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1292. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

C’est surprenant qu’il ait été fait à l’étranger une traduction de ce livre de style et de dissection psychologique, de ce livre si peu intéressant pour le gros public français. […] Et sur ce rêve, la conversation monte, et je dis qu’il serait du plus haut intérêt que l’ascendance de tout homme de lettres fût étudiée par un curieux et un intelligent jusque dans les générations les plus lointaines, et que l’on verrait le talent venant du croisement de races étrangères ou de carrières suivies par la famille ; et qu’on découvrirait dans un homme, comme Flaubert, des violences littéraires, provenant d’un Natchez, et que peut-être chez moi, la famille toute militaire dont je sors, m’a fait le batailleur de lettres que je suis. […] Il s’est trouvé avec lui à la Flèche, il a été de sa promotion, et dit que ce qui le caractérise, c’est qu’il est un étranger, un Écossais par sa mère, un homme qui ne connaît pas le ridicule, qui se promènerait dans une voiture rouge d’Old England… qu’au fond il méprise les Français. […] Promenade à travers la peinture étrangère.

1293. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

nous sommes à une époque de transition, on est las de suivre toujours la même voie, on veut du nouveau ; peut-être de cette juvénile fermentation sortira-t-il quelque chose de bon… Malheureusement, il est trop de mode de s’occuper des étrangers et non de nous ; je ne dis pas cela pour Mistral que j’aime beaucoup, qui est vraiment un grand et noble fils de France et dont la langue est le trait d’union entre le latin et la nôtre. […] J’ai l’idée qu’il ne peut pas y avoir à l’étranger, en Allemagne, en Angleterre, par exemple, des prosateurs comparables aux nôtres, un La Bruyère, un Pascal, un Voltaire, un Chateaubriand, un Flaubert. […] Morice s’est passionné pour quelques puissants écrivains étrangers et c’est ainsi qu’il a traduit (non en traître, selon la banale et fausse expression courante, mais avec grand talent) des poésies de Nekrassovj et des romans de Dostoïevsky. […] Moréas et les siens n’en font pas moins une œuvre très utile en résistant de tout leur talent, qui n’est pas négligeable, aux engouements par trop hospitaliers qui nous font accorder droit d’asile, dans notre poésie, à toutes les inventions étrangères ; en nous rappelant aux antiques traditions gréco-latines, ils jouent un rôle important et bienfaisant dans l’équilibre de notre vie spirituelle.

1294. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Souvestre passait, dans le monde littéraire, pour n’être pas étranger au drame d’Antony, qui a valu tant de gloire à M.  […] Je ne pourrais vous dire au juste à quoi se dissipe le temps à Paris, mon cher Monsieur, à peine suis-je habillé et frisé (un étranger doit se faire exactement friser à Paris), à peine ai-je déjeuné et écrit mes dépenses de la veille, qu’il est déjà si tard, qu’après une heure, passée je ne sais à quoi, sur les boulevards, il devient temps de songer au dîner. […] En tous cas, s’il se traite en voyage comme il s’habille à Paris, il ne doit guère épuiser ce qu’il a de bourse, car je l’ai rencontré à Bruxelles, je l’ai rencontré à Paris, et soit en Belgique, soit à l’étranger, il est fort sale. […] L’habitude avait rendu l’animal patient et il se laissait faire tigre ; de façon qu’un étranger arrivait-il chez M.  […] Mais pour parvenir à être adopté dans la province en France, comme chez nous à l’étranger, il faut absolument avoir écrit quelque bon ouvrage.

1295. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Mais cela sert de thème à quelques ignorants, qui délayent dessus leur prose insipide, sans se douter combien le vrai public reste étranger à la querelle. […] Un grand écrivain n’est pas celui qui écrit le plus correctement ; c’est celui qui a le sentiment le plus prononcé de la langue ; un esprit laborieux peut se lancer à la recherche des origines de notre langue, en côtoyant le marais des langues étrangères auxquelles elle a été demander du secours quelquefois, mais les véritables écrivains sont ceux qui se contentent de boire à la source de ce ruisseau clair, murmurant sur les cailloux, et qui n’est autre que la langue française. […] Cette année, le jury s’est montré avare de place à l’exposition universelle pour les jeunes peintres : l’hospitalité était si grande vis-à-vis des hommes acceptés de la France et des nations étrangères, que la jeunesse en a un peu souffert. […] Heine, assez étranger au fait de leur naissance ; sauf à tomber finalement dans la monomanie de croire l’univers entier occupé à lui voler sa gloire et à s’en venger par le poison. […] La critique étrangère pourrait aussi être mise avantageusement à contribution.

1296. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Alors même que l’auteur parle en son nom personnel, il n’est par rapport à nous qu’une âme étrangère à laquelle nous ne pouvons nous identifier qu’à demi. […] Quand il vous en apporte, les accueillerez-vous avec défiance, comme un élément étranger à la véritable poésie ? […] Nous aussi nous contemplerons son œuvre d’un œil calme ; elle nous restera étrangère, ne nous touchant pas le cœur. […] Dans ses productions les plus originales on trouverait des réminiscences d’œuvres étrangères, un apport de l’expérience, des rappels de la réalité. […] Il m’arrive très bien, tout en écrivant, de me surprendre pensant à des choses, peu compliquées évidemment, mais absolument étrangères à mon travail.

1297. (1911) Nos directions

Nous assistons à ce spectacle, curieux autant que lamentable, d’une élite intellectuelle dispersée, contradictoire, comme étrangère à elle-même. […] Il les considère objectivement, sans en saisir la raison d’art cachée ; la forme à ce moment quitte l’esprit, s’isole, et désormais le poète déchu se borne à la remplir ainsi qu’une forme étrangère. […] D’où le danseur conventionnel, être hybride, soumis à une plastique étrangère, à peine distinguable des femmes par l’exagération d’une musculature jurant avec la fadeur du visage : une sorte d’acrobate et d’athlète femelle, la bouche en cœur et la main sur le sein. […] Non certes, nous ne manquerons pas cette extraordinaire occasion d’atteindre enfin, sans l’aide d’aucun truchement, et pour ainsi dire en prise directe, l’art d’un écrivain étranger. […] Il faut le dire, l’influence de la musique n’est pas étrangère à cette conception.

1298. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Çà et là, dans le chaos des races mélangées et des sociétés croulantes, un homme s’est rencontré qui, par son ascendant, a rallié autour de lui une bande de fidèles, chassé les étrangers, dompté les brigands, rétabli la sécurité, restauré l’agriculture, fondé la patrie et transmis comme une propriété à ses descendants son emploi de justicier héréditaire et de général-né. […] » Toutes les souillures qu’il a contractées lui viennent du dehors ; c’est aux circonstances qu’il faut attribuer ses bassesses et ses vices : « Si j’étais tombé dans les mains d’un meilleur maître…, j’aurais été bon chrétien, bon père de famille, bon ami, bon ouvrier, bon homme en toutes choses. » Ainsi la société seule a tous les torts  Pareillement, dans l’homme en général, la nature est bonne. « Ses premiers mouvements sont toujours droits… Le principe fondamental de toute morale, sur lequel j’ai raisonné dans mes écrits, est que l’homme est un être naturellement bon, aimant la justice et l’ordre… L’Émile en particulier n’est qu’un traité de la bonté originelle de l’homme, destiné à montrer comment le vice et l’erreur, étrangers à sa constitution, s’y introduisent du dehors et l’altèrent insensiblement… La nature a fait l’homme heureux et bon, la société le déprave et le fait misérable412. » Dépouillez-le, par la pensée, de ses habitudes factices, de ses besoins surajoutés, de ses préjugés faux ; écartez les systèmes, rentrez dans votre propre cœur, écoutez le sentiment intime, laissez-vous guider par la lumière de l’instinct et de la conscience ; et vous retrouverez cet Adam primitif, semblable à une statue de marbre incorruptible qui, tombée dans un marais, a disparu depuis longtemps sous une croûte de moisissures et de vase, mais qui, délivrée de sa gaine fangeuse, peut remonter sur son piédestal avec toute la perfection de sa forme et toute la pureté de sa blancheur.

1299. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

L’expulsion du toit et du champ paternels, la mendicité aux portes des seuils étrangers, la glane dans le sillon sans cœur, le vagabondage à travers la terre, la couche sous le ciel et sur la neige, la séparation des membres errants de la même chair, le déchirement de tous ces cœurs qui ne faisaient qu’un, la destruction de la parenté, cette patrie des âmes, cet asile de Dieu préparé, réchauffé, perpétué pour la famille ; les mœurs, l’éducation des enfants, la piété filiale et la reconnaissance du sang pour la source d’où il a coulé et qui y remonte par la mémoire en action qu’on appelle tendresse des fils pour leur père et leur mère ; tout cela (et c’est tout l’homme, toute la société), tout cela, disons-nous, périt avec l’hérédité des biens dans la loi. […] On se demande si, quand l’état de mariage les fait suivre forcément hors du foyer de la famille un maître ou un époux qui les assujettit à son empire, elles doivent emporter dans des familles étrangères la propriété héréditaire de leur propre famille.

1300. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Quand un étranger arrive le soir, c’est là qu’on va chercher le maître, et qu’on le trouve, à la lueur d’une lampe qui s’use, attablé, la plume à la main, devant un texte grec ou latin, anglais ou italien, qu’il quitte avec joie pour accueillir un ami, sûr de retrouver son texte et sa pensée à la même place le lendemain ! […] Mon oreille, accoutumée aux sons rapides et doux de la langue grecque, aux articulations lentes et sonores de l’idiome turc, se trouvait entièrement étrangère au ton de l’arabe vulgaire, et semblait frappée par instant de quelques phrases harmonieuses au milieu des cris d’un jargon guttural.

1301. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Sa mère, Catherine Daumart de son nom, était une femme d’une grande beauté, d’un esprit délicat et cultivé, centre d’une société choisie d’écrivains, de diplomates étrangers et de courtisans qui recherchaient dans son salon les charmes de sa figure et de son entretien. […] La verve étincelante et facétieuse de l’Italie méridionale aurait expliqué ainsi par sa source l’originalité étrangère et quelquefois burlesque de l’imitateur futur d’Arioste.

1302. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Ce goût eut pour premier effet de soumettre de nouveau la France aux influences étrangères. […] Mais il y eut des genres d’où la nature et le naturel furent plus complètement bannis, ou qui sont comme la propriété exclusive du mauvais goût étranger et mondain.

1303. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

La plupart des élèves étrangers à la ville vivaient dans les maisons des particuliers ; leurs parents de la campagne leur apportaient, le jour du marché, leurs petites provisions. […] En tout cas, si j’étais resté en Bretagne, je serais toujours demeuré étranger à cette vanité que le monde a aimée, encouragée, je veux dire à une certaine habileté dans l’art d’amener le cliquetis des mots et des idées.

1304. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

La représentation des drames wagnériens en France est universellement demandés : ceux qui ont été les entendre à l’étranger veulent les réentendre ; ceux qui les ignorent veulent être édifiés ; M.  […] Tandis que les trains de nuit emportent les ruraux dans toutes les directions, les étrangers, les purs demeurent.

1305. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

s’arrêtent au public spécial, lettré et artistique, dont en réalité le jugement seul a encore quelque importance, mais qui reste étranger à la foule ; le succès de l’entreprise théâtrale de l’Eden-Théâtre sera décisif18. […]   L’Office de Publicité : Un pauvre article témoignant tout au plus que M. « Hébé » est absolument étranger aux choses de l’art, mais non pas à la fabrication des calembourgs.

1306. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

J’ai cru d’abord qu’un peu de réflexion suffiroit pour détruire une idée aussi folle, démentie par l’uniformité de style, par celle des principes & par mille autres raisons ; mais rien n’est plus ordinaire, dans un certain monde, que de tout avancer & de tout faire croire, au mépris de l’évidence ; & c’est ce monde qu’on nous assure bonnement être le seul en état de penser & de raisonner, A présent qu’il ne m’est plus permis de douter que ce bruit ne soit une ruse philosophique, imaginée pour décréditer des censures & des jugemens avoués par la plus saine partie de la Nation, en les attribuant à des motifs étrangers, je déclare qu’aucun des Ecrivains, que je viens de nommer, n’a eu part à mon travail. […] Beaucoup d’Etrangers, accourus de différentes extrémités pour voir nos Salomons modernes, n’ont pas été plus tentés que moi de célébrer leur sagesse ; & bien des Princesses lointaines ont dit, après les avoir vus, tout le contraire de la Reine de Saba.

1307. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Un de ces dieux étrangers faillit détrôner le dieu autochtone. […] C’est sous l’influence de cette Théoxénie (comme les bons citoyens appelaient avec mépris ces idolâtries étrangères), prêchée et propagée par l’Orphisme, que Bacchus-Zagreus entra dans les Mystères d’Éleusis.

1308. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Le gentilhomme vivait alors dans un monde à part, aussi étranger à la bourgeoisie, par ses traditions et par ses usages, que l’étoile de Sirius peut l’être à la terre. […] Je sais bien qu’elle touche à des choses brûlantes : mais le bourgeois qu’elle met en scène représente bien moins une classe sociale qu’un vice caractéristique : celui de la sottise ambitieuse, mesquine, égoïste, pétrie de vulgarités et de prosaïsmes, aussi étrangères aux idées de générosité et de grandeur d’âme qu’un peintre chinois peut l’être aux lois de la perspective.

1309. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Nos platonisants profitent de ce que l’impression produite par des objets semblables est un sentiment de retour à l’équilibre et d’état neutre pour en faire un acte mystérieux du pur esprit, étranger à tout sentiment. […] Lachelier, on peut sentir sans savoir qu’on sent, et par conséquent Platon aurait raison de dire que la sensation est étrangère à toute connaissance, même aveugle et obscure.

1310. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Lundi 21 février Chateaubriand à l’étranger, en Russie, en Allemagne, en Angleterre, — c’est Tourguéneff qui le dit, et avec une autorité incontestable, — n’a aucunement de réputation. […] Philippe Sichel tombait alors sur un homme en train de monter les panneaux de la porte d’une habitation, et il se mettait à l’écouter, charmé, ravi, quand l’ouvrier faisant sauter un petit morceau de bois d’un panneau, le façonnait dans quelques minutes, en un petit animal sculpté qu’il tendait à l’étranger.

1311. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Passé la Gironde au nord, tout lui est étranger. […] Il avait rejeté très vite le sentimentalisme comme un vêtement étranger ; le mysticisme païen que le catholicisme nous a conservé, il ne s’en débarrasse point.

1312. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Il pouvait descendre moins majestueusement qu’il ne les a descendus, les escaliers de l’étranger. […] Ainsi, dans les poésies d’un autre sentiment, lorsque l’expression se fausse tout à coup ou grimace, c’est que le poète transporte les qualités et les défauts du Moyen Age dans une inspiration étrangère qui les met en évidence.

1313. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Tandis que celle-ci se préoccupe de l’ordre universel au point d’y oublier plus ou moins l’homme et l’humanité, celle-là s’attache avant tout à l’ordre moral, restant indifférente ou étrangère aux questions de haute cosmologie qui intéressent la philosophie naturelle. […] Ce n’est plus les objets étrangers qu’il nous ôte alors ; il nous arrache le moi qui était le centre de notre amour.

1314. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

S’il y a dans ces volumes quelques questions accessoires, étrangères à ce qui en doit faire le principal intérêt, je les laisserai de côté pour ne m’attacher qu’à la personne et au caractère de Bossuet même, et je tâcherai de marquer en quoi la publication présente ajoute à l’idée de ce grand homme et augmente ou modifie sur quelques points les notions qu’on a de lui.

1315. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Mais il y a jusque dans sa solidité un certain montant qui était étranger à l’ancienne critique, et qui est bien du journaliste moderne.

1316. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Vous êtes entré dans une voie que vous ne sauriez suivre jusqu’au bout sans mettre en péril une foule d’idées qui vous sont encore chères et sacrées. » Nous sommes avertis, en effet, par l’auteur dans la courte préface qu’il a mise en tête, que ce volume renferme « des manières de dire et de penser qui lui sont devenues à peu près étrangères ».

1317. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Au fur et à mesure qu’il s’appliquait à un sujet, selon sa méthode d’examen étrangère à toute considération historique, il était frappé de ce que les idées, les plus raisonnables selon lui, étaient le moins en usage, et que, sur chaque point, le genre humain semblait encore dans l’enfance.

1318. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

— Le style, non pas étranger, mais un peu vieux, en est encore plus gaulois que français : « Du reste, mon parti était pris, et je regardais mon renvoi ou non-renvoi d’un œil très-philosophique ; je ne me serais trouvée, dans telle situation qu’il aurait plu à la Providence de me placer, jamais sans ces ressources que l’esprit et le talent donnent à chacun selon ses facultés naturelles, et je me sentais le courage de monter ou descendre, sans que par là mon cœur et mon âme en ressentissent de l’élévation ou ostentation, ou, en sens contraire, ni rabaissement, ni humiliation.

1319. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Le Play, ayant questionné son truchement, sut de lui qu’elle venait se plaindre en termes amers de ce que son mari depuis quelques jours faisait le fainéant, s’amusait à causer, à baguenauder avec un étranger ; de ce que le travail des champs était en souffrance et que les foins ne se faisaient pas.

1320. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

… Cette fin de l’ode sort du lieu commun, et le poëte pénitent, tout en se ressouvenant des grandes douleurs et infortunes bibliques, trouve en lui-même son inspiration la plus émue, des jets de véritable éloquence : Pour moi, soit que son bras m’élève ou m’humilie, Je ferai de mon âme une lyre au Seigneur… Il dénombre ses douleurs comme Job, mais il n’en fait pas de reproche à Dieu ; il est prêt à recommencer même, s’il le faut, et à repasser par le cercle rigoureux des épreuves, si c’est la volonté du Maître : Tu m’as jeté sept ans sur la rive étrangère, Et j’ai mangé sept ans le pain des pèlerins.

1321. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Passy n’y a mêlé aucune intention étrangère, et n’y a vu que son sujet, — bien assez riche, il est vrai, — qu’il a traité d’une manière toute sérieuse et approfondie.

1322. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

» Prévost a du malheur ; voilà cette terrible accusation de Lenglet-Dufresnoy, cette accusation au criminel, qui reparaît chez un honnête étranger, chez un homme de cette autre moitié du monde, auprès de laquelle il comptait si bien trouver grâce.

1323. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Quelques courtisanes sans pudeur, des esclaves que leur sort avilissait, et des femmes inconnues au veste du monde, renfermées dans leurs maisons, étrangères aux intérêts de leurs époux, élevées de manière à ne comprendre aucune idée, aucun sentiment, voilà tout ce que les Grecs connaissaient des liens de l’amour.

1324. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Sous Henri III, il fut de cette Académie du Palais que le roi tenta d’établir : mais le poète de la cour est Desportes ; la gloire de Ronsard ne pâlit pas cependant, et reste entière dans les provinces et à l’étranger.

1325. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

En littérature, il a la plus vaste lecture, il regarde l’étranger, et il sait le xviie  siècle.

1326. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Il ne voit que ce qu’il veut voir ; s’il va en Angleterre, ses impressions seront celles que comportent ses idées : Michelet est bien autrement capable d’être assailli par des sensations étrangères ou hostiles à son système intellectuel.

1327. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Auguste Vacquerie Toi qu’on disait l’artiste ardent mais l’homme tiède, Le rimeur égoïste et sourd à tous nos cris, Le jour où l’Allemagne assiégea ce Paris Haï des nations parce qu’il les précède, Quand sachant que Paris difficilement cède Et que, criblé, haché, broyé sous les débris, Les obus n’obtiendraient de lui que son mépris, L’Allemagne appela la famine à son aide, Quand plusieurs étaient pris du goût de voyager, Toi qui dans ce moment étais à l’étranger, Chez des amis, avec une fille chérie, Dans un libre pays, au bord d’un lac divin, Pouvant vivre tranquille et manger à ta faim, Tu choisis de venir mourir pour la patrie.

1328. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

On est en droit de remarquer que, parmi nos artistes modernes, Lamartine est celui qui ressemble le plus aux grands rêveurs du Nord, à un Shelley et à un Keats, par ce caractère d’une beauté poétique absolument étrangère à tout ce qui n’est pas la poésie.

1329. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Mais s’il est d’influence fâcheuse en troublant les créateurs d’un scrupule étranger, M. 

1330. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

C’est pourquoi ces derniers ont toujours tenté de l’éliminer de l’art ou du moins de la subordonner à des idées étrangères : idée de vérité, idée du bien, idée d’utilité sociale et de sociabilité.

1331. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

Je me heurte bel et bien à une force étrangère, extérieure à moi, et différente de moi et qui me fait très bien sentir son existence par les représailles qu’elle exerce au besoin contre moi.

1332. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Mais il suffit que la chose soit douteuse pour que je sois en droit de reconnaître et d’affirmer une divergence essentielle entre les deux sortes d’intuition ; elles n’ont pas le même objet et semblent mettre en jeu deux facultés différentes de notre âme ; on dirait de deux projecteurs braqués sur deux mondes étrangers l’un à l’autre.

1333. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Il est probable qu’il ne resta pas étranger à la politique.

1334. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Un juif évhémériste, habitué à prendre les dieux étrangers pour des hommes divinisés ou pour des démons, devait considérer toutes ces représentations figurées comme des idoles.

1335. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Le père et le fils s’abordent et se parlent comme des étrangers.

1336. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Il a fini, sans trop y penser peut-être, par opérer un singulier mélange, par adopter cette manière étrangère sans renoncer pour cela à la sienne propre, par faire entrer, en un mot, du Balzac dans du Bernardin.

1337. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

L’auteur demeura et dut demeurer étranger à ces démarches du théâtre.

1338. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Ils les ont jugées totalement étrangères à la poësie.

1339. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Il ne vit néanmoins qu’une partie de l’Europe ; mais l’étude des langues, & le soin qu’il prit de s’informer avec exactitude des mœurs & des coutumes des différens peuples, le rendirent peut-être plus habile dans la connoissance des pays étrangers, que s’il y eût voyagé lui-même.

1340. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Or cette participation, à elle seule, suffit à démontrer qu’ils ne sont pas étrangers l’un à l’autre.

1341. (1761) Apologie de l’étude

Semblable à un pendule qu’une force étrangère a tiré de son repos, il tend à y revenir sans cesse.

1342. (1915) La philosophie française « I »

Cette même foi à la science — aux sciences qui étudient l’homme — se retrouve chez Taine 24, un penseur qui eut autant d’influence que Renan en France, et qui en eut peut-être plus encore que Renan à l’étranger.

1343. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Barre, a seulement tenté comme beaucoup d’étrangers de transplanter dans notre langue les règles prosodiques et grammaticales de la langue péruvienne. » La prosodie et la grammaire du péruvien, cette langue soeur de l’autrichien, du suisse et du brésilien, ont-elles été étudiées de si près que cela par M. 

1344. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Il en est de même de la plus grande partie de l’Italie, qui, soumise à des dominations étrangères, et tour à tour envahie, subjuguée, défendue, gouvernée par des Allemands, des Espagnols ou des Français, a perdu pour ainsi dire cette espèce d’intérêt de probité pour son pays, qui développe les talents et crée les efforts en tout genre.

1345. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

La barbarie musulmane accable encore de son ignorante apathie une part de ces îles jadis si brillantes sous l’idolâtrie des arts, et où la civilisation chrétienne, enfin maîtresse, amènerait si vite le progrès moral et le bonheur, comme l’atteste déjà l’exemple des îles Ioniennes, même sous un protectorat sévère et un joug étranger.

1346. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

« Ô mes amis90, disait-il, vous qui habitez la grande cité, les hauteurs de la blonde Agrigente, vous, zélateurs des bonnes œuvres, vous, asile ouvert aux étrangers, vous, ignorants du mal, salut !

1347. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Les étrangers nous rendent service en ce qu’ils nous demandent et nous obligent souvent d’avoir des qualités d’autrefois qui ont fait sur leur pays le rayonnement du nôtre. […] Mais celle-là lui est étrangère. […] a logique étrangère une lettre de change qui lui revient généralement protestée. […] Elle trouvera un détour, un fil subtil pour se relier tout événement étranger qui frôlera une sensibilité tendue, fixe, comme une bête à l’affût. […] mais sur une langue étrangère, propre à l’amphithéâtre, l’anglais.

1348. (1883) Le roman naturaliste

Accusons-les d’être « les bâtards des littératures étrangères » ; M.  […] Si celui-là représente « la tradition française », vraiment, ce n’était pas la peine de traiter les romantiques de « bâtards des littératures étrangères !  […] quelque souci des littératures étrangères !  […] il n’était besoin ni de cette « érudition » ni de « ce souci des littératures étrangères ». […] Personne ne l’avait vue jamais verser de larmes ; elle était simplement grave, et portée à incliner la tête et à soupirer presque imperceptiblement, comme si elle assistait au service funèbre d’un étranger.

