Depuis quelque temps, on établit en poésie un grand chemin à pente inévitable de Virgile à Lucain et de Lucain à Claudien.
Quand on imiterait l’inquisition d’Espagne et le despotisme de Russie, il faudrait encore être assuré que dans aucun pays de l’Europe, il ne s’établira d’autres institutions ; car les simples rapports de commerce, même lorsqu’on interdirait les autres, finiraient par communiquer à un pays les lumières des pays voisins.
Quelques années avant la Révolution788, « on parlait déjà » dans l’armée, « on raisonnait, on se plaignait, et, les idées nouvelles fermentant dans les têtes, une correspondance s’établit entre deux régiments.
D’autres fois, au moyen d’interversions légères de temps et de lieu, j’ai dépisté toute les identifications qu’on pourrait être tenté d’établir.
Les preuves par lesquelles on a essayé d’établir que le Saint Sépulcre a été déplacé depuis Constantin manquent de solidité.
La réputation qu’il avoit, & qu’on croyoit usurpée, l’accueil qu’on lui faisoit, l’espèce d’empire qu’il s’étoit établi dans la littérature, révoltèrent tous les esprits, & les ramenèrent à un illustre banni dont le mérite ne causoit plus d’ombrage.
Et ne sait-on pas par l’expérience que la religion naturelle n’a jamais pu s’établir parmi les hommes, que le déisme est une opinion de cabinet, une doctrine d’école et non pas une religion ?
Or, ce passage, je l’ai précisément cité moi-même dans l’Art d’écrire, pour établir qu’il ne faut pas pousser les choses trop loin et qu’on ne doit jamais reculer devant certaines répétitions.
Ainsi, sur une impression confuse et machinale, ou bien on établira de faux principes dégoût, ou, ce qui n’est pas moins dangereux, on érigera en principe ce qui est en soi purement arbitraire ; on rétrécira les bornes de l’art, et on prescrira des limites à nos plaisirs, parce qu’on n’en voudra que d’une seule espèce et dans un seul genre ; on tracera autour du talent un cercle étroit dont on ne lui permettra pas de sortir.
Un historien protestant de Grégoire VII établit un parallèle entre Luther et lui.
qui est devenue, en quelques années, la monstruosité inaperçue d’abord et plus tard affirmée et nommée : le réalisme, et que voilà établie partout, dans les lettres et les arts du xixe siècle, et y souillant tout, comme les Harpies à la table des Troyens.
Plus heureux que le conquérant par les armes, le conquérant par la plume s’était établi, fortifié et étendu dans sa conquête… Et encore à cette mauvaise heure, quand nous avons l’épée de l’Allemagne à moitié dans le cœur, d’où nous ne pouvons l’arracher, Gœthe reste triomphant dans nos esprits, dont nous ne pouvons l’arracher davantage.
Comment n’a-t-il pas senti que recommencer sans y être forcé, le pistolet sur la gorge, le détail écœurant (et connu d’ailleurs) de ces cérémonies de pantins, dans lesquelles s’abêtissaient et s’abolissaient les hommes, de 1739 à 1780, c’était inspirer ce mépris pour la monarchie que nous avons vraiment trop reproché à Chateaubriand, qui avait vu la fin de cette monarchie décadente, établie par le fils de Robert le Fort, et mourant d’un baisemain, comme le Bas-Empire.
Comme il est mort avant la naissance de la république, dont il eût aimé la dictature encore plus que la liberté, comme il s’est agité, mais n’a pas agi, — rien n’étant plus différent de l’action politique que les vaines agitations d’un journaliste de parti, — on peut sans danger lui établir une conscience posthume irréprochable, et supposer magnifique le rôle qu’il n’a pas joué.
établit le plus grotesque des rapports entre le scepticisme philosophique et l’opposition politique qui n’est pas constitutionnelle ; ni même M.
Il établit que l’un était un fait sensorial, l’autre un fait cérébral, et que la sensibilité n’était et ne pouvait jamais être l’intelligence, pas plus que l’idée, la sensation.
