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1493. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Plus les connoissances augmentent, plus les idées naissent en nombre, se développent, s’étendent, s’agrandissent, & plus les images qui les expriment, varient, s’animent & se multiplient. […] Quoi de plus susceptible d’images agréables, qu’une Religion faite exprès, où tout invitoit les sens à jouir, où la volupté présidoit aux mystères, où l’imagination enfin créoit à son gré des Déesses & des Dieux ! […] Aujourd’hui la lecture de ces sortes de pièces n’est pas supportable, non pas tant à cause de la rudesse de l’ancien langage ; mais parce qu’on n’y trouve ni sel, ni génie, ni beautés, & que le mauvais goût & la grossiéreté des images, sont, de tous les défauts, ceux qui rebutent le plus. […] Cette impulsion une fois donnée, l’imagination s’allume à son tour, & produit sans peine & sans efforts les images les plus grandes & les plus frappantes.

1494. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Jeudi 19 janvier Je ne sais comment, aujourd’hui, mes mains se sont portées sur une petite glace de toilette de ma mère, en ont fait glisser le couvercle, et la glace entrouverte, devant sa lumière comme usée, et d’un autre monde, j’ai pensé à la nouvelle délicatement fantastique, qu’on pourrait faire d’un être nerveux, qui dans de certaines dispositions d’âme, aurait l’illusion de retrouver dans une glace, au sortir de sa nuit, la vision, pendant une seconde, de l’image reflétée du visage aimé, restée fixée dans l’obscurité. […] Il est tout plein d’anecdotes, contées avec un amusant frétillement du facies, et entremêlées de jolies images, comme celle-ci, où à propos de l’émotion de Villemessant, dans une circonstance quelconque, il compare cette émotion, à l’envie de pleurer d’un monsieur, qui s’arrache un poil dans le nez. […] Nous nous mettons à table, où a été invité Drumont, et poursuivis par les images du chemin, nous nous entretenons de l’amélioration du sort de ces hommes, de l’injustice des trop grosses fortunes. […] Pour tuer l’avant-dîner, je vais chez Bing, où je ne peux m’empêcher de quitter de l’œil les images, que Lévy me montre, et de me promener d’un bout de la pièce à l’autre, en parlant de ce soir.

1495. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Vendredi 18 mars Aujourd’hui, à cette heure du jour, qui devient insensiblement de la nuit, et où ma pensée était allée mélancoliquement au passé, cherchant à retrouver les êtres chers qui n’étaient plus, j’avais laissé venir le crépuscule dans mon cabinet de travail, sans demander la lampe, et peu à peu, l’image de mon père, que j’ai perdu à douze ans, m’apparaissait à la clarté des braises du foyer presque éteint, m’apparaissait dans le mystérieux brouillard et le pâle effacement d’un pastel, accroché derrière le dos, et reflété dans la glace que l’on a devant soi. […] Il parle des vingt, trente, quarante croquis, qu’il est obligé parfois de faire, pour arriver à l’image voulue. […] Le directeur s’éprenait de lui, et l’invitait quelquefois à dîner, et le retenait à causer, à regarder des images et des bibelots, si bien que tout à coup, ses yeux regardant la pendule, il s’écriait : « Ah vraiment, je vous ai fait rester trop tard, vous ne trouverez plus d’omnibus !  […] Il parle d’un petit paquet de ces impressions, qu’il a vendu 30 000 francs à la femme d’un des plus riches Yankee, et qui a dans son petit salon, en face du plus beau Gainsborough qui existe, une image d’Outamaro.

1496. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

La continuelle présence morale de Dieu à l’âme est exprimée dans les Misérables par une grande image. […] Il appelle l’homme quelque part : tête auguste du nombre ; et nous avons vu que les images tirées du nombre sont chez lui fréquentes. […] Dès ces premiers vers le simple critique littéraire, tout en admirant le mouvement de l’ode, murmurera peut-être : « grandes épithètes, images obscures et incohérentes ;  » mais le philosophe, lui, retrouve toute une doctrine sous chaque mot : « l’insondable au mur d’airain », c’est l’inconnaissable de la métaphysique, qui ferme et mure pour l’intelligence le mystère du monde ; « l’obscurité formidable du ciel serein », c’est une allusion à la doctrine propre du poète sur le jour et la nuit, le jour étant aussi obscur en soi que la nuit même. […] Que les objets grandissent dans les imaginations des hommes comme les rochers dans les brouillards, à mesure qu’ils s’éloignent224. » Napoléon d’une part, la Révolution de l’autre, étaient deux types épiques, l’un individuel, l’autre collectif, qui devaient s’imposer naturellement à l’imagination d’un poète, mais ces deux types grandirent dans son cerveau, à mesure que son génie même grandissait ; et cette sorte de croissance invincible a fini par produire des images gigantesques et déformées, en dehors de toute réalité.

1497. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

C’est à l’un de ces prisonniers, à un ardent apôtre d’une réformation future, qu’un jour, en des vers qu’elle lui adressait, elle montrait, pour le consoler, l’image du Christ, et rencontrait ce vers sublime, digne d’être à jamais retenu : Lui dont les bras cloués ont brisé tant de fers !

1498. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Mais il faut aussi convenir de tout le charme, de toute la jouissance des images poétiques et des mouvements d’éloquence dont la prose perfectionnée nous offre de si beaux exemples.

1499. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Et les caractères des personnages, on nous les raconte bien, mais pour la plupart on ne les développe pas assez, par le seul procédé de développement possible : le choc des faits, pour que nous en gardions une image claire.

1500. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Ce sont, presque sans ordre, les images qui me sont apparues et les réflexions qui me sont venues à l’esprit, pendant que j’évoquais ainsi un passé vieux de cinquante ans.

1501. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

C’est une insupportable accumulation d’images scientifiques ou industrielles : « Hier, aujourd’hui, demain, bouillonnant dans le creuset de l’heure trouble. » — « L’or venait de circuler par mille voies nouvelles, les chemins de fer, les chemins vicinaux, tout un réseau artériel et veineux.

1502. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

Ce qui distingue la Poésie de l’Eloquence, c’est la fiction, la vivacité des figures, la hardiesse de l’expression, la richesse & la multiplicité des images, l’enthousiasme, le feu, l’impétuosité, les divers essors du génie.

1503. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Mais de leur temps les tranpositions vicieuses étoient à la mode, l’abus des mots étoit autorisé, et l’on les emploïoit sans égard à leur signification propre, soit dans des épithetes insensées, soit dans ces figures dont le faux brillant ne presente point une image distincte.

1504. (1757) Réflexions sur le goût

Comme il sait que c’est la première loi du style, d’être à l’unisson du sujet, rien ne lui inspire plus de dégoût que des idées communes exprimées avec recherche, et parées du vain coloris de la versification : une prose médiocre et naturelle lui paraît préférable à la poésie qui au mérite de l’harmonie ne joint point celui des choses : c’est parce qu’il est sensible aux beautés d’image, qu’il n’en veut que de neuves et de frappantes ; encore leur préfère-t-il les beautés de sentiment, et surtout celles qui ont l’avantage d’exprimer d’une manière noble et touchante des vérités utiles aux hommes.

1505. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Dans tout son livre, il n’y a pas une image qui lui appartienne en propre.

1506. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

il fallait deviner Byron, ou du moins étudier l’homme sur l’homme, l’aller chercher sous ses œuvres mêmes et ne pas poursuivre son image dans des miroirs plus ou moins tremblants, plus ou moins infidèles où son spectre décomposé oscille toujours !

1507. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Il s’est laissé couler là-dedans… L’erreur du moment, c’est que la langue du xviie  siècle doit quelque chose à cette poignée de femmelettes affectées qui faisaient les hommes et la littérature à leur image.

1508. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

— c’est l’image de la vie de Gœthe que cet éblouissant patinage.

1509. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Selon moi, il est évident qu’il n’y a place que pour des atomes dans cet œil, mal conformé pour recevoir l’image des choses grandes, et qu’il lui serait impossible de voir autrement qu’il n’a commencé.

1510. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Si, comme le disent nos Saints Livres, à nous autres chrétiens, Dieu nous a faits à son image, il semble qu’il ait mis plus de lui dans le cœur de l’homme que dans son intelligence, — et c’est pour cela que la Correspondance de Balzac touche, surtout, par les lettres du cœur qui y sont écrites.

1511. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

S’il n’est pas poète, comme Lord Byron, par l’instrument, le rhythme, la langue ailée, le charme inouï et mystérieux des mots cadencés qui rendent fous de sensations vives les esprits vraiment organisés pour les vers, il l’est par l’image, le sentiment, le frémissement intérieur qu’il éprouve et qu’il cause, et ces dons immenses doivent un jour en lui s’approfondir et se modifier ; mais pour le moment ils n’y sont point purs et sans écume.

1512. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Enfin si le récit de l’auteur des Moines d’Occident roule, comme une perle, quelque légende, prise à cette fontaine de larmes qui filtre l’image d’un ciel renversé entre toutes les ruines de l’Histoire, la légende a été trouvée déjà par quelque pécheur aux légendes et aux perles, comme M. de la Villemarqué.

1513. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Mais il ajoute : « C’est que la nature n’est qu’un écho de l’esprit, que l’idée est la mère du fait, et qu’elle façonne graduellement et nécessairement le monde à son image. » Et voilà l’étincelle, l’étincelle de l’hégelianisme le plus pur !

1514. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Ni Napoléon, ni Richelieu n’ont gouverné leur royaume, l’un avec son épée et l’autre avec cette robe rouge dont il couvrait tout ce qu’il avait fauché, comme Vincent de Paul a gouverné le sien d’à genoux ; car ceci n’est point une image : on peut le dire, c’est d’à genoux qu’il a gouverné !

1515. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Le trait final, cette pointe d’acier qui fait la flèche et où se mire l’éclair, s’émousse et s’évanouit dans la nue du commun, et l’imprécision de l’image.

1516. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Oui, laissons là pour un moment la personne et le talent de Mme Valmore, mais ce cri qui jaillit du fond du cœur frappé, comme le sang jaillit d’une veine ouverte, mais cette éloquence irrésistible de la blessure ou de la caresse, mais cette émotion qui doit être, en poésie, prépondérante même à la pensée, à plus forte raison à l’image, à la phrase, au rythme, à l’harmonie, enfin à tout ce qui entre nécessairement à n’importe quel degré dans la trame d’une poésie quelconque, cette émotion ne constitue-t-elle pas certainement et dans la mesure où elle existe la poésie la plus élevée et la plus profonde, et par la raison souveraine que l’homme mesure tout à lui-même et que c’est le battement de son cœur qui donne le branle à l’univers !

1517. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Il les a faits à son image, et on a ri de son bonhomme de Jupiter.

1518. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Cependant, il faut le reconnaître, tout n’est pas exclusivement gambade en ces Odes funambulesques, cette orgie de mots et d’images.

1519. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Et c’est alors qu’il se répand en vers superbes, coupe de pensées cerclées aussi dans la langue, l’image, le rythme et la rime : Ce tableau fut pour moi d’une telle puissance.

1520. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

S’il n’est pas poëte, comme lord Byron, par l’instrument, le rhythme, la langue ailée, le charme inouï et mystérieux des mots cadencés qui rendent fous de sensations vives les esprits vraiment organisés pour les vers, il l’est par l’image, le sentiment, le frémissement intérieur qu’il éprouve et qu’il cause, et ces dons immenses doivent un jour en lui s’approfondir et se modifier ; mais pour le moment ils n’y sont point purs et sans écume.

1521. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Rien n’entre mieux dans le cœur des hommes que leur propre image qu’on leur rapporte, car jamais ils ne pourront croire que les réfléchir, ce ne soit pas les admirer !

1522. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Celui dont l’image m’a paru plus intéressante que celle des autres, probablement parce que je ne l’ai jamais vu, c’est l’empereur Guillaume II. […] La conscience de l’humanité est la plus haute image réfléchie que nous connaissions de la conscience totale de l’univers. […] Aussi, quoique les belles vies n’aient pas besoin d’un autre souvenir que celui de Dieu, on a toujours cherché à fixer leur image. […] — ne peut songer, devant cette impitoyable et tragique image, qu’à ce qu’il sera demain peut-être, un supplicié. […] Cet homme et cette pipe sont, à l’image de leur pays, de facture solide et un peu lourde.

1523. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Également royales, ces images conviennent, par elles-mêmes, les unes à la reine et les autres au roi. « Quelle auguste et souveraine image de la stabilité !  […] Une conséquence en résulte, qui est l’effacement ou la décoloration des images. […] C’est le contraire même de l’invention lyrique, dont le propre est de suggérer les idées par les images et non pas de superposer les images aux idées. En même temps que les images pâlissent, le mouvement se ralentit, se règle, ou se compasse.

1524. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Il l’est même davantage, car Sainte-Beuve recherche les images et s’adonne (avec un peu d’excès) à la prose poétique. […] Dans la campagne, les païens sont plus méchants : ils se défendent et défendent les images de leur dieux. […] Les images magnifiques ou familières abondent. […] Suarès à son image.) […] Narcisse, se mirant dans l’eau courante, ne saurait toucher son image sans en brouiller les contours et ne peut que la contempler à distance.

1525. (1894) Études littéraires : seizième siècle

À quoi son compagnon lui répondit : « Il me disait que jamais je ne marchandasse de la peau de l’ours jusqu’à ce que la bête fût morte. » Et avec cette fable paya l’empereur notre homme sans faire autre réponse. » N’est-ce pas là une page d’Hérodote, et ne voilà-t-il pas bien, sans « portrait » savamment tracé, une vive image et au naturel de Frédéric le Pacifique ? […] Il consiste à donner par la logique l’illusion de la vérité, ou, et plus souvent, cette idée que la vérité n’est pas sûre, puisqu’on peut si facilement en montrer l’ombre, ou l’image, ou le masque. […] Il l’est par son culte pour les images, par ses pompes extérieures, sa dévotion luxueuse, son caractère artistique, son adoration, car il les adore, quoiqu’il en dise, de saints régionaux et de vierges locales, qui sont de véritables dieux. […] L’homme fait toujours Dieu à son image ; Calvin a fait un Dieu qui ressemblait à Calvin, volontaire, rigoureux, tenace, qui ne change point, qui a toujours la même pensée, qui a les siens, qui les a d’avance, qui prédestine tel homme à la mort, comme Calvin prédestinait sept ans à l’avance Servet au feu, dont les desseins sont immenses, prolongés et invariables, et qui est tout dans sa cité. — Il a fait un Dieu intelligent, sage, infatigable, qui suffit à tout, qui ne s’endort jamais, et qui est froid et implacable.

1526. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

La naissance de cet amour, ses progrès, ce souffle de tous les sentiments purs qui y conspirent, remplissent à souhait toute la première moitié : des scènes variées, des images gracieuses, expriment et figurent avec bonheur cette situation d’un amour orageux et dévorant à côté d’une amitié innocente et qui ignore. […] » Lorsque Gustave s’en est allé seul avec sa blessure dans les montagnes, quand, durant les mois d’automne qui précèdent sa mort, il s’enivre éperdument de sa rêverie et des brises sauvages, quand il devient presque René, comme il s’en distingue aussitôt et reste lui-même encore, par cette image gracieuse de l’amandier auquel il se compare, de l’amandier exilé au milieu d’une nature trop forte, et qui pourtant a donné des fleurs que le vent disperse au précipice !

1527. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

La France a répandu son esprit de rénovation dans toute l’Europe ; la France, nation moins douée des dons intellectuels, mais plus militaire et plus unifiée que vous, vous a conquis à son tour ; elle a fait d’abord chez vous des républiques à son image : républiques parthénopéenne, romaine, ligurienne, cisalpine, où Naples, Rome, Gênes, Milan, croyaient quelques jours renaître à la liberté en revêtant les noms et les costumes antiques ; puis, quand la France a repris pour sceptre le sabre du général Bonaparte, elle vous a transformés ou travestis à son image.

1528. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Joseph Autran est un Grec mal francisé (heureusement pour lui et pour nous), qui, ayant abordé sur quelques débris de l’antique Phocée aux bords de la Provence, comme Reboul, Mistral, Méry, Barthélemy et cent autres, n’a pas pu se défaire encore de l’accent natal : il est de cette colonie grecque qui, avec des images grecques et une harmonie ionienne, reconstruit une poésie française plus colorée, plus harmonieuse et plus chaude surtout que la poésie du Nord ! […] J’appris, dans une longue conversation, que cette jeune fille était une Irlandaise, d’une famille aristocratique et opulente dans l’île d’Émeraude ; qu’elle était fille unique d’une mère veuve qui la faisait voyager pour que l’univers fût son livre d’éducation, et qu’elle épelât le monde vivant et en relief sous ses yeux, au lieu d’épeler les alphabets morts des bibliothèques ; qu’elle cherchait à connaître dans toutes les nations les hommes dont le nom, prononcé par hasard à ses oreilles, avait retenti un peu plus profond que les autres noms dans son âme d’enfant ; que le mien, à tort ou à raison, était du nombre ; que j’avais parlé, à mon insu, à son imagination naissante ; qu’enfant, elle avait balbutié mes poèmes ; que, plus tard, elle avait confondu mon nom avec les belles causes perdues des nations ; que, debout sur les brèches de la société, elle avait adressé à Dieu des prières inconnues et inexaucées pour moi ; que, renversé et foulé aux pieds, elle m’avait voué des larmes.… les larmes, seule justice du cœur qu’il soit donné à une femme de rendre à ce qu’elle ne peut venger ; qu’elle était poète malgré elle ; que ses émotions coulaient de ses lèvres en rythmes mélodieux et en images colorées.

1529. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Bientôt le remords saisit ses soldats ; ils enchaînent leur corrupteur et rétablissent les images de Vitellius. […] « À la fin, quelque éloignée qu’elle fût, harassé de son image, il résolut de s’en affranchir par le meurtre, indécis seulement sur le moyen : le fer, le poison ou quelque autre mort.

1530. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Le cœur d’une femme, fût-elle reine, a droit à l’inviolabilité ; ses sentiments ne deviennent de l’histoire que quand ils éclatent en publicité. » Voilà ce qui fit éclater contre moi un cri de profanation de l’image de la reine qui retentit encore. […] Sa phrase avait les images et l’harmonie des plus beaux vers.

1531. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Elle a apporté, dans ce Midi presque espagnol, cette limpidité sereine du caractère du Nord, beauté des étoiles dans nos nuits d’hiver ; ses yeux couleur d’eau du lac d’Antre sur le plus haut sommet de Saint-Lupicin, et ses cheveux blonds, soyeux et touffus comme une poignée de lin du Jura, rappellent aux climats méridionaux qu’elle habite l’image d’une Velléda des Gaules, les pieds nus dans les neiges, la tête dans l’auréole de l’inspiration grecque ou romaine. […] Fauvel ramassait ses pierres à Athènes, il me parlait souvent d’eux ; mais il levait les épaules au nom de M. de Chateaubriand visitant le Parthénon avec un chaudronnier de Smyrne qui lui servait de guide à quinze sous par jour. « Ne m’en parlez pas, me disait-il, celui-là n’est qu’un faux prêtre de notre culte pour le marbre ; il fouille du bout de sa canne à pomme d’or, qu’il appelle son bâton blanc, les cendres du foyer des terres dans l’Acropole ; mais il n’y cherche que des mots, des images, de la gloire, et non des collections sacrées comme ces vestiges.

1532. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

toi dont j’ignore le nom, parce qu’aucun être et aucun Cosmos n’est assez vaste pour contenir l’image ou le son du nom de son auteur ; infini ! […] Elle est diversifiée, agitée, charmée, ennuyée par une foule d’autres passions, parmi lesquelles l’amour est la plus impérieuse et la plus brûlante, l’amour qui est le premier et le dernier mot de la nature, l’amour, image terrestre de ce suprême amour qui aspire à créer, qui jouit de créer, et qui sans savoir ce qu’il veut éprouve, en créant, quelque chose d’analogue au plaisir que la création divine donne à celui qui crée, — l’attrait divin, le plaisir de Dieu en créant l’homme et les mondes ; — attrait tel que l’homme y sacrifierait mille fois sa courte vie.

1533. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

La clarté, la précision étant l’essence même de notre facteur poétique, il n’est pas extraordinaire que des esprits enclins aux images brillantes mais floues éprouvent une certaine répugnance à les ordonner. […] Il a fait rendre à la langue des sons qui n’avaient pas été entendus avant lui ; et, en saisissant de nouveaux rapports entre le monde physique et l’Homme, il a créé d’éternelles images.

1534. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Il est à la fois hardi et retenu, éprouvant chaque pensée antique à l’image qu’il s’était faite de l’esprit français, et chaque tour grec ou latin à sa langue ; hardi jusqu’où l’analogie peut le suivre, jusqu’où la clarté est assurée ; retenu quand l’analogie manqué, et que l’exactitude serait un inutile sacrifice de la langue traduite à la langue de l’original. […] Au livre des Essais commence cette suite de chefs-d’œuvre qui sont comme autant d’images complètes, quoique diverses, de l’esprit français.

1535. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Elles rappellent surtout le coloriste helvétien, né dans les montagnes, important dans la littérature artificielle de Paris les images, les harmonies, les couleurs de ces solitudes ; un ranz des vaches sublime, chanté pendant trente ans à la France et à l’Europe par le fils de l’horloger des Alpes. […] Danton, le seul homme d’État de la Convention s’il n’avait pas à jamais souillé son génie en le laissant tremper dans les massacres de septembre et dans l’institution du tribunal révolutionnaire, dont il aiguisa pour sa propre tête le couteau ; mais grand du moins par son remords, grand par ses roulements de foudre humaine et par ses éclairs d’inspiration patriotique, grand même par ses frustes excès de style, qui rappelaient en lui le Michel-Ange du peuple ébréchant le marbre, mais creusant à grands coups d’images la physionomie.

1536. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Tout ce que n’est pas Hugo par la pensée, par l’image, par le mot, il l’est par le rythme, mais par le rythme seul. […] L’inspiration en est fausse et monotone sous prétexte d’unité, et l’exécution, au point de vue des sentiments et des images, quoique puissante à beaucoup d’endroits, est très inférieure à celle d’un grand nombre de poésies de Hugo, mais pour le rythme et pour le vers, non !

1537. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Élevée dans le pays de la lumière, des grands horizons, des belles formes et des nobles contours, elle avait reçu l’organisation la plus propre à en profiter et à s’en inspirer : le moule en elle était en parfait accord avec le spectacle et avec les images.

1538. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

comme il l’a rendue par une énergique et expressive image dans sa comédie de Lorenzaccio !

1539. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Il ne se parle point, il ne s’écoute guère, il ne s’interroge jamais, à moins que ce en soit pour savoir si la partie extérieure de son âme, je veux dire son goût et son imagination, sont contents, si sa pensée est arrondie, si ses phrases sont bien sonnantes, si ses images sont bien peintes, etc., observant peu si tout cela est bon ; c’est le moindre de ses soucis.

1540. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Dès l’origine, l’ombre de Bülow se dessinant et grandissant à l’horizon indiqua l’intervention possible des Prussiens et causa une perturbation sensible dans l’action principale ; le nœud n’était plus où il devait être ; une autre pièce (pour continuer l’image) venait compliquer la première et s’essayer à côté : il n’y avait plus d’unité d’action.

1541. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

« Remercions aussi l’artiste distingué dont le ciseau a si bien servi cette pensée d’amitié et de justice, et a su figurer à nos yeux l’image et l’esprit de notre ami dans une composition heureuse.

1542. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

., est à la fois une faute grossière de style, car il n’y a nulle analogie pour l’image entre filets, épurer et rendu coupable ; et un contresens formel, car il n’entre nullement ici dans la pensée de Lucrèce de dire que l’amour souffle le cœur ; le poète n’entend parler que des douleurs et des tortures que cause la passion.

1543. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Mais il est deux autres prosateurs que cette préface de Béranger m’a fortement rappelés par la multitude de traits fins, de pensées sous forme d’images sensibles, et de comparaisons brèves dont elle est comme tissue.

1544. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

À la rigueur, et à ne s’en tenir qu’au détail de l’expression et à l’ensemble du vocabulaire employé, quelqu’un de Port-Royal aurait pu écrire en cette manière et peindre avec ces images.

1545. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Lycée, Jeux Floraux, Académie, il brillait partout ; il cumulait, comme cet héroïque lutteur, le laurier de Delphes, le chêne de Pergame et le pin de Corinthe ; il aurait volontiers laissé écrire au-dessous de sa statue : « Ceci est la belle image du beau Milon, qui sept fois vainquit à Pise, sans avoir, une seule fois, touché la terre du genou. » Or, le jour où son genou fléchit en effet, le jour où la palme (style du genre) lui échappa et où il fut évincé par un plus heureux, il ne sut plus se consoler, il resta dépaysé longtemps, l’esprit tendu, avec tout un attirail oratoire qui ne sert que dans ces sortes de joûtes, et qui, en se prolongeant, doit nuire au libre développement des forces naturelles.

1546. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Ou bien le talent insensiblement s’altère, non point dans les détails du métier (il y devient souvent plus habile), mais dans le choix des sujets, dans la nature des données et des images, dans le raffinement ou le désordre des tableaux.

1547. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Il suffirait d’invoquer le succès de tant de livres où s’est réfugié le drame, banni de la scène, et dans lesquels le public accueille avec faveur et reconnaissance une image anticipée de ce qu’il espère.

1548. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Exercées et blanchies dans de communs travaux, ces belles existences de législateurs, judicieuses avant tout, saines et sereines, offrent au regard d’augustes longévités qui sont comme l’image de la constance et de la vigueur régulière des âmes.

1549. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Dans toutes les langues, la littérature peut avoir des succès pendant quelque temps, sans recourir à la philosophie ; mais quand la fleur des expressions, des images, des tournures poétiques n’est plus nouvelle ; quand toutes les beautés antiques sont adaptées au génie moderne, on sent le besoin de cette raison progressive qui fait atteindre chaque jour un but utile, et qui présente un terme indéfini.

1550. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

. — Mais au-dessus de cette morale misérable, par-delà cette morale misérable, jalouse de toute force, de toute grandeur, de toute beauté individualisée et s’affirmant comme indépendante du troupeau, l’aristocrate conçoit une morale faite pour lui et pour quelques hommes, ses pareils : une morale de surhomme, morale que chaque surhomme concevra d’ailleurs à sa façon, à son image, et sous l’inspiration de son idéal personnel.

1551. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Tout à coup, elles s’arrêtent et se courbent, prises de honte, devant l’image d’un saint homme de mendiant qui passe, pieds nus ; elles s’agenouillent et baisent dévotement, d’un mouvement bien humble, le bas de sa tunique, comme pour lui faire hommage de leur personne et contrition de leur opulence… » Écoutez ce tonnerre d’applaudissements.

1552. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Jamais l’homme, en possession d’une idée claire, ne s’est amusé à la revêtir de symboles : c’est le plus souvent à la suite de longues réflexions, et par l’impossibilité où est l’esprit humain de se résigner à l’absurde, qu’on cherche des idées sous les vieilles images mystiques dont le sens est perdu.

1553. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

On se rappellera seulement quelques pièces exquises où le langage, la prosodie, la pensée et l’image forment harmonie.

1554. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Les images y tourbillonnaient comme les torches éparses sur la montagne des Mystères ; sa démarche entraînante était celle de la bacchanale qui la parcourait.

1555. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Parfois on voit mieux une belle statue, un beau tableau, une scène d’art en fermant les yeux et en fixant l’image intérieure, et c’est à la puissance de susciter en nous cette vue intérieure qu’on peut le mieux juger les œuvres d’art les plus hautes.

1556. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Elle a fait ces vers sur son portrait : Nanteuil, en faisant mon image, A de son art divin signalé le pouvoir.

1557. (1760) Réflexions sur la poésie

Par la même raison, quoiqu’on reconnaisse tout le mérite de la poésie d’image, quoique dans la jeunesse, où tout est frappant et nouveau, on préfère cette poésie à toute autre, on lui préfère dans un âge plus avancé la poésie de sentiment, et celle qui exprime avec noblesse des vérités utiles.

1558. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

Image juste !

