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1325. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

L’image s’en est nécessairement imprimée du premier coup dans la mémoire, puisque les autres lectures constituent, par définition même, des souvenirs différents. […] Le souvenir de telle lecture déterminée est une représentation, et une représentation seulement ; il tient dans une intuition de l’esprit que je puis, à mon gré, allonger ou raccourcir ; je lui assigne une durée arbitraire : rien ne m’empêche de l’embrasser tout d’un coup, comme dans un tableau. […] Pour l’exercer, on devra s’habituer à retenir, par exemple, plusieurs groupements de points tout d’un coup, sans même penser à les compter 14 : il faut, en quelque sorte, imiter l’instantanéité de cette mémoire pour arriver à la discipline. […] Un malade de Charcot, atteint de surdité verbale passagère, raconte qu’il entendait bien le timbre de sa pendule, mais qu’il n’aurait pas pu compter les coups sonnés 54. […] C’est donc un immense clavier, sur lequel l’objet extérieur exécute tout d’un coup son accord aux mille notes, provoquant ainsi, dans un ordre déterminé et en un seul moment, une énorme multitude de sensations élémentaires correspondant à tous les points intéressés du centre sensoriel.

1326. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Cet acte porta à la maçonnerie un coup terrible, dont elle ne s’est pas relevée, dont elle ne se relèvera peut-être pas. […] Mais, pour le coup, laissez-nous les curés, à condition qu’ils soient démocrates  Et comment s’assurera-t-on qu’ils le sont ? […] On s’est efforcé, après coup, de découvrir des mérites divers à Dumas père et à Eugène Sue. […] C’est pourquoi la frénésie anticléricale, au XIXe siècle, a porté à l’éducation, et donc à la famille, à la vie de famille, un coup terrible. […] L’engouement intellectuel et sentimental se retirera comme il est venu ; et le coup décisif sera peut-être porté par un élève de Pasteur, de même que les localisations cérébrales et l’hystérie ont succombé sous les coups d’élèves de Charcot.

1327. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Ce misérable endroit m’est sacré pourtant. — J’y ai reçu un de ces coups de foudre intellectuel qui ne s’oublient pas. […] Le large coup de brosse y est nécessaire, et le fignolage du miniaturiste serait ici le pire des défauts. […] Coup sur coup, il passe sa thèse sur les ictères, rentre à Lyon comme docteur, devient chef de clinique d’un des collègues de M.  […] Le prestige est fini qui a permis le coup de Tanger et celui d’Agadir. […] Il est tué sur le coup.

1328. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Il commande à son singe savant en tirant sur son collier, d’un coup rude et sec, et qui doit faire grand mal à la petite bête. […] Vaguement, secrètement, et comme dans le mystère de mon âme, je commençai à souhaiter aux hommes quelque mauvais coup. […] Tout à coup une forme humaine surgit de l’herbe où elle était couchée : un pauvre homme couvert d’une peau de bique, le visage couleur de terre. […] Tout à coup Suzon eut une idée : — Écoute, maman. […] Vraiment cela est sinistre, cela rappelle les imaginations d’Edgar Poe… Mais je découvre tout à coup que ce bruit vient des globes de lumière électrique.

1329. (1932) Les idées politiques de la France

Il est cependant une troisième forme de libéralisme, à laquelle l’évolution sociale a réservé ses coups les plus durs, et qui est aujourd’hui hors de combat. […] Il y a là un fossé qui ne peut être franchi que par le coup d’aile et le coup de génie. […] Il y a dans un conte de Mark Twain un bouledogue qui est invincible, parce qu’il a un coup foudroyant pour saisir son adversaire au gras de la patte gauche de derrière. […] Robert se fait battre à coups de bulletins quand il prétend intervenir dans la querelle. […] À l’extérieur comme à l’intérieur, et comme l’indique ce mythe même de la forêt, le socialisme est une aventure, un coup de dés.

1330. (1903) Propos de théâtre. Première série

Elle ne fera pas de coup de tête. […] Mais tout à coup Sévère n’est pas mort, Sévère revient, Sévère est là ! Coup subit qui bouleverse l’âme de Pauline. […] Coups d’épingle qui le mettent hors de lui. […] Elle est prête pour un coup de force irréfléchi et dangereux.

1331. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Seulement, quel que soit l’essor de jeunesse, il importe de se rendre compte des difficultés aussi, de se bien dire qu’on n’atteint pas le but du premier coup ; qu’un champ ouvert, et où l’on entre sans assaut, n’est pas plus facile à parcourir peut-être ; que l’obstacle véritable et la limite sont principalement en nous, et que c’est avec son propre talent qu’on a surtout affaire, pour l’exercer, pour l’aguerrir, pour en tirer, sans le forcer, tout ce qu’il contient.

1332. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bergerat, Émile (1845-1923) »

Vous avez filé du collège pour l’enterrement de Lamennais, vous êtes à la coule de tout ce qui s’est passé sur le pavé de la ville, au moment des coups de chien.