Est-ce en Angleterre, dans ce lord John Manners, qui a chanté l’Église établie sur son maigrelet accordéon ?
À Lyon, on avait établi pour Ars un service spécial de voitures.
Il a embrassé le Matérialisme contemporain tout entier, — le Matérialisme de la minute présente, — dans toute l’étendue de son progrès et sur tous les sommets où il est monté et où il s’est établi, couvrant tout, comme l’eau d’un déluge… Le Dr Athanase Renard compte, un par un, ses envahissements victorieux ; car il est victorieux sur toute la ligne !
C’étaient les missions établies par toute la terre, les missions d’Europe, de France, d’Italie, des Îles Hébrides, d’Écosse, d’Irlande, de Pologne, d’Autriche, de Prusse, d’Espagne, de Portugal, de Madagascar, de Bourbon, de l’Île-de-France, d’Amérique, des Échelles du Levant, de l’Empire Turc, de la Perse, de Babylone, de la Chine ; et ce n’était pas tout encore : c’étaient les royaumes de toutes les misères, de tous les crimes, de toutes les hontes, c’était le grand Hôtel-Dieu de Paris, c’étaient les hôpitaux des provinces, l’œuvre des forçats, des mendiants, des fous, enfin les Filles de Charité et les Enfants trouvés, qui sont restés aux yeux des hommes les deux plus belles institutions de cet incroyable gouvernement de l’amour !
Quand il y sera bien établi une fois, ce beau revenant, qui n’est pas un fantôme, nous retournerons à lui et nous en parlerons à l’aise… Nous n’avons voulu que signaler par quelques mots l’entrée dans la littérature française d’un poète d’une distinction suprême, en train de dégager, quand il est mort, une ravissante personnalité.
Quel que soit, en effet, son talent, que nous mesurerons tout à l’heure, on est fondé à établir la supériorité absolue sur toutes les espèces de poésies, de celle-là dans laquelle l’âme tient tant de place qu’elle semble déborder les mots !
Le fait est commun, et les fabliaux et les comédies parlent gaiement de cette destinée des maris imprudents : mais un Antoine Quérard n’est pas un mari, c’est un amant, et un amant intelligent, coupable, plus vieux que sa maîtresse, et il répugne à sa passion même qu’il établisse gratuitement chez lui M.
Il appartient au christianisme social, voisin du Sillon, qui veut rendre la vie terrestre possible et établir dans l’humanité le règne de Dieu.
En quittant cet éloge funèbre des officiers, fait par un homme célèbre, il est impossible de ne pas former un souhait avec l’orateur ; c’est que la coutume qui était autrefois établie à Athènes, le fût aussi parmi nous.
Ziegler, pour en revenir à lui, a écrit tout son livre pour établir cette vérité : Améliorez d’abord les hommes, si vous voulez améliorer le régime social. […] Thiébault, confident de l’abbé Leduc, fils naturel de Louis XV, nous annonce des preuves qui doivent établir ce rôle étrange de Robespierre… Hélas ! […] Il en établit, il en prouve l’existence. […] C’est à ces doctrines, qui établissent sa raison d’être et sa légitimité, qu’il convient de s’attaquer ! […] Oui, les hommes sont inégaux en fait ; et peut-être n’était-il pas besoin du secours de la science pour établir cette vérité qui crève les yeux ; mais sont-ils pour cela inégaux en droit ?
C’est lui qui établit cette règle de l’union nécessaire de la licence et de l’honnêteté. […] Quel rapport, et que signifie cet éloge de l’État-couvent établi par les Jésuites au nouveau monde ? […] Sous prétexte que les citoyens peuvent avoir des différends avec le gouvernement, elle établit, pour les trancher, un pouvoir aussi fort que celui-ci. […] — Il y a pente au despotisme et trop grande facilité à l’établir, mais non point despotisme. […] Et voilà la loi morale établie, et une idée théologique, un minimum, si l’on veut, d’idée théologique admis par Voltaire65.
