Étéocle, roi de Thèbes, et Polynice, chef de l’armée ennemie, venue d’Argos, frappés par leurs mains fratricides, sont tombés sous les murs de la cité thébaine ; l’armée argienne a fui. […] La tragédie classique s’était bornée à représenter l’harmonie nécessaire et la collision accidentelle des idées morales, sur lesquelles se fondent les familles et les cités, et la comédie classique212, sans montrer ces vérités morales, mais en couvrant de ridicule les erreurs passagères qui sont leurs ennemies, n’avait honoré qu’elles encore, elles toujours, par cette espèce de sacrifice offert à leur divinité cachée. […] Les peuples se rangeaient autour des hommes forts qui les avaient délivrés de la main de quelque géant ennemi ou de la griffe des bêtes féroces, et la bonne volonté de ces libérateurs puissants devenait leur loi. […] Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude, Un prince dont les jeux se font jour dans les cœurs, Et que ne peut tromper tout l’art des imposteurs.
« Il faut de toute nécessité que les actions capables de les produire se passent, ou entre des amis, les uns à l’égard des autres, ou entre des ennemis, ou enfin entre des gens qui ne sont ni l’un ni l’autre. « Qu’un ennemi tue son ennemi, il n’y a rien dans ce fait, soit qu’on l’accomplisse, soit qu’on le doive accomplir, qui puisse exciter la pitié, si ce n’est la catastrophe elle-même. Il n’y en a pas davantage, si les personnes ne sont ni amies ni ennemies.
Il fronce ses sourcils où l’orage s’amasse, et il envoie Hermès sommer l’ennemi de lui livrer son secret. […] Quand les Érétriens étaient venus assiéger Tanagre, Hermès s’était mis à la tête des jeunes gens de la ville, et, n’ayant pour toute arme que l’étrille gymnique, il avait repoussé l’ennemi hors des murs, comme pour montrer que la palestre était l’école de la guerre. […] Hermès a des sarcasmes qui semblent sifflés par les reptiles de son caducée ; mais la réponse de Prométhée les dévore, comme le serpent de la verge de Moïse avalait ceux que faisait jaillir la baguette des Mages égyptiens. — « On dirait que tu te réjouis de tes maux. » — « Puissé-je voir mes ennemis se réjouir ainsi, toi surtout ! » — « Ta raison se trouble, tu délires. » — « Qu’il dure donc ce délire, si c’en est un de haïr ses ennemis. » — Un gémissement lui échappe entre ces défis : « Ah !
Le premier empire arma, de son côté, en proportion des forces levées contre lui ; il chercha même des ennemis jusque parmi les amis de la France, comme en Espagne. […] Les victoires de la France humilièrent ses ennemis, nos revers les enhardirent ; en France même l’engouement pour les généraux popularisés dans les camps se substitua trop aisément, dans le peuple, à l’enthousiasme de la liberté ; la révolution philosophique et tous ses principes furent jetés comme en dérision aux soldats ; toutes les forces du patriotisme furent retournées contre la révolution de 89, qui avait excité ce noble patriotisme. […] Il cherche d’un regard malin le défaut de cuirasse de ses ennemis, les rois, les Bourbons, les nobles, les prêtres, pour lancer sa flèche au point vulnérable et pour rire de la goutte de sang que le dard rapporte à l’arc avec lui. […] … » À ces élégies grecques, à ces vers sur le rétablissement du culte des aïeux, à ces méditations bibliques sur l’écroulement des Bourbons égorgés ou proscrits, à ces évocations au nouvel empire fondé, selon le poète, par un homme suscité de Dieu, ne croit-on pas entendre un néophyte de Fontanes, de Chateaubriand, dans ce jeune homme qui sera un jour l’ennemi du trône, la terreur du temple, le moqueur des Bourbons, l’Homère populaire de la Grande-Armée, le républicain, non du présent, mais de l’avenir ?
Les ennemis du catholicisme n’avaient pas manqué de voir le parti qu’ils pouvaient tirer, dans l’intérêt de leurs passions et de leurs idées, de ces hommes si romanesquement, si surnaturellement historiques, et dont la gloire trempait, par en bas, dans des calomnies qu’il s’agissait de faire monter toujours plus haut. […] nous révèle un écrivain catholique qui ne croit pas faire un péché mortel en étant spirituel comme les plus mondains d’entre vous, et qui même a raison de se croire un mérite quand il daube joyeusement les ennemis de Dieu et de ses serviteurs. […] Et les jaloux ennemis de son talent, qui auraient voulu le voir coupé et emporté en deux morceaux par le boulet de la conversion, ont été trompés dans l’espérance de leur ressentiment, et ils l’ont retrouvé, après cette conversion, spirituellement intégral, mais avec une force de plus, attestée par un livre d’histoire plus grave d’inspiration et de portée que tout ce qu’avait écrit précédemment le romancier. […] Si les ennemis du surnaturel ne sentent pas, en lisant cette histoire, le vent de l’aile de l’Archange qui y passe, ils y sentiront du moins le vent d’une plume assez formidable pour qu’on la prenne pour cette aile.