1333. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

Il y a plus, l’auteur ne comprendrait pas qu’on ajoutât après coup des développements nouveaux à un ouvrage de ce genre.

1334. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Il atterroit les spectateurs par des coups épouvantables.

1335. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

Costar lui tient les propos les plus offensans & les plus ridicules, ne lui parle que « de l’accabler à coups de langue & de plume, de faire revenir l’usage de cet ancien tems, où de jeunes Romains de condition se promenoient par les rues tout le long du jour, cachant sous leurs robes de longs fouets pour châtier l’insolence de ceux qui n’approuvoient pas le poëte Lucilius, s’ils étoient assez malheureux que de se rencontrer en leur chemin ».

1336. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

La nuit s’approche, les ombres s’épaississent : on entend des troupeaux de bêtes sauvages passer dans les ténèbres ; la terre murmure sous vos pas ; quelques coups de foudre font mugir les déserts ; la forêt s’agite, les arbres tombent, un fleuve inconnu coule devant vous.

1337. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XIV. Parallèle de l’Enfer et du Tartare. — Entrée de l’Averne. Porte de l’Enfer du Dante. Didon. Françoise de Rimini. Tourments des coupables. »

Vous entendez d’abord mugir la caverne où marchent la Sibylle et Énée : Ibant obscuri solâ sub nocte per umbram ; puis tout à coup vous entrez dans des espaces déserts, dans les royaumes du vide ; Perque domos Ditis vacuas et inania regna.

1338. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

La tête en est belle ; mais on se rappelle le même sujet peint dans un des tableaux placés autour de la nef de Notre-Dame ; et l’on sent tout à coup que le peintre de ce dernier a mieux entendu l’effet des ténèbres sur la lumière artificielle.

1339. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions » pp. 435-443

La tragédie purge donc les passions à peu près comme les remedes guérissent, et comme les armes défensives garantissent des coups des armes offensives.

1340. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — I »

Elle fit la part du diable, qui, du même coup, se trouva la part de Dieu.

1341. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

C’est elle qui, me tendant une main secourable sous un autre hémisphère, adoucit pour moi les périls et les horreurs d’une guerre dont l’histoire n’of Frira jamais d’exemple ; c’est elle qui me consola dans les fers où me retenait la férocité d’une caste sauvage ; c’est elle enfin qui ; m’environnant de tous les prestiges de l’illusion, me fit envisager d’un œil calme le moment où, pris les armes à la main par ces cannibales, condamné par un conseil de guerre, agenouillé devant mes juges, les yeux couverts d’un bandeau qui semblait me présager la nuit où j’allais descendre, j’attendais le coup fatal… auquel j’échappai par miracle, ou plutôt par la protection d’un Dieu qui n’a cessé de veiller sur moi pendant le cours de cette horrible guerre. […] Ces sortes de chansons, qui prêtent aux pointes et aux calembours, sont trop nombreuses dans le premier recueil de Désaugiers ; mais bien vite et du second coup il perça juste et ouvrit largement sa veine. […] Composer après coup de la musique sur de jolis vers lyriques qu’on a intitulés ballade ou chanson, ou encore envoyer ses couplets ou stances au compositeur, ce n’est pas du tout la même chose que d’être chansonnier.

1342. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

voilà que tout à la fin, sans y songer, il donne un démenti à son projet contemplatif, et qu’avec un seul être de plus, avec une compagne telle qu’il s’en glisse inévitablement dans les plus doux vœux du cœur, il peuple tout d’un coup sa solitude. […] Viguier, ce sage optimiste par excellence, cherchait, dans ses causeries abandonnées, à lui épancher quelque chose de son impartialité intelligente, il lui arrivait de rencontrer à l’improviste dans l’âme de Farcy je ne sais quel endroit sensible, pétulant, récalcitrant, par où cette nature, douce et sauvage tout ensemble, lui échappait ; c’était comme un coup de jarret qui emportait le cerf dans les bois. […] » « Ghérard s’en revint tristement à la cheminée, cachant son front dans ses mains, puis tout à coup se retourna, les yeux humides de larmes ; il se jeta à ses pieds, et ses mains s’avançaient vers elle, de sorte qu’il la serrait presque dans ses bras.

1343. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Jouffroy exprimait si énergiquement en 1819, il ne le sentait pas moins vivement en 1815, sous le coup d’une première invasion et à la menace d’une seconde. […] Quand les quinze ou vingt auditeurs s’étaient rassemblés lentement, que la clef avait été retirée de la porte extérieure, et que les derniers coups de sonnette avaient cessé, le professeur, debout, appuyé à la cheminée, commençait presque à voix basse, et après un long silence. […] Jouffroy aurait eu beau jeu à entamer la question européenne selon ses idées de tout temps, à tracer le rôle obligé de la France, et à flétrir pour le coup la politique de ménage à laquelle on l’assujettit : il n’en a rien fait, soit que l’humeur contemplative ait prédominé et l’ait découragé de l’effort individuel, soit que, voyant une Chambre si ouverte à entendre, il ait souri sur son banc avec dédain114.

