Nodier est mort en homme des espérances immortelles, en homme religieux et en chrétien.
Pleins d’un amour sincère pour la patrie, ils sont prêts à faire pour elle de grands sacrifices : cependant la civilisation trouve souvent en eux des adversaires ; ils confondent ses abus avec ses bienfaits, et dans leur esprit l’idée du mal est indissolublement unie à celle du nouveau. » Cette absence de lien entre les opinions et les goûts, entre les actes et les sentiments, entre l’énergie des désirs et la justesse des vues, ce divorce trop habituel entre les convictions chrétiennes restantes et les sympathies de l’avenir, toute cette confusion morale attriste le jeune philosophe et lui semble un symptôme presque unique dans l’histoire.
Un chrétien ne peut faire son examen de conscience sans lier ses pensées entre elles, sans rapporter ses actes à leurs motifs et à leurs mobiles.
Rod à plus de charité et d’humilité d’esprit, et à une résignation déjà chrétienne.
Ascétisme chrétien.
L’école chrétienne, peut-être du vivant même de son fondateur, chercha a prouver que Jésus répondait parfaitement à tout ce que les prophètes avaient prédit du Messie 732.
On supposait que le grand-prêtre possédait un certain don de prophétie ; le mot devint ainsi pour la communauté chrétienne un oracle plein de sens profonds.
Dès 1763, dans un réquisitoire qui avait pour objet d’engager le parlement de Bretagne à demander au roi une réforme de l’éducation nationale, M. de La Chalotais, procureur-général, après avoir déploré qu’il y eût un si grand nombre de collèges s’exprimait ainsi : « Les frères de la doctrine chrétienne, qu’on appelle ignorantins, sont venus pour achever de tout perdre. » Je ne cite ceci que parce que ce n’est pas un fait isolé.
Au moins, Louis XIV, qui transgressa la loi sociale de la famille, — le plus grand crime politique de sa maison, — avait gardé la foi chrétienne et forçait les vices de son temps même les siens) à l’hypocrisie.
Ce qui frappa surtout quand elles parurent, car son génie était connu et faisait trembler, ou du moins étonnait quand on ne tremblait pas, ce qui frappa en ces lettres inespérées, ce fut le père, non le père majestueux, quoiqu’il y fût aussi, le paterfamilias, Romain deux fois, de la Rome antique et de la Rome chrétienne, mais le père tendre comme une mère, le genre de père qu’avec la gravité d’un tel homme justement on n’attendait pas !
César Daly, avec ses opinions philosophiques, le tour indépendant de son esprit et toute la vie de son impatiente originalité, interpréterait-il bien l’idée chrétienne d’un monument qui remontait à un autre âge, à un âge dont il a dit parfois que les inspirations étaient finies ?
Et c’est l’idéalisme, c’est-à-dire le spiritualisme, c’est l’idée du devoir dans sa conception biblique et chrétienne, qui ont été bombardés dans la personne de Carlyle.
Les suites des fautes commises sont longues, et leur résultat quelquefois incommensurable… Les royautés européennes, filles du Christianisme, qui avaient pour strict devoir de charité et de politique chrétienne de voler, dans l’atroce péril qui la menaçait, au secours de la Royauté française, quelles que fussent l’incapacité et les fautes personnelles de Louis XVI (il ne s’agissait pas de cela pour elles !)
Si, pour les hommes véritablement ambitieux, le père Joseph du Tremblay est plus beau dans sa bure de capucin que le cardinal de Richelieu dans ses flots de pourpre, si la puissance sans titre, l’influence sans nom, mais effectives, sont plus que le costume, l’éclat et l’attitude du commandement, de quel sentiment ne devons-nous pas être pénétrés pour cette admirable vieille femme que Louis XIV appelait Sa Solidité et consultait en plein conseil de ministres, et qui, majestueuse et discrète, « toujours vêtue d’étamine noire ou feuille-morte », resta toute sa vie une humble chrétienne, avec des manières de femme du monde à tout relever !
