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666. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Pour Le Sage, trop compté, par l’opinion badaude, parmi les grands romanciers, il ne s’agit, dans le roman, ni du développement dramatique des passions, ni de l’originalité des caractères, ni, à force d’observation, de l’invention dans la réalité humaine, ni de l’expression idéale des sentiments, ni de la beauté littéraire du langage.

667. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Il faut bien le dire : il a diminué la notion du roman, de cette chose complexe et toute-puissante, égale au drame par l’action et par la passion, mais supérieure par la description et par l’analyse, car le romancier crée son décor et descend, pour l’éclairer, dans la conscience de ses personnages, ce que le poëte dramatique ne fait pas et ne peut pas faire.

668. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

M. de La Madelène est un de ces esprits qui n’ont pas besoin de l’amour, cette tyrannie des imaginations françaises, pour se montrer moraliste profond et peintre dramatique passionné.

669. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Il s’élance, il s’écrie, il s’interrompt ; c’est une scène dramatique qui se passe entre lui et les personnes qu’il voit, et dont il partage ou les dangers ou les malheurs.

670. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

La composition dramatique le préoccupait énormément. […] Dans l’art dramatique, où il montra une puissance incontestable, ces difficultés de structure le charmaient par-dessus tout. […] Certes l’auteur d’Hernani a fait des pièces aussi belles, plus complètes et plus dramatiques que celle-là peut-être, mais nulle n’exerça sur nous une pareille fascination. […] Ce bonheur d’avoir rencontré un talent pareil au sien, avec qui elle puisse engager une de ces belles luttes dramatiques qui soulèvent les salles, a manqué, jusqu’à présent, à mademoiselle Rachel. […] Son talent était essentiellement moderne, et c’est là sa plus grande qualité : elle a vécu dans son temps, avec les idées, les passions, les amours, les erreurs et les défauts de son temps ; dramatique et non tragique, elle a suivi la fortune des novateurs, et s’en est bien trouvée.

671. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

À compter de ce moment, c’est-à-dire à dater de son berceau, l’endroit de l’art dramatique est l’apothéose, et son envers la parodie de l’humanité. […] L’abstraction et l’idéal, l’exception et le merveilleux s’intronisent sur le théâtre ; ils prennent en main le sceptre de la poésie dramatique : ils ne le quitteront plus. […] Jamais un anneau d’airain ou de fer ne vient attester l’intrusion violente de l’élément populaire dans ce Livre d’Or de l’aristocratie dramatique. […] Le romantisme avait bien compris l’urgence d’une révolution dramatique, quand il se proposait de substituer à l’idéal classique l’imitation et la reproduction de la nature. […] Pour peu que vous ayez fait jouer une comédie ou un vaudeville, vous tenez à votre titre d’auteur dramatique. — Homme de lettres !

672. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Toute cette intervention du remords ou de la fatalité dans l’action dramatique sous la forme de larves et de démons a été de tout temps du domaine de la poésie, et Voltaire, le plus froid et le plus positif des écrivains dramatiques, n’a pas dédaigné de reproduire à la scène l’ombre de Ninus. […] Quelle qu’ait été la pensée frivole ou sérieuse de tous ceux qui, avec Goethe, avaient fait intervenir des êtres surnaturels dans l’action dramatique, il est certain qu’ils ont eu recours à cette intervention comme moyen dramatique bien plus que comme moyen philosophique. […] Le drame de Faust marque donc, à mes yeux, une limite entre l’ère du fantastique naïf employé de bonne foi comme ressort et effet dramatique, et l’ère du fantastique profond employé philosophiquement comme expression métaphysique, et… dirai je religieuse ? […] Jamais, avec des moyens aussi simples, on n’a produit un effet plus dramatique. […] Ces deux scènes résument les deux faces du génie de Mickiewicz, le génie du récit dramatique, et le génie de la poésie philosophique.