1344. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

VI « J’entreprends d’écrire l’histoire d’un petit nombre d’hommes qui, jetés par la Providence au centre du plus grand drame des temps modernes, résument en eux les idées, les passions, les vertus, les fautes d’une époque, et dont la vie et la politique, formant, pour ainsi dire, le nœud de la Révolution française, sont tranchées du même coup que les destinées de leur pays. […] Ses gestes sont des ordres, ses motions sont des coups d’État. […] C’est le refrain populaire qui menait le peuple aux plus grands mouvements, et qui s’éteignait souvent dans le sifflement de la corde de la lanterne ou dans le coup de hache de la guillotine.

1345. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

« Peu après la perte du cardinal duc d’York, que je respectais et aimais tant et qui me chérissait si paternellement de son côté, mon cœur fut frappé du coup le plus cruel qu’il pût jamais recevoir. […] L’Église perdit son premier ministre, l’État son premier politique, la papauté son premier ami ; le même coup tua Pie VII et son ami. […] On peut même entrevoir, d’après un passage de ses mémoires relatifs à son affection intime pour les familles Patrizzi et Giustiniani, dans sa jeunesse, que la mort prématurée d’une jeune princesse de dix-huit ans, à la main de laquelle il aurait pu peut-être prétendre, et dont l’amitié lui laissa d’éternels regrets, fut un coup déchirant porté à son cœur.

1346. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Mieulx qu’ores ne convient, te diray mainte chose Qu’oultre ne sçait contenir mon ardeur : Amy, se tout d’un coup s’espanoyoit la roze Plustost cherroit sans vie et sans odeur. […] Regne sur moy, cher tyran dont les armes Ne me sçauroient porter coups trop puissants ! […] les frappe d’ung coup !

1347. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Lorsqu’un tableau est mis tout à coup devant nos yeux, il nous est impossible d’en discerner immédiatement les défauts et les beautés ; nous en recevons une impression générale qui fait qu’au premier coup d’œil le tableau nous plaît ou nous déplaît. […] « Il parle, il parle, il parle, et son débit écrase, « Comme ces lourds grêlons, qu’en nos champs désolés « Un vent impétueux pousse à coups redoublés. […] « Et je n’ai déclamé, quand on venait aux coups, « Que des — En avant !

1348. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Pour les poètes, il disait des chevaleresques ou romanesques : « Ô combien je désire voir sécher ces Printemps, chastier ces Petites jeunesses, rabattre ces Coups d’essay, tarir ces Fontaines ! […] Donnez en cette Grècementeresse, et y semez, encore un coup, la fameuse nation des Gallo-Grecs. […] Ce fut certes une belle entreprise, que de se séparer si fièrement du badinage de Marot, et de porter tout à coup la poésie à une hauteur où, s’il ne lui fut pas donné de la soutenir, il eut du moins l’honneur de la lancer.

1349. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

L’unité est saisissante : tout porte coup et nous subjugue irrésistiblement. […] Encore un coup, le wagnérisme, tel que nous le concevons, c’est le retour à la logique et à l’humaine vérité. […] Tout à coup, comme elle regardait l’eau claire de la fontaine, elle vit le roi Marc’h se reflétant en un miroir au milieu du chêne.

1350. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Tout à coup M.  […] » Ni les railleries de ses compagnes, ni les reproches alarmés du chasseur Erick, son fiancé, n’atténuent l’ardeur de son sublime désir ; et, tout à coup, elle a poussé un cri terrible, car le voici, en face d’elle, le sinistre marin dont elle a cent fois contemplé le portrait suspendu à la muraille. — Cette rencontre parmi le silence épouvanté de l’orchestre, silence interrompu par de sourds battements de cœurs oppressés, est si puissamment pathétique que l’on sent, immobile comme Senta elle-même, des larmes d’angoisse vous venir aux yeux. — Eh bien, elle ne renoncera pas à son dessein. […] (probablement en contraste au « chatouillement des yeux », qui nous est causé par la lecture de mainte partition de nouveaux opéras allemands) ; mais que même l’amateur de musique allemand enlève les lunettes de ses yeux fatigués et pour une fois se donne sans réserve à la joie d’un beau chant, cela nous montre plus profondément son cœur et nous fait connaître un profond et ardent désir de respirer de nouveau pleinement et fortement pour se faire le cœur libre tout à coup, jeter loin de lui tout le bagage de préjugés et de méchantes pédanteries qui le força si longtemps à être un amateur de musique allemande, et, au lieu de cela, devenir enfin un homme heureux, libre et doué pleinement de cette admirable conception de tout ce qui est beau, sous quelle forme que cela se montre.