1559. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Nous comprenions bien que ce dernier panorama du désert, que ces dernières fantasias d’un peuple équestre et nomade, seraient un spectacle que ne verraient pas nos enfants ; mais nous nous disions aussi que toute cette poésie qui doit céder à la prose, que ces mœurs éloquentes qui seront un jour — un jour plus prochain qu’on ne croit, — remplacées par les habitudes étriquées et plates des temps modernes, auraient du moins ici leur daguerréotype ineffaçable et fidèle, et que l’image qu’elles y auraient laissée en consacrerait le souvenir.

1560. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Tocqueville, qui a de la propreté plus que de la propriété dans la phrase, est un écrivain de troisième ordre, et, pour emprunter aux faits de son livre une image, il ne sortira jamais du tiers pour passer dans l’ordre de la noblesse littéraire.

1561. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

C’est l’image de la critique moderne s’inclinant sous le comédien.

1562. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

de ne pas prendre les images des poètes pour leurs opinions, quoique cela se ressemble beaucoup, dans les poètes, et rien n’est plus comique que cette peine effrayée chez le rédacteur des Débats de voir Horace compromis avec le pouvoir impérial d’Auguste.

1563. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Hello a choisi ; et si on n’avait que l’impression de ce titre, si on ne connaissait pas déjà l’auteur des Plateaux de la balance, si, à défaut de l’attirance de son titre, on n’avait pas l’attirance de son nom, j’imagine qu’on pourrait bien tourner le dos à cette Justice de papier timbré dont il nous rappelle l’image, et qu’on planterait là l’auteur et sa balance, comme si c’était… un épicier !

1564. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

. — L’image, qu’il reproduit dans son livre, de l’argentier de Charles VII, ressemble à ce beau portrait gravé de Grignon qui en forme le frontispice.

1565. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

» Telle est, selon Bellegarrigue, la destination de l’homme fait à l’image de Dieu.

1566. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

Or, parmi ces femmes vertueuses dont Babou nous a donné les images, il y en a une qui fut une sainte, et qui n’est un sujet d’histoire que dans le livre des Anges, si, comme je le crois, ils suivent du ciel les mouvements de nos âmes et sont, là-haut, nos historiens !

1567. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Pour attirer à celui-ci, on a placé, à son frontispice, le portrait de la Papesse Jeanne, tiare en tête, avec son bâtard dans les bras ; et comme on l’a posée, elle a l’air de rappeler, avec affectation, une image sacrée… Intention lâchement sacrilège !

1568. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

Ce long et terrible morceau d’histoire que les esprits assez élevés pour se trouver naturellement au-dessus de l’intérêt de curiosité individuelle qui s’attache à Voltaire regarderont comme le morceau capital du livre que nous annonçons, prépare merveilleusement la biographie de cet homme qui domina son temps aussi bien par le genre de ses vices que par le genre de son génie, et qui n’aurait pas exercé une si colossale influence sur ce temps-là et sur le nôtre, s’il n’avait pas surpassé le premier en lui ressemblant et marqué le second à son image.

1569. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Wallon reste debout, et même assis, en peignant l’homme devant l’image duquel l’Église nous prescrit de nous agenouiller.

1570. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Pour se faire bien comprendre, il faut en revenir sans cesse à l’image de la glace, de cette glace d’une si belle eau et dont le seul enchantement — comme pour les cœurs — est d’être très pure et très fidèle.

1571. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Au contraire, cela est doux, apprivoisé, vulgaire, pris au chenil des idées communes qui trottent par le chemin et s’arrêtent aux bornes, et, pour continuer notre juste image, assez malpropre de moralité.

1572. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Rien n’entre mieux dans le cœur des hommes que leur propre image qu’on leur rapporte ; car jamais ils ne pourront croire que les réfléchir, ce ne soit pas les admirer !

1573. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

aucun d’eux ne s’est contenté des généralités à fleur d’idées, et le plus souvent à fleur d’images, qui satisfont M. 

1574. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Quand Sainte Térèse, dans sa Vie, nous rend compte de ses contemplations intérieures, qu’elle nous dresse une carte de mysticité, comme pilote n’en dressa jamais des mers qu’il aurait parcourues et où tout est marqué, même les plus imperceptibles écueils, quand sa pensée va du recueillement à la quiétude, de la quiétude à l’extase et de l’extase au ravissement, Sainte Térèse s’exprime rarement par des images, et lorsqu’elle en a, c’est comme Dante.

1575. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Sous ce pêle-mêle d’idées et d’images, de sentiments et d’abstractions, il y a une unité qui tient au fond du livre et de l’âme de l’auteur, et qui nous venge bien du manque d’unité de cette forme que j’ai signalée ; et cette unité du sujet, retrouvée, à toute place, dans cette dispersion de qualités qui rayonnent de toutes parts, en ce livre formidable, comme les balles écartées d’une espingole, c’est justement ce qui est en cause dans cette misérable heure : c’est la grandeur et le droit de la paternité !

1576. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Nous l’avons dit déjà, ce qui entraîne le plus naturellement Dargaud, c’est la poésie des sentiments ressouvenus et exprimés, c’est la peinture des plus douces images.

1577. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

Les arts plastiques, qui sont la tyrannie de l’imagination et de la curiosité moderne, et qui ont pris parmi nous un développement qui tient de la rage, les arts plastiques ont profondément modifié la notion du style en le surchargeant d’ornementations et d’images, en le poussant aux reliefs et à la couleur, qui est un relief de plus… On voudrait écrire en rondes-bosses peintes, pour mieux entrer dans l’imagination.

1578. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Illuminés d’enthousiasme ; hommes de parti enlevants d’éloquence dans des camps opposés ; natures bouillonnantes qui dégorgent incessamment comme la bouche d’un fleuve, soit des pensées, soit des images ; espèces de Pythonisses de leur propre esprit ; passionnés dans leur âme et passionnés dans leur sang que l’Imagination fouette incessamment de ses mille dards enflammés, ils ont les mêmes audaces d’expression et ils se ressemblent jusque dans leur originalité… La seule différence qu’il y ait entre eux, c’est que Diderot l’athée ne fut jamais qu’un athée.

1579. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

Au premier plan d’une de ces images, où règnent un tumulte et un tohu-bohu admirables, un taureau furieux, un de ces rancuniers qui s’acharnent sur les morts, a déculotté la partie postérieure d’un des combattants.

1580. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

En toutes choses on met, — l’image populaire est si juste !  […] l’imitation sans particularité, sans l’image iconique de la personnalité, l’homme et pas un homme, l’imitation d’après un modèle collectif de perfections ? […] Sa nécessité, dis-je, est d’agir : il se repose de l’action politique par l’action poétique. — Rien donc d’étonnant et rien même de plus essentiel si les deux actions offrent entre elles cette corrélation que constate l’histoire : ce sont deux émissions de la même voix, deux coups du même vent… Ou plutôt, pour choisir dans la foule des images : c’est le flux et le reflux de la mer. […] Le Naturalisme est déjà poussif (tournons l’image) et c’est tout s’il a trente ans ! […] Du moins en verrons-nous l’image réalisée103.

1581. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

C’est l’image qui se déplace d’une magnifique apparition des choses, grandement évoquée, et qui fait descendre la vue sur des objets trop petits pour la satisfaire, ou trop vulgaires pour l’intéresser. […] « Qui a jamais révélé dans des mots aussi grands que l’idée, dans des images aussi colossales que le chaos, une lutte de cette nature et des tourments intérieurs de cette portée ? […] Montez sans crainte vers ces régions éclatantes où des images célestes, souvent entrevues, vont se montrer à vous, plus limpides et plus sereines. […] Vous aurez besoin de fuir ces sépulcres barbares qui matérialisent l’idée de la mort, qui dégradent et défigurent l’image restée dans nos souvenirs. […] Et je me trouve remontée au grand ciel de ma croyance nouvelle, à travers les images qui plaisaient jadis à mon enfance, mais qui, depuis longtemps, ne satisfaisaient plus mon imagination lassée.

1582. (1904) Zangwill pp. 7-90

Les humanités déistes et particulièrement chrétiennes, ces singulières humanités, qui ne nous paraissent ordinaires et communes que parce que nous y sommes habitués, ces singulières humanités, où l’homme occupe envers Dieu une si singulière situation de grandeur et de misère, si audacieuse au fond, et si surhumaine, — l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, — et Dieu fait homme, — avaient séparément le sens du parfait et de l’imparfait, du fini et de l’infini, du relatif et de l’absolu ; elles connaissaient donc les limitations de l’humanité ; ajouterai-je que généralement ces humanités étaient à la fois intelligentes et profondes, et que la constatation même des contrariétés intérieures, de la grandeur et de la misère, faisait peut-être le principal objet de leurs méditations ; dans ces humanités l’homme était reconnu créature et limité aux limites humaines ; l’historien demeurait un homme. […] Le magnifique fleuve déploie le cortège de ses eaux bleues entre deux rangées de montagnes aussi nobles que lui ; leurs cimes s’allongent par étages jusqu’au bout de l’horizon dont la ceinture lumineuse les accueille et les relie ; le soleil pose une splendeur sereine sur leurs vieux flancs tailladés, sur leur dôme de forêts toujours vivantes ; le soir, ces grandes images flottent dans des ondulations d’or et de pourpre, et le fleuve couché dans la brume ressemble à un roi heureux et pacifique qui, avant de s’endormir, rassemble autour de lui les plis dorés de son manteau. […] C’est ainsi que l’esprit reproduit la nature ; les objets et la poésie du dehors deviennent les images et la poésie du dedans. […] « Quelle opposition entre notre littérature du douzième siècle et celle des nations voisines. » J’arrête ici pour aujourd’hui la citation ; la méthode est bien ce que nous avons dit ; elle est doublement ce que nous avons dit ; quand par malheur l’historien parvient enfin aux frontières de son sujet, à peine réchappé de l’indéfinité, de l’infinité du circuit antérieur, il se hâte, pour parer ce coup du sort, de se jeter dans une autre indéfinité, dans une autre infinité, celle du sujet même ; à peine réchappé d’avoir absorbé une première indéfinité, une première infinité, celle du circuit, celle du parcours, et de tous ces travaux d’approche, qui avaient pour principal objet de n’approcher point, il invente, il imagine, il trouve, il feint une indéfinité nouvelle, une infinité nouvelle, celle du sujet même ; il analyse, il découpe son sujet même en autant de tranches, en autant de parcelles que faire se pourra ; il y aura des coupes, des tranches longitudinales, des tranches latérales, des tranches verticales, des tranches horizontales, des tranches obliques ; il y en aurait davantage ; mais notre espace n’a malheureusement que trois dimensions ; et comme nos images de littérature sont calquées sur nos figures de géométrie, le nombre des combinaisons est assez restreint ; tout restreint qu’il soit, nous obtenons déjà d’assez beaux résultats ; nous étudierons séparément l’homme, l’artiste, le penseur, le rêveur, le géomètre, l’écrivain, le styliste, et j’en passe, dans la même personne, dans le même auteur ; cela fera autant de chapitres ; nous nous garderons surtout de nous occuper dans le même chapitre de l’art et de l’artiste ; cela ferait un chapitre de perdu ; et si d’aventure, de male aventure nous parvenons à parcourir toutes les indéfinités, toutes les infinités de détail de tous ces chapitres, de toutes ces sections, il nous reste une ressource suprême, un dernier moyen de nous rattraper ; ayant étudié séparément l’homme, l’écrivain, l’artiste, et ainsi de suite, nous étudierons les relations de l’homme et de l’écrivain, puis de l’artiste et de l’art, et du styliste, et ainsi de suite, d’abord deux par deux, puis trois par trois, et ainsi de suite ; étant données un certain nombre de sections, formant unités, les mêmes mathématiques nous apportent les formules, et nous savons combien de combinaisons de relation peuvent s’établir ; cela fera autant de chapitres nouveaux ; et quand nous aurons fini, si jamais nous finissons, le diable soit du bonhomme s’il peut seulement ramasser ses morceaux ; que de les rassembler, il ne faut point qu’il y songe ; l’auteur a fait un jeu de patience où nulle patience ne se retrouverait.

1583. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

C’était un esprit d’ordre composite, comme on dit en architecture, doué de ce qui est d’ordinaire séparé chez les autres hommes, allant à l’abstraction comme il allait à la réalité, — et peut-être avec plus de passion encore, — et, comme Bacon, du reste, qui prend souvent l’image pour l’idée, pouvant revêtir et réchauffer son abstraction d’une expression forte qui en cache le vide ou le faux. […] Ce sont tous des utilitaires, des briseurs d’images, des iconoclastes, qui se serviront de toutes les formes de la pensée dans l’intérêt de leur métaphysique impie. […] Dans ses livres nous avons vu Diderot, l’apôtre du matérialisme, enseignant la philosophie la plus abjecte du haut de ses ambitieuses théories et des grands mots sur lesquels il exhausse sa pensée, et dans la Correspondance nous le voyons de plain-pied, sans cothurne, — car ce païen en portait un dans ses écrits, — au coin du feu, en souliers plats ou en pantoufles, rabâchant, remâchant les idées de ses livres, sans leur plaquer le masque de ces grandes images qui ressemblaient au masque du comédien antique, lequel doublait l’effet qu’il produisait par sa figure agrandie. […] Mais on pourrait, sans exigence, demander à Diderot, dans ses lettres à mademoiselle Volland, de l’amour d’abord, de la passion éloquente et vraie, puisqu’il se vante d’en avoir et qu’après tout l’imagination ne manquait pas à cet homme d’images, ni la chaleur d’entrailles à cet enthousiaste si facilement inspiré… Et puisque aussi la Correspondance n’embrasse pas que les intérêts de son cœur, mais s’élargit autour des intérêts de son esprit, on pourrait lui demander encore, dans ses lettres, tout ce que son genre d’esprit avait à nous donner, et nous a donné parfois ailleurs, à cet homme qu’on appelait et qui s’appelait lui-même si fastueusement : « le philosophe », à cet inventeur qui avait écrit des romans et des drames, qui se targuait d’avoir des idées et qui se croyait le plus puissant des observateurs !

1584. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Au reste, ici, comme dans le naturalisme, pensées et sentiments, la langue de l’impressionniste les traduira toujours en sensations ; ou, pour mieux dire, la pensée et le sentiment, indiqués d’une manière très succincte, s’éclairciront au cours de la phrase par une image sensible, telle, par exemple, que celle-ci : « Il lui semblait que son passé se rapprochait dans l’enchantement mélancolique d’une harmonie éloignée sur la corde d’un violon qui eût pleuré24. » Vienne une école plus hardie qui, supprimant la pensée ou le sentiment, déjà sacrifiés à l’image, conservera seulement l’image (Une harmonie éloignée sur la corde, etc.), nous aurons la troisième et dernière incarnation du réalisme : le symbolisme sensationnel de M.  […] Ils renonceront, nous l’avons vu, au terme abstrait en faveur de l’image ; ils choisiront dans les mots ceux qui ont, en soi-même et en dehors du sens, une beauté et une valeur propres25, par quoi ils seront amenés, ou à les détourner de leur vrai sens, ou à les associer, en vue de l’effet, à des mots d’un autre ordre, ou à créer de toutes pièces des vocables nouveaux. […] Dans sa forme définitive (Jean Moréas, Poictevin, Kahn, etc.), le symbolisme consiste en ceci : qu’une pensée étant donnée, avec l’image qui la traduit, l’image seule sera mise en valeur. […] Nature, tout ce que peut un fidèle comme moi, je le ferai ; je garderai tes traits gravés dans le secret de mon cœur, et de ce cœur je veux faire un temple où soit adorée jusqu’à la mort l’image de ta divinité103. » C’est la prière de tous les grands amants de Cybèle, et j’aurais aussi bien pu la prêter à M. 

1585. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Les vers que j’ai cités plus haut, et qui ont créé l’image que d’ordinaire on se forme de Roncevaux, ne s’appliquent en réalité qu’au Port de Cise, auquel ils s’appliquent fort bien. […] De cette image du combat telle que nous pouvons nous la former, il ne reste pas grand-chose dans nos poèmes. […] Ce tombeau, que Laurent le… Magnifique voulut, de si loin, consacrer à son ami, a toute l’élégance florentine : au-dessus d’un sarcophage un médaillon porte l’image délicatement modelée de Filippo, et sur le sarcophage se lisent deux gracieux distiques d’Ange Politien. […] On y a reconnu l’emblème de l’humanité, marchant toujours jusqu’à la fin du monde ; on s’est surtout cru fondé à y voir l’image du peuple juif, chassé de ses foyers pour avoir méconnu le Christ, errant depuis lors par le monde, et conservant toujours, malgré toutes les persécutions, sa bourse suffisamment garnie. […] Je n’avais pas remarqué que ce nom, inséré dans la notice qui accompagne d’ordinaire l’image populaire du Juif, provenait de cette source.

1586. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Il a voulu simplement tracer, j’imagine, l’effrayante image du fanatisme politique. […] Ces derniers ont tous quelque trait de ressemblance avec lui-même et il semble les avoir faits plus ou moins à son image. […] Zola sont accueillies avec enthousiasme comme l’image fidèle de la vérité. […] C’est bien l’image de la vie. […] En vérité, je m’en soucie médiocrement, et il y aurait là matière pour une moralisante image d’Épinal, pas autre chose.

1587. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Vous m’avez remis devant les yeux l’image d’un monde que j’avais presque oublié, et je me suis intéressé aux plaisirs et aux chagrins que vous avez exprimés dans vos ouvrages. […] On voit de l’autre les montagnes d’Auvergne fort proches, qui bornent la vue si agréablement, que les yeux ne voudraient point aller plus loin, car elles sont revêtues d’un vert mêlé qui fait un fort bel effet, et d’ailleurs d’une grande fertilité… Fléchier en chaque occasion aura de ces descriptions de la nature, descriptions un peu maniérées et qui empruntent volontiers aux choses des salons, au cristal, à l’émeraude, à l’émail, leurs termes de comparaison et leurs images : toutefois, sous l’expression artificielle, on retrouve un certain goût et un sentiment fleuri de la nature.

1588. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Au fond il n’y a ni mythologie, ni langues, mais seulement des hommes qui arrangent des mots et des images d’après les besoins de leurs organes et la forme originelle de leur esprit. […] Des images, ou représentations des objets, c’est-à-dire ce qui flotte intérieurement devant lui, subsiste quelque temps, s’efface, et revient, lorsqu’il a contemplé tel arbre, tel animal, bref, une chose sensible.

1589. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

L’image dont cette naïve jeune mère ne soupçonnait pas même la candeur ne fit sourire ni l’aveugle, ni la vieille tante, ni moi ; tout était pureté dans cette bouche pure, vierge d’âme, quoique avec son fruit d’innocence sur son sein. […] CXXVI Ce fut ainsi jusqu’à l’approche de mes quatorze ans ; jusque-là, ni moi ni lui nous n’avions senti le moindre ombrage l’un de l’autre ; nous nous regardions tant qu’il nous plaisait dans le fond des yeux, sans que le regard de l’un troublât le moins du monde l’œil de l’autre, pas plus que le rayon de midi ne trouble l’eau de la grotte quand il la regarde à travers les feuilles du frêne, et qu’il la transperce jusqu’au fond, sans y voir seulement sombrir autre chose que son image.

1590. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Le vers français, dont nous avons accusé ailleurs le vice et la puérilité trop musicale dans notre poésie rimée, est cependant la dernière expression de la condensation, de l’harmonie, de la vibration, de l’image, de la grâce ou de l’énergie dans la parole humaine. C’est la transcendance du langage, c’est la concentration de la pensée ou du sentiment dans peu de mots, c’est l’explosion de la phrase éclatant comme le canon sous la charge qu’une main vigoureuse a introduite et bourrée dans le tube de bronze ; c’est l’idée, le sentiment, l’image, le son, la brièveté fondus ensemble d’un seul jet au feu de l’inspiration et formant ce métal de Corinthe dont nul n’a pu découvrir le secret en le décomposant ; c’est l’algèbre sans chiffres qui abrége tout, qui dit tout, qui peint tout d’un seul trait ; c’est la conception et l’enfantement de l’âme en un seul acte, c’est le délire raisonné surexcitant au dernier degré les facultés expressives de l’homme, mais c’est le délire se connaissant, se possédant, s’exaltant en se jugeant, se contenant avec la suprême autorité du sang-froid comme le coursier emporté qui tiendrait lui-même son propre frein.

1591. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Ces pages reluisent, non de foi, mais d’images. […] Le matin de la vie est comme le matin du jour, plein de pureté, d’images et d’harmonies.

1592. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Détachés à l’instant des mots qui nous les apportent, leur image réelle subsiste seule en nous : ils s’ordonnent d’eux-mêmes en une vision étrangement nette et objective : on ne lit pas, on voit. […] Toutes ces horreurs sont racontées, dans Garin surtout, d’un style étrangement bref et sec, où pourtant le trait caractéristique est appuyé de façon à prendre une intense énergie d’expression : ainsi le monotone refrain des villes détruites ou incendiées par Bègue dans sa course en Bourgogne, finit par évoquer, avec une netteté singulière, je ne sais quelle image simplifiée et comme le symbole horrible de la guerre, de la guerre abstraite, d’une contrée imprécise où tout est ruine ou flammes.

1593. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

C’est un voyant : il ne fait qu’appeler les images qui passent en lui. […] Cependant il n’est presque point resté dans notre langue de monuments qui en représentent l’éclat pendant ces deux grands siècles de foi : c’est affaire aux érudits d’en ressusciter l’image à grand’peine.

1594. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

On connaît la mystique invocation d’Hippolyte à Artémis, ce chant vraiment pieux et dont le ton rappelle celui des cantiques à la sainte Vierge : « … Ô ma souveraine, je t’offre cette couronne cueillie et tressée de mes mains dans une fraîche prairie, que jamais le pâtre et ses troupeaux ni le tranchant de fer n’ont osé toucher, où l’abeille seule au printemps voltige, et que la Pudeur arrose de ses eaux limpides, etc. » Cette image (la Pudeur et ses eaux limpides), M.  […] Est-ce parce que l’image est incohérente ?

1595. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

I Il est de mon devoir de vous prévenir que, si je vous parle de Georges Eliot et de George Sand (comme je vous parlerai tout à l’heure de quelques autres), c’est sur des lectures forcément un peu lointaines et sur les images simplifiées qui, d’elles-mêmes, à la suite de ces lectures, se sont déposées en moi. […] Elle se dégage  soit directement, soit sous la forme du nihilisme, où si facilement elle se résout  de toute œuvre qui nous présente, de la réalité, une image un peu poussée et qui ne s’en tient point aux superficies.

1596. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Jamais l’ombre même d’une restriction ou d’une raillerie dans les images qu’elle se forme d’eux. […] Chose curieuse, elle demeura jeune fille dans le souvenir de Sainte-Beuve, dans l’image idéalisée qu’il conserva d’elle et qu’il entretint pieusement.

1597. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

C’est dans le palais même du Grand Roi, au milieu de son sénat avili, en face des colosses monstrueux qui divinisent sa puissance, qu’Eschyle dresse l’image d’Athènes invincible et libre. […] Au fort des mêlées, une image agreste métamorphose subitement les armées aux prises, « en un essaim abondant de mouches qui bruissent autour de l’étable du berger, lorsque le lait coule dans les vases ».

1598. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Or, la poésie n’est pas seulement un genre de littérature, elle est aussi un art, par son harmonie ses couleurs et ses images, et comme telle c’est sur les sens et l’imagination qu’elle doit d’abord agir, c’est par cette double route qu’elle doit arriver au cœur et à l’entendement. […] Il rappelle, en reflets effacés, dans ses hémistiches tout faits, dans ses images parasites, dans sa banale phraséologie, ce qu’on a justement admiré dans les chefs-d’œuvre de nos grands maîtres, et il y a des gens lettrés qui lui savent gré de cela.

1599. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Vous savez assez qu’un livre illustré est un livre où l’on met des images pour qu’il y ait quelque chose dedans. Ce n’était certainement pas le cas pour les fables de La Fontaine, mais on voit qu’il a eu tout à fait l’idée que ses fables n’étaient peut-être pas des chefs-d’œuvre  il était comme cela, personne n’a été plus modeste  ensuite que c’était un livre d’éducation, un livre à mettre entre les mains des enfants et, par conséquent, qui comportait, qui appelait même les images.

1600. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Et Balzac le sait si bien que, dans son livre, il évoque l’image de Brummell, et met sous l’autorité de son nom bien des aperçus et bien des axiomes, — ce qui, pour le dire en passant, change l’erreur en contradiction. […] La grâce de l’image ne devait donc pas défendre le livre de Balzac, s’il tombait sous le reproche des esprits austères, et c’est en vain que, comme Alcibiade, il avait peint un enfant sur son bouclier.

1601. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Pareille faveur fut accordée à la Restauration : elle aura, en effet, sa seconde édition, — revue, augmentée et développée, très illustrée à coup sûr et très embellie, ornée de toutes sortes d’images et de figures brillantes, — mais, au fond et en définitive, une édition nullement corrigée74.

1602. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

De plus, Montesquieu écrivain a, avant tout, comme son compatriote Montaigne, de l’imagination dans le style ; il s’exprime par images ; presque à tout coup il enfonce des traits, il frappe des médailles.

1603. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

E. de Montlaur, esprit élégant, cultivé, nourri du suc des poëtes, et qui, sous ce titre : la Vie et le Rêve 49, a recueilli des impressions légères ou touchantes, des esquisses de voyage, des lettres en vers, tout un album, image des goûts et des sentiments les plus délicats ?

1604. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Le parfait normalien de ce temps-là fut formé à son image et selon cette doctrine philosophique, rationnelle, noble, élevée, modérée, admettant sa part de croyance.

1605. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

Les nombreux passages traduits d’Homère qui ornent le Génie du Christianisme, et plus tard la docte reproduction poétique qu’on admira dans les Martyrs, relevèrent publiquement les images du Beau et indiquèrent à tous ceux qui en étaient dignes les chemins des hautes sources.

1606. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Des longueurs, des répétitions inutiles, des images incohérentes peuvent être souvent reprochées à Shakespeare.

1607. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

La Fontaine n’a pas de visions complètes et durables : il n’est pas oppressé d’images absorbantes ; il entrevoit, il quitte, il vole, il revient, il est un moment en vingt lieux et en vingt sentiments ; pendant que vous achevez une de ses esquisses, il a fait le tour du monde et il est prêt à recommencer.

1608. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Les thèmes, les idées, les images de ses poètes favoris ont été employés artistement par lui à exprimer sa propre nature, ses propres émotions.

1609. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

En fermant votre livre, je suis poursuivi par trois images qui résument mes impressions.

1610. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Des images charmantes aident la femme grosse à engendrer en beauté.

1611. (1890) L’avenir de la science « Préface »

L’Allemagne, qui avait été depuis quelques années ma maîtresse, m’avait trop formé à son image, dans un genre où elle n’excelle pas, im Büchermachen.

1612. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Les esprits étaient obsédés d’images lugubres, de pensées effrayantes.

1613. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Il empruntera ses paroles à Fénelon, qu’il aime tant à citer ; il dira que ce n’est nullement la poésie lyrique en elle-même qu’il condamne, mais l’abus qu’on en fait, et le luxe d’images où elle se perd : Un auteur qui a trop d’esprit, et qui en veut toujours avoir, disait Fénelon, lasse et épuise le mien : je n’en veux point avoir tant.

1614. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Ces vérités ont été le lieu où, en concevant la nature des choses autre qu’elle n’est, l’esprit humain est parvenu à se former quelque image de la réalité phénoménale.

1615. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

S’ils ne se dérobaient par leur peu de valeur à l’honneur des assimilations et des comparaisons, l’auteur ne pourrait s’empêcher de faire remarquer que cet ouvrage, qui a un fleuve pour sujet, s’est, par une coïncidence bizarre, produit lui-même tout spontanément et tout naturellement à l’image d’un fleuve.

1616. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Chacune de ces grandes âmes nouvelles venues renouvelle la philosophie, ou l’art, ou la science, ou la poésie, et refait ces mondes à son image.

1617. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Et il fut doux dans ma bouche comme du miel. » Manger le livre, c’est, dans une image étrange et frappante, toute la formule de la perfectibilité, qui, en haut, est science, et, en bas, enseignement.