Elle se souvenait, sans doute, des magnifiques paroles de sa cousine, Clotilde de France, Reine de Sardaigne, qui disait : « que la plus belle place pour une chrétienne dans le Paradis, serait celle où l’on verrait à côté de soi un ennemi pour lequel on aurait prié ».
Rien dans le livre de d’Alaux ne nous autorise à ne pas croire l’auteur chrétien.
Ensuite, un officier catholique, parent du sous-officier protestant, prit la parole au bord de la fosse et exprima sa reconnaissance d’avoir entendu les représentants des deux églises chrétiennes symphoniser ainsi… » Ah !
Nous nous intéressions à l’amour de Rodrigue et de Chimène, et notre sympathie pour Pauline le disputait à notre admiration pour son « chrétien de mari » ; mais, après tout, quoi qu’il en pût advenir, nous savions bien qu’il n’y allait ni du sort des Espagnes, ni de celui de l’empire romain. […] Bien né, d’une bonne famille bourgeoise ; bien élevé, dans cette austère et sainte maison de Port-Royal, dont il était l’enfant prodigue après en avoir été jadis l’enfant gâté ; bien fait de sa personne, agréable à voir, ayant quelque chose en lui du charme simple et de l’élégante noblesse de sa poésie ; chrétien au fond du cœur ; païen par tous ses sens : je doute s’il y a jamais eu de génie plus ouvert à toutes les influences, plus capable, selon l’énergique expression d’un autre poète, de se les convertir « en sang et en nourriture », plus semblable à son temps, et cependant plus original. […] La vraie, la bonne, la toute-puissante, c’est que l’insuccès de sa Phèdre a réveillé le chrétien qui sommeillait dans son cœur. […] Et c’est pourquoi, dans l’excès de sa première ferveur, peu s’en fallut qu’il ne se fît chartreux, et s’il se retira finalement dans un « mariage chrétien », ce fut grâce au bon sens et à la sagesse de son confesseur78. […] Ni tout à fait antique, ni tout à fait moderne, la Phèdre de Racine, Messieurs, n’est non plus ni tout à fait chrétienne ni tout à fait païenne.
Cela prouve simplement qu’il y a diverses sortes de « libertins » et d’esprits forts, comme il y a différentes qualités de chrétiens. […] Un dévot peut être un chrétien, un idéaliste, un mystique ; mais, à vrai dire, il n’y songe pas : il est un dévot. […] Ici, les fils des Sarrazins féroces y dansent la moresque au pied des rocs sauvages ; et là, le chrétien pieux glane les pleurs qu’y répandit la blonde Madeleine. […] 1e L’idée de la Visite de noces est essentiellement et très simplement chrétienne. […] La Visite de noces implique et quelquefois exprime les idées les plus austèrement chrétiennes, — mais sur les planches, par de jolies bouches peintes, dans un spectacle où tout est disposé pour flatter les sens, et où la foule assemblée est, en vertu même du motif qui l’assemble, dans des dispositions d’esprit aussi peu chrétiennes que possible.
Bien loin d’être une nouveauté, elle s’accorde pleinement avec les véritables dogmes chrétiens, qui la contiennent en substance et qui la résument. […] Louis Molines, ce n’est pas autre chose qu’étudier la critique littéraire au point de vue chrétien » ; et en effet, c’est bien ainsi que Vinet a compris la critique. […] Mais est-il bien nécessaire d’être « chrétien » pour penser comme lui ? […] Catholiques ou protestants, c’est quand nous sommes vraiment « chrétiens » que nous pouvons, à la rigueur, nous passer d’agiter la question ; elle est résolue ; et nous ne sommes « chrétiens » qu’autant que nous la tenons fermement pour résolue. […] Moins nous sommes « chrétiens », plus ces questions ont donc d’intérêt et d’importance pour nous.