673. (1888) Poètes et romanciers

Il excelle dans ce que je pourrais appeler l’analyse dramatique. […] Ce sont des caractères qui sont le fond du drame de M. de Vigny, bien plutôt que des faits et des situations dramatiques. […] Béranger s’aperçut à temps qu’il pourrait être un homme de style, d’imagination même, mais qu’il ne serait pas un écrivain dramatique. […] C’est le familier qui manque à nos grands tragiques. » Il voulut voir s’il serait possible de s’affranchir de l’uniformité de ton au profit du naturel et des effets dramatiques. […] Habituez-vous à résumer vos idées en de petites compositions variées et plus ou moins dramatiques, compositions que saisit l’instinct du vulgaire, lors même que les détails les plus heureux lui échappent.

674. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Quel roman intéressant et dramatique, à tout prendre, la Peau de chagrin ! […] Vous reprochez aux poètes dramatiques le sang qu’ils répandent ; aimez-vous mieux le poison que Crébillon prodigue ? […] Il est vrai que la tragédie n’était pas faite, second trait de ressemblance avec les illustres poètes dramatiques de ce temps-ci. — Hélas ! […] Il n’admet pas qu’une femme se tiraille ainsi les mains, par la raison toute simple que l’émotion dramatique s’adresse à l’intelligence et non pas aux sens. […] Cette couche de cendres et de poussière, sous laquelle Shakspeare a placé l’émotion dramatique, voyez quels fruits elle a portés !

675. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Je reviens à son livre et j’affirme que personne ne lira sans émotion les dramatiques récits qu’il a intitulés : Ombres parisiennes, la Chinoise et la Danseuse de corde. […] Composé d’événements qu’elle apprécié ou auxquels elle s’est trouvé mêlée, ce livre plein d’ardeur et de feu nous rappelle de grandes scènes pour la plupart dramatiques, où son talent descriptif se trouve à l’aise. […] Hervieu, c’est la sorte d’indifférence avec laquelle il sait présenter les événements, même les plus dramatiques de son roman. […] Son livre est divisé en trois parties : Souvenirs biographiques, Études littéraires et dramatiques et Scènes de famille. […] J’arrive à la partie la plus intéressante pour moi de ce livre substantiel, aux études théâtrales aux chapitres si justes consacrés aux domestiques de théâtre, aux ficelles dramatiques, pages écrites avec autant d’expérience que de finesse de tact.

676. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Et surtout le rythme sans art est expressif : ce n’est pas le déroulement magnifiquement égal de l’alexandrin homérique : distribuée à travers ces couplets qui la laissent tomber et la reprennent, rétrogradant et redoublant sans cesse pour se continuer et se compléter, la narration s’avance inégalement et, de laisse en laisse, d’arrêt en arrêt, monte comme par étages ; et cette discontinuité même devait, semble-t-il, communiquer une dramatique intensité à la déclamation du jongleur. […] Jamais on n’a besoin et presque toujours on aurait tort de retenir ce qu’on appelle aujourd’hui « l’écriture » du poète ; quiconque voit les scènes dramatiques par lesquelles s’ouvrent Girart de Viane ou le Charroi de Nîmes 30 refaisant en langage quelconque les dialogues nécessaires, peut être assuré d’avoir extrait des ouvrages originaux toute la beauté qu’ils contenaient.

677. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Dans ces pièces il y a trois choses : « 1° le sujet ancien imité, qui était formé déjà d’éléments divers ; 2° les mœurs et les sentiments modernes combinés avec ce sujet ancien ; 3° sous les formes et les modes propres à telle époque déterminée, la peinture de l’homme et de la femme tels que les ont faits la nature et la civilisation39. » Comment Racine a été conduit à opérer ces savants mélanges, voici une page qui nous l’apprend : Telles étaient les conditions de l’œuvre dramatique à cette époque : pour le fond, l’influence de la Renaissance gréco-latine avait décidément triomphé ; on était voué aux sujets anciens ; quant à la forme, celle de la tragi-comédie, depuis l’aventure du Cid, ayant été écartée comme peu compatible avec les fameuses règles des trois unités ( ?) […] Deschanel avait une belle occasion de revenir au vrai sens du mot « romantisme » et de montrer qu’Ériphile est déjà, sauf le style, un personnage dramatique comme on les aimait aux environs de 1830.

678. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Quoique très lyrique d’expression et d’élan, le poète des Fleurs du mal est, au fond, un poète dramatique. […] Donc, comme le vieux Goethe, qui se transforma en marchand de pastilles turc dans son Divan, et nous donna ainsi un livre de poésie, — plus dramatique que lyrique aussi, et qui est peut-être son chef-d’œuvre, — l’auteur des Fleurs du mal s’est fait scélérat, blasphémateur, impie, par la pensée, absolument comme Goethe s’est fait Turc.

679. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Mais si on admire un grand poète dramatique parce qu’il a la force de s’effacer et de parler à travers le personnage d’un autre, que doit-on penser de Balzac, qui, pendant trente Contes plus longs qu’aucun drame, parle à travers la passion, les manières de voir et la langue vraie du xvie  siècle ? […] Les auteurs dramatiques sont moins eux-mêmes que les autres écrivains ; cependant, prenez Shakespeare, l’impersonnel Shakespeare, dans les poésies de récit ou de sentiment qui nous restent de cet esprit si formidable à la scène, et voyez s’il n’y sourit pas avec cette bonhomie familièrement sublime que le bonhomme Corneille avait comme le nonpareil La Fontaine, et qui fait plus grand Walter Scott, lequel l’avait aussi, que ses rivaux de renommée, Goethe et Byron, qui ne l’avaient pas !!!

680. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

En laissant de côté toute la tentative dramatique immense, mais laborieuse et inachevée, en s’en tenant à la rénovation lyrique, il est difficile de ne pas convenir que celle-ci a fini par avoir gain de cause et par réussir.

681. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

C’est en cette vieille maison de Sorbonne qu’il habitait depuis plus de trente ans, c’est là, dans ces vastes chambres à l’aspect sévère, toutes remplies d’admirables livres, qu’il était intéressant de l’aller voir, de l’écouter le matin, se promenant de long en large et parlant avec abondance et vivacité sur tout sujet, y mêlant une mimique et des formes dramatiques naturelles qui n’étaient qu’à lui.

682. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

La structure des vers lyriques, la cadence des vers dramatiques, échappent volontiers, et je n’oserais répondre qu’à force d’application l’oreille des érudits l’ait en effet reconquise ; le vers d’Homère, large et régulier, est d’une mesure aussitôt intelligible et sensible à tous ; l’harmonie, cette portion si essentielle du poëte, ne reste pas un seul moment absente avec lui : en le lisant, nous l’entendons chanter.

683. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Steven n’est pas moins une très grande preuve de talent dramatique et pittoresque.

684. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Prenez un fabliau, même dramatique : lorsque le chevalier pénitent qui s’est imposé de remplir un baril de ses larmes, meurt auprès de l’ermite, il ne lui demande qu’un don suprême : Que vous mettiez vos bras sur mi, Si mourrai au bras mon ami.

685. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Chapelain, surtout, a contribué à fixer deux des traits essentiels de la physionomie du xviie  siècle littéraire ; il a converti Richelieu aux unités dramatiques ; et il a décidé du rôle de l’Académie en lui assignant le travail du Dictionnaire.

686. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Une élégance un peu douceâtre et convenue, une noblesse un peu creuse et de décadence se remarquent très aisément dans les conceptions poétiques ou dramatiques des écrivains de la fin du siècle.

687. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Francisque Sarcey (né en 1828). sorti de l’École Normale en 1851. professeur de 1851 à 1858, puis journaliste, chargé de la critique dramatique au Temps depuis 1867, se fit remarquer par ses conférences dès les dernières années de l’empire. — Éditions : Souvenirs de jeunesse, in-16. 1884 ; Comment je devins conférencier, n-16.

688. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Ils sont dramatiques par leurs combats avec la conscience.

689. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Si, en effet, on a reconnu dans les écrits d’un homme un style éclatant, riche en comparaisons et en métaphores, une grande fertilité de combinaisons dramatiques, une habileté remarquable à dresser en pied un être vivant ou à brosser un paysage à grands traits, déclarer après cela que cet homme est doué d’une forte imagination, c’est au fond répéter la même chose en d’autres termes.

690. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

La critique musicale, abstraction faite de certains travaux d’esthétique pure, et la critique dramatique ne présentent rien de notable.

691. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Qu’on n’y cherche pas non plus les aventures dramatiques et les incidents pittoresques.

692. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

Dans les scènes dramatiques, lorsque les passions sont émues, et que tous les miracles doivent sortir de l’âme, l’intervention d’une divinité refroidit l’action, donne aux sentiments l’air de la fable, et décèle le mensonge du poète, où l’on ne pensait trouver que la vérité.

693. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Tous les acteurs des anciens joüoient masquez, et chaque genre de poësie dramatique avoit des masques particuliers.

694. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Il y a des poèmes dramatiques.

695. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Depuis cette époque, l’historien-poète de Swedenborg a renoncé aux interprétations dramatiques de l’histoire, et il s’est restreint aux fonctions plus modestes de l’annaliste, qu’il a trouvé encore le moyen de nous faire paraître ambitieuses.

696. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Si les enfants tombaient quelque jour dans les idées ridiculement irréligieuses que j’ai eues quelquefois moi-même, fais-leur lire cette lettre et dis-leur que l’oncle Gaston qui, plein de vie, de force et de raison, est mort entre les mains d’un prêtre, était cependant un homme intrépide… » Comparez en beauté morale, et même en beauté dramatique, la mort de Raousset à celle de Lara, et vous verrez si la vérité historique n’est pas plus grande que l’invention du grand poète !

697. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Goethe, par la nature du sien, avant tout dramatique, ne montre guères que les extrémités de la personne : c’est par le geste, un mot, une indication, qu’il la révèle.

698. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

En sa qualité de tête dramatique, Dumas ne voit que les faits.

699. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Rien n’a manqué à sa fortune : ni la pointe de scandale, qui est le sel d’un livre en France, ni l’intérêt dramatique d’un procès.

700. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

En 1848, exalté par les allures dramatiques de la révolution, il se posait, dans un journal qu’il dirigea deux jours, en montagnard intransigeant : il chantait l’Assemblée nationale, poursuivait de ses malédiction le roi détrôné, et son enthousiasme aboutissait à cette exclamation : « Honte à qui n’est pas bon républicain ! […] Il faut des jours réguliers, calmes, un état bourgeois de tout l’être, un recueillement d’épicier, pour mettre au jour du grand, du tourmenté, du nerveux, du poignant, du dramatique. […] Mais, plus que ces tableaux pittoresques ou dramatiques, ce qui dut influer sur la direction de son esprit, ce fut la situation même du morceau de rocher où il vécut sa jeunesse, perpétuellement en face de deux immensités, l’immensité du ciel, l’immensité des flots. […] Il en résulte que nul tempérament moins que le sien ne fut apte au dramatique et au pathétique. […] Le meurtre, le viol, les mutilations, le cannibalisme s’y succèdent sans interruption comme les principaux ressorts dramatiques sur lesquels repose l’ouvrage.

701. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Hugo, qui avait une vision lyrique et égocentrique de l’univers, manquait totalement, et pour cause, de la conception dramatique et romanesque. […] Le Temps est plus dur, en vérité, aux auteurs dramatiques qu’aux romanciers ; et les coups qu’il leur porte, du manche de sa faux, ne se contentent pas de les défigurer. […] Il n’y a pas lieu de s’étonner si nous le retrouvons aussi, ce trou, dans l’art dramatique d’où l’introspection est aussi absente, de 1800 à 1914, que le rire. […] Il assimilait les auteurs à des polypiers, les genres romanesques et dramatiques, qu’il classait puis déclassait arbitrairement, à des coraux. […] Darwin avait l’imagination solide, assez courte et dramatique.

702. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Mais si la biographie de Vicens Garcia perd ainsi beaucoup au point de vue dramatique, la sévérité même à laquelle elle se trouve réduite, lui assure une bonne part d’attention chez les esprits sérieux. […] Ce que le Livre satirique ne nous donne point, le Livre dramatique, — sont-ce bien vraiment des drames que Margarita et Esca ? […] Jugez-en plutôt par cette description de l’intérieur de Bonne-Ame, la sœur de la Faustin et la maîtresse de Carsonac, un écrivain dramatique quelconque. […] Dans le félibrige proprement dit, nous retrouverions ce filon essentiellement provençal et quelque peu prosaïque, si nous étudions les essais dramatiques de Marius Bourrelly. […] Il est certain que l’art dramatique s’apprend, s’il ne s’enseigne pas, comme tous les arts, et, quand Peyrusse aura lu et étudié, non pas Scribe, mais Shakespeare, Cervantès, Molière et Émile Augier, il est trop poète pour ne pas créer à son tour.

703. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

De la pièce je n’ai pas voulu parler, trouvant d’assez mauvais goût l’habitude prise maintenant de divulguer les secrets des autres, quand ces autres ont le malheur d’être des auteurs dramatiques. […] Voilà la trop sèche analyse d’une œuvre qui, je le répète, contient, malgré sa simplicité, les situations les plus dramatiques. […] Tel est en deux mots le roman qui, sans être poussé au sombre, est suffisamment dramatique et touchant. […] Là est le roman avec les scènes dramatiques ou touchantes que la situation commande. […] Mais ils nous ramènent bientôt à Paris, en pleines coulisses de la Porte-Saint-Martin, car Marguerite Méryem s’est faite auteur et artiste dramatique pour arriver à son but.

704. (1923) Nouvelles études et autres figures

Je penserais, me semble-il, qu’il est sans doute l’auteur dramatique le plus absolument homme de théâtre que notre monde sublunaire ait jamais produit. […] C’est dans ce capharnaüm d’imaginations, où ses premiers critiques virent de la perversité, où nous ne voyons que de la puérilité, qu’il a été chercher l’élément dramatique de ses symboles : et, si son lyrisme fut d’un grand poète, son invention resta d’un adolescent. […] Williams était un poète et un auteur dramatique aussi passionné pour la mer que Shelley lui-même ; et Shelley reconnut dans Jane Williams la dame qui, l’année précédente, lui était apparue en rêve lorsqu’il écrivait son célèbre poème de La Sensitive. […] Surtout il a compris que l’épisode, important aux yeux des Juifs puisque David est issu de Booz, prenait une valeur dramatique infime pour les chrétiens, puisque Jésus était humainement le fils de David. […] Et tous les moments solennels ou dramatiques de sa vie se placeront en automne.

705. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Nous nous en occuperons donc quand nous en serons à étudier les principes généraux de Molière sur L’art dramatique. […] Avant d’analyser, du mieux que nous pourrons faire, son génie dramatique, rendons-nous compte des idées littéraires générales qui présidaient en quelque sorte à son travail et de la façon dont il envisageait son art. […] Molière a été le principal auteur d’une révolution dramatique qui a remplacé l’extraordinaire par la vérité et l’imagination par le goût des peintures morales. […] Dans Don Juan, le sujet commence à la dernière scène de l’acte III ; toute la pièce n’est qu’un portrait dramatique. […] Il fait comme éclater les formules de son temps et il efface toute la critique dramatique de ses contemporains en la dépassant.

706. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Un grand lévrier rhumatisant suivait ses pas ; l’esthétique de Paul Adam était alors assez confuse, ainsi que ses rêves politiques, littéraires, industriels, dramatiques, brummellesques. […] Quand il se sert, et c’est son droit, d’un personnage quasi dramatique qui apparaît un moment dans le tissu de son livre pour montrer son geste essentiel, sa forme est serrée, très rapprochée des vers classiques. […] Cette œuvre d’Axel, ce beau poème dramatique (car fut-il avec ses larges développements du discours conçu pour quelque scène ?) […] Aussi le vrai triomphe du Hugo de la Restauration et du temps de Charles X est dans la préparation et l’accomplissement de sa rénovation dramatique en un genre inférieur au poème pur, tout d’action, de cantilène, d’éclat. […] Il apparaîtra que, dans les intéressantes recherches d’Adam, ce n’est point le fonds sociologique qui nous intéresse, mais sa vigoureuse présentation, mais le détail, mais la vie des personnages qui représentent un fait, soit, mais qui se meuvent en types dramatiques ; art à tendances sociales, oui, mais art surtout dramatique, et ce sont les qualités de couleur et de mouvement qui agrègent à l’art ces romans.

707. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Il apporte dans l’histoire littéraire des habitudes d’auteur dramatique ; et dans ses ingénieux récits presque tout est mise en scène et invention. […] Le genre faux de la pièce et le jeu de Molière déplacé dans le dramatique, où il avait cependant tenu à se produire, justifièrent toutes les espérances de la cabale. […] Molière, concevant les services que l’auteur dramatique peut rendre à la société, seconda dans cette pièce les efforts de son roi pour abolir la barbare coutume du duel. […] Sa vigilante bienfaisance assura l’existence de plus d’un infortuné, et c’est à un de ces actes de sa générosité que l’art dramatique doit un homme qui, sans ses secours et sans ses leçons, n’eût probablement jamais été à même de faire valoir les dons heureux que la nature lui avait prodigués. […] Un jour que Boileau et Molière s’entretenaient de l’art dramatique, La Fontaine se prononça contre les a parte.

708. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Tout cela est fait à la française ; mais aussi longtemps que nos auteurs dramatiques ne sauront pas peindre les mœurs des personnages qu’ils mettent sur la scène, ni l’esprit des peuples et des siècles dont ils empruntent leurs sujets, je regarderai leurs pièces comme des ouvrages faits pour amuser ou épouvanter des enfants ; mais jamais je ne les croirai dignes de servir d’instruction et de leçon aux souverains et aux nations ; c’est pourtant là le véritable but de la tragédie. » Il nous est impossible aujourd’hui, — à moi du moins, — de nous former une idée nette de ces pièces, surtout des tragédies d’alors, ni d’y saisir quelque différence à la lecture ; elles me semblent à peu près toutes pareillement insipides et d’un ennui uniforme. […] Le monologue du jeune auteur dramatique pendant qu’on représente sa pièce pour la première fois est d’un charmant et toujours vrai naturel. […] Ce buste, le premier de ceux qui furent donnés à la Comédie-Française, et qui inaugura cette curieuse galerie des auteurs dramatiques, est en effet des plus beaux : quelque chose de libre, de négligé, de malicieux et d’inspiré.

709. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

  L’Iliade est un poème tout à la fois religieux, historique, national, dramatique et descriptif. […] Aucun poète dramatique n’a mieux gravé, mieux varié et mieux conservé tous les caractères. […] On voit, par cette incomparable scène et par cette incomparable élégie, qu’Homère aurait été aussi dramatique qu’il était épique, lui, la source inépuisable de tous les drames que son poème a inspirés à toutes les scènes de l’univers !

710. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Vous prétendez être intéressant, dramatique, profond, tracer de fiers portraits qui se détachent de votre récit comme d’une toile et se gravent dans la mémoire, ou des scènes qui émeuvent ; eh bien ! […] Parce que vous vous serez préoccupé du soin d’être ou dramatique ou peintre. […] Mais le tableau, quoique de fantaisie, est si pittoresque, si précis, si bien coloré, si dramatique de dessin et de détails, que, même en révoquant en doute sa véracité, on ne peut assez admirer sa perspective.

711. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Après dîner, il s’est mis à parler, d’une manière intéressante, de la cuisine du succès, et un moment se tournant vers Flaubert et moi, avec un ton où le mépris s’alliait à la pitié : « Vous autres, vous ne vous doutez pas, pour le succès d’une œuvre dramatique, de l’importance de la composition d’une première… vous ne savez pas tout ce qu’il faut faire… tenez, simplement, si vous n’encadrez pas au milieu de bienveillants, de sympathiques, les quatre ou cinq membres que chaque club détache pour ces jours-là… car en voilà des messieurs peu disposés à l’enthousiasme… et si vous ne pensez pas à cela, à cela, à cela. » Et Dumas nous apprend tout un monde de choses, que nous ignorions parfaitement, et que maintenant que nous les savons, nous ne saurons jamais mettre en pratique. […] On parle du public de l’Opéra, à l’heure actuelle, moins bon juge de la musique et du chant, que des orphéonistes de province ; on parle du public du mardi du Théâtre-Français, plus ignorant de notre littérature dramatique, que les étrangers qui s’y trouvent — et l’on s’effraye un peu de cette décapitation de la haute société, par l’infériorité qui la gagne tous les jours. […] Cependant, parmi ces aquarelles, il y a autour d’énormes arbres desséchés, des enroulements alourdis de boas, apparaissant dans la lueur d’un éclair livide, qui sont d’un coloriste tout à fait dramatique.

712. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

On le traitait, chez lui, à peu près comme le théâtre de la Porte-Saint-Martin traite ses auteurs dramatiques, quand il leur commande un drame pour les lions de Van Amburgh. […] On a beaucoup parlé, de nos jours, et, Dieu merci, on n’en parle plus, de la liberté que s’était donnée le drame moderne, de cet admirable vagabondage de la poésie dramatique qui ne connaît plus d’obstacles ; les poètes se sont tendrement embrassés les uns les autres, en l’honneur de ce prétendu affranchissement de la comédie ; on a crié bien haut que les unités étaient réduites au silence, et chacun de se féliciter comme s’il avait inventé Shakespeare ! […] Pour les bien juger, voyez-les l’un et l’autre dans le dernier asile des vivants et des morts, jusqu’alors respecté par les poètes dramatiques ; voyez-les, ces chevaliers errants de la fantaisie, entrer dans le cimetière, un lieu sacré, que Molière et Shakespeare ont envahi par droit de conquête et par droit de naissance. […] c’est là encore mentir à l’histoire et avilir à plaisir et sans aucune nécessité dramatique, le noble caractère de M. le marquis de Montespan. […] Dans tous les arts, mais surtout dans l’art dramatique, les sentiments et les passions se tiennent. — Mettez une insolence dans la question que fait un de vos personnages, à coup sûr l’autre personnage répondra, tout au moins, à cette insolence, par une bêtise.

713. (1925) Portraits et souvenirs

Ce serait mal comprendre ce livre admirable et unique — rêverie à la fois sur soi-même et sur les possibilités mauvaises de l’être que de lui attribuer un sens exclusivement autobiographique, Il ne faut pas oublier qu’il a aussi une portée dramatique. […] Comme nous avons relu aujourd’hui l’Associée souhaitons de pouvoir relire un jour, réunies en volume, les chroniques dramatiques de Lucien Muhlfeld. […] Rien n’est plus délicat à sentir et à définir que la valeur exacte d’une œuvre dramatique. […] Du reste, je suis bien persuadé que, de même qu’il avait abandonné la critique littéraire pour le roman, Lucien Muhlfeld aurait quitté la critique dramatique pour le théâtre et je crois qu’il y eût brillamment réussi. […] Il fut ensuite critique dramatique à L’Écho de Paris à partir de 1898.

714. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Legouvé est déjà un auteur dramatique, Rachel lui demande un rôle écrit exprès pour elle. […] Un romancier, un auteur dramatique peuvent se laisser détourner de la conclusion logique de leur œuvre par le désir du succès, par la crainte du scandale. […] Binet et Passy, « Études de psychologie sur les auteurs dramatiques » (Année psychologique, I, p. 96). […] Passy, « Études de psychologie sur les auteurs dramatiques » (Année psychologique, I, 64-65). […] Binet et Passy, « Études de psychologie sur les auteurs dramatiques » (Année psychologique).

715. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Ce n’est ni par le côté pittoresque ni par les grands effets de contraste dramatique qu’elle traite les choses, et elle ne fait pas, selon moi, la part suffisante aux ressources infinies du talent et à l’imprévu de l’art ; mais, à chaque mot, on sent une personne d’idées, de goût sain et ingénieux, sans préjugés, allant au fond, et rationaliste éclairée en toute matière. […] De jolies scènes domestiques, des intérieurs de famille, et la continuité aisée des caractères, attestent d’ailleurs cette portion de faculté dramatique, cette science de mise en scène et en dialogue dont Mme Guizot a fait preuve en bien d’autres ouvrages, dans ses Contes, dans l’Écolier, et jusque dans ses Lettres sur l’Éducation.

716. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

XXIII Voltaire employa les vingt-cinq dernières années de sa vie dans la solitude, tantôt à ce combat de géant contre les superstitions humaines, contre l’autorité des traditions bibliques et contre les dogmes du christianisme ; tantôt à maintenir sa renommée politique par des œuvres dramatiques ; tantôt à des délassements de poésie légère ; tantôt enfin à rallier contre le christianisme un parti philosophique capable de contrebalancer la force alors régnante et souvent persécutrice des religions d’État. […] Le jour où cette indépendance, qui ne peut pas être éloignée et que les hommes de philosophie libre désirent ardemment, sera venue, ce jour-là seulement l’influence définitive de Voltaire sera fixée, et il ne restera de son nom et de son œuvre que ce qui doit en rester pour l’immortalité, c’est-à-dire : Un poëte lyrique sans flammes, sans ailes, sans enthousiasme ; Un poëte dramatique doué d’une certaine illusion théâtrale, mais d’un style au-dessous de Corneille, de Racine, style de parterre, qu’on peut entendre avec plaisir, mais qu’on ne peut relire avec admiration ; Un poëte badin au-dessous d’Arioste ; Un poëte familier égal à Horace ; Un historien inférieur à Thucydide, à Tacite, à Gibbon, à Montesquieu, sans profondeur dans les jugements, sans pathétique dans les sentiments, sans couleur et sans chaleur dans le récit, mais clair, rapide, sensé, judicieux, élégant, sincère, instruisant beaucoup, amusant toujours, ne trompant jamais son lecteur ; Un écrivain de lettres familières, tel qu’il n’en parut jamais dans l’antiquité ou dans les temps modernes, supérieur à Cicéron en facilité de style, égal en charme, en souplesse, en naturel à madame de Sévigné elle-même, féminin par la grâce, viril par le grand sens de ses lettres ; c’est là qu’il faut le chercher tout entier, ses imperfections sont dans ses œuvres, son génie est dans sa correspondance ; homme à la toise de beaucoup d’autres hommes si on le mesure quand il est vêtu, homme incommensurable en déshabillé ; Un polémiste dont on ne peut comparer l’éloquence aux éloquences de Cicéron, de J.

717. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Il y a là un art singulier de traduire les idées abstraites en actes, en gestes, en accents, en un mot une réelle force d’imagination dramatique. […] Tout, ainsi, est argument, et tout est efficace, véhémence et raillerie, logique abstraite et dramatique imagination.

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