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1391. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Ce n’est qu’un travers d’esprit où l’honnêteté du cœur n’est point engagée ; mais, la question de moralité une fois écartée, reste la question d’art, et ici la critique peut à bon droit se montrer sévère. […] Frédéric Hebbel, qui donne aussi beaucoup trop de place à la physiologie dans ses poétiques études, a montré Judith sur la scène au moment où elle sort de la tente d’Holopherne. […] Si je m’arrête à ce mot un instant, c’est pour montrer l’espèce d’emphase particulière à l’auteur de Salammbô.

1392. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Bonsoir le plaisir de cette nuit, et, les nerfs montés, il nous vient des idées d’exil volontaire, et la tentation d’aller fonder en Belgique un journal, où nous montrerons aux gouvernants du moment, que nous avons certaines qualités de pamphlétaires. […] Hier il a ouvert son secrétaire devant des amis, leur a montré quinze cents vrais billets de cent francs, les a feuilletés plusieurs fois, a soupiré… et les a fait rentrer dans le tiroir où ils étaient, en disant : « Je sais que je vous dois à tous de l’argent, mais c’est une drôle de chose, ça m’ennuie de vous le rendre ! […] Où aboutira cette grande avenue de l’histoire qui n’est plus qu’une avenue de monarques, de reines, de ministres, de capitaines, de pasteurs de peuples, montrés dans leurs ordures et leurs misères humaines, — de Rois passant au conseil de révision ?

1393. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Or ce n’est pas au hasard, nous l’avons montré, que la pensée revêt l’une ou l’autre de ces deux formes ; si l’imagination est pour quelque chose dans la vivacité du phénomène, ce qui est le cas le plus fréquent, l’apparence extérieure est naturelle, parce que l’extériorité réelle aurait sa raison d’être. […] Différents rôles des images dans la vie psychique ; rôle spécial de la parole intérieure L’originalité de la parole intérieure parmi les pseudo-sensations vient moins de sa nature propre que de son rôle ; que la parole ait son écho dans l’âme comme les autres sensations, c’est là un fait qui n’a rien de nouveau ni d’extraordinaire ; mais la parole intérieure, nous l’avons montré, est plus qu’un écho, plus qu’un souvenir, plus même qu’une imitation de la parole extérieure. […] Semblable à une statue ailée qui délaisserait son piédestal inutile et s’élèverait dans les airs pour aller puiser dans l’atmosphère une vie nouvelle et supérieure, l’image de la sensation a rompu sans violence avec ses origines matérielles ; appelée par une destinée plus noble, elle s’est tournée vers les régions supérieures de l’être ; désormais elle existe et se maintient, sinon pour et par elle-même, du moins pour et par la seule pensée ; et elle vit alors d’une vie si intense qu’elle peut même, — l’étude du sommeil le montrerait, — être dissociée d’avec la pensée sans subir pour cela un anéantissement passager, comme si l’être ailé, ayant dépassé les limites de l’atmosphère, volait encore d’un vol automatique, soutenu par son impulsion première.

1394. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Son caractère d’artiste nous est montré par plusieurs traits tout à fait essentiels, tout à fait caractéristiques, et qui sont marqués chez lui d’une façon absolument manifeste, absolument évidente. […] Donc, voici ce que La Fontaine lui disait avec sa grâce coutumière et avec tout le talent qu’il montra souvent : … Il admira les traits de la fille de l’onde. […] Ils sont atteints par les maladies, par la vieillesse et par la mort, mais ils ne sont pas atteints par ce détraquement d’un esprit, d’une cervelle que nous avons trop tenaillée, que nous avons trop exploitée, que nous avons trop tirée dans tous les sens… Donc La Fontaine savait que les animaux, non seulement étaient nos frères inférieurs pour lesquels nous devrions nous montrer généreux, mais encore des êtres qui pourraient, au besoin, nous apprendre quelque chose, et c’est précisément pour cela qu’il a fait ses Fables, dont nous aurons bientôt le plaisir de nous entretenir.

1395. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Encore une fois, voilà ce qu’à propos de Virgile Sainte-Beuve nous a montré avec une rare faculté d’observation et des accents qui montent jusqu’à l’éloquence. […] Seulement, pendant que l’on trifouille encore de partout la vie, le testament, les petits papiers de ce Tallemant des Réaux de la Critique, qui a mis au monde et à la mode les critiquaillons à petits faits et à petites histoires qui vont le montrer à la pointe de leurs aiguilles comme un insecte des plus curieux, nous voulons placer ici un mot définitif et littéraire et un jugement d’ensemble sur son esprit et ses travaux. […] Il n’en est pas un seul où il se soit montré le critique, dans toute la portée et la plénitude de ce mot.

1396. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan exalte la gloire et la puissance futures, ne s’est pas montré très chaud. […] Renan, et il a de si longues portées, que ce pourrait être une charmante et sublime malice contre le pauvre Christianisme humilié, que de lui montrer et de lui opposer un prince païen qui valait bien, certes ! […] À part le sacrilège du sujet, il s’y montra un écrivain assez semblable au Jésus qu’il avait inventé, coquet, soigné, presque joli.

