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1030. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Elles prennent aussi une couleur singulière par le tempérament, de l’homme qui les exprime.

1031. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Alors que, depuis le xviie  siècle, le monde était comme le milieu naturel de l’espèce des écrivains, alors que les ouvrages devaient, pour réussir et vivre, lui être et destinés et adaptés, il arrivera rarement désormais que les écrivains les plus illustres, les plus à la mode même, soient des hommes du monde, et y prennent l’esprit, la couleur de leur œuvre.

1032. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Mais il se portait très bien, un peu haut en couleur, l’air d’un robuste bourgeois campagnard.

1033. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

D’une part, les faits idéologiques ou moraux lui apparaissent comme à un artiste d’instinct, doué seulement des sens extérieurs, et traduisant les impressions, pour autrui idéologiques et rien de plus, en sensations de couleur, saveur, résistance, etc.

1034. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les petites revues » pp. 48-62

« Il ne se fera, quoi qu’on en ait dit, l’organe d’aucune coterie, d’aucune secte : il n’a pas de couleur littéraire ; il est et restera ouvert à toute tentative originale, il prêtera son concours le plus entier à tous ceux qui luttent pour arriver au jour, à une époque où il devient de plus en plus difficile de percer la couche épaisse de sottise qui sépare les jeunes écrivains du grand public. ».

1035. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Je me sens pénétré par l’harmonie des sons et des couleurs.

1036. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

Pontmartin, lequel est un mixte négatif, qui n’est pas tout à fait Gustave Planche et qui n’est pas tout à fait Janin, composé de deux choses qui sont deux reflets : un peu de rose qui n’est qu’une nuance, et beaucoup de gris qui est à peine une couleur, aurait cependant, dans l’appréciation des œuvres littéraires et de leur moralité, le bénéfice des idées chrétiennes et la facile supériorité qu’elles donnent à tous les genres d’esprit, si les partis et les relations, la politique et la politesse, n’infirmaient jusqu’à sa raison.

1037. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

En effet, qu’y a-t-il de commun entre un grand tableau à la détrempe, vrai de couleur, de dessin et de perspective comme une enseigne, fait pour les myopes ou les organes grossiers, et les petits chefs-d’œuvre à la sanguine, grands comme l’ongle, où le sentiment, malgré l’exiguïté du cadre, a une puissance infinie, et qui rappellent ces noyaux de pêche que Properzia di Rossi a ciselés avec tant de passion dans la fantaisie et tant de précision dans la main !

1038. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Avec son style naturellement sans couleur, ce style blanc et doux que l’abstraction a blanchi encore, il n’a fait aucun mal aux yeux des hommes à conserves qui avaient à le juger, et ils ont tous apprécié infiniment cette flanelle… Certainement, pour manquer le prix, il fallait s’y prendre de toute autre manière.

1039. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « V. Saint-René Taillandier »

Saint-René Taillandier n’est pas le plus mauvais écrivain du groupe littéraire dont il fait partie, de ce groupe obscur, sans couleur, sans sonorité, de peu de nerf, qui s’en va laissant sa critique sur les écrits contemporains et qu’on pourrait appeler très bien « les colimaçons de la littérature », car ils portent aussi leur maison sur le dos et ils la traînent partout, comme les écrivains de la Revue des Deux-Mondes, qui ne sont jamais nulle part que des écrivains de la Revue des Deux-Mondes !

1040. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

C’est un poète passionné qui éclôt dans le poète, indifférent à tout, excepté au relief et à la couleur, phénix né d’un autre phénix, et le voilà, lui aussi, avec sa mélancolie, — comme Lamartine ou de Musset.

1041. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Burnouf, lequel y verrait un essai d’acclimatation en français d’une foule d’expressions plus ou moins obscures, et dont, pour l’honneur de la couleur locale, si importante aux yeux des costumiers poétiques, toute cette poésie est émaillée.

1042. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

L’obscurité de la terre se dissipe sous le dard enflammé du soleil ; et la couleur est rendue aux objets, avec la lumière de l’astre étincelant.