Elle proclame la liberté, réclame l’égalité, et réconcilie ces deux sœurs ennemies en leur rappelant qu’elles sont meurs, en mettant au-dessus de tout la fraternité. […] La nature ne s’y fût pas prise autrement pour faire de tout étranger un ennemi virtuel, car si une parfaite connaissance réciproque n’est pas nécessairement sympathie, elle exclut du moins la haine. […] Celui qui connaît à fond la langue et la littérature d’un peuple ne peut pas être tout à fait son ennemi. on devrait y penser quand on demande à l’éducation de préparer une entente entre nations. […] Dans un pays de trop faible natalité comme la France, l’État doit sans doute pousser à l’accroissement de la population : un économiste qui fut pourtant le plus grand ennemi de l’« étatisme » demandait que les familles eussent droit à une prime pour chaque nouvel enfant à partir du troisième.
Bernis, en 1763, après son ministère, est dans l’exil et la disgrâce ; quelque ennemi, pour lui faire pièce, ou simplement quelque libraire avide, fait imprimer ses Quatre Saisons, avec ce titre : par M. le C. de B. […] Bernis, par conscience même et par sentiment de son peu de force, reculait et retardait : ses mœurs étaient celles de son âge et de son temps ; son cœur et son esprit n’avaient rien d’irréligieux : la perspective d’un évêché, qu’on lui laissait entrevoir moyennant des sacrifices extérieurs, était plus faite pour l’effrayer que pour le tenter : Non, tu connais trop ma droiture : Coupable par fragilité, Mais ennemi de l’imposture, Je ne joins pas l’impiété Aux faiblesses de la nature.
Roederer, que nous avons vu mourir le 17 décembre 1835, plein de vigueur encore à l’âge de quatre-vingt-deux ans, était né à Metz, le 15 février 1754, d’un père avocat, nous dit-il, « distingué au barreau comme profond jurisconsulte, dans la magistrature comme ennemi du pouvoir arbitraire, et dans la société comme homme aimable ». […] C’était aussi au moment que l’ennemi envahissait le territoire et menaçait d’apporter en France la vengeance implacable et l’extermination des hommes qui avaient pris les armes en 1789.
Or, dans cet ordre nouveau, imaginez un hussard, un hulan, un chevau-léger d’avant-garde qui va souvent insulter l’ennemi jusque dans son retranchement, mais qui aussi, dans ses fuites et refuites, pique d’honneur et aiguillonne la colonne amie qui cheminait parfois trop lentement et lourdement, et la force d’accélérer le pas. […] Beyle, depuis son retour en France, était sur la rive droite du fleuve et, à cette date, en pays à peu près ennemi : il s’en tira par de hardies escarmouches.
Il était bien dans son droit : il n’avait écrit sa dissertation latine sur Voiture qu’à la demande de Balzac, il n’avait jamais songé à l’imprimer ; c’était Costar qui avait publié la réfutation avant la pièce même à laquelle il répondait, et qui ensuite avait donné au public la dissertation elle-même : J’entre, disait Girac en commençant, dans un combat que je n’ai pu éviter, y étant provoqué de la plus pressante manière qu’on le puisse être ; car, quelque ennemi que je sois de toute sorte de contestation, le défi qu’on m’a fait étant public, et mon adversaire se présentant comme en triomphe à la vue du peuple, il ne m’a pas été libre de demeurer sans lui repartir. […] Ici, en portant la guerre au cœur du pays ennemi, il touchait le côté faible, le point vulnérable et irritable de Costar.
Il est arrêté comme une fausse patrouille qui ne savait pas le mot d’ordre, et qui s’est livrée elle-même en prenant l’ami pour l’ennemi. […] Désabusée comme elle était, elle avait à craindre pourtant le grand ennemi des personnes qui ont vécu dans la société et qui se sont fait une habitude de la conversation, l’ennui. « Je voudrais, disait-elle, trouver quelqu’un qui calculât la vie et qui en fît le cas qu'elle mérite. » Oui, mais pour en causer avec ce quelqu’un et pour se donner le plaisir de dire ensemble que la vie n’est rien. « J’ai eu une destinée singulière, disait-elle encore : j’ai voulu être lettrée, et les lettrés m’ont paru ignorants ; femme du monde, et, outre la bêtise des gens du monde, c’est qu’ils ne savent pas vivre.