1349. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Mais un jour, ayant lu des livres étrangers, il reconnut la vanité de son entreprise et cessa de croire à ce qu’enseigne le Bouddha. […] C’est qu’une histoire suivie du roman français implique un point de vue beaucoup plus naturel à un étranger qu’à nous. […] Saintsbury, en a écrit une, fort copieuse, où l’optique étrangère, parfois originale, éveille et surprend utilement le goût d’un Français. […] C’est à ces lecteurs et à ces auteurs que pense l’étranger quand il constate le goût déplorablement facile du public et la puérilité des œuvres dont il se nourrit. […] Il est vrai qu’un Anglais verra la continuité là où un étranger la reconnaît mal.

1350. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Le papier se couvre de dessins ou de peintures ; le canevas, la mousseline ou la soie se remplissent de fleurs ou d’arabesques, et si quelque pas inusité se fait entendre dans la salle voisine, si une main incertaine cherche à ouvrir la porte, on tressaille, on se regarde consterné, on redoute l’arrivée d’un étranger, d’une conversation quelconque venant interrompra la lecture chérie. […] Il nous a vanté en de très beaux vers l’excellence de ces sacrifices humains dont Jocelyn est un exemple funeste ; il a lancé plus que jamais l’anathème sur notre grande révolution française, où pourtant il eût à coup sûr joué un rôle, non à l’étranger, dans un honteux exil, mais sur le banc des girondins peut-être. […] … Il me faudra errer parmi la foule étrangère, ennemie, moi, chanteur ! […] J’en écarterai toute préoccupation politique, comme étrangère à mon sujet. […] Mais, si je l’étais par rencontre et par situation, je ne l’étais ni par goût ni par convoitise ; je me bornai donc, dans les premiers temps, à écouter la brillante causerie de mon compatriote comme une chose singulière, intéressante, mais, si étrangère à mes facultés, que ce ne pouvait être pour moi qu’un plaisir sans profit.

1351. (1885) L’Art romantique

Une figure bien dessinée vous pénètre d’un plaisir tout à fait étranger au sujet. […]   L’art philosophique n’est pas aussi étranger à la nature française qu’on le croirait. […] À l’étranger, nous aurons le droit de nous en vanter. […] Il serait facile de l’expliquer par la coïncidence malheureuse de plusieurs causes, dont quelques-unes sont étrangères à l’art. […] Ce passant, c’était le Tannhaüser, autorisé par le chef de l’État et protégé ouvertement par la femme d’un ambassadeur étranger.

1352. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Ce sont amusettes mélodramatiques, étrangères et extérieures au vrai drame. […] Elle supplie Égisthe d’épargner les deux étrangers. […] Ou bien on finit par s’attendrir et pleurer sur soi, comme on ferait sur un étranger ; ou bien on s’abandonne, on se laisse aller à la dérive. […] Cependant le général, qui est tout à fait pris, épouse la troublante étrangère et bientôt tout ce qui devait arriver arrive. […] Qui n’a senti agir en lui, à certains moments, une volonté qui lui était étrangère ?

1353. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Après quoi elle a épousé Xuthus, un étranger, d’ailleurs fils de Jupiter. […] Ion est, par un côté, un drame national : le dénouement écarte de la royauté athénienne une race étrangère, et restitue l’Attique au sang d’Apollon et d’Érechthée. […] J’y serais mal vu, et comme bâtard, et comme étranger. […] Pour beaucoup de gens, apparemment, une pièce étrangère, allemande ou scandinave, est : 1º « Une pièce mal fichue ; 2º Une pièce où il y a du génie. […] Et nous nous disons que ce n’est pas la peine d’emprunter aux étrangers leurs mauvaises pièces, car, Dieu merci !

1354. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Le talent de Béranger, mêlé activement à la lutte des partis politiques, est toujours demeuré étranger à la lutte des partis littéraires. […] À Dieu ne plaise que je méconnaisse les services rendus à l’esprit français par l’étude des littératures étrangères ! […] Béranger, qui eût trouvé sans doute dans l’étude des littératures étrangères des modèles et des ressources que la France ne pouvait lui fournir, n’a jamais consulté les peuples voisins qu’avec une prudente réserve. […] Son violon était la joie et la consolation du village ; son violon brisé, il n’a pas deux partis à prendre ; l’étranger lui a rendu le courage facile. […] Ni Thucydide, ni Tacite, ni Hérodote, ni Salluste, étrangers, nous le savons, à la philosophie de l’histoire, n’auraient fait une pareille découverte.

1355. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Elles trouvaient simultanément un autre défenseur dans Jules Soury, superbe représentant de la pensée française et nourri, lui aussi, de littératures étrangères. […] Il meut avec aisance les silhouettes rudes de ses marins parmi les formes sensuelles et souples des curieuses amours étrangères. […] Un vieillard et un étranger regardent d’un jardin, par une baie éclairée, une famille qui, dans la maison, fait la veillée sous la lampe. […] Le vieillard et l’étranger le savent et n’osent point troubler cette quiétude lumineuse, et échangent leurs hésitations et leur douleur dans l’ombre. […] Souvent les patients travaux des philologues, ouvrant l’écluse des littératures étrangères, ont permis à des esprits desséchés de retrouver une fraîcheur impétueuse.

1356. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Il ne faut point qu’on entende dire que les dieux parcourent le monde et s’en vont de ville en ville sous des formes étrangères, ce qui rend lâches et timides les enfants et même les hommes. […] Concevoir ce qui contient tout, n’est pas tout contenir, et en juste raison il semble bien que c’est tout contenir et n’avoir rien qui vous soit étranger, qui est le souverain bien. […] S’attacher à lui le rend étranger à vous-même et votre ennemi ; se détacher de lui vous le ramène et tel qu’il peut véritablement vous servir. […] Que beaucoup d’esprits restent éternellement étrangers à la connaissance, cela ne laisse pas de m’être assez indifférent, pourvu que ceux-ci y parviennent qui avaient naturellement la vocation de la chercher. […] Réduits à prendre des étrangers à leur solde, comme s’ils manquaient d’hommes, ils mettent dans ces mercenaires tout l’espoir de leur salut.

1357. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Établir la vérité par des autorités étrangères, c’est lui ôter son autorité. […] C’était leur air natal ; ni l’un ni l’autre ne supposaient que des étrangers pussent s’y trouver mal à l’aise. […] Elles trouvent des cases préparées d’avance, et chaque famille entre dans la sienne sans perdre un seul de ses membres, sans recevoir un seul membre étranger. […] À la vérité, les étrangers s’en choquent et réclament. […] Figurez-vous, sous un ciel étouffant, une race étrangère sortie d’un pays tempéré, même froid.

1358. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Les dramatistes les plus incultes, Marlowe par exemple, leur paraissaient admirables, et ils allaient chercher dans les recueils de Percy et de Warton, dans les vieilles ballades nationales et dans les anciennes poésies étrangères, l’accent naïf et primitif qui avait manqué à la littérature classique, et dont la présence leur semblait la marque de la vérité et de la beauté. […] Jouissons-en, et pour cela mettons-nous à la place de ceux qui l’ont inventée ; mettons-nous-y tout à fait ; ce ne sera point assez de représenter, comme les romanciers et les dramatistes précédents, des mœurs modernes et nationales sous des noms étrangers et antiques ; peignons les sentiments des autres siècles et des autres races avec leurs traits propres, si différents que ces traits soient des nôtres et si déplaisants qu’ils soient pour notre goût. […] C’est la sympathie seule qui peut retrouver les mœurs éteintes ou étrangères, et la sympathie ici est interdite. […] Il employa les sommes énormes que ses vers et sa prose lui avaient gagnées à se bâtir un château à l’imitation des anciens preux, « tours et tourelles, copiées chacune d’après quelque vieux manoir écossais, toits et fenêtres blasonnés avec les insignes des clans, avec des lions rampants sur gueules », appartements « remplis de hauts dressoirs et de bahuts sculptés, décorés de targes, de plaids et de grandes épées de highlanders, de hallebardes, d’armures, d’andouillers disposés en trophées1210. » Pendant de longues années, il y tint, pour ainsi parler, table ouverte, et fit à tout étranger « les honneurs de l’Écosse », essayant de ressusciter l’antique vie féodale avec tous ses usages et tout son étalage : « large et joyeuse hospitalité ouverte à tous venants, mais surtout aux parents, aux alliés et aux voisins, —  ballades et pibrochs sonnant pour égayer les verres qui trinquent, —  joyeuses chasses où les yeomen et les gentlemen peuvent chevaucher côte à côte, —  danses gaillardes et gaies où le lord n’aura pas honte de donner la main à la fille du meunier1211. » Lui-même, ouvert, heureux, au milieu de ses quarante convives, nourrissait l’entretien par une profusion de récits épanchés de sa mémoire et de son imagination prodigues1212, conduisait ses hôtes dans son domaine élargi à grands frais, parmi les plantations nouvelles dont l’ombrage futur devait abriter sa race, et pensait avec un sourire de poëte aux générations lointaines qui reconnaîtraient pour ancêtre sir Walter Scott, premier baronnet d’Abbotsford.

1359. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Il nous faut connaître maintenant avec plus de détails ce jeune Français ainsi jeté par un vaisseau du roi sur une terre étrangère, à quelques mille lieues de son pays, seul, absolument seul, avec tant de dangers, tant d’aventures, tant de misères en perspective ; il nous faut le connaître tel qu’il est ; car nous avons bien peur qu’avec son habit noir, ses 2 000 écus de haute solde et son bagage épistolaire, il ne soit médiocrement recommandé auprès des nobles représentants de la Royale Compagnie, s’il ne paie prodigieusement de sa personne, s’il n’a du cœur, de l’esprit, beaucoup de bonne humeur, beaucoup de science, des qualités solides, des mœurs élégantes, l’indépendance de l’âme et du caractère. […] C’était donc un curieux spectacle qu’une pareille fête, donnée à notre spirituel compatriote par cette foule d’Anglais à la fois impatients et inquiets de l’entendre, comme si de la bouche de ce jeune étranger, si renommé dans l’Inde pour la maturité de son esprit, devait sortir quelque importante prophétie de la destinée de deux grands peuples. […] sur cette terre étrangère et funeste, loin de son vieux père qu’il ne reverrait plus, loin de ses amis dont le souvenir, dont la jeunesse réveillaient à chaque instant, sur ce lit de mort, des idées de patrie et d’avenir ! […] « Messieurs, ces sentiments que je vous ai si faiblement exprimés dans une langue étrangère, mais que mon cœur éprouve si vivement, croyez qu’ils sont partagés par l’immense majorité de la génération à laquelle j’appartiens, et qui vient de conquérir le pouvoir politique dans mon pays.

1360. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Au bout de quelques années, le jeune homme, grandi à l’étranger, arrive chez son père la tête pleine d’idées encore plus positives que celui-ci ne pouvait l’espérer. […] Et son mari ajouta qu’il n’admettait au gymnase que des étrangers de distinction, des héritiers de grandes familles, des nobles, des princes. […] Chose singulière, étrangère aux choses présentes, sa pensée s’est reportée vers le passé, elle ne vit plus que là, et c’est à l’ombre du souvenir de ses premières années que vont s’éteindre ses derniers jours. […] Quant à la paysanne, en laissant son fils à des mains étrangères, elle consentit à un sacrifice qui assurait l’existence de sa famille. […] Elle m’assit sur ses genoux et me couvrit de baisers, en me prodiguant les noms les plus tendres, auxquels se mêlaient des mots d’une langue étrangère, qui semblaient une musique, tant sa voix était harmonieuse et douce.

1361. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Des pièces telles que la Femme de Claude et l’Étrangère sont de véritables monstres dramatiques. […] C’est ce qu’il constate dans ces pages de la Préface de l’Étrangère, empreintes d’un sentiment si élevé, d’une mélancolie si grave. […] » Une langue qui est réservée aux initiés, qui dédaigne d’entrer en communication avec les profanes, qui ne laisse pas venir à soi l’air libre, prend insensiblement la tournure de devenir une langue étrangère. […] Cuvillier-Fleury ; Monsieur Alphonse (1873). — Discours de réception à l’Académie française (1875). — L’Étrangère ; Les Danicheff (avec M.  […] Préface de l’Étrangère.

1362. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Ceux qu’on appelle « les Jeunes », après des études sommaires, s’empressent de tourner le dos à leurs auteurs de collège et recherchent de préférence les écrivains étrangers à l’égard desquels l’engouement n’est qu’une mode. […] Avant d’étudier les auteurs étrangers, sachons ce que valent les nôtres. […] On imite avec plus de liberté, quand on puise dans une langue étrangère ; mais il faut du goût pour ne pas tomber dans l’écueil de la traduction, qui est la sécheresse. Lorsqu’on trouve dans les auteurs étrangers des pensées exagérées, on doit, autant que possible, les ramener à leur vérité naturelle. […] Le chant du prêtre, les cantiques des montagnards et les douces voix de l’enfance s’élevant en chœurs aux dômes éternels avaient plongé l’âme d’Élodie dans une pieuse et sainte tristesse… À la faible clarté perçant les vieux vitraux de la chapelle latérale, elle aperçoit un étranger… L’office du soir est achevé : un silence profond succède aux hymnes saintes.

1363. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

J’ai cru devoir admettre dans cette galerie deux étrangers, Schopenhauer et le comte Tolstoï, en raison de l’influence considérable qu’ils ont exercée sur le mouvement des esprits. […] Après 1870, dans les haines et les méfiances que laissèrent après leurs désastres la guerre étrangère et la guerre civile, dans l’angoisse de tant de questions ouvertes dont la solution n’apparaît pas, dans l’ébranlement de toute l’Europe occidentale secouée jusqu’à ses bases, il se forma peu à peu une atmosphère intellectuelle lourde et malsaine, combien favorable à l’épanouissement d’une philosophie de désespoir ! […] C’est que tous ces gens sont ce qu’ils sont de par une force étrangère, sur laquelle ils ne peuvent rien, qui les gouverne et les dirige. […] On pourrait croire que des préoccupations extralittéraires n’étaient point étrangères à ce point de vue morose, qui pouvait servir le républicain dans son hostilité contre le régime impérial. […] Tout y est terne sans y être pour cela très juste et très approprié. » Théophile Gautier est « l’écrivain le plus étranger qui fut jamais à toute conception élevée de l’art aussi bien qu’à tout emploi viril de la plume ».

1364. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Au contraire, le sentiment de l’admiration nous élève et nous donne un plaisir esthétique d’autant plus complet qu’il est plus étranger au plaisir du jeu, plus sincère. […] Considérons d’abord les sensations de chaud et de froid, qui semblent si étrangères à la beauté. […] Notre sensibilité s’intellectualise et ne reste étrangère à aucun progrès notable de la science, car toute haute découverte scientifique a des conséquences philosophiques et finalement morales. […] La recherche des rimes n’est pas étrangère à tel ou tel effet des Orientales, où le heurt d’images rapprochées par le simple hasard de la rime produit des couleurs crues comme certains paysages d’Orient. […] Dans les maisons, on a orné d’abord l’intérieur, puis, dans l’intérieur, l’endroit où pouvait pénétrer un étranger ; c’est l’origine de nos salons de réception.

1365. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Le lendemain les deux étrangers suivent le starosta, ou l’intendant dans l’examen de la propriété et sont témoins de l’arbitraire et de l’iniquité du bourgmestre ; il y a de quoi pleurer sur le sort asservi des paysans. […] À qui l’envie et l’amour-propre étaient-ils complétement étrangers ? […] Plutôt que de penser à cela, raconte-moi ce que tu as vu à l’étranger.

1366. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

* * * Je suis frappé combien le caractère du Français se dénationalise à l’étranger, et combien vite et naturellement le pays qu’il habite, déteint sur lui et jusqu’au fond de son être. En France l’étranger se frotte à la France ; il ne s’y noie jamais. […] * * * — Les étrangers parlent haut en public, ils ont la conscience de parler une langue qu’ils sont seuls à comprendre.

1367. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

« Nous fûmes amis — dit-il, dans un chapitre intitulé Amitié stellaire, où Wagner n’est d’ailleurs pas nommé, — et nous sommes devenus étrangers l’un pour l’autre. […] Nous devions devenir étrangers l’un pour l’autre : notre loi supérieure le voulait ainsi ; c’est pourquoi nous devons devenir l’un par l’autre plus dignes de respect ! […] La musique des Chinois nous est aussi étrangère que leur parler ; la musique des Arabes et des Orientaux nous surprend et nous étonne autant que leurs mœurs, leurs costumes et leurs attitudes. […] Nous pouvons nous y habituer, c’est-à-dire apprendre à en apprécier le charme, par l’usage, par un apprentissage analogue à l’étude d’une langue étrangère, en comparant nos vocables avec ceux de l’autre langue et en en fixant le sens dans notre mémoire. […] Les œuvres musicales qui se composeraient exclusivement d’éléments empruntés à des mœurs, à une langue ou à une culture étrangère ne sauraient vraiment nous toucher, ou du moins elles ne le pourraient qu’après une véritable et patiente initiation.

1368. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Il entend des bruits étrangers à l’homme qui semblent venir d’au-delà de la terre et d’on ne sait quel dehors effrayant. […] Laffitte, et se serait abrité à l’étranger dans un vallon du Mexique ou dans un canton de la Suisse.

1369. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Celle-ci est donc, à proprement parler, notre vie : l’autre nous est presque aussi étrangère que la vie du monde extérieur. […] Puisque tout est doute aujourd’hui dans l’âme de l’homme, les poètes qui expriment ce doute sont les vrais représentants de leur époque ; et ceux qui font de l’art uniquement pour faire de l’art sont comme des étrangers qui, venus on ne sait d’où, feraient entendre des instruments bizarres au milieu d’un peuple étonné, ou qui chanteraient dans une langue inconnue à des funérailles.

1370. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Je me trouve parmi vous sans l’avoir voulu, j’y suis un étranger, et je tâche de tirer, d’une situation fâcheuse, le meilleur parti. […] Chacun de nous porte en lui des étrangers dont il ne peut se déprendre.

1371. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

La philosophie, élément dominant des races indo-germaniques, semble complètement étrangère aux Sémites, et pourtant, en y regardant de près, on découvre aussi chez ces derniers non la chose même, mais le germe rudimentaire. […] Présentez donc le mythe des Marouths ou les visions d’Ézéchiel à un homme qui n’est pas initié aux littératures étrangères, il les trouvera tout simplement hideuses et repoussantes.

1372. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Comment, à côté d’un plan général de la vie de Jésus, qui paraît bien plus satisfaisant et plus exact que celui des synoptiques, ces passages singuliers où l’on sent un intérêt dogmatique propre au rédacteur, des idées fort étrangères à Jésus, et parfois des indices qui mettent en garde contre la bonne foi du narrateur ? […] Jean paraît avoir bu à ces sources étrangères.

1373. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Historiquement, son esthétique paraît tendre expressément à ressusciter l’ancien drame grec ; en soi elle constitue apparemment un système de condensation, mais d’autre part elle semble entièrement étrangère au progrès par la spécialisation et la définition des parties. […] Mais les progrès accomplis dans l’esprit du public en ces dix dernières années ne se bornent pas à une vaine curiosité pour l’œuvre d’un génie étranger.

1374. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Et qu’est-ce que la pensée elle-même, étrangère aux sens et jaillissant des sens comme l’étincelle du caillou pour illuminer la nuit ? […] Et encore ces cœurs souffrent par moi, et ces héritages, je ne suis pas sûr de n’en être pas dépossédé demain pour aller mourir sur quelque chemin de l’étranger, comme dit le Dante.

1375. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Aussi, tant qu’il fut à l’étranger et qu’il ne fit la guerre qu’aux ennemis de la France, il résulta de sa méthode et de son humeur autant et plus de bons effets que de mauvais ; les vaincus mêmes préféraient en lui un chef et gouverneur sévère, mais obéi des siens, et qui les maintenait dans la discipline ; les villes prises l’envoyaient demander au général pour y tenir garnison et les protéger : « Car, en Piémont, dit-il quelque part, j’avais acquis une réputation d’être bon politique pour le soldat et empêcher le désordre. » Tel était Montluc dans son bon temps.

1376. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

MM. de Vendôme et les princes étrangers ne s’y sont pas trouvés » (de peur de compromettre leurs prétentions).

1377. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Les livres du docteur Launoy ou ceux de Richard Simon devaient lui demeurer à peu près étrangers.

1378. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Y eut-il jamais, dans la vie d’un peuple militaire et libre, un plus admirable moment et pour ce peuple lui-même et pour les jeunes guerriers dont il était fier, que l’heure où, après une pareille campagne unique par le génie et toute patriotique d’inspiration, toute défensive encore jusque dans ses conquêtes, après n’avoir battu tant de fois l’étranger au dehors et ne l’avoir relancé si loin que pour ne pas l’avoir chez soi au dedans, les enfants de cette triomphante armée d’Italie revinrent dans leurs foyers, simples, modestes, décorés du seul éclat des victoires ?

1379. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Ai-je besoin d’ajouter que je suis resté entièrement et absolument étranger à tout ce qui a suivi ?)

1380. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Voilà bien des bornes, et je ne les ai pas toutes indiquées encore : l’industrie, les arts mécaniques et leurs progrès, lui semblaient chose tout à fait étrangère à la culture de l’homme, parce qu’elles ne tiennent pas de près à la culture de l’esprit ; il était très capable de faire des vers sur les manufactures, parce que c’étaient des vers ; mais il n’aurait pas visité une manufacture.

1381. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Tant qu’on ne s’est pas adressé sur un auteur un certain nombre de questions et qu’on n’y a pas répondu, ne fut-ce que pour soi seul et tout bas, on n’est pas sûr de le tenir tout entier, quand même ces questions sembleraient le plus étrangères à la nature de ses écrits : — Que pensait-il en religion ?

1382. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Ils sont les premiers à reconnaître ; « Que l’imagination des auteurs, quand ils traitaient des sujets religieux dont les points fondamentaux étaient fixés par l’Ancien ou le Nouveau Testament, ne pouvait se donner carrière que dans quelques scènes épisodiques et dans le dialogue naïf, familier, souvent trivial, des personnages secondaires, tels que les bergers, les soldats, les démons ; que l’exactitude des tableaux, le langage plus ou moins vrai qu’on prêtait aux personnages, l’effet comique qui résultait des facéties de quelques-uns, constituaient le principal mérite de l’ouvrage aux yeux du public, et en faisaient tout le succès ; que toute espèce d’idée d’unité était absente de ces compositions et étrangère à la pensée des auteurs ; qu’on ne songeait nullement alors à disposer les faits de façon à les faire valoir par le contraste, à concentrer l’intérêt sur certaines scènes, à tenir en suspens l’esprit du spectateur et à l’amener de surprise en surprise, de péripétie en péripétie, jusqu’au dénouement.

1383. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Venu plus tard, Térence eût sans doute pensé différemment, et il aurait tenté au théâtre ce que Virgile accomplit pour l’épopée ; il aurait essayé de combiner les éléments étrangers et l’inspiration latine en des productions toutes neuves, et de rester Romain en imitant.

1384. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Là-dessus un critique ami, un étranger qui nous connaît mieux que personne, M. 

1385. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Mais que de travaux souterrains, que de conduits obscurs, que de terres remuées, que de métaux extraits, élaborés et fondus, que de métiers malsains, pour arriver à faire jouir les étrangers, les bourgeois et les promeneurs, vous et moi, de ces résultats agréables et commodes !

1386. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Gaullieur, nous montrera comment un étranger, homme d’esprit, jugeait Racine, après en avoir causé sans doute avec quelque courtisan railleur et caustique.

1387. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Il a exprimé au naturel ces brusques revirements dans les deux couplets qu’il intitule les Dissonances : Un soleil si chaud brûla ma figure, J’ai dû tant changer à tant voyager, Que d’un franc Romain je me crois l’allure ; Mais un vigneron à brune encolure Me dit en passant : Bonjour, étranger !

1388. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

En un mot, dans cette carrière ouverte au commencement du siècle par Racine fils et par Voltaire, et suivie si activement en des sens divers par Le Tourneur et Ducis, par Suard et l’abbé Arnaud, Léonard à son tour fait un pas ; il est de ceux qui tendent à introduire une veine des littératures étrangères modernes dans la nôtre.

1389. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Par cette analyse, on voit que la source de l’esprit de parti est tout à fait étrangère au sentiment du crime ; mais si cet examen philosophique inspire un moment d’indulgence, combien les effets affreux de cette passion ne ramènent-ils pas à l’effroi qu’elle doit inspirer !