1043. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Ainsi, Cléopâtre entre en scène avec une magnifique tirade sur les antiquités égyptiennes, sur le Nil, sur mille détails de-climat et de couleur locale. […] On les remarqua, et la Revue des Deux-Mondes, qui n’a jamais péché, que je sache, par excès d’indulgence, en signala le mouvement, la couleur et la verve. […] L’arche réparatrice apparaît au flanc desséché du mont Ararat, et l’arc-en-ciel teint de ses couleurs la nuée encore menaçante la mer est vaincue : Usque huc ! […] C’est très beau comme exécution, comme couleur, comme encadrement pittoresque ; mais, en vérité, il faudrait que notre pauvre poésie moderne eût commis de bien impardonnables énormités pour mériter d’être condamnée à une aussi terrible déportation. […] Ce n’est là qu’une question secondaire, accidentelle, un vernis de couleur locale jeté sur une passion et un caractère, mais qui n’est à vrai dire ni le caractère ni la passion.

1044. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Cela est, avec plus de couleur, du meilleur Voltaire des Contes, du meilleur Montesquieu des Lettres persanes, à plus forte raison du meilleur Saint-Lambert des Fables orientales. […] Sans compter une « couleur locale vraiment trop faite exprès ». […] Cela rappelle la première moitié du Traité de l’existence de Dieu de Fénélon, et c’est, à la fois, moins probant encore et infiniment plus riche de couleurs. […] Il a l’air alors de sentir et de jouir pour son compte… Il y a, tout près de la fin, au livre XXIIIe, une fête de Bacchus et un hymne à Bacchus, d’une ardeur, d’une couleur ! […] Cela est d’une couleur intense, quoiqu’il écrive ces pages après 1830, alors qu’autour de lui on commençait à pallier les crimes de la Révolution et à transfigurer les criminels.

1045. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Laurent Tailhade a composé des vers très simples et d’une couleur délicate. […] Lorsque le bon Perrault dépeint les célèbres robes de Peau d’Âne, il se contente d’écrire : « Elle avait une robe couleur de lune et une robe couleur d’étoiles ». […] Il croit que le peuple (n’oublions pas qu’il écrit pour le peuple) aime les types tranchés, enluminés de couleurs brutales. […] Ses romans les plus fantaisistes sont pleins de coins exacts, miraculeusement restaurés et la couleur en est presque toujours juste. […] La première de ces deux parties est un modèle d’exactitude, de couleur, de rapidité, d’émotion.

1046. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Or Balzac avait la couleur, il avait une toute-puissance d’observation à laquelle rien n’échappait, et nous ne connaissons pas de plus grand poète que Balzac quand il est poète, et il l’est souvent. […] Castille, se hausser sur la pointe des pieds à la vitrine des étalagistes, et, tout radieux de leur résurrection éphémère, s’efforcer d’attirer le passant par la cocarde aux couleurs voyantes du réalisme. […] Il est plat et sans couleur. — Un seau puisé dans une mare, et qui passe insensiblement à l’état de carafe d’eau filtrée ! […] Joseph Félon, entre autres, dont le pinceau se distingue d’habitude par une sorte de grâce insinuante et spirituelle, a jeté parmi ce sanhédrin de figures impossibles, deux ou trois félonies de couleur tout à fait indignes de son talent. […] Le drame s’engage, l’intrigue, s’emmêle, la pantomime se trémousse, les lazzis éclatent, le poignard s’aiguise dans l’ombre, l’éventail joue aux lumières ; et le public est tout étonné de trouver dans cette comédie de la ligne et de la couleur l’intérêt qu’il cherchait tout à l’heure derrière la rampe.

1047. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Racine plus naturel. ») De même, les romantiques lui reprochaient d’ignorer la « couleur locale », et voilà que cette indigence même contribue à nous le faire apprécier ; car c’est par elle que ses peintures restent jeunes et se trouvent à la fois contemporaines des trois plus beaux siècles de notre développement intellectuel. […] Nous restons à cent lieues, je ne dis pas de la vérité historique, mais même de la « couleur locale » des poètes de 1830. […] Et, comme j’y retrouve intactes les trois unités, comme je n’y vois ni semblant de couleur historique, ni mélange du comique ou du familier avec le tragique, ni lyrisme, ni poésie, ni pittoresque, ni thèses sociales, ni mélancolie, ni truculence, ni rien, on ne peut même pas dire que ce soient déjà des espèces de drames romantiques, ce qui ne serait pourtant pas encore grand’chose. […] Il a le mouvement, la clarté, presque toujours la pureté (qui d’ailleurs n’est pas indispensable au théâtre), quelquefois la couleur. […] Les chansons qu’elle nous chante ont du moins, dans leur grossièreté, de la verve et quelque couleur.