1618. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Elle est commune aux dieux, etc… On peut observer qu’en ceci, comme en bien d’autres choses, les hommes ont fait les dieux à leur image.

1619. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Cette pression de tous les instants que subit l’enfant, c’est la pression même du milieu social qui tend à le façonner à son image et dont les parents et les maîtres ne sont que les représentants et les intermédiaires.

1620. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Sans doute, dans tous les ouvrages de Bossuet, l’esprit resterait étonné par un style vif, énergique et pittoresque ; par la grandeur des images et la hardiesse des figures ; par ce quelque chose de rude et de heurté d’un fier génie pour qui la faible langue des hommes est une condescendance de la pensée, car le feu de sa pensée, à lui, s’allume dans une sphère plus élevée.

1621. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Spirituel comme il l’était, homme d’aperçu, distingué, sagace, amoureux des idées qu’il poursuit, mais aimé des images qui lui viennent, il pouvait recommencer une autre campagne contre la fortune littéraire, écrire un autre livre, ramener au premier par le second.

1622. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

La Marianne de l’Italie ne s’appelle-t-elle pas la Pétroleuse (Petroliera), et n’en promène-t-on pas dans les villes l’image incendiaire ?

1623. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Quand sainte Térèse, dans sa Vie, nous rend compte de ses contemplations intérieures, qu’elle nous dresse une carte de mysticité comme pilote n’en dressa jamais des mers qu’il aurait parcourues, et où tout est marqué, même les plus imperceptibles écueils ; quand sa pensée va du recueillement à la quiétude, de la quiétude à l’extase, et de l’extase au ravissement, sainte Térèse s’exprime rarement par des images, et lorsqu’elle en a, c’est comme Dante : elle les tire des objets les plus familiers et les plus agrestes.

1624. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Il l’avait faite, il l’avait pétrie, il l’avait frappée à son image, après l’avoir fondue lui-même, comme un fondeur.

1625. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

On ne le façonne point à son image.

1626. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Le comte de Gasparin, qui brise superbement les religions constituées, comme les Iconoclastes, ces enfants dans le protestantisme, brisaient les images ; le comte de Gasparin, ce protestant devenu si homme, l’est tellement devenu qu’il veut échapper aux conditions de la réalité humaine, que Jésus-Christ lui-même n’a pas changées, en apparaissant parmi nous.

1627. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Sans le mot enthousiaste de Mme de Staël dans son Allemagne, un autre mot plus grave et mieux, pesé de J. de Maistre dans ses Soirées de Saint-Pétersbourg, l’image de Joubert qui en fait un aigle avec des ailes de chauve-souris, et quelques lignes impertinentes de Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe, qui donc, dans le monde du dix-neuvième siècle, connaîtrait de vue Saint-Martin, sinon les curieux qui lisent tout et qui se font des bibliothèques de folies ?

1628. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

Il eût atteint alors les proportions de l’image de madame de Staël.

1629. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Touchante image domestique !

1630. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Il est impossible de décrire sans le concours de l’image, la fantaisie, la richesse, la souplesse des conceptions de cet artiste : de telles expressions d’art ne peuvent être rendues que par elles-mêmes.

1631. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

On me pose, près de moi, sur cette petite table, les journaux illustrés de la semaine, des publications à images. […] Enfin, tout le coteau fut sillonné d’un zigzag de flamme, pareil à ces coups de foudre qu’on voit tomber du ciel noir, dans les images. […] Froissart, qui reflète toujours à merveille l’esprit de ceux qui l’entourent, ne nous donne de la maison d’Orléans que l’image odieuse et déformée qu’on s’en faisait dans le parti bourguignon au plus fort de la brouille. […] C’est de cette conviction qu’est né le plaisir que j’ai eu à lire les Images sentimentales de M.  […] Et dans l’ivresse qu’elle eut de respirer sur lui le sang des ennemis morts, elle oubliait l’odeur du vin et ces haleines par quoi, à leur première rencontre, elle avait été souillée ; elle se donnait toute à l’image de Séville bientôt terrifiée.

1632. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

. — À ce compte, pourquoi ne pas rendre public aussi ce musée Dupuytren, où la science a rassemblé les effrayantes images des plaies les plus hideuses de l’humanité ? […] En ces temps-là, sans doute, la littérature peut encore jusqu’à un certain point sembler l’image de la société, en ce sens que, par ses allures désordonnées, elle accuse un certain malaise et un certain désordre des esprits : mais, au total, on peut remarquer qu’à ces époques la société reçoit l’impulsion bien plus qu’elle ne la donne. […] Des images ambitieuses et vides, des métaphores gigantesques et inintelligibles, un style tantôt biblique et tantôt byronien ; ici l’enthousiasme des Illuminés, ailleurs des visions imitées de l’Apocalypse ; voilà ce qui fait tous les frais de ce prétendu mysticisme. […] Il y a là un symptôme social ; il y a comme l’image de ce que sont devenus dans les âmes les sentiments et les instincts naturels. […] Sous le chevet de la jeune fille, dans la mansarde de l’ouvrière, le roman se glissait avec des images décevantes, avec des pensées corruptrices, pareil à l’esprit tentateur qui, caché derrière Marguerite agenouillée à l’église, lui souffle dans l’oreille les paroles envenimées.

1633. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Comment une interprétation serait-elle possible si de toute chose nous faisons d’abord une image, notre image ? […] Comme ils les font à l’image de l’homme, naturellement, ils s’imaginent que les Dieux prennent plaisir, eux aussi, à la souffrance des hommes et s’en réjouissent ; que le spectacle du bonheur humain les attriste et que le spectacle du malheur humain « les amuse et les met de bonne humeur ». […] Il faut imaginer d’abord cet état comme un désir excessif qui nous pousse à nous débarrasser par un travail musculaire et une mobilité de toutes sortes de cette exubérance de tension extérieure ; puis comme une coordination involontaire de ce mouvement avec les phénomènes intérieurs (les images, les pensées, les désirs) ; — 3° l’imitation forcée : une extrême instabilité qui pousse d’une façon contagieuse à communiquer une image donnée…, une image qui naît intérieurement, agit en mettant les membres en mouvement ; une certaine suspension de la volonté ; une sorte d’aveuglement et de surdité à l’égard de tout ce qui se passe au dehors ». — Cet état particulier, de puissance surexcitée et en acte, fièvre d’un genre particulier, « est ce qui distingue l’artiste du profane, du réceptif. […] Celui qui est véritablement possédé par une ambition furieuse contemple avec joie 28 cette image de lui-même, et lorsque le héros périt par sa passion, c’est précisément là l’épice la plus mordante dans la chaude boisson de cette joie. […] De même le poète tragique, par ses images de la vie, ne veut pas prévenir contre la vie.

1634. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Ils sont rudes et sans nul éclat d’images ; mais la langue en est saine, robuste et probe. […] C’est un défilé des sentiments, des idées, des images dont le théâtre nous berce depuis la Dame aux Camélias. […] Nous sentions, dans cette comédie du maître, une image si fidèle et si aisément tracée de nos mœurs, de nos sentiments, de nos inconsciences ! […] Ce qui le torture, c’est l’obsession d’une image. […] De quelle étrange image on est par lui blessée ?

1635. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Je me contenterai de mentionner d’un mot, en Allemagne, un artiste, l’auteur de la célèbre image de la Mélancolie, et ces poètes dont les Lieds chantent la mort associée à l’amour. […] Ces écrits sont des méditations sentimentales sur les clairs de lune, les cimetières, les ruines, présentées dans une prose poétique et chargée d’images exagérées, souvent tirées de souvenirs bibliques. […] Jamais la mélancolie maladive n’incarna son image plus complète sur des traits humains que dans cette figure. […] Quelles images sinistres ! […] Par une sorte de pressentiment de l’accident qui devait l’enlever dans la force de l’âge (1824), l’image de la mort tenait une grande place dans ses pensées.

1636. (1876) Romanciers contemporains

Est-ce là l’image fidèle de la réalité ? […] S’ils évoquaient ce souvenir, c’était par un trait, par un mot spirituel, et en se gardant bien d’insister sur une image repoussante. […] Pour faire un roman, il lui suffit d’évoquer de lointaines images et de feuilleter dans ses souvenirs. […] Il est de ceux qui, avec beaucoup de réflexion et une opiniâtreté invincible, cherchent, et cherchent sans se lasser, jusqu’à ce qu’à l’image terne et obscure qui pâlit sur le papier, ils aient substitué l’image vive et éclatante qui brille dans leur cerveau. […] Doit-il reproduire la vie exacte et matérielle, ou bien l’image de la vie ?

1637. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

À l’époque la moins poétique et la moins idéale du monde, sous la Régence et dans les années qui ont suivi, Mlle Aïssé offre l’image inattendue d’un sentiment fidèle, délicat, naïf et discret, d’un repentir sincère et d’une innocence en quelque sorte retrouvée. […] Ses définitions, ses images sont justes, fortes et vives ; enfin le Chevalier nous démontre que le langage du sentiment et de la passion est la sublime et véritable éloquence. […] On ne possède aucune des lettres qu’Aïssé lui adressa ; nous n’avons l’image de cette passion, à la fois violente et délicate, que réfléchie dans le sein de l’amitié et déjà voilée par les larmes de la religion et du repentir.

1638. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Nous les y retrouverons à chaque pas, et nous les y retrouverons avec d’autant plus de charme que la langue merveilleuse dans laquelle Homère retrace la nature et l’homme avait alors sur sa palette, en apparence indigente et novice d’un peuple naissant, une transparence d’images, une fraîcheur de coloris, une naïveté de tours qui semblent associer dans les vers d’Homère l’enfance, la jeunesse, la maturité et la vieillesse d’un idiome. […] Admirez en quels termes le poète distrait du champ de carnage par le charme intime d’une image domestique : « Telle qu’une femme juste, qui vit de l’œuvre de ses doigts, prenant sa balance, place d’un côté le poids et de l’autre la laine filée, afin de rapporter à ses petits enfants son modique salaire, tel le sort du combat se balance, etc., etc. » Dans quel poète moderne trouverez-vous une comparaison pareille, tout à la fois si gracieuse, si intime, si tendre, et cependant si hardie et si neuve par le lieu où elle est aventurée par le poète antique ? […] Les vers, les images sont aussi frappants que les coups de lance.

1639. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Et qu’on reconnaisse enfin au romancier le droit de laisser l’indignation parler un langage indigné, de montrer à son époque l’image de ses vices, de faire saiguer aux yeux de tous des plaies qu’on ne guérit pas, parce qu’on les a trop cachées ! […] Ulbach ; c’est un stylo mou, qui s’en va par filandres, avec des intentions poétiques à tout propos ; les comparaisons s’entassent, les images les plus imprévues se heurtent, les phrases flottent comme des mousselines peinturlurées, sans qu’on sente dessous une carcasse solide et logique, cette carcasse résistante qui doit tout porter, et qui seule indique un écrivain de race. […] En un mot, et pour le résumer par une image, il écrit sous la dictée de tous. » C’est violent, n’est-ce pas ?

1640. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Bien plus, les accords de leur lyrisme fondamental éveillent les idées belles et générales, communes à tous les hommes, du souffle sûr des justes images. […] Le monde d’images qu’il a créées donne le plus complet exemple de la force du génie appliqué à l’expression intégrale de soi-même. […] Si celui qui répond le plus souvent au plus grand nombre de nos aspirations individuelles et de nos états d’âme doit être l’élu, à « l’inlassable bourdon de cathédrale » que fut Hugo, à la cloche de génie que fut Baudelaire, cloche « où des images de péché furent coulées dans le métal » je préférerais pour mon propre compte, la petite cloche de cristal de Verlaine, « impatiente du ciel », vibrant éperdumente à tous les sons sans sonorités fausses ou assourdies, en dépit des dires impudiques et calomniateurs dont on s’est plu ces derniers temps à outrager ce poète.

1641. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

C’est l’ébranlement intérieur qui suscite les images ; n’étant point ébranlé, il n’imagine pas. […] Leur idée demeure exacte, nette et simple, et n’éveille pas une image voisine pour se confondre avec elle, se colorer et se transformer. […] Ce sont bientôt des voyages impossibles, des défis extravagants qu’ils veulent voir, un tapage de combats, un entassement de magnificences, un imbroglio de hasards ; de l’histoire intérieure, nul souci : ils ne s’intéressent pas aux événements du cœur, c’est le dehors qui les attache ; ils demeurent comme des enfants les yeux fixés sur un défilé d’images coloriées et grossies et, faute de pensée, ne sentent pas qu’ils n’ont rien appris. […] Quels jugements ces esprits sérieux et neufs en portèrent, avec quelle promptitude ils s’élancèrent jusqu’à la vraie religion de leur race, c’est ce qu’on peut voir dans leur pétition au Parlement173 : Cent trente ans avant Luther, ils disaient que le pape n’est point établi par le Christ, que les pèlerinages et le culte des images sont voisins de l’idolâtrie, que les rites extérieurs sont sans importance, que les prêtres ne doivent point posséder de biens temporels, que la doctrine de la transsubstantiation rend le peuple idolâtre, que les prêtres n’ont point le pouvoir d’absoudre les péchés.

1642. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

C’est là que j’ai entendu Roux et Darcet exposer leur théorie de la terre, Marmontel les excellents principes qu’il a rassemblés dans les Éléments de la Littérature, Raynal nous dire à livres, sous et deniers, le commerce des Espagnols à la Vera-Cruz et de l’Angleterre dans ses colonies », Diderot improviser sur les arts, la morale, la métaphysique, avec cette fougue incomparable, cette surabondance d’expression, ce débordement d’images et de logique, ces trouvailles de style, cette mimique qui n’appartenaient qu’à lui, et dont trois ou quatre seulement de ses écrits nous ont conservé l’image affaiblie.

1643. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

De tous temps, il y a eu des esprits oisifs et rêveurs qui ont prétendu ainsi refaire de fond en comble le monde religieux, politique ou social à leur image. […] Rousseau ce que nous n’oserions répéter ici ; nous voudrions seulement que tous les utopistes radicaux de nos jours eussent sans cesse sous les yeux le miroir des institutions sociales du disciple rhétoricien, mais non philosophe, de Socrate, pour y contempler, avec leur propre image, les monstruosités du sophisme substituant la métaphysique, qui est de l’homme, aux instincts de la nature, qui sont de Dieu !

1644. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

La belle image de M.  […] Le peuple jusqu’ici n’avait pas de roman à lui, de roman tantôt crapuleux, tantôt sublime, tantôt rêveur, surtout utopiste, quelquefois dangereux, souvent héroïque, fait à son image.

1645. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Mais la grande source des idées profanes, si l’on peut dire, et purement rationnelles de Pascal, c’est Montaigne, dont la pensée, les mots mêmes et les images sont sans cesse l’étoffe à laquelle il met sa façon. […] Mais l’originalité poétique de Pascal, c’est le caractère, si je puis dire, métaphysique des inquiétudes et des images qui jettent ces flammes intenses dans son style.

1646. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Vieilles images, j’en conviens, dont l’esprit de géométrie a sujet de ne se pas contenter ; mais par ce vague même et ce fabuleux qui lui répugnent, elles remplissent l’idée que les peuples se font du poète, et elles lui mettent au front l’auréole. […] Tout ce qu’il écrit, il le sent, sinon avec le cœur, du moins avec la raison doucement émue d’un sage qui voit, dans les vertus des hommes, d’aimables images de l’ordre universel.

1647. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

La galanterie, à ce qu’il remarque dans la préface de leur théâtre, n’eût pas été bien reçue d’un peuple qui n’est remué que par des images affreuses ; sur qui le fer, le poison, les tortures, les roues, les gibets, les enterremens, les sorciers, les diables même, font tout un autre effet à la représentation que des discours élégiaques. […] Il ne voit, dans le comique larmoyant, que l’image de la vie ordinaire.

1648. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Quelquefois même le choix des mots juxtaposés crée une image vivace et heureuse. […] Et l’on ne sait où est l’image, dans les dessins d’André Lhotebj, ou dans les vers de Paul Eluard.

1649. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Enfin, après le ridicule des détails niais et bestiolets, il y a de plus, dans ce Quatre-vingt-treize, l’odieux du pédantisme de l’érudition la plus assommante, la plus vaine et la plus déplacée, et l’odieux aussi de ce matérialisme insupportable, le fond même de la nature, je ne dirai pas philosophique, mais poétique de Victor Hugo, qui ne lui fait pas métamorphoser en or tout ce qu’il touche, comme le roi Midas, mais en matière, — même jusqu’à la langue, qu’il encombre d’images physiques et qui sous cette main épaisse perd de sa transparence, et même encore jusqu’aux sentiments les plus purs et les plus élevés de l’âme, et, par exemple, ici, la maternité ! […] On y trouve qu’il leur est profondément inférieur, lui, cet homme d’une puissance plus verbale que réelle, plus dans les images et dans les mots que dans les choses.

1650. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

D’ailleurs, M. de Sacy ne s’est jamais donné comme un critique de profession, un critique complet, aspirant à tracer un tableau littéraire de son temps : il se borne à traduire avec feu et à nous livrer avec candeur une image de ses goûts intègres, de ses prédilections restées toutes sérieuses et probes.

1651. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Goumy, une personnification du xviiie  siècle, « une image fidèle en qui son siècle se reconnut et s’aima ».

1652. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

En général, le procédé de critique qu’il applique en toute branche d’étude, et qu’il a élevé jusqu’à l’art, est celui-ci : Il s’attache à tirer la formule, l’idée, l’image abrégée de chaque pays, de chaque race, de chaque groupe historique, de chaque individu marquant, pour l’admettre à son rang, à son point, dans cette représentation idéale que porte avec elle l’élite successive de l’humanité.

1653. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Il y aurait bien ici quelque chose à dire pour le style et pour le rapport des images ou des expressions entre elles : un mélange de deux mondes, qui, tombant dans une âme, la saisit sous une double étreinte… Ce n’est pas très-régulier ni d’une analogie bien suivie.

1654. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Après l’Ange Gardien, dont la rayonnante image continuera de planer, aux heures de rêverie, sur les destinées de toute jeune fille chrétienne et de toute épouse fidèle, ce volume nouveau, mélange de souffrance, d’étude et de maturité sensée, a son charme également béni.

1655. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Enfin, toutes les fois qu’il veut décrire l’enthousiasme lyrique et marquer les traits du vrai génie, Le Brun abonde en images éblouissantes et sublimes.

1656. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Le squelette entier prend la sensibilité d’une dent malade. »43 La seconde qualité de l’introspection douloureuse est l’intensité de vie des images qu’elle fournit.

1657. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Les pensées philosophiques vous placent naturellement à cette élévation où l’expression de la vérité devient si facile, où l’image, où la parole énergique qui peut la peindre se présentent aisément à l’esprit animé du feu le plus pur.

1658. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Une grosse toile vulgaire, uniforme, sur laquelle de loin en loin on aperçoit une belle fleur délicatement peinte, voilà l’image de notre condition ; celui-là seul est à envier qui peut montrer sur sa trame beaucoup de fleurs pareilles.

1659. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

La cause de la sensation supprimée, la sensation disparaît, ne laissant qu’un vague souvenir, une obscure image, qui disparaîtra bientôt refoulée dans les profondeurs de l’être par la masse des impressions ultérieures.

1660. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Enfin il faut prendre garde que l’esprit, dans l’activité de l’invention, ne se rend pas toujours un compte exact de ce qu’il crée : il produit plus de formes que d’idées, et ne s’aperçoit pas que des images, des tours qui lui plaisent ne sont en somme que les enveloppes différentes de la même chose.

1661. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

C’était un étourdissant causeur ; sa conversation était un feu d’artifice, où l’on voyait passer avec une vertigineuse rapidité images, idées, polissonneries, sciences, contes, métaphysique, rêves fous, hypothèses fécondes, divinations étonnantes.

1662. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Et voici, je crois, une question qui se rattache à celle-là et qui, si elle peut être résolue, doit l’être de la même façon : pourquoi, à considérer l’ensemble de notre littérature, les femmes sont-elles restées sensiblement en deçà des hommes dans l’art de colorer le style ou de le ciseler et d’évoquer par des mots des sensations vives et des images précises ?

1663. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Et cela ne l’empêche pas, je ne sais comment — par quelque chose de caressant et de félin, par la subtilité et la cruauté de quelques-unes de ses ironies, par la longueur toute féminine et la férocité de certaines de ses rancunes (même contre des femmes) — d’évoquer aussi des idées de stylet caché sous un manteau de pourpre traînante, de vie batailleuse autant que voluptueuse, et de faire songer (avec toutes les atténuations qu’il vous plaira : il en faut dans ces transpositions d’images) à quelque Italien de ce magnifique et terrible XVIe siècle.

1664. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

On me cite de lui des mots d’un esprit surprenant, d’un tour héroïque, qui joignent l’éclat de l’image à l’imprévu de l’idée.

1665. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Elle ne digère pas comme nous… Elle a un langage à part, qui est le soupir, le souffle passionné », etc… Mais surtout une image obsède Michelet : celle du « flux et du reflux de cet autre océan, la femme ! 

1666. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Avouons-le cependant ; l’indigence est affreuse, un ancien Poëte nous la représente sous l’image d’une femme échevelée, abandonnée sur un rocher désert, qui tantôt lutte contre le désespoir, tantôt mesure l’abîme effroyable ou elle va se précipiter ; mais l’indigence n’a jamais surpris l’homme de Lettres laborieux, il pourra être pauvre, & ce sera là le gage de ses vertus, & de la noble fierté de son ame.

1667. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

La vie austère qu’il avait menée, les souvenirs terribles qu’il avait laissés, et sous l’impression desquels l’Orient vit encore 275, cette sombre image qui, jusqu’à nos jours, fait trembler et tue, toute cette mythologie, pleine de vengeance et de terreurs, frappaient vivement les esprits et marquaient, en quelque sorte, d’un signe de naissance tous les enfantements populaires.

1668. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

L’idée du « royaume de Dieu » et l’Apocalypse, qui en est la complète image, sont ainsi, en un sens, l’expression la plus élevée et la plus poétique du progrès humain.

1669. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

S’il veut nous faire regretter Milly, c’est pour les images de tendresse qui ont peuplé, vivifié, enchanté cet enclos ; il s’enveloppe de ce sol, de ces arbres, de ces plantes nées avec lui ; il revient visiter ses souvenirs, ses apparitions, ses regrets.

1670. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Elle avait un tour à elle, le don des images les plus familières et les plus soudaines, et elle en revêtait à l’improviste sa pensée comme pas une autre n’eût su faire.

1671. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Parmi les auteurs célèbres de notre langue, tous pourtant ne sont pas propres indifféremment à nous rendre l’impression et à nous montrer l’image de cette parfaite netteté.

1672. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Mais ces accusations parurent, dans la suite, très-injustes, malgré tout ce qui déposoit contr’eux ; malgré des lettres interceptées, où le langage de l’amour étoit traité de la manière la plus tendre & la plus vive ; malgré l’exposition d’une morale qui présente sans cesse à l’imagination des images indécentes, des idées de lubricité.

1673. (1761) Apologie de l’étude

J’avouerai cependant, car il faut être juste, que dans ces archives de frivolité, d’erreur et d’ennui, j’ai distingué quelques historiens philosophes, quelques physiciens qui savent douter, quelques poètes qui joignent le sentiment à l’image, quelques orateurs qui unissent le raisonnement à l’éloquence ; mais le nombre en est trop petit, trop étouffé par le reste, pour me réconcilier avec cette vaste collection de livres : je la compare à ces tristes maisons, destinées à renfermer des insensés ou des imbéciles, avec quelques gens raisonnables qui les gardent, et qui ne suffisent pas pour embellir un pareil séjour.

1674. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

image commune qui n’est qu’un cliché, phrase qui ne dit rien parce qu’elle dit trop, — a lancé de sa patte de rhétoricien, bête comme la patte de l’ours, un pavé à cet homme si bonhomme qui n’avait pas une prétention si hautaine, et qui ne fut jamais que le Roi des fleurs (mais pas des fleurs de rhétorique comme celles de M. 

1675. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

L’image du roi, et peut-il être de beaucoup d’autres, le poursuivait, et ne laissait reposer nulle part ce Juif errant de la jalousie.

1676. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

l’historien de la liberté religieuse a rejeté ce joug du sien, et il nous a donné, pour la première fois, le Machiavel vrai, qui a fait tous les crimes de son siècle à l’image de sa pensée, et il nous a dit avec une merveilleuse éloquence qu’on n’est jamais plus grand que le mépris, lorsque l’on est un pervers.

1677. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Comme écrivain, voici de son style : « La mort— dit-elle— a fauché la plupart de ces débris de l’Abbaye-au-Bois. » Il y a certainement du bas-bleu dans la femme qui écrit comme cela, qui a la tyrannie de ces images, mais elle a du bas-bleu en taille-douce, en nuances lilas, comme une femme de professeur qui a toujours vécu avec des professeurs et qui est teinte de ce qu’ils ont déteint sur elle.

1678. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Il y a là abus d’images, profusion de métaphores, violation des frontières, introduction forcée du goût cosmopolite dans le goût local.

1679. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Leurs idées, leurs images lui sont familières.

1680. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Si Malherbe a dit que la mort a des rigueurs, qu’elle se bouche les oreilles, qu’elle nous laisse crier, &c. nos Prosateurs ne disent-ils pas tous les jours que la mort ne respecte personne ; attendre la mort ; les Martyrs ont bravé la mort, ont couru au-devant de la mort ; envisager la mort sans émotion ; l’image de la mort ; affronter la mort ; la mort ne surprend point un homme sage : on dit populairement que la mort n’a pas faim ; que la mort n’a jamais tort. […] Nous avons vû de l’or, & nous avons observé des montagnes ; si ces deux représentations nous donnent lieu de nous former l’idée d’une montagne d’or, il ne s’ensuit nullement de cette image qu’il y ait une pareille montagne. […] Si l’on nous montre deux portraits de la même personne, & qu’il y en ait un qui nous rappelle avec plus d’exactitude & de vérité l’image de cette personne, nous disons que le portrait est parlant, qu’il est parfait, c’est-à-dire qu’il est tel qu’il doit être. […] Au reste les adjectifs sont d’un grand usage, surtout en Poësie, où ils servent à faire des images & à donner de l’énergie : mais il faut toûjours que l’Orateur ou le Poëte ayent l’art d’en user à propos, & que l’adjectif n’ajoûte jamais au substantif une idée accessoire, inutile, vaine ou déplacée. […] Quand une fois les impressions que ces divers objets ont faites sur nos sens, ont été portées jusqu’au cerveau, & qu’elles y ont laissé des traces, nous pouvons alors nous rappeller l’image ou l’idée de ces objets particuliers, même de ceux qui sont éloignés de nous, & nous pouvons par le moyen de leurs noms, s’ils en ont un, faire connoître aux autres hommes, que c’est à tel objet que nous pensons plûtôt qu’à tel autre.

1681. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Vous êtes-vous arrêté, pensif, devant cette image de SAINTE CÉCILE qui prête l’oreille aux chœurs célestes ? […] Il représentera l’image du peuple géant, du peuple français. […] Que cette image du peuple, debout, tienne dans son autre main cette massue terrible dont les anciens armaient leur Hercule. […] Trop longtemps les tyrans, qui redoutent jusqu’aux images des vertus, avaient, enchaînant jusqu’à la pensée, encouragé la licence des mœurs, étouffé le génie. […] Croyez-vous que les grands hommes de l’antiquité dont nous avons les images aient posé ?

1682. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Il sait aussi la magie des mots, de ces beaux mots, chers aux poètes, qui évoquent après eux tout un long cortège d’images imprécises et flottantes. […] Mais l’image ou la peinture de nos passions, celle de la piété conjugale, comme dans Andromaque ; de l’amour maternel, comme dans la même Andromaque encore, et comme dans Iphigénie ; de l’ingratitude filiale, comme dans Britannicus et comme dans Mithridate ; l’image et la peinture surtout de l’amour, voilà désormais ce qui « ravira » les spectateurs assemblés ! […] Quoi, Céphise, j’irai voir expirer encor Ce fils, ma seule joie, et l’image d’Hector ; Ce fils, que de sa flamme il me laissa pour gage. […] cette représentation de l’image par les sons, — c’est déjà de la poésie71. […] ou encore : Dans le fond des forêts votre image me suit.