Se moquer est bien amusant ; mais ce n’est qu’un mince plaisir si l’on ne se moque des gens à leur nez et à leur barbe, si les sots ennemis qu’on drape n’en sont pas informés et désolés ; de là mille saillies, mille escarmouches imprudentes qui devenaient entre eux et lui des guerres à mort. […] Rien que des ennemis.
La Beaumelle, qui eut le malheur d’être un de ces ennemis que Voltaire passa vingt-cinq ans de sa vie à stigmatiser, était né en 1726 dans le Languedoc, d’une famille protestante honorable. […] La Beaumelle convient de tous les avantages de M. de Voltaire, et il attaque très malignement les faiblesses et les travers dont il n’y a point de grand homme qui ne soit susceptible, mais qui, présentés par une main ennemie, forment un tableau de ridicule. » Il ne lui conteste point que ses ouvrages ne soient d’un très bel esprit, il s’attache à y relever les traits de petit esprit. « Naître avec de l’esprit, dit-il quelque part, c’est naître avec de beaux yeux.
Depuis cela, on suit cette invention, et, dans la dernière guerre, on a pratiqué la même chose, tant que les troupes n’ont pas été campées et en marche en front de bandière devant l’ennemi. […] Chauvelin, en juillet 1734, ce ministre lui explique comment on a été contraint de faire la guerre par l’opinion que les ennemis avaient conçue au désavantage du présent gouvernement.
Ennemi déclaré des formes religieuses et de tout emblème, il aurait même voulu anéantir jusqu’aux traces d’un passé odieux, faire table rase sur le sol de la France et ne rien laisser debout de tous les monuments que l'art et la science historique, au défaut de la foi, conservent et vénèrent ; il était de la bande noire en cela. […] Son rôle principal à la Convention fut d’être envoyé aux armées ; son bonheur fut, en échappant aux cruelles mesures du dedans et aux luttes fratricides qui se réglaient à coups d’échafaud, d’être, pendant ce temps-là, à combattre l’ennemi du dehors, sur le Rhin, à Mayence, ou le royalisme en Vendée, et de montrer partout, avec un courage intrépide, le tact, le coup d’œil et les talents d’un homme de guerre improvisé.
Je ne parle point de ses talents pour la guerre… » Tout en disant qu’il n’en parlera point, l’agréable président sait très-bien rappeler ici la victoire de Coni, remportée par le prince de Conti à son début (1744), presque au même âge, dit-il, où le grand Condé, frère de son bisaïeul, battait les ennemis à Rocroi. […] Tant que la chose semblera en suspens, bon nombre prendront parti avec violence contre vous et se rendront eux-mêmes ennemis irréconciliables par de telles déclarations.
Elle la traite en ennemie intime. […] … » Dutens, enfin, qui seul ne serait peut-être pas une autorité suffisante en matière de grâce et de goût, mais qui en est une en fait de sérieux, nous dit : « De toutes les femmes de la Cour les plus distinguées par l’esprit et les agréments, Mme la comtesse de Boufflers était certainement la plus remarquable : aucune n’avait plus d’amis et n’avait eu moins d’ennemis, parce qu’elle unissait à tous les dons de la nature et à la culture de l’esprit une simplicité aimable, des grâces charmantes, une bonté et une sensibilité qui la portaient à s’oublier sans cesse, pour ne s’occuper que des biens ou des maux de tous ceux qui l’entouraient.
« Cette crainte de perdre son crédit, qu’il estimait plus que la pourpre, fut peut-être, nous dit Legendre, ce qui le détermina à ne point garder de mesure » au risque de donner barre sur lui, en cette circonstance, à tous ses ennemis du dehors. […] Ces vives, ces générales, ces sincères acclamations firent taire pour longtemps ses ennemis, ses jaloux et ces atrabilaires qui, souvent sans savoir pourquoi, ou croyant se faire valoir, crient sans cesse contre les gens en place et trouvent plus ou moins à mordre en tout ce qui excelle. » Cette page, que j’ai tenu à donner dans toute son étendue, est le revers de la Pyramide de tout à l’heure.