1351. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Sous le coup d’un irrésistible amour, dans l’embrasement de ses désirs, le poète sentit surgir l’étonnante tragédie du profond de son âme. […] Ce chant aigu, excessif, dont toutes les notes ont des vibrations désespérées de coups d’aile, reparaîtra sans cesse au cours de la pièce. […] Tristan se dérobe tout à coup pour jeter un ordre à ses marins.

1352. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Un jour, il avait pris un saumon, et il le mangeait au bord de l’eau, les yeux à moitié fermés, quand Loke le tua d’un coup de pierre … » Rheidmar, irrité de la mort de son fils, force les Ases (les dieux), comme rançon d’Ottur, de remplir d’Or rouge la peau de la loutre, et ensuite de la couvrir d’or. […] Le soir du 23 janvier 1883, la place de la Monnaie retentit tout à coup du thème fulgurant de l’Épée ! […] Ce coup imprévu au lendemain d’une telle apothéose, ne pouvait manquer de susciter des sympathies parmi les admirateurs intimes du maître et les anciens hôtes de la Wahnfried.

1353. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Je savais que ce vent venait en effet de là ; il n’y avait que quelques heures qu’il avait soufflé dans les cèdres et gémi dans les palmiers ; il me semblait entendre encore, et presque sans illusion d’oreille, dans ses rafales chaudes, les palpitations de la voile des grands mâts, le tangage des navires sur les hautes vagues, le bouillonnement de l’écume retombant de la proue, comme de l’eau qui frémit sur un fer chaud, quand la proue se relève du flot, les sifflements aigus quand on double un cap, les clapotements du bord, et les coups sourds et creux de la quille des chaloupes, quand le pêcheur les amarre contre les écueils de Sidon. […] Je cachais mon visage dans mes deux mains ; je regardais furtivement entre mes doigts les tours, le balcon, le jardin, le verger, la fumée sur le toit, les bois derrière bordés de chaumières connues, la prairie, la rivière, les saules sur le bord de l’étang ; et, recevant de chacun de ces objets un souvenir, une image, un son de voix, une personne, une voix à l’oreille, une vision dans les yeux, un coup au cœur, je fondis en eau, et je m’abîmai dans l’impossible passion de ce qui n’est plus ! […] Tout cela a roulé en bruissant pendant je ne sais combien de temps dans ma tête, comme le torrent de ma vie qui serait redescendu tout à coup après une pluie d’orage de toutes les montagnes, et qui serait revenu prendre possession de son lit desséché.

1354. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

La revanche est complète, et le châtiment de l’adultère est dans ce sanglant coup de fouet ! […] Feydeau se permettait de déshonorer l’adultère et fouaillait l’amant avec la femme coupable, d’une main plus hardie que pure, il est vrai, mais eux voyaient plus les coups que la main ! […] Voici comment, du reste : un rival ingénieux fait courir le bruit d’une réconciliation entre Daniel et sa femme, depuis longtemps abandonnée, et le coup de cette nouvelle développe chez la jeune fille une maladie de cœur qui la tue et qui le fait se tuer sur le cadavre de sa maîtresse, comme Roméo.

1355. (1886) Le naturalisme

à gros coup de pinceau, qui, en dépit de l’esthétique idéaliste de l’auteur, se fait jour ici ou là. Et je dis à gros coups de pinceau, parce que personne n’ignore que, pour Victor Hugo, les touches d’effet sont plus faciles que les coups de pinceau discrets et suaves ; aussi son réalisme est-il d’un effet puissant, mais pas si habile qu’on n’en voie la filandre. […] Il possède un tact si spécial, qu’il ne décrit que le plus saillant, le plus caractéristique, et cela en peu de mots, sans abuser de l’adjectif, en deux ou trois magistraux coups de pinceau. […] Lui les reçoit, non pas avec indifférence, mais comme des stimulants et des coups d’éperon qui l’excitent davantage au combat. […] A coup sûr, Walter Scott ne procède pas de Shakespeare.

1356. (1940) Quatre études pp. -154

Car tout d’un coup, le pire devient le meilleur pour le brave ; la minute noire est terminée, et la rage des éléments, les voix délirantes des démons vont s’affaiblir, se fondre, changer, devenir d’abord la paix exempte de souffrance, puis une lumière, puis ton sein, ô âme de mon âme. […] Vous compterez les heures     Qui me sépareront de vous… Mais l’égarement ne dure pas ; Musset revient à son thème central, revient à l’inconnu vêtu de noir, par une transition si gauche, par un « tout à coup » si naïf, qu’un pseudo-classique ne désavouerait pas le procédé : Mais tout à coup, j’ai vu dans la nuit sombre     Une forme glisser sans bruit. […] L’Esprit n’est pas encore vengé ; il conduit le navire jusqu’à la ligne : là, comme un cheval qu’on lâche tout d’un coup, il s’en va d’un bond ; le navire, ébranlé, sursaute et retombe ; le marin s’évanouit. […] Tout d’un coup, après un discours, au milieu d’une description, au cours d’une analyse, un frisson lyrique parcourait leurs phrases, et communiquait aux cœurs un frémissement qu’il ne s’agissait pas d’expliquer, mais de sentir. […] Et il s’écrie que tout était bon depuis l’origine ; que le malheur n’est venu que par quelque dévoiement, assez difficilement explicable ; il lui suffit de dégager la loi primitive de la nature pour retrouver du même coup la félicité.

