et la voix lui tremble et les larmes lui roulent dans les yeux avec une sincérité parfaite.
Vous avez eu des yeux, des bras et des entrailles ! […] Il voit la nature avec les yeux de la pensée, et il la voit plus grande, plus majestueuse qu’elle ne paraît aux yeux du corps. […] Peu à peu l’œil s’y fait, comme il se fait à l’ombre. […] C’est l’heure. » Alors nous retournons les yeux, — la mort est là ! […] Son œil est doux, beaucoup moins caverneux qu’on ne le fait dans ses portraits.
Je ne m’adresse pas à ceux qui ne voient que des yeux du corps, je m’adresse à l’intelligence. […] Je porte mes yeux sur les heureux de la terre. […] J’avais ma part promise dans le paradis promis, et devant ce paradis la terre s’effaçait à mes yeux. […] L’Éden magique a disparu à nos yeux, et nous sommes aujourd’hui errants sur la terre. […] La lumière, donc, n’a pas changé, et l’œil reçoit toujours la lumière.
Les yeux fixés sur mon manuscrit, ne me doutant de rien, je continuais toujours, cherchant seulement à aller vite, lorsque l’un des amis m’arrête. […] À mes yeux, ce style arrangé, compassé, plein de chutes piquantes, précieux, s’il faut dire toute ma pensée, convenait merveilleusement aux Français de 1785 ; M. […] Ce ne sont plus des paroles toujours obscures aux yeux du peuple des littérateurs, ce sont des actions qu’il faut à votre parti. […] Le premier acte de la tragédie, qui mettra sous les yeux des Français l’action la plus étonnante de l’histoire, doit être évidemment à l’île d’Elbe, le jour de l’embarquement. […] Il ôte aux différentes classes de citoyens le désir d’être aimables aux yeux les uns des autres, et par conséquent le pouvoir de rire aux dépens les uns des autres.
Ses yeux sont petits ; toute la vie semble s’être concentrée en eux. […] Je n’ai pas le contexte sous les yeux : j’y dois renoncer. […] » Que vis-je, en ouvrant les yeux ? […] Ses yeux aussitôt s’animèrent, et, tout d’un trait, il me la rendit complètement vide. […] Des yeux durs luisent dans les faces glabres et ravinées.
Il s’agit d’une jeune princesse, étranglée par une reine jalouse, sous les yeux d’un roi presque dément. […] Mais il rencontre sur sa route une petite fille qui pleure avec de beaux yeux. […] Et pourtant l’innocence de ses yeux, de ces yeux qui donneraient à Dieu des leçons d’innocence, n’est que le reflet de son âme innocente. […] Et tel est le prodige qui est dès aujourd’hui visible à l’œil nu. […] » Surtout leur regard, où se mire leur âme, est très significatif et l’explorateur qui entreprendrait, comme dit le poète, un voyage dans leurs yeux, y ferait un curieux voyage de découvertes : yeux où l’on découvrirait « d’antiques vagues apaisées et le déchaînement des houles futures » ; yeux qui déjà « contemplent l’aurore des jours qui ouvriront le prochain siècle ».
La mère était toujours assise au chevet de ses fils, elle ne les quittait pas des yeux une minute, elle ne pensait pas au sommeil. […] » s’écrient beaucoup d’entre elles avec un frisson de fièvre ; elles ferment les yeux, détournent la tête, mais ne s’en vont pas. […] Parfois une petite gamine aux yeux noirs prend à poignées des gâteaux, des fruits, et les jette au peuple. […] À mes yeux, cet ennemi avait une figure déterminée, il portait un nom connu : mon ennemi, c’était le droit de servage. […] répondit-elle sur le même ton, sans lever les yeux vers moi.