1683. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Mais il s’est empli peu à peu d’images égrillardes ou même brutales qui ont pris le dessus. […] Il éveille dans l’esprit des images qui sont en désaccord complet avec l’idée que l’on se fait de la chose qu’il exprime. […] Vous faites-vous, après avoir écouté les cinq actes de Molière, une image bien nette de cet avare ? […] Elle n’est pas dans l’éclat des images prétendues poétiques ; elle n’est pas dans le désordre des exclamations soi-disant passionnées. […] Diafoirus une petite chaise d’enfant, qui le pincera, le lutinera, et qui prendra sa thèse de médecine, la trouvant bonne pour l’image.

1684. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Où en sera le signe et l’image ? […] Comme homme, il ne l’est pas ; il est un animal ennemi : tel est l’ordre humain ; il faut qu’il le soit comme participant à Dieu, comme communiant dans la pensée divine, pour qu’il y ait au moins une image de l’ordre divin réalisée sur la terre. […] Il n’y a pas là même l’image de l’unité. […] Il a dit un jour, je ne sais plus à propos de quoi, avec le grand talent qu’il a quelquefois pour transformer une idée en image : « Dans une file d’aveugles qui tous se tiennent par la main, il ne faut de bâton qu’au premier. » C’est ainsi qu’il a vu l’humanité. […] C’est l’image de sa vie.

1685. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Une image infiniment déplaisante me poursuit. […] Vous voyez, on ferait de cela une série d’images populaires. […] On a devant les yeux l’image du plaisir, mais on ne l’éprouve pas, on est obligé de le feindre. […] pourvu qu’on leur montre des images de cette révolte, des tableaux grossièrement enluminés de ce règne de la justice, qui jamais n’adviendra, ils sont contents, ils restent tranquilles, ils s’amusent comme des petits enfants. […] Mais là, devant cette image d’un monde élégant et riche, il restait béat.

1686. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Ce simple canevas des faits, ce résumé des agitations extérieures de Rousseau jusqu’à la trentaine nous présente déjà l’image d’un errant et d’un déclassé. […] L’absurdité de cette doctrine, qui saute aux yeux, est surtout révoltante dans un homme comblé des biens de toute espèce, qui, du sein du bonheur, cherche à désespérer ses semblables par l’image affreuse et cruelle de toutes les calamités dont il est exempt. […] Ils sont bien à l’image de leur père : de beaux sentiments, de beaux discours, et une vilaine vie (du moins jusqu’à quarante ans). […] 13 Mais là encore elle est bien à l’image de son père. […] Mais, tout de même, tandis qu’ils se promènent, mangent, conversent et s’attendrissent à journée faite, inévitablement les mêmes images précises, concrètes, s’éveillent sous leurs fronts ; et chacun d’eux sait que ces images s’éveillent aussi dans l’esprit des trois autres.

1687. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Tandis qu’on fait semblant de « prodiguer les soins » au cadavre et que, d’heure en heure, on annonce au peuple que le mort va mieux, elle court auprès de Britannicus, le serre dans ses bras, l’appelle la vivante image de son père, l’empêche par tous les moyens de sortir de son appartement. […] Et je crois bien que c’est surtout l’image de cette société que J. […] On y rencontre de fort aimables gens, et l’on rapporte de ce rapide voyage des images amusantes par ce qu’elles ont de fragmentaire et d’incomplet. […] Ils essayent de parler de choses indifférentes, mais tout leur rappelle l’assassiné ; l’image du cadavre surgit dans leur mémoire à chaque phrase qu’ils prononcent. […] Et, dès lors, l’image d’une violation imminente de cette loi, l’idée de relations charnelles entre des personnes que cette loi veut insexuées l’une pour l’autre, nous gêne à la façon d’une représentation sacrilège.

1688. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

D’un autre côté, votre charmante image m’en donne jour et nuit. […] Que si d’ailleurs on s’étonnait de nous voir attribuer tant d’importance à un hommage aussi banal que celui qui consiste à tailler en marbre l’image approximative d’un Baudelaire, nous avons déjà répondu, mais il ne sera pas inutile d’ajouter quelques mots encore. […] Quelle raison y aurait-il en effet de s’abstenir de traiter les questions sociales dans un genre de fiction dont on pourrait, en vérité, dire que le propre est d’être une image sociale ? […] Renan que d’avoir voulu substituer à l’ancienne une nouvelle image de personne de Jésus. […] La guerre commence, pour ainsi parler, avec l’effusion du sang humain, et toute « lutte », concurrence ou rivalité, dont cette effusion de sang n’est pas l’objet même ou le moyen nécessaire, est autre chose, n’est pas la guerre, n’en saurait être appelée sérieusement ni l’atténuation, ni l’imitation, ni l’image.

1689. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Un ruisseau sinueux, qui va sans flots sur un sable uni et luit au soleil par intervalles, peut seul en donner l’image. […] Chaucer vous promène parmi les armures, les palais, les temples, et s’arrête devant chaque belle pièce : ici180 « l’oratoire et la chapelle de Vénus », « et la figure de Vénus elle-même » glorieuse à voir — nue et flottant sur la large mer — depuis le nombril jusqu’au bas toute couverte — de vagues vertes aussi brillantes que le verre,  — ayant dans sa main droite une citole — et sur sa tête gracieuse à voir — une guirlande de roses fraîches, à la douce odeur — pendant qu’au-dessus de sa tête voltigent ses colombes  » ;  — 181 là-bas le temple de Mars, dans une forêt — où n’habite ni homme ni bête,  — avec de vieux arbres noueux, rugueux, stériles,  — aux souches pointues, et hideux à voir,  — à travers lesquels couraient un bruissement et un frémissement,  — comme si la tempête allait briser chaque branche. —  Puis le temple lui-même sous un escarpement — tout entier bâti d’acier bruni et dont l’entrée — était longue, étroite, affreuse à regarder », — tandis que du dehors « venait un souffle si furieux — qu’il soulevait toutes les portes. « Nulle lumière, sauf celle du nord ; chaque pilier en fer luisant et gros comme une tonne ; la porte en diamant indestructible et barrée de fer solide en long et en travers : partout sur les murs les images du meurtre, et dans le sanctuaire « la statue de Mars sur un chariot, armé, l’air furieux et sombre, avec un loup debout devant lui à ses pieds, qui, les yeux rouges, mangeait la chair d’un homme. » Ne sont-ce point là des contrastes bien faits pour réveiller l’attention ? […] On l’imagine comme « une monstrueuse image, la face cruelle et terrible, les regards hautains et menaçants, à chacun de ses côtés cent mains, les unes qui élèvent les hommes en de hauts rangs de dignité mondaine, les autres qui les empoignent durement pour les précipiter. » On contemple les grands malheureux, un roi captif, une reine détrônée, des princes assassinés, de nobles cités détruites231, lamentables spectacles qui viennent de s’étaler en Allemagne et en France, et qui vont s’entasser en Angleterre ; et l’on ne sait que les regarder avec une résignation dure.

1690. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Dimanche 10 février Nous finissons le siècle, dans des années méchantes, où la politique se fait à coups de dynamite, où les assassins avant de tuer, s’amusent de la peur de l’assassiné, où la jeune critique met la perspective du corbillard, pour l’éreinté dans ses articles, où l’image même a la férocité du dessin de Forain. […] Un vrai plaisir dans ce livre, à la dégustation d’une expression, d’une épithète, d’une image. […] C’est vraiment très intéressant cet agrandissement, qui, de ces images d’un pouce de hauteur, fait des décors, qui vous donnent l’illusion de la grandeur des hommes, des animaux, des arbres, des constructions.

1691. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

C’est la forme qui les enrage en moi, la phrase écrite, l’image, la vie du style. […] Il est de toute évidence que l’auteur de Germinal et de la Terre, à force de chercher des effets dans l’expression et l’image de l’ordure, a fini par s’y familiariser et y prendre goût. […] Pour exprimer les choses et les actions les plus prosaïques, les plus communes, il a recours à des images, toutes contournées, alambiquée.

1692. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Là, Stendhal se déclara disposé adonner des coups de poing à cette image et s’éleva contre ceux qui n’avaient pas en horreur la laideur barbare et la nudité cynique de ces repoussants simulacres. […] Enfin il trace une éclatante image de la maturité de Goethe, et il nous le montre repentant d’avoir travaillé avec les destructeurs, tout occupé à renouer la tradition rompue et tendant ses lèvres avides à la perfection et à l’intégrité antiques. […] C’est parmi les souvenirs de l’un de mes automnes, le plus charmant peut-être, que je retrouve l’image du poète Stéphane Mallarmé, qui vient de mourir. […] Mon cœur emportera dans la tombe intacte la noble image que je m’en suis formée. — J’eusse aimé la mer partout ; mais c’est là que je l’aime. […] Je fus cet homme ce jour-là et j’allumai avec émotion le mince cierge fuselé devant l’image, récemment revernie, du grand Saint-Georges.

1693. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Une image m’aidera à expliquer ma pensée. […] Il n’entend pas que l’image étouffe l’idée ; il entend encore moins que les mots forgés, la syntaxe bouleversée, les termes impropres assombrissent la clarté si vantée de notre langue. […] Il est homme à s’absorber dans la contemplation d’une antique image de femme. […] Une femme éveille en lui l’image d’une fleur. […] Pourquoi faut-il encore qu’à propos d’arbres reflétés dans une rivière, l’auteur, en véritable abstracteur de quintessence, nous oblige à chercher le mot de cette énigme : « Ne paraît-il pas qu’un esprit de tendresse unisse à l’eau qui passe cette image des arbres qui ne passent pas, et que cette image soit reçue comme une caresse en même temps qu’elle est donnée comme un désir46 ? 

1694. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Les poètes célèbrent le grand comique, les comédiens viennent saluer son image. […] Et puisque le hasard nous remet ainsi sur la trace des images de nos grands hommes, pourquoi ne nous ferait-il pas découvrir aussi quelque jour une page inconnue et tombée de leur plume, un cahier de papier jauni contenant une œuvre dont le titre seul a survécu, des lambeaux déchirés, maculés et plus précieux cent fois que les plus purs vélins ? […] Au dire de l’auteur de la Vie de Benserade, Molière ayant composé une sorte de romance où se trouvaient ces deux vers : Et tracez sur les herbettes L’image de vos chansons ! Benserade se mit à rire : — Par Dieu, dit-il, il serait plus logique d’écrire : Et tracez sur les herbettes L’image de vos chaussons ! […] Plus tard on plaça l’image de Molière, rue de Richelieu, près de la maison où il rendit le dernier soupir.

1695. (1902) Le critique mort jeune

Dans un temps comme le nôtre, où chacun est tourmenté du mal d’écrire et où l’institution du certificat d’études et le tour d’esprit d’école primaire égalisent les esprits dans la médiocrité, le style est devenu ce qu’avait déjà raillé Flaubert dans le fameux discours du comice d’Yonville : un composé d’images démonétisées couvrant d’antiques lieux communs. […] Soyons donc indulgents pour nos plaisirs et goûtons dans les images nouvelles ce qu’elles ont de beau : leur nouveauté. […] Dès que le mot et l’image gardent dans les discours leur valeur concrète, il s’agit de littérature : la beauté n’est plus tout entière dans la raison, elle est aussi dans la musique. — Proscrit de la littérature, le cliché a son emploi légitime dans tout le reste ; c’est dire que son domaine est à peu près universel. […] Il ne lui coûta pas plus d’étonner le monde par sa conversion qu’auparavant d’épouvanter les timides, de scandaliser les sages et de désespérer ses amantes, tôt délaissées après tant d’amour. » Aujourd’hui il termine sur cette image, si heureusement appliquée aux passions-goûts de don Juan : « … ses amantes tôt délaissées après un flot d’amour ». […] Quittez vos armes désormais inutiles. »   Nous laissons ces images riantes pour prendre un livre qui est consacré à l’amour, mais en même temps à la douleur, « Amori et dolori sacrum » : le titre seul annonce la magnificence et la mélancolie dont tout l’ouvrage est fait.

1696. (1932) Les idées politiques de la France

Un chef de droite, M. de Kérillis, qui gémit sur cette situation et qui cherche à y remédier, mais qui, enfin, comme journaliste, doit se soucier de ce que lit de préférence son public, se voit obligé, dit-il, de donner dans son journal, aussi de droite, la page-vedette et les images, et les envoyés spéciaux, au congrès radical, tandis que les congrès du bon parti doivent, dès le second jour, passer en quatrième, « entre le cours des colzas et le compte rendu des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ». […] Dans une de ses plus belles péroraisons, Jaurès, pour y symboliser le risque de paix, de la renonciation à la terre ferme de la guerre immémoriale, l’entrée de l’homme dans l’utopie de la paix qui ne paraît pas plus faite pour sa volonté de puissance que l’eau pour son corps, retrouvait sous une autre forme l’image de Bergson, et la jetait, comme l’arche magnifique d’une fusée dans le ciel, sur le Rhin lamartinien. […] L’idéalisme socialiste, en matière de politique internationale, se heurtera à un réalisme prudent, d’autant plus redoutable qu’au contraire de la grande image bergsonienne de Jaurès, ce réalisme prendra volontiers la forme précise, montrable, efficace, d’une raison conforme aux exemples du passé, à des faits d’hier, aux analogies de l’économie domestique, aux proverbes, à tout ce sanchisme que l’organisme français fabrique toujours spontanément, comme des globules blancs, contre toute poussée de quichottisme. […] Or le Tableau de la France est de 1832, et ce Tableau, qui tient dans la littérature française la place de la Fête des Fédérations dans l’histoire de France, fixe l’image de la France achevée par la Révolution, et telle qu’elle sera incorporée à la conscience et à l’éducation républicaines. […] Pour reprendre une image dont nous venons de nous servir, l’industrialisme, (ou si l’on veut le système d’affaires), ne vaut, ne porte fruit d’idées que s’il est greffé.

1697. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Le prince commanda à Gérard un portrait de celle dont il ne pouvait aimer que le souvenir et emporter que l’image en Prusse. […] Ballanche laisse dans le cœur de ceux qui l’ont connu l’image d’un de ces rêves calmes du matin, qui ne sont ni la veille ni le sommeil, mais qui participent des deux.

1698. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Il y a dans ces trois œuvres les éléments d’une comédie de mœurs, image des travers attribués à chaque classe et des ridicules sociaux : il y a dans les deux premières quelques éléments d’une comédie de caractères, largement humaine. […] Et si sa comédie est à tel point nationale, c’est qu’il ne l’a pas reçue des mains de ses devanciers comme une forme savante aux traditions réglées ; il l’a extraite lui-même et élevée hors de la vieille farce française, création grossière, mais fidèle image du peuple ; il l’a portée à sa perfection sans en rompre les attaches à l’esprit populaire.

1699. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Peut-être dans une société différente, créée à mon image, pourrais-je accepter des devoirs semblables à ceux dont vous voulez me lier. […] La morale veut en multiplier l’image.

1700. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Combien de fois d’ailleurs les grands hommes sont faits à la lettre par l’humanité, qui, éliminant de leur vie toute tâche et toute vulgarité, les idéalise et les consacre comme des statues échelonnées dans sa marche pour se rappeler ce qu’elle est et s’enthousiasmer de sa propre image. […] Narayana étendu sur son lit de lotus, contemplant Brahma qui s’épanouit de son nombril, Lachmi reposant sous ses yeux, n’offrirait-il pas un tableau comparable aux plus belles images grecques ?

1701. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Le poëte le conçoit à l’image du nôtre, mais plus beau, plus harmonieux ; la vie y est plus pleine et plus largement savourée : il y contemple des formes visibles et palpables, concrètes, vivantes, plus réelles pour lui que la réalité. […] C’est la région des vérités abstraites, des lois, des formules, accessible seulement à l’esprit pur, le domaine mystérieux de l’impalpable et de l’invisible où règnent les principes de toutes choses comme les Mères du second Faust « qui trônent dans l’infini, éternellement solitaires, la tête ceinte des images de la vie, actives, mais sans vie. » Tous deux créateurs à leur manière : l’un parce qu’il sait manier les couleurs, les mots, les formés pittoresques qui donnent aux idées le vêtement et la vie ; l’autre parce qu’il croit avoir saisi les ressorts cachés qui font mouvoir le monde, les formules fécondes qui traduisent les lois de l’univers et d’où le flot des phénomènes s’échappe comme d’une source indéfectible.

1702. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

De quel transport n’est-il pas lui-même saisi lorsqu’il reconnaît dans ces innocentes créatures sa vivante image ? […] La poésie, dans cette scène, a la majesté du paysage et les images de la passion.

1703. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Si elle en est l’image assez fidèle, c’est que les cités italiennes étaient à beaucoup d’égards la copie des anciennes cités. […] Dans son livre des Idées sur l’histoire de l’humanité, Herder a des définitions fécondes et des images heureuses qui ont inspiré bien des écoles de philosophie historique.

1704. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Avant de nous peindre, de nous raconter le jeune homme, il nous exprime le vieillard tel qu’il se montre encore aujourd’hui à la postérité dans les austères et magnifiques portraits qui le font reconnaissable entre tous : Qui que tu sois qui regardes l’image de ce grand homme, s’écrie Saumaise, ne te semble-t-il pas, à la voir seulement, que la vertu vient au-devant de toi, et qu’elle descend des rides de ce front comme des degrés d’un théâtre ou d’un magnifique palais ?

1705. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

De même pour l’immortalité et pour l’avenir des destinées humaines : rendant compte, dans son Éloge de Buffon, des Époques de la nature et rappelant l’hypothèse finale du grand naturaliste lorsqu’il peint la lune déjà refroidie et lorsqu’il menace la terre de la perte de sa chaleur et de la destruction de ses habitants : Je demande, s’écrie-t-il, si cette image lugubre et sombre, si cette fin de tout souvenir, de toute pensée, si cet éternel silence n’offrent pas quelque chose d’effrayant à l’esprit ; je demande si le désir des succès et des triomphes, si le dévouement à l’étude, si le zèle du patriotisme, si la vertu même, qui s’appuie si souvent sur l’amour de la gloire, si toutes ces passions, dont les vœux sont sans limites, n’ont pas besoin d’un avenir sans bornes ?

1706. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Ce passage éloquent et tout semé d’images poétiques a enlevé les suffrages du jury : qu’il enlève aussi les vôtres, messieurs ; car la pièce entière ne pouvant vous être lu, comme va l’être tout à l’heure la première, je demande au moins à vous en dire le plus bel endroit :     Cherchez l’or, dit l’enfant qui souffre ;     Au travail, joug prématuré,     Je meurs ; — ni le beau ciel doré Ni le bel arbre vert ne viennent, à ce gouffre.

1707. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Il continue et prolonge cette conversation par lettres avec Saint-Vincens, sur les sentiments de différente sorte et les troubles qui agitent une âme à la vue des derniers moments : On ne saurait tracer d’image plus sensible que celle que tu fais d’un homme agonisant, qui a vécu dans les plaisirs, persuadé de leur innocence par la liberté, la durée, ou la douceur de leur usage, et qui est rappelé tout d’un coup aux préjugés de son éducation, et ramené à la foi, par le sentiment de sa fin, par la terreur de l’avenir, par le danger de ne pas croire, par les pleurs qui coulent sur lui.

1708. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

J’aime jusqu’à ces cierges dont la lumière étouffée laissait échapper une fumée blanche, image d’une vie subitement éteinte.

1709. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Mais enfin, mon principal reproche à M. de Laprade est de ne pas bien défendre sa thèse, de la compromettre par des lieux communs, de vraies tirades qui sentent l’école, ou par des sorties qui accusent un esprit exclusif et rempli de sa propre image.

1710. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

On courra tout aussitôt à l’image, portrait ou caricature.

1711. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

— « Plus luisante qu’une belle image ? 

1712. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

en nous développant et en nous peignant à plaisir des personnages et des mœurs si étranges, si semblables de tout point à des monstruosités, à force de s’y enfermer et d’y vivre, il croira n’être que vrai, réel, et ne faire que reproduire une image exacte ou équivalente de ce qui se passait ou qui existait en effet.

1713. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Images éternelles et vivantes !

1714. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

C’est bien de lui qu’on peut dire, par une image tout à fait au niveau de son caractère, qu’il avait un pied dans tous les souliers.

1715. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Mais les Académies ont elles-mêmes leur doctrine dominante, volontiers exclusive : elles offrent assez l’image d’une école où les disciples rejoignent les maîtres : le dissident, le contradicteur énergique reste à la porte et n’entre pas.

1716. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Beugnot, et qui est désormais inséparable de l’auguste image du juste immolé.

1717. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Voilà la façon de penser du plus sincère ami que vous ayez et qui s’appelle Louis de Bourbon. » Nous aurions dès ce moment, si c’était le lieu, à faire quelques remarques sur le style particulier de ce prince du sang, style médiocre, délayé, imagé pourtant, mais d’images volontiers basses et communes, comme de quelqu’un qui use avec un parfait sans gêne des plaisanteries courantes dans le populaire et jusque sur le théâtre de la Foire.

1718. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Or, quand la pensée est une fois saisie de l’esprit de parti, ce n’est pas des objets à soi, mais de soi vers les objets que partent les impressions, on ne les attend pas, on les devance, et l’œil donne la forme au lieu de recevoir l’image.

1719. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Mais le bonhomme avait son idée : il ne se voyait pas savant, mais poète et artiste, et derrière chaque vérité conçue par son esprit il sentait se lever toutes les émotions de son cœur, toutes les images de ses sensations.

1720. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Un homme capable de constater des analogies et des liens abstraits qu’on ne soupçonnait pas entre des formes et des images de la nature ; or, le critique véritable peut être ce poète, dans le domaine idéologique, et c’est parce qu’elles se sont élevées à cette haute compréhension de la critique que de grandes consciences poétiques comme Baudelaire, Carlyle, Mallarmé, ont été aussi des organismes critiques de premier ordre.

1721. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Avant que l’âge ne l’eût empâté et bouffi de graisse, il offrait l’image d’un adolescent aimable, au corps svelte moulé de complets ajustés.

1722. (1890) L’avenir de la science « XII »

Songez donc à ces misérables existences à peine caractérisées qui, chez les sauvages, apparaissent et disparaissent comme les vagues images d’un rêve.

1723. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Idéaliste, c’est-à-dire ne distinguant pas l’esprit et la matière, Jésus, la bouche armée de son glaive à deux tranchants, selon l’image de l’Apocalypse, ne rassura jamais complètement les puissances de la terre.

1724. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Par exemple, vous relevez chez un écrivain la fréquence des images, le souci du décor, du costume, de la mise en scène, de ce qu’on appelle le pittoresque.

1725. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

La fleur entre leurs mains, l’insecte sous leurs pieds, La source desséchée où vacillait l’image De leurs traits oubliés.

1726. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Il collabora lui aussi à de nombreuses revues dont le Courrier Français, L’Image, L’Art et les Artistes.

1727. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Pour ne parler que littérature, dans toutes ces pages et dans cent autres, l’auteur abuse démesurément des harmonies, des images champêtres, de la verdure, des murmures et des eaux.

1728. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Il sentait qu’on ne faisait pas fond en lui, qu’on ne le prenait que par une nécessité d’occasion ; il eût été homme à ressentir un procédé tout généreux de la reine et même de Mazarin, et un de ses plus vifs griefs contre ce dernier était qu’avec beaucoup d’esprit, il manquait absolument de générosité et d’âme, et que, supposant les autres à son image, il ne croyait jamais qu’on pût lui donner un conseil à bonne intention.

1729. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Sans être évêque ni prêtre, il est lui-même sûr de son fait, il sait à l’avance son but, et laisse assez voir sa certitude, ses dédains, son impatience ; il gourmande, il raille, il malmène celui qui résiste et qui n’entend pas : mais tout d’un coup la charité ou le franc naturel l’emportent ; ses airs despotiques ont cessé ; il parle en son nom et au nom de tous, et il s’associe à l’âme en peine qui n’est plus que sa vive image et la nôtre aussi.

1730. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Walckenaer, frais, vif, rose et riant, peint par Greuze, menant de front les plaisirs et le travail, ardent à l’étude, au monde, à la société, sensible aux passions, présentant l’image d’une jeunesse à la fois sérieuse et amoureuse ; nous ne pouvons que le deviner, mais littérairement il se trahit, et toujours il gardera dans son style, dans sa manière de dire, même quand il voudra peindre le siècle de Louis XIV, quelque chose de ce qui caractérise l’époque de Louis XVI.

1731. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il avait cet autre don et ce talent naturel des similitudes et des paraboles, qu’aura aussi saint François de Sales, et qui anime si heureusement d’images parlantes les perspectives et les vues du monde moral.

1732. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Cette activité dont nous avons la conscience permanente au milieu même de nos changements, et qui fait que nous nous sentons vivre, nous ne pouvons nous la représenter elle-même sous une forme directe et distincte, qui lui soit adéquate ; nous ne pouvons nous en faire une image, une idée déterminée.

1733. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Au lieu des images qu’on met dans les livres de prières, il avoit mis, dans le sien, les portraits, en miniature, de quelques hommes de la cour, dont les femmes étoient soupçonnées de galanterie.

1734. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

L’imagination, échauffée par les grands traits de l’éloquence, se livre toute entière à l’admiration du talent ne goûte que les images sensibles, & se refroidit sur les choses invisibles & de pure spéculation.

1735. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Reportez-vous à la même époque en France, et vous trouverez autant de façons de construire la phrase, d’entendre l’invention de l’image, l’alliance de mots, autant de styles qu’il y a d’éminents prosateurs.

1736. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Un jour, cependant, Barbey d’Aurevilly, qui professait pour lui une grande admiration littéraire et une vive sympathie intellectuelle, ne put se tenir de le tancer vertement pour avoir présenté un de ses livres sous ce titre : les Plateaux de la Balance, image usée, vulgaire et jetée au rebut des allocutions de comices agricoles.

1737. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Or, s’il est un nom significatif et qui précise dans l’esprit l’image d’une civilisation tout entière, n’est-ce pas ce nom si singulièrement choisi de Koran, que Mahomet — l’un des quatre hommes de l’Histoire qui ont le plus laissé leur empreinte dans les choses humaines — a consacré en l’écrivant, avec la pointe d’un cimeterre, sur le frontispice de sa Loi ?

1738. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Il faut, pour le bonheur d’un peuple, que l’industrie soit exercée et ne soit pas fatiguée ; il faut qu’il soit encouragé au travail par le travail même ; que chaque année ajoute à l’aisance de l’année qui la précède ; qu’il soit permis d’espérer quand il n’est pas encore permis de jouir ; que le laboureur, en guidant sa charrue, puisse voir au bout de ses sillons la douce image du repos et de la félicité de ses enfants ; que chaque portion qu’il cède à l’État, lui fasse naître l’idée de l’utilité publique ; que chaque portion qu’il garde, lui assure l’idée de son propre bonheur, que les trésors, par des canaux faciles, retournent à celui qui les donne ; que les dépenses et les victoires, tout, jusqu’au sang versé, porte intérêt à la nation qui paie et qui combat ; et que la justice même, en pesant les fardeaux et les devoirs des peuples, n’use pas de ses droits avec rigueur, et se laisse souvent attendrir par l’humanité, qui n’est elle-même qu’une justice.