Un homme né chrétien et français, dit La Bruyère, se sent mal à l’aise dans les grands sujets. […] La disparition de l’idée chrétienne a des causes plus multiples peut-être et plus confuses. […] On saura que ce livre est inspiré par le zèle chrétien le plus pur, et par une horreur pour le paganisme que certains chrétiens ont eu l’imprudence de ne pas pousser aussi loin que Fontenelle. […] Il n’est pas chrétien. […] A qui fera-t-on croire que Dioclétien ait fait couler le sang des chrétiens ?
Était-il chrétien ? […] que la religion chrétienne elle-même, abandonnant la voie des inutiles rigueurs, n’impose pas à tous les croyants un ascétisme qui serait au-dessus de leurs forces. […] Je commençais par quelque livre de philosophie, comme la Logique du Port-Royal, l’Essai de Locke, Malebranche, Leibniz, Descartes, etc… » Les chrétiens eux-mêmes appellent Leibniz à leur secours ; car enfin, personne n’a réfuté M. […] Celui-ci veut, en effet, que la nature soit bonne ; si elle était mauvaise, comme l’affirmait la loi chrétienne, il ne pourrait s’épanouir. […] Un sentiment de confiance succédait donc au pessimisme des jansénistes, ces ennemis de la joie, et au pessimisme des chrétiens en général, ces ascètes de la croyance ; de sorte qu’on bénissait, en diverses langues, un Dieu qui n’était plus foudres et vengeances, mais bienveillance et douceur.
On sait la phrase finale du Pape, dans laquelle il est fait allusion au mot de Michel-Ange parlant du Panthéon : Je le mettrai en l’air. « Quinze siècles, écrit M. de Maistre, avaient passé sur la Ville sainte lorsque le génie chrétien, jusqu’à la fin vainqueur du paganisme, osa porter le Panthéon dans les airs, pour n’en faire que la couronne de son temple fameux, le centre de l’unité catholique, le chef-d’œuvre de l’art humain, etc., etc. » Cette phrase pompeuse et spécieuse, symbolique, comme nous les aimons tant, n’avait pas échappé au coup d’œil sérieux de M.
Sorel ; Balzac, Socrate chrétien, X ; Dissert. critiques, VI ; Bouhours, Entretiens d’Ariste et d’Eugène (Entr. sur la langue française) ; Pellisson et d’Olivet, Hist. de l’Acad.
On ne voïoit pas sous Henri IV des troupes de comédiens françois parcourir la Hollande, la Pologne, l’Allemagne, le nord, et quelques états d’Italie pour y joüer les pieces de Hardi et de Chrétien.
dressa la chevalerie à la guerre chrétienne, acheva par les cathédrales le mouvement commencé par les châteaux forts, et enfin mit ses cent bras de Briarée partout, jusque dans les décisions de l’Église, qui établirent la Trêve de Dieu, mais qui l’établirent… avec des lances !
L’étiquette à mettre sur la philosophie ou les philosophies de Weill m’est bien indifférente, mais ce qui me cause presque de l’horreur dans ce livre dont je me promettais tant de joie, c’est la radicale impiété que j’y trouve, malgré l’âme honnête que j’y sens ; c’est enfin l’extinction, et l’extinction la plus complète, du sentiment chrétien, — de ce sentiment par lequel Weill, l’ingrat, est encore tout ce qu’il est quand il a raison contre l’immoralité de ce temps !
Et si nous disons, nous, chrétiens, qu’un jour nous aurons à répondre devant Dieu de nos actions et paroles oiseuses, nous demandons ce que ceux-là qui étaient nés et faits pour gouverner les hommes et qui passèrent ainsi toute leur vie dans des méditations ou des souvenirs de maîtres à danser, répondront, en attendant le jugement de Dieu, devant l’histoire… ?