Il en a si peu la notion que, s’il s’établissait franchement romancier, peut-être n’atteindrait-il pas à celle-là même que M. […] La science et la philosophie n’ont pas pour objet de calmer les nerfs ou les vapeurs des gens sensibles, mais de rechercher et d’établir la vérité. […] Une signification claire : le pied de nez aux conventions et aux puissances établies. […] C’est intéressant d’établir une bonne édition critique d’Homère ou de Virgile, de Sophocle ou de Platon, sans compter qu’on peut faire de belles trouvailles. […] Claude Bernard a exorcisé l’entité de la force vitale et définitivement établi que la vie était soumise au déterminisme, comme les phénomènes physico-chimiques.
Le génie, la moralité, l’utilité sont des qualités fort différentes, entre lesquelles on ne saurait établir de proportion, et avec lesquelles on ne doit pas faire de cote mal taillée. […] dans ce moment qui est la confusion même pour la raison, l’instinct de l’âme humaine établit avec une exactitude infaillible la balance entre la peine et le bonheur qui l’attendent au réveil. […] Avec quelle persistance il cherche à établir l’équilibre entre ses dix mille francs de revenu et ses douze mille francs de dépenses ! […] Même au barreau, si cette habitude s’établissait, elle prouverait plus de courtoisie que de sincérité chez les antagonistes, et les convenances s’en trouveraient peut-être blessées. […] Si l’on a planté la croix, en revanche on a cueilli de bien superbes chapelets, — des chapelets faits avec des colliers, — ce qui établit un certain lien entre l’exportation et l’importation.
Et Aristote, en la combattant, prouve qu’à l’époque où triomphait un certain positivisme, où s’établissait la suprématie de la raison sur la croyance, elle avait encore ses fidèles. […] Certes, il y en a de meilleures que d’autres ; mais il n’y en a pas une qui ait supprimé toutes les autres et bien établi sa suprématie. […] Si l’on a voulu consentir que les hommes ne sont pas rigoureusement bons, c’est à leurs torts que l’on impute les défauts de leur société : alors on s’établit moraliste. Mais, si l’on a posé en principe la bonté des hommes, c’est aux institutions qu’il faut qu’on s’en prenne de tous les inconvénients évidents : alors on s’établit réformateur. […] La meilleure idée de Guivard fut de s’établir à son compte et d’ouvrir un cours, rue Jacob, à meilleur marché que Feinaigle : de sorte qu’il eut vite séduit toute la clientèle.
Elle établit l’étroite corrélation qui existe entre le talent du chansonnier et l’état d’âme habituel et moyen de la bourgeoisie française. […] L’auteur établit l’affinité mystérieuse qui existe entre les mélancolies du cœur humain et la tranquillité des silences nocturnes et leur douceur apaisante. […] … On revient aujourd’hui de ces sottises ; l’équilibre s’établit. […] Il cherchera tout d’abord à établir son milieu. […] Il nous l’a présenté comme un être primitif, à demi inconscient, comme un grand enfant ballotté, ainsi qu’une épave, et qui n’a pas la force de réagir… Et dès les premiers feuillets, en quelques lignes précises, il établit son tempérament.
Il étala le régicide, l’établit sur un char de triomphe, et le fit jouir de toute la lumière du ciel. […] Quand il plaide contre les évêques, il veut qu’on les extirpe à l’instant, sans réserve ; il exige qu’on établisse à l’instant le culte presbytérien, sans précaution, sans ménagements, sans réserve. […] On reconnaît l’homme de parti qui, sur l’extrême penchant de la restauration, quand « toute la multitude était folle du désir d’avoir un roi », publiait « le moyen aisé et tout prêt d’établir une libre république448 », et en décrivait le plan tout au long. […] Viens donc, ô toi qui as les sept étoiles dans ta main droite ; établis tes prêtres choisis, selon leur ordre et leurs rites antiques, pour accomplir devant tes yeux leur office et verser religieusement l’huile consacrée dans tes lampes saintes toujours brûlantes. […] Un bachelier, dans son discours de réception, ne prononcerait pas mieux et plus noblement un plus grand nombre de sentences vides. « Ma belle compagne, l’heure de la nuit et toutes les créatures retirées à présent dans le sommeil nous avertissent d’aller prendre un repos pareil, puisque Dieu a établi pour les hommes le retour alternatif du repos et du travail, comme de la nuit et du jour, et que la rosée opportune du sommeil, par sa douce et assoupissante pesanteur, abaisse maintenant nos paupières.