Rodrigue, à cette enivrante parole, est redevenu héros, un jeune lion respirant la flamme : « Est-il quelque ennemi qu’à présent je ne dompte ? […] Quoi qu’il arrive, et malgré tout ce qui a été promis, elle se flatte de ne jamais être à Rodrigue et de lui susciter au besoin mille autres ennemis.
Collé, de sa personne, était et reste, à nos yeux, le plus parfait exemple, et peut-être le dernier, de la pure race gauloise non mélangée ; c’est le dernier des Gaulois : ennemi de l’anglomanie, de la musique italienne, des innovations en tout genre, ennemi des dévots et des Jésuites, il ne pouvait non plus souffrir Voltaire, trop brillanté selon lui, trop philosophique, trop remuant, un Français du dernier ton et trop moderne, il l’appelait « ce vilain homme », et il abhorrait aussi Jean-Jacques à titre de charlatan.
On rappelle les exploits de Mandrin en 1754756, sa troupe de cent cinquante hommes qui apporte des ballots de contrebande et ne rançonne que les commis, ses quatre expéditions qui durent sept mois à travers la Franche-Comté, le Lyonnais, le Bourbonnais, l’Auvergne et la Bourgogne, les vingt-sept villes où il entre sans résistance, délivre les détenus et vend ses marchandises ; il fallut, pour le vaincre, former un camp devant Valence et envoyer 2 000 hommes ; on ne le prit que par trahison, et encore aujourd’hui des familles du pays s’honorent de sa parenté, disant qu’il fut un libérateur Nul symptôme plus grave : quand le peuple préfère les ennemis de la loi aux défenseurs de la loi, la société se décompose et les vers s’y mettent Ajoutez à ceux-ci les vrais brigands, assassins et voleurs. « En 1782, la justice prévôtale de Montargis instruit le procès de Hulin et de plus de 200 de ses complices qui, depuis dix ans, par des entreprises combinées, désolaient une partie du royaume757. » — Mercier compte en France « une armée de plus de 10 000 brigands et vagabonds », contre lesquels la maréchaussée, composée de 3 756 hommes, est toujours en marche. « Tous les jours on se plaint, dit l’assemblée provinciale de la Haute-Guyenne, qu’il n’y ait aucune police dans la campagne. » Le seigneur absent n’y veille pas ; ses juges et officiers de justice se gardent bien d’instrumenter gratuitement contre un criminel insolvable, et « ses terres deviennent l’asile de tous les scélérats du canton758 » Ainsi chaque abus enfante un danger, la négligence mal placée comme la rigueur excessive, la féodalité relâchée comme la monarchie trop tendue. […] Mais leur effet d’ensemble est plus pernicieux encore ; car, de tant de travailleurs qu’elles ruinent, elles font des mendiants qui ne veulent plus travailler, des fainéants dangereux qui vont quêtant ou extorquant leur pain chez des paysans qui n’en ont pas trop peur pour eux-mêmes. « Les vagabonds, dit Letrosne759, sont pour la campagne le fléau le plus terrible ; ce sont des troupes ennemies qui, répandues sur le territoire, y vivent à discrétion et y lèvent des contributions véritables… Ils rôdent continuellement dans les campagnes, ils examinent les approches des maisons et s’informent des personnes qui les habitent et des facultés du maître Malheur à ceux qui ont la réputation d’avoir quelque argent !
Leur ennemi changea de note, Sur la robe du dieu fit tomber une crotte. […] Pour moi, j’aimerais mieux être obligé de commander une armée, que d’écrire ces terribles lignes non finies ; je trouve plus difficile de composer six beaux vers que de remporter une victoire ; en pareil cas du moins j’aurais la chance d’avoir un imbécile pour ennemi ; mes généraux me remplaceraient ; et il y a telle occurrence où les soldats tout seuls ont gagné la bataille.
Ce fut alors que ses ennemis découvrirent l’Essai sur les Révolutions, publié et retiré de la publicité par les conseils de ses amis, pour être remplacé par le Génie du Christianisme. […] Il faut éviter la société lorsqu’on souffre, parce qu’elle est l’ennemie naturelle des malheureux ; sa maxime est : Infortuné, — coupable !
Il y a dans l’histoire de Jean Renaud, qui fait tant de bonnes actions, qui nourrit son grand-père, puis une vieille pauvresse, qui sauve son ennemi d’un incendie et qui adopte un orphelin, quelque chose qui fait songer à ces livres de lecture des écoles primaires écrits pour la « moralisation » des enfants. […] Le grand berger est inflexible… Buré saisit une fourche et va tuer le grand berger, quand le bouc Noiraud survient, reconnaît son ennemi, se jette sur lui furieusement, et après une lutte fantastique le bouc, vainqueur de l’homme, le précipite dans le « Puits-à-l’Anglais ».