1397. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Si Michelet avait eu un califourchon moins funeste, s’il avait ajouté un scandale au premier, si, dans ce livre, écrit pour les femmes, il était descendu un peu plus avant en ces détails physiquement immondes, qu’il a une fois traversés, pour nous montrer où, selon sa science, gît l’amour, nous n’eussions pas ajouté au scandale en nous révoltant contre son éclat et nous nous serions tu, ne sachant pas d’ailleurs de quelle langue nous servir pour répéter honnêtement les choses que Michelet nous dit hardiment de sa jeune et innocente bouche scientifique, faite d’un bronze récemment coulé. […] Avant Michelet, jamais flamme plus échevelée ne passa dans l’Histoire, pour y montrer… ce qui n’y est pas. […] Michelet, qui descend de Rousseau comme tous les sophistes de cet âge, mais qui, dans ses derniers livres, s’est mâtiné de Proudhon, a, dans ce livre de Nos Fils, montré contre le péché originel les colères vexées d’un connaisseur en innocences.

1398. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Blasé de grâce et de décence, écœuré de ce bonbon qu’on lui fait manger depuis des années, Octave Feuillet a voulu montrer que l’internellement gracieux et décent pouvait très bien être fort, si cela lui plaisait, — et même pas trop décent. […] Jusque-là il n’était dans son livre qu’un homme de son livre, et cela donnait à son livre une perfection de vulgarité sous élégance commune qui ne laissait rien à désirer, mais il va nous fausser son ouvrage, vrai parce qu’il n’y invente rien, et faux dès qu’il veut s’y montrer inventeur. […] … Le caractère rompu peut se ressouder, la passion reprendre si elle est profonde… Et c’est ici qu’il y a une marquise de Talyas à montrer qui n’est pas sortie de celle de Feuillet ; qui n’est pas plus sortie que la scène du commencement du roman, restée en puissance une si belle chose !

1399. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Les feuilletonistes montrent ainsi un sens très exact de la psychologie populaire. […] Après s’être montrés les parrains les plus castillans et les plus entichés d’héraldique, les romanciers, d’un mouvement presque unanime, se sont appliqués à supprimer les particules et à distribuer autour d’eux des noms moins sonores. […] Ne serait-ce pas faire œuvre bien utile et bien haute que de montrer le combat perpétuel entre l’égoïsme et la pitié dans une âme ; le trouble de conscience par où peuvent passer ceux qui s’étonnent de dépenser tant de justice sans récolter de reconnaissance, et d’essayer de dire le remède, puisque la souffrance est souvent double ici, et qu’on la trouve chez le patron qui cherche et chez l’ouvrier qui se plaint ?

1400. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Ce fut même ce prince, sujet de la Porte, qui vint rassurer, ou épouvanter Constantinople, et montrer à Sélim, comme un dernier secours, les seuls vaisseaux ottomans échappés à la ruine commune. […] Le Seigneur, qui a montré sa forte main pour la foi de son prince chrétien, et qui, pour la gloire de son saint nom, accorde à son Espagne ce triomphe. […] L’immense et contradictoire incident qui nous a montré naguère l’empire turc protégé par une croisade partielle de l’Occident, le langage que l’orthodoxie même a pris quelquefois dans cette cause, par défiance d’un schisme bien moins éloigné d’elle que la barbarie du Coran, tout cela n’est qu’un retard et point un obstacle à l’œuvre inévitable du temps, à la dette sacrée de la Providence, à l’épuration des frontières orientales de l’Europe, au défrichement nouveau des rivages de l’Asie-Mineure, de cette banlieue de l’Europe si fertile jadis sous la liberté grecque et même sous l’empire romain.

1401. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Homère ne nous l’a pas montrée, Hélène, moins belle qu’au temps où elle fut le plus belle. […] Il a beaucoup d’esprit ; et, plutôt que de le montrer, il le cacherait : mais il le laisse voir. […] Ils ne font rien ; ou, si par mégarde ils font quelque chose, l’auteur ne manque pas de nous montrer qu’ils ont tort. […] Juliette avait grand soin de montrer la fine délicatesse de ses sentiments. […] … » Et il montrait à Chincholle ses feuillets où l’encre séchait à peine : « Tenez !

1402. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Je suis sûr que ces petits vers, si l’enfant les lui montra, ne déplurent point au bon M.  […] À cause de cela, on faisait plus de cas des lettres, et de celles qu’on écrivait, et de celles qu’on recevait, et qu’on montrait volontiers à ses amis et connaissances. […] La sienne est des premières, et il me l’a montrée tantôt à une fenêtre, comme nous revenions de la procession, car elle est huguenote, et nous n’ayons point de belle catholique. […] Je veux partir ; pourquoi vous montrer à ma vue ? […] Et alors Racine cherche… Il veut montrer que, lui aussi, il est capable de grandes vues et de belles discussions et délibérations historico-politiques.

1403. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Le soir que je fus présenté à Verlaine, il n’était ivre qu’au point de montrer la plus généreuse cordialité. […] Nous autres, pour mieux montrer ce qu’il y a d’indécis et d’indéterminé dans la nature, nous négligeons de finir nos tableaux. […] Celui-ci, n’y tenant plus, veut montrer que les gens de sa race savent cracher aussi. […] J’essayerais de montrer l’utilité de ces menus travaux, si un disciple de M.  […] Tenez, pour vous montrer, par un exemple, ce qu’est M. 

