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904. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Des changements de posture, comme des gens peu assis ou mal debout ; un certain soin de s’éviter les uns les autres, même de se rencontrer des yeux ; les accidents momentanés qui arrivaient de ces rencontres ; un je ne sais quoi de plus libre en toute la personne, à travers le soin de se tenir et de se composer ; un vif, une sorte d’étincelant autour d’eux les distinguaient, malgré qu’ils en eussent. […] Si Saint-Simon n’a pu faire rendre si tard à la noblesse française une influence politique et aristocratique qui n’était point sans doute dans les conditions de notre génie national et dans nos destinées, il a fait pour elle tout ce qu’il y a de mieux après l’action, il lui a donné, en sa propre personne, le plus grand écrivain qu’elle ait jamais porté, la plume la plus fière, la plus libre, la plus honnête, la plus vigoureusement trempée et la plus éblouissante, et ce duc et pair dont on souriait alors se trouve être aujourd’hui, entre Molière et Bossuet (un peu au-dessous, je le sais, mais entre les deux certainement), une des premières gloires de la France27.

905. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

De dire quand il faut s’en défier ou s’y abandonner, personne ne le peut ; ni livres, ni règles, ni expérience ne l’enseignent ; une certaine justesse et une certaine hardiesse d’esprit les font toujours trouver, sans comparaison plus libres en celui qui ne doit de compte de ses actions à personne. […] Si l’on suppose un instant Fouquet restant au pouvoir et s’y établissant, et Louis XIV le laissant faire, on peut très bien distinguer les éléments et l’esprit de la littérature qui aurait prévalu : ç’aurait été une littérature plus libre en tous sens que sous Louis XIV, et le xviiie  siècle eût été en partie devancé.

906. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud à l’époque de sa mort, qui l’ont célébré à l’Académie française et ailleurs, l’aient fait dignement, il m’a semblé qu’il y avait moyen de revenir sur lui dans nos libres esquisses. […] C’est un office modeste ; les ministres ne sauraient en être jaloux… On ne dit pas d’un réverbère qui brille dans la nuit, qu’il exerce son influence sur la marche des passants. » La situation d’un homme d’esprit aussi libre que M. 

907. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Libres que nous serions du joug de la religion, nous ne devrions pas l’être de celui de l’équité. […] S’il voit le mal, Montesquieu apprécie très bien les avantages qui le compensent ; ce qu’il exprime ainsi : L’Angleterre est à présent le pays le plus libre qui soit au monde, je n’en excepte aucune république… Quand un homme, en Angleterre, aurait autant d’ennemis qu’il a de cheveux sur la tête, il ne lui en arriverait rien : c’est beaucoup, car la santé de l’âme est aussi nécessaire que celle du corps.

908. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Aide des forts aux faibles, aide des grands aux petits, aide des libres aux enchaînés, aide des penseurs aux ignorants, aide du solitaire aux multitudes, telle est la loi, depuis Isaïe jusqu’à Voltaire. […] Avoir abrité sous ses escarpements ce serment redoutable de trois paysans d’où sort la Suisse libre, cela n’empêche pas l’immense Grütli d’être, à la nuit tombante, une haute masse d’ombre sereine pleine de troupeaux, où l’on entend d’innombrables clochettes invisibles tinter doucement sous le ciel clair du crépuscule.

909. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

ce que l’Église nous permet à nous, une femme qui n’est pas de notre communion, — une glaneuse libre de vérités ; privée, hélas ! […] Comme la plupart des mystiques, — et des mystiques libres qui vagabondent sur le terrain sans assiette de l’examen individuel, — la femme des Horizons célestes peut aberrer ou aller trop loin dans la lettre même de son ouvrage, mais elle doit être pardonnée pour la pureté de ses motifs et la beauté de ses affections.

910. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Cette littérature, qui se croit très libre, est esclave du lecteur qu’elle méprise. […] Il a su braver également le rire édenté des vieux voltairiens et le scepticisme, sans rire, des libres penseurs qui sont sortis de Voltaire.

911. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

À elle appartenait ce premier âge des troubadours, qui sécularisa l’esprit en Europe, suscita devant l’Église une autre puissance d’opinion, commença le débat de la pensée libre contre le plus fort, et forma dans le midi de la France une race de chanteurs hardis et de poëtes populaires. […] Mais, par là-même, cette diction si variée, si libre, souvent calme et sublime, parfois bizarre, toujours précise et nerveuse, faite pour le cœur et la pensée, ne devait rien avoir des langueurs et de la monotonie de ces premiers chanteurs d’amour qui éveillèrent l’imagination en Italie.

912. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Il se rattrape au sortir de là et se dédommage en plus libre compagnie.

913. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Si nous n’avons pas à tracer ici de programme à une noble pensée, nous ne prétendons pas non plus en présenter un idéal anticipé ; ce que nous voudrions, ce serait, en remerciant M. de Salvandy de son heureuse initiative, de l’y encourager, si ce mot nous est permis, et de maintenir, pour peu qu’il en fût besoin, l’idée première dans sa libre et large voie d’exécution : ce qui rapetisserait, ce qui réduirait trop cette idée, ce qui la ferait rentrer dans les routines ordinaires, en compromettrait par là même la fécondité et en tuerait l’avenir.

914. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

. — Demander l’avis du propriétaire, soumettre au peuple français les plans de sa future habitation, c’était trop visiblement parade ou duperie : en pareil cas, la question fait toujours la réponse, et d’ailleurs, cette réponse eût-elle été libre, la France n’était guère plus en état que moi de la donner : dix millions d’ignorances ne font pas un savoir.

915. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

La philosophie la plus affranchie d’illusions, la plus libre et la plus âcre sagesse.

916. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Puisque leur gloire est la plus purement viagère de toutes ; puisqu’au surplus elle n’est jamais bien nette ni libre de redevances, et qu’il leur faut toujours la partager avec ceux dont ils incarnent la pensée (comment doit se faire ce partage ?

917. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Ils savent combien la forme de Mallarmé le traduit fidèlement, simplement, qu’il est modèle de pensée libre, hardie, harmonieuse, d’expression originale, non professeur d’un procédé.

918. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Laurent Tailhade à l’hôpital » pp. 168-177

On est libre de ne pas le suivre jusqu’au bout de ses conclusions, mais on ne peut s’empêcher, après l’avoir lu, de souhaiter la transformation des pénitenciers militaires.

919. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

Un fauteuil restait libre, pourtant.

920. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Aujourd’hui, plus combinés, plus réfléchis, sous le masque de la décence, ils ont acquis l’art funeste de donner impunément un libre essor à leur perversité, de la rendre plus active, & d’en faire plus sûrement mouvoir les ressorts.

921. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Car le roman de la Rose n’est qu’une imitation de l’art d’aimer : mais une imitation libre, & telle qu’on y trouve souvent un génie original.

922. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Milton, et Saumaise. » pp. 253-264

Ce redoutable apologiste du parlement contre son roi, plia son génie altier à servir Cromwel ; &, par une fatalité qui n’est pas rare, voulant être libre, il devint l’esclave d’un tyran.

923. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Ils sont assez nobles pour satisfaire tous les esprits libres.

924. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

J’étais à la campagne, presque seul, libre de soins et d’inquiétudes, laissant couler les heures sans autre dessein que de me trouver le soir, à la fin de la journée, comme on se trouve quelquefois le matin après une nuit occupée d’un rêve agréable.

925. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

Les vierges vestales avoient leur place marquée sur le premier degré de l’amphithéatre dans les tems de la plus grande politesse des romains, et quand un homme passoit pour barbare, s’il faisoit marquer d’un fer chaud son esclave qui avoit volé le linge de table, crime pour lequel les loix condamnent à mort dans la plûpart des païs chrétiens, nos domestiques qui sont des hommes d’une condition libre.

926. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

C’est un homme doüé d’un jugement sain, d’une imagination prompte, et qui conserve le libre usage de ces deux facultez dans ce boüillonnement de sang qui vient à la suite du froid que la premiere vûë des grands dangers jette dans le coeur humain, comme la chaleur vient à la suite du froid dans les accès de fiévre.

927. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Ce sont de grands morceaux, où nos deux antagonistes avoient eu le champ libre pour mettre en évidence tout leur génie, et ils les avoient executez avec d’autant plus de soin, qu’étans peints à fresque vis-à-vis l’un de l’autre, ils devoient être perpetuellement rivaux, et, pour ainsi dire, éterniser la concurrence de leurs artisans.

928. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Sand ; Octave Feuillet »

Quoique ignorant comme un carpillon des choses de l’Église, Octave Feuillet, ce jeune homme pauvre… en théologie, a eu l’extrême bonté de recommander le catholicisme aux petites dames dont il est le favori et pour lesquelles il fait des petites comédies, et de l’excuser, et de l’arranger, et de l’attifer, ce vieux colosse de catholicisme, de manière à le faire recevoir sur le pied d’une chose de très bonne compagnie dans les plus élégants salons du xixe  siècle… Or, voilà ce que madame Sand, cette prêcheuse de la Libre Pensée, qui ne veut pas, elle !

929. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Conduis-moi où elle est, te dis-je ; il faut qu’elle soit libre ! […] Je suis libre ! […] Un seul pas, et tu es libre.

930. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Les grands poètes sont de grands seigneurs ; libres de déroger quelquefois, ils peuvent passer de Pindare à […] Hugo était devenu un symbole, un principe, une affirmation, l’affirmation de l’idéalisme et de l’art libre. […] C’était le moins libre des hommes, et cela ne lui pesait pas.

931. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Mais il y a peut-être une vertu supérieure : c’est celle de ne rien dire de soi, ou de n’en dire que des choses qui laissent chacun libre de son jugement. […] Une mort volontaire le rendrait libre. […] Il a fait, en un mot, toutes les choses autrement que son devancier, non pour rendre sa pièce plus vraie, mais pour ne pas ressembler à Mairet ; tant il est vrai qu’il voyait dans le sujet, non pas un événement vrai ou vraisemblable qui s’accomplit par un enchaînement de circonstances invincibles, mais une matière à pétrir, à laquelle le poète est libre de donner toutes les formes, pourvu qu’on y voie la marque de l’inventeur.

932. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Cette autorité n’est que le libre assentiment de la raison. […] La curiosité de l’aimable interlocutrice, tantôt naïve comme celle d’un enfant, tantôt hardie et compromettante comme celle d’un libre penseur, son impatience, quand les choses ne s’expliquent pas selon ses vues, sa joie, quand elles s’arrangent à son gré, comme si le Créateur avait pensé à lui plaire, les réflexions solides jetées avec la même légèreté que les plus frivoles, la vérité acceptée ou refusée par passion, des coquetteries avec la science pour la mettre de son côté, tout cela est d’une femme de ce temps-là, qui ne sera pas reniée par les femmes du nôtre. […] Il vaut mieux les aller lire inscrites dans les codes qui régissent notre société libre, dégagées de toute polémique, sous la forme de simples et pacifiques affirmations.

933. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Il lui présente le devoir comme conforme à son propre intérêt, et comme la seule activité digne d’une volonté libre. […] De plus, ayant spécifié son devoir et s’obligeant à le remplir, il se sent par là même plus libre sur tout le reste. […] Et l’on ne peut dire encore où aboutira cette transformation qui part de la famille de la cité antique et semble actuellement se diriger vers l’amour libre et la socialisation de l’enfant.

934. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Comme le dit fort bien Guillaume de Greef dans son Introduction à la sociologie 58 : « L’inaction libre ou forcée est la condition sine qua non de l’art ; à la différence du producteur ordinaire, l’artiste travaille irrégulièrement, à ses heures, c’est-à-dire quand le repos l’a rendu sensible et irritable… ; c’est dans cet état nerveux que l’homme de génie inconscient et véritablement inspiré enfante ces créations en apparence subites et spontanées, mais, en réalité, jaillies d’une lente et considérable épargne d’accumulation d’énergie. » Aussi y a-t-il une liaison perpétuelle entre l’état plus ou moins prospère d’un pays et les œuvres auxquelles ce pays donne naissance. […] Un esprit nouveau est né, esprit de doute, de libre examen, de critique, de révolte contre l’autorité, l’esprit même du xviiie  siècle. […] Il a écrit62 : « Ô peuples des siècles futurs, lorsque par une chaude journée d’été, vous serez courbés sur vos charrues dans les vertes campagnes de la patrie ; lorsque vous verrez, sous un soleil pur et sans tache, la terre, votre mère féconde, sourire dans sa robe matinale au travailleur, son enfant bien-aimé ; lorsque, essuyant sur vos fronts tranquilles le saint baptême de la sueur, vous promènerez vos regards sur votre horizon immense, où il n’y aura pas un épi plus haut que l’autre dans la moisson humaine, mais seulement des bleuets et des marguerites au milieu des blés jaunissants ; ô hommes libres, quand alors vous remercierez Dieu d’être nés pour cette récolte, pensez à nous qui n’y serons plus ; dites-vous que nous avons acheté bien cher le repos dont vous jouirez ; plaignez-nous plus que tous vos pères ; car nous avons beaucoup des maux qui les rendaient dignes de plainte, et nous avons perdu ce qui les consolait. » Mais celui qui sentait si bien que la terre doit compenser la banqueroute du ciel, celui qui comprenait que les misérables, privés, comme a dit plus tard Jaurès, de la vieille chanson qui berçait la misère humaine, doivent nécessairement réclamer leur part immédiate de soleil et de joies, ce même Musset parlait bientôt d’un autre ton.

935. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

MM. d’Indy et Chabrier ; et d’autres avec eux, par les théories et les œuvres Wagnériennes ont appris à répudier la loi du poème à forme fixe ; leur esprit s’est habitué à un développement libre des émotions ; et, en même temps qu’ils s’inspiraient de la forme dramatique Wagnérienne, ils s’inspiraient (justement), de la langue Wagnérienne. […] Aujourd’hui ces couleurs et ces lignes, procédés de la peinture, peuvent servir à deux peintures très diverses, l’une sensationnelle et descriptive, recréant la vision exacte des objets ; l’autre émotionnelle et musicale, négligeant le soin des objets que ces couleurs et lignes représentent, les prenant, seulement, comme les signes d’émotions, les mariant de façon à produire en nous, par leur libre jeu, une impression totale comparable à celle d’une symphonie. […] L’agitation atteint à son comble ; elle ne laisse aucune corde silencieuse ; elle fait résonner chaque libre de notre être.

936. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Plus il aime les anciens, plus il admire Homère et Virgile, mieux il sent que la vraie manière de les imiter c’est de faire autrement qu’eux, de choisir d’autres sujets, et son beau poème de L’Invention n’est qu’une exhortation à tenter hardiment ces voies infinies et libres où la science invite les poètes à la suivre : Torricelli, Newton, Kepler et Galilée À tout nouveau Virgile ont ouvert des trésors. […] Il ne serait pas besoin aujourd’hui d’une initiation spéciale pour suivre dans ses libres développements la poésie qui s’inspirerait des découvertes contemporaines, de leurs applications, de leurs conséquences morales et philosophiques. […] au lieu d’adopter le grand vers de haut vol et de libre allure, seul capable de suivre dans son essor l’idée philosophique, comme s’il était amoureux de l’obstacle, il a adopté, dans la plus grande partie de son poème, la forme du sonnet.

937. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

C’est, dans le meilleur sens d’un mot que je n’aime point : « un libre esprit », mais ce libre esprit a ses dominations que j’aime. […] et surtout la plus grande de toutes et la mère de toutes, dont vous ne vous souciez guères, vous autres de la Libre Pensée, mais dont nous nous soucions, nous !