1739. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

[I] Le romantisme a été, sans contredit, dans la littérature de notre pays et de notre époque, une grande révolution ; mais ce que je tiens à établir au début de cet article, c’est que cette révolution a porté moins sur le fond que sur la forme, et a moins jeté d’idées dans la circulation littéraire qu’elle n’a introduit, créé, ressuscité ou naturalisé dans la langue poétique d’images nouvelles et de rythmes originaux. […] Cette révolution opérée, la langue de l’art moderne trouvée et fixée, — et c’est là incontestablement le meilleur titre de l’école romantique, — il s’agissait, pour qu’un monde nouveau fût découvert en littérature, non plus de traduire dans cette langue, par la bouche de héros fantastiques et imaginaires, nos doutes, nos défaillances et nos espérances dans l’avenir ; mais de peindre à l’aide de types façonnés à notre image, — à nous hommes du dix-neuvième siècle, — les douleurs et les misères du temps présent, les hontes et les splendeurs de la vie contemporaine. […] Il ne s’agit pas davantage de résonner à la façon d’un clairon sonore, et, comme cette statue mélodieuse de l’antiquité, de se répandre en rythme éclatant et en cascades d’images. […] Baudelaire applique ces quatre vers aux propres dispositions de son âme, — si nous ne sommes pas tous des empoisonneurs, des assassins et des incendiaires, c’est que le courage nous a manqué. — Poursuivons, car je n’ai pas besoin de faire remarquer la recherche pénible de l’image et la pauvreté de la forme dans ces quatre vers où fleurit si agréablement l’adjectif-cheville. […] Mais où la jeune actrice cesse tout à fait d’être l’image de l’ex-sociétaire de la Comédie-Française, c’est dans les proportions ultra-sveltes de sa fluette personne.

1740. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Et pour suivre l’image : plus le casier est plein, plus les tiroirs nombreux, séparés par de minces et impénétrables cloisons, prêts à se mouvoir chacun indépendamment des autres et à ne s’ouvrir que dans la mesure où on le veut, et mieux aussi la tête peut se dire organisée. […] Et suit un éloge de la monarchie en une de ces images qui vont devenir familières à l’écrivain et qui saisissent la pensée comme les yeux : « La monarchie est réellement, s’il est permis de s’exprimer ainsi, une aristocratie tournante qui élève successivement toutes les familles de l’État ; tous les honneurs, tous les emplois sont placés au bout d’une espèce de lice où tout le monde a droit de courir ; c’est assez pour que personne n’ait droit de se plaindre. […] Le style en est grand, mâle, éclairé d’images, simple d’ordinaire, avec des taches d’affectation ; si on peut noter du mauvais goût par points, on n’y rencontre jamais du moins de déclamation ni de phrases. […] Et pour que l’on comprenne mieux dans quel sens analogue à celui de M. de Maistre, voici ce qu’après un préambule sur ses principes spiritualistes et sur la liberté morale, Saint-Martin disait à son ami : « Supposant donc… toutes ces bases établies et toutes ces vérités reconnues entre nous deux, je reviens, après cette légère excursion, me réunir à toi, te parler comme à un croyant, te faire, dans ton langage, ma profession de foi sur la Révolution française, et t’exposer pourquoi je pense que la Providence s’en mêle, soit directement, soit indirectement, et par conséquent pourquoi je ne doute pas que cette Révolution n’atteigne à son terme, puisqu’il ne convient pas que la Providence soit déçue et qu’elle recule. » « En considérant la Révolution française dès son origine, et au moment où a commencé son explosion, je ne trouve rien à quoi je puisse mieux la comparer qu’à une image abrégée du Jugement dernier, où les trompettes expriment les sons imposants qu’une voix supérieure leur fait prononcer, où toutes les puissances de la terre et des cieux sont ébranlées, et où les justes et les méchants reçoivent dans un instant leur récompense ; car, indépendamment des crises par lesquelles la nature physique sembla prophétiser d’avance cette Révolution, n’avons-nous pas vu, lorsqu’elle a éclaté, toutes les grandeurs et tous les ordres de l’État fuir rapidement, pressés par la seule terreur, et sans qu’il y eût d’autre force qu’une main invisible qui les poursuivît ?

1741. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Vous trouveriez chez lui telle image qui semble appartenir aux plus beaux temps de la simplicité et de la majesté latines […] Il n’y a point d’image populaire et passionnée dont il ait peur. […] Une hauteur d’orgueil qui ne fut surpassée que par celle de son fils, une arrogance qui réduisait ses collègues à l’état de subalternes, un patriotisme romain qui réclamait pour l’Angleterre la tyrannie universelle, une ambition qui prodiguait l’argent et les hommes, communiquait à la nation sa rapacité et sa fougue, et n’apercevait de repos que dans les perspectives lointaines de la gloire éblouissante et de la puissance illimitée, une imagination qui transportait dans le Parlement la véhémence de la déclamation théâtrale, les éclats de l’inspiration saccadée, la témérité des images poétiques, voilà les sources de son éloquence : Hier encore l’Angleterre eût pu se tenir debout contre le monde ; aujourd’hui, « personne si pauvre qui lui rende hommage ! […] Il dira, en parlant de ces prêts usuraires à quarante-huit pour cent et à intérêts composés par lesquels les Anglais ont dévasté l’Inde, que « cette dette forme l’ignoble sanie putride dans laquelle s’est engendrée toute cette couvée rampante d’ascarides, avec les replis infinis insatiablement noués nœuds sur nœuds de ces ténias invincibles qui dévorent la nourriture et rongent les entrailles de l’Inde870. » Rien ne lui paraîtra excessif, ni la description des supplices, ni l’atrocité des images, ni le cliquetis assourdissant des antithèses, ni la fanfare prolongée des malédictions, ni la gigantesque bizarrerie des bouffonneries.

1742. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Je lisais le premier ouvrage de Tourgueneff : les Chasseurs russes, et je faisais durer autant que possible le plaisir, en posant souvent le volume sur mes genoux et en m’enivrant des mœurs naïves et des charmantes images dont chacune de ces nouvelles était un recueil délicieux. […] mais à tous ces rêves s’associait l’image de Viéra. […] Qu’on se figure un jeune taureau enlevé tout à coup au pâturage où il se plonge dans une herbe fraîche qui lui vient jusqu’aux jarrets, et hissé sur un wagon de chemin de fer qui le conduit dans des tourbillons de vapeur, dans une pluie de flammèches, on ne sait où, et l’on aura par cette image une idée de l’état de Guérassime. […] Il s’inclina devant les saintes images suspendues à son foyer, puis se rendit chez le staroste, qui d’abord ne savait comment le recevoir.

1743. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

La première chose qui frappe à la lecture du tome des poètes, c’est la sympathie de l’auteur pour les « inspirés », et partant un dédain superbe des travailleurs, fait tout simple, d’ailleurs, et particulier aux critiques d’un certain âge, témoins enthousiastes des prouesses de l’inspiration, et tout ébahis en présence des œuvres de la nouvelle école, qui a, comme on sait, ce ridicule de penser que les beaux vers ne se font pas tous seuls et que les rimes pauvres n’entraînent pas fatalement la richesse des images ni même celle des idées. […] Roger de Beauvoir, avec ses Colombes et Couleuvres, recueil qui, pour quelques vers heureux disséminés çà et là, fourmille d’images incohérentes, d’idées avortées et de rimes pauvres. […] C’est vrai qu’il n’est pas davantage image, gracieux, profond, ou pénétrant, qualités qui sont mes préférées ; mais moi, qui me pique d’être conséquent, je ne considère pas M.  […] Vous y trouverez à profusion des images souvent réussies et toujours poétiques, des hardiesses parfois heureuses, et jamais vulgaires, le tout assaisonné et relevé par une certaine crânerie d’allure point du tout déplaisante.

1744. (1881) Le roman expérimental

Ils arrivaient avec la rébellion de la couleur, avec la passion de l’image, avec le souci dominant du rythme. […] Sans doute, ce n’est pas l’effarement superbe de Victor Hugo, le grossissement des antithèses, l’entassement des grands mots et des grandes images. […] Comme il possède le sens du réel, il reste frappé de cette scène, il en garde une image très intense. Les années peuvent passer, le cerveau conserve l’image, le temps ne fait souvent que l’enfoncer davantage. […] C’est injustement rapetisser notre ambition que de vouloir nous enfermer dans une manie descriptive, n’allant pas au-delà de l’image plus ou moins proprement peinturlurée.

1745. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Mais, quelle différence y a-t-il entre l’éloquence et le lyrisme, si d’ailleurs les mêmes « mouvements », et les mêmes « images », et les mêmes « qualités de langue » les caractérisent l’un et l’autre ? […] Ils ont eu besoin également d’un vocabulaire plus étendu : Quand, tâchant de comprendre et de juger, j’ouvris Les yeux sur la nature et sur l’art ; l’idiome, Peuple et noblesse, était l’image du royaume ; La poésie était la monarchie, un mot Était un duc et pair ou n’était qu’un grimaud ; et de ce que Victor Hugo dit dans ces vers célèbres, on en a vu plus haut la raison. […] On les trouve toutes les deux dans le roman de Balzac, Les Chouans, déjà, l’un de ses premiers romans, mais surtout Une ténébreuse affaire, Un ménage de garçon, César Birotteau, La Cousine Bette sont quelques-unes des plus vivantes images qu’il y ait de l’époque révolutionnaire, de l’Empire, de la Restauration, du gouvernement de juillet. […] Et qui ne voit ici que, de voyageur, ou, comme on dit, de touriste, en se faisant l’historien on le peintre des contrées qu’il parcourt, c’est comme s’il eût résolu de s’absenter de lui-même, pour y laisser se graver l’image de la nature, des monuments, et des lieux ? […] Thierry, son article sur le roman d’Ivanhoé]. — Pareillement les romans de Balzac. — Aucun historien n’a donné des guerres civiles du temps de la Révolution française une plus saisissante image que l’auteur des Chouans ; — il n’y a rien de plus « impérial », — on veut dire qui soit une plus vive peinture de la France du premier Empire, — qu’Une ténébreuse affaire [Cf. 

1746. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Je me permets d’autant plus volontiers une image si farouche, qu’assurément l’on ne peut rien se figurer de plus innocent que quarante personnages, graves et respectés, lesquels se constituent tout à coup en juges, bien impartiaux, de gens qui prêchent un nouveau culte opposé à celui dont ils se sont faits les prêtres. […] Une tête sans poudre lui rappelle les images sanglantes de la révolution française, premiers objets qui frappèrent son imagination royale, il y a trente-un ans. […] Pour faire des drames romantiques (adaptés aux besoins de l’époque), il faut donc s’écarter beaucoup de la manière de Shakspeare, et par exemple ne pas tomber dans la tirade chez un peuple qui saisit tout à demi-mot et à ravir, tandis qu’il fallait expliquer les choses longuement et par beaucoup d’images fortes aux Anglais de l’an 1600.

1747. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Ce que sa maîtresse lui aura dit en termes polis, il va le rendre grossièrement, il l’estropie ; plus il y avoit de délicatesse dans le compliment, moins ce laquais s’en tire bien : et voilà en un mot la plus parfaite image d’un mauvais traducteur. » Boileau paraît donc certifier, en quelque sorte, lui-même cette ressemblance, cet accord d’elle à lui, que nous indiquons. […] Mme de La Fayette était donc bien réellement du même groupe et comme du même Parnasse que La Fontaine, Racine et Despréaux ; et le petit récit suivant n’est que l’image un peu enfantine du vrai : « En 1675, dit Ménage, Mme de Thianges donna en étrennes une chambre toute dorée, grande comme une table, à M. le duc du Maine.

1748. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Horace, qui y trempait ses pieds enfant, devait la chanter un jour comme une des plus riantes images de sa mémoire. […] On croit lire les descriptions fabuleuses du Champ d’Asile, sous le ciel d’Amérique, vers lequel les derniers généraux de Bonaparte, en 1816, appelaient leurs soldats laboureurs par toutes les images de la fécondité de la terre et de la sérénité des cieux.

1749. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

M. de Chateaubriand était à ses yeux l’Esdras du vieux temple, temple reconstruit non en pierres, mais en images pour sa piété. […] Ne fût-ce que comme la belle image d’un beau rêve, on aime à rêver.

1750. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

J’écrasais mes contradicteurs par une profusion d’idées et d’images. […] Quoi qu’il en soit, l’Africain m’apparut sous les traits que je connaissais, moins pour l’avoir vu lui-même que pour avoir contemplé ses images.

1751. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Ces dogmes, les voici : Un Dieu unique ; Une triple essence en Dieu, la puissance, la sagesse, la bonté ; Le Dieu créateur de la nature ; Le Verbe, la Pensée, la Parole divine, en grec le Logos, modèle ou type de cette création ; Une hiérarchie de dieux secondaires créés et subordonnés au Dieu unique ; Ces dieux secondaires, ou ces anges, ces démons, ces esprits, chargés de diriger les astres et de présider aux phénomènes de l’univers ; Un fils de Dieu, qui est la lumière ; La pensée de Dieu se reflétant dans l’homme, qui est l’image de son Créateur ; La parenté de l’homme et de Dieu par la raison. […] Le type suprême et universel de ces idées, l’exemplaire primitif et sans autre exemplaire que lui-même de ces idées, c’est Dieu, idée par excellence, qui a tout imaginé et créé à son image, âme et matière, il porte en lui les essences, c’est-à-dire les qualités essentielles, fondamentales, de tous les êtres animés ou inanimés.

1752. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Ses nuits n’avaient que rêves ailés et gazouillements mélodieux ; les images de ses favoris hantaient sa pensée. […] Je retrouvais donc enfin, non il est vrai les êtres que j’aimais, et dont j’avais fait les compagnons de ma première enfance, mais leur image ressemblante.

1753. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

L’artiste spécial, pensant et disant ses sensations en son mode spécial d’art, ce ne sera pourtant pas le littérateur dégénérescent s’efforçant à donner avec des mots des images, avec des mots des musiques : folies qu’admet ou le virtuose tombé à la suprême décadence des impossibilités essayées, ou l’artiste dévié de sa voie naturelle et malgré soi y retournant. […] Richard Wagner, après une jeunesse adonnée aux erreurs des recherches incertaines, après une maturité féconde d’un progrès continu, entrant dans la sérénité d’une vieillesse vive de conscience, alors tout en le resplendissement des triomphes assurés et en l’expérience des efforts aboutis, parmi le calme d’un élargissement prodigieux de ciel, sous le ciel calme de son Bayreuth, avec la placidité grandiloquente de son âme fortifiée, instituait l’œuvre de longtemps songée ; dès les temps obscurs de ses erreurs, l’apparence était née en lui de cette œuvre du Parsifal, et pendant qu’il peinait en les ambitions de sa Tétralogie, de son Tristan, il suivait lointainement la grandissante image de son œuvre parfaite, enrichie chaque fois et muettement des trésors spirituels nouvellement acquis.

1754. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

non, on ne donnera pas l’image de la jeune fille, si on n’indique pas les troubles physiques qui la traversent, un instant. […] les gens raisonnables peuvent me dire : « Vous n’aviez qu’à placer les 200 000 que depuis dix ans vous avez mis en bibelots… » Mais si j’avais été raisonnable à leur image, est-ce bien sûr que j’aurais eu le talent, qui me les a fait gagner.

1755. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

» Puis il essuya ses yeux d’un revers de main. « Vous m’attendrissez », me dit-il, « avec ces images de père, de mère, de sœurs, plus encore qu’avec vos beaux vers bibliques. […] Ainsi, de piège en piège et d’abîme en abîme, Corrompant de vos mœurs l’aimable pureté, Ils vous feront enfin haïr la vérité, Vous peindront la vertu sous une affreuse image.

1756. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Quelle que soit la portée satirique de ces œuvres, — et quand on la réduirait à ce que toute peinture de mœurs enferme nécessairement de moquerie, puisque enfin nous ne sommes pas des anges, — ce sont des œuvres « populaires », où toute une classe de la société s’est fait comme qui dirait une littérature à son image, et dont elle s’amuse. […] Le Grand Testament, 169-224], — dont la sincérité nous est prouvée par la Ballade qu’il fit à la requête de sa mère. — Il a eu d’autre part le don de voir et de susciter aux yeux l’image des « choses vues » [Cf. 

1757. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

L’athanor 47 du laboratoire est une image fidèle de l’athanor universel. […] Rien de si voisin de la nature champêtre, pour le ton, le dialogue et les images, que Théocrite dont je préfère les rustiques Idylles aux belles Églogues de Virgile, comme je préfère le paysage de Téniers aux caravanes de Boucher.

1758. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Pour donner à Poe une idée du merveilleux insecte et de sa forme, Legrand essaya de le dessiner sur un bout de papier, mais quel ne fut pas l’étonnement des deux amis en apercevant que le scarabée dessiné donnait l’image exacte… d’une tête de mort ! […] Et, en effet, la raison a beau se débattre en ricanant, ce mystérieux scarabée, inconnu à toutes les classifications scientifiques, qui, gros comme une noix d’hickory, brille et pèse comme un lingot d’or pur ; cet insecte, peut-être diabolique, qui porte sur le dos et les ailes l’image d’une tête de mort, l’emblème de cette mort qu’il semble donner avec une piqûre ; l’analogie inexplicable de la figure tracée sur ses ailes avec cette autre tête de mort, clouée à la branche sèche du tulipier ; l’état de charme consumant dans lequel Legrand est tombé depuis qu’il a touché le scarabée, cet état qui n’est que le pressentiment, l’annonce intérieure, la soif qui révèle la source d’un trésor caché qu’il finit par découvrir aux pieds même de ce tulipier : tout cela saisit l’esprit, l’attire, le fixe, le harcèle, oh ne sait pourquoi !

1759. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Le psychologiste en question peut se faire, selon moi, l’application de l’image : si ingénieux qu’il soit comme observateur, il n’a qu’une science de reflets et de miroitements, et, avec cela, il n’est pas peintre. — (Voir La Fontaine, et comment pour l’étude de l’homme, pour la connaissance de l’esprit, il était loin de s’interdire l’observation des animaux et les comparaisons tirées de l’histoire naturelle, fable première du livre X.)

1760. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Image touchante, qui signifie qu’un guerrier manquant, un autre à l’instant se lève.

1761. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Ce prélat parla, ce me semble, assez bien de Marivaux ; il le loua d’abord, non pas tant pour ses écrits que pour son caractère : « Ce n’est point tant à eux, dit-il, que vous devez notre choix, qu’à l’estime que nous avons faite de vos mœurs, de votre bon cœur, de la douceur de votre société, et, si j’ose le dire, de l’amabilité de votre caractère. » En venant aux ouvrages, il s’exprime plutôt comme par ouï-dire, afin de n’avoir point, lui homme d’Église, à se prononcer directement en ces matières légères de roman et de théâtre : « Ceux qui ont lu vos ouvrages racontent que vous avez peint sous diverses images, etc.

1762. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Ils sont faciles, pleins d’images et d’harmonie ; et ce qu’il y a encore de bon, c’est que vous y joignez des plaisanteries du meilleur ton.

1763. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Et quelle plus belle image que celle du président Jeannin, de ce vieillard, comme on l’a dit, « si nécessaire au public, exercé par tant de rois, blanchi sous Henri le Grand, usé sous Louis le Juste », et qui nous apparaît jusqu’à la fin courbé, mais ferme, sous le fardeau des choses de l’État !

1764. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Sa mémoire est riche en images que son imagination embellit ; son discours est plein d’enthousiasme ; il ne récite pas, mais il peint.

1765. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Voilons une si déplorable image.

1766. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Il me paraît plein de gravité, d’énergie et d’images fortes, mais profondément tristes ; aussi je n’en lis guère, car il me rend l’âme toute sombre.

1767. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Mais aussi il y a un historien des plus heureusement doués dont le procédé est autre : il lit, il étudie, il se pénètre pendant des mois et quelquefois des années d’un sujet, il en parcourt avec étendue et curiosité toutes les parties même les plus techniques, il le traverse en tous sens, s’attachant aux moindres endroits, aux plus minutieuses circonstances ; il en parle pendant ce temps avec enthousiasme, il en est plein et vous en entretient constamment, il se le répète à lui-même et aux autres ; ce trop de couleur dont il ne veut pas, il le dissipe de la sorte, il le prodigue en paroles, en saillies et en images mêmes qui vaudraient souvent la peine d’être recueillies, car, plume en main, il ne les retrouvera plus : et ce premier feu jeté, quand le moment d’écrire ou de dicter est venu, il épanche une dernière fois et tout d’une haleine son récit facile, naturel, explicatif, développé, imposant de masse et d’ensemble, où il y a bien des négligences sans doute, bien des longueurs, mais des grâces ; où rien ne saurait précisément se citer comme bien écrit, mais où il y a des choses merveilleusement dites, et où, si la brièveté et la haute concision du moraliste font défaut par moments, si l’expression surtout prend un certain air de lieu commun là où elle cesse d’être simple et où elle veut s’élever, les grandes parties positives d’administration, de guerre, sont si amplement et si largement traitées, si lumineusement rapportées et déduites, et la marche générale des choses de l’État si bien suivie, que cela suffit pour lui constituer entre les historiens modernes un mérite unique, et pour faire de son livre un monument.

1768. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Prince de Scythie, incomparablement beau et valeureux, fidèle à sa princesse Statira et rival auprès d’elle ou même successeur d’Alexandre, il offre l’image d’un vrai chevalier et l’idéal d’un parfait galant.

1769. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Je me figure l’action de ce ministre passionné, violent et un peu convulsif dans la modération, par une image : le chardu gouvernement roulait sur la pente, à l’aventure, et menaçait de verser : il mit le bras en travers de la roue, se brisa lui-même, mais l’arrêta.

1770. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Guizot ignore-t-il que, dans une telle conjoncture, et par le seul fait d’un rapprochement avec Rome, le signe arboré sur la cité et sur l’église menacée ne serait pas la Croix pure et simple, et qu’il y aurait tout à côté l’image de la Vierge sous l’invocation de l’immaculée Conception ?

1771. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Ce n’est plus aujourd’hui devant César qu’il faudrait évoquer, comme l’a fait, cet ancien poète, l’image de la Patrie affligée, c’est devant les Pompéiens endurcis et incorrigibles.

1772. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Elle l’ennoblit, mais l’exalta, et fit de l’enfant une trop fidèle image de Fénelon, mêlée du prêtre et du sophiste, de l’écrivain surtout.

1773. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Lucrèce n’a pas traité des champs en particulier ; mais, dans son tableau de l’origine du monde et des premiers âges des sociétés (au livre Ve), il a cueilli les plus vastes images, il a tracé les plus larges cadres de l’époque rurale primitive, du bonheur naturel et des ébats champêtres auxquels se livraient les innocents agriculteurs au retour des printemps : Sæpe itaque inter se prostrati in gramme molli, Propter aquæ rivum, sub ramis arboris altæ, Non magnis opibus jucunde corpora habebant, Præsertim cum tempestas ridebat, et anni Tempora pingebant viridantes floribus herbas… Quelle ampleur de peinture et de langage !

1774. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Vous avez eu cette idée singulière, et vous osez l’exprimer comme vous l’avez eue ; non qu’elle soit belle et gracieuse, cette image de la guillotine sur un joli cou ; elle est affreuse, elle est laide (entendez-vous bien) et horrible, cette idée-là ; mais elle est dramatique, vraiment shakespearienne, et elle jaillissait assez naturellement, hélas !

1775. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Les localités, à défaut d’une carte précise qui les dessine, nous sont figurées en de vives images : Carthage, « galère ancrée sur le sable lybique », est soulevée, ballottée, et semble en péril aux moindres tempêtes.

1776. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

C’est l’offrande d’étrennes de cette année : Perrault l’année dernière et ses Contes de Fées illustrés par Doré ; cette fois Longus et sa pastorale à l’usage, non plus des enfants, mais des adolescents, — des adolescents un peu avancés, — et de tous ceux qui, las du présent, ennuyés des vulgarités ou des énormités de chaque jour, aiment à se reposer, de loin en loin, sur des images riantes.

1777. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Le nom, l’image de Raoul, lui restent cependant gravés au cœur : sa destinée plus tard en dépendra.

1778. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

La Grèce esclave et la Grèce héroïque, antiques évocations et modernes images, s’y associent ou s’y heurtent sans cesse, et l’ardeur, la soif vous en prend chemin faisant, comme au chantre voyageur lui-même.

1779. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Avec moi, la vivante image ou veille ou dort ; tantôt je la baise, ou je la renferme, ou je la reprends ; tantôt je me l’applique au cœur, tantôt aux yeux, comme un homme qui a perdu les sentiers de la raison.

1780. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

« J’embrasserai comme dans un tableau raccourci l’image entière du peuple romain », disait Florus au début de son Abrégé de l’histoire romaine.

1781. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Mon cœur se serrait, et, me voyant isolé, sans une âme où répandre le débordement de la mienne, sans qu’une espérance m’eût suivi jusque-là, je levais les yeux vers les hauteurs pour y chercher quelques traces chéries, des aspects connus, quelques images enfin à l’aide desquelles je pusse remonter mes souvenirs jusqu’aux heureuses journées de ma vie si tôt écoulées et rappelées en vain dans ma détresse.

1782. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Sainte-Beuve est mort cependant, ignorant la cause de son mal, la soupçonnant peut-être, l’indiquant même par de certaines comparaisons et images réelles, basées sur ses sensations douloureuses, dont la médecine et la chirurgie (qui se croient plus positives) ne tiennent pas assez de compte dans la bouche d’un littérateur, et disant un jour : « Vous verrez qu’on ne saura ce que j’ai que lorsqu’on m’ouvrira… après moi… » — Que si la recherche de la vérité a besoin d’excuse, la catastrophe du 13 octobre dernier pourrait en être une suffisante : mais je renverrai ces délicats, qui me reprocheraient la crudité trop pathologique de ces détails, en tête du premier livre posthume d’un écrivain mort peut-être pour n’avoir pas été assez exa miné à fond, au tome V, page 523 de Port-Royal, où M. 

1783. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Millevoye n’a pas l’invention du style, l’illumination, l’image perpétuelle et renouvelée ; il a de l’oreille et de l’âme, et, quand il dit en poëte amoureux ce qu’il sent, il touche.

1784. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

La religion chrétienne dominait les peuples du Nord, en se saisissant de leur disposition à la mélancolie, de leur penchant pour les images sombres, de leur occupation continuelle et profonde du souvenir et de la destinée des morts.

1785. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Aux fantaisies historiques d’Hotman sur la royauté élective et la souveraineté des Etats, il opposa la théorie de la monarchie française, héréditaire, absolue, responsable envers Dieu du bonheur public ; avec une nette vue de l’état réel des choses, il vit dans l’Etat la famille agrandie, et dans l’absolutisme royal l’image amplifiée de la puissance paternelle.

1786. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

C’est lui qui se met à imaginer des causeries, la nuit, entre les deux petits lits — presque deux berceaux — de Mamette et de son homme ; c’est lui qui trouve, en regardant bien, que les deux vieillards se ressemblent, et qui entrevoit dans leurs sourires fanés l’image lointaine et voilée de Maurice ; c’est lui enfin qui écrit étourdiment : « A peine le temps de casser trois assiettes, le déjeuner se trouve servi. » Comment !

1787. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Il bafoue, avec la retenue qui sied et le discret dédain du bon ton, la faillite frauduleuse de l’idéalisme, étalée devant lui par un imprudent auteur, et il ne voudrait pas accepter de « l’artiste » détesté, une autre image.

1788. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Un sentiment exquis de la nature lui fournissait à chaque instant des images expressives.

1789. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Pascal, qui avait si bien pénétré l’homme dans sa grandeur et dans sa misère, et qui, en son âme ardente, s’était représenté plus d’une fois sans doute les vives images de l’ambition politique, a écrit, comme pour s’en dégoûter : Prenez-y garde !

1790. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

C’est l’image veritable de ce qu’on vit arriver dans cette guerre où les conquerans furent surpris eux-mêmes de leurs propres succez.

1791. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Seulement, ce ne serait pas un poète rose comme Little Moore, qui chantait l’amour et ses beautés visibles ; c’est, lui, un poète noir, qui chante ses épouvantes de l’invisible et qui nous les fait partager… Ce jeune homme, sombre comme Manfred et comme la nuit dont son cœur est l’image, s’appelle Maurice Rollinat.

1792. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Madame de Manteigney n’est qu’une planète d’un petit monde, image du grand, qui tourne autour d’une source comme autour de son axe.

1793. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Toutes ces œuvres, pour n’être pas rimées, n’en ont pas moins une poésie charmante, si, par ce nom, l’on entend le don d’exprimer d’une manière rare des idées, ou de décrire des paysages au moyen d’images choisies ; et aussi, selon la belle expression de Diderot : tout ce qu’il y a d’élevé, de touchant dans une œuvre d’art, dans le caractère ou la beauté d’une personne ou même dans une production naturelle.