1048. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Ce n’est pas sans doute qu’il n’y ait dans quelques monuments de notre vieille histoire de précieuses couleurs que l’on pourrait assortir, pour rendre quelques traits du pinceau des Grecs. […] Quand Hérodote écrivit, on avait applaudi sur le théâtre d’Athènes les Perses d’Eschyle, cet hymne du patriotisme et de la gloire, où la poésie prodigue ses plus riches couleurs. […] Mais les admirables couleurs dont il peint sa déesse, annoncent qu’il aurait pu conserver et rajeunir tous les dieux d’Homère. […] Toute couleur disparaît ; les traits mêmes s’effacent ; et les plus récents de ces ouvrages semblent quelque épreuve de gravure sortie la dernière d’une planche usée. […] C’est particulièrement pour les pièces d’invention que le poète anglais a réservé cette richesse de couleurs qui semble lui être naturelle.

1049. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Si les personnages que nous venons d’approcher tout à l’heure ont le tort de se présenter un peu fréquemment, ils sont aussi la reproduction trop fidèle des pensées exprimées en plus d’un endroit pour le compte de l’auteur ; ainsi, non contents de se faire double emploi à eux-mêmes, ils reposent encore sur un fonds de leur couleur, précaution très peu propre à les faire ressortir. […] Il ne s’arrête pas au placage des descriptions de mœurs ou de costumes, et de même que, dans ses poésies, on l’a vu moins soucieux que ses contemporains de ce qu’on appelle la couleur locale, de même, dans ses nouvelles on le retrouve peu enclin à aiguiser la curiosité du lecteur par des peintures de faits matériels. […] Une seule chose c’est qu’avec des procédés semblables, on parvient après tout à faire de la couleur. La couleur ! […] Dans de pareils instants, le satirique assure que deux facultés se développent en lui ; la première n’est pas d’une application bien précieuse ; elle se borne à ce que tous les chats lui paraissent d’une même couleur ; la deuxième est plus enviable : toutes les femmes lui semblent belles.

1050. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Son instinct profond de la vie, sa puissance de sympathie, ses dons de visionnaire, lui ont permis d’imaginer et de montrer les hommes et les choses du passé avec des couleurs qui donnent l’illusion de la réalité. Il est le seul des romantiques chez qui la couleur locale ne soit pas le trompe-l’œil d’un décor, mais l’évocation d’êtres vivants, de choses réelles. […] Il y avait beaucoup d’engouement, de mode passagère dans ce mouvement ; beaucoup de mauvais goût et de fausses couleurs dans la manière dont on peignait le passé. […] Pour Hugo, les sentiments ont des formes, des sons, des couleurs ; il parle de l’âme comme si l’on pouvait la toucher et la voir. Pour Michelet, la forme, les couleurs, les sons ne sont que les expressions de certains sentiments, de certaines pensées, les manifestations d’une âme cachée.

1051. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Partisans de l’ancien ordre de choses, ils nous effrayent de l’avenir et nous invitent à retourner les yeux vers un passé qu’ils parent de séduisantes mais trompeuses couleurs. […] Renan ne trempe son pinceau que dans les godets des couleurs modestement pâles ! […] Guy de Maupassant l’exactitude de ses couleurs ? […] Michelet seul peut-être a porté aussi loin l’art de produire avec des mots la sensation de la couleur et de faire entendre les grandes voix de la nature. […] Dumas pour qu’il les peigne toujours sous des couleurs si atroces ?

1052. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Ces images elles-mêmes s’ordonneront et se nuanceront de façons différentes, suivant qu’il sera organisé pour apercevoir certaines formes et certaines couleurs plutôt que d’autres. […] Dans le mélodrame tout est remis au hasard, et le jeu des passions est remplacé par celui des portes, fenêtres, trappes, déguisements et manteaux couleur de muraille. […] L’invention des caractères, des sentiments, des mœurs, des couleurs, fait le moraliste, le romancier, l’historien, le poète ou le peintre. […] La couleur, qui avait été dans les Orientales la grande nouveauté, est pareillement le mérite le moins contestable des drames de Hugo. […] Hymnes et méditations, la musique et les couleurs, satire, épopée, philosophie, le romantisme a jeté tous ces éléments dans le théâtre sans arriver à les fondre avec lui.

