On ne donne aux peuples de longévité qu’en mesurant leur action vitale. […] Il faut à un pays un organe de durée qui incarne cette triple action. […] Taine attachait à l’action de léguer. […] On ne donne aux peuples de longévité qu’en modérant leur action vitale. […] Il s’en servait comme d’un instrument d’action au lieu de l’employer à un simple contrôle.
Sa nécessité, dis-je, est d’agir : il se repose de l’action politique par l’action poétique. — Rien donc d’étonnant et rien même de plus essentiel si les deux actions offrent entre elles cette corrélation que constate l’histoire : ce sont deux émissions de la même voix, deux coups du même vent… Ou plutôt, pour choisir dans la foule des images : c’est le flux et le reflux de la mer. […] L’unité d’action leur était imposée par l’unité même de conception : les péripéties d’une passion parvenue à son dernier période. […] Il est homme d’action et ce n’est qu’à défaut d’action qu’il se résigne aux rêves. […] Hugo crut découvrir l’Antithèse : ignorait-il donc qu’il n’y a qu’elle au fond de toute œuvre artistique et de toute action vitale ? […] — Ils n’en ont point, ils ne pensent à rien, leurs mobiles d’action sont dans leur bile ou dans leurs nerfs.
Songe-t-elle au mouvement, à l’action ? elle ne peut concevoir que des actions bornées, des forces, des causes bornées, relatives, secondaires, ou une force absolue, une cause première au-delà de laquelle, en matière d’action, il n’est pas possible de rien rechercher et de rien trouver. […] Dieu considéré dans son action constante sur le monde et sur l’humanité, c’est la Providence. […] La guerre est l’action en grand, et l’action est l’épreuve décisive de la valeur des individus et des peuples. L’âme tout entière passe dans l’action avec ses puissances les plus diverses.
D’autre part, quelque vivantes que soient les passions politiques de ce temps, elles appartiennent au monde de l’action ; le travail spéculatif leur est étranger. […] Moins souple et moins accessible que les formes de polémique usuelle, son action serait nulle et sa déchéance plus complète. […] Il y a plus : c’est une mauvaise action, une lâcheté, un crime, quelque chose de honteusement et d’irrévocablement immoral. […] Mais outre que le célèbre chansonnier n’a commis, que je sache, aucune action héroïque, l’Esprit souffle où il veut, et les mystérieux trésors de la Poésie ne sont pas le salaire obligé des vertus morales. […] Si l’irritation est une preuve d’action, M.
… Dès la première heure, probablement par action réflexe, elle a crié incessamment, gigotté, remué tous ses membres et peut-être tous ses muscles. Pendant la première semaine, sans doute aussi par action réflexe, elle remuait les doigts et serrait même assez longtemps l’index, qu’on lui donnait. […] » elle se tourne vers sa mère, — de même pour son père. — Je n’oserais affirmer que ces trois actions dépassent l’intelligence animale. […] « Ces concepts sont formés par ce qu’on appelle la faculté d’abstraire, mot très bon, qui désigne l’action de décomposer des intuitions sensibles en leurs parties constituantes, de dépouiller chaque partie de son caractère momentané et concret », pour l’isoler et en former un caractère général. […] Le petit garçon d’un voisin, à vingt mois, avait un vocabulaire de sept mots, et parmi ceux-ci le mot Ça y est, assez analogue au mot tem, et intraduisible comme lui dans notre langage ; car il l’employait à tout propos, pour dire voilà, je l’ai, c’est fait, il est venu, etc., désignant par là tout achèvement d’action et d’effet.
Les Mérovingiens furent absorbés aussi : leurs noms s’effacèrent, leurs personnalités furent dissoutes, et leurs actions allèrent s’attacher aux noms carolingiens. […] Une haute idée de l’honneur commande le sacrifice désintéressé de la vie, pour le service de l’empereur, pour le service de Dieu : deux sentiments qui compriment l’égoïsme, la foi au suzerain féodal, la foi au maître du Ciel, sont les ressorts des actions. […] Il ne compose pas : il n’organise pas l’unité diffuse du sujet par la dépendance et la proportion des parties ; il suit l’action, il ne la conduit pas. […] Le style, tel quel, purement déclaratif, ne s’interpose pas entre l’action et les vers : nulle invention verbale, nulle subjectivité personnelle n’adhère aux faits. […] Depuis les formules du langage jusqu’au dessin général de l’action, toutes les pièces d’une chanson de geste sont jetées dans les mêmes moules.
(6) Le système théologique est parvenu à la plus haute perfection dont il soit susceptible quand il a substitué l’action providentielle d’un être unique au jeu varié des nombreuses divinités indépendantes qui avaient été imaginées primitivement. […] En substituant, dans l’étude des phénomènes, à l’action surnaturelle directrice une entité correspondante et inséparable, quoique celle-ci ne fût d’abord conçue que comme une émanation de la première, l’homme s’est habitué peu à peu à ne considérer que les faits eux-mêmes, les notions de ces agents métaphysiques ayant été graduellement subtilisées au point de n’être plus, aux yeux de tout esprit droit, que les noms abstraits des phénomènes. […] Cependant, vu qu’il convient de fixer une époque pour empêcher la divagation des idées, j’indiquerai celle du grand mouvement imprimé à l’esprit humain, il y a deux siècles, par l’action combinée des préceptes de Bacon, des conceptions de Descartes, et des découvertes de Galilée, comme le moment où l’esprit de la philosophie positive a commencé à se prononcer dans le monde en opposition évidente avec l’esprit théologique et métaphysique. […] On croyait, il y a encore peu de temps, avoir expliqué la vision, en disant que l’action lumineuse des corps détermine sur la rétine des tableaux représentatifs des formes et des couleurs extérieures. […] En effet, lorsqu’il s’agit, non seulement de savoir ce que c’est que la méthode positive, mais d’en avoir une connaissance assez nette et assez profonde pour en pouvoir faire un usage effectif, c’est en action qu’il faut la considérer ; ce sont les diverses grandes applications déjà vérifiées que l’esprit humain en a faites qu’il convient d’étudier.