1390. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Il le fait tranquillement, n’esquivant rien, n’exagérant rien, avec un désintéressement, une impartialité, une indépendance de jugement telle, que cette sorte de sacrifice ou plutôt (car il n’avait point à la sacrifier) d’oubli provisoire de la piété filiale en face de la science qui prime tout, m’a rappelé, je ne sais comment, la hauteur d’âme des vieux Romains mettant tout naturellement l’intérêt de la patrie au-dessus des affections de famille… Puis, tout à coup, après ce long, tranquille et consciencieux exposé qui n’eût point été différent s’il se fût agi d’un étranger, la voix du professeur s’altère et laisse tomber ces mots : … Moi qui vous parle, moi qui seul sais le respect et la reconnaissance que je lui dois, j’ai dû m’abstenir de les exprimer comme je les sens, autant pour être fidèle à cette modération qu’il aimait à garder en toutes choses, autant pour ne rien rire ici qui ne dût être dit par tout autre à ma place, que pour ne pas m’exposer à être envahi par une émotion trop poignante qui ne m’aurait pas laissé la liberté et la force de rendre à cette mémoire si chère et encore si présente l’hommage public auquel elle a droit.

1391. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Il a la joie de sentir qu’il domine, qu’il dirige, qu’il a dans sa main des milliers de misérables qui croient en lui et qui pourtant lui sont aussi étrangers que possible et qu’il n’aime pas.

1392. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Dans son action, elle est limitée en deux sens : d’une part, par le tempérament (physiologie, hérédité) de l’enfant ; d’autre part par les influences étrangères, extrascolaires et postscolaires qui combattent l’influence de l’école.

1393. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Centre d’une grande fermentation populaire, Jérusalem était une ville très séditieuse et pour un étranger un insupportable séjour.

1394. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Ceux-ci sont dans l’intérieur, isolés des influences exotiques ; ceux-là sont aux frontières, en contact avec des étrangers.

1395. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Certes, nous devons l’espérer, n’étant plus empêché par aucun obstacle étranger, M.

1396. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Sa pensée centrale est noble, belle et puissante : il me paraît juste de la délivrer de ce qui lui est contraire ou étranger.

1397. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Walckenaer était né à Paris le 25 décembre 1771, très Parisien malgré ce nom de physionomie étrangère.

1398. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

L’auteur de la Pucelle s’est plaint qu’une main étrangère ait défiguré ce poëme en y mettant des vers, fruit d’une imagination échauffée par le libertinage & par l’impiété la plus hardie.

1399. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Tout le reste, division de discours, preuves triomphantes & naturelles, érudition choisie, pensées neuves & sublimes, figures hardies, raisonnemens forts & suivis, pathétique admirable, diction élégante & correcte, lui sembloit étranger.

1400. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

On sent aussi que la vie des membres d’une telle faculté doit être laborieuse, puisqu’indépendamment des soins qu’ils donnent à l’instructin de la jeunesse, ils sont encore les oracles des tribunaux intérieurs et étrangers, et que toutes leurs décisions, devant être motivées, demandent un travail raisonné.

1401. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Je ne sçais que dom Quichotte, heros d’un genre particulier, dont les prouesses soïent aussi connuës des étrangers que des compatriotes de l’ingenieux espagnol qui lui a donné l’être.

1402. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Nous trouvons même dans l’ouvrage de Lucien, qui vient d’être cité, qu’un étranger voïant cinq habits préparez pour un même pantomime qui devoit joüer successivement cinq rolles differens, demanda si la même personne les porteroit tous cinq.

1403. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

On pourrait trouver encore, soit dans notre littérature contemporaine, soit dans la littérature étrangère ou celle des temps passés, bien des originalités dans le choix des titres.

1404. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Étranger à toutes les carrières et à toutes les coteries ; privé même, pour le moment, de la ressource de mes livres, je suis réduit à ne consulter que mes propres impressions, à ne prendre mon érudition que dans mes souvenirs.

1405. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Il y a plus, c’est par le sentiment chrétien infusé en lui et gardé au milieu des libres penseurs de sa terre natale, que le compatriote de Bolingbroke et de Tindal atteignit sans y penser à cette originalité qui n’est plus l’originalité anglaise, cette superbe de l’orgueil et de la personnalité, et qui fait de lui comme un charmant étranger dans son pays.

1406. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Pourquoi chercher à vivre, puisque nous sommes sur cette terre comme des étrangers, qu’ailleurs est notre patrie, dont quelques pauvres années d’exil et de purification nous séparaient à peine ?

1407. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Tout le monde connaît les douze panégyriques prononcés dans différentes villes d’Italie, par des hommes à qui la magnificence de Louis XIV avait prodigué des pensions, et qui, dans un roi étranger, honoraient plus qu’un maître, puisqu’ils honoraient un bienfaiteur.

1408. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Le général qui sauva la France, à Denain, déposé depuis près de quarante années dans un pays étranger, attend encore qu’on transporte ses dépouilles et ses restes dans le pays qu’il a sauvé.

1409. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Ne te laisse pas contraindre par des étrangers à croiser le fer dans a les prairies de Diomède.

1410. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Il compose, pour sa réception, un discours sur l’Étude des littératures étrangères, qui témoigne tout au moins d’une assez grande ouverture et liberté d’esprit. […] Je ne me doutais pas qu’un des soldats du temple, Du lévite autrefois la lumière et l’exemple, Au grand combat de Dieu refusant son secours, Amollissait son âme à de folles amours ; Au pied de l’échafaud où périssaient ses frères Sacrifiait au dieu des femmes étrangères, Pensant sous quel débris des temples du Seigneur Il cacherait sa couche avec son déshonneur ! […] La sève, débordant d’abondance et de force, Coulait en gomme d’or des fentes de l’écorce, Suspendait aux rameaux des pampres étrangers, Des filets de feuillage et des tissus légers, Où les merles siffleurs, les geais, les tourterelles, En fuyant sous la feuille, embarrassaient leurs ailes ; Alors tous ces réseaux, de leur vol secoués, Par leurs extrémités d’arbre en arbre noués, Tremblaient, et sur les pieds du tronc qui les appuie, De plumes et de fleurs répandaient une pluie… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . […] Ils honorent la famille et les ombres des parents morts ; et la tribu se gouverne par des lois assez douces, qu’appliquent sagement des Conseils de vieillards : mais elle est défiante, terrible contre les étrangers, et contre ceux de ses membres qui ne partagent pas ses craintes haineuses. […] Pareillement Ibsen : « Il n’est de grand que celui qui est seul. » Ainsi il semblerait que par moments, en haine de tout ce qui offusque dans le présent sa vision de charité universelle, Lamartine fût près de se réfugier dans le culte du moi (en sorte que nul sentiment d’un caractère religieux ne lui demeurât étranger)  s’il n’était, avant tout, invinciblement, celui qui aime et qui se répand.

1411. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Janin est resté étranger toute sa vie. […] Delord, dans ces moments-là, me fait assez l’effet d’un de ces vieux débris de l’armée de la Loire, qui, devenus tout à fait étrangers à notre époque et mettant pour un jour leur uniforme trop large et leurs épaulettes vert-de-grisées, se mêlent à toutes nos manifestations, en croyant fermement assister à une revue du premier Empereur. […] Les œuvres nées de ce mariage avec deux muses étrangères ne conservent de la sève originale que l’art puissant et inné au-delà des monts de l’agencement des voix. […] On voit pendre à son aigrette fanée Pluton, Apollon et la muse, et les étrangers, attirés à Paris par le voyage de la reine d’Angleterre, peuvent visiter le Tartare sur les indications très précises du poète. […] * *   * Dans le domaine de la science et de l’industrie moderne, — la vapeur, — le fougueux disciple de Boileau n’accepte pas davantage de vocable tout neuf pour baptiser une invention nouvelle. — Bateau à vapeur est un mot plat, et steamer, bien que l’usage l’ait consacré et rendu compréhensible, a le tort grave de nous venir d’une terre et d’une langue étrangères.

1412. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Son domaine s’est agrandi de mille excursions heureuses à travers les littératures étrangères, où se sont développées deux facultés naturelles à l’esprit français : l’expansion et l’assimilation. […] Plusieurs causes étrangères à la littérature vinrent encore ajouter à cette triste faillite de tant d’enthousiasmes et de promesses. […] Mais qui ignore les emportements, les défis par lesquels ces natures orageuses signalent leurs ruptures mêlant à leur langage, à leurs manières d’autrefois, les manières et le langage de leur situation nouvelle, à peu près comme ces exilés qui se hâtent de parler la langue de leur nouvelle patrie, et qui même en forcent l’accent, de peur d’être reconnus pour des étrangers ? […] Les théories générales, les utopies, les sophismes, la métaphysique sociale, prirent la place des idées pratiques et applicables, parce que ces idées n’intéressaient plus personne, n’étaient plus pratiquées par personne, et que, depuis les professeurs, totalement étrangers aux affaires et irresponsables dans l’exercice de leur pouvoir, jusqu’aux élèves, gentilshommes, bourgeois, magistrats, dépouillés peu à peu de leur part dans le maniement de la chose publique, nul n’était averti du danger des aventures ; nul n’était prémuni contre ce plaisir de quitter des maisons lézardées, des rues infectes, des monuments dégradés et des temples déserts pour courir vers des forêts vierges, des solitudes inconnues, de fantasques et splendides paysages, pleins de limpides fontaines et de radieux horizons. […] Il y eut bientôt tant de dieux dans l’Empire, que le polythéisme, ébranlé déjà dans les esprits d’élite par la réflexion et l’analyse ; succombait, dans la foule, par ses excès mêmes, par cette extravagante multiplication de divinités indigènes ou étrangères qui avaient toutes leurs thaumaturges ou leurs charlatans.

1413. (1842) Discours sur l’esprit positif

Mais il importe surtout de bien reconnaître, à cet égard, que la relation fondamentale entre la science et l’art n’a pu jusqu’ici être convenablement conçue, même chez les meilleurs esprits, par une suite nécessaire de l’insuffisante extension de la philosophie naturelle, restée encore étrangère aux recherches les plus importantes et les plus difficiles, celles qui concernent directement la société humaine. […] Restée encore étrangère à de telles questions, l’école positive s’y est graduellement préparée en constituant, autant que possible, pendant la lutte révolutionnaire des trois derniers siècles, le véritable état normal de toutes les classes plus simples de nos spéculations réelles. […] C’est évidemment la marche continue des connaissances positives qui a inspiré, il y a deux siècles, dans la célèbre formule philosophique de Pascal, la première notion rationnelle du progrès humain, nécessairement étrangère à toute l’ancienne philosophie. […] Aussitôt que les questions politiques, ou plutôt dès lors sociales, se rapporteront ordinairement à la manière dont le pouvoir doit être exercé pour mieux atteindre sa destination générale, principalement relative, chez les modernes, à la masse prolétaire, on ne tardera pas à reconnaître que le dédain actuel ne tient nullement à une dangereuse indifférence : jusque-là, l’opinion populaire restera étrangère à ces débats, qui, aux yeux des bons esprits, en augmentant l’instabilité de tous les pouvoirs, tendent spécialement à retarder cette indispensable transformation.

1414. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Comme il rêvait l’alliance de toute la grande famille slave unie dans une commune défense contre la Turquie, on l’accusa de s’appuyer sur l’étranger ; mais, ce qu’on lui pardonna le moins, ce fut d’avoir augmenté la taxe des liqueurs fortes, et concentré entre les mains du gouvernement le monopole de l’eau-de-vie. […] Il y eut ensuite des difficultés diplomatiques ; Démétrius voulait que les souverains et leurs ambassadeurs lui donnassent le titre de César ; on ne voulait l’appeler que grand-duc, et on lui opposait force petites chicanes de cérémonial qui, en définitive, l’amoindrissaient également vis-à-vis de ses sujets et des étrangers. […] La jeune princesse, malgré sa beauté, déplaisait aux Moscovites parce qu’elle était étrangère, catholique, parce qu’elle n’apportait au tzar aucune alliance, parce qu’ils lui reprochaient d’avance de songer à bouleverser leurs usages et à importer la Pologne en Russie. […] Bocage et madame Dorval dans deux rôles si complètement étrangers à leur talent ; mais j’étais à la première représentation d’Agnès de Méranie, et je me souviens encore de l’effet lugubre, lamentable, que produisirent ce roi enroué, cette reine enrhumée, ce légat récitant son rôle comme le confident d’une tragédie de Raynouard ou de Luce de Lancival. […] Prudhomme, la guenille du truand, le bourgeron de l’émeutier, la blouse du gamin, le frais jupon de la grisette, les dentelles de la grande dame, la hotte du chiffonnier, le tricorne du sergent de ville ; il n’en faut pas davantage pour un succès de cent représentations, traduisible à l’étranger et en province.

1415. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Renan36, que les quelques cent mille francs qu’un ministre de l’Instruction publique y affecterait [à la confection d’inventaires] seraient mieux employés que les trois quarts de ceux que l’on consacre aux lettres. » Il ne s’est rencontré que rarement, aussi bien à l’étranger qu’en France, des ministres convaincus de cette vérité, et assez décidés pour se conduire en conséquence. […] Enfin plusieurs Gouvernements ont pris l’initiative d’envoyer à l’étranger des personnes chargées d’inventorier, pour leur compte, les documents qui les intéressent : c’est ainsi que l’Angleterre, les Pays-Bas, la Suisse, les États-Unis, etc., accordent des subventions régulières à leurs agents qui inventorient et transcrivent, dans les grands dépôts de l’Europe, les documents qui concernent l’histoire de l’Angleterre, des Pays-bas, de la Suisse, des Etats-Unis40, etc. — Avec quelle célérité et quelle perfection ces utiles travaux peuvent être conduits aujourd’hui, pourvu que, dès l’origine, une sage méthode ait été adoptée, et pourvu que l’on dispose, en même temps que de quelque argent pour le rétribuer, d’un personnel compétent, convenablement dirigé, l’histoire du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France le montre : commencé en 1885, cet excellent Catalogue descriptif compte en 1897 près de cinquante volumes et sera bientôt terminé. […] Cette simple circonstance assura du reste à cette École, durant cinquante ans, une supériorité marquée sur tous les autres établissements français (et même étrangers) d’enseignement supérieur : d’excellents ouvriers s’y formèrent, qui fournirent beaucoup de données nouvelles, tandis qu’ailleurs on bavardait sur les problèmes51. — Aujourd’hui, c’est encore à l’École des chartes que l’apprentissage technique du médiéviste se fait le mieux, de la façon la plus complète, grâce à des cours combinés, et gradués pendant trois ans, de Philologie romane, de Paléographie, d’Archéologie, d’Historiographie et de Droit du moyen âge. […] On le reconnaît à la forme : un morceau d’un style étranger qui détonne dans l’ensemble est un fragment d’un document antérieur ; plus la reproduction est servile, plus le morceau est précieux, car il ne peut contenir de renseignements exacts que ceux qui étaient déjà dans sa source. […] L’observation nous montre deux sortes de changement. — Ou les hommes restent les mêmes, mais changent leur façon d’agir ou de penser, soit volontairement par imitation, soit par contrainte. — Ou les hommes qui pratiquaient l’ancien usage sont disparus et ont été remplacés par d’autres hommes qui ne le pratiquent plus, soit des étrangers, soit les descendants des hommes anciens, mais élevés autrement.

1416. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Le point de vue général de l’utilité collective auquel ils s’élèvent naturellement n’exige d’eux que des qualités impersonnelles de méthode et de clarté, et les laisse étrangers au souci profond de la forme qui a son origine dans l’égoïsme transcendant de l’artiste et du poète. […] Telle est la largeur d’une esthétique étrangère à l’esprit du classicisme et profondément différente de celle qui dérive de Quintilien et de Boileau. […] La poésie légère, étrangère par définition aux longues entreprises, et en général toute la poésie lyrique, offrent des exemples particulièrement nombreux d’immortalité conquise ou, si l’on veut, escamotée par une piécette, un distique, un seul vers. […] De même que la poésie est étrangère à la notion idéale de la fable, l’art n’est point contenu dans la théorie de la critique. […] Nous avouons, au contraire, que notre confiance serait médiocre dans une admiration prétendue spontanée des étrangers pour Racine, qui, par son harmonie et sa logique profondes, si naturellement attrayantes aux oreilles et aux intelligences françaises, dispense pour nous l’histoire d’une partie de sa tâche.

1417. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Il passe pour étranger, mais il apprendra que Thèbes est sa patrie, et il n’aura pas lieu de s’en réjouir. […] Quand je fais Gérard, dans l’Etrangère, ne voulant pas faire sa maîtresse de celle dont il aurait voulu faire sa femme, le public dit : « C’est un serin. […] Paolo m’est plus étranger que je ne puis dire. […] Car, comment contrôler la vérité d’une peinture, quand l’objet nous en est si profondément étranger ? […] On ne saisit plus bien le sens des mots qu’on entend, ni de ceux qu’on prononce ; d’autant mieux que, même quand on parle, on croit encore écouter, et que notre voix nous devient comme étrangère.

1418. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

On a eu tort de critiquer le décor, qui était ce qu’il devait être : une reproduction sommaire du décor fixe du théâtre de Bacchus, avec ses trois portes, celle du palais, celle de la ville et celle de la campagne, par où entraient les étrangers. […] Un critique prétendu européen n’arrivera jamais qu’à porter, sur les œuvres particulières des écrivains étrangers à son pays, des jugements sans finesse, à la fois outrés et incomplets. […] Le tempérament de Mme Réjane, auquel se conforment naturellement les jeunes auteurs, n’est pas étranger, je crois, à cette nouveauté. […] Ce campement à l’étranger permet et engendre, avec l’intimité de tous les jours, une secrète liberté de mœurs et je ne sais quoi d’élégamment bohème. […] Il faut se dépouiller de toute affection nationale, il faut oublier son pays si l’on veut goûter et juger les auteurs étrangers, anciens et modernes.

1419. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Selon lui, et il avait peut-être raison, pour s’assimiler complètement un idiome étranger, il fallait d’abord se baigner dans l’atmosphère du pays, renoncer à toute idée, à toute critique, se soumettre aveuglément au milieu, imiter autant que possible les indigènes par le geste, la tenue, la physionomie, se nourrir de leurs mets, s’abreuver de leurs boissons ; on voit d’ici tout le système. […] À quoi bon des meubles à celui qui n’a plus de foyer, et qui va errer de rivage en rivage sur la terre étrangère, suivi du petit groupe de la famille, hélas ! […] On traversait une cour déserte, l’on montait, et au premier l’on trouvait le logis hospitalier du poète, modeste demeure pour un si grand nom, et où les étrangers, venus de loin pour le saluer, s’étonnaient de ne trouver ni portiques ni colonnes de marbre. […] Les imaginations, déjà bien excitées par elles-mêmes, se surchauffaient à la lecture de ces œuvres étrangères d’un coloris si riche, d’une fantaisie si libre et si puissante. […] Cette popularité dont il n’a pas joui en France, où cependant il comptait d’ardents admirateurs, il l’avait obtenue depuis longtemps à l’étranger.

1420. (1930) Le roman français pp. 1-197

Mais dans une littérature aussi riche, ancienne, solide, originale que la nôtre, l’action étrangère ne peut tout au plus agir que comme élément catalytique pour cohérer, modifier l’aspect d’éléments qui déjà existaient. […] Romain Rolland Toutefois, un obstacle peut se présenter, qui viendrait mettre obstacle à cette diffusion de la pensée barrésienne à l’étranger, et à ce qu’on pourrait appeler « l’extrême étranger » : l’art même de son expression. […] « Si je me permets de raisonner ainsi sur mon livre, c’est qu’il n’est en aucune manière une œuvre de raisonnement ; c’est que les moindres éléments m’en ont été fournis par ma sensibilité, que je les ai d’abord aperçus au fond de moi-même, sans les comprendre, ayant autant de peine à les convertir en quelque chose d’intelligible que s’ils avaient été aussi étrangers au monde de l’intelligence que, comment dire ? […] Tous les étrangers s’attribuent le droit de regarder dans les possessions coloniales des autres, même quand il s’agit de régions qui ne sont pas placées « sous mandat ». […] Pour les hommes atteints de cette faiblesse mentale et morale, s’il n’y a pas le monastère, c’est la Légion étrangère.

1421. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Les jésuites, dans la condamnation de cette histoire, ne voulurent pas s’en rapporter seulement au témoignage de leurs théologiens : ils consultèrent des docteurs étrangers, qui tous crièrent, plus haut encore qu’eux, anathême à l’entreprise du P. […] Quel est ce langage étranger ? […] Ils ne virent qu’avec rage des étrangers ouvrir des écoles publiques, causer la désertion des leurs, diminuer leur gain, & leur ravir l’estime & la considération du public. […] Louis XIV, ce monarque libéral, magnifique envers les gens de lettres Francois, & même à l’égard des sçavans étrangers, n’a rien fait pour le collège royal ni pour ses professeurs. […] Il se décida contre la demande des jésuites, attendu l’inconvénient de confier à des gens, la plupart étrangers, la portion la plus chérie de l’état.

1422. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Lorsqu’on achève de lire Thackeray, on éprouve le saisissement d’un étranger amené devant le matelas de l’amphithéâtre le jour où l’on pose les moxas et où l’on fait les amputations. […] car, il faut bien l’avouer, miss Blanche n’a pas dédaigné d’écrire une charmante pièce de vers sur la petite servante arrachée au foyer paternel, « triste exilée sur la terre étrangère. » Hélas ! […] Vos plus jeunes fils, les de Bray, daigneront consentir à être capitaines de vaisseau et lieutenants-colonels, à nous représenter dans les cours étrangères, à accepter de bons bénéfices, quand il s’en présentera de convenables.

1423. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Ils ne se doutent pas de la petite note de la vie moderne, que ça donne à une scène, le monsieur qui ferme la porte, par laquelle il entre. » « Ne croyez-vous pas, que comme consul à Caracas, je ne devrais pas porter une décoration étrangère… une décoration ridicule… la décoration du lapin blanc de Sumatra ?  » C’est Lambert aîné, me parlant sur un ton de blague, mais au fond très désireux d’avoir un ordre étranger à sa boutonnière. […] Jeudi 9 juillet Il y a chez moi un oubli extraordinaire des pays étrangers que j’ai traversés, et j’entendais, ce matin, avec stupéfaction, un jeune homme qui racontait à un de ses amis un voyage, remontant à plusieurs années, et cela avec le nom des localités et la description des paysages, comme s’il les avait sous les yeux.

1424. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Il dit que maintenant en France, une entame du patriotisme vient surtout du grand nombre de mariages contractés par des Français avec des étrangères — ce qui n’existait pas dans l’ancienne France — mariages qui donnent des enfants français, qui ne sont pas tout à fait français. […] Mercredi 23 novembre C’est curieux, la connaissance, que l’étranger possède de ma Maison d’un artiste. […] Samedi 24 décembre Si, à la suite des révélations de toutes les canailleries parlementaires, il n’y a pas une révolution, une émeute, au moins un bouillonnement dans la rue, ça prouvera que la France est une nation qui n’a plus de fer dans le sang, une nation anémiée, bonne pour la mort par l’anarchie ou par la conquête étrangère.

1425. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Ballanche, quoique né à Lyon, et malgré ses inclinations mystiques et ses dispositions magnétiques, resta étranger, et à l’école mystique qui avait dû laisser quelques traditions depuis Martinez Pasqualis, et à l’école magnétique que l’exaltation des esprits, pendant le siége, enrichissait d’observations extraordinaires. […] Il ne connaissait aucune des littératures étrangères, excepté les poëtes italiens et le philosophe Vico ; mais sa familiarité avec toutes les délicatesses et les finesses de la littérature française était complète, et le ton de sa conversation avait la saveur que donnent l’habitude et la contemplation du beau et du parfait dans l’art.

1426. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Écarté des affaires, affranchi de l’impôt, le seigneur reste isolé, étranger parmi ses vassaux ; son autorité anéantie et ses privilèges conservés lui font une vie à part. […] Ils sont trop loin de lui pour cela, trop étrangers à sa vie.

1427. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Grâce à mes travaux, ceux qui sont étrangers aux lettres grecques, même ceux à qui elles étaient familières, pensent avoir fait beaucoup de profit et dans l’art de la parole et dans la sagesse. […] s’il vivait aujourd’hui, quelles Catilinaires ne fulminerait-il pas du haut du Capitole ou du fond de ses jardins de Gaëte contre ces Catilinas étrangers qui imposent à sa république, sous le nom de liberté, le joug monarchique, et sous le nom d’unité l’annexion à la Gaule Cisalpine, au lieu de la belle confédération patriotique qui fut la nature, la gloire, et qui serait la résurrection durable et véritable de sa chère Italie !