1053. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Procès-verbal est dressé des circonstances et caractères physiques qui peuvent éclaircir le point de fait : on constate qu’autour des rayons de miel en litige « des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs, de couleur fort tannée, ainsi que les abeilles, avaient longtemps paru. » Vous croiriez que vous écoutez le résumé d’un président ; la description a l’air transcrite d’un journal du palais. […] Les extrêmes s’y assemblent et s’y heurtent ; les couleurs s’y effacent l’une l’autre, et l’on n’a qu’un tableau ennuyeux et choquant. […] Notre tête était pleine de formes, de couleurs, d’accents, de mouvements ; le spectacle des passions vivantes éveillait en nous des passions vivantes. […] Les témoins déposaient qu’autour de ces rayons, Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs, De couleur fort tannée, et tels que les abeilles, Avaient longtemps paru.

1054. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Puis viennent les portraits des dames riantes, Richesse, Franchise, Gaieté, et par contraste, ceux des personnages tristes, Danger, Travail, tous abondants, minutieux, avec le détail des traits, des vêtements, des gestes ; on s’y promène, comme le long d’une tapisserie ; parmi des paysages, des danses, des châteaux, entre des groupes d’allégories, toutes en vives couleurs chatoyantes, toutes étalées, opposées, incessamment renouvelées et variées pour le plaisir des yeux. […] Il y a quelque chose de plus agréable qu’un beau conte, c’est un assemblage de beaux contes, surtout quand les contes sont de toutes couleurs. […] Pareillement la plupart des poëmes du temps sont dénués de fond ; tout au plus une moralité banale leur sert d’étai ; en somme, le poëte n’a songé qu’à étaler devant nous l’éclat des couleurs et le pêle-mêle des formes. […] Il détrempe une vive couleur dans une strophe monotone.

1055. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Rien ne l’arrête ; il nous dépeint, avec une précision vraiment surprenante, le frémissement de la forêt, le murmure lointain d’une cascade, la couleur et la forme changeante des nuages, le jeu d’un rayon de soleil qui éclaire subitement la plaine ; et comme la nature est toujours attrayante, tous ces détails, loin de lasser l’attention du lecteur, ont un charme infini. […] Dans la chambre froide 12 qui se trouvait à droite de celle où nous étions entrés, deux autres paysannes étaient occupées à disposer le local en toute hâte ; elles en tiraient une foule de vieilleries, des cruches vides, des touloupes 13 dont la peau était durcie à force d’usage, des pots à beurre, un berceau rempli de chiffons de toute couleur, et contenant un enfant à la mamelle : elles balayaient avec les paquets de branches dont on se sert au bain14 les ordures qui couvraient le plancher… Arcadi Pavlitch les chassa et alla s’établir sur le banc près des images 15. […] Au-dessus d’un amas de noirs buissons, la couleur du ciel s’éclaircit un peu… Serait-ce un incendie ? […] Un petit bois de tremble, entièrement dépouillé de feuilles et inondé de lumière, semble tout joyeux de sa nudité ; la gelée blanchit encore le fond de la vallée, et un vent frais soulève légèrement et chasse devant lui les feuilles desséchées qui couvrent le sol ; de longues vagues bleues courent gaiement sur la rivière et balancent doucement les oies et les canards dispersés à sa surface ; le vent vous apporte le bruit d’un moulin à demi caché par des saules, et au-dessus duquel des pigeons de toutes couleurs tournoient rapidement dans les airs… Les jours brumeux d’été ont aussi leurs beautés, mais les chasseurs ne les aiment point.

1056. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

La technique de Millet n’est pas assez puissante, sa touche est trop lourde, sa couleur est trop terne pour compenser cette erreur fondamentale. […] Il dépeignit en praticien, doublé du littérateur, unissant la couleur à la crudité, les fièvres des sens, les réveils du sang, les prurits de la chair on la sentait frissonner et palpiter sous sa plume. […] Ce sont donc ces sortes de gens qui, en employant ces mots abominables, rendent le plus grand service aux lettres ; sans eux et leur vocabulaire spécial, la langue perdrait et sa couleur et son énergie. […] La chimie seule semble devoir fournir à la peinture des compositions et des combinaisons de couleurs ignorées des anciens maîtres.