1357. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Tout à coup, plus rien. […] Seulement Stendhal, sans parler de son talent d’observateur, a eu, de plus qu’elle, l’esprit d’aventures et de coups d’audace. […] Page 106 : « … Souvent elle tressaillait à l’apparition de cette ombre glissant tout à coup. » — Le texte de la Revue portait : « De cette ombre qui passait tout à coup ». — Et je crois savoir pourquoi. […] À ce coup, M.  […] Il le rouvre, le feuillette avec soin, corne les pages, met des coups de crayon aux marges, et… cherche partout la morale de Maupassant.

1358. (1903) La pensée et le mouvant

Le simple bon sens répondait : le temps est ce qui empêche que tout soit donné tout d’un coup. […] Représentez-vous un changement comme réellement composé d’états : du même coup vous faites surgir des problèmes métaphysiques insolubles. […] Il arrive, dans des cas exceptionnels, que l’attention renonce tout à coup à l’intérêt qu’elle prenait à la vie : aussitôt, comme par enchantement, le passé redevient présent. […] Plus vivante était la réalité touchée, plus profond avait été le coup de sonde. […] Comme si le travail de généralisation consistait à venir, après coup, trouver un sens plausible à ce discours incohérent !

1359. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Sa ballade Andalouse, en certains endroits, était très bien rimée, il l’a dérimée après coup de peur de montrer le bout de cocarde. […] alors, gare aux coups de coude ! […] Son esprit est comme un acier trempé, mais d’une trempe un peu aigre ; à tout coup l’épée perce, mais casse, et il faut la refaire. […] CLV Mme Sand peut faire encore bien du chemin avant d’arriver en fait d’idées sociales là où Mme de Charrière est allée droit sans phrase et du premier coup. […] Tout d’un coup, Talma, se levant et sortant sans dire adieu, se retourna au seuil de la porte et lança de son verbe le plus tragique ces admirables vers du rôle d’Auguste qu’il étudiait pour le moment et qu’il s’apprêtait à représenter : il y donna l’accent le plus actuel, le plus pénétré, s’inspirant du sentiment de la situation même et faisant de cette noble emphase cornélienne la plus saisissante des réalités : Mais quoi !

1360. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Il touche du même coup les deux extrêmes. […] L’humoriste renferme un poëte ; tout d’un coup, dans la brume monotone de la prose, au bout d’un raisonnement, un paysage étincelle : beau ou laid, il n’importe ; il suffit qu’il frappe. […] C’est le devoir complet des cochons1411. » Voilà la fange où il plonge la vie moderne, et par-dessous toutes les autres la vie anglaise, noyant du même coup et dans la même bourbe l’esprit positif, le goût du confortable, la science industrielle, l’Église, l’État, la philosophie et la loi. […] Les Français ne peuvent atteindre du premier coup, comme les Allemands, les hautes conceptions d’ensemble. […] Voilà un dernier chemin, escarpé sans doute et peu fréquenté, pour atteindre aux sommets où s’est élancée du premier coup la pensée allemande.

1361. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Il pense moins faire des effets de fleuret qu’à donner de rudes coups qui portent. […] Et tout à coup j’entendis le poète de Daphné me dire avec des flammes dans les yeux : « Bouhélier, c’est un créateur de vertus. » J’ai retenu cette belle phrase, et je me permets de la transcrire ici. […] quand parurent tout à coup les livres de MM. de Bouhélier, Montfort, Viollis, Fleury, Abadie, etc., la rumeur éclata malgré tout, énorme et continue. […] Paul Fort se trouva tout à coup isolé avec Walter : « Ah ! […] Je lui ai monté le coup.

1362. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

L’auteur de ces oracles meurt sans avoir atteint la grande célébrité européenne ; un silence de quelques années se fait sur sa tombe ; mais tout à coup un des deux partis d’idées en lutte dans le monde intellectuel, religieux, politique, éprouve le besoin de confondre, d’éblouir, de foudroyer le parti contraire par l’éclat d’un génie solidaire qui lui prête un style, des armes, des idées et de l’audace contre ses adversaires. […] « Il y a eu, dit-il, des nations condamnées à mort, comme des individus coupables, et nous savons pourquoi. » Tout à coup il se tourne inopinément contre les royalistes qui demandent la contre-révolution, la conquête de la France, sa division, son anéantissement politique. […] Tout à coup Bonaparte s’assied sur un trône de victoires ; les puissances européennes le reconnaissent, l’usurpation se fait dynastie, l’avenir paraît s’aplanir et s’étendre sans limites devant la fortune d’un soldat heureux. […] XXVII Voilà, comme homme, le véritable portrait du comte de Maistre, avant l’époque où il devint illustre par sa plume : une famille angélique, un époux irréprochable, un père tendre, une piété de femme sucée avec le lait d’une mère, une vertu antique, sauf quelques égarements d’esprit, une ambition honnête, mais trop active et peu modeste, une fidélité à son roi bien récompensée, mais une fidélité impérieuse forçant la main à son gouvernement, enfin un publiciste très contestable et très variable, qui, pour conserver sa réputation d’infaillibilité, corrigeait après coup ses oracles quand la fortune démentait ses prévisions, et qui savait être toujours de l’avis des événements, ces oracles de Dieu.