Rien n’était si flatteur qu’un si prompt succès, et il me paraissait qu’il n’y avait point de présomption à en espérer un plus grand, quand je considérais que, sans avoir ni cabale pour m’annoncer ni famille qui s’intéressât à me ménager des auditeurs, ni parti pour m’en attirer, j’avais été assez heureux pour me faire distinguer parmi tant de prédicateurs qu’il y avait alors dans le Clergé séculier et dans les Ordres religieux. » Quand je l’ai appelé un rhétoricien, on voit quel correctif il convient d’apporter à ce mot en parlant de lui : c’est devant le public, c’est dans l’action extérieure qu’il est rhéteur ou avocat ; mais, hors de là et dans le particulier, il ne se drape nullement, et il nous livre avec une sorte de naïveté, sans en faire mystère, ses raisons d’agir et ses mobiles. […] Quoiqu’il gesticulât un peu trop, son action ne déplaisait point. […] Le genre du Sermon, pris en dehors de son action présente, immédiate, et à l’état de branche littéraire, est, quoi qu’on fasse, un genre triste et presque nécessairement ennuyeux. […] Il paraît, au contraire, si l’on en croit l’écho qui nous arrive, un peu grossi peut-être à distance, que notre abbé réunissait toutes les qualités de l’orateur, — presque toutes, — l’accent, le charme de la voix, le geste, l’action souvent animée et toujours appropriée, la mémoire, les grâces de la diction, le trésor des saintes Écritures et des Pères : que de choses !
Catinat y est montré au vrai, au naturel, en action, d’après ses œuvres et ses paroles ; il n’y a guère qu’à l’y découper pour le dessiner aux yeux et le faire saillir avec plus de relief et de singularité qu’on ne se le permettait autrefois dans les plus beaux Éloges académiques. […] Il y en a qui s’amollissent en avançant dans la vie et se corrompent par le repos ou par les honneurs : lui, il resta intègre jusqu’au dernier jour, et si la sagesse était née avec lui, on peut dire que sa vertu ne parut jamais plus pure qu’au sortir de l’action et dans ces années de retraite où il se disposait à mourir. […] Ceux qui l’ont vu en ces sortes d’action, et qui étaient disposés, d’ailleurs, à blâmer son trop de circonspection dans l’ensemble, disaient que personne n’était plus fier que lui l’épée à la main77. […] S’il fallait que le major ou major général, pour avoir action, fût tellement en rapport d’esprit et de bonne intelligence avec son chef, comme M. de La Feuillade était colonel du régiment des gardes, il s’ensuit de son refus qu’il jugeait que Catinat, devenu son major, ne serait point du tout à l’unisson avec lui ; et pour peu qu’on y songe et qu’on se rappelle le caractère connu de M. de La Feuillade, rien ne paraît alors plus naturel que ce refus de prendre Catinat pour son canal habituel et son porte-voix.
Mais, comme on le verra plus tard, c’est là une opération ultérieure engendrée par l’expérience ; un groupe d’images s’est associé la sensation pour lui attribuer cette position ; ce groupe lui donne une situation qu’elle n’a pas, et d’ordinaire la place à l’extrémité du nerf dont l’action la provoque. […] Depuis longtemps, selon la méthode ordinaire, on a distribué les sensations en classes et sous-classes, plus ou moins heureusement, d’abord d’après le genre de service qu’elles nous rendent, ensuite d’après les circonstances particulières où elles naissent et d’après l’endroit où les images associées les situent, enfin, d’après les ressemblances assez grossières que l’observation intérieure trouve en elles67. — On a fait une première famille avec celles qui dénotent les divers états du corps sain ou malade, et qui sont moins des éléments de connaissance que des stimulants d’action ; on les a nommées sensations de la vie organique, et, d’après l’appareil ou la fonction qui les provoque, on les a divisées en genres et en espèces : ici l’effort, la fatigue, et diverses douleurs déterminées par l’état des muscles, des os et des tendons ; un peu plus loin, l’épuisement nerveux et les souffrances nerveuses déterminées par l’état propre des nerfs ; ailleurs les angoisses de la soif et de la faim déterminées par l’état de la circulation et de la nutrition ; là-bas, la suffocation et un certain état tout opposé de bien-être déterminés par l’état de la respiration ; ailleurs encore, les sensations de froid et de chaud, déterminées par un état général de tous les organes ; ailleurs enfin, d’autres, comme les sensations digestives, déterminées par l’état du canal alimentaire. — À côté de cette famille, on en a formé une seconde dont les premiers genres touchent aux derniers de la précédente ; elle comprend les sensations qui ne nous renseignent point sur la santé ou sur la maladie de notre corps, et qui sont moins des stimulants d’action que des éléments de connaissance. […] Même avec les espérances les plus vastes, on ne découvre à l’horizon qu’une connaissance plus étendue de ces appareils, de ces mouvements et de ces organes ; peut-être un jour, si le microscope devient plus puissant, lorsque la théorie de l’électricité, la chimie organique et la physique moléculaire auront fait quelque grand pas, les expérimentateurs démêleront dans un nerf les diverses fibres primitives, définiront exactement leur mouvement intestin, expliqueront la structure des centres nerveux, préciseront le changement d’état que l’action du nerf y provoque. — Au mieux, et en supposant la science complète, on entrevoit une formule mathématique, capable de résumer en une loi les diverses positions et relations de toutes les particules nerveuses. — Mais ces progrès, si grands qu’on les imagine, n’ajoutent rien à notre idée des sensations ; ils nous éclairent sur leurs conditions, et non sur elles.