Les préceptes qu’il donne pour leur plaire et les intéresser en causant, sont le résultat le plus consommé de l’expérience : Dans leur conversation, songez bien à ne les tenir jamais indifférentes ; leur âme est ennemie de cette langueur ; ou faites-vous aimer, ou flattez-les sur ce qu’elles aiment, ou faites-leur trouver en elles de quoi s’aimer mieux ; car, enfin, il leur faut de l’amour, de quelque nature qu’il puisse être ; leur cœur n’est jamais vide de cette passion. […] Il est permis de croire que ce ne fut de sa part qu’un semblant pour conjurer la colère de ses ennemis et donner le signal à ses amis de la défendre.
Cela le couvrait du côté de ses ennemis, et lui valait bien de l’appui et de la faveur pour l’agrandissement du Jardin du roi. […] Car c’est ainsi que Buffon se corrigeait : dans son ampleur de forme, il était l’ennemi des remaniements ; comme un grand artiste, il trouvait plus simple, l’ouvrage une fois produit, de se corriger dans un ouvrage nouveau, dans un tableau nouveau, et en recommençant derechef comme fait aussi la nature.
En tout M. de Bonald, par la forme et la direction de son esprit, est hébraïque, romain, patricien à l’antique, et l’ennemi des Grecs. […] Comme dans un siège méthodique, il chasse et repousse l’ennemi le long des tranchées mêmes que celui-ci a pratiquées, et c’est ainsi qu’il revient par une voie étroite à une philosophie élevée.
de rapporter au roi la masse de drapeaux et d’étendards pris sur l’ennemi, et qu’on emballe du mieux qu’on peut derrière son carrosse. […] La destinée veut qu’il ne se passe rien de considérable dans le monde qu’il ne s’y trouve ; et toute la fortune du royaume et de M. le cardinal n’est pas assez grande pour nous faire battre les ennemis, s’il n’y joint la sienne.
Michaud était né journaliste : aux aguets chaque matin, il excellait à faire cette guerre à l’œil, à suivre en souriant les moindres mouvements de l’ennemi, à tomber sur lui par surprise ; quand on sait si bien le point juste où il faut viser pour blesser, il est difficile, même aux moins méchants, un jour ou l’autre, de ne pas être cruels. […] On en met quatre, et bientôt la pièce éclate au milieu de ceux qui l’ont chargée, sans faire le moindre mal à l’ennemi.
Pour ceux du dehors, je les baptiserai d’un autre nom, s’ils nous font naître les occasions d’accroître nos limites et de nous combler de gloire aux dépens des ennemis de la France. […] Il nous montre avec ironie le roi que Luynes fait monter sur une table de billard pour qu’il puisse être vu plus aisément des compagnies de la ville et des ordres de l’État qui viennent le complimenter : « C’était, dit-il, comme un renouvellement de la coutume ancienne des Français qui portaient leurs rois, à leur avènement à la couronne, sur leurs pavois à l’entour du camp. » Il montre Luynes le plus dangereux ennemi du maréchal d’Ancre, parce qu’il l’était moins encore de sa personne que de sa fortune, et « qu’il lui portait une haine d’envie, qui est la plus maligne et là plus cruelle de toutes ».
Il y avait le hardi faquin, le coquin héroïque, qui, avant d’être prêtre, n’eut que la seule qualité d’être brave au feu du canon comme il l’était au feu des filles ; mais prêtre et cardinal, et cardinal pour son argent, pour que cela fût plus miraculeux, le faquin et le coquin disparurent, et le ministre qui se mit alors à pousser sous cette majestueuse barrette que Richelieu avait portée, le ministre aurait été grand, s’il avait vécu, — si la mort n’avait coupé l’herbe sous le pied à sa gloire naissante, avec une faulx longtemps aiguisée par ses vices… Seulement, cet homme-là, dans Dubois, le passionné, le haineux, l’ambitieux, le jaloux Saint-Simon, ne pouvait pas le voir, et ni Drumont non plus, puisqu’il émet le doute qui ferait de Dubois le satanique que tiennent à voir en lui tous les superficiels de l’Histoire, c’est-à-dire que, par une haine d’une machiavélique profondeur contre Saint-Simon, Dubois aurait subi, sans protester, l’ambassade donnée à Saint-Simon par le Régent, parce que Saint-Simon, son ennemi, devait immanquablement s’y ruiner… Ni Saint-Simon ni son publicateur ne révèlent donc la vérité sur les étonnantes, les renversantes dépêches à Dubois ; et le mot de l’énigme sur l’homme le plus entier qui fut jamais et qui semble se rompre tout à coup en deux dans une contradiction mortelle, est un mot qui reste encore à deviner. […] Après Saint-Simon, il n’y a plus d’historiens pour la monarchie française, il n’y a plus que des ennemis.