1404. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

En toute circonstance, il offre pour preuve un texte de l’Écriture ; son audace est de se montrer grammairien hardi, commentateur héroïque. […] Milton les montra « étalés et se chauffant au soleil de la richesse et de l’avancement » comme une couvée de reptiles impurs. « La lie empoisonnée de leur hypocrisie, mêlée en une masse pourrie avec le levain aigri des traditions humaines, est l’œuf de serpent d’où éclora quelque part un antechrist aussi difforme que la tumeur qui le nourrit459. » Tant de grossièretés et de balourdises étaient comme une cuirasse extérieure, indice et défense de la force et de la vie surabondantes qui remplissaient ces membres et ces poitrines de lutteurs. […] Bientôt paraissent des chants tristes sur la mort d’un jeune enfant, sur la fin d’une noble dame ; puis de graves et nobles vers sur le Temps, à propos d’une musique solennelle, sur sa vingt-troisième année, « printemps tardif qui n’a point encore montré de boutons ni de fleurs. » Enfin le voici à la campagne chez son père, et les attentes, les rêveries, les premiers enchantements de la jeunesse s’exhalent de son cœur, comme en un jour d’été un parfum matinal. […] Dans son œuvre, on reconnaît deux Angleterres : l’une passionnée pour le beau, livrée aux émotions de la sensibilité effrénée et aux fantasmagories de l’imagination pure, sans autre règle que les sentiments naturels, sans autre religion que les croyances naturelles ; volontiers païenne, souvent immorale ; telle que la montrent Ben Jonson, Beaumont, Fletcher, Shakspeare, Spenser, et toute la superbe moisson de poëtes qui couvrit le sol pendant cinquante ans ; l’autre munie d’une religion pratique, dépourvue d’invention métaphysique, toute politique, ayant le culte de la règle, attachée aux opinions mesurées, sensées, utiles, étroites, louant les vertus de famille, armée et roidie par une moralité rigide, précipitée dans la prose, élevée jusqu’au plus haut degré de puissance, de richesse et de liberté. […] Pour atteindre cette gloire, la seule voie est de montrer que, comme vous avez vaincu vos ennemis par la guerre, de même vous pouvez dans la paix, plus courageusement que tous les autres hommes, abattre l’ambition, l’avarice, le luxe, tous les vices qui corrompent la fortune prospère et tiennent subjugués le reste des mortels, —  et que vous avez pour conserver la liberté autant de modération, de tempérance et de justice que vous avez eu de valeur pour repousser la servitude. » 447.

1405. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Bossuet est si assuré de ne pas trop s’attacher à la figure de ce monde qui passe, qu’il n’a pas peur de se montrer sensible à tout ce que l’homme y fait de grand. […] Dans aucun autre des ouvrages de Bossuet le penseur n’a montré plus de force d’esprit, et l’écrivain n’a déployé plus de qualités. […] Il offrait de tout quitter, même sa place de précepteur, à la seule condition qu’on lui montrât clairement par où il avait failli. […] Lui montrait-on qu’il s’était contredit en soutenant deux propositions opposées et également absolues : l’une des deux, disait-il, ne devait être entendue qu’au sens relatif. […] Leibniz montra beaucoup de savoir, d’habileté, de tact, et trouva tout ce que peut suggérer de plus solide la défense du sens propre.

1406. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Il ne le leur laissera pas ignorer, mais il leur montrera son venin. » Ainsi parle M.  […] Alors elle désigna une poupée d’un air tendre et me la montra sans rien dire. […] Cependant voici des faits qui nous montrent la question plus complexe. […] L’expérience, la raison et le bon goût nous montrent là un moyen de vie et de santé supérieur aux échanges de séné et de casse. […] Les mystères sont une façon pour les clercs, qui savent lire, de montrer la Bible à ceux qui ne savent pas lire.

1407. (1901) Figures et caractères

La critique a droit à des intimités illustres, mais elle doit s’en montrer digne. […] Mabilleau montra du soin, de la perspicacité et de la méthode. […] Montrez-moi Œdipe. […] Il montra un très louable souci du métier poétique. […] Il faudrait maintenant vous montrer ce que chacun en a réalisé dans son œuvre.

1408. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LX » pp. 231-236

Dans la première il se borne à montrer que mes conclusions sont trop absolues et qu’on peut y opposer quelques considérations propres à les affaiblir.

1409. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

— Ce même n° de la Revue des Deux Mondes peut montrer combien l’invention devient rare et combien la critique est obligée de se replier et de vivre sur soi : ce sont des amis qui se prennent à parti et s’analysent : Lerminier sur Quinet, Rémusat sur Jouffroy, Sainte-Beuve sur Daunou. — Nous faisons cette remarque, non point pour nous plaindre, car nous nous accommodons très-bien de ces judicieux et ingénieux retours, mais il est impossible de ne pas voir que la critique, qui a besoin de pâture et qui ne trouve guère où fourrager, se replie en pays ami.

1410. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

La pauvre mère ne sait que montrer la terre qui recouvre son enfant et s’écrier en son idiome natal, Alkanaa, Alkanaa !

1411. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note III. Sur l’accélération du jeu des cellules corticales » pp. 400-404

Des femmes pâles, échevelées, se montraient silencieuses aux fenêtres et disparaissaient ; des gémissements sourds, inarticulés, remplissaient l’air, et j’étais seul dans la rue, seul, immobile de terreur, et sans force pour chercher mon salut dans la fuite.