Je dirai aussi : C’est le Despréaux de la chaire ; mais un Despréaux en prose, et dont les qualités essentielles et rassises, séparées de l’accent et de l’action, n’ont conservé aucune vivacité, aucune fraîcheur. […] À peine établi dans cette chaire de Notre-Dame, il n’avait pas été sans se rendre compte de sa puissance d’action sur son public ; il avait senti qu’il était en voie d’opérer une œuvre, et, selon qu’il l’espérait, une œuvre bénie. […] Jamais le souvenir de ces premiers temps de son âge ne s’effaça de la pensée du général Drouot ; dans la glorieuse fumée des batailles, aux côtés mêmes de l’homme qui tenait toute l’Europe attentive, il revenait par une vue du cœur et un sentiment d’actions de grâce à l’humble maison qui avait abrité, avec les vertus de son père et de sa mère, la félicité de sa propre enfance. […] Il l’est pour les protestants, par exemple, et dans son oraison funèbre d’O’Connell, au sujet de l’émancipation des catholiques, il leur a rendu une solennelle action de grâces sous les voûtes un peu étonnées de Notre-Dame.
Il les voyait, il causait avec eux, il vous les citait à tout propos comme des personnages de son intimité et de la vôtre ; il les avait si puissamment et si distinctement créés en chair et en os, qu’une fois posés et mis en action, eux et lui ne s’étaient plus quittés : tous ces personnages l’entouraient, et, aux moments d’enthousiasme, se mettaient à faire cercle autour de lui et à l’entraîner dans cette immense ronde de la comédie humaine qui nous donne un peu le vertige, rien qu’à la regarder en passant, qui le donnait à son auteur tout le premier. […] Il y a trois choses à considérer dans un roman : les caractères, l’action, le style. […] Après les caractères vient l’action : elle faiblit souvent chez M. de Balzac, elle dévie, elle s’exagère. […] Il dresse à merveille de grandes charpentes ; il a des caractères qui vivent aussi, et qui, bon gré, mal gré, se retiennent ; surtout il a de l’action et des machines dramatiques qu’il sait très bien faire jouer.
Il se déclare en conséquence son disciple, son disciple non seulement dans ses écrits, mais dans ses actions ; car, trompé par la distance et par le nuage doré de la jeunesse, il voit en lui presque un Lycurgue et un Solon, un législateur et un sage. […] Voilà comme il se juge, et il avait raison à cette date ; cet homme de vingt-cinq ans sent qu’il n’est rien encore et qu’il n’a pas même commencé : « Quand des personnes d’un certain rang, fait-il remarquer, remplissent la moitié d’une carrière, on leur adjuge le prix que les autres ne reçoivent qu’après l’avoir achevée. » Et il s’indigne de cette différence de mesure, comme si l’on jugeait les princes d’une nature moindre que les autres hommes, et moins capables d’une action entière. […] Ici encore Frédéric arrête Voltaire et lui donne une leçon de tact : Louis XIV, dit-il, était un prince grand par une infinité d’endroits ; un solécisme, une faute d’orthographe, ne pouvaient ternir en rien l’éclat de sa réputation, établie par tant d’actions qui l’ont immortalisé. […] En tout, même dans ces jeux de l’esprit, Frédéric finit toujours par donner le dernier mot à l’action, à l’utilité sociale et à celle de la patrie : c’est un génie qui s’amuse en attendant mieux, qui continuera de s’amuser et de s’égayer dans les intervalles des plus rudes travaux, mais qui aspirera en tout temps, à force de fermeté, à se réaliser en grandeur pratique et utile.
Vers ce temps, le jeune élève, ou qui cessait à peine de l’être, fut accusé d’une action odieuse qu’on a souvent réveillée contre lui : il eut l’imprudence de faire, en société avec quelques-uns de ses camarades, plusieurs couplets contre divers membres du collège d’Harcourt ; mais ce n’était « ni contre ses maîtres ni contre ses bienfaiteurs », assure Boissy d’Anglas : « Cette plaisanterie était l’ouvrage de plusieurs jeunes gens, et M. de La Harpe fut le seul puni parce qu’il était pauvre, sans appui, sans état, sans protecteur, et parce qu’il eut le courage de garder à ses compagnons le secret le plus inviolable. » Ce récit, qui est selon la vraisemblance, réduit cette peccadille de jeunesse à sa juste proportion. […] Dans son bon temps, durant les premières années de cet enseignement alors tout nouveau, et avant que la déclamation politique s’y fût mêlée, il exerçait sur son auditoire une action puissante et même un charme. […] Voltaire le plus souvent cédait et criait de sa place, en s’apercevant du changement : « Le petit a raison ; c’est mieux comme cela. » Tel il était jeune à Ferney près de Voltaire, tel près de Chateaubriand à la fin de sa carrière, quand il disait à l’auteur du Génie du christianisme : « Enfermez-vous avec moi pendant quelques matinées, et nous ôterons tous ces défauts qui les font crier, pour n’y laisser que les beautés qui les offensent. » Je tiens à bien marquer en La Harpe cette nature essentielle de critique qui, à travers tous ses écarts, est son titre respectable ; qui fait que Voltaire a pu l’appeler à un certain moment « un jeune homme plein de vertu » (ce que les Latins auraient appelé animosus infans), et qui fait aussi que Chateaubriand l’a défini, « somme toute, un esprit droit, éclairé, impartial au milieu de ses passions, capable de sentir le talent, de l’admirer, de pleurer à de beaux vers ou à une belle action ». […] On n’a jamais été plus cruellement puni d’une bonne action.