1428. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Ajoutez aux traits que nous venons d’indiquer une physionomie franche et calme, une coupe de visage hardie, un œil vif, ardent, pénétrant et fixe comme l’œil du faucon, un accent étranger, des expressions insolites, brièvement pittoresques, fortement colorées, spirituelles sans le paraître : vous aurez le portrait à peu près exact de l’historien des oiseaux, de l’Américain Audubon. […] Qu’une feuille tombée de l’arbre, un morceau de bois ou quelque autre corps étranger vienne à rouler dedans, il le prend avec sa gueule et le rejette très soigneusement de l’autre côté de sa fragile muraille.

1429. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

C’est peu que, le front ceint d’une mitre étrangère, Ce lévite à Baal prête son ministère ; Ce temple l’importune, et son impiété Voudrait anéantir le Dieu qu’il a quitté. […] Huit ans déjà passés, une impie étrangère Du sceptre de David usurpe tous les droits, Se baigne impunément dans le sang de nos rois, Des enfants de son fils détestable homicide, Et même contre Dieu lève son bras perfide ; Et vous, l’un des soutiens de ce tremblant État, Vous, nourri dans les camps du saint roi Josaphat, Qui sous son fils Joram commandiez nos armées, Qui rassurâtes seul nos villes alarmées Lorsque d’Ochosias le trépas imprévu Dispersa tout son camp à l’aspect de Jéhu : « Je crains Dieu, dites-vous, sa vérité me touche ! 

1430. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Dans une race croisée une seule fois avec une race distincte, la tendance de réversion aux caractères dérivés de ce croisement devient de moins en moins forte, en raison de ce qu’à chaque génération successive il y a une quantité toujours moindre de sang étranger ; mais, au contraire, lorsqu’il n’y a eu aucun croisement avec une race distincte, et qu’il se manifeste cependant chez l’un et l’autre parents une tendance à revenir à un caractère perdu pendant un certain nombre de générations, cette tendance, d’après tout ce que l’on a pu voir, peut se transmettre sans affaiblissement pendant un nombre indéfini de générations. […] La défense faite aux Juifs d’épouser des femmes étrangères peut avoir eu pour fondements des raisons analogues.

1431. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Trop haut pour être d’un parti ou d’une nationalité qui n’était pas la sienne, il ne fut ni Romain, ni Espagnol, mais Français ; et il dit à Rome et à l’Espagne le mot de bonne humeur de la femme légitime à la concubine étrangère : « Pour ce que vous faites ici, je le ferai bien moi-même !  […] Ventura ne sont pas le travail d’histoire que nous avions espéré et que nous désirons encore… C’est tout simplement un substantiel recueil d’homélies, prononcées par le célèbre prédicateur du haut de cette chaire française qu’il illustre de son talent étranger.

1432. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Sculptures Bartolini Nous avons le droit de nous défier à Paris des réputations étrangères. — Nos voisins nous ont si souvent pipé notre estime crédule avec des chefs-d’œuvre qu’ils ne montraient jamais, ou qui, s’ils consentaient enfin à les faire voir, étaient un objet de confusion pour eux et pour nous, que nous nous tenons toujours en garde contre de nouveaux pièges. Ce n’est donc qu’avec une excessive défiance que nous nous sommes approchés de la Nymphe au Scorpion. — Mais cette fois il nous a été réellement impossible de refuser notre admiration à l’artiste étranger. — Certes nos sculpteurs sont plus adroits, et cette préoccupation excessive du métier absorbe aujourd’hui nos sculpteurs comme nos peintres ; — or c’est justement à cause des qualités un peu mises en oubli chez les nôtres, à savoir : le goût, la noblesse, la grâce — que nous regardons l’œuvre de M. 

1433. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Traduire les chants du Psalmiste, non plus en prose littérale, comme avaient fait les premiers interprètes alexandrins, mais en vers ; et, sans rechercher avec un laborieux archaïsme les anciennes images de la poésie grecque, la forcer elle-même à recevoir, en se troublant quelque peu, ce torrent de hardiesses étrangères, c’était là, ce semble, une bien autre variante pour la lyre, un rajeunissement plus naturel et plus vrai pour cette imagination érudite qui se recopiait sans cesse elle-même depuis les Callimaque et les Apollonius de Rhodes. […] » Et dans d’autres vers, animés de l’amertume et des menaces du prophète : Les chemins de Sion pleurent », dit-il207, regrettant le peuple adorateur de la loi sainte, dans les jours de solennité : je pleure aussi, du regret qu’on ne voie plus ce peuple accourant à mes discours, comme faisait autrefois Constantinople et tout ce qu’elle avait d’habitants étrangers que la Trinité sainte éclairait de sa lumière.

1434. (1739) Vie de Molière

On est obligé de dire (et c’est principalement aux étrangers qu’on le dit) que le style de cette pièce est faible et négligé, et que surtout il y a beaucoup de fautes contre la langue. […] Cette comédie, qui est mise par les connaisseurs dans le rang du Tartuffe et du Misanthrope, attaquait un ridicule qui ne semblait propre à réjouir ni le peuple, ni la cour, à qui ce ridicule paraissait être également étranger.

1435. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Mais, même dans ces besognes obligatoires que la nécessité lui imposait, une fois la plume à la main, que ce soit la grande compilation de l’Histoire générale des voyages qu’il entreprenne (1746) que ce soit un simple Manuel lexique ou Dictionnaire portatif des mots français obscurs et douteux (1750), un de ces vocabulaires comme Charles Nodier en fera plus tard par les mêmes motifs ; que ce soit le Journal étranger, ce répertoire varié de toutes les littératures modernes, dont il devienne le rédacteur en chef (1755) ; de quelque nature de travail qu’il demeure chargé, remarquez le tour noble et facile, l’air d’aisance et de développement qu’il donne à tout ; il y met je ne sais quoi de sa façon agréable et de cet esprit de liaison qui est en lui.

1436. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Il y a un certain dîner chez Mme Dorsin où l’on conduit Marianne encore novice et bien étrangère au monde.

1437. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Arago excita bien des controverses à l’étranger.

1438. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

On n’arrive pas à l’admiration ni à l’enthousiasme comme le prince de Ligne, que j’aurai souvent occasion de citer à son sujet, mais on comprend en souriant que celui-ci, dans une de ses saillies à demi romantiques, ait pu dire : Si La Bruyère avait bu ; si La Rochefoucauld avait chassé ; si Chamfort avait voyagé ; si Lassay avait su les langues étrangères ; si Vauvenargues avait aimé ; si Weisse24 avait été à la Cour ; si Théophraste avait été à Paris, ils auraient bien mieux écrit encore.

1439. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Dans ses derniers projets d’expédition et de guerre à l’étranger, il l’invitait en riant à se pourvoir d’une bonne haquenée pour l’accompagner et le suivre en toute entreprise. — Un jour qu’il y avait eu une indiscrétion commise sur quelque matière d’État, il prenait Jeannin par la main, en disant aux autres membres du Conseil : « Messieurs, c’est à vous de vous examiner ; pour moi, je réponds du bonhomme. » La carrière du président Jeannin semble remplie et comblée dans sa mesure, et pourtant il resterait encore tout un chapitre à y ajouter.

1440. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Une jeune fille, nièce de Mme Daubenton, ayant été saisie d’un évanouissement près d’une salle d’étude où était Vicq d’Azyr, celui-ci accourut, prodigua ses soins à la jeune malade, et lui inspira un soudain intérêt qui se consacra bientôt par un mariage : ce mariage dura peu, et la mort de la jeune femme laissa Vicq d’Azyr veuf, et libre de nouveau, ce qui ne nuisit pas à ses succès dans le monde : mais il avait acquis l’amitié de Daubenton et les moyens, grâce à lui, d’étendre ses recherches d’anatomie sur les animaux étrangers.

1441. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Léopold Robert n’était certes pas pour le système que préconisaient la plupart des classiques en peinture comme en littérature, lesquels recommandaient toujours les maîtres, les grands maîtres, et semblaient les proposer pour uniques modèles, lorsqu’il écrivait de Venise, en novembre 1830 : Il y a dans ce moment à Venise plusieurs artistes étrangers qui y sont venus pour étudier l’école vénitienne.

1442. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Pour mon compte, sans être un M. de Saint-Germain, c’est l’illusion que je me fais quelquefois, quand les yeux fermés je rouvre les scènes et les perspectives de ma mémoire : car enfin ce temps qui a précédé notre naissance, ce xviiie  siècle tout entier, nous le savons, avec un peu de bonne volonté et de lecture, tout autant que si nous y avions assisté en personne et réellement vécu : Mme d’Épinay, Marmontel, Duclos, tant d’autres nous y ont introduits ; nous pourrions entrer à toute heure dans un salon quelconque et n’y être pas trop dépaysés ; et même, après quelques instants de silence pour nous mettre au fait de l’entretien, nous pourrions risquer notre mot sans nous trahir et sans être regardés en étrangers.

1443. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Rien d’étranger surtout, ni de cherché du dehors, ni d’affiché ; voilà le point.

1444. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Il n’était pas fâché, tout en rendant une éclatante justice à l’Antiquité et aux nations étrangères, de faire une sorte de réaction contre la gloire littéraire de la France. « Ce ne sera pas un désavantage à nos yeux, écrivait son traducteur anglais, qu’il ait été impitoyable dans ses hostilités contre la littérature de nos ennemis40. » Il y eut là un coin de faiblesse et, on peut dire, d’infirmité chez un si grand esprit.

1445. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Les traductions qu’il insère chemin faisant dans son texte, quand il s’agit d’un auteur de l’Antiquité ou d’un écrivain moderne appartenant à une littérature étrangère, sont des modèles d’exactitude et d’art.

1446. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Genève possédait alors, comme toujours, un grand nombre d’hommes de mérite, parmi lesquels des étrangers illustres et des visiteurs de haute distinction.

1447. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Ce seul soupçon le compromettait comme ministre étranger, et lui qui, à la longue, s’était presque naturalisé Russe, il désira son rappel.

1448. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

L’acier manquait, on n’en pouvait tirer du dehors, l’art de le faire était ignoré ; on demanda aux savants de le créer, ils y parvinrent ; et cette partie de la défense publique devint indépendante de l’étranger… La poudre était ce qui pressait le plus : le soldat allait en manquer.

1449. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Placé aux confins de l’école française, un des représentants de cette école, non plus chez elle et dans les douceurs du chez-soi, dans les grâces légères de l’insouciance et du loisir, mais en marche et comme en voie de conquête, lorsque, chargée déjà de butin étranger, elle a un pied par-delà le Rhin, il fait la chaîne d’Auber à Meyerbeer ; d’un genre un peu mixte sans doute, mais non pas hybride ; élevé, savant, harmonique, très-soigneux de bien écrire musicalement parlant, sachant plaire toutefois, ne négligeant pas la grâce, cherchant et trouvant agréablement ce qu’Auber trouve sans le chercher, mais enclin surtout et habile à exprimer dramatiquement la tendresse et la passion.

1450. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Ville heureuse où l’on est dispensé d’avoir du bonheur, où il suffit d’être et de se sentir habiter ; qui fait plaisir, comme on le disait autrefois d’Athènes, rien qu’à regarder ; où l’on voit juste plus naturellement qu’ailleurs, où l’on ne s’exagère rien, où l’on ne se fait des monstres de rien ; où l’on respire, pour ainsi dire, avec l’air, même ce qu’on ne sait pas, où l’on n’est pas étranger même à ce qu’on ignore ; centre unique de ressources et de liberté, où la solitude est possible, où la société est commode et toujours voisine, où l’on est à cent lieues ou à deux pas ; où une seule matinée embrasse et satisfait toutes les curiosités, toutes les variétés de désirs ; où le plus sauvage, s’il est repris du besoin des hommes, n’a qu’à traverser les ponts, à parcourir cette zone brillante qui s’étend de la Madeleine au Gymnase ; et là, en quelques instants, il a tout retrouvé, il a tout vu, il s’est retrempé en plein courant, il a ressenti les plus vifs stimulants de la vie, il a compris la vraie philosophie parisienne, cette facilité, cette grâce à vivre, même au milieu du travail, cette sagesse rapide qui consiste à savoir profiter d’une heure de soleil !

1451. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Ce qui caractérise le Discours de la montagne et les autres paroles et paraboles de Jésus, ce n’est pas cette charité qui se rapporte uniquement à l’équité et à la stricte justice et à laquelle on arrive avec un cœur sain et un esprit droit, c’est quelque chose d’inconnu à la chair et au sang et à la seule raison, c’est une sorte d’ivresse innocente et pure, échappant à la règle et supérieure à la loi, saintement imprévoyante, étrangère à tout calcul, à toute prévision positive, confiante sans réserve en Celui qui voit et qui sait tout, et comptant, pour récompense dernière, sur l’avènement de ce royaume de Dieu dont les promesses ne sauraient manquer : « Et moi je vous dis de ne point résister au mal que l’on veut vous faire : mais si quelqu’un vous a frappé sur la joue droite, présentez-lui encore l’autre.

1452. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Spendius, qui méprise les dieux étrangers et qui ne croit qu’à l’oracle de son pays, lui persuade qu’une fois maître du mystérieux péplum, il deviendra presque immortel et invincible, et par conséquent possesseur aussi de Salammbô.

1453. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

. — Eckermann, selon son usage, reprenant la pensée de Goethe au point où elle s’arrêtait, et la lui renvoyant avec de légères variantes, lui répondit (toujours pendant ce même dîner) : « La mesure dans laquelle se renferme l’œuvre entière m’a paru excellente ; c’est à peine si on rencontre une allusion à des objets étrangers qui nous feraient sortir de cet heureux cercle.

1454. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

J’avais deux coups, l’étranger un seul ; sa figure me paraissait effrayante, mais la mienne pouvait lui produire la même impression.

1455. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Il avait d’abord résisté à sa destinée et à son étoile ; il avait refusé de lui être présenté, et de tout ce qu’il y avait d’étrangers ou d’hôtes de distinction à Florence, il était le seul qui n’allât point chez elle : « Néanmoins, dit-il, il m’était arrivé très souvent de la rencontrer dans les théâtres et à la promenade.

1456. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Prenant pour exemple, sur l’Acropole même d’Athènes, l’Erechtheïum, « ce groupe de trois temples ou salles dont deux se commandent, avec trois portiques à des niveaux différents », se replaçant en idée dans ce bel âge de la Grèce, il suppose que le monument terminé, au moment où l’échafaud disparaît et où l’effet d’ensemble se révèle, un mécontent, un critique sort de la foule et accuse publiquement l’architecte d’avoir violé les règles au gré de sa fantaisie ; et l’artiste alors, heureux d’avoir à s’expliquer devant un peuple véritablement artiste et qui saura le comprendre, réfute agréablement son contradicteur, non sans flatter un peu son auditoire : « Celui qui vient de parler si légèrement, Athéniens, est probablement un étranger, puisqu’il est nécessaire de lui expliquer les principes d’un art dans l’exercice duquel vous dépassez les autres peuples.

1457. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Il se heurtait à l’inimitié dans la famille et chez les étrangers mêmes.

1458. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Ame simple et droite, sans un repli, avec les instincts les plus loyaux, mais toujours un peu de chimère, aucun des intérêts, aucune des ambitions qui d’ordinaire saisissent les hommes dans la seconde moitié de la vie n’eurent jamais sur lui action ni prise ; il y resta constamment étranger, innocent de toute compétition, de toute jalousie, ne se comparant pas, ne se plaignant pas, satisfait dans son coin, s’y tenant coi comme dans son nid, le même après comme avant l’orage, d’abord et toujours jusqu’à la fin l’homme de la muse, du rêve, de la rime, de la bagatelle enchantée.

1459. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Loyson lui-même, en ces années de fin d’Empire et au début de la Restauration, était loin de rester étranger à la politique.

1460. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Le Sénat n’est pas apparemment, comme l’ordre des avocats, soumis à un conseil de discipline, et nul n’a droit de demander compte à un sénateur de ses actions, — surtout d’actions aussi étrangères à la politique active.

1461. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Ses réflexions sur cette matière technique, et qui lui était tout à fait étrangère avant l’ouvrage actuel, sont pleines de finesse et d’intention d’artiste.

1462. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Quels qu’aient été sa conduite secrète, ses nouveaux tracas à l’étranger, sa brouille avec le prince Eugène, etc., etc., il demeura digne à l’article du bannissement.

1463. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Les Discours en vers de Millevoye, ses Dialogues rimés d’après Lucien, ses tragédies, ses traductions de l’Iliade ou des Églogues selon la manière de l’abbé Delille, nous semblent, chez lui, des thèmes plus ou moins étrangers, que la circonstance académique ou le goût du temps lui imposa, et dont il s’occupait sans ennui, se laissant dire peut-être que la gloire sérieuse était de ce côté.

1464. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Les nations du Nord, en faisant disparaître pendant quelque temps les lettres et les arts qui régnaient dans le Midi, acquirent néanmoins quelques-unes des connaissances que possédaient les vaincus ; et les habitants de plus de la moitié de l’Europe, étrangers jusqu’alors à la société civilisée, participèrent à ses avantages.

1465. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Pour trouver de ces lutteurs, ils font chercher trois ou quatre hommes de race ou d’éducation différente, tous ayant roulé et pâti, un plébéien brutal comme l’abbé Maury, un satyre colossal et fangeux comme Mirabeau, un aventurier audacieux et prompt comme ce Dumouriez qui, à Cherbourg, lorsque la faiblesse du duc de Beuvron a livré les blés et lâché l’émeute, lui-même hué et sur le point d’être mis en pièces, aperçoit tout d’un coup les clés du magasin dans les mains d’un matelot hollandais, crie au peuple qu’on le trahit et qu’un étranger lui a pris ses clés, saute à bas du perron, saisit le matelot à la gorge, arrache les clés et les remet à l’officier de garde en disant au peuple : « Je suis votre père, c’est moi qui vous réponds des magasins322 ».

1466. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Pour les sens et l’imagination, la sensation, la perception, bref la pensée n’est qu’une vibration des cellules cérébrales, une danse de molécules ; mais la pensée n’est telle que pour les sens et l’imagination ; en elle-même, elle est autre chose, elle ne se définit que par ses éléments propres, et, si elle revêt l’apparence physiologique, c’est qu’on la traduit dans une langue étrangère, où forcément elle revêt un caractère qui n’est pas le sien.

1467. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Il est demeuré étranger au souci de ses contemporains, qui travaillaient la forme : il n’a ni la phrase troussée de Voiture ni l’ample période de Balzac.

1468. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

En peu de temps l’édition était enlevée en France et contrefaite à l’étranger.

1469. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Relisez les études sur Polyeucte, Esther, l’Étrangère, Diane de Lys, le Légataire, les Effrontés, Ruy Blas et le Jeu de l’amour et du hasard, etc  Mais, là même où il ne fait que développer à sa manière et rajeunir le jugement de la tradition, il se glisse dans sa critique quelque chose d’aventureux, de fantasque, d’invérifiable.

1470. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Au temps de Molière encore les « honnêtes gens » et les bourgeois n’étaient nullement étrangers aux choses de la théologie.

1471. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Plus tard, compris dans l’amnistie, il changea entièrement de manière de vivre, ou plutôt il prit possession de sa véritable vie, vie de réflexion et de conversation, par laquelle, a dit Mme de Sévigné, « il s’est rapproché tellement de ses derniers moments, qu’ils n’ont eu rien d’étranger pour lui94. » Il consacra ses loisirs, partie à écrire ses Mémoires et à méditer ses Maximes partie à des lectures avec des personnes d’esprit, et à des conversations où il y avait beaucoup à moraliser.

1472. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Marie resta de la sorte le chef de la famille, et c’est ce qui explique pourquoi son fils, quand on voulait le distinguer de ses nombreux homonymes, était le plus souvent appelé « fils de Marie 203. » Il semble que, devenue par la mort de son mari étrangère à Nazareth, elle se retira à Cana 204, dont elle pouvait être originaire.

1473. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Un idiome étranger, proposant toujours des tours de force à un habile traducteur, le tâte pour ainsi dire en tous les sens : bientôt il sait tout ce que peut ou ne peut pas sa langue ; il épuise ses ressources, mais il augmente ses forces, surtout lorsqu’il traduit les ouvrages d’imagination, qui secouent les entraves de la construction grammaticale, et donnent des ailes au langage.

1474. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Notez qu’aucun étranger n’était admis dans l’intérieur de la maison, que tout ce petit monde était absolument dans la main de la supérieure, et que celle-ci, malgré la rigueur dont on l’accusait, s’était fait tellement aimer de ses filles, qu’elle semblait capable de leur imposer le plus exact secret.

1475. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Mme de Graffigny, en présentant une jeune Péruvienne, Zilia, brusquement transplantée en France, et en lui faisant faire, au milieu d’un cadre romanesque, la critique de nos mœurs et de nos institutions, comme cela a lieu dans les Lettres persanes, avait trop oublié de tenir compte des raisons de ces mêmes institutions et des causes naturelles de ces inégalités sociales, qui semblent choquer si vivement sa jeune étrangère.

1476. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Il s’est donc déclaré aussitôt, dans une partie de cette belle société à la fois outrée et rassurée, une disposition frondeuse, railleuse, qui se manifeste de mille manières ironiques depuis longtemps tombées en désuétude, par des journaux à la main, par des bulletins publiés à l’étranger, par des couplets à la Maurepas, que sais-je ?

1477. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Mallarmé lui-même ; l’autre étant philosophique, d’une philosophie à laquelle ceux-ci comme tous autres sont essentiellement étrangers.

1478. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Il serait mieux qu’il n’y eût aucune distinction d’étrangers et de régnicoles, et qu’un anglais pût venir à Paris étudier devant notre modèle, disputer la médaille, la gagner, entrer à la pension, et passer à notre école française de Rome.

1479. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

C’est là qu’il faut le chercher, et précisément, c’est en le cherchant là qu’on saisira les différences entre le style personnel et le style qu’il invente et qu’il crée à l’usage des personnages étrangers à lui et pour les peindre.

1480. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Nous avons vu ces pieux cénobites, exilés dans le monde où ils étaient étrangers, nous offrir le spectacle de ce sacerdoce aujourd’hui si méconnu.

1481. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

On sent qu’il est toujours maître de son sujet, qu’il se meut dans le champ des idées comme dans son domaine, qu’il en sait tous les chemins, qu’il est prêt, si l’un d’eux se trouve fermé, à en ouvrir d’autres, qu’il a le droit de prendre charge d’âmes, et de s’offrir pour guide aux ignorants et aux étrangers qui voudront visiter la contrée solitaire et périlleuse où il s’est établi.

1482. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Benda est absurde, comme étranger à la considération de la beauté proprement poétique, qui seule importe en l’espèce. […] La différence du vers à la prose frappe toujours moins dans une langue étrangère, si bien qu’on la sache. […] Cependant il avoue « l’immensité de la délivrance » et la fureur du peuple contre l’étranger qui voulait rétablir l’oppression séculaire. […] Heureusement pour nous, lecteurs étrangers, ceux de Tolstoï sont presque tous Russes et par conséquent nous étaient moins familiers. […] Il laisse entrevoir des arrière-pensées et des soucis dominants, voire obsédants, étrangers au pur désir de s’instruire et de satisfaire sa raison.

1483. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Ils aiment à pénétrer les causes, à déduire et à conclure, dans le recueillement, les relations mystérieuses des choses que l’inattention ou l’insouciance considèrent comme absolument étrangères entre elles. […] La traduction des ouvrages étrangers est aujourd’hui une industrie comme le commerce de l’indigo, du coton ou du colza ; elle a ses commis-voyageurs, ses maisons de correspondance, ses entrepôts ; elle soumissionne pour l’exploitation d’un roman de Vienne ou d’Édimbourg, comme Ouvrard ou Séguin pour les fourrages et les chaussures de l’armée. […] Clarisse et Julia, Tristram Shandy et Harley ne sont pas absolument étrangers l’un à l’autre. […] Si les noms historiques de la France conservent encore quelque crédit dans les chancelleries étrangères ; si pour complaire aux cours de Russie ou d’Autriche, on daigne encore nommer aux ambassades les ducs et les marquis, ce ressouvenir de l’ancien régime ne peut durer longtemps ; le recensement des emplois diplomatiques en fait foi. […] Précisément à cette même époque on publiait, pour la seconde fois et sous une forme meilleure que la première, les chefs-d’œuvre des théâtres étrangers.