1412. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre premier. Du rapport des idées et des mots »

Ce travail achève l’invention et crée le style : les choses, rapprochées, se limitent, se déterminent, se précisent ; les mots qui les représentaient font place à d’autres qui les montrent mieux.

1413. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 23-32

Pour montrer combien il respecte la Magistrature, il dit du Parlement de Paris, que c’est un Corps d’assassins, & cite en toutes lettres deux de ses Membres les plus respectables & les plus vénérés du Public, comme les auteurs d’un jugement, qu’il appelle atroce.

1414. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

Nous pourrions nous dispenser d'ajouter au mérite de Rousseau, l'idée des talens qu'il montra pour le Théatre.

1415. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 22, quelques remarques sur la poësie pastorale et sur les bergers des églogues » pp. 171-178

Nos galans porte-houlettes sont paîtris de métaphisique amoureuse ; ils ne parlent d’autre chose, et les moins délicats se montrent capables de faire un commentaire sur l’art qu’Ovide professoit à Rome sous Auguste.

1416. (1912) L’art de lire « Chapitre XI. Épilogue »

On a dit qu’il ne trompe pas ; j’ai montré qu’il trompe souvent, puisque, par notre faute, à la vérité, il ne paraît pas du tout le même au bout d’un certain temps et nous déçoit.

1417. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVII »

En pratique, les opinions qu’on me reproche ne sont pas si extrêmes, et je crois, au contraire, avoir fait des concessions et montré de la mesure.

1418. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Remarque finale. Le Temps de la Relativité restreinte et l’Espace de la Relativité généralisée »

Une étude de la Relativité généralisée, parallèle à celle que nous avons faite de la Relativité restreinte, montrerait que la réduction de la gravitation à l’inertie a justement été une élimination des concepts tout faits qui, s’interposant entre le physicien et son objet, entre l’esprit et les relations constitutives de la chose, empêchaient ici la physique d’être géométrie.

1419. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Ils ne sont point frappés par la magnificence de la nature, ils n’en voient guère que les jolis aspects ; ils peignent la beauté d’une femme d’un seul trait qui n’est qu’aimable en disant « qu’elle est plus gracieuse que la rose en mai. » Ils ne ressentent pas ce trouble terrible, ce ravissement, ce soudain accablement de cœur que montrent les poésies voisines ; ils disent discrètement « qu’elle se mit à sourire, ce qui moult lui avenait. » Ils ajoutent, quand ils sont en humeur descriptive : « qu’elle eut douce haleine et savourée », et le corps aussi blanc « comme est la neige sur la branche quand il a fraîchement neigé. » Ils s’en tiennent là ; la beauté leur plaît, mais ne les transporte pas. […] Comment les idées s’ordonnent, voilà ce que nous avons enseigné à l’Europe ; quelles sont les idées agréables, voilà ce que nous avons montré à l’Europe : et voilà ce que nos Français du onzième siècle vont pendant cinq cents ans, à coups de lance, puis à coups de bâton, puis à coups de férule, enseigner et montrer à leurs Saxons. […] À côté d’eux, les récits authentiques la montrent à l’œuvre. […] Nos rois, ont livré avec eux huit batailles, et se tenaient dans leurs rangs qui formaient l’infanterie de nos armées, tandis que les rois de France se tenaient au milieu de leur cavalerie ; le prince montrait ainsi des deux parts où était la principale force. » De pareils hommes, dit Fortescue, peuvent faire un vrai jury, et aussi voter, résister, s’associer, accomplir toutes les actions par lesquelles subsiste un gouvernement libre ; car ils sont nombreux dans chaque canton ; ils ne sont point « abrutis », comme les paysans craintifs de France ; ils ont leur honneur et celui de leur famille à conserver », ils sont bien approvisionnés d’armes, ils se souviennent qu’ils ont gagné des batailles en France160. […] Comme une énorme et longue roche qui fait le fond du sol et pourtant n’affleure que de loin en loin, elles ne se montrent qu’à peine.

1420. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Cependant il se montrait aussi âprement révolutionnaire en politique qu’en morale. […] Il y a un moyen sûr d’attirer la foule autour de soi, c’est de crier fort ; avec des naufrages, des siéges, des meurtres et des combats, on l’intéressera toujours ; montrez-lui des forbans, des aventuriers désespérés : ces figures contractées ou furieuses la tireront de sa vie régulière et monotone ; elle ira les voir comme elle va aux théâtres du boulevard et par le même instinct qui lui fait lire les romans à quatre sous. […] Néanmoins c’est le Steinbach et la Jungfrau, et quelque chose d’autre encore, bien plus que Faust, qui m’ont fait écrire Manfred. » — « L’œuvre est si entièrement renouvelée, ajoutait Gœthe, que ce serait une tâche intéressante pour un critique de montrer non-seulement les altérations, mais leurs degrés. » Parlons-en donc tout à notre aise : il s’agit ici de l’idée dominante du siècle, exprimée de manière à manifester le contraste de deux maîtres et de deux nations. […] Comment lui montrer ses dieux, les dieux modernes ? […] Leur substance incessamment va se dissolvant et se reformant, pour montrer et cacher tour à tour l’idée qui l’emplit.