1794. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

S’il se porte à des figures plus hardies, elles sont suivies, raisonnables, tirées d’objets ordinaires, préparées de loin, sans rien qui puisse étonner ou choquer, simples effets d’une éloquence passionnée, simples moyens oratoires, au même titre que les raisonnements et les faits : « La religion de Pascal, dit-il, n’est pas le christianisme des Arnaud et des Malebranche, des Fénelon et des Bossuet ; fruit solide et doux de l’alliance de la raison et du cœur dans une âme bien faite et sagement cultivée ; c’est un fruit amer, éclos dans la région désolée du doute, sous le souffle aride du désespoir. » Telle est l’imagination de l’orateur, bien différente de celle de l’artiste, qui est brusque, excessive, aventureuse, qui se plaît aux images nouvelles, qui frappe et éblouit le lecteur, qui se hasarde parmi les figures les plus rudes et les plus familières, qui ne se soucie pas d’élever, par des transitions ménagées, les esprits jusqu’à elle, et dont la folie et la violence mettraient en fuite l’auditoire que l’orateur doit se concilier incessamment pour le retenir jusqu’au bout.

1795. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

On se corrige des métaphores excessives, on fuit les images hasardées, on diminue le nombre des mots familiers, on commence à n’employer que les termes généraux.

1796. (1929) La société des grands esprits

Rodin multiplie les images ingénieuses pour justifier les contreforts et les arcs-boutants : ce sont les rames de la nef, les ailes de l’oiseau, les amis qui se pressent pour soutenir Moïse en prière. […] Mais d’un bout à l’autre, son livre évoque des images enchanteresses et des sujets de méditation presque infinis. […] Dieu nous avait créés à son image, d’où notre grandeur. […] Cette image de Goethe retournant à l’école et subissant docilement la férule de Schiller a quelque chose d’irrésistiblement comique. […] Bergson pour l’intelligence et pour l’abstraction, qui est l’opération intellectuelle fondamentale, le réduit à user d’images aussi chimériques, sous peine de nier radicalement toute possibilité de science et de philosophie.

1797. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Nous écrivons de savantes revues sur de médiocres ouvrages, de grands feuilletons sur de bien petites pièces, nous nous racontons à nous-mêmes jour par jour notre mesquine vie, semblables en cela aux femmes qui se regardent d’autant plus assidûment au miroir qu’il leur renvoie une image moins rassurante. […] On écrit trop l’histoire avec des images sans songer que l’image n’est utile que pour incarner une vérité. […] Si après avoir médit des images, j’osais m’en permettre une, je l’emprunterais à la langue de notre sport moderne, et je dirais que dans la grande course au clocher que fournissent les historiens révolutionnaires, c’est là l’obstacle où je les attends. […] Prendre des mots honnêtes en eux-mêmes pour défendre une bonne cause, et les accoupler habilement sous sa plume de façon à présenter des images offensantes, me paraît le dernier terme de la dépravation littéraire. […] Victor Hugo lui-même de poursuivre cette image.

1798. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Ce qui se passe entre l’assassinat de Caïus et l’élection de Claude, est une image fidèle de la perplexité des esclaves, lorsqu’ils se sont affranchis par la révolte. […] Cassius Longinus a placé l’image de Cassius parmi celles de ses ancêtres ; il mourra. […] Tous les bustes de Sénèque m’ont paru médiocres ; la tête de sa figure au bain est ignoble : sa véritable image, celle qui vous frappera d’admiration, qui vous inspirera le respect, et qui ajoutera à mon apologie la force qui lui manque, elle est dans ses écrits. […] La curiosité du voyageur est la même ; mais les sentiments qu’il éprouve sont bien différents : ici il voit l’image de la vertu ; dans cet endroit, il erre au milieu des spectres du crime ; il plaint et bénit le philosophe, il maudit le tyran. […] Ou je me trompe, ou c’est là une des plus fortes et des plus terribles images de l’enthousiasme populaire.

1799. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Chez les écrivains de cette fin du xixe  siècle, l’image vient après la pensée, pour en déguiser sous un oripeau l’insignifiance ou la vulgarité. […] Je songeais à ce que la science d’un tel homme, sa puissante méditation, auraient donné de corps au fantôme oratoire de l’illustre avocat ; combien cette image de la liberté moderne, demandant à l’antique royauté son contrepoids et sa garantie, aurait eu grand air devant nos institutions de circonstance et d’expédients, nées de cette idolâtrie du droit sans devoir, où nous a amenés l’habitude de tout recevoir de l’État, sans lui rien donner ! […] Votre style est à l’image de votre conduite. […] Dans le tableau qu’il nous traçait du mouvement des transactions entre les deux pays, nous avions à la fois une statistique saisissante de leurs besoins économiques et une image de leurs mœurs. […] Que le père qui a craint pour la vie d’un enfant se remette en mémoire les nuits passées au chevet du malade, l’agitation sans trêve des journées, les heures longues comme des jours, et certaines minutes éternelles ; qu’il se souvienne, s’il l’ose, de ses craintes insensées, de ses attentes insupportables, de l’impuissance de sa raison dans les angoisses de sa chair ; voilà l’image de mon douloureux amour pour mon pays.

1800. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

D’autres auteurs, le Comte Albert du Bois, Maurice de Waleffe font revivre l’antiquité par des ouvrages comme Leuconoë ou le Peplos vert, constellés d’images magnifiques et voluptueuses. […] Par contre, aux poètes encore vacillants de la « Jeune Belgique » qui commencèrent d’écrire entre 1880 et 1885, les théories parnassiennes offraient un asile des plus tentants ; le dogme des mots colorés, des formules luxueuses, des images richement ciselées séduisait leur penchant pour la peinture naturaliste : aucun ne résista. […] Ils sont tous les deux de gigantesques forgerons d’images, de prodigieux évocateurs et leurs vers ressemblent parfois à des chevauchées fantastiques éclairées de foudroyantes visions. […] Aux images intrépides et rutilantes, aux transports véhéments, correspond un rythme heurté, plutôt irrespectueux de la syntaxe (nous avons noté, à cet égard, dans les derniers livres, un changement appréciable), qui permit à Giraud d’accuser, certain jour, spirituellement, Verhaeren de « mener la danse du scalpel autour de la grammaire ». […] Sa prose ondule en un rythme admirable et d’innombrables images s’y déploient.

1801. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Ce n’est ni dans les dictionnaires du passé, ni dans ceux des langues étrangères qu’il va chercher les moyens de rendre l’image qui est empreinte dans son cerveau ; c’est dans le seul répertoire de nos grands écrivains qu’il trouve pour peindre ses tableaux, charmants surtout par la fidélité, toutes les couleurs jusqu’aux nuances les plus délicates ; comme sa pensée est toujours nette, d’un contour très arrêté, il n’a pas besoin d’artifices de langage pour en dissimuler les imperfections ; il la montre franchement, telle qu’elle est, sans trop de souci de son vêtement, parce qu’il sait que sa structure est impeccable. […] M. de Maupassant perçoit des images instantanées ; en un clin d’œil il a reçu une impression qui ne semble au premier abord qu’un aspect de l’objet reproduit : regardez de plus près, prenez une loupe, vous retrouverez dans ce que vous considériez comme un simple croquis, tous les détails de la nature avec leur mouvement et leur charme. […] Évidemment, dès le premier jour où l’on vit afficher, sur les murs de Paris, une image de mon roman représentant une scène assez vive, que je n’avais d’ailleurs pas choisie, il y eut un effarement général, on crut que ce livre dont l’affiche ne représentait qu’une scène épisodique, n’était fait que de scènes demi-galantes. […] Nous avons été admis à l’honneur de voir et de feuilleter les lettres, les albums sur lesquels Victor Hugo écrivait au jour le jour les impressions, les images qui étaient venues se refléter dans son esprit, et qu’il reproduisait, soit en écrivant, soit en dessinant, avec la plus-value de son génie. […] Un peu hésitant devant la sévérité du sujet, le lecteur, dès qu’il aura ouvert le livre, sera pris par une réelle intensité d’intérêt et lira ces poèmes tout parfumés de l’air des siècles passés, sentant s’élever son esprit devant les images évoquées.

1802. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Ajoutons que nul mieux que lui ne sait nous apporter dans un livre l’image de ce paysan qui ne ressemble à aucun autre, et le parfum salé de l’Océan, sa véritable patrie. […] Parfois l’esprit s’arrête effrayé devant une description, une image qu’il croit le chaos et qui n’est peut-être, après tout, qu’un morceau sublime. […] Quand on a fermé celui-ci, on reste longtemps sous l’impression reçue, et de sa lecture résulte pour l’esprit tout un réveil d’images et de sensations qui n’en est pas le moindre mérite. […] Cette fois, il prend lui-même de la boue entre ses doigts ; il la modèle à son image et à sa ressemblance ; il souffle sur la face de l’esprit de vie, et l’homme est. […] Avait-elle réussi à chasser de son cœur l’image qui l’avait envahi tout entier ?

1803. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Partout elle est présente en cette œuvre d’agrément et de perdition ; l’écho du théâtre a gardé les enchantements de cette voix divine ; les trumeaux de ces salons, disposés pour la société du grand siècle, ont conservé le profil incertain de cette image et le charme piquant de son sourire. […] Pantalon ; elle trouvait que Colombino était faite à son image ; elle parait son boudoir du portrait de M.  […] Je ne sais pas pourquoi cette image à la Falstaff, ce capitaine Paroles me revient en mémoire, à propos de comédie et de comédiens, mais puisqu’il est là, qu’il y reste ! […] Quelle image plus ressemblante, enfin, de l’affranchie, de la courtisane, de ces beautés que l’on voit de toutes parts, quotidianarum formarum , comme dit Térence ! […] Telle est la comédie, et tel est le monde, son image !

1804. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Dans ses portraits de femme, il ne manque jamais de mettre un signe, un pli, une ride, une plaque rose, un coin attendri et fatigué, une veine trop apparente, quelque détail indiquant les meurtrissures de la vie, qu’un poëte, traçant la même image, eût à coup sûr supprimé, à tort sans doute. […] Il y avait là du style, de l’éloquence, de la poésie, de l’originalité, de la profondeur, des images neuves, des pensées hardies, mais un peu gâtées, il faut en convenir, par un enthousiasme haletant qui ne posait jamais le pied sur terre, une ardeur fébrile, désordonnée, débordant par-dessus la forme et impossible à maîtriser. […] A la parole de Philoxène, les images les plus singulières défilaient devant les yeux et faisaient vivre avec sa pensée, sa forme et sa couleur, l’auteur qu’il interprétait. […] Mais ce n’étaient là que des jeux, et il avait un style à lui, rapide, élégant, plein de traits, résumant les questions par une raillerie ou une image dont il eût pu se servir pour de nombreux volumes, mais qu’il préférait éparpiller en quelques courts articles, en quelques pages exquises que trop souvent il égarait ou brûlait. […] Sa facture un peu laborieuse et compliquée vient de la difficulté de réduire à la forme métrique des idées et des images non exprimées encore ou dédaignées jusque-là ; mais que de morceaux merveilleusement venus où l’effort n’est plus sensible !

1805. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Un cabinet de travail, entouré de planches peintes en noir, chargées de gradus de collège, de livres de théologie poudreux, avec, sur une chaise, un tableau de mathématique, avec, au mur, une chronologie : une grande image, où du sein d’une femme sort un arbre, dont les rameaux portent, au milieu de guirlandes de lauriers, les médaillons des rois de France, — le tout encadré dans une bande d’étoffe à losanges rouges et blancs. […] Mais, j’ai beau l’évoquer, les nuits sont vides de lui, de son souvenir, de son image. […] Instinctivement je repousse le volume d’images, et dehors aussitôt, je me mets à courir derrière ceux qui courent. […] Le grandiose et excitant spectacle, que cette image de la guerre, étalée dans ce jardin de plaisance, au milieu de ces parterres, au milieu de ces orangers, au milieu de ces statues de marbre, aux piédestaux desquels s’accrochent aujourd’hui des sabres et des manteaux d’ordonnance. […] Une expression et une image, nées du siège.

1806. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Tout individu a un penchant inné à modeler le monde à son image autant qu’il peut. […] Et il ne la trouva point ni ne la créa, image, encore, et plus que jamais, de son siècle, qui fut à la fois le plus ardent à penser, et le plus radicalement incapable de fonder un pouvoir spirituel ou seulement une organisation intellectuelle. […] Le prêtre de Némi est l’image, un peu cruelle, du progrès humain. […] Les païens faisaient la nature tout humaine ; ils la créaient à leur image, autrement dit, ils la voyaient avec leurs yeux. […] Le paganisme était un naturalisme anthropomorphique, et voici que paraît une anthropologie naturaliste ; voici qu’on ne fait plus la nature à l’image de l’homme, mais l’homme sur le modèle de la nature.

1807. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Et pour suivre la même image, l’humble aîné, toujours vivant, se serait présenté après le décès de l’illustre cadet et aurait simplement repris ses droits au patrimoine. […] Ou, si vous me permettez une autre image, il y aurait eu, à un certain moment, vers le ixe  siècle (et en ce qui est de la langue), un grand lac commun universel, couvrant toute l’Europe méridionale et presque toute la France ; et ce ne serait que par une sorte de dessèchement graduel que se seraient formés ensuite les différents lacs séparés, c’est-à-dire les idiomes distincts.

1808. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Si je me montrai alors bas et dissimulé, ce fut donc par excès d’amour, et il faudra bien que celui qui rira de moi reconnaisse en moi son image. […] Ainsi vivions-nous dans cette villa, où nous ne recevions qu’un très petit nombre de nos amis de Florence, et rarement encore, de peur d’éveiller les soupçons de cette tyrannie militaire et avocatesque, qui, de tous les mélanges politiques, est le plus monstrueux, le plus ridicule, le plus déplorable, le plus intolérable, et qui ne s’offre à moi que sous l’image d’un tigre guidé par un lapin.

1809. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

« Son image, en mon âme attendrie, éveille encore un vague émoi » (22)48. […] Elle serait cependant utile et intéressante ; car elle donnerait au moins une image sincère et complète d’une des faces du drame.

1810. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Détail épique qui met l’image d’un vers d’Homère dans une phrase d’Hérodote. […] C’est l’image de la Victoire de Platée, quittant à la hâte son champ de bataille, pour aller s’abattre sur la plage glorieuse de Mycale.

1811. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Au bout de quatre ou cinq phrases, dites avec le ton suprême des journalistes du grand monde, je le trouve agaçant à l’image de son journal. […] Il lui a demandé de se laisser mouler les deux mains dans la pose, pour en donner une plus réelle et vivante image.

1812. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Mercredi 19 août Dans le voyage en bateau à vapeur, le long des berges du lac des Quatre-Cantons, à chaque crique, à chaque débarcadère, toutes ces estacades, tous ces balcons, toutes ces avances, toutes ces balustrades, que peuplent au milieu de plantes grimpantes, des voyageuses accoudées dans des mouvements de grâce, — toutes ces légères architectures de bois, le pied dans l’eau, portant des fleurs et des femmes, me semblaient dérouler devant moi, les images d’un album japonais, les représentations de la vie au bord de l’eau de l’Extrême-Orient. […] Cela ferait une assez belle image, dans un bouquin supérieur.

1813. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Aujourd’hui que les questions de subsistance, les questions du vivre et de l’économie, priment la question d’honneur dans une société dont l’âme a passé dans le ventre, ce dernier refuge de l’image de Dieu dans les sociétés matérialistes, il faudrait encore du bas de ces questions comprendre la Saint-Barthélemy comme on la comprend du haut des questions spirituelles, à présent délaissées. […] Luther et Calvin, ces deux faces du monstre bicéphale de la Réforme, — car Henri VIII, le cuistre sanglant, n’est qu’un Luther portant couronne, — c’est la pléthore de Luther, la pléthore de sa chair, de son orgueil, de sa lubricité, de tout son être, excepté de son génie ; — Luther et Calvin, l’Homme rouge et l’Homme pâle, pour emprunter à l’Apocalypse, en parlant de ces deux fléaux, le saisissant de ses images, sont les derniers jumeaux de cette ventrée de rebelles que l’Humanité portait depuis tant de siècles et mettait bas, à certains jours.

1814. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

s’écriait-il dans les moments de solitude, on les appelle doux et tendres, et, de telle façon qu’ils soient, je les déclare durs et amers… L’image des plaisirs innocents de l’enfance retrace un temps qui nous rapproche de celui où nous n’existerons plus.

1815. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

En examinant les traits de leurs images, elle se rappelait les traits de leurs actions, et elle se remplissait avec eux des nobles idées de la grandeur romaine.

1816. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Et il cite à quelques pages de la lettre du général Bonaparte à Villetard, dans laquelle il est dit des bavards et des fous, à qui il n’en coûte rien de rêver la république universelle : « Je voudrais que ces messieurs vinssent faire une campagne d’hiver. » Traversant avec Bonpland les forêts de l’Amérique centrale et rencontrant dans une mission écartée un curé théologien qui se mit à les entretenir avec enthousiasme du libre arbitre, de la prédestination, et de ces questions abstruses chères à certains philosophes, Alexandre de Humboldt, en sa relation, ajoute : « Lorsqu’on a traversé les forêts dans la saison des pluies, on se sent peu de goût pour ce genre de spéculations. » Faire une campagne d’hiver, ou traverser les forêts vierges dans la saison des pluies, double recette pour se guérir ou de la fausse politique ou de la vaine métaphysique ; c’est la même pensée de bon sens rendue sous une image différente, et je me suis plu souvent à rapprocher les deux mots.

1817. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Elle se moque d’une de ces critiques qui porte à la fois sur la conduite d’Hélénus, d’Hector et de Diomède, qu’Homère donne pour sages et qui, au moment même, se seraient emportés comme des imprudents : « Voilà un beau coup de filet pour M. de La Motte, dit-elle assez gaiement, d’avoir pris en faute trois héros d’Homère tout à la fois. » Quand elle en vient au travestissement en vers qu’il a donné de l’Iliade, elle en fait ressortir tout le chétif et l’indignité ; elle montre très bien, par exemple, que les obsèques d’Hector, exposé sur un lit dans la cour du palais, avec l’entourage lugubre des chanteurs et les gémissements de tout un peuple de femmes qui y répondent, sont devenues chez M. de La Motte quelque chose de sec et de convenu : « On croit voir, dit-elle, un enterrement à sa paroisse. » Mais ces traits d’esprit, que Mme Dacier oppose à ceux de l’adversaire, se mêlent trop d’images, de comparaisons et de citations qui juraient avec le goût moderne.

1818. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Tous ces souvenirs servent à fixer l’image de Maucroix, et le recommandent dans l’avenir.

1819. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Sayous) nous fait voir Henri III juge délicat des choses de l’esprit : Henri III savait bien dire quand on blâmait les écrits qui venaient de la cour de Navarre de n’être pas assez coulants : « Et moi, disait-il, je suis las de tant de vers qui ne disent rien en belles et beaucoup de paroles ; ils sont si coulants que le goût en est tout aussitôt écoulé : les autres me laissent la tête pleine de pensées excellentes, d’images et d’emblèmes, desquels ont prévalu les anciens.

1820. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Granet, dont c’était le genre, lui dit un jour : « Laissez donc ces tableaux de murailles pour les gens qui ne savent pas faire la figure. » La figure humaine, cette figure d’un être que l’Écriture nous apprend avoir été fait à l’image de Dieu, avec sa grandeur, sa noblesse, sa force, sa grâce, et surtout sa gravité et sa tristesse, c’est en effet le triomphe de Léopold Robert : il s’y est consacré et consumé.

1821. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

» Enfin il revient sur l’importance capitale dont serait cette victoire, selon lui facile, qui déconcerterait la coalition et arrêterait les souverains ennemis tout net ; il le dit en des termes plus crus et en une image parlante. — Notez que du moment que Montluc a commencé de parler, il n’a plus pour contradicteur que M. de Saint-Pol.

1822. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Le jour où Charron a ainsi emprunté à Montaigne, et en propres termes, cette délicieuse et inoubliable image pour la mettre couramment au beau milieu de son texte, il a été bien modeste, et il a donné pour jamais, devant le monde et devant la postérité, sa mesure comme écrivain, sa démission comme auteur original.

1823. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Le poète dans ces sonnets imite habituellement Pétrarque, et par endroits avec fraîcheur et sentiment ; il y a des expressions heureuses, de ces images qui enrichissent la langue poétique : Sur le métier d’un si vague penser Amour ourdit les trames de ma vie.

1824. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

C’est tout le contraire qu’il faut dire : on y retrouve une manière d’exposition plus générale qu’il n’est habituel à Rohan ; il y a aussi plus d’images dans le style, plus de littérature, si je puis dire, et quantité d’expressions et de locutions qui ne sont point et ne peuvent être de lui.

1825. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Certainement ce don lyrique, entre ses dons divers, il ne l’avait pas ; poète charmant, vif, inimitable dans la raillerie, pathétique même par accès et sensible par éclairs, il n’avait ni la splendeur des images, ni la magnificence du ton, ni ce que l’antique Pindare a appelé « la pure clarté des muses sonores ».

1826. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Cette image vous choque : déplaçons le point de vue.

1827. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Il m’était impossible de dormir : l’image de ce malheureux monarque était sans cesse devant mes yeux.

1828. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

. — La société est idiote quand elle n’est pas frénétique, — cette pauvre société idiote qui s’en va à la Morgue en passant par la Salpêtrière. » C’est lui qui dit ces choses, et on peut imaginer quelle perspective lui composent ces belles images.

1829. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Sous l’empire de cette fantaisie lugubre, l’arrière-petit-fils de Charles-Quint, comme s’il eût voulu remonter tout le cours de sa race, se fit ouvrir les cercueils : celui de la reine sa mère qui fut ouvert le premier ne fit pas sur lui grande impression ; mais quand ce fut le tour de sa première femme, de cette jeune reine qu’il avait tant aimée, quand il revit ce visage altéré à peine et sa beauté encore reconnaissable à travers la mort, le coeur lui faillit, il recula en disant : « J’irai la rejoindre bientôt dans le Ciel. » — Et cette image suprême ne dut pas être étrangère à sa pensée, quand, peu après, lui le haïsseur des Français, il fit son testament en faveur de la France.

1830. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Au reste, je le répète, le germe de cette pensée est dans Tertullien que Bossuet lisait beaucoup et dont il a tiré plus d’une pensée saillante ou d’une image.

1831. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Dans cette même comédie de l’Eunuque, le frère cadet de Phédria, l’aimable Chéréa, est bien l’image du naïf et bouillant jeune homme à son premier amour.

1832. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Un moraliste à la façon de Nicole les a très-bien définis en ces mots : « Ce sont des esprits trop remplis d’eux-mêmes et des images présentes qui les occupent, pour pouvoir s’ouvrir et faire place en eux à d’autres idées que les leurs, et surtout quand il s’agit d’admettre et de comprendre les choses du passé. » De ces esprits exclusivement voués au monde moderne, aux impressions actives de chaque jour, et qui ne sauraient s’en déprendre, il en est, d’ailleurs, je le sais, de bien fermes et, à tous autres égards, d’excellents.

1833. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Sa ligne de conduite à la Chambre, du moment qu’il y fut entré sous Louis-Philippe en 1834, jusqu’en février 1848, fut d’un homme vraiment nouveau qui ne se rangeait sous le drapeau d’aucun des anciens partis et qui cherchait à en former un à son image, ce à quoi il n’a pas encore réussi.

1834. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Marie-Thérèse, dans ses lettres à sa fille, a toujours soin de dissimuler le jeune parti autrichien ardent, et de présenter une Autriche à son image, ayant les mêmes intérêts que la France, les mêmes inclinations, les mêmes ennemis naturels, bien différente en cela de la Prusse et de la Russie, qu’elle confond volontiers dans une « réprobation commune » : « Qu’on ne se flatte pas sur cette dernière, dit-elle en parlant de la Russie et de l’impératrice Catherine ; elle suit les mêmes maximes que le roi (de Prusse), et le successeur (Paul Ier) est plus Prussien que ne l’était son soi-disant père (Pierre III), et que ne l’est sa mère qui en est un peu revenue, mais jamais assez pour rien espérer contre le roi de Prusse, pas même des démonstrations : très-généreuse en belles paroles qui ne disent rien, ou, selon la foi grecque : Græca fides.

1835. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Je ne concevrai jamais, je l’avoue, par quel procédé de l’esprit l’on peut arriver à donner à la moitié de ses facultés le droit de proscrire l’autre : et si l’organisation morale pouvait se peindre aux yeux par des images sensibles, je croirais devoir représenter l’homme employant toutes ses forces sous la direction de ses regards et de son jugement, plutôt que se servant d’un de ses bras pour enchaîner l’autre.

1836. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Quelle que soit la cause interne, la nature essentielle, tous ces mots expriment des faits, et le vulgaire les comprend : Rabelais donc en use sans crainte, largement, n’ayant souci que de tout voir et de tout dire, allant avec toutes les images du langage à toutes les apparences de la vie.

1837. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Le roman, qui n’avait pas à figurer les choses, mais à suggérer l’image des choses, n’était pas limité de ce côté dans sa puissance, et ce fut encore une raison de la prépondérance qu’il prit.

1838. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Il y en a de toutes sortes, de toute origine et de toute qualité : hommes et femmes, civils et militaires, soldats et généraux, c’est à qui nous rendra, plus ou moins complète ou frappante, l’image de l’Empereur et de son immense aventure.

1839. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

On peut dire que l’image totale de la terre est obscurément évoquée par chaque paysage de Loti ; car chaque paysage ne nous retient que parce qu’il nous est nouveau et que nous le sentons séparé de nous par des espaces démesurés.

1840. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

Qui me ferait agir — hors, peut-être, les cas de violence mécanique — si ce n’est moi-même, mes sentiments et mes idées, mes impressions, mes images et mes perceptions ?

1841. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Le divin Sphérus d’Empédocle, où tout existe d’abord à l’état syncrétique sous l’empire de la [en grec], avant de passer sous celui de la Discorde, [en grec] (analyse), offre une belle image de cette grande loi de l’évolution divine.

1842. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Le nom de Tacite se présente ici naturellement avec l’image de Tibère s’enfermant dans l’île de Caprée ; mais le récit de Tacite est d’un caractère à la fois plus atroce et plus grand.

1843. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Il pense « que c’est le fait de la faiblesse humaine que de chercher l’image et la forme de Dieu ».

1844. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Droz m’ont paru comme une image qui repose, et qu’il était bon de rappeler.

1845. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

tâchons de le rehausser en discours, d’en prolonger l’image et le jeu.

1846. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

À vingt-quatre ans, l’abbé Gerbet annonçait un talent philosophique et littéraire des plus distingués ; en Sorbonne, il avait soutenu une thèse latine avec une rare élégance ; il avait naturellement les fleurs du discours, le mouvement et le rythme de la phrase, la mesure et le choix de l’expression, même l’image, ce qui, en un mot, deviendra le talent d’écrire.

1847. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Les images sont vives, les expressions puisées au vrai fond de la langue.

1848. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

N’est-ce pas là une comparaison qui, par la douceur de l’inspiration et la largeur de l’image, rappelle tout à fait les comparaisons homériques de l’Odyssée ?

1849. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Je ne le crois pas, et l’on peut déjà s’en apercevoir : la poésie des Méditations est noble, volontiers sublime, éthérée et harmonieuse, mais vague ; quand les sentiments généraux et flottants auxquels elle s’adressait dans les générations auront fait place à un autre souffle et à d’autres courants, quand la maladie morale qu’elle exprimait à la fois et qu’elle charmait, qu’elle caressait avec complaisance, aura complètement cessé, cette poésie sera moins sentie et moins comprise, car elle n’a pas pris soin de s’encadrer et de se personnifier sous des images réelles et visibles, telles que les aime la race française, peu idéale et peu mystique de sa nature.

1850. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Personne n’admire plus que moi la beauté des fresques évocatrices de Leconte de Lisle, personne autant que moi n’admire chez Banville un magnifique poète et un conteur presque unique dans toute littérature, car je ne connais qu’Edgar Poe dans une couleur d’images différente, pour avoir fait tenir dans quelques volumes de contes brefs autant de vie et autant d’idées.