Les grands capitaines écrivent leurs actions avec simplicité, parce qu’ils sont plus glorieux de ce qu’ils ont fait que de ce qu’ils ont dit. […] On n’en dira pas autant de Richelieu : il n’est pas un capitaine, il n’a pas débuté par l’action ; il est homme d’Église avant d’être homme d’État ; il a commencé par prêcher, par être orateur dans ses sermons, dans ses harangues ; il a soutenu des thèses en Sorbonne ; la gloire de Du Perron, le grand controversiste et l’habile négociateur, l’a tenté. […] Mais, chez Richelieu, quand on a bien assisté aux développements substantiels qu’il aime, on sort tout d’un coup de ces lenteurs par quelque trait hardi, qui accuse l’homme d’action et de grand caractère. […] Machiavel a dit : « Ce n’est pas la violence qui répare, mais la violence qui détruit, qu’il faut condamner » ; il est bon pourtant que, dans tout ce qui se continue et qui est fondé pour durer, l’idée de violence s’évanouisse, et Richelieu, dans son gouvernement, ne put jamais parvenir à cette action d’énergie régulière et comme insensible.
Mais voici quelque chose d’inexprimablement bizarre, voici une de ces incroyables et fréquentes anomalies qui prouvera une fois de plus cette chose déjà tant prouvée, c’est-à-dire à quel point l’action et l’expérimentation diffèrent de la théorie. […] — qui fait de la morale en action, mais en action… épicurienne. […] Il ne sait pas entasser la vie et l’action, comme la lumière du diamant, dans le petit espace d’une facette.
Beaucoup d’à peu près, çà et là des répétitions négligentes (délicieuse deux fois dans la même phrase, page 228), parfois de ces inadvertances triviales qu’il faut laisser à nos romanciers sans délicatesse (ainsi cette phrase, page 155, comme le plus grand imbécile qui eût jamais battu le pavé de Paris) ; — tout cela ne saurait être entièrement racheté, dans un roman sans action, par des pages élevées et éloquentes, fussent-elles nombreuses. Le roman du second volume, Steven, offre précisément cet intérêt d’action qui se faisait vainement attendre dans Simiane. […] L’action du roman, dans les deux tiers, ne mérite guère que des éloges.
Sans doute les actions sont la meilleure garantie de la moralité d’un homme : néanmoins je croirais qu’il existe un accent dans les paroles, et par conséquent un caractère dans les formes du style, qui atteste les qualités de l’âme avec plus de certitude encore que les actions même. […] Le laconisme des Spartiates, les mots énergiques de Phocion, réunissaient autant, et souvent mieux que les discours les plus soutenus, les attributs nécessaires à la puissance du langage ; cette manière de s’exprimer agissait sur l’imagination du peuple, caractérisait les motifs des actions du gouvernement, et faisait connaître avec force les sentiments des magistrats.
Est-ce à dire que l’homme soit sans action utile sur l’homme ? Une autre action demeure possible, mais sans préconception sociale, rigoureusement individuelle. […] L’homme moral de Kant n’agit pas de telle sorte que son action soit heureuse aux autres, mais qu’elle soit aux autres une norme.
Mirabeau, « Monsieur de l’Ouragan », comme on l’appelait dans sa famille, nous montrerait la passion fougueuse, effrénée, indomptable, arrivant enfin à l’action, qui en est l’aboutissant et l’assouvissement naturel. […] De même que ces crises tragiques, un changement dans la nourriture, dans la manière de vivre se répercute en sentiments et en idées que les écrivains expriment, sans en soupçonner souvent l’origine. « Savez-vous, disait Edmond de Goncourt à Taine50, si la tristesse anémique de ce siècle-ci ne vient pas de l’excès de son action, de ses prodigieux efforts, de son travail furieux, de ses forces cérébrales tendues à se rompre, de la débauche de sa production et de sa pensée dans tous les ordres ? […] Les morphinomanes, les adeptes de la vie à rebours n’ont pas manqué de nos jours sous l’action de certains courants littéraires.
« La psychologie, dit-il, a pour but les uniformités de succession ; les lois soit primitives, soit dérivées, d’après lesquelles un état mental succède à un autre, est la cause d’un autre, ou du moins la cause de l’arrivée de l’autre. » C’est une opinion commune que les pensées, sentiments et actions des êtres sensibles ne peuvent être l’objet d’une science, dans le même sens que les êtres et phénomènes du monde extérieur. […] Elle est bien loin de l’exactitude de notre astronomie actuelle ; mais il n’y a aucune raison pour qu’elle ne soit pas une science comme l’est celle des marées, ou même comme l’était l’astronomie, lorsque ses calculs n’embrassaient encore que les phénomènes principaux et non les perturbations. » Cette science a pour objet les pensées, sentiments et actions des hommes. […] Les notions d’étendue, Solidité, Nombre, Force, etc., quoique acquises par les sens ne sont pas des copies d’impressions faites sur les sens, mais des créations des lois propres de notre esprit mises en action par les sensations.
Les théâtres présentent le moyen d’action le plus prompt, le plus direct, le plus continu sur les masses. […] Avec les dispositions d’un pareil peuple, abandonner au hasard la direction des théâtres, ne s’en réserver aucune, ne pas user de ces grands organes, de ces foyers électriques d’action sur l’esprit public, ne pas assurer une existence régulière à trois ou quatre d’entre eux qui, à force de zèle et d’activité, à force de bonnes pièces, de nouveautés entremêlées à la tradition, fassent concurrence aux théâtres plus libres et empêchent qu’on ne puisse dire Paris s’ennuie, ou Paris s’amuse, à faire peur, ce serait méconnaître les habitudes et les exigences de notre nation, le ressort de l’esprit français lui-même. […] Ma seule conclusion serait que, sous une forme politique ou sous une autre, l’État en France a les mêmes intérêts et les mêmes devoirs ; qu’il se tromperait en abdiquant toute direction de l’esprit public, en n’usant pas des organes légitimes d’action qui lui sont laissés ; que c’est faire de la bonne politique que de travailler d’une manière ou d’une autre à contenir la grossièreté croissante, la grossièreté immense qui, de loin, ressemble à une mer qui monte ; d’y opposer ce qui reste encore de digues non détruites, et de prêter la main, en un mot, à tout ce qui s’est appelé jusqu’ici goût, politesse, culture, civilisation.