Théodore de Banville Voyez comme les nobles lignes de ce visage primitif, auquel nos yeux rêvent les bandelettes sacrées, ressemblent à celles des plus purs bas-reliefs d’Égine ! […] Les cheveux noirs sont légèrement frisottants et crêpelés, ce qui leur donne l’air ébouriffé ; le teint d’un brun mat, les dents blanches, petites et espacées, les lèvres pourprées d’un rouge de corail, les yeux petits et un peu enfoncés, mais très vifs, et qui prennent l’air malin quand le rire les éclaire, les narines ouvertes, les sourcils fins et droits, l’oreille exquise, le col un peu fort et très bien attaché, sont d’une sphinge tranquille et divine, ou d’une guerrière de Thyatire dont la beauté simple, accomplie et idéalement parfaite ne peut fournir aucun thème d’illustration aux dessinateurs de La Comédie humaine.
Voici quelques Strophes de l’Ode : « Du Roi des Rois la voix puissante S’est fait entendre dans ces lieux : L’or brille, la toile est vivante, Le marbre s’anime à mes yeux. […] Terrible & sacré caractere, Dans qui l’œil étonné révere Les traits de la Divinité.
Les anciens n’arrêtaient pas longtemps les yeux sur l’enfance ; il semble qu’ils trouvaient quelque chose de trop naïf dans le langage du berceau. […] Le chrétien se soumet aux conditions les plus dures de la vie : mais on sent qu’il ne cède que par un principe de vertu ; qu’il ne s’abaisse que sous la main de Dieu, et non sous celle des hommes ; il conserve sa dignité dans les fers : fidèle à son maître sans lâcheté, il méprise des chaînes qu’il ne doit porter qu’un moment, et dont la mort viendra bientôt le délivrer ; il n’estime les choses de la vie que comme des songes, et supporte sa condition sans se plaindre, parce que la liberté et la servitude, la prospérité et le malheur, le diadème et le bonnet de l’esclave, sont peu différents à ses yeux.
» Pour juger de la différence qui se trouve entre les héros d’Homère et ceux du Tasse, il suffit de jeter les yeux sur le camp de Godefroi et sur les remparts de Sion. […] Si Énée veut échapper à la séduction d’une femme, il tient les yeux baissés : Immota tenebat lumina ; il cache son trouble ; il répond des choses vagues : « Reine, je ne nie point tes bontés, je me souviendrai d’Élise », Meminisse Elisæ.
L’esclave un peu basanée avec son nez large et un peu aplati, ses grandes lèvres vermeilles, sa bouche entrouverte, ses grands yeux noirs, est une coquine qui a bien la physionomie de son métier et l’art de faire valoir sa denrée. La suivante qui est debout, dévore des yeux toute la jolie couvée.
On le lit d’un œil distrait, à la légère, sans le respect, le recueillement qui conviendrait dans l’occurrence. […] Splendidement installé sur le Sinaï de son génie, l’architecture primitive du monde n’existe plus à ses yeux. […] Ils apparaissent à nos yeux comme des fruits harmonieux de la terre. […] Il semble qu’il y ait envisagé la nature avec les yeux mêmes de Rubens, derrière les bésicles de M. […] Êtes-vous bien sûr que, là, on ne fait jamais passer sous les yeux des juges quelque rapport secret de police ?
Les novateurs allaient s’adresser aux yeux avant d’atteindre l’esprit. […] Les artistes et le public avaient des yeux pour ne rien voir le préjugé dominant l’art, les peintres alors n’étaient que des subjectifs. […] A ces faibles attaques qu’il regarde d’un œil superbe, il a daigné répondre suivant la valeur de ceux qui les lui adressaient par des préfaces, des articles, des lettres. […] Sur ce chapitre, plus encore que sur tous les autres, l’auteur le prend de haut comme un cosmographe embrassant l’univers d’un œil d’aigle. […] Pourquoi donc les auteurs, les écrivains, gardent-ils le silence sur cette partie la plus saine de la société et ne nous mettent-ils sous les yeux que la plus tarée et la plus criminelle ?
Le meurtre, par le moyen d’un bouton qu’on presse, d’un « mandarin » invisible, est, en soi, un crime aussi abominable qu’un assassinat par le couteau ; mais il n’est clairement tel qu’aux yeux d’une conscience très formée. […] Si vous sortez, vous êtes perdue. — Perdue aux yeux des autres, pas aux miens ! […] Ne sautent-ils pas aux yeux ? […] À mes yeux donc, l’amour, dans le roman ou sur les planches, ne vaut pas par lui-même, mais par l’analyse des sentiments qu’il engendre et par l’expression qu’il revêt. […] En sorte qu’on ne sait plus bien ce qu’on a devant les yeux.