1484. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Jettez dans le monde un homme qui n’y seroit préparé que par de belles leçons de sçavoir vivre, n’y seroit-il pas tout-à-fait étranger, en comparaison de celui, qui sans autre étude l’aura fréquenté long-tems ? […] Nous n’avons presque point de tragédie qui marche par d’autres ressorts ; et les étrangers ne nous épargnent pas là-dessus le reproche d’uniformité. […] C’est un bonheur pour moi d’y avoir réflechi, car je ne le compte pas pour un mérite : c’est toûjours quelque chose d’étranger à nous qui fait naître nos réflexions ; et rien ne nous en appartient que d’essayer de les mettre à profit. […] Les malheurs de nos proches ont plus de droit à notre compassion que ceux des étrangers. […] C’est une nouveauté assez grande que de démêler des principes dont bien des gens se sont douté quelquefois, mais qu’ils n’ont fait qu’entrevoir ; et ce ne seroient plus des vérités, si le fond en étoit absolument étranger à de bons esprits. à l’égard de l’inutilité : j’ai dit moi-même que mes réflexions, en les supposant judicieuses, ne seroient que d’un foible secours à ceux qui voudroient se donner au théatre ; et je les renvoïe à une école plus sûre, au théatre même, pour y étudier ce qui plaît et ce qui doit plaire.

1485. (1887) Essais sur l’école romantique

Venus dans un temps de religieuse imitation, où la littérature calquait scrupuleusement les modèles, et se sentait trop près encore des grands noms pour oser secouer leur influence, ces hommes-là se sont instruits, passionnés à cette école ; et, quand la jeune littérature s’est montrée à son tour, avec ses timidités, ses hardiesses, ses espérances, bien qu’elle demandât humblement d’être encouragée, et que dans ses préfaces obséquieuses, elle fit amende honorable aux grands maîtres d’oser penser après eux, ils l’ont repoussée comme une étrangère, et combattue comme une usurpatrice, la condamnant à s’enfanter elle-même à travers la plus rude, mais la plus féconde épreuve des littératures, les répugnances contemporaines. […] Accours, toi qui, de loin, dans un doute cruel, Suivais des yeux ton fils sur qui veillait le ciel,         Viens ici comme une étrangère Ne crains rien : en pressant. […] Malgré nos préoccupations politiques, nous tenons à honneur qu’on ne pense pas de nous, à l’étranger, qu’une œuvre de génie peut passer inaperçue au milieu de nous. […] Il est reçu par les amis de ses victimes comme un étranger devant qui tout ne peut pas se dire. […] Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, lui a été inspiré par deux influences étrangères et extérieures, par cette mode de moyen âge d’abord, ensuite par la popularité des romans historiques de Walter Scott.

1486. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Il n’aime pas la démocratie, « le pire des gouvernements », surtout « quand il faut combattre un ennemi puissant et qu’une volonté unique est nécessaire au salut de la pairie. » Ce qu’il déteste surtout dans l’état populaire, c’est qu’il lui paraît affaiblir la nation dans la lutte contre l’étranger, pensée qui n’a rien d’original, et qui a été bien souvent exposée depuis, mais qui est curieuse à sa date, au lendemain des guerres de la Révolution française. […] C’est qu’elle a cru qu’il y avait deux choses, et si étrangères l’une à l’autre que ce serait un sacrilège de les unir : l’art d’une part, qui descend d’Homère, et qui a sa conception de l’homme, sa manière de voir le monde, sa religion, et que nous devons accepter, entretenir et transmettre avec sa religion, sa philosophie et sa morale ; — le vrai, d’autre part, qui vient de Dieu, que nous devons mettre dans notre vie et dans nos actes, serrer et chérir dans nos cœurs, mais qui n’est pas matière d’art, et que nous déshonorerions en en faisant une tragédie ou une épopée. […] Au contraire est-il bon, et, aussi, est il possible, qu’il n’y mette qu’autre chose, à savoir l’âme étrangère, de païen s’il est chrétien, d’ancien s’il est moderne, d’Espagnol s’il est Français, que par la force de son génie d’artiste il a su se faire ? […] Cela sentirait encore l’effort, et toute forme de l’effort lui est étrangère, il est très naturel dans l’expression déliée et aérienne des sentiments. […] Cette adoration sombre d’un Dieu formidable et aveugle est un thème poétique merveilleux, mais absolument étranger à toute la pensée de Lamartine en 1825.

1487. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Il n’est rien de plus délirant que cette plèbe comiciale, infestée d’étrangers, errante et vugulaire, mal définie, qui va des assaillants de la Bastille aux politiciens républicains de la dernière fournée. […] J’entends, par la fin d’un pays, son passage sans réaction sous une domination étrangère, et le renoncement à son langage. […] Chacun de ces clans, cherchant des appuis, les trouve, soit à l’étranger, selon les vicissitudes des ententes et alliances, soit dans la finance et les banques rivales. […] Cependant je ne m’en suis guère aperçu, au cours des quelques séjours que j’ai faits, dans ma jeunesse, à l’étranger, notamment en Angleterre, en Hollande, en Belgique, en Espagne. […] Ce qui compte à l’étranger, comme ce qui compte chez nous, se désintéresse, en général, de l’Académie.

1488. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Trop épique, je veux dire par là que des événements étrangers, et plutôt parallèles que connexes à l’action, y tiennent trop de place, comme la bataille de Rodrigue contre les Maures, dont le récit, à mon sens, fait hors-d’œuvre dans la pièce. […] Il fallait, en second lieu, que la comédie se fût achevée de débarrasser des influences étrangères qui pesaient toujours sur elle, et qu’abandonnant enfin l’imitation de l’Espagne ou de l’Italie, elle se fût rendue, je ne veux pas dire Parisienne, — elle n’y aura bientôt que trop de tendances, — mais Française et nationale. […] » L’intérêt décroît précisément ici de tout ce que Corneille a voulu mettre d’étroite conformité entre le développement de son drame et la réalité d’une histoire qui nous est aussi étrangère que l’est celle des Syriens et des Parthes. […] Elle l’est, Messieurs, par le lieu de la scène d’abord ; et après avoir vingt ans parcouru l’étranger, nous rentrons enfin, en France, et à Paris. […] Vous le voyez, Messieurs, d’étrangère devenue nationale, d’aristocratique bourgeoise, de romanesque naturaliste, et, pour ainsi parler, d’une épée de parade une arme de combat, si la comédie, dans l’École des femmes, aussi gaie que celle de Corneille ou de Scarron, plus décente que la dernière, aussi littéraire que la première, y est en outre et en même temps comédie de mœurs, comédie de caractères, comédie à thèse, il serait difficile de trouver dans l’histoire d’un art, de concevoir ou d’imaginer, une transformation plus profonde, accomplie presque d’un seul coup, par le génie d’un seul homme.

1489. (1901) Figures et caractères

Il est comme ces glaciers des Alpes qui expulsent d’eux-mêmes les corps étrangers pour demeurer en leur pureté naturelle. […] Il y voit le royaume enfin libre de l’étranger et pouvant reprendre sa vie nationale, mais j’y sens aussi le soupir de la terre délivrée. […] Elle appartint à des mains étrangères. […] Cet étranger était de haute stature et de vaste corpulence. […] Au manque de toute contrainte étrangère, il a appris à se dominer.

1490. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Enfin, quand il met les étrangers au-dessus de son pays, Monsieur n’a plus du paysan au moins : c’est l’homme de toute nation, de tout caractère d’esprit ; et, somme totale, il en sait plus que les étrangers eux-mêmes. » À la bonne heure ! […] C’est le don de vivre d’une infinité de vies étrangères, quelquefois d’une manière plus pleine et plus intense que ceux qui les ont vécues, et avec cette clarté de conscience, que ne peut avoir que celui qui est assez fort pour se détacher et s’abstraire, et regarder en étranger sa propre âme ; ou assez fort, en sens inverse, pour entrer dans une âme étrangère et la contempler de près, comme chose à la fois familière et dont on sait ne pas dépendre. […] Il est menteur à ce point que la notion du mensonge lui est étrangère. […] S’il croit en Dieu (et il croit qu’il y croit), à coup sûr l’idée de la Providence lui est étrangère absolument, et radicalement odieuse. […] C’est qu’elle était en ces temps-là la corporation des capacités. — Mais la vraie idée aristocratique est totalement étrangère à ce contempteur du peuple.

1491. (1929) Dialogues critiques

Il a été, sa vie durant, la terreur des faussaires, des fumistes et de ses confrères, tant français qu’étrangers qui aiment mieux être roulés à l’insu du public que publiquement détrompés. […] Ne parlons même plus de patriotisme, bien que nous ayons cru que le pire des malheurs — et le plus cruellement ressenti en Alsace-Lorraine après 1870 — fut le joug de l’étranger.

1492. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

À quatre heures de l’après-midi, la même vision se reproduisit… À six heures, je distinguai plusieurs figures qui n’avaient aucun rapport avec la première… Le lendemain, la figure de mort disparut ; elle fut remplacée par d’autres figures représentant parfois des amis, le plus souvent des étrangers… Ces visions étaient aussi claires et aussi distinctes dans la solitude qu’en compagnie, le jour que la nuit, dans les rues que dans ma maison ; elles étaient seulement moins fréquentes quand fêtais chez les autres. » C’étaient des hommes et des femmes qui marchaient d’un air affairé, puis des gens à cheval, des chiens, des oiseaux ; il n’y avait rien de particulier dans leurs regards, leurs tailles, leurs habillements ; « seulement ces figures paraissaient un peu plus pâles que d’ordinaire40 ». […] Très souvent, les malades, après avoir admis plus ou moins longtemps que leurs fantômes n’étaient que des fantômes, finissent par les croire réels, au même titre que les personnes et les objets qui les entourent, avec une conviction absolue, sans qu’aucune expérience personnelle ou aucun témoignage étranger puisse les arracher à leur erreur.

1493. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Elle dansait souvent chez une de ces étrangères cosmopolites qui colportent leurs salons de capitale en capitale et qui invitent à tout hasard, non pas des hommes et des femmes, mais des noms pris dans les dictionnaires d’adresses de Rome ou de Paris. […] Je n’osai pas la saluer ; elle n’avait pas de raison de reconnaître dans un étranger errant sous les pins de la campagne de Rome un de ses danseurs de Paris.

1494. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Mais l’ombre de leur vie passée suit les hommes publics jusque sur la terre étrangère : la mer, qui les sépare de leur patrie, ne les sépare pas de leur nom. […] Les étrangers l’appelèrent le père des alliés de Rome et des tributaires.

1495. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

L’Emile, en particulier ; ce livre tant lu, si peu entendu et si mal apprécié, n’est qu’un traité de la bonté originelle de l’homme destiné à montrer comment le vice et l’erreur, étrangers à sa constitution, s’y introduisent du dehors, et l’altèrent insensiblement. […] Il est certain qu’il y a dans certaines parties de son œuvre une poésie domestique, telle que peut l’aimer un réalisme non pas « cruel », comme le nôtre s’est trop souvent piqué de l’être, mais sympathique au contraire à l’homme, comme l’ont été plus que nous les étrangers.

1496. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

« Je veux, dit-il, que mon Eugénie soit un modèle de raison, de dignité, de douceur, de vertu, de courage… Je veux qu’elle soit seule, et que son père, son amant, sa tante, son frère, et jusqu’aux étrangers, tout ce qui aura quelque relation avec cette victime dévouée, ne fassent pas un pas, ne disent pas un mot qui n’aggrave le malheur dont je veux l’accabler. » « Tenez vos personnages dans la plus grande gêne possible », avait dit le maître. « Je veux, dit le disciple, que la situation des personnages soit continuellement en opposition avec leurs désirs, leurs intérêts, leurs caractères. » Soit. […] Imités du roman le plus populaire d’alors, Clarisse Harlowe, ils ont eu le sort d’une mode venue de l’étranger : après beaucoup de bruit, l’oubli.

1497. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Ce sont, par exemple, des noms de vêtements qui rappellent que telle influence étrangère s’exerçait au moment où ils ont reçu droit de cité : le haubert, le heaume nous reportent à l’époque guerrière où les Francs imposaient leur domination et quelques-uns de leurs mots à la Gaule vaincue, tout comme, de nos jours, redingote, raglan, mac-farlane, etc., montrent l’action de l’Angleterre sur nos mœurs nationales. […] Charles VI tombe en démence et avec ce fou couronné reparaissent les désastres de la guerre étrangère et les horreurs de la guerre civile.

1498. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Alors intervient un motif qui sous cette forme semble tout à fait étranger au premier ; c’est un appel puissant et large des cuivres doucement répété en hauteur par les flûtes ; puis un troisième motif qui semble également particulier, que nous analyserons à son tour, et à la fin duquel (p. 5, lignes 2, 5, 6), réapparaît la terminaison E du motif fondamental. — Celui-ci revient alors et forme toute la fin de l’ouverture, et successivement toutes ses fractions se mettent en évidence : d’abord A, B et C ensemble, puis B, qui s’altère de différentes façons ; et le motif A, B, C, revient encore trois fois, toujours arrêté par B qui se représente obstinément de plus en plus altéré, jusqu’à ce que D arrive à son tour ; E apparaît ensuite et semble une réponse à D et prend même à un moment un développement considérable ; et, à plein orchestre, une complication expressive met en valeur les notes finales qui se trouvent ici n’être plus autre chose que la répétition de B, au point d’être suivies enfin de D. qui s’affaisse bientôt, tandis que les bois reprennent, faiblement et de plus en plus en hauteur, le motif ascensionnel qui semble ici fuir, en se dissipant dans les hauteurs de l’orchestre, le milieu sonore encore troublé par les successifs déchirements et les vertigineuses éducations du motif fondamental. […] Nous n’ignorons pas que l’on a parfois expliqué ce prélude en donnant aux motifs qui le composent la signification dramatique révélée pendant le cours de l’action, mais nous n’admettons pas le secours de ce contexte tout artificiel et nous ne croyons pas devoir accorder à la musique du prélude, que Wagner a naturellement placée avant toute manifestation définie de sa pensée, avant le drame, le sens si clair qu’elle prendrait si l’on possédait déjà l’œuvre entière qui nous est encore absolument étrangère.

1499. (1909) De la poésie scientifique

» Et qui se ressemblent tous, pourrait-il dire pour aggraver cette exaltation nationale, mais mal à propos, car si l’Étranger, partout, étudie, traduit, commente les Poètes Français et subit leur action  ce sont ceux d’hier. […] Pareilles réponses venues de la pensée Etrangère se rapprocher des constatations d’une tendance progressive et de réalisations plus ou moins caractérisées en France, suscitent peut-être un avertissement de sanction… Et, c’est hier qu’en son discours de réception à l’Académie, M. 

1500. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Il a découvert ainsi dans les Pyrénées une magnifique grotte de stalactites, maintenant exploitée et visitée par les étrangers. […] Le bon Soulié, qui nous guide, nous dit combien cette Marie-Antoinette, cette ombre charmante et dramatique de l’histoire, est l’occupation de la pensée de l’étranger.

1501. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Dans le roman où se dessine cette héroïne d’une si chaude vie, on peut suivre le même travail minutieux de représentation par un grand nombre d’incidents sur tous les personnages de premier plan ; toute une période de leur vie nous est donnée en d’innombrables instants pour Wronsky l’homme moderne du bel air, élégant, un peu lourd d’esprit ; mais noble, constant, délicat, digne d’être aimé, et se haussant parfois à de grandes idées humaines étrangères à sa caste, comme pour Lévine plus fruste, plus simple et plus profond et dépeint de ses occupations de gentilhomme campagnard à ses angoissantes préoccupations sur le but et le sens de la vie. […] Il fut à l’origine celui qui, doué d’une merveilleuse faculté de percevoir et de se rappeler, connut les mille aspects de la nature, les innombrables et particulières manifestations humaines ; qui sut deviner, par on ne sait quelle intuition de soi-même et des autres, les âmes et les agitations d’âmes doutées dehors sont les signes ; embrassant dans son large esprit tout l’individuel des personnes, et ce qu’elles ont d’universel, les lois déliées, les indices délicats de leur permanence, de leur variabilité, de leur mobilité ; il conçut encore, le premier à ce degré, toute retendue presque du monde et de notre espèce, contempla cet immense spectacle de ses yeux novateurs et, le reproduisant entier, sut tacitement s’y enclore avec tous en des livres auxquels personne ne peut se prétendre étranger ; et comme l’essentiel de l’artiste est de connaître les choses et les gens, non pas objectivement et intellectuellement, mais sous leur aspect sensible, en la boulé de ses personnages, en leur âme aimante, en leur noblesse morale, en leur méditation douloureuse de la mort, et leur résignation à d’humbles solutions, ce sont ses vertus, ses angoisses et sa simplicité d’esprit qui transparaissent, comme s’accuse en leur impuissance spéculative la sienne propre, comme se marque sa répulsion pour le mal dans le rôle effacé qu’il lui assigne, et son détachement final de tout l’ensemble de la vie et du monde, dans le ton lointain et las dont il en parle.

1502. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

On n’est plus la dupe de ces écrivains qui, pour se faire acheter & lire, travestissent leurs noms en des noms anciens, ou du moins étrangers, Allemands, Espagnols, Anglois ; mais on donnoit dans ce piège, il n’y a pas long-temps. […] Suivant ce plan, Turnus ne seroit point un prince jeune, aimable & digne d’obtenir la main de l’objet qu’il adore, mais il en seroit l’oppresseur ; il auroit profité de la foiblesse de la reine Amate & du vieux roi Latinus, pour envahir leurs états : & le prince Troyen seroit le libérateur de Lavinie & de son père ; au lieu que, chez Virgile, Turnus défend Lavinie, & l’on ne voit, dans Énée, qu’un étranger fugitif, courant les mers, & devenu le fléau des peuples & des rois de l’Italie, & d’une jeune princesse, de sorte qu’on est tenté de prendre le parti de Turnus contre Énée.

1503. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Les maîtres me reçurent des mains de ma mère avec une bonté indulgente qui me prédisposa moi-même au respect ; les écoliers, au lieu d’abuser de leur nombre et de leur supériorité contre les nouveaux venus, m’accueillirent avec toute la prévenance et toute la délicatesse qu’on doit à un hôte étranger et triste de son isolement parmi eux ; ils m’abordèrent timidement et cordialement ; ils m’initièrent doucement aux règles, aux habitudes, aux plaisirs de la maison ; ils semblèrent partager, pour les adoucir, les regrets et les larmes que me coûtait la séparation d’avec ma mère. […] Le loriot siffle, l’hirondelle gazouille, le ramier gémit : le premier, perché sur la plus haute branche de l’ormeau, défie notre merle, qui ne le cède en rien à cet étranger ; la seconde, sous un toit hospitalier, fait entendre son ramage confus ainsi qu’au temps d’Évandre ; le troisième, caché dans le feuillage d’un chêne, prolonge ses roucoulements semblables aux sons onduleux d’un cor dans les bois.

1504. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Un mot d’une langue étrangère, prononcé à mon oreille, peut me faire penser à cette langue en général ou à une voix qui le prononçait autrefois d’une certaine manière. […] Plus on se rapproche de l’action, par exemple, plus la contiguïté tend à participer de la ressemblance et à se distinguer ainsi d’un simple rapport de succession chronologique : c’est ainsi qu’on ne saurait dire des mots d’une langue étrangère, quand ils s’évoquent les uns les autres dans la mémoire, s’ils s’associent par ressemblance ou par contiguïté.

1505. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Une lettre piquante adressée à son ancien ami Ségur qui avait donné quelque adhésion aux premiers actes de la Révolution, nous montre le prince de Ligne à la date d’octobre 1790, dans le premier instant de son irritation et de sa colère : La Grèce avait des sages, dit-il, mais ils n’étaient que sept ; vous en avez douze cents à dix-huit francs par jour, … sans mission que d’eux-mêmes, … sans connaissance des pays étrangers, sans plan général, … sans l’Océan qui peut, dans un pays dont il fait le tour, protéger les faiseurs de phrases et de lois… Messieurs les beaux esprits, d’ailleurs très estimables, ont bien peu de talent pour former leurs semblables.

1506. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

On dirait d’humbles compagnons et suivants de nos chroniqueurs, et qui ne songent en leurs traits rapides qu’à saisir les physionomies telles qu’ils les voient, avec vérité et candeur ; la seule ressemblance les occupe ; les imitations étrangères ne les atteignent pas.

1507. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Et après qu’il avait ainsi fait frissonner, en la touchant au passage, la plaie cachée de chaque auditeur, après qu’il avait dû sembler en venir presque aux personnalités auprès de chacun, Massillon se relevait dans un résumé plein de richesse et de grandeur ; il se hâtait de recouvrir le tout d’un large flot d’éloquence, et d’y jeter comme un pan déployé du rideau du Temple : Non, mon cher auditeur, disait-il aussitôt en rendant magnifiquement à toutes ces chutes et toutes ces misères présentes des noms bibliques et consacrésa, non, les crimes ne sont jamais les coups d’essai du cœur : David fut indiscret et oiseux avant que d’être adultère : Salomon se laissa amollir par les délices de la royauté, avant que de paraître sur les hauts lieux au milieu des femmes étrangères : Judas aima l’argent avant que de mettre à prix son maître : Pierre présuma avant que de le renoncer : Madeleine, sans doute, voulut plaire avant que d’être la pécheresse de Jérusalem… Le vice a ses progrès comme la vertu ; comme le jour instruit le jour, ainsi, dit le Prophète, la nuit donne de funestes leçons à la nuit… Ici l’écho s’éveille et nous redit ces vers de l’Hippolyte de Racine : Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes… Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés… On a souvent remarqué que Massillon se souvient de Racine et qu’il se plaît à le paraphraser quelquefois.

1508. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Duclos et Saint-Simon ont donné là-dessus les seules raisons, et les meilleures, pour l’excuser de n’avoir pas dit non : Dubois, dit Saint-Simon, voulut (pour second assistant) Massillon, célèbre prêtre de l’Oratoire, que sa vertu, son savoir, ses grands talents pour la chaire, avaient fait évêque de Clermont… Massillon, au pied du mur, étourdi, sans ressources étrangères, sentit l’indignité de ce qui lui était proposé, balbutia, n’osa refuser.

1509. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

S’il y a en Écosse ou ailleurs au loin quelque chevalier qui peut le bien renseigner sur tel ou tel fait de guerre qui s’est passé en ces pays étrangers, messire Jean Froissart monte à cheval, sur son cheval gris, et tenant un blanc lévrier en laisse, il va interroger et questionner quiconque le saura compléter sur une branche d’événements qu’il ignore.

1510. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Dans les lettres écrites pendant son séjour d’Italie (1685-1686), on le voit épris de plus d’une beauté soit romaine, soit étrangère.

1511. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Fiancé à la fille d’un médecin au commencement de l’année 1735, après s’être assuré du cœur de la jeune personne, il entreprit le cours de ses voyages dans les pays étrangers : il ne résida pas moins de trois ans en Hollande ; il vint ensuite quelque temps à Paris, où les Jussieu le reçurent : il n’était pas encore question de Buffon.

1512. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Bossuet n’est pas de ces talents ingénieux qui ont l’art de traiter excellemment des sujets médiocres et d’y introduire des ressources étrangères ; mais que le sujet qui s’offre à lui soit vaste, relevé, majestueux, le voilà à son aise, et plus la matière est haute, plus il va se sentir à son niveau et dans sa région.

1513. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

On avait pour moi de l’affection et des bontés touchantes ; ma douleur intéressa, et je réussis à ramener le calme. » Aussi, lorsque le lundi 25 mai, après un mois de séance et de secrétariat à l’Archevêché, Bailly se rendit dans la salle des États généraux à Versailles avec les autres députés de Paris, il sentit qu’il changeait de milieu et comme de climat : J’entrai dans cette salle avec un sentiment de respect et de vénération pour cette nation que je voyais réunie et assemblée pour la première fois ; j’éprouvai peut-être un sentiment de peine de m’y sentir étranger et inconnu.

1514. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Il suffirait de rapprocher et de marquer à l’encre rouge sur un exemplaire les faits éloignés ; cette série seule, établie par de simples nouvelles de Dangeau, et sans y mêler aucune réflexion étrangère, deviendrait presque, par les considérations qui en ressortiraient en la lisant, un chapitre de Montesquieu.

1515. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Charron fait consciencieusement son devoir comme controversiste, comme prédicateur ; il amasse ses preuves, il fait servir sa philosophie comme une espèce de machine ou de tour pour battre en brèche la place ennemie : puis, quand il estime que la brèche est suffisante, il ordonne et fait avancer ses preuves directes ; mais tout cela sans feu, sans flamme ; on sent toujours l’homme qui a dit : « Au reste, il faut bien savoir distinguer et séparer nous-mêmes d’avec nos charges publiques : un chacun de nous joue deux rôles et deux personnages, l’un étranger et apparent, l’autre propre et essentiel.

1516. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Enfin, pour mieux séparer encore Charron de Montaigne, dans l’impression que font aujourd’hui leurs écrits, je ne crois pouvoir mieux faire que de donner le témoignage d’un illustre étranger sur Montaigne, Jean de Muller.