Cette présomption s’exprime en une suite de vérités et tant que s’exerce avec efficacité l’action prépondérante du pouvoir d’arrêt, l’esprit construit à loisir, au moyen de ces vérités, un système de connaissance dont il ordonne entre elles toutes les parties. […] *** En ce qui touche aux réalités créées sous l’action d’une utilité vitale, comme en ce qui touche aux réalités créées sous l’action d’une utilité de connaissance, il est aisé de montrer que l’utilité humaine est l’unique auteur de ces réalités et confère seule, et par une intervention tout arbitraire, à la substance phénoménale qui s’écoule, la rigidité et la durée qui la rendent saisissable.
Et quelque nom qu’il porte et à quelque date qu’il soit entré dans la chronologie papale, c’est la Papauté elle-même tout entière, dans sa plénitude souveraine et son action universelle. […] Il est un de ces maigres que n’aimait pas César, parce qu’il était maigre lui-même, et qu’il sentait que là où est la maigreur, il peut y avoir l’action, — l’action formidable… Les Césars actuels le voudraient-ils plus gras ?
Mais quelle grande chose y a-t-il dans l’action de se faire religieuse, quand il n’y a ni amour de Dieu, ni appel d’en haut, ni piété ? […] Malheureusement, elle n’en a point, et elle reste, sous des formes légères, mais plates, une petite cuistrerie philosophique appliquée aux choses de la foi, qui, dans le cas présent, peuvent seules expliquer une action sublime. […] Ses sœurs, restées des porphyrogénètes, sans action historique hors de leur palais dans une monarchie encore salique à son déclin, n’ayant pas, ne pouvant pas avoir à leur service ce soufflet écrasant de la gloire sur les joues de ceux qui la nient, auront seulement pour les défendre, quand ils ne les accuseront pas, les Mémoires du temps, — les Mémoires des filles de chambre qui les volèrent, des femmes de la cour qui les envièrent, et des grands seigneurs qui voulurent peut-être devenir leurs amants et qui se vengèrent de ne l’être pas !
Qu’a-t-il fait, cet apôtre de l’action, que ronger son cœur et écrire d’admirables vers ? […] Des trois actes qui décomposent l’action esthétique (Pensée, Idée, Expression), il n’accomplit que le premier.
On vit, au fort de l’action, le fantôme de Thésée s’élancer sur les rangs barbares. […] La beauté du lieu s’ajoute à la beauté de l’action.
Il étoit monté sur le théâtre dans sa jeunesse ; & l’action de l’orateur se ressentit toujours de sa première profession. […] Trois ans après, Démosthène fut également exilé, mais pour un trait qui flétrit toutes ses belles actions.
Il n’est pas possible qu’elle ait été un personnage de l’action qu’il met sur le théatre. Junia Calvina avoit été exilée vers la fin du regne de Claude, comme coupable d’inceste avec son frere, et Neron ne la rappella de son exil que lorsqu’il voulut faire un certain nombre d’actions de bonté, afin d’adoucir les esprits, aigris contre lui par le meurtre de sa mere.
D’abord, l’action est toute turque. […] Elle est intimement mêlée à l’action. […] L’action ne s’ouvre-t-elle pas dans un moment de crise ? […] Je n’ai indiqué que le principal de l’action. […] L’action pourrait se développer plus simplement et plus largement.
Il ne s’agit plus d’une pensée fixée dans un concept rigide, mais d’une pensée en mouvement, d’une pensée en action et vivante. […] « Au commencement était l’Action », dit Faust. […] Il a hâte de classer ses idées selon les commodités de l’action et fausse ainsi le réel. […] Il y a là deux vies autonomes, vie de l’esprit et action pratique, qui ne parviennent ni à s’équilibrer, ni à se mêler. […] Régnier est pessimiste, sa philosophie tient dans l’idée de renoncement ; celle de Griffin est un élan vers l’action, l’effort se colore de joie.
L’esthétique est ainsi dominée et dirigée, et souvent, plus que la conduite, par les croyances morales, sociales, religieuses — car le style, comme l’accent de la voix, est plus spontané que l’action. […] Toute chose ou toute action présente nécessairement deux côtés ; le premier, mobile et changeant, nouveau sans cesse sous le jour qui l’éclairé, donne l’illusion de la vie : c’est l’expression, la poésie des choses, et aussi leur intérêt ; celui-là seul marque vraiment pour nous. […] Titus, dit-on, comptait ses jours par ses bonnes actions ; mais les bonnes actions de Titus sont un peu problématiques. […] Chaque objet désiré ou voulu fortement, chaque action énergique ou persistante attire à elle comme un aimant nos autres actions, qui s’y rattachent toutes par un côté ou par l’autre. […] Si donc, suivant l’expression de Théophile Gautier, il y a des mots pittoresques qui « sonnent comme des clairons », encore faut-il que ce clairon nous annonce quelque chose, qu’il précède une armée vivante en marche, qu’on sente derrière lui la force des idées, des sentiments et de l’action.
Mais aucun Poëte n’a fait de leurs actions le sujet d’un Poëme. […] Voilà donc en quoi devait consister toute l’action du Poëme. […] En revanche, l’action du premier nous intéresserait moins que celle du second. […] Il met en action ce qui fatigue presque toujours en raisonnement. […] La danse y fait partie de l’action.