Après quoi, vous aurez encore, je le crains, à bouleverser les cadres établis, à mettre Desportes et Bertaut sur le même rang que Ronsard, Malherbe assez au-dessous de Quinault, Delille très au-dessus d’Alfred de Vigny. […] Cette conclusion, je l’indique à peine, en finissant, car il m’eût fallu plusieurs volumes pour l’établir, et des précisions qu’une lecture publique ne saurait permettre : c’est le rapprochement-nécessaire, selon moi- je ne dis pas l’identification -entre l’expérience poétique et l’expérience mystique. […] M. l’abbé H B vient de reprendre cette idée valéryenne… il établit… que la poésie est sans rapport (direct et nécessaire) avec le sens intellectuel du poème, qu’elle ne l’exclue pas, « bien entendu », mais qu’elle existe en dehors de lui… ce n’est pas son sens qui fait le mérite d’un vers royal comme : la fille de Minos et de Pasiphaé …et comme tant de vers sonores du père Hugo, qui ne contiennent rigoureusement que des noms propres…et la poésie populaire. […] Une distinction dangereuse d’Albert Thibaudet -l’inspiration et la fabrication : dans son étude sur Valéry, Albert Thibaudet avait établi cette distinction fondamentale : « Il y a les poètes qui savent faire des vers parce qu’ils sont poètes ; et il y a les poètes qui sont poètes parce qu’ils savent faire des vers. […] L’élaboration de l’art musical a consisté à établir des abcisses et des ordonnées permettant de « standardiser » (si j’ose dire) les productions (le terme dernier est la gamme tempérée) dans l’ordre numérique (du temps et du nombre de vibrations)… etc : on voit comment après avoir réagi contre certaines de mes propositions, surtout certains de mes exemples (l’équation personnelle peut en effet facilement empêcher que des exemples aient une valeur aussi générale que la thèse qu’ils soutiennent), M.
Un homme, pour suivre le roi à la chasse, une femme pour être présentée à la reine, doit établir au préalable, devant le généalogiste et par pièces authentiques, que sa noblesse remonte à l’an 1400 Ensuite c’est une certitude de fortune ; il n’y a que ce salon pour être à portée des grâces ; aussi bien, jusqu’en 1789, les grandes familles ne bougent pas de Versailles, et, nuit et jour, sont à l’affût. […] La politique qui avait établi la cour prescrivait le faste. « C’était lui plaire, que de s’y jeter en habits, en tables, en équipages, en bâtiments, en jeu ; c’étaient là des occasions pour qu’il parlât aux gens199. […] En vertu de l’usage établi, les colonels et même les capitaines traitent leurs officiers et dépensent ainsi « beaucoup au-delà de leurs appointements209 ».
Ils ne comprennent qu’une seule espèce de beauté ; ils n’établissent de préceptes que ceux qui peuvent la produire ; ils récrivent, traduisent et défigurent sur son patron les grandes œuvres des autres siècles ; ils l’importent dans tous les genres littéraires, et y réussissent ou y échouent selon qu’elle s’y adapte ou qu’elle ne peut s’y accommoder. […] « Simplicité d’enfant, écrivait Pope, esprit d’homme. » Il vivait, comme La Fontaine, aux dépens des grands, voyageait autant qu’il pouvait à leurs frais, perdait son argent dans les spéculations de la mer du Sud, souhaitait une place à la cour, écrivait des fables pleines d’humanité pour former le cœur du duc de Cumberland1127, finissait par s’établir en parasite aimé, en poëte domestique, chez le duc et la duchesse de Queensbury. […] Celui-ci, fils d’un ecclésiastique et très-pauvre, vécut, comme la plupart des écrivains du temps, de gratifications et de souscriptions littéraires, de sinécures et de pensions politiques, ne se maria point faute d’argent, fit des tragédies parce que les tragédies étaient lucratives, et finit par s’établir dans une maison champêtre, restant au lit jusqu’à midi, indolent, contemplatif, mais bon homme et honnête homme, affectueux et aimé des autres.