1517. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Ici une nouvelle carrière commence pour Rohan : le roi, sur le conseil du cardinal de Richelieu, le croit très propre à ses affaires en ces contrées, à cause des qualités mixtes et variées qu’il possède, négociateur, capitaine, très en renom à l’étranger, pouvant agir comme de lui-même et n’être avoué que lorsqu’il en serait temps.

1518. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Pourquoi, quand on est si familier avec les personnages du xviie  siècle, avec leurs actes et avec leurs discours, quand on est entré si avant dans leur conversation et leur correspondance, pourquoi écrit-on d’une manière qui leur est si étrangère, qui leur serait si antipathique ?

1519. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

Laissons donc évaporer en liberté la malice des esprits ignorants ou passionnés, puisque l’opposition ne servirait qu’à l’irriter davantage, et consolons-nous par les sentiments qu’ont de sa vertu les étrangers, qui en jugent sans passion et avec lumière.

1520. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Ainsi, dans une lettre au prince Albert de Broglie au sujet de Donoso Cortès, elle veut marquer que la disposition de cet éloquent Espagnol à maudire notre siècle en masse, disposition qu’elle était loin de partager, ne lui donne pourtant point de l’éloignement pour sa personne et qu’elle se sent plus attirée que repoussée, malgré cette opposition des points de vue : « Jamais, dit-elle, disposition morale ne m’a paru plus étrangère au mouvement de la pensée ; aussi, toute dissidence avec lui (Donoso Cortès) amène un effet surprenant, c’est de se sentir, dans un sens, rapproché de lui à mesure qu’on s’en sépare. » On m’avouera que c’est du Rambouillet tout pur.

1521. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

L’élément trop austère, trop sérieux, s’il n’est corrigé par la grâce, court risque chez nous d’être évincé, — tôt ou tard évincé comme un corps étranger.

1522. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Il eut l’honneur, en juillet 1690, de recevoir et de régaler à son passage le roi Jacques détrôné et fugitif, qui avait pris sa route par Caen : il fut très-frappé de l’air indifférent, passif, de ce roi opiniâtre,« qui paraissait aussi insensible au mauvais état de ses affaires que si elles ne le regardaient point ; qui racontait ce qu’il en savait en riant et sans aucune altération. » Le roi Jacques se flattait à cette date, que « le peuple anglais était entièrement dans ses intérêts » ; et il imputait tout le mal au prince d’Orange et aux troupes étrangères que l’usurpateur avait fait passer en Angleterre.

1523. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Flaubert ; il est celui de presque tous les romanciers de ce temps, à commencer par Walter Scott, lequel, ayant à nous montrer un étranger entrant le soir dans une salle de festin, s’amuse à nous le décrire de la tête jusqu’aux pieds, y compris les bas, les souliers, comme si des convives assis pouvaient distinguer cette partie inférieure de l’individu, ce qui serait tout au plus possible de jour.

1524. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Ils avaient repoussé de toute leur âme l’étranger que tous les autres à l’entour appelaient de leurs vœux ; c’était leur crime.

1525. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Mais tel aveuglement en ce monde est le nôtre, Qu’on nous voit à leur sort vivre comme étrangers.

1526. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Taine aura fait avancer grandement l’analyse littéraire, et celui qui après lui étudiera un grand écrivain étranger, ne s’y prendra plus désormais de la même manière ni aussi à son aise qu’il l’aurait fait à la veille de son livre.

1527. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Dès le début, l’historien analyse et expose la condition diverse des divers peuples d’Italie soumis à la domination romaine, les Latins les plus favorisés, les Italiotes ; quelque différence de régime qui parût d’abord entre ces peuples de la péninsule et les étrangers proprement dits ou barbares, leur liberté se réduisait au fond à une satisfaction d’amour-propre accordée à des vaincus, tandis que la toute-puissance restait en réalité au peuple conquérant.

1528. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Mérimée, sinon des représentants eux-mêmes, et des plus distingués, de ces générations auxquelles M. de Vigny ne les croit point étrangers sans doute ?

1529. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Les idées, les sentiments qu’on exprimait dans ces comédies étaient, pour les spectateurs de Rome, comme une fiction de plus dans un ouvrage d’imagination ; et néanmoins Térence conservait dans ces sujets étrangers le genre de décence et de mesure qu’exige la dignité de l’homme, alors même qu’il n’y a point de femmes pour auditeurs.

1530. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Il en est de même de tous les fanatismes ; l’imagination a peur du réveil de la raison, comme d’un ennemi étranger qui pourrait venir troubler le bon accord de ses chimères et de ses faiblesses.

1531. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Prévost rédigea aussi le Journal étranger en 1755. — Éditions : Œuvres choisies, Paris, 1783 et suiv., 54 vol. in-18 ; 1810 et suiv., 55 vol. in-8.

1532. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Une foule de grands seigneurs, tous les étrangers illustres la visitaient : mais il fallait, pour être accueilli, être homme de progrès, détester le despotisme, adorer l’Angleterre et la liberté.

1533. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Un grand nombre de traductions d’ouvrages étrangers sont devenues matières de lecture courante : avec le naturaliste Darwin, l’Angleterre nous a fourni ses philosophes, Stuart Mill, Herbert Spencer, Alexandre Bain922.

1534. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

C’est encore un trait commun à Buffon et à Descartes, qu’au milieu de spéculations qui semblent si étrangères à la science de la vie, il leur arrive par moment de jeter sur le monde moral un rapide et sûr regard.

1535. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Comptez ce que la France a subi, coup sur coup, depuis moins d’un siècle, de révolutions intestines, de guerres étrangères, d’invasions.

1536. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Mais, d’autre part, il leur confère une fonction nouvelle à quoi personne n’avait pensé jusqu’alors : « Il faut, dit-il, que de plusieurs vocables, on refasse un mot total, neuf, étranger à la langue et comme incantatoire… qui nous cause cette surprise de n’avoir ouï jamais tel fragment ordinaire d’élocution en même temps que la réminiscence de l’objet nommé baigne dans une neuve atmosphère.

1537. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

La Fontaine était, des quatre amis, celui qui avait dans l’esprit le plus de notions de morale, qui avait les plus justes et les plus étendues, depuis la morale des rois, qui est si bien établie dans toutes celles de ses fables où se trouve un lion, jusqu’à celle du prolétaire qui s’adapte à la fourmi ; mais il était aussi celui de cette société à qui les devoirs domestiques et les préceptes de la continence étaient le plus indifférents et la morale pratique le plus étrangère.

1538. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Sans doute la conversion, l’adhésion de l’adulte à une doctrine étrangère et arrêtée, marque toujours faiblesse et lâcheté intellectuelles.

1539. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Il peut s’emparer hardiment d’une maladie des sens ou de l’âme, en scruter les plaies, en analyser les ressorts, compléter, par une étude hardie et profonde, la science de la vie à laquelle rien de ce qui est humain ne doit rester étranger.

1540. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

L’écueil de tout temps, depuis qu’il y a eu lecture publique d’éloges, a donc été, pour celui qui les prononce, de chercher son succès dans des ornements étrangers et dans des digressions à l’ordre du jour.

1541. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Après sa sortie de France et ses voyages à l’étranger, Mme de Genlis, rentrée à l’époque du Consulat, publia, de 1802 à 1813, quelques ouvrages qui tiennent à sa veine sentimentale et romanesque plus qu’à sa veine pédagogique, et dont quelques-uns ont obtenu un vrai succès : les Souvenirs de Félicie, première esquisse agréable, qu’elle a délayée depuis dans ses intarissables Mémoires ; une nouvelle qui passe pour son chef-d’œuvre, Mademoiselle de Clermont, et quelques romans historiques, La Duchesse de La Vallière, Madame de Maintenon, Mademoiselle de La Fayette : ce fut son meilleur moment.

1542. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

M. de Lamartine, comme tous les grands poètes, a plusieurs âmes, il a dit même quelque part qu’il en avait sept (le nombre n’y fait rien) ; et certes il a prouvé, en des heures fameuses, que l’énergie, la force, une soudaine vigueur héroïque qui se confond dans un éclair d’éloquence, ne lui sont pas étrangères.

1543. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Brantôme qui faisait une galerie des Dames illustres françaises et étrangères, après y avoir fait entrer Marie Stuart, avait pensé à y mettre Marguerite comme un autre exemple des injustices et des inclémences de la fortune.

1544. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Arrivé à Paris à la fin de 1818, l’abbé Gerbet entra au séminaire de Saint-Sulpice ; mais sa santé, déjà délicate, ne lui permettant pas d’y faire un long séjour, il s’établit comme pensionnaire dans la maison des Missions étrangères, où il suivait la règle des séminaristes.

1545. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Le résultat de ce châtiment éclatant fut d’accroître la haine publique qui s’attachait déjà à Boris, et de persuader qu’il n’était pas étranger à la mort de l’enfant à laquelle il avait tant d’intérêt et dont il allait recueillir le fruit.

1546. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Les gouvernements, plus passionnés qu’il ne faudrait, négligent d’être étrangers aux animosités d’en bas.

1547. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Mais, le respect pour la loi des convenances, loi fondamentale chez les Français, a dû faire disparaître cette désharmonie choquante, et obliger à abolir une disposition étrangère à nos mœurs, à retirer une loi frappée de désuétude en naissant.

1548. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Nous verrons aussi que la succession logique des trois genres est souvent troublée par des influences littéraires qui n’ont rien de spontané : traditionalisme ou au contraire tactique de combat (ainsi Hugo réagissant contre la tragédie du xviie  siècle) ; ou par l’apparition d’un génie hors cadre (ainsi Racine) ; ou par une catastrophe politique (ainsi l’Italie du xvie  siècle envahie par l’étranger).

1549. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

On voyait qu’il ne poursuivait que le vrai, qu’il y employait toute sa force, qu’il n’en dépensait rien pour des intérêts étrangers, qu’il ne songeait ni à briller ni à plaire, qu’il était penseur et non orateur, qu’il se servait de la parole par occasion et non par amour de la parole.

1550. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

« Si le Directoire vous montrait sa correspondance officielle, vous verriez que les voies de fait dont il est ici question sont étrangères aux opinions politiques ; la plupart n’ont eu lieu que sur des voleurs pris en flagrant délit. […] Lyon se voyant investi par les armées étrangères, ses concitoyens le nommèrent d’une députation qui fut envoyée à Dijon, au quartier général de l’empereur d’Autriche. […] Esménard, poète de beaucoup de talent, mais homme de plaisir, sans principes, qui s’était fait par besoin intrigant et instrument de la police, et qui s’attachait aux pas des étrangers de marque et des membres du corps diplomatique, offrit à M. de Senfft ses services dans cette affaire, et en reçut quelques centaines de louis sous prétexte de prévenir par leur emploi les rapports défavorables de la police westphalienne, qui auraient pu donner à l’affaire une tournure plus odieuse. » — En ce qui concerne l’affaire de Mme de Staël, il est toutefois à remarquer, à la décharge d’Esménard, que, dans la lettre à Camille Jordan qu’on va lire, Mme de Staël ne le distingue point des autres censeurs, qu’elle donne pour favorables à la publication.

1551. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

On inscrivait des rondelles dans des sonnets, des sonnets dans des poèmes ; quant au poème en prose, il y avait eu, me dit Mallarmé, un mouvement de ce côté, auquel je n’étais pas étranger, et sans qu’il prétendît que de beaux poèmes en prose, qui paraissaient alors dans les quotidiens, avec quelques éléments rythmiques pareils aux miens, me dussent quelque chose dans les détails, il voulait bien croire que les miens avaient été comme le léger coup de doigt sur un tambour qui fait partir à côté une foule de tambours sous des roulements savants. […] Se refuser à l’anecdote lyrique et romanesque, se refuser à écrire à ce va-comme-je-te-pousse, sous prétexte d’appropriation à l’ignorance du lecteur, rejeter l’art fermé des Parnassiens, le culte d’Hugo poussé au fétichisme, protester contre la platitude des petits naturalistes, retirer le roman du commérage et du document trop facile, renoncer à de petites analyses pour tenter des synthèses, tenir compte de l’apport étranger quand il était comme celui des grands Russes ou des Scandinaves, révélateur, tels étaient les points communs. […] J’ai choisi dans ces articles ce qui se rapportait davantage aux poètes, aux circonstances adventices du mouvement, soit les linéaments d’influence étrangère qui se sont présentés concurremment au symbolisme et ont contribué à son aspect général. […] « Il est obligé d’accepter un voile extérieur, une fiction, une trame, une histoire dont la grossièreté est nécessaire à la manifestation de sa puissance et à laquelle il reste complètement étranger ; il ne dépend pas, il ne crée pas, il transparaît. […] Il n’y a art social que lorsqu’il y a mélange, confusion des formes, que la thèse, défendue par des moyens d’art étranger à son développement normal, conclut de plain-pied sur des faits trop courants, surtout lorsque l’œuvre est de tendances prédicatrices.

1552. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Et cependant, comme la langue des chansons de geste, elle nous est encore une langue étrangère, et pour les mêmes raisons, parce qu’elle n’a nulle part atteint la perfection de son genre. […] ou plutôt que tout se renouvelât autour d’elle, et qu’elle seule, comme étrangère à tout ce qui se passait, continuât de vivre sur le fonds épuisé d’autrefois ! […] Est-ce à dire que Molière ne soit donc redevable à Louis XIV que de ce patronage hautain et de celle protection un peu banale que le noble orgueil du prince étendait à tous les gens de lettres, et jusqu’aux savants étrangers ? […] Il n’est pas cependant, comme la critique étrangère a pris plus d’une fois un malin plaisir à le prétendre, comme l’a prétendu Gœthe lui-même, « le plus grand écrivain qu’on puisse imaginer parmi les Français ». […] Je ne vois pas que ni Chateaubriand, ni les romantiques après lui se soient beaucoup souciés des littératures étrangères.

1553. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Je dis « hors de France », car des étrangers et Freud lui-même ont manifesté plusieurs fois un étonnement un peu attristé en voyant que non seulement notre public instruit, mais même, ce qui est plus grave, nos psychologues paraissent les ignorer à peu près. […] Mistral est resté aussi étranger à Hugo, à Vigny, à Baudelaire, qu’il put l’être à Nietzsche et à Edgar Poe. […] Et quand il a appliqué à d’autres enquêtes, à des voyages à l’étranger, les mêmes qualités de reporter avisé et amusé, il tirait bien cette seconde critique du même tonneau que la première. […] Il est à remarquer que, malgré ses voyages, ses liaisons avec des étrangères, la rubrique qu’on pourrait appeler « Scènes de la vie cosmopolite » est absente de son œuvre. […] La référence à l’étranger est bien plus nécessaire et plus courante que la référence à l’antiquité.

1554. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

On ne voit pas non plus que, si l’affirmation est un acte de l’intelligence pure, il entre dans la négation un élément extra-intellectuel, et que c’est précisément à l’intrusion d’un élément étranger que la négation doit son caractère spécifique. […] Cette longue analyse était nécessaire pour montrer qu’une réalité qui se suffit à elle-même n’est pas nécessairement une réalité étrangère à la durée. […] Tel est le Dieu d’Aristote, — nécessairement immuable et étranger à ce qui se passe dans le monde, puisqu’il n’est que la synthèse de tous les concepts en un concept unique. […] Dans la physique d’Aristote, c’est par les concepts du haut et du bas, de déplacement spontané et de déplacement contraint, de lieu propre et de lieu étranger, que se définit le mouvement d’un corps lancé dans l’espace ou tombant en chute libre.

1555. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Qu’on brise le pinceau d’un peintre, ou le ciseau d’un sculpteur, il ne sent point les coups dont ils ont été frappés ; mais l’âme… parce qu’elle est sensitive (en même temps qu’intellectuelle), est forcée de s’intéresser d’une façon plus particulière à ce qui touche le corps, et de le gouverner, non comme une chose étrangère, mais comme une chose naturelle et intimement unie. […] Ainsi donc, plus les idées sont détachées, dissoutes, plus la direction et le contrôle nous échappent, plus on est alors proprement aliéné, alienatus a se, étranger à soi-même ; mais plus, au contraire, les idées sont fortement nouées et enchaînées, plus il y a tout ensemble d’intuition, de raison et de volonté, plus alors il y a de génie. […] Quand une cause étrangère vient troubler la vie, l’âme attentive s’inquiète de ce désordre ; elle active la circulation, et n’hésite pas à donner à son corps une agitation salutaire. […] Tant qu’on ne s’est pas adressé sur un auteur un certain nombre de questions et qu’on n’y a pas répondu, ne fût-ce que pour soi seul et tout bas, on n’est pas sûr de le tenir tout entier, quand même ces questions sembleraient le plus étrangères à la nature de ses écrits : — Que pensait-il en religion ? […] Reynolds ajouta l’élégance, avec divers reflets des génies étrangers.

1556. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Sully Prudhomme a toujours cru que, sans perdre, par là même, son contact avec la pensée contemporaine, et sans cesser d’être une occupation virile, la poésie ne pouvait demeurer étrangère. […] Il n’est pas plus vrai de dire qu’étranger de naissance et d’éducation, le « protestantisme » de Vinet nous le rende encore plus « étrange et étranger ». […] Quand un grand écrivain, en rendant littéraire ce qui ne l’était pas avant lui, — la jurisprudence ou la théologie, — ajoute au domaine public une province de plus, c’est la littérature elle-même qui s’annexe ainsi par milliers les indifférents et les étrangers. […] Je ne rechercherai pas même quelle part proportionnelle on attribuera dans les nouveaux programmes, combien d’heures par semaine, à l’enseignement de la langue et de la littérature françaises, combien aux langues étrangères, combien à l’histoire, aux sciences, à la philosophie. […] Ce n’est point à nous, là-dessus, de parler des mathématiques ni de l’histoire naturelle, mais évidemment les langues étrangères ne sauraient ici suffire.

1557. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Dans les moments de presse et de nécessité, quand l’État devait une grosse somme, soit à la reine d’Angleterre, soit au comte Palatin, ou à d’autres princes étrangers ou français, on aliénait une portion d’impôts, et on la leur livrait pour paiement : « Tirez-en ce que vous pourrez. » Ces créanciers, ainsi pourvus d’une valeur incommode et d’un rapport peu précis, l’affermaient à quelque homme de finance qui leur en rendait le moins et en tirait pour son compte le plus possible.

1558. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Ainsi, dans l’un des premiers pamphlets attribués à Mézeray29, je vois l’auteur parler de la France et des Français, et « de la longue durée de plus de treize siècles, et de l’expérience qui devrait être acquise par tant de guerres civiles et étrangères, et des périls de totale ruine si souvent encourus par le changement des races royales », tout comme nous ferions aujourd’hui.

1559. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Il voit autour de lui tout périr, tout changer ; À la race nouvelle il se trouve étranger, Et lorsqu’à ses regards la lumière est ravie, Il n’a plus en mourant à perdre que la vie.

1560. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Le travail critique de ces cinq années, qui se trouve recueilli dans ces onze volumes, et dans lequel je crois avoir fait preuve quelquefois de fermeté véridique, n’a pas été étranger à ces démonstrations malveillantes et à cette légère avanie.

1561. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

J’espère qu’avec cette précaution l’ouvrage sera utile aux Français et aux étrangers.

1562. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

La pompe et les prospérités d’une fortune éclatante n’ont jamais élevé personne aux yeux de la vertu et de la vérité ; l’âme est grande par ses pensées et par ses propres sentiments, le reste lui est étranger ; cela seul est en son pouvoir.

1563. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Tous ces menus détails de la vie intime, dont l’enchaînement constitue la journée, sont pour moi autant de nuances d’un charme continu qui va se développant d’un bout de journée à l’autre : — le salut du matin qui renouvelle en quelque sorte le plaisir de la première arrivée, car la formule avec laquelle on s’aborde est à peu près la même, et d’ailleurs la séparation de la nuit imite assez bien les séparations plus longues, comme elles étant pleine de dangers et d’incertitude ; — le déjeuner, repas dans lequel on fête immédiatement le bonheur de s’être retrouvés ; — la promenade qui suit, sorte de salut et d’adoration que nous allons rendre à la nature, car à mon avis, après avoir adoré Dieu directement dans la prière du matin, il est bon d’aller plier un genou devant cette puissance mystérieuse qu’il a livrée aux adorations secrètes de quelques hommes ; — notre rentrée et notre clôture dans une chambre toute lambrissée à l’antique, donnant sur la mer, inaccessible au bruit du ménage ; en un mot, vrai sanctuaire de travail ; — le dîner qui s’annonce non par le son de la cloche qui sent trop le collège ou la grande maison, mais par une voix douce qui nous appelle d’en bas ; la gaieté, les vives plaisanteries, les conversations brisées en mille pièces qui flottent sans cesse sur la table durant ce repas : le feu pétillant de branches sèches autour duquel nous pressons nos chaises après ce signe de croix qui porte au ciel nos actions de grâces ; les douces choses qui se disent à la chaleur, du feu qui bruit tandis que nous causons ; — et, s’il fait soleil, la promenade au bord de la mer qui voit venir à elle une mère portant son enfant dans ses bras, le père de cet enfant et un étranger, ces deux-ci un bâton à la main ; les petites lèvres de la petite fille qui parle en même temps que les flots, quelquefois les larmes qu’elle verse, et les cris de la douleur enfantine sur le rivage de la mer ; nos pensées à nous, en voyant la mère et l’enfant qui se sourient ou l’enfant qui pleure et la mère qui lâche de l’apaiser avec la douceur de ses caresses et de sa voix, et l’océan qui va toujours roulant son train de vagues et de bruits ; les branches mortes que nous coupons dans le taillis pour nous allumer au retour un feu vif et prompt ; ce petit travail de bûcheron qui nous rapproche de la nature par un contact immédiat et me rappelle l’ardeur de M. 

1564. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

qui oserait soutenir que d’avoir donné à la France une suite de frontières où Douai, Lille, Cambrai, Valenciennes, Saint-Omer, n’étaient plus à l’ennemi, où Besançon et la Franche-Comté nous étaient acquis, où Strasbourg nous couvrait vers le Rhin, où la Lorraine dans un avenir prochain nous était assurée, qui oserait dire que d’avoir obtenu ce résultat, d’avoir extirpé du sein du royaume toutes ces enclaves étrangères, ces bras de polypes qui essayaient en vingt endroits d’y pénétrer, d’avoir fait, selon l’expression de Vauban, son pré carré , et d’avoir pu désormais tenir son quartier de terre des deux mains, ce ne soit pas avoir compris les conditions essentielles du salut et de l’intégrité de la noble patrie française ?

1565. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Il aime la nature comme l’enfant aime sa nourrice, moins occupé de ses charmes, dont le sentiment ne lui est pas étranger cependant, que de sa fécondité… Le paysan aime la nature pour ses puissantes mamelles, pour la vie dont elle regorge.

1566. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

S’il fait de temps en temps et par exception acte de maître, il sait pourtant trop bien au fond qu’il ne l’est plus : aussi se montre-t-il des plus sensibles à la déférence qu’on a à l’étranger pour ses désirs ; et le roi de Portugal ayant paru céder, dans une négociation de famille où il s’était montré jusqu’alors inébranlable, aux instances particulières de Charles-Quint, celui-ci en éprouva une joie telle qu’il n’en avait pas eu une semblable au temps de sa puissance pour ses succès les plus éclatants.

1567. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Les frères Le Nain, nés et élevés à Laon, eurent pour premier maître un étranger et probablement un Flamand, qu’on ne nomme pas ; ils étaient trois, Antoine, Louis et Mathieu, « vivant, est-il dit, dans une parfaite union » ; ils offraient, dans l’application de leur pinceau, des différences, qui paraissent avoir été de dimension plutôt que de manière.

1568. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Ce qui frappe en le lisant, c’est combien il considère la prédication purement et simplement comme un métier ; rien de moins, rien de plus ; toute inspiration de christianisme vif, toute idée d’un ministère supérieur et sacré est absente et lui demeure étrangère.

1569. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Pas un mot ne sera dit entre eux de ces circonstances en quelque sorte étrangères ; les difficultés ne naîtront pas du dehors ni d’aucun événement contraire, et c’est en cela que le roman est d’une grande délicatesse : elles sortiront uniquement du cœur et de l’esprit des personnages, et viendront de la femme en particulier.

1570. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

. — Mais, pour la plupart du temps, ses vrais goûts sont ailleurs : Shakespeare, Gœthe, Heine, peuplent son ciel et sont ses dieux ; il sent plus volontiers le chef-d’œuvre étranger que le chef-d’œuvre national.