Les encyclopédistes, même les plus candides et les meilleurs, traitant toutes les religions positives en ennemies, n’avaient pas l’accent religieux.
Les mondains, qui reconnurent en lui leur véritable ennemi, ne purent permettre qu’il vécût ; son cadavre mutilé, étendu sur le seuil du christianisme, traça la voie sanglante où tant d’autres devaient passer après lui.
Racine, celui des quatre amis dont le caractère avait le plus d’élévation, celui à qui les autres étaient le moins nécessaires, celui dont la marche était la plus sûre à la cour, n’aidait de son talent, ni même n’accréditait par une approbation éclatante, ni la satire directe, ni la comédie satirique ; mais s’il n’était pas celui qui se fît le plus craindre de l’ennemi, c’était celui qui flattait le plus noblement le maître, celui dont l’éloge avait le plus de poids, et qui donnait à l’agrégation des quatre amis le plus de sûreté et de stabilité, parce qu’il était celui qui affectionnait le plus les autres et avait au plus haut degré leur confiance.
On se doute bien des ennemis que dut se faire Guéret.
« Celui qui aime généreusement, ajoute l’auteur de l’Imitation, demeure ferme dans les tentations, et ne se laisse point surprendre aux persuasions artificieuses de son ennemi. » Et c’est cette passion chrétienne, c’est cette querelle immense entre les amours de la terre et les amours du ciel, que Corneille a peint dans cette scène de Polyeucte53 (car ce grand homme, moins délicat que les esprits du jour, n’a pas trouvé le christianisme au-dessous de son génie).
Il y a telles de vos notes qui sollicitent une place dans les savants recueils de notre Académie des inscriptions : d’autres montrent de la finesse, du goût, de la philosophie, de la hardiesse ; toutes annoncent l’ami des hommes, l’ennemi des méchants, et l’admirateur du génie.
On peut dire la même chose d’autres nations très-polies et qui font profession de la religion ennemie de l’effusion du sang humain.
Parmi ces récits, les plus nombreux — et de beaucoup — sont ceux qui rapportent les bons tours joués par maître lièvre à l’hyène, son ennemie intime.
Même les ennemis religieux et politiques de l’auteur, qui n’auraient, pour perdre Michelet comme historien, qu’à citer les faits étrangement immondes dont son livre est plein, ne peuvent pas justement les citer !!!
Elle recevait avec beaucoup de douceur ce qu’il lui disait ; mais toutes ces instances ne faisaient au fond que l’importuner et l’aigrir contre la piété, qu’elle regardait comme son ennemie et sa grande rivale dans le cœur du prince. » C’est dans ces disposition d’une lutte intérieure déjà ancienne, qu’un jour elle se trouva tout d’un coup, et sans savoir comment, tournée à Dieu, persuadée des vérités de la foi et brûlant du désir de s’élever à la source suprême. […] Racine, sentant qu’il avait des ennemis, ne fit pas autrement que de grands auteurs ne l’ont fait de nos jours : il prit bonne partie de la salle pour la première représentation, faisant refuser des places aux suspects envers qui il osait se le permettre. […] Parmi les écrits du duc de Nivernais qui se rapportent assez bien avec cette ambition d’être gouverneur d’un prince et qui peuvent indiquer qu’il en était assez digne, on distingue au troisième volume de ses Œuvres quelques essais moraux (Sur l’état de courtisan ; Sur la manière de se conduire avec ses ennemis), toutes instructions et conseils qu’il adressait à son beau-fils, le comte de Gisors, celui qui fut tué à vingt-cinq ans à la journée de Crefeld.
Le jeune M. de Longueville fut tué, on le sait, un moment après le passage du Rhin, en se jetant, par un coup de valeur imprudente, dans un gros d’ennemis qui fuyaient, et avec lui périrent une foule de gentislhommes. […] jusque dans le froid abri des cloîtres, jusque sur les dalles funéraires où elle se collait le visage, elle s’était emportée elle-même, et, bien qu’en une sphère plus épurée, c’étaient les mêmes ennemis toujours, et la continuation secrète des mêmes combats. […] Elle avait ses ennemis, ses envieux ; des mots blessants ou même insultants lui arrivaient ; elle souffrait tout, et elle disait à Dieu : Frappe encore !