1851. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Ce sont les mémoires de tout un monde, mais de tout un monde réfléchi dans un homme qui nous en renvoie l’image, en la teignant de ses propres sensations.

1852. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Cette création d’Éloa, qui, dans l’avenir, sera l’étoile centrale de la couronne poétique de Vigny, je l’ai dit déjà, c’est l’âme même qui l’a créée et qui se mire en cette image !

1853. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Ses grands politiques, les Palmerston, les Richard Cobden, les Pitt, ses grands savants, les Newton, les Darwin, les Herschel, ses grands poètes, les Robert Burns, les Shakespeare, les Chaucer et les Milton, ses grands inventeurs, ses premiers rois, ses réformateurs et ses philosophes, en un mot tous ceux qui ont lentement pétri l’âme anglo-saxonne dorment ici côte à côte ou revivent dans une image.

1854. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Dans quel ordre, avec quelle intensité, selon quelle proportion les images et les idées s’enchaînent-elles dans son cerveau ?

1855. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Tout jeune homme de lettres devrait avoir cette image devant les yeux, pour en recevoir le courageux conseil de faire son œuvre à travers son métier. […] La vie a déposé en lui des images qui ressuscitent par un travail instinctif et spontané du souvenir. Il copie ces images, et il croit devoir s’en excuser en arguant que son témoignage permettra de mieux comprendre des événements dont il considère qu’ils sont importants. […] Ils ont donc, — je continue l’image médicale de tout à l’heure, — assemblé les éléments d’un diagnostic, fondé non pas sur leurs préférences, non pas sur l’opinion de leurs concitoyens, mais sur des observations vérifiées. […] Il y voyait l’image de l’homme, acculé, s’il veut se développer, à sa force individuelle.

1856. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Et cette Église encore n’était que le vestibule et l’image de la véritable Église, de l’Église céleste, vers laquelle se portaient mes regards et mes espérances. […] Jacob, qui sert Laban pour épouser Rachel, est ton image. […] Ne prends sur la terre de l’amour que ce que tu peux en prendre là, une image, une ombre.

1857. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

* * * — Le consommateur fait les gens qui le servent à son image. […] Mais c’est dans la vue compréhensive des images qu’il est surtout extraordinaire. […] Aux côtés de la cheminée, une mauvaise aquarelle, le portrait d’une langoureuse et maladive Anglaise, que Flaubert a connue à Paris, dans sa jeunesse, et puis encore des dessus de boîtes, à dessins indiens, encadrés comme des gouaches, et l’eau-forte de Callot, une Tentation de saint Antoine : les images conseillères du talent du Maître.

1858. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

On y apprend cette vieille France racontée dans son propre langage, avec ses propres images, ses plaisanteries de circonstance ou ses énergies naïves, et toutes ses couleurs familières, et non traduite dans un style modernisé.

1859. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Même après les avantages, on laisse souvent l’ennemi se retirer en bon ordre : « Il aurait été difficile de l’entamer, dit-il d’une de ces premières marches prussiennes dont il est témoin ; à la vérité nous n’étions pas entamants. » À une première affaire où il s’agit d’occuper une crête de hauteur, il y arrive avec son monde en même temps que l’ennemi : « Nous eûmes un moment de flux et de reflux comme au parterre de l’Opéra. » Cette image lui vient tout naturellement comme à une fête.

1860. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Joinville, en y débarquant, trouve encore à s’émerveiller quand il voit les grandes provisions, tant de vins que d’orge et de froment que le roi y a amassées ; il a des images pittoresques pour nous les faire voir en passant.

1861. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Quand on demande à Bourdaloue ces traits, ces lumières du discours qui lui manquent, et qu’on lui oppose sans cesse Bossuet, je crains qu’on ne fasse une confusion, et que Bossuet ne soit là que pour cacher Chateaubriand, et pour signifier, sous un nom magnifique et plus sûr, ce genre de goût que l’auteur du Génie du christianisme nous a inculqué, je veux dire le culte de l’image et de la métaphore.

1862. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Enfin il se donne bien de la peine pour s’expliquer une chose très simple ; il n’était pas de ceux à qui l’image arrive dans la pensée, ou chez qui l’émotion lyrique, éloquente, éclate et jaillit par places dans un développement naturel et harmonieux.

1863. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Mais, regret ou non, il en faut prendre son parti, et, comme l’a dit il y a longtemps Euripide (c’est bien lui en effet qui l’a dit, et non pas un autre) : « Il n’y a pas à se fâcher contre les choses, car cela ne leur fait rien du tout50. » L’esprit des générations a donc changé, c’est un fait ; elles sont devenues peut-être plus capables d’une direction précise et appropriée ; elles en ont plus besoin aussi, et il me semble que la pensée qui a présidé à l’Instruction présente et qui s’y diversifie en nombreuses applications est de nature à convenir à ces générations nouvelles, à soutenir, à développer leur bon sens, leurs qualités intelligentes et solides, à tirer le meilleur parti de leur faculté de travail, à les préparer sans illusion, mais sans faiblesse, pour la société telle qu’elle est faite, pour le monde physique tel quelles ont à le connaître et à le posséder : — et tout cela en respectant le plus possible la partie délicate à côté de l’utile, et en laissant aussi debout que jamais ces antiques images du beau, impérissables et toujours vivantes pour qui sait les adorer.

1864. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Voltaire, retiré en Suisse depuis plus de vingt ans, n’avait pas créé seulement Ferney et Versoix ; il avait fait Paris à son image, et il l’avait fait de loin.

1865. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Arouet. » Il répond aussi, plus délicatement qu’à lui n’appartient, sur la poésie que Vauvenargues n’aime guère et dont il méconnaît les ressources propres et le secret mécanisme, utile par sa contrainte même à la pensée, et provoquant par la rime à l’image.

1866. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Ce jour-là les études ont tort, ce jour-là et les jours suivants ; et pendant bien du temps encore, l’image de cette aimable et gentille petite créature viendra passer et repasser devant les yeux paternels, et se placer entre lui et son Athénée, qu’il a rouvert. — Que sera-ce quand il perdra par la suite une autre de ses filles, sa bien-aimée Philippe, âgée de dix-huit ans et demi ?

1867. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Chateaubriand voyage pour en rapporter des tableaux, pour écrire et décrire au retour ; quand il a son image, il en a assez.

1868. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Si je rencontrais une pierre, mon imagination en faisait un homme pétrifié ; si j’entendais quelques oiseaux, c’étaient des hommes couverts de plumes ; les arbres du boulevard, c’étaient encore des hommes chargés de feuilles ; les fontaines, en coulant, s’échappaient de quelque corps humain ; je croyais que les images et les statues allaient marcher, les murailles parler, les bœufs et les autres animaux du même genre rendre des présages, que du ciel, du ciel lui-même, et de l’orbite enflammée du soleil descendraient soudain quelques oracles.

1869. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

A la manière dont il en parle d’abord et dont il les envisage, il est évident qu’il a vu en eux, qu’il a rencontré ou transporté en leur image et sous leurs traits comme un idéal de ses qualités et de ses défauts : tant il est vrai que l’idéal est aussi un produit de nature, et que ceux même qui s’en passent le mieux dans la pratique journalière le mettent quelque part en dehors et au-dessus d’eux !

1870. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Car, avant de nous le faire accepter, il a fallu pour le Shakespeare comme aujourd’hui pour le Gœthe, comme pour tout ce qui est grand à l’étranger, nous couper les morceaux à l’avance, nous donner petit à petit la becquée ni plus ni moins qu’aux petits oiseaux ; l’image est vraie à la lettre : comptez un peu les allées et venues, les reprises et les temps d’arrêt, les bouchées successives : en prose, La Place, Le Tourneur, Guizot, Benjamin Laroche, François-Victor Hugo ; et en vers, Ducis avec Talma, un rêve, une création à côté ; puis Halévy, une transition, puis les Vigny et les Wailly et les Deschamps, lutteurs fidèles, et Dumas et Meurice avec leur acteur Bouvière, qu’il n’en faut pas séparer, et Jules Lacroix, le dernier de tous, heureux possesseur.

1871. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Il n’est que trop vrai qu’en tout le premier mouvement est de juger les autres d’après soi et de les rapporter directement à son image.

1872. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il se mêla le jeudi 2 mars à cette foule républicaine, qui partit de l’Hôtel de Ville pour le cimetière de Saint-Mandé, et il prononça sur la tombe de celui dont il portait en lui l’image voilée quelques paroles émues et simples qui obligèrent Marrast lui-même à lui donner la main.

1873. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Ici l’on a une éloquente et passionnée réponse où Pompéa, comme une prêtresse égarée, évoque et rassemblé dans une idéale image toute la poésie et l’âme de sa jeunesse : « Je te dois tout, s’écrie-t-elle, le bien comme le mal ; pour être, j’ai attendu un signe de ta volonté, et tu m’as faite semblable à toi.

1874. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Pour exprimer un pareil sentiment, ce n’était pas assez des images et de la poésie qui ne s’adresse qu’aux yeux ; il fallait encore des sons, et cette poésie plus intime qui, purgée de représentations corporelles, va toucher l’âme : il était musicien et artiste ; ses hymnes s’avançaient avec la lenteur d’une mélopée et la gravité d’une déclamation… « Il fait comprendre ce mot de Platon, son maître, que les mélodies vertueuses enseignent la vertu… » Et ce mot encore : « Les paysages de Milton sont une école de vertu. » La vertu de Milton s’était accommodée de Cromwell.

1875. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

« Le véritable esprit (ou talent), c’est la nature, — la nature mise à son avantage ; ce qui a été souvent pensé, mais ce qui n’avait jamais été encore exprimé si bien ; quelque chose dont la vérité nous trouve convaincus déjà à première vue, qui nous rend une certaine image que nous avions dans l’esprit. » Il est pour le choix, il n’est pas pour le trop, pas même pour le trop d’esprit ou de talent : « Une œuvre peut pécher par le trop d’esprit, comme le corps peut périr par excès de sang23. » Toutes ces vérités délicates sont rendues chez Pope en vers élégants et en bien moins de mots que je n’en mets ici ; car autant que de Malherbe on peut dire de lui : D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir.

1876. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Lorsqu’il a eu à parler de Mme Roland, comme s’il s’agissait avant tout de la disculper et de la défendre, il a essayé de diminuer son rôle actif auprès de son mari et sa part virile d’influence : il s’est refusé également à admettre qu’il se fût logé dans ce cœur de femme aucun sentiment autre que le conjugal et le légitime, ni aucune passion romanesque : « Écoutez-les, disait-il hier encore, en s’adressant par la pensée aux différents historiens ses prédécesseurs et en les indiquant du geste tour à tour : ceux-là, soit admiration sincère pour le mérite de Mme Roland, soit désir de rabaisser celui des hommes qui l’entouraient, voient dans la femme du ministre la tête qui dirige et son mari et les législateurs qui le fréquentent, et répétant un mot célèbre : Mme Roland, disent-ils, est l’homme du parti de la Gironde ; — ceux-ci, habitués à se laisser aller à l’imagination du romancier ou du poète, transforment l’être qu’ils ont créé en nouvelle Armide, fascinant du charme de ses paroles ou de la douceur de son sourire ceux qu’elle réunit dans ses salons ou qu’elle convie à sa table ; — d’autres enfin, scrutateurs indiscrets de la vie privée, se placeront entre la jeune femme et son vieux mari, commenteront de cent façons un mot jeté au hasard par cette femme, chercheront à pénétrer jusqu’aux plus secrets sentiments de son âme, compteront les pulsations de son cœur agité, selon que telle ou telle image, tel ou tel souvenir l’impressionne, et montreront sous un voile transparent l’être vers lequel s’élancent sa pensée et ses soupirs ; car à leur roman il faut de l’amour. » Et il ajoute, plein de confiance dans le témoignage qu’il invoque : « Mme Roland a raconté elle-même avec une simplicité charmante ce qu’elle a pensé, ce qu’elle a senti, ce qu’elle a dit, ce qu’elle a fait. » Eh bien !

1877. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

On y voit toutes les passions en jeu et les cupidités qui ressortent des privations mêmes ; chacun fait de la poésie avec les images qui hantent sa pensée : toutes ces jouissances inconnues des Touâreg, y compris celle de l’eau qu’eux-mêmes n’obtiennent qu’à de rares intervalles, ils les enlèveront avec joie et rage à leur ennemi.

1878. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

J’entreprends simplement de le montrer tel qu’il est, non de l’effacer, et encore moins de le repeindre. » Cette belle page d’un bon et excellent esprit, qui trouve à son service une image et un emblème dignes de Bacon, suffit à montrer combien M. 

1879. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Comme il a l’image heureuse, familière et juste !

1880. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Les longueurs, les reprises, les rallonges de phrases sont inimaginables ; elles sont bien, je l’ai dit, l’image du dedans, d’une pensée sans nerf, sans vigueur.

1881. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Étant peu militaire et peu propre à discerner le côté supérieur de ce petit-fils d’Henri IV, son coup d’œil d’homme de guerre, sa décision, sa vigueur, une fois l’action engagée, il s’est attaché à le peindre sous ses pires côtés les plus apparents, dans toute la laideur ou la splendeur de ses débordements et de son cynisme : il y est magnifique d’images, d’expressions, mais c’est incomplet.

1882. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Voilà une figure touchante entre toutes, une figure épique et tragique s’il en fut, image et victime de la plus grande calamité qui ait passionné le monde.

1883. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Cette dernière y excelle : elle laisse trotter sa plume la bride sur le cou, et, chemin faisant, elle sème à profusion couleurs, comparaisons, images, et l’esprit et le sentiment lui échappent de tous côtés.

1884. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Juste image du degré d’attention de sa part et d’indifférence !

1885. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Les peuples mûrs et touchant à la décadence veulent des portraits peints en traits de sang, des retours vers la vertu antique, des larmes amères sur la corruption présente, des sentences brèves, mais succulentes, jaillissant de l’événement comme le cri des choses, enfin une philosophie à la fois plaintive et amère, qui consterne et qui relève l’âme par l’honnête et douloureux contraste entre l’image de la vertu antique et le désespoir de la liberté perdue !

1886. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Il faut compatir, ma tante, à la vanité des femmes ; même quand elles vont mourir, elles veulent, malgré tout, laisser une image d’elles avenante, dans l’œil de celui qu’elles aiment.

1887. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Sur cette misérable scène de l’Hôtel de Bourgogne, à la maigre lueur des chandelles, le contraste de la réalité signifiée et de l’image figurée était trop fort ; on remarqua que la forêt était un arbre, la mer un bassin : on s’étonna que l’Allemagne et le Danemark, ou même la place Royale et les Tuileries ne fussent séparés que par quelques toises, et qu’en une heure le héros eût vieilli de trente ans.

1888. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Outre les vastes recueils de Mémoires sur l’Histoire de France, qui furent une mine de romans et de drames, il faut signaler tout particulièrement la publication des Mémoires de Saint-Simon, qui renouvelèrent dans les esprits l’image du siècle de Louis XIV et de la cour de Versailles.

1889. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Il n’est point, selon la vieille image jolie, l’abeille qui tire des fleurs un miel personnel, un miel dont le parfum et la saveur dureront.

1890. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

» Il parle donc à ces juges de vingt ans leur langue, il sait leurs images, il leur rend visible par moments leur poésie.

1891. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

En un mot, pour suivre mon image toute physique et anatomique, je dirai : Quand il tient la carotide de son sujet, il l’injecte à fond avec fermeté et vigueur ; mais quand il est à faux, il injecte tout de même et pousse toujours, créant, sans trop s’en apercevoir, des réseaux imaginaires.

1892. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

De tous ces princes et seigneurs qui ne parlent en sens divers que de la religion de Dieu, du service du roi, de l’amour de la patrie, « je n’en vois pas un tout seul, dit-il, qui, sous ces beaux prétextes, ne ruine totalement le royaume de fond en comble… Il seroit impossible de vous dire quelles cruautés barbaresques sont commises d’une part et d’autre : où le Huguenot est le maître, il ruine toutes les images, démolit les sépulchres et tombeaux… En contr’échange de ce, le catholique tue, meurdrit, noie tous ceux qu’il connoît de cette secte ; et en regorgent les rivières… » Quant aux chefs, bien qu’ils fassent contenance de n’approuver tels déportements, Pasquier remarque qu’ils les passent aux leurs par connivence et dissimulation.

1893. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Ils offrent l’image la plus fidèle et la plus naïve d’une âme de courtisan, une confession presque ingénue à force de simplicité et d’abandon dans l’esprit de servitude.

1894. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Pour mieux dégoûter du suicide, l’ami ne craint pas de nous montrer l’impression d’horreur que cause même aux indifférents la vue d’un homme jeune et beau, d’une noble créature qui a ainsi attenté contre elle-même, et qui a tout fait pour dégrader et dévaster son image (jusque dans les traits qu’une mort ordinaire et naturelle sait respecter.

1895. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

quelle largeur de ton, et, sans une seule image, par la seule combinaison des syllabes, quelle majesté !

1896. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Dante, au contraire, lui est pénible et difficile ; il le trouve d’un sublime dur : « Il me paraît plein de gravité, d’énergie et d’images fortes, mais profondément tristes ; aussi je n’en lis guère, car il me rend l’âme toute sombre. » Le Moyen Âge répugne à de Brosses ; il lui refuse le nom d’antiquité ; il visite au retour, à la bibliothèque de Modène, le docte Muratori, avec ses quatre cheveux blancs et sa tête chauve, travaillant malgré le froid extrême, sans feu et nu-tête, dans cette galerie glaciale, au milieu d’un tas d’antiquités ou plutôt de vieilleries italiennes : « Car, en vérité, dit-il, je ne puis me résoudre à donner le nom d’antiquités à tout ce qui concerne ces vilains siècles d’ignorance… Sainte-Palaye, au contraire, s’extasiait de voir ensemble tant de paperasses du xe  siècle. » — Tous ces jugements se tiennent, on le sent, et s’accordent soit en littérature, soit en peinture ou en musique ; et celui qui aime tant l’Arioste pourra se déclarer de la sorte en faveur de Pergolèse : Parmi tous ces musiciens, mon auteur d’affection est Pergolèse.

1897. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Elle semble quelquefois se rappeler ce qu’elle n’a jamais appris… » Mais j’aime mieux, pour donner de la duchesse de Choiseul une idée saillante, emprunter les portraits en miniature qu’en a laissés un pinceau moins élégant et moins peigné que celui de l’abbé Barthélemy, mais plus vif en images : Ma dernière passion, dit Horace Walpole, qui ne la connut que quelques années plus tard (en 1766), et, je crois, ma plus forte passion est la duchesse de Choiseul.

1898. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Une question qui s’élève à la lecture de ces contes, image et reproduction fidèle de la bonne compagnie d’alors, c’est combien il est singulier que le ton de la conversation ait tant varié aux différentes époques chez les honnêtes gens, avant de se fixer à la délicatesse véritable et à la décence.

1899. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Chaque grand artiste, nous l’avons dit ailleurs, refrappe l’art à son image.

1900. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Le tableau est à Prangins, et le prince exilé peut y retrouver chaque jour l’image de celui qui était resté fidèle à son amitié.

1901. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Alors l’expression s’applique si vigoureusement sur la pensée qu’elle la modèle pour ainsi dire ; et l’image se déroule logiquement jusqu’au bout.

1902. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Ils ont l’un et l’autre le nombre dans la phrase : Macaulay, plus de franc jeu et d’opulence dans l’image, et du Méril, qui a gardé un peu du collet monté qu’ils avaient au Globe en 1828, dont il était, je crois moins de naturel et plus d’ingéniosité.

1903. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Drapée de comparaisons merveilleuses et qui sont bien plus que des images, car ce sont presque des tableaux, cette critique savante, éclatante, artiste, ornée sans être surchargée, orientale d’éclat, comme un châle de Cachemire semé d’arabesques, a le bon sens aussi, qui mêle sa solidité aux splendeurs de sa trame… Je ne sais pas de quelle race descend Macaulay, mais il a ce bon sens normand qui vainquit à Hastings, et qui s’est coulé, pour les calmer, dans les veines saxonnes de la sanguine Angleterre.

1904. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

— que le haschisch invoque toujours des magnificences de lumière, des splendeurs glorieuses, des cascades d’or liquide ; toute lumière lui est bonne, celle qui ruisselle en nappes et celle qui s’accroche comme du paillon aux pointes et aux aspérités, les candélabres des salons, les cierges du mois de Marie, les avalanches de rose dans les couchers de soleil (image neuve !). 

1905. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Rappelez-vous les marais salins du Croisic évoqués par Balzac dans un de ses romans, et la terrible histoire de Cambremer ; puis à côté de cette image naïve du Bon Jésus qui va sur l’eau, mettez encore Jésus-Christ en Flandre et demandez-vous si cette toute-puissante main-là, qui n’écrit cependant qu’en prose, ne casse pas toutes les amusettes du petit pâtre, dans Brizeux !

1906. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Pour rester dans la vieille image de la lyre, l’auteur des Blasphèmes a sur la sienne une seule corde qui vaut les sept… et cette corde, qui n’est ni la corde d’or, ni la corde d’argent, ni la corde d’airain, ni la corde de soie, c’est la corde humaine, tirée de nos entrailles, et qu’on lui a niée.

1907. (1899) Arabesques pp. 1-223

Ils s’attachèrent à y exprimer les émotions les plus intimes de leur être non dans la forme rigide que comportaient les poétiques antérieures, mais selon les mille aspects, les images fugaces ou persistantes que leur évoquait leur imagination très vive. […] Avantages de l’ennui Après de longues courses, après des stations méditatives devant des paysages violents, on éprouve le besoin de classer les sensations et les images que l’intellect enregistra. […] La vie intérieure se nourrit des germes apportés naguère par les images que suscita la forêt splendide. […] L’ayant beaucoup lu, l’aimant et le haïssant au même degré, je donne ici un croquis de l’image qu’il imprime actuellement en moi. […] Il affirma que l’homme, doué d’une pensée robuste, devait la vivre selon un maximum d’énergie et, par conséquent, vouloir, sans souci des préjugés tenus pour principes fondamentaux par le grand nombre, ce que son caractère et son tempérament lui imposent Ayant aboli, en lui, tout sentiment d’obéissance à une religion, à une morale ou à un maître pour n’écouter que ses seuls instincts, l’homme s’efforcera de s’élever au-dessus de lui-même en se créant une image de beauté dont les éléments seront pris dans la vie actuelle, mais dont l’ensemble devra la surpasser.

1908. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Le roman-feuilleton joue donc, en quelque sorte, à ce moment de notre existence sociale, le rôle d’un abécédaire perfectionné et orné d’images en taille douce. […] Jusqu’à quel point on a répété cette grossière absurdité, c’est ce que tout le monde a pu lire, et bien en vain les images respectées de Nausicaa, d’Antigone, d’Électre, d’Octavie et de tant d’autres protestaient contre une vérité aussi mal plantée, tous ceux que cette idée avait charmés, ouvraient Chénier, y trouvaient Barine, ou Néore, ou Lesbie, et, le doigt sur la page, répétaient en chœur : « La femme pour les anciens n’était qu’un jouet. » Dieu veuille qu’un jour des écrivains aussi bien informés ne jugent pas de nos sœurs, de nos femmes et de nos amies sur ce que Parny et Boufflers peuvent avoir dit de nos courtisanes. […] Il ne trouve pas d’image qui en rende mieux l’idée qu’un caniche échappé des mains du tondeur avant la fin de sa toilette.

1909. (1895) Hommes et livres

De place en place, je reconnais les plus célèbres vers de Virgile ou d’Horace, une allégorie du Phèdre de Platon, les images fameuses des livres saints. […] Que de traits pittoresques, que de fraîches images, que de tendres accents, que de strophes mélodieuses éclatent à chaque page de ces prétendues tragédies ! […] Il faudrait citer ces chœurs, qui sont des méditations chrétiennes, rêveries mélancoliques sur la vie et sur la mort, où les images semblent se détacher comme les feuilles d’automne et tomber coup sur coup avec un bruissement doux et triste. […] En revanche, comme la jeune fantaisie de l’écrivain s’égaie en vives images ! […] Les belles images des vertus bourgeoises et champêtres !

1910. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Tout ce que l’imagination la plus malpropre a pu réunir d’images dégoûtantes en tout genre et d’expressions grossières s’y trouve rassemblé, serré, entassé. […] Tout sert d’objet à sa gaieté grossière et fine à la fois ; car si les images sont grossières, la satire n’en est que plus fine par le contraste, et parfois la piquante originalité de la pensée n’en ressort que mieux aux yeux du lecteur. […] Ou, pour me servir, si l’on veut, d’une image plus classique, ces vêtements d’emprunt ne finissent-ils pas comme la tunique du centaure ? […] Écoutons-le un moment : « Il y a quelque apparence de faire jugement d’un homme par les plus communs traicts de sa vie ; mais, veu la naturelle instabilité de nos mœurs et opinions, il m’a semblé souvent que les bons aucteurs mesmes ont tort de s’opiniastrer à former de nous une constante et solide contexture : ils choisissent un air universel ; et, suyvant cette image, vont rengeant et interpretant toutes les actions d’un personnage ; et, s’ils ne les peuvent assez tordre, les renvoyent à la dissimulation. […] Elles n’étaient que l’image de la réalité dont le corps est en Christ ; le sacrifice de Christ les a donc abolies.

1911. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

II L’Herménéia, ou le traité de la Proposition, commence par ces remarquables définitions : « Les mots dans la parole ne sont que l’image des modifications de l’âme, et l’écriture n’est que l’image des mots que la parole exprime.

1912. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

— N’a-t-il pas d’excellentes images ? […] car l’image est vraie, et on l’observera dans les montagnes ; quand on a un orage au-dessous de soi, on voit souvent l’éclair jaillir de bas en haut.

1913. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Elle se projette, sans arrêt, en multiples images, rêves que, volontairement, nous rêvons. […] Projetons des autres images, soyons des autres âmes, et à jamais, dans l’Eternité de l’Unique Essence, Chantons, joyeusement, la Région ou Vivre.

1914. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Si je n’étais pas saisi par la puissance de cette image réapparue devant moi, par l’aspect troublant de ce revenant que j’aime à voir revenir sous la plume évocatrice de Féval, je vous aurais fait remarquer toutes les beautés de cette peinture, dont chaque coup de pinceau est une pensée, dans un temps où ceux qui passent pour des peintres n’ont que de la couleur physique à mettre par-dessus leur néant, comme des maçons mettent du mortier dans des trous. […] Il a ouvert le ciel comme un pavillon au-dessus de la montagne qui portait à son sommet l’image de l’archange, et il en a fait tomber une lumière céleste pour mieux éclairer les faits prodigieux qu’il allait raconter.

1915. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Alors se marqua l’époque, toujours mémorable pour moi, d’un moment de bonheur que je regretterai toute ma vie : j’étais ivre de l’amour du bien, l’image de la vertu s’était comme réalisée en moi ; je voyais d’un autre côté que la considération dont j’ose dire que je jouissais, était, au moins, en partie, le fruit de mon travail sur moi-même…48.

1916. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Pour peindre cette diction homérique dont elle est pénétrée et qui fait l’âme du poème, elle a des paroles qui sont d’un écrivain et des images qui portent sa pensée : « La louange, dit-elle, que ce poète donne à Vulcain, de faire des trépieds qui étaient comme vivants et qui allaient aux assemblées des dieux, il la mérite lui-même : il est véritablement cet ouvrier merveilleux qui anime les choses les plus insensibles ; tout vit dans ses vers. » Comment donc oser le traduire ?

1917. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Parlant de cette patrie excellente de Voiture : « Il n’est rien, disait-il, qui sente mieux le sel attique ou l’urbanité romaine. » Girac allait plus loin, il voyait dans quelques-unes des lettres de Voiture un caractère moral assez marqué pour qu’on pût se représenter une image de l’âme de l’auteur, de ses mœurs, de son esprit plaisant et doux, de son agréable liberté de parole ; il citait comme exemple quelques-unes des lettres adressées à M. d’Avaux, et celle entre autres où il parlait de la duchesse de Longueville faisant diversion et lumière au milieu des graves envoyés germaniques au congrès de Munster.