1363. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

XXXII À cette époque, un coup de vent, qui venait du Midi, souffla tout à coup sur l’Italie ; ce vent avait traversé l’Espagne. On a vu plus haut qu’une révolution militaire avait tout à coup éclaté à Naples au mois de juillet 1820 ; une secte masquée, les carbonari, avait jeté hardiment son masque en Calabre, soulevé les régiments, marché sur Naples et proclamé la constitution d’Espagne. […] Tout à coup, en 1846, la voix du pape actuel, Italien jusqu’à la moelle, réveilla on ne sait quel carbonarisme sacré en Italie par ses manifestes. […] XXXIX On sait comment Charles-Albert, sans tenir aucun compte de ces conseils, lança les Piémontais en Lombardie, fut mal reçu et plus mal secondé par les Lombards, combattit en intrépide soldat, fut vaincu, n’osa reparaître à Turin sous le coup de sa témérité et de sa déroute, abdiqua le trône, s’éloigna sous un nom d’emprunt de l’Italie, et alla mourir de sa déception et de sa douleur en Portugal.

1364. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Encore palefrenier la veille, il redevient poète tout à coup dans sa villa de Colmar. […] Mais, comme si la crainte de ce coup inévitable n’eût pas suffi à elle seule pour répandre une affreuse amertume sur les fugitives douceurs qu’il me restait à savourer, la fortune ennemie voulut y joindre sa dose cruelle pour me rendre plus chère encore cette éphémère consolation. […] Si je ne me fusse pas trouvé auprès de mon amie en recevant ce coup si rapide et si inattendu, les effets de ma juste douleur auraient été bien plus terribles ; mais, quand on a quelqu’un pour pleurer avec soi, les pleurs sont moins amers. […] D’autres : Brisons-les à coups de pierres !

1365. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Dès que la pensée s’exerce et poursuit sa marche, elle suppose qu’il y a quelque chose de pensable, que le terrain de la réalité ne va pas tout d’un coup se dérober sous elle, que, par conséquent, il y aura partout une certaine identité sous les différences, qui lui permette à la fois de distinguer et d’unir, de combiner les ressemblances et les dissemblances de manière à passer logiquement des principes aux conclusions. […] L’expérience, d’ailleurs, apprend à l’animal que des changements qui paraissaient d’abord indifférents, comme la simple vue d’un autre animal, ont été suivis d’autres changements douloureux, tel qu’un coup de dent reçu. […] L’antérieur et le postérieur, ici, c’est coup reçu et rendu, ou, en un seul mot, mouvement se propageant et se conservant. […] Il se retrouve dans une foule de perceptions, comme celles de pression, de résistance, de coup, de choc, etc. ; il se retrouve dans la sensation d’une vive lumière qui s’impose à nos yeux, d’un son qui envahit nos oreilles.

1366. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

XII La Russie elle-même, jeune race sur une vieille terre, entre dans son époque littéraire par un historien et par un poète (Karamsin et Pouskin) ; ils rivalisent du premier coup avec leurs modèles anglais, Hume et Byron. […] … Sur tes monts glorieux chaque arbre qui périt, Chaque rocher miné, chaque urne qui tarit, Chaque fleur que le soc brise sur une tombe, De tes sacrés débris chaque pierre qui tombe, Au cœur des nations retentissent longtemps, Comme au coup plus hardi de la hache du temps ; Et tout ce qui flétrit ta majesté suprême Semble, en te dégradant, nous dégrader nous-même ! […] Dans de telles extrémités, il est peu douteux que cent mille Français couvrant soixante mille Piémontais dans les plaines du Piémont n’eussent opéré, ou par leur seule présence, ou par un coup d’éclat, la libération du sol italique. […] Tout à coup le nom d’Aloysia de Stolberg, comtesse d’Albany, me rappela que j’avais dans ma malle une lettre de recommandation pour une dame de ce nom à Florence, lettre que j’avais jusque-là négligé de porter à son adresse.