1571. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il suffit, pour se sentir à l’aise en parlant de lui, de l’avoir rencontré souvent, de l’avoir trouvé si impartial envers les personnes, si oublieux de toute injure, si étranger à toute rancune, si oublieux des choses seules et des questions importantes, de celles du jour, de celles de demain, un esprit sincèrement, obstinément voué à la prédication des idées qu’il croit justes et utiles.

1572. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Ennoblissons-le, traitons-le dignement, comme il sied et selon le ton primitif ; mais ne le changeons, pas trop, ne le chargeons pas, mêlons-y le moins possible de pensées étrangères et de ce que le trop de réflexion serait tenté d’y mettre.

1573. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Il savait bien, au reste, que c’était chose nouvelle, inusitée et longtemps inouïe dans sa nation, que cette tentative de régularité et cette exacte codification du goût : « En France, disait-il, la nation y est accoutumée, on obéit, on se soumet ; mais nous, braves Bretons24, nous méprisons les lois étrangères, et non conquis, non civilisés, défenseurs hardis et féroces des libertés du talent, nous défions toujours les Romains comme autrefois. » Cela était vrai du moins la veille encore et avant Dryden.

1574. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Elle est charitable par bigoterie et dévote d’une superstition étrangère, ce qui est plus ridicule qu’édifiant aux yeux des Français.

1575. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Dans une mission de ce genre, où il fallait des coups de main improvisés et peu corrects, on éprouvait sans doute, à Versailles, l’inconvénient d’avoir pour instrument un homme à scrupules ; mais on avait aussi les avantages d’avoir dans un guerrier ferme un bon esprit, sage, respectant les mœurs et les usages des populations, ménageant les amours-propres, équitable, soigneux d’alléger les charges et de tempérer les rigueurs d’une occupation étrangère, sachant maintenir la discipline dans ses troupes, leur procurer des occupations, des divertissements même, sans licence et sans ennui ; assez habile pour aller, suivi de tous ses officiers, demander à l’évêque de Casal la permission de faire gras en carême, ce qui fut fort goûté des habitants, mais résistant d’autre part à toute ingérence ultramontaine au sein de sa garnison, et disant : « Je veux rester autant qu’il est possible dans nos mœurs. » J’en ai dit assez pour montrer déjà la réunion de qualités précieuses et rares qui firent de Catinat le plus admirable officier de guerre, si elles n’en devaient pas faire précisément un grand général.

1576. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

C’est ainsi qu’en ont jugé, en France et à l’étranger, les sociétés savantes et les rapporteurs les plus compétents.

1577. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Ici nous avons affaire à un nouveau témoin, simple et véridique33 ; chaque déposition se complète de la sorte et se confirme ; qualités et faiblesses, tout s’y voit : « A mon arrivée près de ce nouveau général, nous dit Rochambeau, je me trouvai dans une société qui m’était fort étrangère ; ce prince était entouré d’aides de camp qui lui avaient été donnés dans sa petite maison par la fameuse Leduc, sa maîtresse en titre : tous ces messieurs aimaient leurs chevaux et ne voulaient les fatiguer que quand ils étaient commandés ou que le prince montait à cheval.

1578. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

de Talleyrand, qui depuis sa sortie du ministère avait d’abord habité sa petite maison de la rue d’Anjou-Saint-Honoré, « où il recevait fréquemment les étrangers, où il donnait des bals d’enfants, où les voix de Mme Grassini, de Crescentini, les scènes déclamées par Talma et sa femme, par Saint-Prix et Lafon, prêtaient aux simples soirées un air de fête », avait depuis acheté l’hôtel Monaco, rue de Varennes, et il y tenait un état princier de maison ; mais la faillite d’un banquier l’ayant mis subitement dans une gêne relative, l’empereur s’empressa de lui venir en aide, et lui acheta son palais.

1579. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

» Lorsqu’il commença ses Messéniennes vers 1816, il était plus sérieusement employé dans un travail pour la liquidation des dettes étrangères sous M.

1580. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Ils étaient frappés de cette physionomie étrangère que chacun trouve à la nature dans les climats éloignés de celui qui l’a vu naître.

1581. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Cette supercherie n’échappa point à la sagacité des juges ; mais, à cause de la coutume et de l’opinion reçue, ils consentirent à les laisser subsister, marquant toutefois d’un obel ceux qu’ils n’approuvaient pas, comme étant étrangers au poète et indignes de lui ; ils témoignèrent par ce signe que ces mêmes vers n’étaient point dignes d’Homère. » II Cicéron et les critiques romains de son époque ont admis cette opinion sur ce chef-d’œuvre de l’art grec et sur ce chef-d’œuvre des langues écrites.

1582. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Écoutons Tacite, c’est ainsi qu’il commence son premier livre : XI « J’entreprends une œuvre riche en vicissitudes, atroce en batailles, déchirée en séditions, sinistre même dans la paix : « Quatre empereurs tranchés successivement par le glaive, trois guerres civiles, plusieurs guerres extérieures, quelques autres tout à la fois civiles et étrangères ; « Nos armes, prospères en Orient, malheureuses en Occident ; l’Illyrie troublée, les Gaules mobiles, la Grande-Bretagne conquise et perdue presque au même moment ; les races suèves et sarmates se ruant contre nous ; les Daces illustrés par des défaites et par des victoires alternatives ; l’Italie elle-même affligée de calamités nouvelles ou renouvelées des calamités déjà éprouvées par elle dans la série des siècles précédents ; des villes englouties ou secouées par les tremblements de terre sur les confins de la fertile Campanie ; Rome dévastée par les flammes ; nos plus anciens temples consumés ; le Capitole lui-même incendié par la main de ses concitoyens ; nos saintes cérémonies profanées ; des adultères souillant nos plus grandes familles ; les îles de la mer pleines d’exilés ; ses écueils ensanglantés de meurtres ; des atrocités plus sanguinaires encore dans le sein de nos villes ; noblesse, dignités, acceptées ou refusées, imputées à crime ; le supplice devenu le prix inévitable de toute vertu ; l’émulation entre les délateurs, non-seulement pour le prix, mais pour l’horreur de leurs forfaits ; ceux-ci revêtus comme dépouilles des consulats et des sacerdoces, ceux-là de l’administration et de la puissance de l’État dans les provinces, afin qu’elles supportassent tout de leur violence et de leur rapacité ; les esclaves corrompus contre leurs maîtres, les affranchis contre leurs patrons, et ceux à qui il manquait des ennemis pour les perdre, perdus par la trahison de leurs amis. » XII « Toutefois le siècle n’est pas assez tari de toute vertu pour ne pas fournir encore de grands exemples : « Des mères accompagnant leurs fils poursuivis, dans leur fuite ; des femmes s’exilant volontairement avec leurs maris ; des proches courageux ; des gendres dévoués ; la fidélité des serviteurs résistant même aux tortures ; des hommes illustres bravant les dernières extrémités de l’infortune ; l’indigence elle-même héroïquement supportée ; des sorties volontaires de la vie comparables aux morts les plus louées de nos ancêtres.

1583. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Néanmoins nous avons à tenir compte de ce que Boileau fut en effet cartésien, comme son Arrêt burlesque suffit à le montrer, et son cartésianisme, manifestement, n’a pas été étranger à la forme définitive qu’il a donnée à la doctrine classique.

1584. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Mais à l’étoffe étrangère il avait donné sa façon.

1585. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Pourtant la souffrance d’un artiste inégal à son rêve, la souffrance d’une femme intelligente et tendre qui sent que son compagnon lui devient étranger, que quelque chose le lui prend, ce divorce lent de deux êtres qui s’aimaient et qui n’ont rien, du reste, à se reprocher l’un à l’autre…, ce sont là des douleurs d’une espèce rare et délicate, des nuances de sentiments dont la notation eût été des plus intéressantes.

1586. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Mais il y a des degrés dans l’impuissance à construire avec des matériaux étrangers une harmonie personnelle.

1587. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Et le fils du mort, imbécile scientifique, étranger à toutes les vraies fiertés et à toutes les délicatesses morales, s’attarde indéfiniment à instruire le procès de son père.

1588. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

— Non, ce peuple est trop étranger à nous, à nos habitudes ; il lui faut des chefs.

1589. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Un étranger, homme d’esprit, a coutume de partager la nature humaine en deux, la nature humaine en général et la nature française, voulant dire que celle-ci résume et combine tellement en elle les inconstances, les contradictions et les mobilités de l’autre, qu’elle fait une variété et comme une espèce distincte.

1590. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Mais, au moment où tout va s’aplanir, où la jeune fille est touchée, où sa mère, qui la devine, prévient l’aveu et offre d’elle-même l’adoption de famille au jeune étranger, un mot fatal vient rompre l’enchantement : Je suis marié !

1591. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Les plus spirituels de ces plats courtisans et de ces faux amis, tels que l’abbé Bastiani, se vengeaient sous main du roi en le dénigrant auprès des étrangers.

1592. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Alfred de Martonne, fils d’un père connu par des études sur la littérature du Moyen Âge, et qui n’y est pas étranger lui-même, a publié, sous le titre d’Offrandes (1851), une cinquantaine de sonnets qui attestent le commerce des maîtres en ce genre.

1593. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Sur quoi Mme de Maintenon, avec sa rigidité la plus piquante et sa rectitude la plus ornée, répond (et il est bien entendu que ce qui suit ne saurait s’appliquer ni à Mme de Caylus ni à Mme de Noailles) : Vous me tyrannisez sur les étrangers et sur mes parents ; je vous avoue, madame, que les femmes de ce temps-ci me sont insupportables : leur habillement insensé et immodeste, leur tabac, leur vin, leur gourmandise, leur grossièreté, leur paresse, tout cela est si opposé à mon goût et, ce me semble, à la raison, que je ne puis le souffrir.

1594. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Cherchant à rassembler dans sa raison toutes ses forces et tous ses motifs de renoncement, il se dit qu’il n’a guère plus de quarante ans ; qu’il y a moyen, après avoir consacré sa jeunesse au service du roi et de sa patrie, de vivre chez soi en honnête homme ; il se trace le plan d’une vie heureuse et privée : « Avoir du bien honnêtement, n’avoir rien à se reprocher (et, pour cela, commencer par payer toutes ses dettes), avoir mérité d’avoir des amis, et savoir s’amuser des choses simples. » Toutes ces conditions pourtant ne laissent pas d’être difficiles à rencontrer dans le même homme, et il suffit d’une seule qui échappe, ou d’un goût étranger qui se réveille, pour faire tout manquer, et pour corrompre ce tranquille bonheur.

1595. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Ne parlons pas de bois d’orangers et de haies de citronniers ; mais tant d’autres arbres et de plantes étrangères, que la vigueur du sol y fait naître en foule, ou bien les mêmes que chez nous, mais plus grandes, plus développées, donnent au paysage un tout autre aspect.

1596. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

La guerre elle-même ne vient qu’en second lieu, et être capitaine paraît à Frédéric quelque chose de plus étranger à sa nature que d’être poète.

1597. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

On pourrait appliquer aux couleurs le raisonnement de Hartmann : nous comparons ensemble diverses couleurs, donc il n’y a au fond qu’une couleur plus ou moins intense à laquelle s’ajoutent des modifications étrangères à la couleur même.

1598. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

comme on s’aperçoit à chaque page qu’il s’est aventuré en pays étranger !

1599. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Ils criblent ce vice de sarcasmes dans un certain nombre de contes, parmi lesquels je citerai : L’avare et l’étranger et Ybilis.

1600. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Néo-Décadents et Symbolistes Aujourd’hui que l’École décadente n’existe plus à Paris qu’à l’état de souvenir, elle semble trouver en province et à l’étranger des adeptes et des continuateurs qui sont comme un écho lointain du bruit qu’elle fit en 1886.

1601. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

En Angleterre, qui est prévenant, disait le prince de Ligne, passe pour étranger.

1602. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Il ne rappelle point enfin, et peut-être ne le sait-il pas, que la santé de Louis XV enfant étant faible, Dubois avait établi un système de gouvernement qui réglait la politique étrangère pour le cas où le roi mourrait, et toute l’administration intérieure pour le cas contraire.

1603. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Tout à coup, il aperçut à l’étalage d’un bouquiniste, entre un Crevier dépareillé et l’Almanach des cuisinières, un pauvre livre étranger, honteux, ignoré, antique habitant des quais, dont personne, sauf le vent, n’avait encore tourné les feuilles : Recherches sur l’entendement humain, d’après les principes du sens commun, par le docteur Thomas Reid.

1604. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Ce rapport n’est point connu par raisonnement, au moyen d’un axiome étranger.

1605. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Avant eux, on l’avait étudiée en accessoire, la consultant par occasion, par intérêt, en vue d’un objet étranger, pour y chercher les preuves d’une opinion logique ou métaphysique, légèrement, irrégulièrement, sans préparation, sans découvertes, sans attention et sans fruit.

1606. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Après avoir suivi le genre des éloges chez les peuples barbares, ou ils n’étaient que l’expression guerrière de l’enthousiasme qu’inspirait la valeur ; chez les Égyptiens, où la religion les faisait servir à la morale ; chez les anciens Grecs, où ils furent employés tour à tour par la philosophie et la politique ; chez les premiers Romains, où ils furent consacrés d’abord à ce qu’ils nommaient vertu, c’est-à-dire, à l’amour de la liberté et de la patrie ; sous les empereurs, où ils ne devinrent qu’une étiquette d’esclaves, qui trop souvent parlaient à des tyrans ; enfin, chez les savants du seizième siècle, où ils ne furent, pour ainsi dire, qu’une affaire de style et un amas de sons harmonieux dans une langue étrangère qu’on voulait faire revivre ; il est temps de voir ce qu’ils ont été en France et dans notre langue même.

1607. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

La jeune Élisa Mercœur, elle aussi, eut à subir la protection banale du député de sa ville natale ; le député présenta la jeune fille au ministre de l’intérieur, le ministre daigna accorder à la jeune étrangère de quoi ne pas mourir de faim tout à fait. […] Que de choses se sont passées depuis, auxquelles Armand Carrel ne fût pas resté étranger ! […] C’était un piège, et c’était un antre, et c’était une caverne, ce Palais-Royal hanté par les Grâces fardées, par les capitaines de rebut, par les étrangers que la conquête avait laissés parmi nous, encore insolents de 1814, dont la plaie était vive et saignante. […] Casimir Delavigne et ses Messéniennes entre les mains du libraire Ladvocat ont été, pendant ces premiers jours de répit que nous laissèrent les armées étrangères, un événement, une consolation, un bienfait. […] Vous les rappelez-vous, ces plaintes touchantes qui touchaient à toutes les fibres de cette nation : Waterloo, Jeanne d’Arc, Parthénope et l’Étrangère ?

1608. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Et je laisse de côté les étrangers : en Angleterre, Lillo et son Barnwell (1730), Moore et son Beverley (1753) ; en Allemagne, Lessing et sa Sara Simpson ! […] Coppée ressemble à celui des romanciers anglais ou russes si j’avais besoin, pour goûter nos écrivains à nous, de constater qu’ils ressemblent aux étrangers. […] Je sais d’honnêtes gens qui reviennent de l’étranger exprès pour voir ça. […] Dumas me fit l’honneur de m’écrire à propos de mon feuilleton sur l’Étrangère, et que je vous donnerai un de ces jours, car elle est curieuse, elle est habile, elle est charmante, et je sais bien ce que j’y répondrai, mais je ne sais pas si j’aurai raison. […] Mlle de Méric (Catherine, dans l’Étrangère), blonde, frêle, maigrichonne, tête allongée, assez fine.

1609. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Est-ce à prouver que la terre étrangère Passe pour nous avant notre pays ? […] Y vient qui veut… Les étrangers y sont reçus à cœur ouvert. […] Et toujours, comme les vrais bourgeois de Paris, il repousse avec violence tout ce qui nous vient de l’étranger, les mots anglais, les mets exotiques, les modes et les mœurs américaines. […] Daniel ne comprit pas entièrement leur langage : l’argot des salons était une nouvelle langue pour lui, et il les prit d’abord pour des étrangers. […] Dégoûté des pays étrangers, il revient en France, et rencontre au jardin des Tuileries Guffroy, le rédacteur du Rougyff, dont il est le créancier.

1610. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Peinture de ces mœurs par un étranger. —  Les Mémoires de Grammont. —  Différence de la débauche en France et en Angleterre. […] Il vit pacifiquement à la campagne avec sa femme, sa sœur, son secrétaire, ses gens, recevant les visites des étrangers qui veulent voir le négociateur de la Triple Alliance, et quelquefois celles du nouveau roi Guillaume, qui, ne pouvant obtenir ses services, vient parfois rechercher ses conseils. […] Soyons étrangers l’un pour l’autre et bien élevés ; soyons aussi étrangers que si nous étions mariés depuis longtemps, et aussi bien élevés que si nous n’étions pas mariés du tout… J’aurai la liberté de rendre des visites à qui je voudrai, et d’en recevoir de qui je voudrai, d’écrire et recevoir des lettres, sans que vous m’interrogiez, sans que vous me fassiez la mine. […] Un jour il est ramassé par la garde, et on lui demande son nom ; il répond gravement : « Wilberforce. » Avec les étrangers, avec les inférieurs, nulle morgue, nulle roideur ; il avait par excellence ce naturel expansif qui se montre toujours tout entier, qui ne se réserve rien de lui-même, qui s’abandonne et se donne ; il pleurait en recevant de lord Byron une louange sincère, ou en contant ses misères de plébéien parvenu.

1611. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

C’est d’un étranger, à qui je ne m’étais confié qu’à demi et qui ne m’apprécie point, que m’est venue ma seule consolation d’amour-propre. […] Leurs façons de parler sont étrangères à notre monde. […] Je ne dis point que ceux-là soient restés étrangers à toute préoccupation d’école. […] C’est un genre où ont brillé jadis Mmes Caro et Graven, mais qui n’a poussé ses vraies Heurs qu’à l’étranger, avec la Fabiola du cardinal Wisemann et le Vicaire de Wakefield de ce bon et ennuyeux Goldsmith. […] On admire fort, à l’étranger, son Kaunitz, son Dernier Roi des magyars et Le Fils de Caïn.

1612. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Les étrangers continuent de venir à Paris, depuis que Paris est la capitale d’une vaste république démocratique. […] Rendons-la si amusante, si amusante, que les étrangers s’en retournent épuisés, comme après une orgie. […] Aujourd’hui, l’instituteur reste un étranger dans la commune ; les parents ne le connaissent guère plus que le percepteur ou le directeur de l’enregistrement. […] J’espère que les étrangers, même les plus jaunes et les plus noirs, s’y imprégneront, fût-ce à leur insu, de cette ironie indulgente qu’on trouve surtout chez nous, et dont l’abus nous perdra peut-être, mais qui serait un grand bienfait si elle se pouvait répandre, à doses modérées, à travers le monde. […] Un jour, sa mère lui faisait honte devant des étrangers de son ignorance, et Nicole protestait.

1613. (1893) Alfred de Musset

ils sont peut-être plus heureux que toi et moi. » On sent que Musset est en proie au malaise qui s’empare souvent des très jeunes gens lorsqu’ils s’aperçoivent, au moment de commencer à penser par eux-mêmes, qu’ils sont devenus étrangers au cercle d’idées dans lequel ils ont été élevés. […] Son éducation littéraire avait nécessairement mélangé d’éléments étrangers ce vieux réalisme païen, qui semble lui avoir été naturel. […] Dans le groupe de poèmes que dominent les Nuits, plus rien n’est donné aux influences étrangères. […] Il en est souvent de même chez Victor Hugo ; mais souvent aussi l’épithète y est symbolique, traduisant beaucoup moins l’aspect réel des choses que ce qu’elles évoquent en nous d’idées, d’impressions, d’images étrangères et lointaines. […] « Tous ceux qui ont connu Alfred de Musset, écrit son frère Paul, savent combien il ressemblait à la fois aux deux personnages d’Octave et de Cœlio, quoique ces deux figures semblent aux antipodes l’une de l’autre. » Les étrangers eux-mêmes le savaient.

1614. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Suivant lui, chez toutes les tribus, le curare aurait pour base un poison végétal identique : seulement il est des Indiens qui préparent le curare sans mystère et en y employant simplement les plantes actives, tandis que d’autres y ajoutent des substances plus ou moins singulières et entourent la fabrication de pratiques plus ou moins bizarres ; mais ce serait par superstition ou par pur charlatanisme que les maîtres du curare de certaines tribus en agiraient ainsi, afin d’augmenter le prestige de leur puissance ou de cacher la composition du poison aux étrangers. […] On ne peut se le procurer que par l’entremise des voyageurs ; il n’existe pas dans le commerce européen, et les Indiens en font l’objet d’un échange, soit entre eux, soit avec les étrangers. […] Non seulement il y aurait encore lieu d’isoler chimiquement le principe actif du curare des matières étrangères auxquelles il est mélangé ; il y aurait en outre à déterminer quel genre de modification physique ou chimique la substance toxique imprime à l’élément organique pour en paralyser l’action. […] La divergence entre ces deux ordres de sciences doit les laisser étrangères les unes aux autres et les rendre incapables de se prêter aucun secours. […] Il y a constamment des principes extérieurs, des stimulants étrangers qui viennent provoquer la manifestation des propriétés d’une matière toujours également inerte par elle-même.

1615. (1888) Poètes et romanciers

……………………………………………… Sitôt que votre souffle a rempli le berger, Les hommes se sont dit : Il nous est étranger. […] Les faits qu’exprime la musique sont des faits entièrement étrangers à la conscience et à la liberté morale ; ce sont des rapports nécessaires, des harmonies fatales entre notre âme et les choses, entre les choses elles-mêmes. […] Elle périssait avec Barras, elle périssait avec les Jacobins, elle tombait, avec les Bourbons, sous les armes étrangères. […] Je ne doute pas que Béranger n’ait été très soigneux de sa popularité ; ce fut chez lui une passion secrète, et qui ne fut pas étrangère au gouvernement de sa vie. […] Je ne parle même pas de la sanction, mais de l’origine et du prix de cette idée, qu’on nous dit étrangère au monde comme à Dieu, s’il y en a un.

1616. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Un critique étranger peut être plus équitable, et louer librement la main puissante dont il n’a pas senti les coups. […] Les anges et les saints du moyen âge, aussi étrangers et presque aussi lointains, étaient couchés sur le vélin de leurs missels et dans les niches de leurs cathédrales, et si quelque poëte, comme Chateaubriand, essayait de les faire rentrer dans le monde moderne1287, il ne parvenait qu’à les rabaisser jusqu’à l’office de décors de sacristie et de machines d’opéra. […] S’il s’est enfoncé dans les arts magiques, ce n’est point par curiosité d’alchimiste, c’est par audace de révolté. « Dès ma jeunesse, mon âme n’a point marché avec les âmes des hommes, —  et n’a point regardé la terre avec des yeux d’homme. —  La soif de leur ambition n’était point la mienne. —  Le but de leur vie n’était pas le mien. —  Mes joies, mes peines, mes passions, mes facultés — me faisaient étranger dans leur bande ; je portais leur forme, —  mais je n’avais point de sympathie avec la chair vivante… —  Je ne pouvais point dompter et plier ma nature, car celui-là — doit servir qui veut commander ; il doit caresser, supplier, —  épier tous les moments, s’insinuer dans toutes les places, —  être un mensonge vivant, s’il veut devenir — une créature puissante parmi les viles, —  et telle est la foule ; je dédaignais de me mêler dans un troupeau, —  troupeau de loups, même pour les conduire1290… —  Ma joie était dans la solitude, pour respirer — l’air difficile de la cime glacée des montagnes, —  où les oiseaux n’osent point bâtir, où l’aile des insectes — ne vient point effleurer le granit sans herbe, pour me plonger — dans le torrent et m’y rouler — dans le rapide tourbillon des vagues entre-choquées, —  pour suivre à travers la nuit la lune mouvante, —  les étoiles et leur marche, pour saisir — les éclairs éblouissants jusqu’à ce que mes yeux devinssent troubles, —  ou pour regarder, l’oreille attentive, les feuilles dispersées, —  lorsque les vents d’automne chantaient leur chanson du soir. —  C’étaient là mes passe-temps, et surtout d’être seul ; —  car si les créatures de l’espèce dont j’étais, —  avec dégoût d’en être, me croisaient dans mon sentier, —  je me sentais dégradé et retombé jusqu’à elles, et je n’étais plus qu’argile1291. » Il vit seul, et il ne peut pas vivre seul.