[Henry Bérenger] Mon cher Confrère, Le premier point, pour guérir un mal, c’est d’avoir établi son diagnostic. Je crois que nul psychologue n’aurait pu établir celui du roman-feuilleton avec une exactitude plus incisive que la vôtre dans l’article que vous avez bien voulu m’adresser. […] Or, ces nécessités le réduisent à revêtir deux ou trois formes, depuis longtemps établies.
C’était une des apparences d’artisan retiré dans l’oisiveté d’une modique aisance, allant visiter, le dimanche, ses enfants établis dans la banlieue, comme vous en coudoyez cent mille par semaine dans les rues de Londres ou de Paris. […] Rousseau l’établi de l’horloger, pour étendre et pour polir leur intelligence, et pour apprendre la langue du pays des idées, du beau, des arts, avant de parler, d’écrire ou de chanter pour l’univers pensant. […] Un enfant voué à l’établi, à l’aiguille et aux ciseaux, n’aurait pas eu besoin de passer six ans dans une maison d’études libérales de Paris.
Nous avons essayé d’établir, en écartant les idées préconçues qu’on accepte des deux côtés, en serrant d’aussi près que possible le contour des faits, que le rôle du corps est tout différent. […] Mais on ne comprendrait pas la fin de non-recevoir que de vrais savants opposent à la « recherche psychique » si ce n’était qu’avant tout ils tiennent les faits rapportés pour « invraisemblables » ; ils diraient « impossibles », s’ils ne savaient qu’il n’existe aucun moyen concevable d’établir l’impossibilité d’un fait ; ils sont néanmoins convaincus, au fond, de cette impossibilité. […] Bornons-nous à dire, pour ne parler que de ce qui nous semble le mieux établi, que si l’on met en doute la réalité des « manifestations télépathiques » par exemple, après les milliers de dépositions concordantes recueillies sur elles, c’est le témoignage humain en général qu’il faudra déclarer inexistant aux yeux de la science : que deviendra l’histoire ?
Voyons un peu : Le goût et la connaissance du Théâtre-Français d’abord ; — il l’aimait, le suivait, il était même sur le point de s’essayer à l’Odéon par une bluette dans le genre d’Andrieux, une petite comédie anecdotique (Racine ou la troisième représentation des Plaideurs, 1826) ; La connaissance exacte et précise de la littérature classique moderne qu’il allait combattre dans ses derniers sectateurs, et dont il eût pu continuer presque indifféremment d’accepter les traditions, sauf de légères variantes, sous un régime plus régulier et mieux établi ; Un tour d’esprit et de style judicieux et ferme, une disposition à s’assimiler toutes les idées nouvelles en matière littéraire, et une habileté à les rendre avec autant de vivacité que si de tout temps elles avaient été siennes. […] Magnin, toujours curieux jusqu’à être subtil, se pique de distinguer entre des genres bien voisins, de reconnaître les farces qui étaient dues aux basochiens et celles qui appartenaient au répertoire des Enfants sans souci ; il est difficile, en bien des cas, d’établir la distinction et de marquer la limite.
À cet égard, écrit un intendant, « l’endurcissement est étrange » « Aucun particulier, mande un receveur681, ne paye le collecteur qu’il ne voie la garnison établie chez lui. » Le paysan ressemble à son âne, qui, pour marcher, a besoin d’être battu, et, en cela, s’il paraît stupide, il est politique. […] Dans la généralité de Rouen, « quelques paroisses payent plus de 4 sous pour livre et quelques-unes à peine 1 sou709 ». — « Depuis trois ans que j’habite la campagne, écrit une dame du même pays, j’ai remarqué que la plupart des riches propriétaires sont les moins foulés ; ce sont ceux-là qui sont appelés pour la répartition, et le peuple est toujours vexé710. » — « J’habite une terre à dix lieues de Paris, écrivait d’Argenson, où l’on a voulu établir la taille proportionnelle, mais tout n’a été qu’injustice ; les seigneurs ont prévalu pour alléger leurs fermiers711. » Outre ceux qui, par faveur, font alléger leur taille, il y a ceux qui, moyennant argent, s’en délivrent tout à fait.
