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865. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Il valait le coup de burin de la médaille ou du moins le mordant de l’eau-forte, cet esprit à la Machiavel qui nous donna le Traité du Prince en action dans La Chartreuse, a dit Balzac, et la création de cette figure borgienne de Julien Sorel, le séminariste-officier de Rouge et Noir, aussi fort d’hypocrisie que le frère Timothée de La Mandragore.

866. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

Tout ce qu’elle en put distinguer, c’est un voile de guipure noire, deux grandes ailes de cachemire et deux griffes de diamant. » Ces ailes de cachemire et ces griffes de diamant donnent tout, M. 

867. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Seulement William Godwin a le sombre anglais, le regard noir, l’âpreté, la brusquerie, l’amertume.

868. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Je n’ai point voulu percer devant vous une croisée régulière, à carreaux blancs, sobrement encadrée, selon les règles de la maison bourgeoise ; mais, disposant capricieusement ces quarante chapitres autour d’une idée centrale, j’ai prétendu élever, tout au fond de votre cœur, avec des images entassées jusqu’au fouillis et des couleurs étendues jusqu’à la profusion, la flamboyante rosace de la mort. » Et ce qu’il a voulu faire, il l’a fait, cet enlumineur de vitrail jusqu’à l’incendie, ce faiseur de rosace de la mort, dont il grave les feuilles de flamme jusque dans les plus noires obscurités de nos cœurs !

869. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

Au mot grâce spéciale substituez, si vous voulez, le mot folie, ou hallucination ; mais le mystère restera presque aussi noir.

870. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Souvent, du milieu des maux, ils relèvent les hommes abattus sur le sol noir de la terre ; souvent ils renversent et courbent, la tête en bas, ceux qui prospéraient ; puis arrivent de nouvelles misères ; et l’homme vague au hasard entre la vie qui lui manque et la raison d’où il s’écarte. » Ailleurs, c’est seulement un éclat d’images qui rappelle la forte poésie d’Horace et ses allégories si courtes et si vives : « Regarde, avait dit Archiloque51 : la mer profonde est soulevée dans ses flots.

871. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Elle s’en est allée, et je demeure pauvre de sens et de savoir, triste, abattu, plus noir qu’un meuron, n’ayant argent, rente ni bien… J’ai aimé, et volontiers, j’aimerais encore. […] Il est bien entendu qu’elle contient un drame noir, mais si puéril et si volontairement invraisemblable, qu’il ne jette dans la comédie qu’une pénombre, juste de quoi frémir un peu et se rassurer vite : beaucoup de peur pour rien. […] Vois s’il n’a pas les cheveux noirs comme son grand-père. — Oui, mais Nouvelet frise, et mon père avait les cheveux comme des baguettes de tambour. — Je t’assure, maître, que ton père frisait quand il était jeune ; je l’ai connu dans ce temps-là… — Ah ! […] Il y a même un tableau noir avec un torchon très bien imité. […] Mais, auparavant, pour que ces horreurs nous semblent encore plus noires, nous assistons au spectacle des vertus de Jacques Bonhomme.

872. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Toussaint avait quarante-huit ans quand la France proclama l’émancipation des noirs. […] Le dieu des blancs est le dieu des noirs, puisque tous les hommes sont fils d’Adam. […] Cependant personne ne songe à se défier du mendiant, qui poursuit librement son dithyrambe, et promet de remettre au chef des noirs la lettre du général Leclerc. […] Isaac, malgré sa jeunesse, a trop de bon sens et de lumières pour voir dans Bonaparte l’ennemi des noirs. […] Personne ne comprendra que Toussaint lui confie le drapeau noir, signal d’une défense désespérée.

873. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Tressaillir au contact de la réalité belle, à pleins poumons humer l’air de la vie, au point qu’un sang noir gonfle nos veines, penser le monde et crier sa pensée, — ou simplement lui sourire, — c’est enlacer vos doigts, vous les héroïques, les lyriques, les prosateurs, vous les poètes. […] Et tout à coup, par au-dessus des pignons noirs, Que dresse, autour de lui, l’église, au crépuscule, Rayé d’éclairs, le clocher brûle. […] Que diront nos statuaires devant ces marbres baroques de l’église des Frari où Longhena a juché des nègres atlantes, « dont le pantalon de marbre blanc laisse voir par une déchirure leurs genoux de marbre noir, et des squelettes de marbre noir qui secouent des linceuls de marbre blanc en vue d’y faire lire des inscriptions latines. […] Avant de se résigner, de retourner dans la paix, de rentrer dans la discipline de son pays, il se donne fougueusement à la Marrabaise Incarnacion, à la bouche saignante, à la lourde natte de cheveux noirs, et l’étrangle dans un sanglot. […] D’abord la nuit, un trou noir où l’on perçoit pourtant des choses qui tressaillent.

874. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Devant toi, pauvre diable au souvenir si cher, J’ai senti tous les becs et toutes les mâchoires Des corbeaux lancinants et des panthères noires Qui jadis aimaient tant à triturer ma chair. […] Mademoiselle Solange Roule deux noirs charbons sous l’arcade sourcilière, — deux charbons à l’instant précis où le charbon devient diamant. […] Et puis, — si j’ai bien vu, — sa figure, d’ailleurs pleine d’éclat, s’agrémente d’un archipel de grains de beauté qui nom qu’un tort, celui ne n’être pas noirs. […] Il partit, lui quarantième, en compagnie d’une dévote bande tout émaillée de robes noires. J’ignore si ces robes noires contenaient ou non beaucoup d’esprit, et quel pouvait être le mérite collectif de cette caravane des quarante ; mais ce que je sais parfaitement, c’est que M. 

875. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

C’était lui noir ravin dont les parois fort hautes n’offraient à ses yeux, de quelque côté qu’il se tournât, qu’une épaisse muraille de ronces. […] Voilà notre avant-garde à bien faire animée ; Là, les archers de Créon, noire roi ;              Et voici le corps d’armée, Qui d’abord… Attendez, le corps d’armée a peur ; J’entends quelque bruit, ce me semble377. […] Par l’étude de l’antiquité, nos enfants ne deviendront pas des Sophocles ; mais ils pourront relever noire poésie qui se meurt de sottise, d’exaltation mystique, d’amour vide, de dévergondage et d’ignorance, épurer, élargir la source d’où coule le fleuve poétique de notre époque, et donner à Lamartine et à lord Byron des rivaux. […] Au premier, Armande Béjart recevait beaucoup de monde, fastueusement, avec un grand fracas de rire et de gaieté, tandis que lui, réfugié plus haut dans son cabinet, cherchant pour son noir chagrin le coin sombre du misanthrope, il tâchait de s’échapper à lui-même par le travail, la lecture, par son goût pour la philosophie et pour les arts, ou par la conversation de ses amis463.

876. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

La ciguë de Suse n’est pas un poison et dans beaucoup d’endroits l’ellébore noir est sans force, alors que celle de l’Œta et du Parnasse est douée d’une grande puissance. […] En Macédoine, quand on veut avoir des bœufs blancs, on les fait boire à l’Aliacmon, et à l’Axios, si on les veut noirs ou roux. […] Pour obtenir un vin purgatif, il suffit de déchausser les vignes et d’entourer le pied des ceps d’un paquet d’ellébore noir. […] Les racines de glaïeul, noires, rondes, portant des fibrilles qui rappellent les pattes du scorpion, possèdent les mêmes propriétés. […] Mordons avec confiance à ce pain blanc ou noir, et quand la chute des jours semble se précipiter, songeons que les crépuscules sont aussi des aurores.

877. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Son talent réfléchi et très-intérieur n’est pas de ceux qui épanchent directement par la poésie leurs larmes, leurs impressions, leurs pensées ; il n’est pas de ceux non plus chez qui des formes nombreuses, faciles, vivantes, sortent à tout instant et créent un monde au sein duquel eux-mêmes disparaissent : mais il part de sa sensation profonde, et lentement, douloureusement, à force d’incubation nocturne sous la lampe bleuâtre, et durant le calme adoré des heures noires, il arrive à la revêtir d’une forme dramatique, transparente pourtant, intime encore. […] Puisque Stello, au milieu de ses émotions les plus pénétrantes, sait fort bien s’arrêter à d’ingénieuses vétilles, remarquer au plus fort de ses douleurs que le nom de Raphaël signifie un ange, et que Rubens veut dire rougissant ; puisque, le sentiment allant son train avec Stello, le raisonnement avec le docteur noir peut l’accompagner de ses hargneuses chicanes, je demande qu’on me pardonne si, dans l’admirable histoire du capitaine Renaud, qui faisait naître mes larmes, j’ai noté, chemin faisant, de petits désaccords, pour me rendre compte de ce manque de complète vraisemblance chez M. de Vigny.

878. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Tu attelais à ton char, pour coursiers, tes moineaux rapides, et ils descendaient en agitant coup sur coup leurs ailes noires à travers l’air immense. […] Des yeux bleus, des cheveux blonds… ma femme assure que c’est tout le portrait d’Ondine (fille aînée de Mme Valmore), et que vous, vous avez de beaux cheveux châtains, avec de grands yeux noirs… Le croirez-vous ?

879. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Elle a vu d’abord un petit chien noir qui appartient à la maison et qui aboie souvent ; c’est sur lui qu’elle a d’abord appris le mot oua-oua. […] Pareillement, aussitôt qu’il a pu se mouvoir, il s’est mis à ramper vers la table, et, arrivé contre les pieds noirs, pendant trois ou quatre jours, il a passé une heure par jour à les palper, à joindre l’idée tactile à l’idée visuelle.

880. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Un poëte moderne, un homme comme Alfred de Musset, Hugo, Lamartine ou Heine, ayant fait ses classes et voyagé, avec un habit noir et des gants, bien vu des dames et faisant le soir cinquante saluts et une vingtaine de bons mots dans le monde, lisant les journaux le matin, ordinairement logé dans un second étage, point trop gai parce qu’il a des nerfs, surtout parce que, dans cette épaisse démocratie où nous étouffons, le discrédit des dignités officielles a exagéré ses prétentions en rehaussant son importance, et que la finesse de ses sensations habituelles lui donne quelque envie de se croire Dieu. […] Nul n’a mieux enseigné à ouvrir les yeux et à regarder, à regarder d’abord les hommes environnants et la vie présente, puis les documents anciens et authentiques, à lire par-delà le blanc et le noir des pages, à voir sous la vieille impression, sous le griffonnage d’un texte, le sentiment précis, le mouvement d’idées, l’état d’esprit dans lequel on l’écrivait.

881. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Marie-Antoinette dépouilla la robe noire qu’elle avait portée depuis la mort de son mari, elle revêtit une robe blanche en signe d’innocence pour la terre et de joie pour le ciel. […] Seulement un ruban noir qui pressait ce bonnet sur les tempes rappelait au monde son deuil, à elle-même son veuvage, au peuple son immolation.

882. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Des nuages blancs apparaissent du côté de l’orient, et se rassemblent par masses dont le bord inférieur est une frange noire grossissante. […] Ces orages ne durent point ; ils laissent dans le ciel, jusqu’à la nuit, des nuages immobiles d’un bleu noir.

883. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

La Chanson de Roland est le chef-d’œuvre de noire poésie narrative, parce qu’elle est, dans sa forme existante, le poème le plus voisin des temps épiques. […] Un roi qui déguise deux mille de ses soldats en diables noirs et cornus pour donner l’assaut à une ville assiégée38, un baron au contraire qui garnit les murs de son château assiégé de mannequins bien armés pour simuler une forte garnison39, un marmiton gigantesque, sot et colère, qui fait grotesquement d’héroïques exploits, et qui, voulant monter à cheval, se tourne tête en queue, comme nos clowns de cirque40 : voilà ce qui amusait infiniment nos bons aïeux.

884. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Sur la scène personne ne peut demeurer en place, et des comédiens, assis tout une soirée, malgré les belles choses qu’ils tâcheraient d’exprimer, feraient un four noir. […] Aujourd’hui, une pièce qui n’obtient pas, au minimum, cent représentations, est un four noir, autrement dit, une mauvaise opération financière.

885. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Analysons celui-ci, que je rends à dessein compliqué : En ces quatre mesures, comme dans tout passage analogue, on sent indépendamment du rythme des blanches et des noires un secret mouvement de chacun des accords vers les accords qui suivent. […] Imagine-t-on une symphonie composée tout entière de noires ou de rondes, obligatoirement ?

886. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

L’antique querelle des deux âges éclate ; barbes grises contre cheveux noirs ; on discute, on dispute ; les vieillards sont pour les vieux ; les jeunes sont pour Eschyle. […] Il interpelle la poussière et la fumée ; à l’une, il dit : « Sœur altérée de la boue », et à l’autre : « Sœur noire du feu ».

887. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Le firmament se meut ; les astres font leur cours ; Le soleil nous luit tous les jours ; Tous les jours sa clarté succède à l’ombre noire, Sans que nous en puissions autre chose inférer Que la nécessité de luire et d’éclairer, D’amener les saisons, de mûrir les semences, De verser sur les corps certaines influences. […] Victor Hugo, peignant la cour de Versailles, et la peignant sous un jour odieux, bien entendu  vous connaissez ses habitudes littéraires et historiques surtout  Victor Hugo songe à La Fontaine et dit : La Fontaine offrait ses fables, Et soudain, autour de lui, Les courtisans presque affables, Les ducs au sinistre ennui, Les Louvois nés pour proscrire, Les vils Chamillard rampants, Gais, tournaient leur noir sourire Vers ce charmeur de serpents.

888. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

C’est elle que la Critique, qui est une alchimiste aussi, doit, comme l’alchimiste de Rembrandt, montrer d’abord dans son œuvre, à travers ce flacon rose et noir taillé et orné par sa main d’artiste ; plus précieuse qu’elle est à elle seule, l’originalité, que tous les détails charmants du flacon, puisqu’elle en est la vie et l’âme ! […] le pinceau, c’est-à-dire ce qui appartient le plus à l’artiste ; — le pinceau, qui est à lui plus intimement que la composition et l’idée même de son œuvre ; le pinceau, qui lui appartient autant que sa main dont il est le prolongement ; qui est fait de ses cheveux que des Dalila coupent toujours ; trempé dans la source de ses larmes, — de celles qu’il a versées ou de celles qu’il versera, — et coloré de son sang, rose quand il est heureux, et qui devient si noir après les expériences de la vie !

889. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Il y a un moment de cette campagne où Joubert voit tout en noir et ne présage que malheurs.

890. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Il faut supposer qu’elle a été faite pour une belle personne qui, dans un bal costumé, était en lune ou en Reine de la nui t : Son corps était couvert d’un voile en gaze noire Où, sans nombre, on voyait luire des diamants ; Son front, plein du frisson magique de la gloire, Portait le croissant mince et pur des firmaments.

891. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

Au milieu de ces divers scholiastes Homère se trouva exactement dans la position de l’homme entre ses deux maîtresses ; l’une arrache les cheveux noirs, l’autre les gris, et le voilà chauve.

892. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Pour qu’il fût plus aisé à Bettine de tenir le jeune Casanova propre, on avait coupé à celui-ci ses cheveux noirs, et on l’avait affublé d’une perruque blonde.

893. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

A certains jours sombres de l’hiver, ces montagnes de neige striées de noir font l’effet, à l’œil fidèle qui s’y attache avec lenteur, de la plus austère et de la plus délicate gravure.

894. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Mais pour le reste il s’est peint au naturel : noir, sec, vif, sobre, brave, cela va sans dire, mais d’une ardeur réglée par la finesse et la prudence, connaissant à fond le soldat, et sachant le prendre, très appliqué à son métier, très au courant de toutes les questions techniques, très attentif aux progrès de l’armement, un peu « Gascon » et vantard, frondeur et souple, honnête en somme autant que la guerre d’alors le permettait, dur par nécessité, homme de consigne et de discipline, dont le service du roi fut l’unique loi.

895. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Sa Camille « aux yeux noirs », sa « Julie au rire étincelant », sa Rose « dont la danse molle aiguillonne aux plaisirs », sont de faciles créatures ; et ce qu’il espère, ce qu’il se promet de ses vers, c’est qu’ils soient un code d’amour et de volupté ; c’est qu’ils échauffent les désirs dans les jeunes âmes, et qu’ils éloignent « du cloître austère » la pensée des vierges619 .

896. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Mais, en lui, la prudence critique s’affermit par le sens aigu de la vie, par la connaissance désabusée et sans amertume de l’humanité, par la disposition avisée à ne voir la nature ni en noir ni en bleu.

897. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Mais si l’on sait que c’est une réponse ironique à Rousseau20, une façon de réfuter quelqu’un qui vous crie : Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, — ce n’est plus qu’un tableau poussé volontairement au noir pour servir de repoussoir à un tableau trop poussé au rose.

898. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Grâce à leurs saintes révélations, tour à tour la belle lune et les étoiles dansantes, la substance des prairies et les bonds de la mer, la pluie sur les feuilles rauques et le concave azur, la tempête ébranlant la nue horrible et noire, les grandes aubes, les feux balancés, la terre pivotant sur les pôles, les brumes, les molles saisons, l’aurore, l’air, la lumière, tout nous apparaît dans un état pur, comme si Dieu pénétrait encore les formes du monde.

899. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Le romantisme noir (1966), Gallimard, coll. « tel », 1998, passim.

900. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Un jour, à Florence, dans le jardin de Cosmo Ruccelaï, étant présents le duc de Mantoue et Jean de Médicis qui commanda plus tard les Bandes Noires de Toscane, Varchi, l’ennemi de Machiavel, l’entendit qui disait aux deux princes : — Ne laissez lire aucun livre au peuple, pas même le mien.

901. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Point de grâce, point de chair, point de couleur ; cou, bras, mains noires, le bras qui soutient la tête, paralitique et décharné ; vêtemens grossiers et raides ; et le tout si pâle, si pâle, si gris, qu’on dirait que l’artiste n’avait pas vingt-quatre sous dans sa poche pour avoir six vessies.

902. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Ces notes ne furent d’abord que des points où il n’y avoit rien qui en marquât la durée ; mais Jean De Meurs né à Paris, et qui vivoit sous le regne du roi Jean, trouva le moïen de donner à ces points une valeur inegale par les differentes figures de rondes, de noires, de croches, de doubles croches et autres qu’il inventa, et qui ont été adoptées par les musiciens de toute l’Europe.

903. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Ce fut à dater des romans de Sand qu’on vit pulluler toutes sortes de livres en prose et en vers, écrits par des plumes féminines sur l’inégalité des conditions entre l’homme et la femme, et que le bas-bleu apparut, — le véritable bas-bleu, bien autrement foncé qu’en Angleterre, où le mariage, — une sauvegarde contre le bas-bleuisme, — est resté en honneur et où le mari s’appelle Lord encore… Comme il est beaucoup plus aisé de changer d’habit que de sexe, jamais, autant qu’en ce temps-là, on ne vit plus de femmes en habit d’homme, comme l’avait fait Mme George Sand, dont la redingote de velours noir, illustrée par Calamata, fut célèbre et qui s’appela longtemps George Sand tout court (le voyou, comme elle le disait elle-même dans ses Lettres d’un Voyageur) ; George Sand qui devait redevenir Mme Sand et presque Mme Dudevant dans sa vieillesse, — quand le terrible coup de locomotive de la vieillesse passe sur toutes les prétentions et les rafle, et qu’on acquiert la preuve alors qu’on n’était, de toute éternité, qu’une femme et que l’homme qu’on croyait faire n’a jamais dépassé le gamin !

904. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

il était beau, Lord Byron, — cela n’est pas douteux, — et surtout il n’était pas si noir et si diable que les sots et les hypocrites protestants l’ont fait ; mais sous la plume de celle qui a pourtant un intérêt à le trouver irrésistible, il finit par être trop beau, et on lui voudrait, au moins une des verrues que Cromwell disait à son peintre de ne pas oublier.

905. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Jamais temps plus noir pour l’Église n’avait assombri l’horizon… La papauté, dépossédée de son pouvoir temporel et mutilée de la moitié d’elle-même, avait payé cruellement les premières illusions de Pie IX, chez qui le Pape, il est vrai, avait racheté les fautes du prince.

906. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Il n’est point le tranquille monsieur en habit noir qui lit dans un livre.

907. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

… Comme les Mulâtres devant les Noirs !

908. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

La première fois que celui qui écrit ces lignes le rencontra, — il y a de cela des années, — il ressemblait encore à ce portrait de son salon où, sous de longs et magnifiques cheveux noirs, éclatait, sombre, ce visage qu’on aurait dit fait de la beauté de quatre races différentes : la juive, la bohémienne, la phocéenne et la mauresque, et où le lion et l’aigle se confondaient, comme dans une chimérique tête de blason.

909. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Constantinople a passé sous la domination des Turcs, et Thémiste, qui écrivait il y a quatorze cents ans, sur les bords de la mer Noire, est ignoré de cette partie du monde qui fut sa patrie ; mais il trouve des admirateurs dans les villes qui, de son temps, n’étaient que des bourgades à demi-barbares.

910. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Dumas, s’adressant quelque part à son père et lui faisant honneur de son extraordinaire puissance de travail, s’écrie : « C’est sous le soleil de l’Amérique, avec du sang africain, dans le flanc d’une vierge noire, que la nature a pétri celui dont tu devais naître16… » C’est de la vierge noire, de l’aïeule de couleur que M.  […] Il nous dira, par exemple, que Charlotte de Camp-vallon « était grande, blonde, avec des yeux profonds, un peu à l’ombre sous l’arc proéminent de ses sourcils presque noirs. […] Jours noirs. […] « Pessimiste, porté à voir les choses en noir, il croira sans cesse qu’il n’a rien fait, que tout va pour lui de mal en pis, qu’il est le plus infortuné des hommes. […] Je suis un tragique qui se fâche, un broyeur de noir. » Pessimisme de qualité inférieure, qui n’est que le mécontentement d’un homme « embêté » par l’existence, l’habitude morose d’un hypocondriaque.

911. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Nous l’avons gardée, en la poussant au noir. […] Elle n’apparaît qu’au bout d’une longue file de trinomes inutiles et d’équations superflues, à couvrir tout le tableau noir. […] Après avoir dit du bien des gens, il arrive insensiblement à en dire du mal, il déprécie ce qu’il a loué, il dit blanc et noir sur le même objet (avec cette particularité, que c’est toujours par « noir » qu’il finit). […] « … Des gibernes sur des habits, des couteaux de chasse dans des mains noires… du peuple comme si la liberté sortait des pavés ! […] Et c’est pourquoi elle nous présente l’auteur de Rouge et Noir comme un pur imbécile.

912. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Ses ennuis, au milieu de la société étroite et jalouse d’une petite ville, avaient accru ce penchant, que des chagrins domestiques et des douleurs physiques vinrent transformer en une noire misanthropie. […] « Il lui prenait, dit Chateaubriand, des accès de pensées noires que j’avais peine à dissiper. […] Un domestique en livrée rouge et noire nous introduit dans un grand salon surnommé le salon de la mélancolie. […] La maîtresse du lieu, en dépit d’un embonpoint un peu gênant, est vêtue d’une robe blanche garnie de roses noires, et sa chevelure est arrangée en forme de papillons de nuit ; une jeune dame est habillée en Velléda. […] Elle a des Pères de l’Église et du Voltaire, et du roman noir dans la tête, et du Byron, et avec cela de brusques éclats de joie enfantine, mais ils sont courts, Marie lit trop, je l’ai dit, el

913. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Entre temps, Emile Goudeau11, passant sur la Rive droite, avait créé le « Chat noir » que devait mener à des destins somptueux et incohérents le gentilhomme Rodolphe Salis ! […] C’était le temps où tirant sa droite moustache noire, il résumait tout, de dire « Baudelaire et Moi !  […] cependant qu’au n° du 19 Mars du « Chat Noir » nous relevons une spirituelle, originale — et compréhensive — parodie signée de Pierre Mille46, à ses débuts. […] Sur la matité de sa chair serrée et polie au grain dur de marbre, de fines moustaches noires tranchaient  le front casqué d’épais cheveux en brosse, et, derrière le lorgnon, des yeux fiers. […] Des séraphins en pleurs Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs Vaporeuses, tiraient de mourantes violes De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles… Mais en Mallarmé ne se retrouvaient point les visions de noir et d’inquiétant tourment dont s’émeut l’impassibilité de Leconte de Lisle.

914. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Laforgue avait terminé ses jolies Complaintes, si tendrement, si généreusement angoissées ; Cros montait tous les jours vers le Chat noir, il y avait suivi les Hydropathes et se laissait sombrer. […] Elle avait reçu des adhésions et des sympathies multiples, entre autres hors frontières celle d’Émile Verhaeren, alors le poète des beaux alexandrins des Flamandes et des Flambeaux noirs. […] Au lieu des mariniers et des bourgeois riches, en file heureuse, des pauvresses en longues mantes noires, des paysans en blouses bleues et des prêtres noirs marchaient sur les dalles silencieuses du quai, où autrefois la bonne Muse avait vu tant de richesses sur les galiotes, tant de velours et d’or sur les femmes et de si belles plumes à la toque des hommes ; et la Muse avait les cheveux gris. […] Lise est une fille qui aima : la voici dans l’église sous le drap noir. […] A noir, E blanc, I rouge, O bleu, U vert.

915. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

À mesure que le ciel rose allait s’élargissant, les hautes maisons inclinées sur les pentes du terrain se haussaient, se tassaient, telles qu’un troupeau de chèvres noires qui descend des montagnes. […] S’il n’a pas l’ampleur, la puissance, la pleine pâte du Serpent Noir, il l’égale par la maîtrise du métier, par la délicatesse des demi-teintes, par le modelé léger et fluide des personnages. […] À l’écart, en dehors des lices, cent pas plus loin, il y avait un grand taureau noir muselé, portant un cercle de fer à la narine et (11) qui ne bougeait pas plus qu’une bête de bronze. […] Méthode non moins légitime quand il s’agit de repérer, après le fil blanc, le fil noir dont tel écrivain ingénieux se sert pour en faire accroire à la postérité : on ne reprochera pas à M.  […] Je veux dire la littérature, l’acte de mettre du noir sur du blanc et de publier, se prenant lui-même comme matière à approfondir et comme objet à réfléchir.

916. (1885) L’Art romantique

Quant au noir artificiel qui cerne l’œil et au rouge qui marque la partie supérieure de la joue, bien que l’usage en soit tiré du même principe, du besoin de surpasser la nature, le résultat est fait pour satisfaire à un besoin tout opposé. Le rouge et le noir représentent la vie, une vie surnaturelle et excessive ; ce cadre noir rend le regard plus profond et plus singulier, donne à l’œil une apparence plus décidée de fenêtre ouverte sur l’infini ; le rouge, qui enflamme la pommette, augmente encore la clarté de la prunelle et ajoute à un beau visage féminin la passion mystérieuse de la prêtresse. […] Ce qui les rend précieuses et les consacre, c’est les innombrables pensées qu’elles font naître, généralement sévères et noires. […] C’est, si commode de promener une aiguille sur cette planche noire qui reproduira trop fidèlement toutes les arabesques de la fantaisie, toutes les hachures du caprice ! […] Tous les enfants parlent à leurs joujoux ; les joujoux deviennent acteurs dans le grand drame de la vie, réduit par la chambre noire de leur petit cerveau.

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