Honneur au grand, au bon et habile Henri IV d’avoir su contenir pendant quelques années ces éléments contraires, restés ennemis et insociables, et qui ne demandaient qu’à s’entre-choquer de nouveau ! […] Il était réservé à notre siècle de recevoir comme amie la seule nation que Dieu ait marquée d’un signe de réprobation, d’oublier la mort qu’elle a fait souffrir à Notre-Seigneur et les bienfaits que ce même Seigneur a toujours répandus sur la France, en faisant triompher ses ennemis et leur ouvrant avec joie notre sein. […] Étudiez, travaillez, messieurs, travaillez à guérir un jour nos malades de corps et d’esprit. — Vous avez des maîtres excellents : évitez surtout de donner à vos ennemis aucune prise sur vous. »
Par passion ou par logique, les autres vont jusqu’au bout Une première campagne enlève à l’ennemi ses défenses extérieures et ses forteresses de frontière ; c’est Voltaire qui conduit l’armée philosophique. […] Elle se compose de deux armées : la première est celle des Encyclopédistes, les uns sceptiques comme d’Alembert, les autres à demi panthéistes comme Diderot et Lamarck, d’autres francs athées et matérialistes secs comme d’Holbach, La Mettrie, Helvétius, plus tard Condorcet, Lalande et Volney, tous divers et indépendants les uns des autres, mais tous unanimes en ceci, que la tradition est l’ennemi. […] Arrêtons-nous ici ; ce n’est pas la peine de suivre les enfants perdus du parti, Naigeon et Sylvain Maréchal, Mably et Morelly, les fanatiques qui érigent l’athéisme en dogme obligatoire et en devoir supérieur, les socialistes qui, pour supprimer l’égoïsme, proposent la communauté des biens et fondent une république où tout homme qui voudra rétablir « la détestable propriété » sera déclaré ennemi de l’humanité, traité « en fou furieux » et pour la vie renfermé dans un cachot.
Deux amants qu’attache l’un à l’autre une passion profonde et légitime, et que va rendre ennemis la loi du devoir filial et de l’honneur domestique ; Rodrigue aimant Chimène, mais forcé de venger l’affront de son père dans le sang du père de sa maîtresse ; Chimène forcée de haïr celui qu’elle aime, et de demander sa mort, qu’elle craint d’obtenir ; Rodrigue, tout plein des grands sentiments qui feront bientôt de lui le héros populaire de l’Espagne ; Chimène, héritière de l’orgueil paternel, fière Castillane, qui veut se battre contre Rodrigue avec l’épée du roi ; ce roi, si plein de sens et d’équité, image de la royauté de Salomon, par sa modération, par sa connaissance des hommes, par sa justice ingénieuse : les deux pères si énergiquement tracés ; le comte, encore dans la force de l’âge, qui a été vaillant à la guerre, mais qui se paie de ses services par le prix qu’il en exige et par les louanges qu’il se donne ; le vieux don Diègue, qui a été autrefois ce qu’est aujourd’hui le comte, mais qui n’en demande pas le prix, et ne s’estime que par l’opinion qu’on a de lui ; le duel de ces deux hommes, si rapide, si funeste, d’où va naître entre les deux amants un autre duel dont les alternatives seront si touchantes ; Rodrigue, après avoir tué le comte, défendant son action devant Chimène, qui n’en peut détester le motif, puisque c’est le même qui l’anime contre Rodrigue ; la piété filiale aux prises avec l’amour ; l’ambition désappointée ; l’idolâtrie de l’honneur domestique ; des épisodes étroitement liés à l’action ; un récit qui nous met sous les yeux le sublime effort de l’Espagne se débarrassant des Maures, d’un pays rejetant ses conquérants : quel sujet ! […] N’a-t-elle pas secrètement l’espoir que le roi lui refusera la mort d’un ennemi auquel elle a résolu de ne pas survivre ? […] Contre un pareil ennemi elle n’a pas trop, pour ne pas mollir, du spectacle d’une plaie demandant vengeance.