1367. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Il me sembla que le rideau du monde matériel et du monde moral venait de se déchirer tout à coup devant les yeux de mon intelligence ; je sentis mon esprit faire une sorte d’explosion soudaine en moi et s’élever très haut dans un firmament moral, comme la vapeur d’un gaz plus léger que l’atmosphère, dont on vient de déboucher le vase de cristal, et qui s’élance avec une légère fumée dans l’éther. […] C’est que la jeunesse, la beauté, la naïve innocence des deux personnages, qui ne se défient ni d’eux-mêmes, ni des autres ; leurs fronts penchés sur le même livre, qui, semblable à un miroir terni par leur haleine, leur retrace et leur révèle tout à coup leur propre image, et les précipite dans le même délire et dans le même enfer par la fatale répercussion du livre contre le cœur et du cœur lui-même contre un autre cœur, sont là des coups de pinceaux achevés. […] Le patriotisme est honorable partout ; le génie italique est aussi une patrie dont ils défendent à coups de plume les magnifiques frontières.

1368. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Si, en effet, des espèces nombreuses appartenant aux mêmes genres ou aux mêmes familles avaient réellement apparu tout à coup dans la vie, ce seul fait réduirait à néant la théorie de descendance modifiée par sélection naturelle. […] Ces intervalles n’ont-ils pas dû suffire à la multiplication des espèces sorties d’une ou de plusieurs souches mères, espèces qui apparaîtront tout d’un coup comme un groupe soudainement créé ? […] Je puis rappeler ce fait bien connu que, dans les traités de géologie qui ont été publiés, il n’y a pas encore longtemps, toute la classe des Mammifères était considérée comme ayant apparu tout à coup au commencement de la série tertiaire. […] Je sais aussi que tous ceux qui peuvent penser que nos documents géologiques sont tant soit peu complets, ou qui ne reconnaissent pas quelque poids aux faits et aux arguments divers rassemblés dans ce volume, rejetteront du premier coup ma théorie.

1369. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

L’Espagne, se voyant sur le point d’être mortellement blessée par un si grand coup d’État, fondait l’espoir de son salut sur votre maladie ; mais son attente était bien vaine. […] Aussi faible d’esprit qu’il était robuste de corps, sa force étant telle que d’un coup de massue il abattait le cheval et le cavalier, et rompait la plus forte lance sur son genou… Du reste, il n’avait point de vices d’homme privé, mais était vaste et sans mesure en toutes choses… Je ne fais que toucher les principaux traits, j’en supprime d’énergiques et de familiers, mais qui font bien en leur lieu.

1370. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Et après qu’il avait ainsi fait frissonner, en la touchant au passage, la plaie cachée de chaque auditeur, après qu’il avait dû sembler en venir presque aux personnalités auprès de chacun, Massillon se relevait dans un résumé plein de richesse et de grandeur ; il se hâtait de recouvrir le tout d’un large flot d’éloquence, et d’y jeter comme un pan déployé du rideau du Temple : Non, mon cher auditeur, disait-il aussitôt en rendant magnifiquement à toutes ces chutes et toutes ces misères présentes des noms bibliques et consacrésa, non, les crimes ne sont jamais les coups d’essai du cœur : David fut indiscret et oiseux avant que d’être adultère : Salomon se laissa amollir par les délices de la royauté, avant que de paraître sur les hauts lieux au milieu des femmes étrangères : Judas aima l’argent avant que de mettre à prix son maître : Pierre présuma avant que de le renoncer : Madeleine, sans doute, voulut plaire avant que d’être la pécheresse de Jérusalem… Le vice a ses progrès comme la vertu ; comme le jour instruit le jour, ainsi, dit le Prophète, la nuit donne de funestes leçons à la nuit… Ici l’écho s’éveille et nous redit ces vers de l’Hippolyte de Racine : Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes… Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés… On a souvent remarqué que Massillon se souvient de Racine et qu’il se plaît à le paraphraser quelquefois. […] Les grands effets de l’éloquence de Massillon sont connus : le plus célèbre est celui qui signala son sermon Du petit nombre des élus, au moment où, après avoir longuement préparé et travaillé son auditoire, il l’interrogea tout d’un coup et le mit en demeure de répondre, en disant : « Si Jésus-Christ paraissait dans ce temple, au milieu de cette assemblée, la plus auguste de l’univers, pour nous juger, pour faire le terrible discernement, etc… » Cette assemblée, la plus auguste de l’univers, était celle de la chapelle de Versailles ; mais ce ne fut point là que Massillon prêcha d’abord ce sermon : ce fut à Paris, dans l’église de Saint-Eustache, où se produisit l’effet imprévu, irrésistible.