Si, comme le disent nos Saints Livres, à nous autres chrétiens, Dieu nous a faits à son image, il semble qu’il ait mis plus de lui dans le cœur de l’homme que dans son intelligence, — et c’est pour cela que la Correspondance de Balzac touche, surtout, par les lettres du cœur qui y sont écrites.
» — Chose très curieuse à noter et qu’on ne note point, et par laquelle je terminerai cette vue trop rapide sur Byron, c’est que ce Grec des premiers temps dans les temps modernes, était, qu’il l’ait voulu ou non, ignoré ou su, un chrétien !
Mais franchement, nous autres chrétiens, qui faisons notre philosophie avec nos Révélations et l’histoire, pouvons-nous tenir grand compte à Hegel et à sa doctrine de cette religion qu’il fait, lui, avec sa propre philosophie ?
Cette théorie de « la perception, — de l’appréhension de l’idée, — de sa subsumption dans les concepts », cette théorie, très travaillée, très allemande, très subtile, mais dans le détail de laquelle nous ne pouvons entrer sans donner une congestion cérébrale au lecteur, se réduirait, si on la dépouillait de sa logomachie d’école, à une de ces inutilités logiques qu’un enfant de la Doctrine Chrétienne mépriserait !
On l’a si peu compris, que les uns le traitèrent comme un philosophe aberrant, et lui firent la petite leçon philosophique ; les autres comme un chrétien trébuchant dans le jansénisme, et lui firent la petite leçon religieuse, quand il eût mieux valu montrer les causes si particulières et presque organiques de ce jansénisme de Pascal.
Mais, le fond orthodoxe du livre mis de côté, il reste aux yeux de la Critique littéraire… tout le livre, et le livre ne satisfait ni le critique ni même le chrétien, qui sait ce que peut être la prédication d’un livre bien fait.
Et cette poésie, d’une originalité incomparable, à laquelle il ne manque que le rythme pour être, dans tous les sens du mot, le plus beau poème qui soit jamais sorti d’un cerveau humain, ternit et effaça d’un trait, à force de lumière et d’idéale beauté, ces inventions de Swedenborg, d’une ingéniosité bizarre, mais qui par le relief, la couleur, le détail, — tout ce qui constitue la poésie, — n’étaient guères, en somme, que les souvenirs déteints de la littérature biblique ou chrétienne.
C’est un chrétien que M.
Il est assez rare pour intéresser, non seulement le chrétien, mais le philosophe.
Enfin, La Couronne effeuillée, La Vie perdue, et surtout La Fileuse et l’enfant, que les âmes tendres et chrétiennes diront divine.
Quand il est parlé du ciel dans ses ouvrages, La Fontaine n’est ni païen, ni chrétien, ni religieux, ni impie ; il est là ce qu’il fut partout : le bonhomme, qui ne pouvait pas pécher tant il était bonhomme, et qui, pécherait-il, disait sa servante, serait pardonné !
Constantin, enfin, unissant les usages de l’ancienne Rome à ceux de l’église, et les droits de l’autel à ceux du trône, devenu chrétien, fut tout à la fois empereur et orateur sacré.
L’Europe chrétienne fut occupée et divisée tour à tour par les établissements des Barbares, par les incursions des Normands, par l’anarchie des fiefs, par les guerres sacrées des croisades, et par les combats éternels du sacerdoce et de l’empire.
Quelques livres de Claude Bernard ont éclairé sa religion : est-ce que la Bible ne suffit pas aux chrétiens ? […] La chair — selon la pensée chrétienne et moderne — est la source de tout mal, sa beauté la perd, ce qu’on fait pour elle est péché. […] Bourget, le psychologue et le moraliste, le dilettante et l’homme de bien, le sceptique immuable et le chrétien volontaire. […] Sa critique de la religion chrétienne n’aura donc aucune des subtilités de celle de M. […] En somme, on ne peut dire que ce soient les croyances chrétiennes ou spiritualistes qui créent et conservent seules la conscience morale ; on dirait plus justement que c’est la conscience morale qui se crée des appuis extérieurs.