1421. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Il n’y a pas lieu de le reprocher à son biographe, qui a voulu se montrer historien exact et impartial, et qui a écrit néanmoins un très beau livre. […] Augustin Filon, dans la Revue Bleue, se montra sévère. […] Octave Mirbeau a été d’un réfractaire. » En 1883, il avait trente-trois ans, et le réfractaire tardait encore à se montrer. […] Il aime à montrer en posture fâcheuse les cadis, qui ont pour mission de défendre les bonnes mœurs et de surveiller les délinquants. […] C’est sa généreuse habitude de défendre les vaincus : il l’a montré lors de la guerre de Cuba et de celle du Transvaal.

1422. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Ces notes nous montrent que Vinet lisait, pensait, écrivait avec une certaine rapidité. […] Plus tard il se montra plus sévère, mais la question d’authenticité ne se posa pas pour lui. […] Après cela, je n’ai voulu dans les pages qui précèdent que montrer combien le sage et prudent Vinet était demeuré étranger à cette mirifique histoire d’un faux qui n’en est pas un. […] Le gros volume auquel vous vous montrez si indulgent a été ainsi repêché à grand’peine de cette espèce de naufrage quotidien. […] Il peut servir à montrer combien le cœur, en certaines matières, observe mieux et plus profondément que l’esprit.

1423. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Il montra les erreurs qu’ils avoient accréditées dans leur nation. […] La princesse de Galles se contenta de montrer les Observations critiques au fameux curé de S. […] Celui-ci en parut enchanté ; prit, sur le champ, un cahier qu’il lui montra, & lui dit : Lisez, voilà précisément qu’elle est ma pensée. […] Paul V voulut que les jésuites fussent aggresseurs à leur tour, & montrassent les côtés foibles de la prémotion physique : cet ordre fut exécuté parfaitement. […] Cette privation leur fut sensible, mais elle ne leur ôta point le courage : une d’entr’elles mourut de chagrin, pour avoir montré quelque inconstance & donné une rétractation passagère.

1424. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Leur préoccupation de leur personne leur dérobait la vue des progrès de la science ; et, il faut bien le dire, jamais poètes au monde, pas même Racine ou Boileau, ne s’étaient montrés moins curieux, plus insouciants de tout ce qui n’était pas leur art, — de mécanique ou d’astronomie, de physique ou de chimie, d’histoire naturelle ou de physiologie, d’histoire et de philosophie, — que les Lamartine, les Hugo, les Musset, les Dumas, les Gautier. […] On n’aurait pas de peine à montrer que, dans le même temps, l’histoire elle aussi s’inspirait du même esprit ; et on n’aurait besoin d’appeler en témoignage que l’Histoire des Girondins, de Lamartine, qui faisait émeute, pour ainsi dire, en 1847 ; la Révolution de Michelet ; ou celle de Louis Blanc, dont les premiers volumes sont de la même année. […] C’est ainsi que Renan n’a jamais voulu convenir, ne s’est jamais douté peut-être à quel point il était pénétré de l’esprit d’Auguste Comte ; et Taine, qui se faisait gloire au contraire d’être positiviste, à travers la philosophie de Stuart Mill, ne s’étonnait pas seulement, on l’affligeait, quand on lui montrait quelles œuvres sont sorties de son Essai sur Balzac, 1858, et de son Histoire de la littérature anglaise, 1863. […]   C’est ce que j’essaierais de montrer, si je le pouvais ; je veux dire si, dans ce Manuel de l’histoire de la littérature française, je n’avais dû m’imposer la loi de n’apprécier personne de vivant. […] Étude de femme ; La Femme de trente ans ; Autre étude de femme ; L’Usurier Gobseck] ; — dans lesquelles à peine s’est-il soucié de faire « de la littérature ou de l’art » ; — mais de montrer « l’animal » tel qu’il l’avait observé. — Personne autant que lui n’a donné d’attention à la reconstitution des milieux [Cf. 

1425. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Sophocle, tout fécond qu’il semble avoir été, tout humain qu’il se montra dans l’expression harmonieuse des sentiments et des douleurs, Sophocle demeure si parfait de contours, si sacré, pour ainsi dire, de forme et d’attitude, qu’on ne peut guère le déplacer en idée de son piédestal purement grec. […] On conçoit jusqu’à cet effroi naïf du janséniste Baillet qui, dans ses Jugements des Savants, commence en ces termes l’article sur Molière : « Monsieur de Molière est un des plus dangereux ennemis que le siècle ou le monde ait suscités à l’Église de Jésus-Christ, etc. » Il est vrai que des religieux plus aimables, plus mondains, se montraient pour lui moins sévères. […] Sganarelle, que le Cocu imaginaire nous avait montré pour la première fois, reparaît et se développe par l’École des Maris  ; Sganarelle va succéder à Mascarille dans la faveur de Molière. […] Tous les grands dramatiques, quelques-uns même fabuleux en cela, ont montré cette fertilité primitive de génie, une fécondité digne des patriarches. […] Ginguené a publié une brochure pour montrer Rabelais précurseur et instrument de la Révolution française ; c’était inutile à prouver sur Molière.

