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535. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Les langues sont donc une révélation générale qui ne quitte jamais les sociétés humaines ; elles sont aussi une révélation continue pour tout le genre humain depuis l’origine des choses, et qui durera jusqu’à la fin des temps. […] Le sentiment moral, le sentiment religieux, le sentiment de l’infini : telle est l’impression générale qui doit résulter de toute poésie. […] Telles sont les raisons générales des lois qui régissent toute littérature tant ancienne que moderne. […] Le mot poète, qui signifie faiseur, et le mot poésie, qui signifie invention, ne furent d’un usage général que vers le temps d’Hérodote. […] On a été livré à l’esprit individuel de chaque écrivain, au lieu d’être soumis à l’esprit général des traditions.

536. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

De cette persuasion encore, où l’on est que l’exorde doit être rare et surprenant, viennent ces exordes à ricochets, comme on pourrait les appeler, qui visent une idée très étrangère au sujet, pour rebondir brusquement vers lui par un retour inattendu : ces exordes en cascade, où d’une idée très générale on descend à une autre, et de celle-ci à une autre encore, jusqu’à ce qu’au dernier degré on rencontre celle qui ouvre le sujet, comme dans les jardins français une eau, tombant de vasque en vasque et de marche en marche, s’arrête enfin et se repose dans le bassin inférieur. […] Le madrigal, plus simple et plus noble en son tour… Si Boileau avait songé que tous ces genres n’avaient rien de commun que d’être des genres de poésie, et qu’ils ne se reliaient point l’un à l’autre, mais chacun à part à l’idée générale de ce second chant, destiné à exposer les règles des genres secondaires, il se serait épargné bien de la peine et n’aurait pas fait la joie de ses ennemis.

537. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

Afin d’observer quelque méthode dans cet ouvrage, il est divisé en plusieurs articles : Querelles particulières, ou Querelles d’auteur à auteur ; Querelles générales, ou Querelles sur de grands sujets ; Querelles de différens corps. […] On peut comparer les Querelles particulières aux combats singuliers ; les Querelles générales aux guerres réglées de nation à nation ; les Querelles de différens corps à ces combats où l’on appelloit des seconds, & où l’on combattoit parti contre parti.

538. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

On veut bien connoître les Généraux & les Officiers d’une armée ; mais l’on se soucie fort peu d’être instruit du nom & des actions des subalternes, sur-tout si leurs prouesses sont aussi obscures que leur nom. […] L’histoire générale des sciences & des arts demanderoit une société savante, capable de tout connoître & de tout apprécier.

539. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

On conçoit que l’huile répandue sur les endroits où il y a beaucoup de différentes couleurs mêlées et fondues, occasionne une action des unes sur les autres et une décomposition d’où naissent des taches jaunes, grises, noires, et la perte de l’harmonie générale. […] C’est ainsi que rien ne passe sans éloge et sans blâme ; celui qui vise à l’approbation générale, est un fou.

540. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Or, quels que soient ces motifs, il faudra qu’ils rentrent dans les deux sphères générales de l’intérêt et de l’affection. […] Chacun de nous a en soi sa nature générale et son élément particulier ; chacun de nous est à la fois humain et individuel. […] Ici, surtout, sont indispensables des idées générales prises en dehors de l’individu : Dieu et la mort. […] Il n’y a pas de principe général dans son ouvrage, parce qu’il n’y en eut pas dans sa vie. […] D’abord, il faut remarquer que son expression est plutôt générale qu’absolue.

541. (1932) Les idées politiques de la France

Il y eut une exception apparente au temps du boulangisme, où les opinions de l’école étaient très divisées, pour et contre le général, et où, dans l’Est au moins, elle était généralement pour lui. […] D’où est donnée, dans le sinistrisme immanent au jeu électoral, une carence du contrôle parlementaire général. […] Il est actif, vivant, dans les conseils généraux, où il fait bon ménage avec l’esprit de gauche. […] C’est Bonaparte qui, comme général de l’armée de l’intérieur, ferma la dernière salle des Jacobins, et on nous dit qu’il emporta la clef dans sa poche. […] Saint-Just, lui, emploie le mot idée cartésiennement, dans un sens très général : aussi bien sentiment, désir, volonté.

542. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Mais quand on commença de voir de quelle corruption générale des mœurs cet orgueilleux élan était suivi, quand on comprit que ce que la philosophie de la nature mettait en péril, c’était en un certain sens le fondement même de la société des hommes, il sembla que ce fût payer trop cher les miracles de l’art ; — et la Réforme éclata. […] J’en vois un curieux témoignage dans la coquetterie pédantesque et naïve avec laquelle, toutes les fois qu’ils expriment une idée générale, ils ouvrent les guillemets « » pour attirer l’attention du lecteur. […] C’est un second trait de l’idéal classique qui commence à se dessiner : le goût des idées générales ; ou, comme on va bientôt le dire, le goût de la réduction à l’Universel. […] Sociale dans son objet, générale dans ses moyens d’expression, cette littérature sera encore morale, dans la mesure précise où il ne saurait exister de société sans morale. […] On fera bien aussi de consulter sur ce sujet, à un point de vue plus général : A. 

543. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Une valeur d’enseignement général se dégagera du seul récit de cette vie. […] Il décrivait la monomanie et soupçonnait la paralysie générale. […] Votre méthode, dans cet enseignement, procédait de votre vue générale du monde. […] J’aime à réunir dans un pareil hommage ces deux belles figures d’officiers généraux. […] Il n’a pas appris le métier de diplomate, pas appris celui de général.

544. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

M. l’abbé Daburon (depuis inspecteur général des études) vit entrer alors dans la bibliothèque du collège M.  […] Nous le verrons, en 1804, combiner une refonte générale des connaissances humaines ; et ses derniers travaux sont un plan d’encyclopédie nouvelle. […] Je désire que ma mort soit le sceau d’une réconciliation générale entre tous nos frères. […] Cousin a remarqué que ce qui manque à la philosophie de M. de Biran, où la volonté réhabilitée joue le principal rôle, c’est l’admission de l’intelligence, de la raison, distincte comme faculté, avec tout son cortége d’idées générales, de conceptions. […] Parti pour sa tournée d’inspecteur général, il se trouva malade dès Roanne ; sa poitrine, sept ans auparavant, apaisée par l’air du Midi, s’irritait cette fois davantage : il voulut continuer.

545. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Il avait existé sous l’ancienne monarchie un clergé puissant, en possession d’une grande partie du sol, ne supportant aucune des charges publiques, faisant seulement, quand il lui plaisait, des dons volontaires au trésor royal, constitué en pouvoir politique, et formant l’un des trois ordres qui, dans les états généraux, exprimaient les volontés nationales. […] Au fond, personne ne se trompait sur sa valeur : on savait bien que c’était un esprit médiocre, incapable de grandes combinaisons et entièrement dépourvu de génie politique ; mais on s’appuyait sur ses qualités réelles de général sage, prudent et vigoureux, pour en faire un capitaine supérieur et capable de tenir tête au vainqueur de l’Italie et de l’Égypte. […] Le ciel a créé la vertu pour contenir ces audaces dans les limites du devoir, et les hommes ont inventé les lois pour contenir ces ambitions dans les prescriptions de la volonté générale. […] Quel danger surtout dans une nation militaire, où chaque général peut être tenté du trône sans avoir le génie de s’y maintenir ? […] » Le reproche était peu digne, adressé à l’un des généraux les plus désintéressés du temps.

546. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

— L’Assemblée générale de Nuremberg décida, en effet, qu’en une seule grande association seraient réunies toutes les forces isolées de la famille Wagnérienne. […] Les trois assemblées générales, tenues, depuis lors, le 29 juillet 1883 et le 22 juillet 1884, à Bayreuth, et, le 10 avril 1885, à Munich, fixèrent, — définitivement, — le caractère de cette association qui, aujourd’hui, est en pleine vigueur. […] L’Association, pour la facilité des relations, se subdivise en agences locales et en comités locaux, et tient, comme il a été dit, des assemblées générales, annuelles. […] Toujours ce défaut général, l’indépendance de la musique par rapport au texte parlé ; elle supprime, en réalité, la valeur de ce texte, dans ces œuvres de chant, mais, surtout dans l’Opéra. […] La Musique qui ne représente pas les Idées contenues dans l’Apparence du Monde, mais qui, au contraire, est, elle-même, une Idée du Monde, et une Idée toute générale, enferme en elle, déjà, le Drame entier, de même que le Drame à son tour, peut, seul, exprimer l’Idée du Monde adéquate à la Musique.

547. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

On peut observer depuis quelque temps par toute la France un fait général, et qui est caractéristique de notre époque. […] Dubray, s’inspirant du beau portrait de l’abbé Prévost par Schmidt, portrait qui fut placé d’abord en tête du tome Ier de l’Histoire générale des voyages (1746), y a changé ou adouci quelques traits. […] La ville d’Hesdin acquittait à la fois sa dette municipale envers une famille honorable et chère, et elle acquittait aussi la dette générale de la France envers un écrivain aimé, populaire, qui ne fut point heureux en son temps, qui n’eut jamais les honneurs littéraires et académiques, qui travailla constamment pour vivre, et qui, un jour de bonne fortune, a fait un chef-d’œuvre sans y songer. […] Mais, même dans ces besognes obligatoires que la nécessité lui imposait, une fois la plume à la main, que ce soit la grande compilation de l’Histoire générale des voyages qu’il entreprenne (1746) que ce soit un simple Manuel lexique ou Dictionnaire portatif des mots français obscurs et douteux (1750), un de ces vocabulaires comme Charles Nodier en fera plus tard par les mêmes motifs ; que ce soit le Journal étranger, ce répertoire varié de toutes les littératures modernes, dont il devienne le rédacteur en chef (1755) ; de quelque nature de travail qu’il demeure chargé, remarquez le tour noble et facile, l’air d’aisance et de développement qu’il donne à tout ; il y met je ne sais quoi de sa façon agréable et de cet esprit de liaison qui est en lui.

548. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Il commence avec grandeur et par une large similitude : Comme on voit que de braves soldats, en quelques lieux écartés où les puissent avoir jetés les divers hasards de la guerre, ne laissent pas de marcher dans le temps préfix au rendez-vous de leurs troupes assigné par le général ; de même, le Sauveur Jésus, quand il vit son heure venue, se résolut de quitter toutes les autres contrées de la Palestine par lesquelles il allait prêchant la parole de vie ; et sachant très bien que telle était la volonté de son Père qu’il se vînt rendre dans Jérusalem, pour y subir peu de jours après la rigueur du dernier supplice, il tourna ses pas du côté de cette ville perfide, afin d’y célébrer cette Pâque éternellement mémorable et par l’institution de ses saints mystères et par l’effusion de son sang. […] Et nous, au contraire, c’est une allusion au parti qui favorisait les Espagnols, au prince de Condé qui en était devenu l’allié et le général. […] M. de Bausset se l’est demandé et y a répondu autant qu’il l’a pu, en des termes bien généraux : La nature, dit-il, l’avait doué de la figure la plus noble ; le feu de son esprit brillait dans ses regards ; les traits de son génie perçaient dans tous ses discours. […] En résumé général, dans cette physionomie, la grâce du caractère couvrait si complètement la force de l’intelligence, et la suavité y tempérait si harmonieusement la virilité de l’ensemble, qu’on ne s’y apercevait du génie qu’à l’exquise délicatesse des muscles et des nerfs de la pensée, et que l’attrait l’emportait sur l’admiration… Voilà un Bossuet primitif bien adouci et attendri, cela me semble, un Bossuet qu’on tire bien fort à soi du côté de Jocelyn et de Fénelon, afin de pouvoir dire ensuite : « L’âme évidemment dans ce grand homme était d’une trempe, et le génie d’une autre.

549. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Ce vieux guerrier simple, rude, opiniâtre, qu’on vient de voir dans toute sa grandeur militaire à Essling et à Wagram, mais qui par ses manières fait déjà contraste avec les généraux plus jeunes formés à l’école de Napoléon, est dessiné par l’historien, dans cette campagne de Portugal, en traits naturels et ineffaçables. […] Les physionomies d’hommes qu’il nous présente ne sont que des esquisses rapides en deux ou trois mots ; mais il y revient plus d’une fois, et ces généraux que de loin on serait assez porté à confondre se peignent chez lui bien moins par les traits de l’historien que par leurs actes mêmes. […] Mais ceci tient à tout un système général d’écrire l’histoire, et nous sommes ramené à la préface de M.  […] Mais aussi il y a un historien des plus heureusement doués dont le procédé est autre : il lit, il étudie, il se pénètre pendant des mois et quelquefois des années d’un sujet, il en parcourt avec étendue et curiosité toutes les parties même les plus techniques, il le traverse en tous sens, s’attachant aux moindres endroits, aux plus minutieuses circonstances ; il en parle pendant ce temps avec enthousiasme, il en est plein et vous en entretient constamment, il se le répète à lui-même et aux autres ; ce trop de couleur dont il ne veut pas, il le dissipe de la sorte, il le prodigue en paroles, en saillies et en images mêmes qui vaudraient souvent la peine d’être recueillies, car, plume en main, il ne les retrouvera plus : et ce premier feu jeté, quand le moment d’écrire ou de dicter est venu, il épanche une dernière fois et tout d’une haleine son récit facile, naturel, explicatif, développé, imposant de masse et d’ensemble, où il y a bien des négligences sans doute, bien des longueurs, mais des grâces ; où rien ne saurait précisément se citer comme bien écrit, mais où il y a des choses merveilleusement dites, et où, si la brièveté et la haute concision du moraliste font défaut par moments, si l’expression surtout prend un certain air de lieu commun là où elle cesse d’être simple et où elle veut s’élever, les grandes parties positives d’administration, de guerre, sont si amplement et si largement traitées, si lumineusement rapportées et déduites, et la marche générale des choses de l’État si bien suivie, que cela suffit pour lui constituer entre les historiens modernes un mérite unique, et pour faire de son livre un monument.

550. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Bussy âgé de quarante-deux ans, lieutenant général et mestre de camp général de cavalerie légère, ayant vingt-six ans de bons et beaux services, aspirant au cordon bleu et à devenir maréchal de France, est amoureux de Mme de Montglat, et, pendant un mois d’absence, il se met, pour la divertir, à coucher par écrit les histoires de mesdames telles et telles, qu’elle lui avait demandées. […] À un certain endroit, j’en voudrais effacer les mots de synthèse et d’entités (p. 78), qui jurent avec le ton général de la langue. […] Homme de guerre, lieutenant de Turenne, mais compliqué d’un Maurepas, il trouve moyen d’effaroucher son général et de se l’aliéner par la peur qu’on a de ses chansons.

551. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Guillaume Guizot, a exposé et combattu en forme cette méthode dans deux articles très remarquables ; je ne m’engagerai pas ici dans la discussion générale de la doctrine, ce qui exigerait des développements hors de mesure : je me bornerai, dans le cas particulier de Tite-Live, à faire voir ce qu’elle a, selon moi, d’excessif, d’artificiel et de conjectural ; le genre et le degré d’objection que j’y fais se comprendront mieux : Que sait-on de Tite-Live, de sa personne et de sa vie ? […] J’admets volontiers (et, dans les nombreuses études critiques et biographiques auxquelles je me suis livré, j’ai eu plus d’une fois l’occasion de le pressentir et de le reconnaître) que chaque génie, chaque talent distingué a une forme, un procédé général intérieur qu’il applique ensuite à tout. […] Arriver ainsi à la formule générale d’un esprit est le but idéal de l’étude du moraliste et du peintre de caractères. […] Thiers, dans son Histoire du Consulat et de l’Empire, rencontre un grand nombre de figures de généraux, de ministres, de diplomates : il les dessine avec justesse, mais en quelques traits sobres, peu marqués en général, et en évitant les saillies et ce qui ferait disparate ; en définitive, il les adoucit et les ennoblit, non pas avec la teinte d’éclat et ce lustre qu’y met Tite-Live, mais dans la même intention.

552. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Il ne dira rien qu’il ne pense sur les personnes, mais il ne dira pas tout ce qu’il pense ; il exposera les faits, il les expliquera dans leurs raisons principales et générales, il ne les éclairera par aucun jour inattendu. […] Ç’a été un bouleversement général, un tremblement de terre, une catastrophe presque physique, ce n’est point une défaite. […] Dans cette première visite de Louis-Philippe, lieutenant général du royaume, à l’Hôtel-de-Ville, à travers les barricades, qu’était-ce que cette bonne femme du peuple qui, en le voyant passer, s’écriait : « J’espère que ce n’est pas encore un Bourbon ?  […] Guizot, le 29 juin 1831, c’est-à-dire sous Casimir Perier déjà : « L’état général des esprits me préoccupe ; je les ai vus s’altérer, se gâter rapidement depuis un mois… C’est un mélange d’irritation et de découragement, de crainte et de besoin de mouvement ; c’est une maladie d’imagination qui ne peut ni se motiver ni se traduire, mais qui me paraît grave.

553. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

À peine embarqué sur le Northumberland qui devait le transporter de la rade anglaise à Sainte-Hélène, Napoléon qui, de ses derniers compagnons de fortune, n’avait pu garder avec lui que le grand maréchal Bertrand, les généraux Montholon, Gourgaud et M. de Las Cases (sans compter son fidèle valet de chambre Marchand), Napoléon passait de longues heures, dans cette traversée qui fut de plus de deux mois (8 août-17 octobre), en plein air, sur le pont du vaisseau, — tantôt immobile, à cheval sur un canon qui était à l’avant du bâtiment et que les marins anglais eurent bientôt baptisé le canon de l’Empereur, regardant le ciel et les flots, se voyant aller à la tombe et décliner au plus profond de l’Océan comme un astre qui change d’hémisphère ; tantôt se levant, interpellant ses fidèles compagnons et se parlant comme à lui seul, s’interrogeant sur tant d’événements prodigieux desquels lui-même se surprenait étonné après coup, et que sa pensée, pour la première fois oisive dans le présent, roulait en tumulte. […] Il savait que l’histoire humaine, en ces moments d’ébranlement et de commotion générale et profonde, a, pour ainsi dire, plusieurs dessous, et que le génie d’un seul a suffi bien souvent pour dégager et faire saillir un de ces plans cachés, inaperçus, lesquels, sans un homme, sans le téméraire au coup de main imprévu et vigoureux, auraient toujours paru à la foule (y compris le peuple des gens d’esprit) impraticables, chimériques, et auraient été universellement déclarés impossibles. […] Il recommençait sa vie : il se revoyait à Brienne, à Toulon, au fort de l’Éguillette, sa première victoire ; puis, après une disgrâce passagère qui faillit faire de lui le plus bizarre en apparence et le plus homme à projets d’entre les officiers généraux non employés, et certainement le plus incommode des mécontents, il se montrait reprenant bientôt le vent de la fortune, consulté, mis à sa place et à même enfin de se produire tout entier, gravissant à vingt-sept ans comme général en chef ces rampes escarpées d’où l’on découvre tout d’un coup l’Italie, cette Italie de tout temps l’objet de ses méditations, Italiam ! […] Qu’on veuille songer à ce qu’on doit de reconnaissance à celui qui, dans une publication continue de vingt années, nous a initiés à ce degré, tous tant que nous sommes, à l’esprit et au détail politique, administratif, militaire, de la plus grande époque et la plus invoquée dans les entretiens de chaque jour ; qui, sans que nous soyons hommes d’État ni politiques de métier, nous a fait assister, par le dépouillement des pièces les plus secrètes et les plus sûres, aux conseils et aux débats diplomatiques d’où sont sorties les destinées de l’Europe et de la France pendant l’ère la plus mémorable ; qui, sans que nous soyons financiers, nous permet, avec un peu d’attention, de nous rendre compte des belles et simples créations modernes en ce genre ; sans que nous soyons administrateurs, nous montre par le dedans ce que c’est que le mécanisme et les rouages de tout cet ordre civil et social où nous vivons ; sans que nous soyons militaires, nous fait comprendre la série des mouvements les mieux combinés, et par où ils ont réussi, et par où ils ont échoué en venant se briser à des causes morales et générales plus fortes.

554. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Viollet-Le-Duc était, de tous les professeurs nouvellement nommés, celui dont le Cours était le plus attendu parce que l’Histoire de l’Architecture qui en fait le sujet est d’un intérêt plus général, et que le professeur représente un esprit connu, un esprit nouveau dans l’enseignement. […] Tout ce qui est d’intelligence générale et qui intéresse l’esprit humain appartient de droit à la littérature. […] Vitet, déjà prêt par ses voyages antérieurs, devenu inspecteur général des monuments historiques après Juillet 1830, homme de verve et de science, donnait à ce genre d’études une impulsion nouvelle, en l’éclairant d’une vue plus générale et en traçant, le premier, avec vérité et largeur le cadre des époques : il a eu l’initiative.

555. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

La science du bonheur moral, c’est-à-dire d’un malheur moindre, pourrait être aussi positive que toutes les autres, on pourrait trouver ce qui vaut le mieux pour le plus grand nombre des hommes dans le plus grand nombre des situations ; mais ce qui restera toujours incertain, c’est l’application de cette science à tel ou tel caractère : par quelle chaîne, dans ce genre de code, peut-on lier la minorité, ni même un seul individu à la règle générale ? […] Non, ne condamnez pas ces infortunés qui ne savent pas cesser de l’être ; vous, de qui leurs destinées dépendent, secourez-les, comme ils veulent être secourus ; celui qui peut soulager le malheur, ne doit plus penser à le juger, et les idées générales sont cruelles à l’homme qui souffre, si c’est un autre, et non pas lui, qui les applique à sa situation personnelle. […] Les législateurs eux-mêmes gouvernent souvent à l’aide d’idées trop générales ; ce grand principe, que l’intérêt de la minorité doit toujours céder à celui de la majorité, dépend absolument du genre de sacrifices qu’on impose à la minorité ; car, en le poussant à l’extrême, on arriverait au système de Robespierre. […] C’est dans la crise d’une révolution qu’on entend répéter sans cesse, que la pitié est un sentiment puérile, qui s’oppose à toute action nécessaire, à l’intérêt général, et qu’il faut la reléguer avec les affections efféminées, indignes des hommes d’état ou des chefs de parti ; c’est au contraire au milieu d’une révolution que la pitié, ce mouvement involontaire dans toute autre circonstance, devrait être une règle de conduite ; tous les liens qui retenaient sont déliés, l’intérêt de parti devient pour tous les hommes le but par excellence : ce but, étant censé renfermer et la véritable vertu et le seul bonheur général, prend momentanément la place de toute autre espèce de loi : hors dans un temps où la passion s’est mise dans le raisonnement, il n’y a qu’une sensation, c’est-à-dire, quelque chose qui est un peu de la nature de la passion même, qu’il soit possible de lui opposer avec succès ; lorsque la justice est reconnue, on peut se passer de pitié ; mais une révolution, quel que soit son but, suspend l’état social, et il faut remonter à la source de toutes les lois, dans un moment où ce qu’on appelle un pouvoir légal, est un nom qui n’a plus de sens.

556. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Je fais abstraction de la physiologie fantaisiste qu’il contient, et qui est celle que le temps permettait : notons-y pourtant la fermeté de la conception générale, qui lie tous les faits moraux à des mouvements de la matière. Descartes ne perd jamais de vue que les passions de l’âme sont accompagnées de modifications physiologiques, qui se traduisent par certaines contractions ou au contraire certaines détentes de certains muscles, en d’autres termes par une sorte de mobilisation partielle ou générale des organes en vue de certains effets. […] Remarquant donc que seuls les mathématiciens ont su découvrir quelques démonstrations, c’est-à-dire « quelques raisons certaines et évidentes », il extrait de leur méthode quelques règles absolues et générales, qui lui servent à vérifier tous ses jugements. […] L’affirmation de l’universalité de la raison engageait à poursuivre dans l’œuvre d’art aussi un objet universel, et à faire consister la perfection dans le caractère général du sujet étudié, dans le caractère commun du plaisir procuré.

557. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

De quelles sortes sont les vérités dans les Maximes, et de la pensée générale du livre. — § V. […] Bien différent de Retz, qui semble amuser sa vieillesse du récit de toutes ces complications où il avait été si activement mêlé, La Rochefoucauld se travaille pour leur donner les proportions d’événements généraux et il écrit des mémoires sur le ton de l’historien. […] De quelles sortes sont les vérités dans les Maximes, et laquelle tient la plus grande place. — De la pensée générale du livre. […] Enfin, il est des vérités métaphysiques dont les éléments ne sont ni des faits généraux ou particuliers, ni des motifs de conduite ; celles-là ne sont comprises que par les esprits à la fois élevés et rigoureux.

558. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

S’interposant entre l’Assemblée peu belliqueuse en principes (car elle était en majorité composée de quakers) et le général anglais, il avait procuré des chariots, des vivres, avait contracté des marchés, et s’était constitué le fournisseur de l’armée sans autre motif que de sauver au pays des exactions militaires et de faire son devoir de sujet fidèle. […] C’est ainsi que ses découvertes générales sur l’électricité aboutirent à l’invention du paratonnerre. […] Dans cette nouvelle mission, où l’envoyé de la Pennsylvanie devient bientôt l’agent général et le chargé d’affaires des autres principales colonies, il commence à exprimer les vœux et les plaintes d’une nation très humble d’abord et très filiale, mais qui sent déjà sa force et qui est décidée à ne point aliéner ses franchises. […] Le lendemain, il fut destitué de sa place de maître général des Postes en Pennsylvanie, pour laquelle on lui avait, à plus d’une reprise, insinué de donner sa démission : mais il avait pour principe de ne jamais demander, refuser, ni résigner aucune place.

559. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Les États généraux étaient convoqués pourtant, et l’année 1789 s’ouvrait au milieu d’une attente immense. […] Le coup d’œil général vient trop tard, et est faible. […] On releva dans le discours de Barthélemy quelques néologismes : il disait en parlant des États généraux et des espérances, déjà troublées, qu’ils faisaient naître : « La France… voit ses représentants rangés autour de ce trône, d’où sont descendues des paroles de consolation qui n’étaient jamais tombées de si haut. » La singularité de cette phrase, selon la remarque de Grimm, fut fort applaudie : Barthélemy inaugurait à l’Académie le style parlementaire et ce qu’on a tant de fois répété des discours du trône. […] Mme de Choiseul, aussitôt qu’elle en eut la nouvelle, se mit en mouvement et fit des démarches auprès du représentant Courtois, qui se rendit au Comité de sûreté générale.

560. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

Bacon l’a résumée dans cet aphorisme célèbre : Homo minister et interpres naturæ ; quantum scit, tantum potest  ; il semble avoir prévu avec une perspicacité merveilleuse la société moderne, la nature vaincue par la science, l’industrie affranchie des tâtonnements lents et incertains de l’empirisme, puisant dans les principes généraux établis par les savants de certaines et innombrables applications. […] Un enfant voit osciller une lampe ou tomber une pomme : c’est un jeu pour ses sens et pour son imagination ; pour un Galilée, pour un Newton, ces deux phénomènes ne sont que les signes des lois générales et universelles. […] Cet esprit qui dans le phénomène aperçoit la loi, et dans le particulier le général, ne serait-il lui-même qu’un phénomène particulier, ou, ce qui serait plus étrange encore, la rencontre fortuite de phénomènes accidentels ? […] En d’autres termes, ce qui est utile, ce sont les hypothèses prochaines, liées par l’analogie aux faits observés ; ce qui est nuisible, ce sont les hypothèses éloignées, trop vides de faits, trop nuageuses et trop générales.

561. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Albalat, dit la Nouvelle Revue internationale, n’a pas la prétention d’infuser le génie aux intelligences médiocres ; il a seulement voulu mettre en lumière les règles générales qui sont à la portée de toutes les intelligences. […] Albalat, dit la Nouvelle Revue internationale, n’a pas la prétention d’infuser le génie aux intelligences médiocres ; il a seulement voulu mettre en lumière les règles générales qui sont à la portée de toutes les intelligences. […] Le rythme est pour nous le résultat général de l’harmonie ; c’est ce qui se dégage d’une phrase bien faite. […] On m’a fait, en outre, certaines objections qui peuvent paraître d’abord exclusivement personnelles, mais que je crois devoir signaler parce qu’elles ont, au contraire, une signification très générale.

562. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

L’instinct des animaux ne peut troubler l’harmonie générale ; les facultés de l’homme peuvent la troubler. […] Les inconvénients de la société, qui à toutes les époques blessent toujours plus ou moins certains hommes, se font bien plus sentir, ou deviennent bien plus généraux, dans les temps de révolution, ou dans les temps qui précédent les révolutions. […] On peut donc dire, en thèse générale, que les modifications doivent se faire successivement par le travail lent et graduel du temps et des mœurs. […] Sans doute le droit divin ne consiste point à admettre l’action de la Providence sur les sociétés humaines, comme sur l’ordre général de l’univers ; car l’une est une action pour ainsi dire physique, et l’autre une action toute morale : mais la parité est la même.

563. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Je viens d’indiquer les considérations les plus générales sur lesquelles il faut se guider dans l’ordonnance de la matière qu’on doit développer. […] Ainsi Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV, raconte d’abord toutes les guerres du règne, puis, arrivé à la paix d’Utrecht, revient à l’avènement du roi, pour raconter les anecdotes de la cour et des mœurs du temps, après quoi il reprend encore les choses au début pour développer le gouvernement intérieur, les lois, les réformes, les principes d’administration, les mesures heureuses ou funestes dans chaque département, enfin il finit par exposer chacune des principales disputes religieuses : faisant ainsi non pas une histoire générale du siècle de Louis XIV, mais une dizaine d’histoires spéciales, qui sont simplement mises bout à bout et n’ont d’unité que par le titre unique. […] Quand on lit l’histoire des guerres, on ne voit que des généraux et des soldats : il n’y a pas autre chose en France : quand on lit l’administration, il n’y a que des bureaux, des commis et des ministres ; la France, semble-t-il, est seule dans le monde et sans voisins.

564. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Il dit aussi les grands lieux communs de la vie et de la mort ; il les dit en apparence sans intérêt personnel, dérobant la particularité de ses expériences sous l’impersonnelle démonstration de la vérité générale. […] Avec une très claire conscience du possible et du nécessaire en l’état présent des choses, Malherbe fit la liquidation générale du xvie siècle. […] On peut blâmer ses décisions dans le détail, et il y en eut d’injustes, de bizarres, d’ineptes : en principe, par l’esprit général, son travail était excellent.

565. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Il y a là, dans le langage précieux, une tendance que le goût italien alors à la mode fortifie, mais qui, du reste, est contraire à l’esprit général du siècle : car elle encourage la fantaisie individuelle. […] Mais s’il ne se flattait pas d’arrêter la langue, il prétendait la régler : et s’il prétendait la fixer, ce n’était pas dans la multiplicité de ses formes, c’était dans la loi de son évolution et dans ses traits généraux. […] Et puis, il y a dans une langue, comme dans un corps vivant, un point de maturité où les formes générales, la structure intérieure s’arrêtent, où les organes sont complets en nombre et en développement, où, jusqu’à la dissolution finale, la somme des changements doit demeurer inférieure à la somme des éléments fixes : c’était ce point que la langue avait atteint au xviie  siècle, Vaugelas le comprenait : et de fait, pour la langue, Victor Hugo est moins loin de Malherbe que Ronsard de Villon.

566. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

Faguet blâme surtout les descriptions de Télémaque, qui, dit-il, sont trop générales », parce que Fénelon a « insuffisamment le sentiment de ce qui est caractéristique dans la nature ». […] On ne peut pas dire : le style de Fénelon… Ses qualités sont de second ordre. » Pas de relief, pas d’originalité, pas de tour personnel, pas de style personnel, descriptions trop générales, aucun sentiment caractérisé de la nature… Talent de second ordre… Voilà ce que dit M.  […] Revue générale.

567. (1757) Réflexions sur le goût

En effet la source de notre plaisir et de notre ennui est uniquement et entièrement en nous ; nous trouverons donc au dedans de nous-mêmes, en y portant une vue attentive, des règles générales et invariables de goût, qui seront comme la pierre de touche à l’épreuve de laquelle toutes les productions du talent pourront être soumises. […] Il n’accordera sur ce point ni tout à la nature ni tout à l’opinion ; il reconnaîtra, que comme la musique a un effet général sur tous les peuples, quoique la musique des uns ne plaise pas toujours aux autres, de même tous les peuples sont sensibles à l’harmonie poétique, quoique leur poésie soit fort différente. […] C’est sans doute sur les ouvrages qui ont réussi en chaque genre, que les règles doivent être faites ; mais ce n’est point d’après le résultat général du plaisir que ces ouvrages nous ont donné : c’est d’après une discussion réfléchie, qui nous fasse discerner les endroits dont nous avons été vraiment affectés, d’avec ceux qui n’étaient destinés qu’à servir d’ombre ou de repos, d’avec ceux même où l’auteur s’est négligé sans le vouloir.

568. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

« L’esthopsychologie, nous dit-il (p. 21), n’a pas pour but de fixer le mérite des œuvres d’art et des moyens généraux par lesquels elles sont produites ; c’est la tâche de l’esthétique pure et de la critique littéraire. […] S’il nous dit que l’habitat ne modifie pas les traits généraux d’une race (p. 119), c’est donc qu’une race possède des caractères généraux, suffisamment persistants, et qui s’héritent.

569. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Bossuet est son sujet et non pas le xviie  siècle, et voilà pourquoi on trouvera dans son livre tant de détails purement religieux et sacerdotaux, que les historiens à idées générales et à intentions pittoresques trouveront peut-être petits et inutiles. […] C’étaient les faits de l’histoire générale, au contraire, qui devaient reculer et passer du centre à la circonférence. […] Quand Bossuet sera devenu un grand évêque, quand la gloire l’aura apporté à la puissance, quand il sera presque un homme d’État, presque un ministre, l’intermédiaire entre Rome et la France, nous rentrerons dans les conditions de l’histoire générale et nous saurons si l’excellent biographe s’élèvera jusqu’à l’historien.

570. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Les deux premières parties peignent avec noblesse les talents d’un général et les vertus d’un sage ; mais, à mesure que l’orateur avance vers la fin, il semble acquérir de nouvelles forces. […] « Turenne meurt, tout se confond, la fortune chancelle, la victoire se lasse, la paix s’éloigne, le courage des troupes est abattu par la douleur et ranimé par la vengeance ; tout le camp demeure immobile ; les blessés pensent à la perte qu’ils ont faite et non aux blessures qu’ils ont reçues ; les pères mourants envoient leurs fils pleurer sur leur général mort, etc. » Cependant, malgré l’éloquence générale et les beautés de cette oraison funèbre, peut-être n’y trouve-t-on point encore assez le grand homme que l’on cherche ; peut-être que les figures et l’appareil même de l’éloquence le cachent un peu, au lieu de le montrer ; car il en est quelquefois de ces sortes de discours comme des cérémonies d’éclat, ou un grand homme est éclipsé par la pompe même dont on l’environne.

571. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « En guise de préface »

Je serais fixe si je le voulais ; je serais capable de juger les œuvres, au lieu d’analyser l’impression que j’en reçois ; je serais capable d’appuyer mes jugements sur des principes généraux d’esthétique ; bref, de faire de la critique peut-être médiocre, mais qui serait bien de la critique… Seulement alors, je ne serais plus sincère. […] Les raisons qu’on donne d’une impression particulière impliquent toujours des idées générales.

572. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

On était souvent en guerre ; l’empereur qui jouissait en paix des dépouilles du monde, souvent ne sortait point de son palais ; mais des généraux qui avaient quelquefois la hardiesse d’être de grands hommes, lui gagnaient des batailles : il était établi que ces batailles n’avaient été gagnées à trois cents lieues de lui, que par ses auspices invincibles. Ainsi on ne disait mot du général, et on prononçait dans le sénat un panégyrique en l’honneur du prince ; mais si par hasard l’empereur sortait de Rome en temps de guerre, pour peu qu’il lui arrivât, comme à Domitien, ou de voir de loin les tentes des armées, ou de fuir seulement l’espace de deux ou trois lieues en pays ennemi, alors il n’y avait plus assez de voix pour célébrer son courage et ses victoires ; à plus forte raison, quand l’empereur était un grand homme, et qu’à la tête des légions il faisait respecter par ses talents la grandeur de l’empire.

573. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Cependant, toutes les fois que deux espèces très distinctes sont pourvues d’un organe anormal en apparence semblable, bien que l’apparence générale et les fonctions en soient identiques, il présente toujours dans l’une et l’autre espèce des différences fondamentales. […] D’abord, nous sommes beaucoup trop ignorants à l’égard de l’économie générale de chaque être organisé pour décider avec certitude quelles sont les modifications qui peuvent lui être de grande ou de petite importance. […] Dans la plupart des cas, nous sommes beaucoup trop ignorants pour pouvoir affirmer qu’un organe quelconque est de si peu d’importance pour le bien général de l’espèce, que des modifications dans sa structure ne peuvent s’être lentement accumulées par sélection naturelle. […] Le Lepidosirène semble nous rappeler les traits généraux et quelques détails possibles de l’organisation de pareils êtres et nous montre peut-être un de leurs derniers descendants. […] Elle peut même remonter au-delà des temps siluriens, époque à laquelle probablement les quatre types de vertébrés ou tout au moins les trois types inférieurs étaient déjà observés dans leurs traits généraux encore flottants.

574. (1888) Études sur le XIXe siècle

Rossetti essaya de défendre ses camarades dans une petite revue : The Critic ; mais son article passa inaperçu au milieu du déchaînement général de la presse. […] La Renaissance du moyen âge en Angleterre a été un fait général, dont les livres de M.  […] À présent que nous avons indiqué les diverses phases du mouvement, nous chercherons les traits généraux qui ressortent des œuvres. […] Il serait superflu d’insister sur l’influence générale des ouvrages d’esthétique dans le pays de Hegel. […] Dès la première page, par un rapide aperçu général du pays qu’il va visiter, il vous donne l’envie de partir avec lui.

575. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de Dampmartin, Maréchal de camp »

Quoi qu’il en soit de ce rigorisme qui doit après tout moins exciter le blâme que le regret, on trouve d’ailleurs dans son livre des détails sur l’armée et sur l’émigration, d’où ressortent des vues générales assez curieuses, ce nous semble, et qu’on ne saurait trop rappeler. […] Sans doute, en cette émancipation soudaine, des désordres, des délits furent commis par le grand nombre, et des crimes même par quelques-uns ; mais le mal était passager : ce qui dura, ce fut l’esprit national, je dirai presque l’esprit bourgeois de la milice régénérée ; ce fut cette fidélité au pays menacé, cette noble attache au sol envahi, sentiment irréprochable, qui triompha plus tard de tout l’ascendant des généraux les plus populaires, que ne purent égarer ni la pureté de La Fayette ni l’habileté de Dumouriez, et dont la tradition était certes affaiblie déjà, quand il fut donné à un homme de prévaloir par l’armée sur le peuple et sur la France.

576. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ii »

Il me semble que je suis moins seul… » (Manuel général de l’Instruction primaire.)‌ […] Je n’ai personne avec qui je puisse échanger une idée générale, ou même quelque impression désintéressée.

577. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Incapacité des premiers hommes de s’élever aux idées générales, surtout en législation. […] Le corps souverain des nobles avait conservé le dernier, qui était, dans l’origine, un droit général sur tous les fonds de la cité.

578. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Dès le 6 avril 94, éclate l’attaque générale des Français sur toute la chaîne du comté de Nice. […] Cette parole doit nous servir de solution générale pour toutes les énigmes qui pourraient scandaliser notre ignorance. […] Il est doux, au milieu du renversement général, de pressentir les plans de la Divinité199. […] » lui demanda quelques temps après le général chargé de les lui remettre. — « Je les ai envoyées à mon souverain. » « Bah ! […] Mais un autre ordre de temps est venu ; de nouvelles conditions générales ont été introduites dans le monde ; un Lycurgue s’y briserait.

579. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Que plusieurs des habitants des cavernes de l’ancien monde et du nouveau soient assez étroitement alliés, on peut le préjuger, au contraire, d’après la parenté générale bien connue de la plupart des autres productions naturelles de ces deux régions géographiques. […] Il est difficile d’établir que cette loi soit d’application universelle chez les espèces à l’état sauvage, mais de bons observateurs, et plus particulièrement les botanistes, la croient générale. […] Je soupçonne aussi que quelques-uns des cas de compensation organique qu’on a cités, et de même quelques autres faits, dérivent d’une loi plus générale : c’est que la sélection naturelle essaye continuellement d’économiser sur chaque partie de l’organisation. […] Waterhouse avait déjà faite sur ce sujet, et j’ai pu me convaincre pleinement qu’elle était de valeur générale, du moins quant à ce groupe d’êtres organisés. […] Chez le Cheval nous trouvons une forte tendance à présenter les mêmes caractères, partout où apparaît la teinte gris-brun, celle qui approche le plus de la couleur générale des autres espèces du genre.

580. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

L’imitation utile féconde, on ne peut trop louer Du Bellay de l’avoir définie : c’est, dans la peinture de la vie humaine et dans l’expression des vérités générales, de se rencontrer avec les anciens qui y ont excellé. […] On imite impunément les anciens parce qu’à la distance où ils sont de nous, c’est par la raison seulement, et sur le terrain des vérités générales, que nous commerçons avec eux. […] Nous ne pouvons imiter des anciens que les vérités générales, qu’on n’imite pas, mais que chaque grande nation exprime à son tour dans la langue de son pays. […] Et comme ce sont moins les vérités générales qui, de leur vivant, font la fortune, même des meilleurs, que le tour d’esprit du moment, qu’une disposition de leur époque qu’ils ont flattée ou subie à leur insu, le moindre risque que nous courions en les imitant, c’est de nous donner des défauts exotiques. […] Du moins en fit-on dans le particulier, sur tous les points de la France, des gloses qui formaient le sujet le plus général des conversations du temps.

581. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Ainsi, dans l’Amphytrion de Plaute, Mercure fait le prologue ; mais, comme il fait aussi, dans la comédie, un des principaux rôles, les critiques ont pensé que c’était une exception à la règle générale. […] L’une consiste à donner une idée générale de ce qui va se passer dans le cours de la pièce, par le récit de quelques événements que l’action suppose nécessairement. […] Ces ouvrages sont composés d’un certain nombre de scènes détachées, qui ont un rapport à un certain but général. […] Par exemple, il ne serait pas vraisemblable qu’un général d’armée venant de prendre par force une ville importante, se trouvât seul dans la grande place ; et, par conséquent, si l’on mettait un monologue en la bouche de ce personnage, on ferait une chose ridicule. […] Acomat ne dit là que ce qu’il pense dans l’occasion présente ; et l’auditeur y découvre en même temps le caractère général de l’amour.

582. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Mais si le détail, si les formes concrètes et particulières nous échappent, du moins nous nous représentons les aspects les plus généraux de l’existence collective en gros et par à peu près, et ce sont précisément ces représentations schématiques et sommaires qui constituent ces prénotions dont nous nous servons pour les usages courants de la vie. […] Et ce n’est pas seulement dans les problèmes les plus généraux de la science que cette méthode est suivie ; elle reste la même dans les questions spéciales. […] Du reste, et d’une manière générale, ce qui a été dit précédemment sur les caractères distinctifs du fait social, suffit à nous rassurer sur la nature de cette objectivité et à prouver qu’elle n’est pas illusoire. […] L’objet de chaque problème, qu’il soit général ou particulier, doit être constitué suivant le même principe. […] C’est de la sensation que se dégagent toutes les idées générales, vraies ou fausses, scientifiques ou non.

583. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Socrate, père de toutes les sectes philosophiques, introduisit la dialectique par l’induction, et Aristote la compléta avec le syllogisme, qui ne peut prouver qu’au moyen d’une idée générale. […] Mais les grammairiens, s’épuisant en paroles qui ne donnent que des idées confuses, ignorant les origines des mots qui, dans le principe ne purent être que claires et distinctes, ont rassuré leur ignorance en décidant d’une manière générale et absolue que les voix humaines articulées avaient une signification arbitraire. […] Ensuite vinrent Aristote et Zénon ; le premier enseigna le syllogisme, forme de raisonnement qui n’unit point les idées particulières pour former des idées générales, mais qui décompose les idées générales dans les idées particulières qu’elles renferment ; quant au second, sa méthode favorite, celle du sorite, analogue à celle de nos modernes philosophes, n’aiguise l’esprit qu’en le rendant trop subtil. […] Telle est la forme des lois les plus anciennes, qu’elles semblent s’adresser à un seul homme ; d’un premier cas, elles s’étendaient à tous les autres, car les premiers peuples étaient incapables d’idées générales ; ils ne pouvaient les concevoir avant que les faits qui les appelaient se fussent présentés. […] Mais lorsque l’on eut acquis des idées générales, on reconnut que la propriété essentielle de la loi devait être l’universalité ; et l’on établit cette maxime de jurisprudence : legibus, non exemplis est judicandum .

584. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Chaque année, au moment du concours général, il fallait lui mettre des sangsues à la tête pour éviter le danger d’une congestion cérébrale. […] Il trouvait pourtant moyen d’utiliser ces périodes de repos obligatoire et de les faire servir au plan général d’études tracé en 1848. […] Sa conception générale de l’histoire semble avoir été inspirée par la lutte, le drame qui faisait sa vie. […] Sa première leçon fut une introduction générale aux deux cours. […] Une idée ne se produit qu’à la condition d’être dans l’esprit humain et d’aider au développement général de l’humanité.

585. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

J’ai cité, dans les notes ajoutées à cet ouvrage, les autorités sur lesquelles j’ai fondé les opinions littéraires qu’on a attaquées1 : je me bornerai donc, dans cette préface, à quelques réflexions générales sur les deux manières de voir en littérature, qui forment aujourd’hui comme deux partis différents, et sur l’éloignement qu’inspire à quelques personnes le système de la perfectibilité de l’espèce humaine. […] Mais cette manière d’être affectée n’a que des rapports très indirects avec le plan général de mon ouvrage ; et celui qui aurait des opinions tout à fait contraires aux miennes sur les plaisirs de l’imagination, pourrait encore être entièrement de mon avis sur les rapprochements que j’ai faits entre l’état politique des peuples et leur littérature ; il pourrait être entièrement de mon avis sur les observations philosophiques et l’enchaînement des idées qui m’ont servi à tracer l’histoire des progrès de la pensée depuis Homère jusqu’à nos jours. […] Je crois avoir essayé la première d’appliquer ce système à la littérature ; mais j’attache un grand prix à montrer combien de philosophes respectables ont, avant moi, soutenu victorieusement cette opinion, considérée d’une manière générale ; et je ne pense pas, comme un littérateur de nos jours, que ce soit la charmante pièce de vers de Voltaire, intitulée Le Mondain, qui ait donné l’idée de la perfectibilité de l’espèce humaine, et qui contienne l’extrait de tout ce qu’il y a de meilleur dans les longues théories sur cette perfectibilité.

586. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Cette sombre imagination, quoique plus prononcée dans Young, est cependant la couleur générale de la poésie anglaise. […] Pour que l’état politique et philosophique d’un pays réponde à l’intention de la nature, il faut que le lot de la médiocrité, dans ce pays, soit le meilleur de tous ; les hommes supérieurs, dans tous les genres, doivent être des hommes consacrés et sacrifiés même au bien général de l’espèce humaine. […] Les sujets ne sont pas les mêmes ; mais la manière de les traiter, mais le caractère général de cette sorte d’invention appartiennent exclusivement aux écrivains anglais.

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