1057. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

De fait, j’observe que la dimension, la forme, la couleur même des objets extérieurs se modifient selon que mon corps s’en approche ou s’en éloigne, que la force des odeurs, l’intensité des sons, augmentent et diminuent avec la distance, enfin que cette distance elle-même représente surtout la mesure dans laquelle les corps environnants sont assurés, en quelque sorte, contre l’action immédiate de mon corps. […] Il ne suit nullement de là qu’il n’y ait pas, pour chaque genre d’affection, une localisation immédiate d’un certain genre, une couleur locale qui lui soit propre. Allons plus loin : si l’affection n’a pas cette couleur locale tout de suite, elle ne l’aura jamais. […] Pour prendre un exemple bien défini, celui d’ailleurs qui nous intéresse le plus, nous dirons que le système nerveux, masse matérielle présentant certaines qualités de couleur, de résistance, de cohésion, etc., possède peut-être des propriétés physiques inaperçues, mais des propriétés physiques seulement.

1058. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Il y a dans ses écrits une grande diffusion de talent, si je puis dire ; le talent, comme un air vif et subtil, y est disséminé partout, et ne s’y réfléchit guère avec splendeur et couleur à aucun endroit en particulier ; il craint de paraître viser à l’effet, il se méfie de l’emphase ; c’est tout au plus si par places il se permet des portraits proprement dits, tels que ceux du roi de Prusse Frédéric-Guillaume et de l’empereur Alexandre (pages 424-457), et encore il les fait alors, beaucoup plus fins et-spirituels que saillants et colorés.

1059. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Il excelle, à propos des nouveautés qui passent, à se tailler un sujet à part dans une étoffe souvent vulgaire qu’il rehausse aussitôt, à en détacher et à y découper pour son compte un personnage historique, une grande figure, un type, et il s’y applique, il s’y déploie avec sa vigueur d’expression, sa couleur éblouissante, avec son instruction et sa vaste lecture toujours neuve, originale, inventive et heureuse d’allusion et d’à-propos, qui n’a rien de banal ni d’usé dans ses citations, et qui même, lorsqu’elle sort d’un coffre antique, a la splendeur d’une étoffe d’Orient. « Quand je lis Saint-Victor, je mets des lunettes bleues », disait Lamartine.

1060. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Les couleurs, la science, l’harmonie, affluent, se combinent et ne font jamais faute ; mais je préférerais encore une expression plus voisine du sentiment, fût-elle incomplète par endroits.

1061. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

La forme et le style poétique sont encore une fois tombés, en quelque sorte, dans le domaine public ; il coule devant chaque seuil comme un ruisseau de couleurs ; il suffit de sortir et de tremper.

1062. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Albert Mockel M. de Régnier est surtout un droit et pur artiste ; son vers a des lignes bien tracées, des couleurs transparentes et rares disposées avec justesse ; il démontre une grande probité d’écriture, un idéal d’art austère, la volonté d’un homme qui garde haut sa conscience.

1063. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Il a la souplesse, l’esprit, la grâce, la couleur, l’imagination fleurie et la langueur mièvre, quand il veut, et même, quand il lui plaît, la précision, la force, et presque partout des rimes ingénieuses et belles.

1064. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Ils ont la même couleur que le pourpoint.

1065. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

Ce Poëme est d’ailleurs frappant par la justesse du dessin, la disposition des parties, la vérité des couleurs, & le ton de noblesse qui y regne.

1066. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

On a rassemblé ci-dessus quelques exemples pareils entre eux de ce faux goût, empruntés à la fois aux écrivains les plus opposés, à ceux que les scholastiques appellent classiques et à ceux qu’ils qualifient de romantiques ; on espère par là faire voir que si Calderon a pu pécher par excès d’ignorance, Boileau a pu faillir aussi par excès de science ; et que si, lorsqu’on étudie les écrits de ce dernier, on doit suivre religieusement les règles imposées au langage par le critique, il faut en même temps se garder scrupuleusement d’adopter les fausses couleurs employées quelquefois par le poëte.

1067. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Marin, est le portrait de l’honnête homme uni au galant homme : portrait d’autant plus fidéle que l’auteur en a puisé les couleurs dans lui-même.

1068. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Et si je le peins ici avec des couleurs effrayantes, c’est qu’il faut négliger les exceptions et le connaître tel qu’il est par état, pour l’instituer tel qu’il doit être ; je veux dire saint ou hypocrite.