On se trouva donc en possession d’une véritable langue hiéroglyphique apte à figurer aux yeux des affirmations élémentaires. […] Des quatre éléments, appert plus la clarté du feu ès yeux, l’air en la poitrine, l’eau au ventre et la terre ès jambes. […] Clair, Ste Luce et Ste Flaminie de Clairmont — des maux d’yeux. […] Il s’aime, parce qu’il s’est vu ; on se voit dans un miroir, dans des yeux, dans le lac de la pensée extérieure. […] À ce moment il rouvrait les yeux.
Rien n’avertit une littérature d’être digne, sérieuse, honnête, comme de sentir qu’on a l’œil sur elle et qu’elle est l’objet d’une haute attention. […] S’ils s’obstinaient à rester en retard sur la société et à fermer les yeux à ce qui est, une telle institution élevée tout en face les vieillirait vite, et dans tous les cas elle les avertirait. […] La politique, il est vrai, est au-dessus et peut avoir l’œil sur toute chose ; mais se soucie-t-elle de ce monde léger dont chaque plume n’est rien, dont toutes les plumes toutefois finissent par peser et comptent ?
Le hall se remplit de faces pâles, aux yeux rougis, aux lèvres contractées. […] La même pensée erre dans tous les yeux, tandis qu’au fond du hall se poursuit le bruit des hoquets et des sanglots. […] J’y déplorai la mort d’un familier, d’un probe écrivain qui n’a pas eu le temps de donner sa mesure pleine, mais que j’aimais : Léon Dequillebec, ancien secrétaire de rédaction de la Plume, et mon éminent ami Laurent Tailhade avait dû subir une cruelle épreuve, l’ablation de l’œil droit.
C’est donc au Littérateur impartial, ami de la justice & de la vérité, à combattre les usurpations, à dessiller les yeux de la multitude, à prononcer, d’après des regles invariables, sur le mérite ou les travers de tant d’Auteurs méconnus par l’injustice, ou applaudis par la séduction. […] Une métamorphose si peu ménagée ne pouvoit manquer de faire ouvrir les yeux. […] Si nous nous étions aveuglés sur les suites de cette entreprise, nous aurions oublié ce que l’expérience nous a mis cent fois sous les yeux.
L’abbé Huc, dont les yeux sont froids et dont l’esprit, fait pour l’histoire, n’a aucune des illusions du prosélytisme, ne laisse sur ce point aucun doute. […] avant tout, avant le détail du martyre et de l’héroïsme de ces missionnaires toujours prêts à mourir, avant l’ascendant de ces Jésuites qui furent si près du triomphe, et puis qui s’en trouvèrent si loin, ce qui fait, cà nos yeux, l’intérêt suprême de ce livre, c’est que le Christianisme à la Chine n’a jamais été qu’une question, — une question dont la solution se voile encore aux yeux les plus pénétrants, quand on reste dans les simples probabilités humaines de l’histoire !
Nous avons sous les yeux les catalogues des académiciens jusqu’à 1700, et ces catalogues ressemblent aux restes noirs d’un papier brûlé et consumé, sur lequel brillent encore çà et là deux ou trois étincelles. […] ce n’est pas, comme on pourrait le croire, pour les beaux yeux, fermés depuis longtemps, de ces cadavres intellectuels, que l’éditeur de Pélisson et de d’Olivet s’est livré à l’exhumation présente. […] Pélisson lui-même et l’abbé d’Olivet, les historiens et les biographes de leur compagnie, en écrivant fraternellement de leurs confrères obéissaient au règlement, remplissaient un devoir d’étiquette, et probablement ce qu’ils ont écrit n’avait pas à leurs yeux plus de poids que des discours de réception ou des oraisons funèbres.