Ils nous font sentir assez bien la marge qui sépare le monde de l’action et le monde de l’écrit, les lois différentes qui régissent l’un et l’autre. […] La passion n’est introduite dans le roman de l’action que comme élément de détente ou de comique. […] Si le roman d’aventures anglais nous paraît appartenir à une nature vraiment différente du romanesque, c’est que, mis en présence des circonstances les plus extraordinaires, ses héros demeurent tendus uniquement vers l’action ; leur représentation est, pour varier une expression bergsonienne, superposable à l’action. […] Mais, lorsque l’érotisme s’émancipe précisément de tout-frein, — comme il arrive présentement sous l’action de l’usure nerveuse accrue par l’allure vertigineuse du progrès moderne, — il devient une menace pour l’avenir social : le mysticisme prend alors un caractère féminin très frappant ; absorbé à haute dose, son action tonique devient une action paralysante ou stupéfiante. […] Si Walter Scott ne prend pas place dans un tel monde, il a tracé le premier, pour une action et pour une époque, leur figure extérieure, leur schème.
Combien de fois déjà auparavant n’avait-il pas dompté le mal et triomphé de l’épuisement extrême pour courir à l’action, pour voler le premier au péril ! […] — Tout cela, d’ailleurs, est gaiement dit, avec légèreté, entrain ; c’est alerte ; il met à raconter les choses la même action et le même geste qu’à les faire. […] Pour moi, qui suis de ceux qui sont accoutumés à se glorifier de courir en une libre et vague carrière, j’ai toujours regretté, je l’avoue, qu’on ne pût y introduire quelque motif d’action plus précis, plus déterminé. […] Je l’accepte telle qu’elle est et je ferai face à tout ; mais personne ne la comprend cette position. — Pas d’ordres, liberté d’action, mais pas de moyens de faire : le choléra décimant mes troupes, et les fièvres du pays arrivant à grands pas. — Impossibilité de rester dans ce pays pestilentiel et d’y hiverner. — Nécessité de faire quelque chose ; tout le monde crie : Sébastopol ! […] Le maréchal Saint-Arnaud a un dernier bonheuraf, et qui assure à son nom une durée ou mieux un rajeunissement continuel que les actions toutes seules ne donnent pas.
Wagner montre, dans la Seconde Partie, comment Beethoven a rendu la musique à sa destination naturelle20 : L’aptitude d’un musicien à son art, sa vocation à cet art, ne se peuvent, certes, traduire d’autre façon que par l’action manifeste, sur lui, des œuvres musicales environnantes. […] Jusque ce terme, en effet, il obéit à l’action des influences extérieures sur lui ; et cette action, pour le musicien, arrive, éminemment, des œuvres musicales créées par les maîtres son époque. […] Cherchons donc, plutôt, à nous expliquer par quelle particularité de son caractère personnel, et par quel effort moral de ce caractère, le grand musicien a pu concentrer son génie dans cette action extraordinaire que nous révèle son œuvre artistique. […] Erda — Les humaines actions — m’encrépusculent l’esprit : — moi, la Sachante, même, — je fus, jadis, contrainte par un Puissant. — Une Fille-de-Désir — fut donnée par moi à Wotan : le Champ-de-bataille des Héros, — c’est elle qui fut appelée à l’élire pour lui. — Hardie elle est, — et Sage, aussi : — pourquoi m’éveilles-tu ? […] — celui qui osa l’action, — s’irrite de l’action ?
Il y a une action et une réaction continuelles du monde des faits sur le monde des idées, et du monde des idées sur le monde des faits. […] L’homme a été créé pour l’action, et non pour le rêve. […] Le dessin est incorrect, la couleur tient de l’enluminure, l’action languit, les personnages sont guindés, le dialogue manque de naturel et de vérité. […] Je suis loin d’être insensible à l’art avec lequel l’action du drame est nouée, et à la manière large et ferme dont sont burinés plusieurs portraits. […] Est-ce l’action d’un bon frère, est-ce même celle d’un homme d’honneur, d’un honnête homme ?
Je n’ai pas prétendu, dit-il, mettre une action vraie sur la scène, mais des mœurs vraies. […] Il y a dans le cours de la pièce de très beaux vers, et en général le coloris a de l’éclat et de la magnificence ; mais on ne peut pas en dire autant de l’action et des caractères. […] N’est-ce pas inviter les auteurs à chercher des actions forcées, et le fracas puéril du collège, tandis qu’on affecte de les en détourner ? […] Dans le cours de la pièce, l’action ne fait pas même un pas, quoique les coups de théâtre soient fréquents, et qu’il règne sur la scène beaucoup de fracas et de confusion. […] Il en résulte pour les deux acteurs une gêne, un embarras qui nuit au naturel de l’action et refroidit la scène.
Une nation ainsi faite peut arriver au comble de la prospérité matérielle ; elle n’a plus de rôle dans le monde, plus d’action à l’étranger. […] Le catholicisme restait la seule force organisée en dehors de l’État et confisquait à son profit l’action extérieure de la France. […] La France pouvait se désintéresser de toute action extérieure comme le fit sagement Louis-Philippe. […] À chaque élection, le député sera obligé de prendre à cet égard des engagements qui énerveront son action future. […] L’émigration à l’extérieur ou à l’intérieur est la plus mauvaise action qu’on puisse commettre.
Chacune de ces trois actions n’est guère liée aux deux autres que par un rapport de succession, par un accident de temps. […] Sans nul doute, il y a là toute l’étoffe d’une action vivante et animée. […] Il met l’histoire de tout un règne en dialogue et en action. […] Ce doit être une femme d’une sensibilité vive, mais qui de bonne heure aura eu la direction personnelle de ses actions. […] Elle assisté à l’action plutôt qu’elle n’y participe.