XII « Il y a un autre parti à prendre par le cabinet de la république : c’est de déclarer la paix à toutes les puissances qui ne se déclareront pas en guerre avec elle ; c’est de respecter les limites, l’existence, la forme, quelle qu’elle soit, de tous les gouvernements adoptés par tous les peuples ; c’est de déclarer la république française compatible avec toutes ces formes de gouvernement, dont elle n’a pas le droit de discuter la convenance avec d’autres idées, d’autres mœurs, d’autres intérêts, d’autres nationalités ; c’est de la déclarer héritière de tous les traités de limites établis, même contre elle, à d’autres époques, et de promettre au monde qu’elle ne revendiquera des rectifications éventuelles à cette géographie des puissances que de concert commun avec tous les autres peuples, lorsque des événements imprévus viendraient à motiver, en congrès général, le remaniement européen, en ajoutant que, ce qu’elle accepte pour la France, elle l’exige naturellement pour les autres, et qu’elle prendra fait et cause, si cela lui convient, pour toute nation qu’une puissance étrangère voudrait contraindre ou opprimer dans son libre développement d’institutions. » Ce fut cette diplomatie, unanimement adoptée par le gouvernement de 1848, qui jeta sur les matières incendiaires de l’Europe la poignée de cendre qui rassura et pacifia la France et l’Europe. […] XXII Or, pour assurer aux sociétés politiques la paix, et pour établir, autant que possible, l’équilibre, garantie de la paix, quels sont les moyens ?
C’est la plus difficile des libertés à établir consciencieusement, mais c’est la plus sainte et la plus favorable à l’action religieuse sur les sociétés dont l’âme est toujours une foi libre. […] Je crois que la jeune fille de l’entrepreneur Duplay, hôte de Robespierre, avait eu la pensée de devenir l’épouse du jeune et beau proconsul, fanatique séide de ce Mahomet d’entresol, quand la révolution que Robespierre croyait accomplir serait enfin close par cette bergerie plébéienne et sentimentale que Saint-Just et son maître croyaient établir à la place des inégalités nivelées et des échafauds abolis.
Nul ne l’a peut-être établi avec plus de force et de méthode que M. […] Taine se plaignant qu’on n’ait pas donné toute la correspondance de Napoléon Ier, le prince répond : « En principe, j’établis qu’héritiers de Napoléon, nous devions nous inspirer de ses désirs avant tout, et le faire paraître devant la postérité comme il aurait voulu s’y montrer lui-même. » C’est pourquoi l’on a exclu de la Correspondance « les lettres ayant un caractère purement privé ».
Ils commencent par établir sur chaque branche de littérature les préceptes que l’usage a consacrés, puis ils passent en revue les divers ouvrages qui en font partie, et le jugement qu’ils en portent se formule d’après les principes qu’ils ont posés, comme étant sous ce rapport la législation souveraine et absolue. […] Sur quelles bases établir les règles du goût, lorsque depuis les temps anciens jusqu’à nos jours les hommes de génie ont écrit sous des inspirations si diverses et pour des nations si différentes de mœurs et de religion ?
A considérer l’ensemble des siècles, il semble bien que la science ait eu, en somme, l’avantage et obtenu des agrandissements définitifs ; mais ce n’est pas sans des reculs momentanés, sans des défaites partielles sur des points où elle s’était indûment avancée et où elle ne pourra jamais s’établir. […] L’esprit scientifique, partout où il pénètre, apporte avec lui l’habitude de rechercher le comment et le pourquoi des choses, l’effort pour établir un enchaînement serré de causes et d’effets, le dessein de condenser une quantité de faits particuliers dans une formule générale, le désir de découvrir des lois constantes dans la suite des phénomènes.