Richelieu, qui protégea Renaudot, le fondateur de la première gazette en France, mais qui le protégea en restant son maître ; la Chambre étoilée, en Angleterre, qui regarda toujours les journaux d’un œil de vigilance sourcilleuse, — torvo lumine, — quoique, en Angleterre, la liberté des écrits périodiques ait bien moins d’inconvénients qu’ailleurs, parce qu’elle y est accompagnée d’un grand respect pour les hiérarchies, auraient dû, ce semble, éveiller en Μ. […] Par une de ces préoccupations familières aux gens qui se coiffent d’un sujet jusqu’aux yeux, l’auteur de l’Histoire de la Presse a voulu voir le journalisme partout, même à Rome, mais il n’a pas compris que ce journalisme, dont les grands pontifes avaient exclusivement le monopole, était précisément la condamnation de celui-là dont il cherche beaucoup trop haut la conception dans l’histoire ; car elle n’appartient qu’à ces derniers temps. […] Hatin, la Critique peut fermer les yeux au moins de sommeil ; mais elle ne peut que les détourner devant des grossièretés ignobles dont l’Histoire de la Presse, si étable d’Augias soit-elle, ne peut pas décemment être le tombereau.
Ventura, publiciste après coup, après le sermon, puisqu’il le fixe sous nos yeux dans un livre qu’il revoit, corrige, orne de notes, et qui est enfin un traité ni plus ni moins que le livre du premier publiciste venu, écrivant dans la confiance de sa pensée, le P. […] C’est là une chose presque douloureuse et qui, à nos yeux et aux yeux de tous, décapite le titre ambitieux et qui pouvait être juste du livre du P. […] Pourquoi donc faut-il qu’il soit resté sur son œil la pellicule de la cataracte ?
Mais quand l’homme, lassé d’amuser ses deux yeux, Scrute dans leurs berceaux ces hasards et ces dieux, Toujours à l’examen le miracle s’envole… Et toujours en riant on sort du Capitole ! […] Pécontal possède plus que personne, mais auxquelles l’esprit de notre époque préfère le rythme, tourmenté, poli, aiguisé, affiné, savant enfin et si souvent vide ; le rythme, dernière expression de la beauté poétique, et que l’Imagination dégoûtée finira par rejeter, pour sa peine d’avoir rejeté l’âme, — comme le roi de Thulé jeta à la mer sa coupe épuisée, quand ses yeux mourants n’eurent plus de larmes pour la remplir ! […] Elle a une perspective en sens inverse des choses, simplement visibles aux yeux corporels : plus elle s’éloigne, plus elle grandit et fort rayonne.
Publié au commencement de l’année, — pour le jour de l’an, comme on dit, — chamarré d’illustrations sur toutes les coutures, il donnera certainement dans les beaux yeux humides pour lesquels il a été fait… Il aura son succès comme les bonbons et les polichinelles, et il pourra chanter, car un tel livre chante : Que Pantin serait content, S’il avait l’heur de vous plaire ! […] C’est un livre très réfléchi sous prétexte d’enfantillages, très littéraire, de très scélérate naïveté, qui peut être lu en tous temps et goûté de ces autres enfants qui n’ont pas les yeux si beaux et qui sont des hommes. […] Il a voulu aussi les instruire, et il a jeté dans leurs mémoires, aussi grand ouvertes que leurs yeux, des tournures de langue oubliées, de charmantes choses tombées en désuétude, des mots divins que La Fontaine, qui n’était pas fier, ramassait, et qu’il faut rapprendre à l’enfance, si on ne veut pas qu’elle périsse, l’ancienne langue française, exténuée dans les maigreurs du xviiie siècle.
Encore un spectacle qu’il faudrait voir avec les yeux de la tête, pages154, piqueurs, élèves galonnés, élèves à boutons d’argent, garçons de la petite livrée en soie, joueurs d’instruments, chevaucheurs de l’écurie. […] Aux yeux du prince, l’absence serait une marque d’indépendance autant que d’indifférence, et la soumission, aussi bien que l’empressement, lui est due. — À cet égard, il faut voir l’institution dès son origine. […] Voilà le spectacle qu’il faudrait voir, non par l’imagination et d’après des textes incomplets, mais avec les yeux et sur place, pour comprendre l’esprit, l’effet, le triomphe de la culture monarchique ; dans une maison montée, le salon est la pièce principale ; et il n’y en eut jamais de plus éblouissant que celui-ci. […] Sa Majesté commence à manger fort vite, sans regarder personne, tenant les yeux baissés sur son assiette. Ayant trouvé à son goût un mets qu’on lui avait servi, elle y revint, et alors elle parcourut des yeux le cercle devant elle… et dit : « M. de Lowendal ?