Huet, qui le qualifie d’esprit merveilleusement doué pour la poésie, et qui trouve dans ses poèmes « des pensées sublimes3 », — ce qui n’est pas d’un ennemi, ce semble, — déclare qu’il eût jugé autrement Homère et Virgile, « s’il se fût appliqué à acquérir une plus parfaite connaissance de l’antiquité et de lui-même. » Ainsi le premier adversaire de l’antiquité classique est un homme d’esprit qui parle des anciens sans les connaître, et s’ignore lui-même ; un poète qui est à lui-même son propre idéal ; un chrétien, s’il le fut sincèrement, qui n’a ni l’humilité ni la charité. […] Pour Achille, n’est-ce pas un étrange héros d’épopée qu’un homme qui demande à la déesse sa mère de le venger de ses ennemis, et qui reste sous sa tente pendant qu’on se bat ? […] Tout ce qui choquait la délicatesse de Lamotte, discours des personnages, éloges qu’ils font de leur race et d’eux-mêmes, défis qu’ils échangent avant le combat, insultes du vainqueur à l’ennemi mort, allocutions des guerriers à leurs chevaux, tous ces premiers mouvements des passions humaines, que la science de la vie civile nous apprend à comprimer et à cacher, tout cela charmait un Racine, un Bossuet, un Fénelon, un Rollin ; tout cela leur paraissait aussi conforme à la nature qu’à la raison.
Ajoutez que les soi-disant défenseurs du sol national, les soldats, sont autant et plus à craindre que les ennemis. […] Les uns se sont plu, comme Ponsard, à opposer, ainsi que deux ennemis, l’honneur et l’argent. […] Elisabeth et Marie Stuart, les deux reines ennemies, s’accordent à le combler d’éloges et de présents.
Le marteau du forgeron, la rame du marinier, le soc du laboureur, la hache du manœuvre, ne sont occupés qu’à étreindre, dompter, mâter, extirper l’insaisissable ennemie, toujours anéantie, toujours renaissante. […] Aussi bien le public, laissant ces amoureux chimériques monter sur des échasses et aspirer aux mansardes, s’est-il pris de je ne sais quel intérêt sympathique pour leur ennemi, leur bête noire, l’être sacrifié de cette comédie, M. […] Il voit que l’adultère repose endormi entre ses deux sourcils froncés et sinistres ; il devine le mal des pays impurs qui la ronge, il sent qu’il a introduit une ennemie dans la famille, et ses remords éclatent en aigreurs, en dissentiments, en sarcasmes.
Inutile de faire intervenir ici des « idées pures » ou des « actes purs » de l’intelligence : le premier animal venu sent fort bien ce qu’il y a de nouveau quand la dent d’un ennemi pénètre dans ses chairs, les meurtrit, les écrase. […] Il importe au plus haut point à l’animal qui veut vivre d’exécuter les mêmes mouvements de défense et de fuite devant le même ennemi ou devant un ennemi semblable au premier.
que ces deux jeunes hommes comme il faut, de bonne race, de manières charmantes, préoccupés, à ce qu’il semblait, uniquement d’art, dévorés par cette préoccupation ardente, fussent les ennemis du catholicisme de leurs pères, et les ennemis à la dernière façon du xixe siècle, à la dernière mode que le xixe siècle a inventée ; car nous avons une manière, nous avons une mode d’être les ennemis du catholicisme, que les hommes du xviiie siècle, que le bouillonnant et fougueux Diderot, par exemple, que même le diabolique Voltaire, ne connaissaient pas !
Ce prétendu ennemi du genre humain défendait à sa manière les éléments supérieurs de l’humanité. […] Mais elle ne devra être appliquée que lorsque le dernier ennemi de la République aura péri sous le glaive de la loi. […] Cette redoutable ennemie de la République a seize ans ; elle est restée gentille dans sa triste déchéance. […] Il a considéré le christianisme non pas comme l’ennemi, mais comme l’héritier de la pensée ancienne. […] Ici, pourtant, il faudrait s’entendre et ne pas le travestir en ennemi systématique de l’intelligence.
Les deux groupes ennemis, d’ailleurs, comprenaient également mal les textes qu’ils se jetaient à la tête. […] Il regarde en ennemi celui qu’il appelle improprement son prochain et se tient toujours, avec raison, en garde contre lui, sauf quand il cède à sa paresse, à son égoïsme ou à sa vanité, qui peuvent lui imposer un instant l’apparence de la confiance. […] Aussi, l’esprit en éveil, l’œil attentif, ne laisse-t-il guère échapper une occasion d’affirmer ses « idées fondamentales », surtout en mettant le doigt sur les points faibles de l’ennemi. […] Il a un grand nombre d’ennemis dans le monde des lettres — les brebis coupables dont sa houlette de fer a ensanglanté les flancs. […] De même, en présence du mal répandu sur la terre, le moraliste, averti par les cas aigus, ne se contentera pas de les soigner seuls : il cherchera des moyens préventifs, des remèdes qui ne détruisent pas seulement les manifestations de l’ennemi, mais l’ennemi lui-même.