1918. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

La parole même et le langage le disent, et il est des images où reluisent les pensées : Rohan s’enveloppe là où Richelieu se déploie.

1919. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Le prince Henri, bien moins fait pour le travail, offre plutôt l’image du spectateur délicat et de l’amateur.

1920. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Les images que la poésie de son temps lui a prodiguées pour sa fière attitude dans cette lutte extrême lui sont bien dues13.

1921. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Je constate seulement ces filiations tardives et assez inattendues, ces vicissitudes et ces retours de fortune et de destinée, et j’y vois surtout, j’ose l’avouer, une image de la fluctuation et du caprice des pensées humaines.

1922. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Le coup a porté : Vauvenargues a beau dire, il est homme de lettres plus qu’il ne croit ; il est sensible plus qu’il ne le voudrait à cette idée de génie, à cette image d’une gloire sous sa main, et qu’il ne tient qu’à lui de cueillir : « Vous ne sentez pas vos louanges, écrit-il à Mirabeau, vous ne savez pas la force qu’elles ont, vous me perdez !

1923. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Il n’est pas de ceux qui ayant tout vu, tout essayé dans l’action, comme Retz, et tout osé, se risquent à tout dire, sauf à se faire une langue à leur image et qu’ils sont seuls à parler de cet air-là, bien assurés qu’ils sont d’ailleurs d’être toujours de la bonne école et de la bonne race : il est un de ces auteurs de profession qui, ayant commencé par la plume et ne la perdant jamais de vue, se retrancheraient plutôt (comme Fontanes) des idées ou des accidents de récit, s’ils croyaient ne pouvoir les rassembler et les rendre en toute correction et en parfaite élégance.

1924. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Si je perds l’image du parfait philanthrope et de l’homme de bien modèle qu’on avait réussi à nous faire accepter alors, je me dédommage de reste en retrouvant l’homme de bien original et particulier qui ne ressemble à nul autre.

1925. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

et qu’est-ce qu’une ombre, qu’un écho, si ce n’est une image ou un son affaiblis, indistincts, mais cependant toujours vrais ? 

1926. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Les femmes et les enfants s’occupent sans cesse à les cueillir ou à les relever, et leur travail présente une tout autre image que celle de l’hiver. » J’ai mis tout le tableau, moins quelques lignes.

1927. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Fromentin, agréable et attachant à lire d’un bout à l’autre, mérite qu’on le reprenne avec réflexion : il nous offre, dans la suite des peintures variées qui s’y succèdent, une belle image du talent et aussi une application de la théorie de l’auteur ; il nous livre le résultat excellent de sa manière, en même temps qu’il nous dévoile sa pensée particulière sur l’art.

1928. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Les images font défaut ; l’expression est restée terne et abstraite.

1929. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

                          Loin du rivage de Golconde, L’hôte géant de ces déserts, De sa solitude profonde Chérit l’image dans ses fers.

1930. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il lui était resté comme une image dorée de son berceau, de la beauté et des tendresses de sa mère, des soins de sa sœur aînée, et de ce premier bonheur de famille trop tôt brisé.

1931. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Son idée se traduit constamment sous la forme morale ; c’est tout au plus si de loin en loin il la couronne de quelque grande image naturelle. 

1932. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Et quasi cursores vitaï lampada tradunt, a dit l’antique poëte dans une magnifique image : c’est comme un flambeau qu’il faut recevoir et saisir, en entrant, — l’héritage de la vie ; quelques-uns l’ont pris comme un cierge, et beaucoup comme un cigare.

1933. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Mais l’homme public en lui ne put jamais, à l’image de certains politiques célèbres de la Grande-Bretagne, se dégager, s’affermir et prendre assez le dessus pour recouvrir les faiblesses et les disparates de l’autre.

1934. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Tous les dimanches, aux prônes, il se crie des lieutenances et des sous-lieutenances (de saints) : à tant la lieutenance de saint Pierre   Si le paysan tarde à mettre le prix, vite un éloge de saint Pierre, et mes paysans de monter à l’envi736. » — À ces cerveaux tout primitifs, vides d’idées et peuplés d’images, il faut des idoles sur la terre comme dans le ciel. « Je ne doutais nullement, dit Rétif de la Bretonne737, que le roi ne pût légalement obliger tout homme à me donner sa femme ou sa fille, et tout mon village (Sacy en Bourgogne) pensait comme moi. » Il n’y a pas de place en de pareilles têtes pour les conceptions abstraites, pour la notion de l’ordre social ; ils le subissent, rien de plus. « La grosse masse du peuple, écrit Gouverneur Morris en 1789738, n’a pour religion que ses prêtres, pour loi que ses supérieurs, pour morale que son intérêt ; voilà les créatures qui, menées par des curés ivres, sont maintenant sur le grand chemin de la liberté ; et le premier usage qu’elles en font, c’est de s’insurger de toutes parts parce qu’il y a disette. » Comment pourrait-il en être autrement ?

1935. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Comme le disait Lamartine27  : « Chaque époque adopte et rajeunit tour à tour quelqu’un de ces génies immortels qui sont toujours ainsi des hommes de circonstance ; elle s’y réfléchit elle-même ; elle y retrouve sa propre image et trahit ainsi sa nature par ses prédilections. » Comment se fier à une mobilité aussi intéressée ?

1936. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Quelle image se faisait-on de lui ?

1937. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Elle forme l’enfant à son image, qui est celle du plus saint amour ; elle lui apprend le dévouement, la foi, l’enthousiasme, la fierté du cœur, toutes les puretés et toutes les beautés.

1938. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Restée veuve, après quelques années de mariage, madame Aubray s’est consacrée, a l’éducation de son fils Camille, qu’elle a fait à son image et façonné d’après ses idées.

1939. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Mais, ô chère image !

1940. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

J’en suis charmé pour votre sexe, et même pour le mien ; car, quoiqu’en dise votre amie, sitôt qu’il y aura des Julie et des Claire, les Saint-Preux ne manqueront pas ; avertissez-la de cela, je vous supplie, afin qu’elle se tienne sur ses gardes… Puis tout à coup il s’enflamme à l’idée de retrouver quelque part une image des deux amies inséparables qu’il a rêvées ; l’apostrophe, cette figure favorite qui est son tic littéraire, lui échappe : « Charmantes amies !

1941. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

C’est l’image de la tendresse et de la volupté.

1942. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

L’attitude de l’homme était ici l’image même de son esprit.

1943. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

On se rappelle involontairement ce magnifique début des Pensées : Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté ; qu’il éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent ; qu’il regarde cette éclatante lumière mise comme une lampe éternelle pour éclairer l’univers ; que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit… Au lieu de ces expressions amples et véritablement augustes, Fontenelle, en parlant de l’ordonnance céleste, n’emploie volontiers que des images et des comparaisons rapetissantes.

1944. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Qu’on me permette une image classique et consacrée : la comédie au théâtre a besoin de chausser le brodequin pour se tenir ; la comédie de M. 

1945. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Elle avait le sentiment vif du ridicule, et elle saisissait les gens d’un trait et d’une seule image.

1946. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

De toutes les images, celle du bourreau est assurément la plus révoltante, la plus impossible à rapprocher de la figure de l’être aimable qui, jusqu’à la fin, avait gardé quelque chose de ce joli oiseau effarouché auquel la comparait Mme Du Deffand, et de cette timide jeune fille de onze ans qu’un baiser de Jean-Jacques laissait toute confuse et interdite.

1947. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

En revanche, la conversation de Montesquieu était pleine de traits, de saillies et d’images, et ressemblait à ses écrits.

1948. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Il sera toujours difficile de répondre à ce genre de plaisanterie, et même de n’y pas prendre part, lorsqu’on relit de sang-froid les odes, même célèbres, des modernes, où il entre tant d’emphase, de grands mots, d’images fastueuses, eu disproportion avec la réalité, et où il faut, pour se mettre au ton, imiter tout d’abord, en les récitant, ce qu’on a appelé le mugissement lyrique.

1949. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Dans quelques endroits même on trouverait quelque luxe d’images, de fleurs de roses et d’épines, quelque trace du mauvais goût de Louis XIII ; mais ce ne sont que des instants, et le bon sens chez elle règle d’ordinaire le langage comme le jugement et la pensée.

1950. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

La noblesse de ses expressions vient de celle de ses sentiments, et ses paroles précises sont l’image de la justesse qui règne dans ses pensées.

1951. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Et s’emparant des bruits de guerre qui circulaient alors (1822), il finit par une image belliqueuse, et se demande « s’il est temps d’obéir aux moines et d’apprendre des oraisons, lorsqu’on nous couche en joue de près, à bout touchant, lorsqu’autour de nous toute l’Europe en armes fait l’exercice à feu, ses canons en batterie et la mèche allumée ».

1952. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Il assistait avec sourire à ces excès de passion de ses amis ; même quand il les servait dans l’attaque, il choisissait entre les traits, il s’était fait un cercle à son image, en partie composé d’hommes jeunes que le libéralisme repoussait par ses lieux communs et qui n’étaient royalistes que par préférence politique.

1953. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Mme d’Épinay, mariée à un très indigne mari, n’était pas libre pourtant ; l’image des devoirs n’était pas entièrement effacée ; elle avait des enfants, elle se piquait, en bonne mère, de les bien élever, de se consacrer à leur éducation.

1954. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

En un mot, une remarque ou une pensée morale condensée dans une image.

1955. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Le monde de l’art est toujours de couleur plus éclatante que celui de la vie : l’or et l’écarlate y dominent avec les images senglantes ou, au contraire, amollissantes, extraordinairement douces.

1956. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

, que ces grands interprètes nous donnent un vrai Corneille, un vrai Racine dans toute leur noblesse et leur simplicité, que cette poésie si profonde et si délicate, si mâle et si savante, trouve une expression digne d’elle ; et, malgré nos préjugés, malgré les corruptions de notre goût, malgré quelques défauts inséparables du génie humain, nous nous reconnaîtrons dans le Cid, dans Chimène, dans Polyeucte ou dans Andromaque, dans Auguste et dans Agrippine ; nous y reconnaîtrons nos passions ou nos vertus embellies et agrandies, et nous applaudirons encore à cette image idéale de nous-mêmes, comme si ces immortelles créations étaient nées d’hier.

1957. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Lors même qu’il en serait ainsi, l’éclectisme serait encore justifié ; il le serait même davantage, car aucun système dans cette hypothèse n’aurait plus le droit de se substituer aux autres, et la philosophie, n’étant plus l’expression de la vérité objective, serait engagée plus que jamais à épuiser tous les systèmes, c’est-à-dire toutes les idées fondamentales de l’esprit humain, pour reproduire dans un tableau complet l’image fidèle de la raison tout entière.

1958. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Mais les lois qui n’en suivent pas les dérèglements ont cru imiter Dieu en en faisant un peuple à part, exclus de tout nom, de toute succession, de toute faculté de tester, et, par conséquent, de faire souche et lignée ; en un mot, un peuple dévoué à l’obscurité la plus profonde, sans consistance, sans existence, la plus vive image du néant.

1959. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Voluptueux intellectuel, il se contenta de s’enivrer du plaisir qu’il donnait aux autres, et il le donnait sur place, à l’instant même, — avec l’idée, avec l’image, avec la parole, le geste, le regard, la voix, jouissant de son esprit comme les femmes jouissent de leur beauté !

1960. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Les Saints d’Ernest Hello ne ressemblent nullement aux Saints juste-milieu d’Augustin et d’Amédée Thierry, ces Iconoclastes tempérés, qui n’en brisent point les grandes images, mais qui les liment… Sous la plume de Hello, ils apparaissent dans leur intégralité complète, surhumaine et splendide, et on ne les chasse pas à coups de bonnet de docteur jusque dans le fond des Légendes, — ces Contes de fées de l’Histoire, auxquels ne croient même pas nos enfants, ces majestueux polissons !

1961. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre I. La demi-relativité »

Ils naissent de ce que deux représentations de la Relativité, l’une radicale et conceptuelle, l’autre atténuée et imagée, s’accompagnent à notre insu dans notre esprit, et de ce que le concept subit la contamination de l’image.

1962. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Que le comique soit un « moment du processus dialectique que l’idée esthétique doit traverser en son commerce avec l’image », c’est ce que M.  […] L’image est très juste, cette réserve faite que quand on monte à l’échelle et que le barreau manque, on n’a que la peur de se casser le cou et qu’on ne rit nullement. Mais comme image en soi, c’est très juste. […] Elle ne se refuse aucune image rebutante et semble plutôt s’y exciter ; les images de charnier même ne lui déplaisent pas ; c’est par moment la gaieté du fossoyeur comme dans la scène d’Hamlet. » Le texte, si important, est de 1850. […] Peut-on vraiment supporter que Zeus s’exprime ainsi, lui qui porta Minerve dans son cerveau : … Alors guette l’arrêt Où ta forme à vingt ans fugace t’apparaît ; Saisis la coupe, bois, et la métamorphose S’opère ; ton image actuelle est forclose ; Le papillon nouveau s’envole du bombyx Et le nocher sans toi repasse encor le Styx.

1963. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Pourtant nous voilà bien avertis de l’idéal qu’il s’est choisi ; La Motte est pour lui le beau intellectuel, simple, majestueux, son Jupiter Olympien en littérature et son Homère : l’autre Homère, avec ses grands traits et ses vives images, n’est bon tout au plus qu’à débaucher les esprits.

1964. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Cet homme à l’âne le devance : c’est l’image de son cousin Salem qui arrive à tout avant lui avec ses qualités compassées et son activité incessante.

1965. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Lorsqu’en 1791 l’Assemblée nationale dressa une liste de noms, parmi lesquels on devait choisir un gouverneur au Prince royal, Saint-Martin fut fort étonné de se voir porté sur cette liste ; il y était à côté de Sieyès, de Condorcet, de Bernardin de Saint-Pierre, de Berquin : véritable image de l’amalgame et de la confusion d’idées du siècle.

1966. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Le règne incontesté d’Homère lui semblait comparable à la longue souveraineté d’Aristote : Ne voyez-vous pas, monsieur, dans l’histoire du règne d’Aristote l’image de celui d’Homère ?

1967. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Le Henri IV roi, grand guerrier, grand politique, non plus celui des petits défauts et des peccadilles, mais l’homme des hautes et mémorables qualités, monarque réparateur et chéri, actif bienfaiteur de son peuple et instaurateur d’une diplomatie généreuse, toute d’avenir, c’est celui-là seulement dont on rencontrera l’image.

1968. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Toujours, quand il sera question de la rapidité et de la fuite des générations des hommes qui ressemblent, a dit le vieil Homère, aux feuilles des forêts ; toujours, quand on considérera la brièveté et le terme si court assigné aux plus nobles et aux plus triomphantes destinées : Stat sua quaeque dies, breve et irreparabile tempus Omnibus est vitae… mais surtout lorsque la pensée se reportera à ces images riantes et fugitives de la beauté évanouie, depuis Hélène jusqu’à Ninon, à ces groupes passagers qui semblent tour à tour emportés dans l’abîme par une danse légère, à ces femmes du Décaméron, de l’Heptaméron à celles des fêtes de Venise ou de la cour de Ferrare, à ces cortèges de Diane, — de la Diane de Henri II, — qui animaient les chasses galantes d’Anet, de Chambord ou de Fontainebleau ; quand on évoquera en souvenir les fières, les pompeuses ou tendres rivales qui faisaient guirlande autour de la jeunesse de Louis XIV : Ces belles Montbazons, ces Châtillons brillantes, Dansant avec Louis sous des berceaux de fleurs ; quand, plus près encore, mais déjà bien loin, on repassera ces noms qui résonnaient si vifs et si frais dans notre jeunesse, les reines des élégances d’alors, les Juliette, les Hortense, ensuite les Delphine, les Elvire même et jusqu’aux Lisette des poètes, et quand on se demandera avec un retour de tristesse : « Où sont-elles ? 

1969. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Je retourne la phrase connue, et je dis que, dans ce recueil, l’image de César s’entretenant à cœur ouvert avec un héritier des Gracques brille par son absence.

1970. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Gœthe abhorrait les images repoussantes, les symboles lugubres, le gibet, la croix.

1971. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

De là, sous leur plume, une vie, un relief, un parlant qui renouvelle à tout instant les portraits et les images.

1972. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Yemeniz, ce riche et libéral amateur qui, dans sa cité de Lyon, a gardé une étincelle de la Grèce, sa première patrie : le volume imprimé par Perrin (1857), orné d’images et d’emblèmes, distribué petit, nombre et non mis en vente, consacre désormais le nom du trop heureux Papon, au rang de ces curiosités de bibliothèque qu’on enchâsse et qu’on ne lit pas.

1973. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Ses années de direction à Rome (1828-1835) forment une époque unique dans sa vie : une fille belle et adorée qui était sa gloire, et dont il a consacré l’image en maint endroit, faisait avec sa mère les honneurs de la Villa Médicis ; devenue Mme Paul Delaroche et morte à la fleur de l’âge, elle devait lui apprendre ce que c’est que la première grande douleur.

1974. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Aussi, qui que nous soyons, moralistes, peintres, auteurs de portraits ou d’analyses, si nous voulons nous en faire une juste idée et en vendre aux autres une image fidèle, n’étranglons jamais les hommes.

1975. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Sur ce nom demi-fabuleux, depuis Tirso de Molina, Molière, Mozart, jusqu’à Byron, Mérimée et Musset, chacun a joué à son tour et à sa guise ; chacun a transformé le type à son image et l’a fait chaque fois original et nouveau.

1976. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

» Plus tard Corneille, si riche toujours en vers de pensée, aura trop peu de ces vers d’image qui sont un des charmes du Cid.

1977. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

» Il faut, même quand on est célibataire, opposer ces images riantes comme contrepartie aux Enfants terribles.

1978. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

… Espérons… » Sur quoi Mme Valmore, se mettant à son unisson, s’efforçait de relever son courage, d’évertuer sa vieillesse, de l’attendrir par l’aveu des misères communes, de l’égayer par des images simples, qui rappellent les beaux jours et les joies de l’enfance : « (9 novembre 1854)… La dame qui m’aide souvent à trouver l’argent d’emprunt pour passer mon mois, à la condition de le rendre à la fin de ce mois même, n’a pu venir encore à mon secours, à travers la pluie et toutes les difficultés de sa propre vie.

1979. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Mais nous avons bientôt pensé que, même au milieu des plus enivrantes acclamations dramatiques, il y aurait toujours dans l’âme de Victor Hugo un lyrisme caché, plus sévère, plus profond peut-être, plus vibrant encore par le refoulement, plus gravement empreint des images dispersées et des émotions d’une jeunesse irréparable.

1980. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

J’arrête souvent mon cheval au milieu des chemins ruraux que je traverse de préférence, et je demeure attendri jusqu’au fond du cœur des tableaux qui s’offrent à moi : Voici les charrues actives qui passent sous les pommiers jaunis ; le sac de bon grain est debout au milieu du champ, que parcourt en tous sens la herse traînée par de bons jeunes et vieux chevaux, qu’on a soin d’atteler ensemble, image de la vigueur et de l’expérience unies.

1981. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Chaque époque a sa folie et son ridicule ; en littérature nous avons déjà assisté (et trop aidé peut-être) à bien des manies ; le démon de l’élégie, du désespoir, a eu son temps ; l’art pur a eu son culte, sa mysticité ; mais voici que le masque change ; l’industrie pénètre dans le rêve et le fait à son image, tout en se faisant fantastique comme lui ; le démon de la propriété littéraire monte les têtes, et paraît constituer chez quelques-uns une vraie maladie pindarique, une danse de saint Guy curieuse à décrire.

1982. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

tu les a retrouvées Ces images, de loin toujours, toujours rêvées, Et ces débris vivants de tes jours de bonheur : Tes yeux ont contemplé tes montagnes si chères, Et ton berceau champêtre, et le toit de tes pères ; Et des flots de tristesse ont monté dans ton cœur !

1983. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Ce triple nœud fait la meilleure, la plus solide partie de la pièce, et pour prendre une image sans épigramme et plus d’accord avec l’escrime en question, L’acier, au lieu de sa soudure, Est plus fort qu’ailleurs et plus ferme72.

1984. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

En quelques rares endroits, si je l’osais remarquer, son raisonnement, en faveur de l’authenticité historique qu’il soutient, m’a paru plus spécieux que fondé, comme quand il dit par exemple : « Les premiers siècles de Rome vous sont suspects à cause de la louve de Romulus, des boucliers de Numa, du rasoir de l’augure, de l’apparition de Castor et Pollux… ; effacez donc alors de l’histoire romaine toute l’histoire de César, à cause de l’astre qui parut à sa mort, dont Auguste avait fait placer l’image au-dessus de la statue de son père adoptif, dans le temple de Vénus191. » Une fable qu’on aura accueillie dans une époque tout avérée et historique ne saurait en aucune façon la mettre au niveau des siècles sans histoire et où l’on ne fait point un pas sans rencontrer une merveille.

1985. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

En un mot, s’il m’est permis de reprendre une image déjà employée, une fois entré en lice avec le roman historique, et le tournoi ouvert aux yeux des juges, il fallait tenir la gageure et ne pas recourir aux armes défendues.

1986. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Ces sortes d’images n’ont rien de commun avec lui.

1987. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

La correspondance de Voltaire est un des plus immenses répertoires d’idées que jamais homme ait constitués : elle est en cela l’image de son œuvre ; il n’est pas une branche de la culture humaine, pas un ordre d’activité, qui n’ait fourni matière aux rapides investigations de sa pensée.

1988. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Puis, le romantisme a fait l’éducation artistique de Flaubert : du romantisme, il a retenu le sens de la couleur et de la forme, la science du maniement des mots comme sons et comme images ; de la seconde génération romantique, de Gautier et de l’école de l’art pour l’art, il a pris le souci de la perfection de l’exécution, la technique scrupuleuse et savante.

1989. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Tant d’habileté et d’adresse, une expression si vive, un tour si ingénieux, des images si frappantes, n’ont pas réussi à nous imprimer ces passages dans la mémoire ; ce qui paraît si arrêté n’est pas définitif.

1990. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

J’observe la déviation d’un galvanomètre à l’aide d’un miroir mobile qui projette une image lumineuse ou spot sur une échelle divisée.

1991. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

La beauté est dans les choses ; la littérature est image et parabole.

1992. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Voltaire disait109 : « Si Dieu nous a faits à son image, nous le lui avons bien rendu ». — Et, en effet, non seulement chaque civilisation, chaque siècle, se représente Dieu à sa façon et le modèle d’après son idéal ; non seulement on peut répéter en ce sens, après Renan : — Dieu n’est pas ; il devient ― ; mais encore le Dieu des catholiques, si bien défini qu’il paraisse par la théologie orthodoxe, s’est incessamment modifié.

1993. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

sec et terre à terre comme il est, lui donner les images brillantes, le vol audacieux, la fougue emportée.

1994. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Mais, au point où le poète a poussé la frénésie de son démoniaque, on comprend qu’il ne lui ait fallu rien de moins que l’évocation d’un cadavre, rien de moins que l’image de cette petite morte retirée de l’eau pour lui faire recouvrer la raison et le sens moral.

1995. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Mais son expression a, en général, une grande propriété ; elle est quelquefois ingénieuse et même poétique par l’image.

1996. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Mme de Caylus, y faisant allusion, dira ailleurs, dans une image pleine de pensée : Je suis fort bien ici, je ne perds pas un rayon du soleil, ni un mot des vêpres d’un séminaire (Saint-Sulpice) où les femmes n’entrent point ; c’est ainsi que toute la vie est mêlée : d’un côté, ce palais (le Luxembourg), et de l’autre, les louanges de Dieu !

1997. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

… il nous rend comme lui-même ; il nous poursuit sans cesse de son ironie, il nous atteint au cœur ; son incrédulité nous enveloppe, sa frivolité nous dessèche ; il jette son regard froid sur notre enthousiasme, et il l’éteint : il pompe nos, illusions une à une, et il les disperse ; il nous dépouille, et quand il nous voit misérables comme lui, faits à son image, désenchantés, flétris, sans cœur, sans vertus, sans croyance, sans passions, et glacés comme lui, alors il nous lance parmi ses élus, et nous dit avec orgueil : Vous êtes des nôtres, allez !

1998. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Il vit la mort de près, il entendit les médecins dire de lui : « Il n’en a pas pour deux heures. » L’image de sa vie passée lui apparut sous son vrai jour ; rapproche des jugements de Dieu le jeta dans l’épouvante.

1999. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Elle se faisait apporter et elle relisait les œuvres de Corneille pour y voir des images de sa destinée et y prendre des leçons ; elle comptait sur la secrète sympathie des âmes : Quand les ordres du ciel nous ont faits l’un pour l’autre, Lise, c’est un accord bientôt fait que le nôtre… On s’estime, on se cherche, on s’aime en un moment ; Tout ce qu’on s’entredit persuade aisément.

2000. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

» Il est inépuisable en images heureuses pour exprimer cette terrible lenteur, qui, sans déjouer son profond espoir, peut en ajourner le terme jusqu’à des temps qu’il ne verra pas.

2001. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

La comtesse de Bonneval a sa physionomie à part dans la série des femmes françaises qui ont laissé, sans y songer, l’image de leur âme en quelques pages.

2002. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Je voudrais présenter d’une manière claire et incontestable pour tout le monde la vraie situation de Carrel au National, dès l’origine en janvier 1830, et les diverses gradations d’idées, de sentiments et de passions par lesquels il arriva à la polémique ardente et extrême qui a gravé son image dans les souvenirs.

2003. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Quoiqu’il semble qu’il n’y ait plus rien de nouveau à dire sur lui, j’ai voulu le revoir de près et m’en rafraîchir l’image.

2004. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Enfin, vers quatre heures, l’entraînement obtenu, et des idées, et des images, et la vision des personnages, — et de la copie presque coulante jusqu’au dîner, jusqu’à sept heures.

2005. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Il insiste surtout sur l’évolution par laquelle la prose devient de plus en plus « poétique », non au vieux sens de ce mot, qui désignait la recherche des ornements et les fleurs du style, mais au sens vrai, qui désigne « l’effet significatif et surtout suggestif » produit, par l’entière adoption de la forme au fond, du rythme et des images à la pensée émue.

2006. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

On la reconnaît à ces détails précis et vrais, à ces touches de pourpre qui mettent le sang de créatures vives aux ombres bleuâtres des romantiques de Berlin et de Stuttgard, à la simplicité et à la fermeté de la langue, à un retour constant au décor primitif de toute poésie, l’oiseau, la fleur, le ciel, — à l’apparition des figures traditionnelles de la légende allemande, la Loreley, l’empereur Barbe-rousse, le Tannhaeuser, l’image miraculeuse de la cathédrale de Cologne.

2007. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Bien plus, la nature pénètre jusque dans son âme par les sensations, par les images, par les appétits, par les passions, en un mot par tous les phénomènes qui lui sont communs avec les animaux, et qui sont régis par des lois quasi-mécaniques.

2008. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Les figures plates ressemblent à de belles et riches images collées sur toile.

2009. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Nisard n’a pas dans la main une de ces torchères qui jettent d’un seul flot sur une grande figure un de ces jours complets qui ressemblent à la clarté d’or de l’apothéose, mais il promène la lueur prudente de son flambeau sur toutes les parties de la fantastique et sublime image, et il les fait successivement saillir.

2010. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Et on en veut au cochon d’être l’image d’un homme si déplaisant. […] Oui, la formule est bien celle-ci : l’animal paraît beau à l’homme quand il est assez rapproché et assez éloigné du type humain pour en rappeler certaines qualités très en honneur, mais sans en réveiller l’image. […] Ce n’est pas la senteur qui est belle, c’est l’image visuelle que la senteur a éveillée en notre esprit. — Sans doute, sans doute ; mais cela se confond un peu. […] La lutte féroce des intérêts dans la société humaine n’est qu’une faible image du combat, incessant et cruel, qui règne dans le monde vivant… Tous ces faits désespérants et incommutables demeurent incompréhensibles pour le monothéisme pur, qui reconnaît un Dieu unique, un être seul, de suprême perfection. […] N’avez-vous jamais eu d’autres dieux devant la face du vrai Dieu et ne vous êtes-vous jamais fait des images taillées pour vous prosterner devant elles ?

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