1069. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

Il faut que l’oeil d’un peintre soit accoûtumé de bonne heure à juger par une operation sûre et facile en même-temps, quel effet doit faire un certain mêlange, ou bien une certaine opposition de couleur, quel effet doit faire une figure d’une certaine hauteur dans un grouppe, et quel effet un certain grouppe fera dans le tableau, après que le tableau sera colorié.

1070. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

Mais, quand on ne tient sous son pinceau que des ridicules, il faut les faire vivre le plus possible pour qu’on les voie bien ; il faut leur donner la couleur et le relief, et le mouvement et l’intensité de la vie ; et c’est là ce qui manque le plus aux ridicules de Mme Sophie Gay !

1071. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Il n’est guère possible d’écrire plus lourdement et plus vulgairement que ces messieurs, — et c’est même à se demander si le docteur Hefele, qui a approuvé cette traduction sans noblesse et sans couleur, manque du sentiment de sa propre langue ou du sentiment de la nôtre ?

1072. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

L’esprit de conversation désorientait de ses feux et de ses éclats ce génie nonchalant et triste, qui broyait longtemps ses couleurs en silence.

1073. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

sur des cœurs moins forts et moins grands, et que des historiens comme MM. de Goncourt, par exemple, l’aient sentie d’avance, dès les premières pages de leur livre, mêler son noir aux roses et aux vermillons, parfois fatigants, de leur palette, et donner du profond à ces superficielles couleurs.

1074. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

II Cela dit brusquement à Wey, pour l’honneur d’une conception première qui me plaisait excessivement, mais qui supposait la chose la plus rare : l’impersonnalité, ou plutôt la personnalité caméléonesque d’un poète dramatique, je n’ai plus qu’à louer un livre vrai, spirituel, érudit, attentif à tout, et qui, sous prétexte de voyage, nous parle tour à tour politique, art, histoire, morale, société, avec une originalité qui n’a pas le profond, le mordant, la couleur étrange de l’originalité anglaise, mais qui, après tout, a la sienne.

1075. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

sur des cœurs moins forts et moins grands, et que des historiens, comme MM. de Goncourt, par exemple, l’aient sentie d’avance, dès les premières pages de leur livre, mêler son noir aux roses et aux vermillons, parfois fatigants, de leur palette, et donner du profond à ces superficielles couleurs !

1076. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Son livre a donc remonté, à travers les filiations interrompues, cette longue file historique de d’Orléans funestes, depuis le premier, qui, en 1336, s’enfuit devant le Prince Noir, à la bataille de Poitiers, jusqu’au dernier, qui, en 1848, s’enfuit en fiacre devant des vainqueurs qui n’étaient pas des princes, de quelque couleur que ce pût être !

1077. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Quelques pages d’invective ardente mêlées à ces larmes qui coulaient, pour tout, des yeux de Camille Desmoulins, quelques coups de plume qui déchiquètent et qui ont le tort de trop ressembler à des coups de couteau, enfin une originalité de peu de ressources, qui consiste à transporter — couleur locale à la renverse ! 

1078. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

Marmontel, qui ne voyait pas grand-chose, avait vu cela, et, lui qui ne bouillait pas de couleur, avait dit qu’il était, ce petit Poucet d’abbé Galiani, gros et grand comme rien mais spirituel comme tout, une tête de Machiavel, qu’il ne rapetissait pas, lui, comme Morellet avec son Machiavellino !

1079. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Le fantaisiste Gérard de Nerval, ce poète du temps de la poésie échevelée, ce romantique de la meilleure époque, est, avant tout, dans ce livre : le meilleur de ses livres, un esprit calme, impartial, exact, voyant les faits et les exprimant dans un style élégant, précis, d’un coloris tempéré et certainement plus classique que romantique, mais d’un classique teinté d’une couleur sobrement éclatante que Fontanes aurait admirée !

1080. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Et d’ailleurs, quand le poète est dans l’homme, il envahit l’homme tout entier ; et toutes ses œuvres ont l’intimité et la couleur de sa poésie.

1081. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

il a eu peut-être ses raisons pour affecter cette froideur singulière, pour étouffer l’expression ardente, pour pâlir une couleur qui eût pu briller davantage, pour enfin avoir fait, qu’on me passe le mot !

/ 1980