1426. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Regardez de tous côtés dans toute l’assemblée des écrivains anglais, et je vous défie d’y montrer un seul exemple de vulgarité, ou d’envie, ou de présomption. —  Hommes et femmes, tous, autant que j’en connais, sont modestes dans leur maintien, élégants dans leurs manières, irréprochables dans leur vie, et honorables dans leur conduite soit entre eux, soit à l’égard du monde. —  Il n’est pas impossible peut-être que (par hasard) vous entendiez un littérateur dire du mal de son frère ; mais pourquoi ? […] C’est le devoir du critique de montrer les défauts aussi bien que les mérites, et invariablement il accomplit son devoir avec la plus entière sincérité et la plus parfaite douceur. —  Le sentiment de l’égalité et de la fraternité entre les auteurs m’a toujours frappé comme une des plus aimables qualités distinctives de cette classe. […] Il a escroqué de l’argent dans son régiment, « montré sa plume blanche1358 », et, après avoir couru tous les billards de l’Europe, s’est vu déposer en prison par des créanciers discourtois. […] Il est bien cruel à elle de ne pas me montrer plus de confiance ! […] L’auteur laisse de parti pris cent nuances fines qu’il aurait pu découvrir et nous montrer.

1427. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Comme talent d’écrire (bien que Ramond en ait montré dans ses autres ouvrages), il n’y a pas de comparaison à faire entre le Peintre de Saltzbourg et le roman alsacien ; mais c’est le même fonds de sentimentalité. […] Et d’abord, si sincère qu’il se montrât dans le transport d’expression de ses douleurs juvéniles, il était trop poëte pour que son imagination, à certains moments, ne les lui exagérât point beaucoup, et, à d’autres moments aussi, ne les vint pas distraire et presque guérir. […] Il faut tout dire : le bon chevalier Croft, qui n’était pas tout à fait sir Grove, se montra un peu jaloux de son élève et du succès de cette brochure populaire, comme il la qualifia non sans quelque intention de dédain : sur deux ou trois points de textes comparés, il revendiqua même, à mots couverts, la priorité de la note. […] Le petit volume de Poésies qu’il publia en 1827 vint montrer tout ce qu’il aurait pu, s’il avait concentré ses facultés de grâce et d’harmonie en un seul genre, et combien cette admiration fraternelle qu’il prodiguait autour de lui était négligente d’elle-même et de ses propres trésors par trop dissipés.

1428. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Dans l’état où il est réduit, il n’a pas même le triste bonheur de s’ignorer ; il faut qu’il se contemple sans cesse, et il ne peut se contempler sans rougir ; sa grandeur même l’humilie, puisque ses lumières, qui l’élèvent jusqu’à l’ange, ne servent qu’à lui montrer dans lui des penchants abominables qui le dégradent jusqu’à la brute. […] Il sait combien la tête du requin ou du cachalot lui fournira de barriques d’huile ; son épingle déliée pique sur le carton des musées l’élégant papillon qu’il a saisi au vol sur le sommet du mont Blanc ou du Chimboraço ; il empaille le crocodile, il embaume le colibri ; à son ordre le serpent à sonnettes vient mourir dans la liqueur conservatrice qui doit le montrer intact aux yeux d’une longue suite d’observateurs. […] Pour se faire suivre par des millions d’hommes il n’appela point à son aide l’ivresse et la licence ; il ne s’entoura point de bacchantes impures : il ne montra qu’une croix ; il ne prêcha que la vertu, la pénitence, le martyre des sens. […] Or voilà le danger ; car la femme ne peut être savante impunément qu’à la charge de cacher ce qu’elle sait avec plus d’attention que l’autre sexe n’en met à le montrer.

1429. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Il veut que l’on se prête aux modifications successives amenées par le temps, sans jamais rompre catégoriquement avec son passé, mais sans en être l’esclave ; il veut que, sans le renier, on sache l’expliquer au sens nouveau, et montrer la part de vérité mal définie qu’il contenait. […] Elle semble, en effet, nous montrer le peuple le plus lettré succombant toujours sous le peuple le plus barbare : Athènes sous la Macédoine, la Grèce sous les Romains, les Romains sous les barbares, les Chinois sous les Mandchous. […] L’antiquité n’ayant jamais compris le grand objet de la culture lettrée et l’ayant toujours envisagée comme un exercice pour apprendre à bien dire, il n’est pas étonnant que les âmes fortes de ce temps se soient montrées sévères pour la petite manière des rhéteurs et l’éducation factice et sophistique qu’ils donnaient à la jeunesse. […] La réflexion ne s’est point encore montrée créatrice.

1430. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Tout concourait, depuis cent cinquante ans, dans la religion, dans la politique, dans les armes, dans l’éducation publique, dans la direction des lettres et des arts, à élever la France à une de ces époques de civilisation, de gloire, de paix, de loisir et de luxe d’esprit où les nations font halte un instant, comme le soleil à son zénith, pour concentrer tous leurs rayons en un foyer de splendeur active et pour montrer au monde ce que peut être un peuple parvenu à sa dernière perfection de croissance d’unité et de génie. […] Nous montrerons ce que ce génie éclectique et appropriateur a emprunté à ses émules de l’antiquité grecque et latine, et en quoi le sublime imitateur a égalé et surpassé ses modèles. […] XIV Racine ne se montra pas, dans ses essais de discours, plus égal à la haute éloquence qu’à la grande histoire. […] En vain ils s’uniraient pour lui faire la guerre : Pour dissiper leur ligue il n’a qu’à se montrer ; Il parle, et dans la poudre il les fait tous rentrer.