Smith, j’ai voulu constater les faits par mes propres yeux, et c’est même avec une disposition d’esprit un peu sceptique que j’en abordai l’examen. […] Leur thorax est autrement conformé ; elles sont dépourvues d’ailes et quelquefois même n’ont point d’yeux. […] Smith a observé que les grandes ont des yeux simples ou ocellés, qui, bien que de très petite dimension, sont cependant visibles, tandis que les petites n’ont que des yeux rudimentaires. J’ai soigneusement disséqué plusieurs spécimens de ces deux castes de neutres, et je puis garantir que les yeux des individus de la petite caste sont proportionnellement beaucoup plus rudimentaires qu’on ne devrait s’y attendre d’après l’infériorité de leur taille. Je suis pleinement disposé à croire, bien que je ne puisse l’assurer positivement, que les neutres de taille moyenne ont aussi les yeux dans un état intermédiaire.
On conclurait naturellement de ces réflexions que le désir de la réputation, quelque naturel qu’il soit aux hommes, est assez propre à humilier, quand on l’envisage avec des yeux philosophiques. […] Un tel spectacle considéré avec les yeux d’une raison éclairée et tranquille, serait plus que suffisant pour consoler un vrai philosophe de la privation d’une multitude de suffrages frivoles. […] Tout à coup nos yeux se sont ouverts comme à un phénomène extraordinaire et nouveau : on a été tout étonné qu’un géomètre ne fût pas une espèce d’animal sauvage. […] c’est un homme que le malheur des rois et des peuples a placé entre les rois et la vérité pour la cacher à leurs yeux. […] Il voulut que cette académie fut presque entièrement composée des bons écrivains de la nation, pour la décorer aux yeux des sages ; d’un petit nombre de grands seigneurs, pour la décorer aux yeux du peuple ; que ces derniers vinssent remplir seulement les places que les grands écrivains laisseraient vides ; qu’ainsi dans l’Académie Française les préjugés, servissent à honorer le talent, et non le talent à flatter les préjugés, et qu’on eût surtout l’attention d’en exclure ceux qui prétendant être à la fois grands auteurs et grands seigneurs, ne seraient ni l’un ni l’autre.
Et encore cela ne serait rien qu’une suite de formules inutiles, si, derrière l’étiquette de ces diverses idées, il n’y avait pas la pensée générale, et très fausse à mes yeux, d’un enseignement que voulait exercer Shakespeare ! […] « Yeux, étoiles mortelles, si fermés vous me tuez, ouverts, que feriez-vous ? […] L’éclat de ce rose charmant, fait avec du sang, étendu dans des larmes, n’a pas échappé à l’œil de Coleridge, qui a signalé, comme un poète, l’œuvre du poète, ici le plus adorable de tous : « Roméo et Juliette, — dit-il, — ce n’est que printemps et jeunesse ! […] … Malgré ces somptueuses acquisitions que la Biographie devra à François Hugo, je ne crois pas cependant qu’aux yeux des Exigeants historiques soit justifiée cette affirmation : que l’âme de Shakespeare était son génie ; car, si ce génie a créé des Antonio, des Hermia, des Emilia, des Béatrice, des Silvia, des Célia et des Valentin, il a produit bien d’autres choses. […] Et l’œil du critique — car tout critique est un voyant — s’accoutumerait-il assez à la clarté intense ou à la dense profondeur de Shakespeare, pour le voir et pour le juger ?