Plus rien des galeries, des loges, des banquettes, que les six poteaux qu’on entourait de verdure, les jours de la grande représentation, et en place de ce qui a été brûlé, un établi où l’on menuise, et des plantes grasses sur des planches… Et Berthe est morte, et les autres petites demoiselles sont devenues des femmes, des épouses, des mères, et Léonce est garde des forêts, et Bazin est professeur de géographie et décoré de l’ordre du Pape, et Antonin est en train de se faire tuer à Sébastopol, et le père Pourrat a toujours sa tragédie des Celtes en portefeuille, et le bonhomme Ginette est établi teinturier, rue Sainte-Anne, et Louis est docteur en droit, et moi rien du tout.
L’histoire des Révolutions d’Italie, établie sur la plus fausse et la plus lâche des philosophies de l’Histoire, et qui n’a de valeur, d’éloquence et de jugement que quand elle est, en fait, inconséquente à son principe, cette histoire de la confuse mêlée des villes et des bourgs italiens au Moyen Âge, cette chronique déchiquetée et grouillant de faits lilliputiens, recueillis par cette érudition qui voit l’imperceptible, à grand renfort de bésicles, aurait bien vite cédé la place à une histoire de la littérature italienne et du génie italien dans les arts, la vraie grandeur de l’Italie. […] L’établit-il même par l’histoire, qu’il nous a tracée du monde, trop rapide pour ne pas être suspecte, trop vaste pour n’être pas superficielle ?
Le grand Gœthe, le maître de la critique, a établi ce principe souverain qu’il faut surtout s’attacher à l’exécution dans les œuvres de l’artiste, et voir s’il a fait, et comment il a fait, ce qu’il a voulu : « Il en est beaucoup, disait-il, qui se méprennent, en ce qu’ils rapportent la notion du beau à la conception, beaucoup plus qu’à l’exécution des œuvres d’art ; ils doivent ainsi, sans nul doute, se trouver embarrassés quand l’Apollon du Vatican et d’autres figures semblables, déjà belles par elles-mêmes, sont placés sous une même catégorie de beauté avec le Laocoon, avec un faune ou d’autres représentations douloureuses ou ignobles. » Il y a donc, selon lui, une part essentielle de vérité, qui entrait dans les ouvrages des anciens, dans ceux qu’on admire et qu’on invoque le plus, et c’est cette part de vérité, cette nature souvent crue, hideuse ou basse, moins négligée des anciens eux-mêmes qu’on ne l’a dit, qu’il ne faut point interdire aux modernes d’étudier et de reproduire : « Puisse, s’écriait Gœthe, puisse quelqu’un avoir enfin le courage de retirer de la circulation l’idée et même le mot de beauté (il entend la beauté abstraite, une pure idole), auquel, une fois adopté, se rattachent indissolublement toutes ces fausses conceptions, et mettre à sa place, comme c’est justice, la vérité dans son sens général !
Je les attends à l’autre monde ; c’est là seulement que je renouerai mes amitiés2. » Est-ce donc trop s’avancer que de croire qu’après tant de preuves publiques et privées, et après ce dernier témoignage, longtemps resté secret, qui vient de sortir, — cette grande lettre datée de Villeneuve-le-Roi, — le moral et le caractère de Chateaubriand sont connus, et que, quelle que soit la mesure de sévérité ou d’indulgence qu’on y veuille apporter, les points principaux sur lesquels roule le jugement sont suffisamment fixés et établis ?
Appelé à donner une édition des Commentaires de César à l’Imprimerie impériale, environné par la munificence de l’Empereur de tous les instruments nécessaires à ce grand travail de collation, il put établir un texte excellent.
La religion, désertant peu à peu son immense et vague domaine, se replia dans les cérémonies du culte ; la science fit effort, se détacha et subsista d’une vie propre ; la philosophie fonda ses écoles ; l’histoire établit des registres plus ou moins scrupuleux.
Il y aurait un singulier rapprochement, non pas tout à fait chimérique, à établir entre le saint-simonisme de cette période, et les congrégations mystiques, et à la fois ambitieuses, des premiers temps de la Restauration.