1431. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Je montrai mon billet d’introduction au concierge ; je montai, le cœur palpitant, les cinq étages d’escaliers de bois ciré et luisant qui conduisaient au seuil du grand homme. […] » Après ces mots elle se retira avec la même fougue qu’elle avait montrée en entrant. […] J’ignore si de Dieu l’ange se dévoilant Est venu lui montrer un glaive étincelant ; Mais sa langue en sa bouche à l’instant s’est glacée, Et toute son audace a paru terrassée. […] C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit ; Ma mère Jézabel devant moi s’est montrée, Comme au jour de sa mort pompeusement parée ; Ses malheurs n’avaient point abattu sa fierté ; Même elle avait encor cet éclat emprunté.

1432. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Les anciens monumens, que Tacite résume, nous montrent les différentes peuplades germaniques répandues sur la surface d’un vaste territoire qu’elles occupent plutôt qu’elles ne le fertilisent. […] C’est à la fin de la Critique qu’il convient d’ajourner cette discussion, et nous n’avons signalé les prétentions de Kant à cet égard que pour montrer l’étendue et la hardiesse de son dessein. […] Si l’expérience n’avait jamais montré de meurtre, l’esprit n’aurait jamais eu l’idée d’un meurtrier ; c’est donc l’expérience et l’expérience seule qui peut ici avoir fourni la matière de la connaissance. […] Mais quand je porte cet autre jugement quelque changement qui puisse jamais arriver, ce changement a nécessairement une cause ; non seulement ce jugement anticipe l’expérience à venir, mais il ne repose sur aucune expérience passée, car l’expérience peut bien montrer que tel changement a telle cause, mais nulle expérience ne peut enseigner qu’il en est ainsi nécessairement.

1433. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Telle est la question, la double question que font naître ces œuvres de Poe, dispersées d’abord par le traducteur, et qu’il va nous montrer dans leur ensemble. […] Tout ce qui tient à la, brutalité sourde de cette société américaine, qui se soucie bien d’un grand poète et le brise aussi indifféremment qu’une machine coupe le sein à une jeune fille, Baudelaire nous l’a montré avec une vérité admirable et un sentiment indigné de lion qui gronde… Mais ôtez la victime sociale et la splendeur de ses bandelettes, vous n’avez plus rien dans son histoire ! […] Pour mieux montrer l’abjection de la Bohème littéraire, nous choisirons son plus beau cadavre. […] On ne l’a pas assez remarqué non plus : l’amour de la femme, chez Edgar Poe, a plutôt l’aspect d’une vision céleste que la réalité dense d’une créature humaine à prendre vulgairement dans ses bras… Et voilà ce qu’Émile Hennequin nous a montré dans sa Vie : — l’originalité d’une nature qui est l’explication des derniers désordres et du dernier vice d’Edgar Poe.

1434. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Et tout d’abord, à propos de cette impertinente appellation, le bourgeois, nous déclarons que nous ne partageons nullement les préjugés de nos grands confrères artistiques qui se sont évertués depuis plusieurs années à jeter l’anathème sur cet être inoffensif qui ne demanderait pas mieux que d’aimer la bonne peinture, si ces messieurs savaient la lui faire comprendre, et si les artistes la lui montraient plus souvent. […] Eugène Devéria, et chaque fois qu’il prend à cette vieille gloire romantique la fantaisie de se montrer au jour, ils l’ensevelissent dévotement dans la Naissance de Henri IV, et brûlent quelques cierges en l’honneur de cette ruine. […] Victor Robert Voilà un tableau qui a eu du guignon ; — il a été suffisamment blagué par les savants du feuilleton, et nous croyons qu’il est temps de redresser les torts. — Aussi quelle singulière idée que de montrer à ces messieurs la religion, la philosophie, les sciences et les arts éclairant l’Europe, et de représenter chaque peuple de l’Europe par une figure qui occupe dans le tableau sa place géographique ! […] Sculptures Bartolini Nous avons le droit de nous défier à Paris des réputations étrangères. — Nos voisins nous ont si souvent pipé notre estime crédule avec des chefs-d’œuvre qu’ils ne montraient jamais, ou qui, s’ils consentaient enfin à les faire voir, étaient un objet de confusion pour eux et pour nous, que nous nous tenons toujours en garde contre de nouveaux pièges.

1435. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Royer-Collard ne le lui pardonna jamais ; plus de vingt ans après, il montrait Jouffroy recevant sa réprimande, « assis là, à cette place que vous voyez », et il rappelait les larmes qu’il lui avait fait verser. […] Riaux, dans Le Moniteur du 17 juillet 1853, s’est attaché à montrer M. 

1436. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Je tâcherai de le faire ici, non pas en zigzag, mais avec suite et méthode, de manière à montrer à tous en quoi consistent l’innovation et l’espèce de découverte réelle du charmant artiste genevois. […] Et revenant aux peintres flamands, il s’attache à montrer que leur faire n’est pas, comme on l’a dit, toute réalité, mais bien plutôt tout expression ; que ce faire est « plus fin, plus accentué, plus figuré, plus poétique qu’aucun autre, et si éloigné d’être servilement imitatif de la nature, que c’est par lui au contraire que nous apprenons à voir, à sentir, à goûter dans une nature, d’ailleurs souvent ingrate, ce même charme que respirent les églogues de Théocrite et de Virgile ».