Ainsi se forma, dans l’effroi de ce père farouche, dans l’ennui de cette vie vide, dans l’amitié de cette sœur mal équilibrée, ainsi se forma le Chateaubriand qui séduisit le monde : incapable de choisir une action limitée, mais aspirant à tous les modes de l’action en vue d’obtenir tous les modes de la sensation, fuyant le réel mesquin ou blessant pour s’enchanter de rêves grandioses et doucement amers, évitant surtout d’approfondir, d’analyser, ne demandant à la nature que des apparences où il pût loger ses fantaisies, timide, orgueilleux, mélancolique, éternellement inassouvi et las. […] Presque jusqu’à son entrée dans la vie politique, il n’est pas mis dans la nécessité d’étudier son semblable, de le pénétrer, d’y saisir les mobiles, les ressorts, les modes d’action : et alors il sera trop tard pour faire le métier de psychologue. […] Son action est surtout négative : elle consiste en général à choisir des modes d’inaction. […] L’Itinéraire appartient aux Martyrs : ce sont les notes du voyage entrepris par Chateaubriand pour se suggérer la vision précise des lieux où se passait l’action de son poème.
Notre paresse et notre faiblesse facilitent leur action et nous subissons les suggestions sociales comme des hypnotisés. […] Mais l’action individuelle est toujours limitée. […] Elle permet à notre esprit d’adapter son action à la situation présente et de préparer l’action future, différente et même opposée que nous devons déjà prévoir et qu’il ne faut pas rendre impossible. […] Je veux dire par là que les manières d’être et les actions que nous considérons comme des défauts, des vices ou des crimes ne sont guère que des qualités, des vertus employées mal à propos, ou le résultat de ces tendances, ou encore des vertus possibles.
L’action réflexe, à son tour, décrit un arc de cercle plus ou moins étendu : une petite impression, comme un léger coup sur la tête, provoque une petite réaction, qui ne dépasse guère le cerveau ; une autre plus forte va jusqu’aux membres ; un coup violent met tout le corps en mouvement dans l’espace, etc. […] La vraie trame uniforme sur laquelle se dessinent toutes les broderies, c’est la conscience continue d’un bien-être attaché à l’être même, à l’action, au vouloir, et tendant à se maintenir au milieu de tous les obstacles. C’est par rapport à ce sentiment fondamental de l’existence et de l’action que nous classons toutes nos sensations, et la mémoire n’en est qu’une projection dans le passé, inséparable d’une projection symétrique dans l’avenir. […] L’automatisme est un mode d’action et de réaction entre des éléments dont nous ne pouvons nous figurer la nature intime que sous des formes empruntées à notre conscience, et les lois mêmes du mécanisme, après tout, sont encore un emprunt à la conscience, à la pensée. […] Jetez un regard sur les planches d’un livre de physiologie, vous serez frappé de l’inextricable écheveau que présentent les fibres grossies au microscope : c’est un tissu où l’action du temps, par l’hérédité et par la sélection naturelle, a fait des milliards de nœuds gordiens non encore dénoués par la science.
Une pensée vivante en perpétuelle action contre la tradition mensongère, tel est le spectacle qu’il nous présente. […] Quelque chose de mille fois plus grave pour lui s’accomplissait lentement, en dehors des querelles bruyantes entre partisans du rêve et partisans de l’action. […] Peindre de la vie signifie de plus en plus prendre part à l’action. […] Il ne faudrait pas néanmoins exagérer l’importance de cette remarque et prétendre qu’il est indispensable d’avoir vécu une action matérielle pour la faire revivre dans l’œuvre d’art. […] Jamais on ne louera suffisamment votre action grandiose.
Ne faut-il pas, pour que nous traitions un homme en égal, d’abord qu’il puisse agir sur nous comme nous pouvons agir sur lui, que nous puissions ensuite, lorsque nous comparons ses actions aux nôtres, nous mettre en quelque sorte à sa place, qu’il y ait en un mot, dans notre esprit ou dans celui d’un tiers, possibilité de nous « substituer » l’un à l’autre ? Or l’hétérogénéité absolue de deux êtres semble leur interdire a priori, en même temps que la capacité d’agir l’un sur l’autre, la capacité de sentir l’un pour l’autre : elle leur défend, pourrait-on dire, en même temps que la réciprocité d’action, la réciprocité de compréhension ; elle empêche que, dans les jugements qui les comparent, ils se substitut l’un à l’autre. […] Par là s’expliquent certaines critiques que les hommes d’action adressent parfois à cette idée : « Conception de théoriciens qui n’ont pas vécu, rêve d’umbratiles ! […] Une société ne subsiste par les contrats et les échanges qu’à la condition que les choses échangées y soient bien équivalentes, et que les contrats formulés n’y soient pas léonins, c’est-à-dire que les sanctions y soient justement proportionnées aux actions, c’est-à-dire encore que les individus y soient tenus pour égaux117. […] Bien d’autres ressemblances unissent, et bien d’autres différences séparent les hommes, qui sont capables ou de renforcer ou de contrarier l’action des premières.