Elle est imprégnée de religiosité ; mais, — il est à peine besoin de le redire, car cela crève les yeux, — elle n’est pas chrétienne. […] Durtal est de ces chrétiens-là. […] Mais cela même est le contraire de l’idée chrétienne. […] Bien des sentiments s’y rencontrent, sauf un pourtant : c’est le sentiment chrétien. […] Les choses n’ont pas changé depuis le temps de l’orateur chrétien.
La censure d’un ennemi aurait moins de sévérité que la sienne : le chrétien n’examine pas sa conscience avec plus de rigueur ; et nous serions assez contents de nous-même, s’il nous était venu quelques-unes, je ne dis pas de ces pensée fortes et profondes qui arrachaient de l’admiration à Quintilien, mais de ces idées fines qu’on lui reproche. […] Il montre au chrétien le ciel du doigt, et excuse au fond de son cœur le philosophe que ce spectacle ne convainc pas. […] Ce clergé si respectable n’aurait pu en user ainsi sans violer les lois de la justice, sans détruire les principes de la bonne police, et sans donner à des haines particulières une influence incompatible avec la charité chrétienne et avec toute vertu sincère et charitable… » Cependant le fait est vrai.
Malgré Bossuet, il voudrait que Racine eût carrément soutenu qu’il se montrait admirable chrétien et se rendait éminemment utile à la religion en écrivant des pièces d’amour et en aimant des actrices. […] Mais il avait reçu une éducation profondément chrétienne, et c’est avec la morale chrétienne qu’il voulut se mettre en règle, n’ayant nullement la « passion de la connaissance », comme le note très bien M. […] La morale d’Euripide s’accorde ici avec celle des chrétiens et des simples honnêtes gens : il faut bien du dostoïevskisme pour ne pas le voir. […] Mais cet amour-là est nettement blâmé par tous les sermonnaires et moralistes chrétiens, qui ordonnent, même ici-bas, de ne s’attacher qu’à Dieu. […] Contre la tyrannie jacobine, imitée de la cité antique d’après lui, Taine invoque deux sentiments modernes, celui de la conscience, et celui de l’honneur, dont le premier serait d’origine chrétienne, le second d’origine féodale.
Rabelais dans son Pantagruel, Ronsard dans ses Odes, Calvin même dans son Institution chrétienne, ou Montaigne dans ses Essais, ne sont que les disciples de nos humanistes. […] Mais vous lirez surtout ses œuvres, parmi lesquelles vous aurez soin de distinguer d’ailleurs les premières d’avec les dernières, ses Lettres familières, aussi peu familières que possible, d’avec ses Dissertations, son Aristippe, ou son Socrate chrétien. […] Et tout d’abord, ce que Mme de Staël, un peu gênée peut-être par son protestantisme, avait à peine osé entreprendre, la réintégration de l’idéal chrétien dans ses droits sur le sentiment et sur l’imagination, c’est au Génie du christianisme, et c’est à Chateaubriand qu’on le doit. […] Il faut savoir gré à Chateaubriand de la modération qu’il y a mise : je veux dire qu’aimant et goûtant lui-même les anciens comme il faisait, il faut lui savoir gré de n’avoir pas voulu substituer l’idéal chrétien à l’idéal antique. […] La distinction alors, dans les belles années de la Restauration, était d’être chrétien à la façon de Chateaubriand, ou bien à celle encore de l’auteur de l’Essai sur l’Indifférence.