1437. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Comme dans la comédie de Marivaux, L’Heureux Stratagème, Marianne est tentée par moments d’user de représailles, d’aimer ou de faire semblant de se faire aimer par d’autres : « D’autres que lui m’aimeront, il le verra, et ils lui apprendront à estimer mon cœur… Un volage est un homme qui croit vous laisser comme solitaire ; se voit-il ensuite remplacé par d’autres, ce n’est plus là son compte, il ne l’entendait pas ainsi. » C’est assez montrer comment Marivaux, même quand il échappe au convenu du roman, au type de fidélité chevaleresque et pastorale, et quand il peint l’homme d’après le nu (éloge que lui donne Collé), nous le rend encore par un procédé artificiel et laisse trop voir son réseau de dissection au-dehors. […] Je voudrais qu’un esprit aussi fin que le sien eût senti qu’il n’y a pas un si grand mérite à donner du joli et du neuf sur de pareilles matières, et que tout homme qui les traite avec quelque liberté peut s’y montrer spirituel à peu de frais ; non que, parmi les choses sur lesquelles il se donne un peu carrière, il n’y en ait d’excellentes en tous sens, et que même celles où il se joue le plus ne puissent recevoir une interprétation utile ; car enfin, dans tout cela, je ne vois qu’un homme d’esprit qui badine, mais qui ne songe pas assez qu’en se jouant il engage quelquefois un peu trop la gravité respectable de ces matières : il faut là-dessus ménager l’esprit de l’homme, qui tient faiblement à ses devoirs, et ne les croit presque plus nécessaires dès qu’on les lui présente d’une façon peu sérieuse.

1438. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Pour moi, qui n’ai pas même l’honneur de comprendre et de lire dans leur langue les mémoires de haute science où il s’est montré inventeur, ces considérations sur les profondes et fines parties de l’optique et du magnétisme où il a gravé son nom ; qui n’ai eu que le plaisir de l’entendre quelquefois, soit dans ses cours à l’usage des profanes, soit dans les séances publiques de l’Académie, je ne puis ici que m’approcher respectueusement de lui par un aspect ouvert à tous ; je ne puis que l’aborder, si ce n’est point abuser du mot, par son côté littéraire. […] Il me semble, à lire ces éloges qu’ont donnés au grand mécanicien Watt les meilleurs critiques littéraires de son pays, qu’il y avait là occasion tout naturellement de montrer par cet exemple qu’aucune incompatibilité absolue n’existe entre les dons du génie industriel et les qualités de culture classique excellente.

1439. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Le jeune Ramond participa intellectuellement de cette double origine ; il montra de bonne heure la vivacité, la promptitude brillante d’impressions qui caractérise les races du Midi, et il y mêla de la sensibilité et quelque chose de l’enthousiasme du Nord. […] Il décrit dans un curieux détail les mœurs et le gouvernement des petits cantons ; il n’a rien gardé du vague et de la fougue qui dominaient dans ses précédents ouvrages ; la partie positive et commerciale l’occupe ; il ne néglige aucune des circonstances physiques des lieux qu’il parcourt ; il y mêle des considérations morales qui le montrent affranchi des lieux communs de son siècle, ou plutôt devançant l’esprit du siècle prochain.

1440. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Au milieu de ces hommes destinés cette fois à être ses lieutenants, Masséna nous est montré avec sa supériorité, mais une supériorité qui ne sait pas s’imposer ni se faire assez reconnaître : Par malheur, Masséna, dit l’historien, s’il avait la vigueur du commandement, n’en avait pas la dignité. Simple, dépourvu d’extérieur, ne cherchant pas à montrer son esprit, qui était pourtant remarquable, négligent même lorsqu’il avait encore toute l’activité de la jeunesse, déjà très dégoûté de la guerre, sacrifiant beaucoup à ses plaisirs, il n’avait pas cette hauteur d’attitude, naturelle ou étudiée, qui impose aux hommes, qui est l’un des talents du commandement, que Napoléon lui-même négligeait quelquefois de se donner, mais qui était suppléée chez lui par le prestige d’un génie prodigieux, d’une gloire éblouissante, d’une fortune sans égale.

1441. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Maintenant, tout cela dit, et les torts de trahison et d’indiscrétion étant dès longtemps épuisés, on sait gré involontairement à Bussy (à cette distance) de nous montrer en action tout ce beau monde, nobles gentilshommes et grandes dames, de nous les produire dans un naturel et une originalité de désordre qui fait réfléchir sur le degré de civilisation et d’honnêteté aux différents âges, et qui peut servir à remettre à la raison l’enthousiasme des historiens à tête montée et des faiseurs d’oraisons funèbres. […] lui-même il s’est assez montré à nous dans ses Historiettes ; il y est à nu et dans son beau.

1442. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

On ne s’intéresse pas à ce Marius qui n’est nullement un personnage intéressant, et que son biographe est trop exact pour nous montrer tel ; et l’auteur n’a pas su introduire quelque idée supérieure à la fois et juste, qui rattache cette vie à toute son époque, et qui fasse qu’on se rattrape par ce côté. […] J’aurais voulu que l’auteur, à de certains moments, nous eût montré la notion d’Alexandre telle qu'elle était chez les diverses nations contemporaines, plus exacte ici, moins exacte là, déjà fabuleuse ailleurs ; j’aurais voulu pouvoir considérer d’un coup d’œil et à chaque siècle les différentes nuances et les teintes de cette erreur en voie de progrès, de cette illusion naissante ou déjà régnante.

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