Quoi qu’il en soit, venons aux Romans proprement dits, à ceux qui, dans une narration plus ou moins longue, embrassent la peinture des passions & des foiblesses humaines, développent les replis du cœur, épient ses moindres mouvements, deviennent la peinture des pensées encore plus que celle des actions, & rapprochent beaucoup mieux que l’histoire même le héros de son lecteur. […] Ils mirent la morale en action, & choisirent communément des animaux pour acteurs. […] C’est la vraisemblance d’action unie à des sentiments vrais ; ce sont des caracteres pris dans la Nature, & une marche tracée avec art, sans que l’art se fasse trop sentir. […] J’ai cru qu’il valoit mieux y substituer des exemples, & sauver par l’action le fastidieux du raisonnement. J’ai tâché de soutenir & de nourrir l’intérêt, qui est au Roman ce qu’est le je ne sais quoi dans une femme aimable, & j’ai essayé d’y jetter ces détails qui en font la parure ; mais je les ai souvent sacrifiés au mouvement de l’action : il ne faut point que la parure d’une femme l’embarrasse.
Non seulement action, mais action publique, ses qualités ou ses défauts n’apparaissent, comme l’on dit, qu’aux chandelles. […] On veut maintenant de l’action dans le drame. […] Si le drame sait qu’il doit être une action, il cou fond malheureusement encore l’action avec l’agitation. […] Ses personnages raisonnent leurs actions, n’obéissent point à l’impulsion du tempérament ou du préjugé. […] L’action destructive de ses idées se continue après, et va bien au-delà de ses idées mêmes.
C’est ce qui fait l’hypotypose, l’image, la peinture ; il semble que l’action se passe sous vos yeux. […] Il faut remarquer qu’il y a des actions et des sentimens qui passent sur un objet qui en est le terme. Les philosophes apèlent patient, ce qui reçoit l’action d’un autre ; ce qui est le terme ou l’objet du sentiment d’un autre. Ainsi patient ne veut pas dire ici celui qui ressent de la douleur ; mais ce qui est le terme d’une action ou d’un sentiment. […] Voyez ce que nous en avons dit dans la syntaxe : l’action que le verbe signifie sert alors de nominatif au verbe même, selon la remarque des anciens grammairiens.
leurs actions furent éclatantes dans les dangers. […] Elle chantait les actions de Grudar, jeune objet des sentiments secrets de son cœur. […] « Fingal, chanta Carril, toi, héros des combats, tes actions guerrières signalèrent ta première jeunesse. […] Près de lui était mon jeune, mon cher Oscar, penché sur sa lance ; il admirait le roi de Morven, et son âme s’agrandissait au récit de ses actions. […] Viens-tu pour être témoin de nos combats, ou pour entendre le récit des actions d’Oscar ?
De ce qu’elle y cherchait le repos dans l’action, les délices dans la familiarité et dans l’autorité même, de ce que cet amour-propre, dont on ne se sépare jamais, y trouvait son compte, il ne faut pas l’en moins admirer. […] L’institut n’est point fondé pour la prière, mais pour l’action, pour l’éducation des demoiselles ; c’est là l’austérité véritable, c’est là, en quelque sorte, la prière perpétuelle qu’il suffit d’alimenter par d’autres prières rapides et courtes, et répétées souvent du fond du cœur. « Un mélange de prières et d’actions », tel est l’esprit de l’institut. […] À un moment ou à un autre, la joie qui n’est que l’épanouissement de l’âme reparaît, et elle ne cesse point de courir à travers les actions.
L’action ne semblait être pour lui qu’une occasion à mieux voir et à tout comprendre. […] Cela même, quand il entrait dans une affaire, circonscrivait sa portée d’action et limitait son succès. […] Ce n’est pas qu’on ne puisse et qu’on ne doive même se sacrifier au besoin, une fois s’il le faut, à l’occasion et dans quelque grande circonstance ; mais habituellement, non : « Je ne veux pas qu’on refuse aux charges qu’on prend l’attention, les pas, les paroles et la sueur, et le sang au besoin… : mais c’est par emprunt et accidentellement ; l’esprit se tenant toujours en repos et en santé, non pas sans action, mais sans vexation, sans passion. » Cet équilibre intérieur, cette possession de soi est ce que Montaigne a à cœur plus que tout le reste. […] La vie et les actions se ressentent toujours de la philosophie qu’on a embrassée.
. — Les premières lettres sont remplies de ces prescriptions qui tiennent au corps, à la santé, et qui ont des conséquences morales aussi pour les personnes en évidence et dont toute la vie se passe en public : « Je vous prie, ne vous laissez pas aller à la négligence ; à votre âge cela ne convient pas, à votre place encore moins ; cela attire après soi la malpropreté, la négligence et l’indifférence même dans tout le reste de vos actions, et cela ferait votre mal ; c’est la raison pourquoi je vous tourmente, et je ne saurais assez prévenir les moindres circonstances qui pourraient vous entraîner dans les défauts où toute la famille royale de France est tombée depuis longues années64 ; ils sont bons, vertueux pour eux-mêmes, mais nullement faits pour paraître, donner le ton, ou pour s’amuser honnêtement, ce qui a été la cause ordinaire des égarements de leurs chefs qui, ne trouvant aucune ressource chez eux, ont cru devoir en chercher au dehors et ailleurs. […] D’autres pourront trouver, en lisant ces lettres, que Marie-Thérèse est bien minutieuse pour une si grande reine dont les actions appartiennent à l’histoire ; qu’elle entre ici dans de bien minces détails ; qu’elle traite la dauphine, et bientôt la jeune reine de France, comme elle ferait une petite fille à peine sortie de pension : pour moi, je suis frappé du caractère sensé, à la fois maternel et royal, de ses conseils, de la perspicacité qui, de loin, lui fait deviner le point faible et mettre le doigt sur ce qui a perdu en effet Marie-Antoinette dans l’opinion : l’esprit de dissipation et de frivolité, le favoritisme et le goût des coteries. […] Il y a de quoi : un roi de vingt ans et une reine de dix-neuf, et toutes leurs actions sont comblées d’humanité, générosité, prudence et grand jugement. […] Une princesse doit se faire estimer dans ses moindres actions, et point faire la petite maîtresse ni en parure ni dans ses amusements.