1371. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

» Acceptant hardiment l’éloge et en tirant sujet de s’humilier : Dieu, dit-il, ne retire plus ses prophètes du milieu des villes, mais il leur ôte, si j’ose parler ainsi, la force et la vertu de leur ministère ; il frappe ces nuées saintes d’aridité et de sécheresse : il vous en suscite qui vous rendent la vérité belle, mais qui ne vous la rendent pas aimable ; qui vous plaisent, mais qui ne vous convertissent pas : il laisse affaiblir dans nos bouches les saintes terreurs de sa doctrine ; il ne tire plus des trésors de sa miséricorde de ces hommes extraordinaires suscités autrefois dans les siècles de nos pères, qui renouvelaient les villes et les royaumes, qui entraînaient les grands et le peuple, qui changeaient les palais des rois en des maisons de pénitence… Et faisant allusion à d’humbles missionnaires qui, durant ce même temps, produisaient plus de fruit dans les campagnes : « Nous discourons, disait-il, et ils convertissent. » J’ai cité, d’après la tradition, quelques-unes des conversions soudaines opérées par l’éloquence de Massillon : pourtant, sans nier les deux ou trois cas que l’on cite, je vois que Massillon croyait peu à ces sortes de conversions par coup de tonnerre, « à ces miracles soudains qui, dans un clin d’œil, changent la face des choses, qui plantent, qui arrachent, qui détruisent, qui édifient du premier coup… Abus, mon cher Auditeur, disait-il ; la conversion est d’ordinaire un miracle lent, tardif, le fruit des soins, des troubles, des frayeurs et des inquiétudes amères ».

1372. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Il y a longtemps que si les hommes écrivaient aussi bien qu’ils parlent, ou que si l’on écrivait pour eux ce qu’ils disent dans les circonstances décisives où ils se trouvent, il y aurait quantité d’écrivains qui n’en seraient que plus mémorables pour ne pas être du métier : mais, parmi ceux qui ont songé à écrire ou à dicter après coup ce qu’ils avaient dit ou ce qu’ils avaient fait, la plupart ont perdu, en se mettant dans cette position et comme dans cette attitude nouvelle, une partie de leurs facultés, de leurs ressources ; s’imaginant que c’était une grande affaire qu’ils entreprenaient, et préoccupés de leur effort, ils ont laissé fuir mille détails qui animent et qui donnent du charme ; ils se sont ressouvenus froidement, ou du moins incomplètement ; on n’a eu que l’ombre de leur action ou de leur verve première. […] Il lui parle du jeune Grammont, qui est près de lui à ce siège, avec intérêt et désir de flatter le cœur d’une mère : « Je mène tous les jours votre fils aux coups et le fais tenir fort sujet auprès de moi ; je crois que j’y aurai de l’honneur. » Les expressions de tendresse, mon cœur, mon âme, s’emploient toujours sous sa plume par habitude, mais on sent que la passion dès longtemps est morte ; et enfin le moment arrive où, après quelques vives distractions qui n’avaient été que passagères, Henri n’a plus le moyen ni même l’envie de dissimuler : l’astre de Gabrielle a lui, et son règne commence (1591).

1373. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

ce m’était autant de coups de poignard dans le sein, voyant que je serais contraint de les abandonner au premier jour. […] Même à travers ce qu’il peut y avoir d’inexactement recueilli ou d’arrangé après coup dans la harangue de Henri, nous saisissons aussitôt les différences.

1374. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

On préparait le second passage du Danube ; Napoléon voit passer le général Mathieu Dumas, qui cherchait le maréchal Berthier : il l’arrête, le questionne sur plusieurs points de détail ; puis, tout d’un coup, changeant de sujet et se ressouvenant que Mathieu Dumas avait été des constitutionnels en 89 et dans l’Assemblée législative : — Général Dumas, vous étiez de ces enthousiastes (j’adoucis le mot) qui croyaient à la liberté ? […] Au moment le plus grave du premier empire assyrien ou de l’ère de Nabonassar, il grasseye tout d’un coup en prononçant certains mots que tout à l’heure il prononçait bien.

1375. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Ceux qui pensaient de la sorte, s’ils survécurent jusqu’en 1670, se trouvèrent tout d’un coup de cinquante ans en arrière. […] Le Fleuve irrité se met donc à tout détruire et à renverser la pompe, espérant du même coup anéantir les vers ; mais les vers sortent seuls victorieux du naufrage : Fulcra domus cecidere, simul domus omnis, eodem Superabat demens evertere carmina fluctu : Sola sed eversis manserunt carmina tectis.

1376. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

À tous coups ils me perdaient de vue et m’envoyaient plus haut que les aigles ne peuvent monter, etc. […] Mais lorsque, dans deux cents ans, ceux qui viendront après nous liront en notre histoire que le cardinal de Richelieu a démoli La Rochelle et abattu l’hérésie, et que, par un seul traité, comme par un coup de rets, il a pris trente ou quarante de ses villes pour une fois ; lorsqu’ils apprendront que, du temps de son ministère, les Anglais ont été battus et chassés, Pignerol conquis, Casal secouru, toute la Lorraine jointe à cette couronne, la plus grande partie de l’Alsace mise sous notre pouvoir, les Espagnols défaits à Veillane et à Avein, et qu’ils verront que, tant qu’il a présidé à nos affaires, la France n’a pas un voisin sur lequel elle n’ait gagné des places ou des batailles : s’ils ont quelque goutte de sang français dans les veines, quelque amour pour la gloire de leur pays, pourront-ils lire ces choses sans s’affectionner à lui ?

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