938. (1890) Dramaturges et romanciers

Si nos âmes étaient dépouillées de leurs enveloppes charnelles, et laissées libres de suivre leurs attractions, il est trop évident qu’elles ne se rencontreraient pas une seule fois pendant toute la durée de l’éternité. […] Un livre placé pour ainsi dire sous l’invocation de Platon, écrit selon les règles de sa méthode si flexible et si libre, ne pouvait qu’être excellemment composé. […] Le jeu libre et spontané des facultés, voilà ce qui constitue le poète, et comment sa liberté s’exercera-t-elle, s’il commence par la comprimer ? […] Là, le protestantisme se laisse voir et étudier dans toute la variété de ses contrastes et dans toute la complexité de ses conséquences — intolérant chez celui-ci comme il l’était chez Calvin, — libre chez celui-là comme il l’était chez Servet. […] À notre avis, il a eu raison ; l’exercice d’une profession, même appartenant à un ordre purement intellectuel, est essentiellement antipathique et funeste à la libre floraison de l’esprit.

939. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Si la libre initiative des critiques littéraires déterminait l’opinion publique, sans être elle-même déterminée par rien, l’anarchie de toutes les contradictions régnerait dans la république des lettres. […] Le protestantisme est, essentiellement, le libre exercice de la conscience et de la raison ; le catholicisme est la soumission de l’esprit individuel à la communauté. […] Le critique reste souverainement libre de se tromper : qu’il se le dise, et qu’il use de sa liberté avec tremblement ! […] Les classements différaient de ceux qui, aujourd’hui, paraissent consacrés ; ils étaient plus libres et moins superstitieux. […] Je le définis : l’expression naturelle d’une personnalité forte dans une écriture originale, quelquefois travaillée, mais le plus souvent libre du besoin anxieux de la perfection exemplaire.

940. (1898) Essai sur Goethe

Je sautai dans l’espace libre et sentis seulement alors que j’avais des mains et des pieds. […] Celui-ci, prototype de Méphistophélès, ne goûta point le charme de Charlotte, à laquelle il préféra une de ses amies, une « beauté majestueuse », une « femme superbe qui se trouvait libre et sans attachement ». […] À peine y est-il rentré, qu’il est repris par ses préoccupations habituelles : une lettre écrite à Johann Gottfried Rœderer, le 21 septembre, nous montre qu’il a l’esprit assez libre pour songer à Shakespeare et à l’art allemand. […] qu’un monde nouveau opposait, aux libres rêves des penseurs comme aux fantaisies toujours dangereuses des poètes, des barrières très rapprochées. […] Nous redevînmes libres, toi le premier et la petite maman te laissa en possession d’une grande fortune ; moi, plus tard, à l’époque même où tu revins de tes voyages.

941. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Jéhovah, Jupiter, Jésus, Mahomet, la libre pensée elle-même, tout va défiler devant lui. […] Non pas que je veuille rien faire qui puisse inquiéter personne, mais je désire être libre. […] À côté d’un chapitre d’une libre pensée très nette, je trouve cette page de hautain bon sens. […] Littré ; les libres penseurs et les disciples de la foi l’ont accommodé chacun à la satisfaction de sa propre opinion, sans se préoccuper de savoir ce qu’il était réellement. […] Il est vrai que, pour ceux-là, la libre pensée est devenue une carrière et qu’elle n’a rien de commun avec celle qui, chez Littré, était l’expression sincère de ses convictions.

942. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Elle tient aujourd’hui auprès du public sérieux la place laissée libre par plusieurs autres genres littéraires. […] » S’il n’écoutait que ses préférences et se croyait libre de suivre son goût, il est bien probable que M.  […] L’enfant devient un homme, se marie par intérêt, veut se rendre libre et jette donc sa femme par la fenêtre. […] Dumas, libre enfin d’un ambitieux fatras, s’installe dans sa fonction de dramaturge et de conteur populaire. […] Cela fait qu’il est plus libre pour en décider.

943. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Napoléon redoutait les esprits libres et ne s’en cachait point. […] Par quel miracle formerait-elle en Occident des nations dignes d’être libres ? […] Il n’y eu a point qui offre à l’observateur un cadre plus commode, plus flexible et plus libre. […] Il suffit que l’âme reste libre et large pour recevoir tout ce qui peut y tomber de joies inattendues, s’abandonnant au bien, fermée seulement à la défiance et aux vaines colères. […] Antoine, ami de ma jeunesse, quel est ce destin qui veut que nous nous quittions au premier jour libre de soucis que j’aie eu depuis longtemps !

944. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Ma nourrice et Marie s’installaient près de la voiture et se mettaient à coudre, tandis que je jouais avec Pauline, et que la chèvre tout à fait libre vagabondait. […] Dans les premiers temps, pour m’apprivoiser, on me laissa complètement libre. […] » en envoyant des coups de poing de mon bras libre. […] Pendant les quarts d’heure de repos, où l’on était à peu près libre dans la classe, je m’échappais, entrainant Catherine, quand elle avait assez de courage et était munie de bons points. […] Sous une glace, au milieu de ce mur, dans un espace libre, était le siège du professeur.

945. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

… Le doute le fait libre, et la liberté grand141. […] La science ne peut nous apprendre d’une façon certaine si le fond des choses est le bien, si l’espérance a raison ou tort ; d’autre part, notre conscience nous commande de tendre au bien et d’espérer : de là la nécessité d’un libre « choix » entre deux thèses spéculativement incertaines. […] A la fatalité, loi du monstre captif, Succède le devoir, fatalité de l’homme, Ainsi de toutes parts l’épreuve se consomme, Dans le monstre passif, dans l’homme intelligent, La nécessité morne en devoir se changeant, Et même remontant à sa beauté première, Va de l’ombre fatale à la libre lumière. […] Libre, il sait où le bien cesse, où le mal commence ; Il a ses actions pour juges. […] Il est probable que le meilleur moyen de rendre le travail possible pour tous, c’est « de le rendre partout libre » ; l’initiative individuelle et la charité privée feront le reste213.

946. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Libre à lui ! […] Mais ses libres instincts ne s’adaptent pas très bien aux exigences de la vie dite civilisée. […] Les récitatifs sont écrits en vers libres, rimés ou assonancés. […] Il a écrit, en vers libres, il est vrai, une Tragédie d’Electre et Oreste. […] Tel est l’attribut de l’homme libre.

947. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Aucune valvule ne s’oppose à cette libre communication. […] La coagulation est entière et complète, comme s’il s’agissait du blanc d’œuf ; toute la masse devient solide, et il ne reste pas une seule goutte de liquide libre. […] Très peu d’acide libre, probablement acétique. […] La baryte employée répondait à 0,106 gr. d’acide butyrique libre. […] Ce sel répond précisément à l’acide butyrique libre produit par l’action du suc pancréatique sur la butyrine.

948. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Et Plisthène dirait à son oncle et à sa cousine : « Soyez tranquilles ; je serai libre dans vingt-quatre heures. […] Or, Ludovic est libre il n’a pas d’enfants ; et, quant à sa femme, il l’affranchira elle-même par sa mort. […] Maintenant elle est libre ; Gerhart est libre aussi, puisqu’il veut l’être ; et, pour bien marquer qu’ils sont libres, les deux amants ont décidé départir ensemble pour l’Afrique, où l’homme n’est pas encore « sous la loi ». […] Ce n’est pas seulement une jeune fille coquette, provocante, imprudente, libre de propos et de façons. […] Libre à lui ; mais pourquoi le début de sa pièce semblait-il annoncer autre chose ?

949. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Nous avons soif maintenant d’imaginations hardies et libres, d’élans hors la platitude ambiante. […] Brisez, lacérez, aérez, débridez et vous aurez des créatures libres, joyeuses, essentiellement bonnes et pitoyables. […] Il renferme, ce livre, cent pages sur l’école, des plus libres, des plus audacieuses, des plus belles qu’on ait jamais écrites. […] Le dernier témoignage en date, dithyrambique au contraire, est celui de Maurice Barrès dans l’Homme libre. […] Plus de travail libre et joyeux.

950. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

L’anarchie continuelle et ses dévastations finales, ou l’ordre institué splendidement sur la libre luxuriance d’un siècle ? […] que vaut le témoignage de la réalité, s’il n’est pas libre ? […] Si notre littérature française, libre et allègre depuis ses origines, plus libre et allègre d’âge en âge, s’emmitouflait et s’engonçait de puritanisme, ce serait au surplus grand’pitié. […] Mais il se libère selon cette parole de saint Paul : « Étant lié, je suis libre !  […] Ils sont des idéologues ; mais aussi la libre métaphysique leur est insupportable : et ils ramènent à la réalité une capricieuse rêverie.

951. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Les académies, les bibliothèques, les journaux, la société des gens d’esprit, le droit de vivre inconnu y attirent tous les esprits originaux et libres. […] Voilà la véritable association, désintéressée et libre, exempte d’ambition et affranchie de protection. […] Joseph obtenait du gouvernement de l’Illinois une charte d’incorporation et des privilèges qui faisaient de Nauvoo une ville libre. […] Elles ont quitté le pays en 1860 ; les Mormons sont restés libres, et Brigham est toujours leur chef effectif. […] Bien plus, tous les moments et toutes les parties de la vie sont réglés, et il n’y a plus dans l’homme un seul mouvement qui soit libre.

952. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Ce trait particulier est la libre et complète expansion de la nature. […] L’âge imbécile qui vient de finir demeure enfoui sous le dédain avec ses radotages de versificateurs et ses manuels de cuistres, et parmi les libres opinions qui arrivent de l’antiquité, de l’Italie, de la France et de l’Espagne ; chacun peut choisir à sa guise, sans subir une contrainte ou reconnaître un ascendant. […] III Dans cet épanouissement si universel et si libre, les passions ont pourtant leur tour propre qui est anglais, parce qu’elles sont anglaises. […] Le libre et plein développement de la pure nature qui, en Grèce et en Italie, aboutit à la peinture de la beauté et de la force heureuse, aboutit ici à la peinture de l’énergie farouche, de l’agonie et de la mort. […] Prouvez-moi coupable, séparez ma tête de mon corps ; nous nous quitterons bons amis, mais je dédaigne de devoir ma vie à votre pitié, monsieur, ou à celle de tout autre… Quant à vos grands mots, libre à vous, monseigneur, d’effrayer les petits enfants avec des diables peints.

953. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

On ne saurait, en effet, avoir moins de vocation ecclésiastique que ce libre parleur. […] On voit à quel point le Parlement et les gens du roi entraient avant et prenaient parti dans ces guerres des corps contre les libres survenants.

954. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Il avait perdu sa mère, mais il trouva dans une belle-mère une tendresse inaccoutumée : J’ai une belle-mère à qui je dois peut-être tout mon bonheur, puisque c’est elle qui m’a donné les premiers éléments de cette éducation douce, attentive et pieuse qui m’a fait aimer de Dieu et des hommes… Ma pensée était libre auprès d’elle et l’eût toujours été si nous n’avions eu que nous pour témoins ; mais il y en avait un dont nous étions obligés de nous cacher comme si nous avions voulu faire du mal. […] La personne qui était en tiers avec nous ne me laissait pas assez libre sur mon vrai sérieux pour que je le fusse aussi sur ma vraie gaieté ; mais cela n’est point une excuse.

955. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Nous l’émulons et nous y parviendrons ; nos esprits cherchent à se montrer libres, et l’on sait qu’après avoir imité, nous perfectionnons, puis nous surpassons. […] Le vrai titre et l’idée de l’ouvrage était : Jusques ou la démocratie peut être admise dans le gouvernement monarchique ; avec cette épigraphe tirée de Britannicus et exprimant le vœu de conciliation qui est l’esprit du livre :        Que dans le cours d’un règne florissant Rome soit toujours libre, et César tout-puissant D’Argenson conçut l’idée de son ouvrage par opposition à celui de M. de Boulainvilliers, tout en faveur de la féodalité et de la noblesse.

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