Tu n’es point connue là où le Plaisir est adoré, cette chancelante déesse à la ceinture dénouée et aux yeux errants, toujours appuyée sur le bras de la Nouveauté, son volage et fragile soutien ; car tu es tendrement patiente (meek) et constante, haïssant le changement, et trouvant dans le calme d’un amour éprouvé des joies que les orageux transports ne donnent jamais. […] Ces jolis tableaux achevés, et qui trouveraient chez Delille plus d’un pendant bien spirituel aussi, quoique d’une exécution moins sûre, ne sont pas ce que j’aime le mieux chez Cowper, et je le préfère lorsque ayant achevé l’énumération de tout ce qui s’agite de nouvelles publiques et privées entassées pêle-mêle dans le sac du facteur, il ajoute : « Maintenant attisez le feu et fermez bien les volets ; laissez tomber les rideaux, roulez et approchez le sopha ; et tandis que l’urne bouillonnante et sifflante fait monter sa colonne de vapeur, et que les coupes qui réjouissent, mais n’enivrent pas, sont là préparées pour chacun, donnons ainsi la bienvenue et l’accueil au soir paisible qui descend. » Dans l’emploi de la soirée qu’il va suivre en ses plus menus détails et dont il fait luire chaque instant à nos yeux, il se souvient d’Horace : « Ô soirées et soupers dignes des dieux ! […] Les uns, fascinés par l’éclat d’un nom, livrent leur jugement un bandeau sur les yeux. […] Tes boucles argentées, autrefois d’un châtain luisant, sont encore plus belles à mes yeux que les rayons dorés du soleil levant, ma Marie ! […] Une fois il a découvert dans ses courses autour d’Olney, sur une colline assez escarpée, une toute petite cabane cachée dans un bouquet d’arbres, et il l’a appelée le nid du paysan ; il rêve de s’y établir, d’y vivre en ermite, y jouissant de son imagination de poète et d’une paix sans mélange ; mais il ne tarde point à s’apercevoir que le site est incommode, qu’on y manque de tout, qu’il est dur d’être seul : tout bien considéré, il préférera son cabinet d’été et sa serre avec son simple et gracieux confort, et il dira à la hutte sauvage et pittoresque : « Continue d’être un agréable point de vue à mes yeux ; sois mon but de promenade toujours, mais mon habitation, jamais !
Elle a de beaux yeux et de belles dents, mais je pense qu’elle ne peut guère avoir eu jamais plus de beauté qu’il ne lui en reste, excepté la jeunesse. — Elle est polie et facile de manières, mais Allemande et ordinaire. […] » Et sur son La Bruyère, on lisait : « Ce livre appartient en 1804 à la comtesse d’Albany, et elle y fait les notes d’après ses observations sur ce monde où elle a trop vécu, à l’âge de cinquante et un ans, après avoir perdu tout ce qui l’attachait à cette malheureuse vie. » Que j’aimerais à avoir sous les yeux et à étudier de près cet exemplaire-là ! […] Les traits de son visage, trop arrondis et trop obtus aussi, ne conservaient aucune ligne pure de beauté idéale ; mais ses yeux avaient une lumière, ses cheveux cendrés une teinte, sa bouche un accueil, toute sa physionomie une intelligence et une grâce d’expression qui faisaient souvenir, si elles ne faisaient plus admirer. […] Elle fut tout à coup mandée à Paris parle maître souverain et brusque qui avait l’œil à tout et dont l’attention avait été éveillée, je ne sais comment, sur ce salon des bords de l’Arno. […] Je ne suis pas de ceux qui veulent à tout prix des mensonges, ni qu’on leur crée des existences fabuleuses et plus belles qu’elles ne l’ont été de leur temps ; mais quand je rencontre quelque part, dans un passé encore voisin de nous et si aisé à vérifier, de ces vies paisibles, ornées, décorées de grâce et de courtoisie, et jalouses d’en répandre le reflet autour d’elles ; quand, au milieu de cet envahissement comme forcené d’ambition, d’activité et d’industrie qui nous pousse et nous déborde en tout genre, je découvre, en me retournant, une île enviable et fortunée, une oasis d’art, de littérature, d’affection et de poésie, je demande qu’on n’en diminue pas le tableau à mes yeux sans de bonnes et fortes raisons, et que ceux qui sont dignes d’apprécier ce cercle heureux et de le peindre nous le rendent, ainsi que la noble figure qui y préside, avec tout le charme qui s’y attachait réellement, et dans un miroir non terni, dans une glace pure, unie et fidèle.