Un philosophe païen n’a pu voir la conduite de Sérénus de l’œil d’un prêtre chrétien. […] Il me protestait un jour qu’il était chrétien. « Je le croirais volontiers, lui répondis-je ; vous êtes chrétien comme JésusChrist était juif. […] Exigera-t-on plus du philosophe païen que du prélat chrétien ? […] Ce que cet honnête païen eût osé pour les chrétiens, je le fais pour un honnête païen220. […] Au sentiment d’Érasme, si vous le lisez comme un auteur païen, vous le trouverez chrétien : Si legas illum ut paganum, scripsit christiane.
de lui que j’ai sous les yeux, et qui a pour titre Supplemento generale a lutte le mie carte, je lis une dernière indication relative à un projet d’hymnes chrétiennes : le simple canevas respire encore les mêmes sentiments de piété affectueuse qu’exprimait la conclusion précédente134 Ce papier doit être d’une date peu postérieure à 1819. […] L’abbé Gioberti, à qui l’on doit cette justice que, chrétien et prêtre, il n’a jamais parlé de Leopardi qu’en des termes pleins de sympathie et d’une admiration compatissante142, a raconté qu’ayant connu le poëte à Florence, en 1828, et l’ayant accompagné dans un petit voyage à Recanati, il entendit chemin faisant, de sa bouche, le récit de sa conversion philosophique, c’est ainsi que Leopardi la nommait : la première impulsion lui serait venue d’un personnage qu’il admirait beaucoup, littérateur influent par son esprit et par ses ouvrages. […] Rejetés de la terre, qui n’était plus tenable, ils émigrèrent ailleurs ; ils essayèrent (c’est Leopardi qui parle) des perspectives chrétiennes et de l’autre vie, comme consolation dernière.
L’amour et l’honneur, les plus personnelles des passions, à peine touchées par l’art antique, font dans notre monde chrétien l’intérêt fondamental de la plupart des tragédies. […] Le temps où vivent Gœtz et Franz de Sickingen est cet âge héroïque du monde chrétien qui s’appelle la féodalité. […] Dans la croyance chrétienne, comme la mort ne fait disparaître qu’une existence négative, elle a le sens d’une double négation ; elle est une affirmation.
C’est une abstinence philosophique ou chrétienne commandée à quelques organisations trop musicales. […] Vis donc comme un vrai chrétien, comme un bon catholique ; aime et crains Dieu ; prie-le avec confiance et avec ardeur, et mène une vie tellement chrétienne qu’au cas où je ne devrais plus te voir l’heure de ma mort ne soit pas pour moi une heure de trouble et d’angoisse.
En dehors de la ressemblance des supplices également subis pour les hommes, l’imagination chrétienne rêva des concordances mystérieuses entre la Passion du Titan et celle de Jésus. […] Ce Prométhée chrétien avait tenté Michel-Ange ; il l’a esquissé dans deux dessins d’une fierté superbe. […] Parentes plus proches encore de Prométhée, païennes comme lui par la race, chrétiennes par l’esprit, les Sibylles surgissent entre les Prophètes. — La Delphica, belle comme une Muse, prédit le Sauveur par la voix de l’Apollon lyrique qui chante encore dans son sein, l’Erythrea au repos attend qu’un Génie ait rallumé sa lampe, pour voir plus clair dans ses feuillets sibyllins.
Enfin les guerres civiles des romains, sous leurs cinquante premiers empereurs, étoient des guerres que les armées faisoient les unes contre les autres pour se disputer l’avantage de donner un maître à l’empire, et les deux partis ménageoient les provinces avec autant de soin qu’on ménage dans les guerres, que nos princes chrétiens ne se font que trop souvent, les païs qu’on espere de conquerir et de garder. […] Telles sont les guerres des turcs et des chrétiens où le peuple entier court encore de plus grands dangers que ceux où les soldats sont exposez dans les guerres ordinaires. […] Mais les guerres reglées où le peuple ne court d’autre risque que celui de changer de maître, et d’appartenir à un prince chrétien plûtôt qu’à un autre, ne peuvent tout au plus anéantir les arts et les sciences que dans une ville qui seroit assez malheureuse pour être prise d’assaut et saccagée.