1617. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Vous ne voyez pas que les oiseaux ou les papillons des climats lointains viennent se percher sur votre faïence : donc on ne saurait vous permettre de peindre sur votre faïence des oiseaux et des papillons étrangers. […] Devais-je écarter, comme étrangères à l’objet de ma contemplation, ces images qui d’elles-mêmes se sont présentées à mon esprit ? […] S’ils n’eussent été soumis à aucune influence étrangère à l’art, on peut supposer que jamais ils n’eussent été chercher au-delà de ce monde leur idéal. […] Les artistes y ont travaillé de bon cœur et de bonne foi, n’étant pas étrangers eux-mêmes aux sentiments qu’on leur demandait de rendre. […] Ici, au contraire, on plie la forme à des convenances étrangères, en la composant pour l’effet ; on fait entrer la nature dans des cadres ; on modifie le caractère propre de l’objet pour lui donner une beauté qui n’est pas la sienne.

1618. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Cet homme du moyen âge que me présente Shakespeare ne m’est ni étranger ni hostile. […] Non, je ne connais pas de grand homme qui ait été en amour plus démocrate que Goethe, et qui ait jamais moins compliqué ses affections de sentiments étrangers à ce qui constitue proprement la passion de l’amour. […] Si nous avions plus de temps pour parcourir cette longue et féconde vie de Goethe, nous montrerions aisément qu’il a su ne rester étranger à aucun des sentiments de notre nature. […] Aucun n’a l’air de vous dire en passant près de vous : Vous êtes étranger, je le sais bien. […] Bülow, nous fit visiter avec une bonne grâce parfaite la partie de l’établissement où la secte élève non seulement les jeunes gens des familles de la communauté de Neuwied, mais les enfants des familles moraves étrangères que leurs parents envoient en Allemagne pour apprendre la langue du pays.

1619. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Erreur vénielle après tout, familière aux étrangers, même à ceux qui nous aiment, encouragée d’ailleurs par l’éclectisme bizarre de nos Panthéons, de nos dictionnaires biographiques, de nos agences de publicité, de nos musées Grévin et même de nos « galas » officiels. […] Il régna sur quarante siècles d’histoire ; et son plus grand plaisir était de faire aux étrangers, pourvu qu’ils ne fussent pas trop profanes, les honneurs de son royaume. […] C’est surtout à l’âge où les opinions sont intransigeantes et fougueuses, que toute occupation étrangère au plaisir d’enregistrer des sensations fines, lui parut un labeur servile et roturier. […] L’emploi du mot étrangère fut interdit aux religieuses, comme contraire à l’union chrétienne. […] On a tort de juger trop souvent notre pays par les affiches de nos théâtres, le cabotinage débraillé des gens du monde, les fantaisies des hystériques de lettres et les divertissements des étrangers qui cherchent chez nous de bons soupers, un bon gîte et le reste.

1620. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Trois autres sont étrangers. […] Oui, il y a, dans cette existence de prêtre, quelque chose de vraiment spécial qui échappe à toute investigation étrangère, qu’il nous est, pour ainsi dire, défendu d’aborder. […] Il y a eu dissensions intestines, mais pas de conquêtes de l’étranger ; l’alexandrin s’est modifié de mille façons, on peut encore le transformer peut-être de mille autres manières, je l’accorde, mais — c’est là son admirable gloire, — depuis la chanson de geste où il est apparu pour la première fois, à travers Ronsard et Malherbe, il est resté et il restera cette chose merveilleuse que les plus grands artistes ont fait servir à tant de magnifiques chefs-d’œuvre : l’alexandrin français ! […] En effet, le vers, quand il est beau, renferme sa musique en soi et il est impossible de le revêtir d’une harmonie étrangère : la preuve en est faite avec les vers d’Hugo et de Leconte de Lisle qu’on n’a jamais pu mettre en musique. […] il nous donne aujourd’hui, sous le titre de vers, une prose qui ressemble à une sorte de traduction linéaire d’un poème étranger.

1621. (1896) Études et portraits littéraires

Étranger aux partis, bien que classé dans l’un d’eux par l’opinion, l’auteur a osé mécontenter ceux qui jusqu’alors l’avaient applaudi. […] De fait, l’existence de ce travailleur probe fut pleine de vertus étrangères à sa philosophie. […] À vrai dire, ses contacts répétés avec les Hindous n’y sont peut-être pas étrangers, et il entre certainement du bouddhisme dans sa conception du monde. […] Voilà donc l’étranger désintéressé et le différend réduit à une affaire de famille. […] L’argumentation la plus destructive de sa thèse, il l’écoute comme chose étrangère.

1622. (1911) Études pp. 9-261

. — Les grands artistes sont en face de leur œuvre comme d’une étrangère ; ils n’en prévoient pas du premier coup toutes les démarches ; ils l’épient se développer ; ils la découvrent peu à peu passionnément. […] Mais les tons par lesquels les objets se laissent envahir, ne leur sont pas étrangers. […] De cette réserve la postérité ne manquera pas de se demander les raisons. — À l’étranger André Gide dès maintenant est considéré comme l’un de nos grands écrivains. […] Elle est une habitation où se rencontrent, en un harmonieux tumulte, mille étrangers. […] Je le vois dans le port de Syracuse, errant étranger, avec son sourire.

1623. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Mahaffy reconnaît que s’il fallait s’en tenir aux récits des historiens grecs, depuis Hérodote, « il aurait dit que l’inextinguible passion pour l’autonomie qui se manifeste à toutes les époques de l’histoire grecque, et dans tous les cantons contenus dans les frontières grecques, dut avoir sa source dans les excès commis par les gouverneurs qu’envoyaient des potentats étrangers ou par des tyrans locaux ». […] Ainsi que la plupart des produits franchement nationaux de l’Amérique, il semble avoir été importé de l’étranger, et on peut en suivre l’origine jusqu’à un jeu italien du quinzième siècle. […] Chez lui, il n’avait appris que la touchante faiblesse de la nationalité ; à l’étranger, il a pris conscience des forces indomptables que possède la nationalité. […] Ce n’étaient plus que des étrangers, des intrus, qui ne faisaient rien, qu’on laissait ne rien faire. […] La présence d’un élément étranger dans l’art de Wordsworth est naturellement admise par M. 

1624. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

On peut soupçonner de plus sans injure qu’étranger et nécessiteux, il n’était pas fâché de recevoir. […] Une lettre de lui à Peiresc, du 20 juillet 1634 (Correspondance de Peiresc, tome X, manuscrits de la Bibliothèque du Roi), nous trahit le secret de toutes les démarches, sollicitations et suppliques trop peu dignes auxquelles la nécessité et la peur de manquer poussaient Naudé en terre étrangère : il subit l’air du pays.

1625. (1813) Réflexions sur le suicide

Néanmoins Votre esprit transcendant n’est étranger à aucun sujet philosophique, et Vous voyez de trop haut pour que rien puisse Vous échapper. […] Nous laisserons de côté, comme tout à fait étrangers à notre sujet, ceux dont l’ambition a seulement pour but le pouvoir et la fortune : mais nous examinerons avec attention en quoi consiste la dignité morale de l’homme ; et cet examen nous conduira nécessairement à juger l’action d’immoler sa vie sous deux points de vue absolument contraires : le sacrifice inspiré par la vertu, ou le dégoût qui résulte des passions trompées.

1626. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Il ne réside pas dans l’objet piteux et déconfit d’un rire étranger ; il réside dans l’identité du sujet et de l’objet du rire. […] Ils sont simplement les objets d’un rire étranger, ou la plupart du temps maltraités.

1627. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Pareillement, ici, on voit l’art classique rencontrer son centre dans les voisins de Pope et surtout dans Pope, puis s’effacer à demi, se mêler d’éléments étrangers, jusqu’au moment où il disparaît dans la poésie qui l’a suivi. […] Impossible de les reproduire ici, avec une langue étrangère.

1628. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Voilà maintenant notre rôle, étrangers au pouvoir, étrangers aux factions, seuls avec notre passé, que l’histoire jugera avec d’autant plus d’indulgence que nous aurons moins pressé son jugement !

1629. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Aristote ne fera donc pas précisément ce qu’il désire ; quoi qu’il en dise, il sortira très peu de l’homme ; et les faits étrangers qu’il viendra joindre aux faits purement humains, pourront bien faire briller son immense savoir ; mais, loin d’éclaircir la question, ils ne feront que l’embarrasser. […] Platon a vingt fois répété que, pour bien connaître la véritable nature de l’âme, « on ne doit pas la considérer dans l’état de dégradation où la mettent son union avec le corps et d’autres maux ; et qu’il faut la contempler attentivement, des yeux de l’esprit, telle qu’elle est en elle-même, dégagée de tout ce qui lui est étranger ».

1630. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Nous nous contentons de savoir, de ces choses-là, ce qu’en doivent savoir les honnêtes gens qui ne veulent pas rester étrangers à une science qui tient de si près à la poésie, à la littérature, à la critique, aux mœurs publiques et privées :                     Docentem Artes quas deceat quivis Eques atque senator… De ces choses-là, c’est un danger d’en trop savoir ; pour peu qu’on ensache causer avec ceux qui en jasent, à la bonne heure ! […] Nous sommes des hommes, et en cette qualité, nous ne sommes étrangères à rien de ce que font les hommes !

1631. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Mais quand une race a été croisée seulement une fois avec une autre, leur postérité mutuelle montre une tendance à revenir aux caractères de la race étrangère pendant plusieurs générations, et, selon quelques-uns, pendant une douzaine ou même une vingtaine de générations. Après douze générations, la proportion du sang mêlé entre les deux lignes d’ancêtres est seulement de 1 à 2, 048 ; et cependant l’on admet généralement et l’on a constaté qu’il suffit de cette petite part de sang étranger pour qu’il se manifeste encore des tendances de réversion.

1632. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Pouvoir, opposition, partis, gouvernements étrangers, personne ne croyait assez à soi pour oser être et nettement agir. […] On y voit toutes les classes du pays se laissant gouverner plutôt que voulant être gouvernées, et les gouvernements étrangers dans la même disposition de laisser-faire vis-à-vis du gouvernement de la France.

1633. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

je me contenterais du souci de ce service rendu à la langue et à la littérature françaises ; car l’un des plus purs et des plus nobles, c’est d’emménager une magnifique et difficile œuvre étrangère dans la langue et la littérature d’un pays. […] Quand on regarde fixement pour le dissiper l’espèce de mirage qu’une langue étrangère jette sur une idée qui paraîtrait commune dans la langue qu’on a l’habitude de parler, on finit par voir ce qu’on ne voyait pas d’abord : c’est à quel point, en somme, les critiques de Shakespeare sont petits.

1634. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Elle répéta avec platitude que les anglais trouvaient que Féval ne savait ni la grammaire de leur langue ni la grammaire de leurs mœurs, comme si, dans leur insularisme susceptible et hautain, et tout aussi intellectuel que politique, les anglais, enragés de nationalité blessée et justes comme des bœufs qui saignent, ne dénigreront pas toujours l’étranger qui voudra les peindre ou s’avisera de les juger. […] Trop philosophe et trop libertin pour avoir le génie de la passion, cette source inépuisable du roman de grande nature humaine, le xviiie  siècle, le siècle de l’abstraction littéraire comme de l’abstraction philosophique, qui n’eut ni la couleur locale ni aucune autre couleur, — qui ne peignit jamais rien en littérature, car Rousseau, dans ses Promenades, n’est qu’un lavis, et Buffon, dans ses plus belles pages, qu’un dessin grandiose, — ce siècle, qui ne comprenait pas qu’on pût être Persan, dut trouver, le fin connaisseur qu’il était en mœurs étrangères !

1635. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

On ne peut avoir de l’honneur et jouer le rôle que je joue tous les mardis vis-à-vis les ministres étrangers.

1636. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

…………………………………………………… L’âme pleine d’amour et de mélancolie, Et couché sur des fleurs et sous des orangers, J’ai montré ma blessure aux deux mers d’Italie, Et fait dire ton nom aux échos étrangers.

1637. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Ainsi donc, dans ce mariage si brillant en apparence qu’elle contracta avec le frère de Louis XIV, Madame ne songeait qu’à une chose, servir et protéger son pays allemand auprès de la politique française ; et ce seul côté par où la politique, à laquelle elle resta d’ailleurs toujours étrangère, la touchait au cœur, elle eut le regret de le manquer.

1638. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Mme Dacier est de ces derniers ; vivant à Paris, elle garde jusque dans son style noble de ces expressions un peu basses dont Bayle, à l’étranger, ne se défit jamais.

1639. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Quelques-uns de ceux même qui ont eu l’idée d’introduire chez nous des images de la poésie familière et domestique, et qui y ont réussi à certain degré, n’en ont pas eu assez la vertu pratique et l’habitude dans la teneur de la vie ; ils en ont bientôt altéré le doux parfum en y mêlant des ingrédients étrangers et adultères, et l’on a trop mérité ce qu’un grand évêque (Bossuet) a dit : « On en voit qui passent leur vie à tourner un vers, à arrondir une période ; en un mot, à rendre agréables des choses non seulement inutiles, mais encore dangereuses, comme à chanter un amour feint ou véritable, et à remplir l’univers des folies de leur jeunesse égarée.

1640. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Je les voyais, l’autre jour encore, cités et pris au sérieux par un grave et savant historiographe étranger : il importe que ces sortes de méprises ne se fassent plus.

1641. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Les révolutions spontanées, continuelles, que je n’ai cessé d’éprouver, que j’éprouve encore tous les jours, ont prolongé la surprise et me permettent à peine de m’occuper sérieusement des choses étrangères, ou qui n’ont pas de rapport à ce phénomène toujours présent, à cette énigme que je porte toujours en moi, et dont la clef m’échappe sans cesse en se montrant sous une face nouvelle, quand je crois la tenir sous une autre.

1642. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Cette espèce d’ambition m’a fait retourner de bien des côtés, et au point que, si dans la conjoncture présente, j’avais voulu un régiment dans un service étranger, je savais où le trouver.

1643. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Il établit, dès le début, la meilleure police ecclésiastique dans la capitale, visitant les séminaires, les paroisses, tantôt l’une, tantôt l’autre, à l’improviste, s’inquiétant que les prêtres étrangers ou les religieux en passage à Paris n’y vécussent que convenablement à leur caractère ; sévère et sans quartier pour les moines errants.

1644. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Montaigne, lorsqu’il apprit sur la fin de son voyage d’Italie, aux bains de Lucques où il se trouvait à ce moment (septembre 1581), son élection inopinée à la mairie de Bordeaux, et quand après une première hésitation il crut devoir accepter, Montaigne n’était nullement étranger aux fonctions publiques.

1645. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Dans le temps de la seconde démarche de Chimène auprès du roi, quand le monarque se décide à publier le cartel proposé par elle et annonçant qu’à celui qui lui apportera la tête de Rodrigue elle donnera, s’il est noble et son égal, tous ses biens avec sa main, sur ces entrefaites Rodrigue est allé en pèlerinage pour l’expiation de ses péchés à Saint-Jacques de Galice, accompagné de deux écuyers ; et c’est en route que lui arrive une aventure des plus touchantes, léguée de longue main par la tradition, et en apparence des plus étrangères à l’action principale.

1646. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Talleyrand, si sagace qu’il fût, mais trop étranger au sentiment de la pudeur publique qui seule, et au défaut même de la prudence politique, aurait dû l’avertir, ne se dit point alors que c’était trop de deux à la fois, que la double pilule était trop amère pour l’estomac de la légitimité, et qu’une réaction prochaine inévitable devait les revomir l’un et l’autre.

1647. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Une demoiselle de la maison, qui s’y trouvait peu heureuse, connut le jeune étranger, s’attacha à lui ; des confidences et quelque intimité s’ensuivirent.

1648. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Il n’y eut que des éclipses, et qui étaient surtout dues à des interpositions étrangères.

1649. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Quand on fait la contrebande à l’étranger, on expédie des pièces de soie, mais dont les premiers lés seulement sont en soie ; le reste est en calicot ou autre étoffe commune : « Ainsi des romans du jour, dit la spirituelle Mme de V….., quand je les lis, je dis à un certain endroit : Ah !

1650. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

et de la nôtre, combien en ont-elles fait passer dans celle des étrangers !

1651. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Etrangers de tous pays, armés de grands bâtons, déguenillés, … les uns presque nus, les autres bizarrement vêtus » de loques disparates, « affreux à voir », voilà les chefs ou comparses d’émeute, à six francs par tête, derrière lesquels le peuple va marcher.

1652. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Leurs noms, prononcés par différentes nations, s’altérèrent dans des idiomes étrangers.

1653. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Si une voile dérive par un jour serein du port, on pense aux rivages lointains et inconnus où elle ira aborder après avoir traversé pendant des jours sans nombre ce désert des lames ; ces terres étrangères se lèvent dans l’imagination avec les mystères de climat, de nature, de végétation, d’hommes sauvages ou civilisés qui les habitent, on s’y figure une autre terre, d’autres soleils, d’autres hommes, d’autres destinées

1654. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Son héroïsme de la fin garde ce même caractère : c’est sa forêt qu’il défend contre l’étranger.

1655. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

A s’en tenir aux opinions courantes, la science est considérée comme un mode de connaissance à part, sui generis, placée dans une région presque inaccessible, ayant des procédés de recherche qui lui sont propres, totalement étrangère (sauf dans ses applications) aux raisonnements et habitudes d’esprit de la vie commune.

1656. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

La scène se passe dans un pays romanesque, étranger aux lois du code commercial.

1657. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Il entre beaucoup de hasard dans ses vues littéraires, et encore plus dans ses aperçus physiologiques ; il y a beaucoup de tâtonnements, même dans ses considérations politiques, lorsqu’il sort de ce qu’il sait le mieux, et qu’étendant son regard au-delà de l’horizon intérieur, il aborde, par exemple, les questions de relations étrangères.

1658. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

il m’arrive au moment où je suis entouré d’importuns et d’étrangers… J’ai cru devoir vous donner avis de sa réception, afin de vous tranquilliser là-dessus. » La pauvre Marianne est désespérée et furieuse de recevoir si peu : « Votre laconisme me désole, mon ami. » Elle voudrait savoir comment on l’a trouvée dans ce portrait ; elle a grand soin d’avertir qu’il n’est pas flatté ; que tout le monde la trouve mieux.

1659. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Ces exemples rares, et tous deux étrangers, semblent mériter qu’on ne les oublie pas.

1660. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Saint-Évremond, averti à temps, quitta la France, se réfugia en Hollande, puis en Angleterre, et vécut quarante-deux ans encore d’une vie de curieux et de philosophe, très goûté, très recherché dans la plus haute société, voyant ce qu’il y avait de mieux dans les pays étrangers, et supportant avec une fierté réelle et une nonchalance apparente sa disgrâce.

1661. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Il voulait avant tout, en effet, un style exact, net, châtié, élu enfin, c’est-à-dire choisi et élégant dans son naturel : Nous prendrons, disait-il, les mots qui sont les plus propres pour signifier la chose dont nous voulons parler, ceux qui nous sembleront plus doux, qui sonneront le mieux à l’oreille, qui seront plus coutumièrement en la bouche des bien parlants, qui seront bons françois et non étrangers.

1662. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Mazarin, étranger à la France, habile négociateur au-dehors, mais sans idée de notre droit public et de nos maximes, suivait, à pas plus lents, la voie tracée par Richelieu, mais il la suivait sans se douter qu’elle était « de tous côtés bordée de précipices ».

1663. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Il s’y promet l’immortalité comme s’il devait sûrement y atteindre, et il a mérité, ne fût-ce que par ce cri énergique, de n’y pas demeurer étranger.

1664. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Je pourrais ici prendre à témoin les sages ministres des cours étrangères, qui le trouvent aussi convaincant dans ses discours que redoutable par ses armes.

1665. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud revient cet autre honneur solide d’avoir eu, le premier chez nous, l’instinct du document original en histoire, d’en avoir de plus en plus apprécié l’importance en écrivant, d’avoir eu l’idée de l’enquête historique au complet, faite sur des pièces non seulement nationales, mais contradictoires et de source étrangère.

1666. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Mme de Chaulnes disait : « Cet homme venait faire son livre dans la société ; il retenait tout ce qui s’y rapportait ; il ne parlait qu’aux étrangers dont il croyait tirer quelque chose d’utile. » Elle disait encore : « À quoi cela est-il bon, un génie ? 

1667. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Il y a des noms étrangers qui, à quelques égards, appartiennent ou du moins touchent de près à la France, Le xviiie  siècle en a plusieurs qui ont été, à certains moments, accueillis et presque adoptés par nous ; on en formerait toute une liste depuis Bolingbroke jusqu’à Franklin.

1668. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Ces trois judicieux étrangers l’ont apprécié avec clairvoyance et impartialité.

1669. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Pour moi, je l’en loue de tout mon cœur, car vraiment n’était-ce pas une chose triste de voir, comme on l’a vu il y a trente ans, un grand pays se dépouiller de gaieté de cœur de toutes ses admirations et de toutes ses gloires, et les sacrifier à des dieux étrangers ?

1670. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

L’ironie, la plaisanterie française, l’esprit voltairien qu’on lui a trop dit qu’il avait, et qu’il a imité au point de nous étonner, nous autres Français, ont été les idoles étrangères auxquelles il a sacrifié la candeur naïve et nationale de son génie.

1671. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Aux premiers jours de la guerre, quand une émotion hostile se produisit dans l’ancien ghetto parisien (au 4e arrondissement) autour des juifs de Russie, de Pologne, de Roumanie et de Turquie, une réunion se tint chez l’un des rédacteurs du journal le Peuple juif, qui en donne le récit : « Ne croyez-vous pas, dit quelqu’un, qu’il soit nécessaire d’ouvrir une permanence spéciale pour les engagés juifs étrangers, afin que l’on sache bien que les juifs eux aussi ont donné leur contingent ? 

1672. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Étrangère à toute idée mécanistique, la science eût alors retenu avec empressement, au lieu de les écarter a priori, des phénomènes comme ceux que vous étudiez : peut-être la « recherche psychique » eût-elle figuré parmi ses principales préoccupations.

1673. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

« Comment oseraient-ils attendre les ennemis étrangers qui leur arrivent ?

1674. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

C’est à peindre ce bonheur que s’est complu le banni de Florence, le chef de parti vaincu, le poëte errant forcé d’apprendre « combien est amer au goût le pain de l’étranger, et combien est rude à monter et à descendre l’escalier d’autrui ».

1675. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Quoi que vous fassiez, quelque confiance que vous leur inspiriez, quelque confiance qu’ils vous fassent, pour eux vous êtes toujours un visiteur (je ne dis certes pas un étranger), un voyageur, comme le voyageur antique, un visiteur, je dis un hôte. […] qui revient, qui consiste à dire, et à s’en vanter, que pour aborder une étude voluptueuse des Lettres philosophiques, il faut avoir établi vingt livres de notes, (c’est-à-dire de commentaires non pas sans doute étrangers au texte, mais soigneusement extérieurs au texte. […] Tout à fait étranger. […] Si on le pouvait de tout ce qui est étranger au texte. […] Cela ne nous est-il pas tellement étranger.

1676. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Ses productions furent même très recherchées par les étrangers, et il y eut une année où l’on exporta ses dessins et ses gravures par centaines, mais presque aussitôt cette exportation fut défendue par le gouvernement de Tokougawa. […] Le Japonais d’autrefois, me disait le docteur Michaut, étonné de voir les Hollandais faire la traversée du Japon sans femmes, s’était persuadé que les moutons qu’ils avaient à bord les remplaçaient, et se l’était si bien persuadé qu’à l’heure présente les Japonaises qui ont commerce avec les étrangers sont appelées par leurs compatriotes moutons. […] Hokousaï continua de vendre un certain nombre de dessins aux Hollandais, jusqu’au jour, où il lui fut interdit de livrer aux étrangers les détails de la vie intime des Japonais. […] Un volume très poussé à la caricature, où l’Olympe japonais est ridiculisé à outrance, un volume de chutes ridicules, de nez interminables de Téngous, sur lesquels se fait de la prestidigitation ; de silhouettes, en ombres chinoises, d’épouvantables vieilles ; de figures de femmes devenues monstrueuses, à travers une loupe posée sur leurs visages ; d’allongements de cous pendant le sommeil, qui, selon une superstition du Japon et des îles Philippines, permettent aux têtes de ces possesseurs de cous d’aller visiter des contrées et des planètes étrangères ; de corps de naturels d’un pays où les hommes ne sont possesseurs que d’un bras et d’une jambe, et où ils sont accotés deux par deux. […] Un prince, après une défaite, au moment d’être fait prisonnier dans un pays étranger, a pu arriver, poursuivi de très près, à la porte de la frontière.

1677. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Plutôt que de se décourager, il étend à ce domaine le système d’explication dont il use dans ses rapports avec ses semblables ; il y croira trouver des puissances amies, il y sera exposé aussi à des influences malfaisantes ; de toute manière il n’aura pas affaire à un monde qui lui soit complètement étranger. […] Mais attendre autre chose d’un homme étranger à notre civilisation, c’est lui demander beaucoup plus qu’une intelligence comme celle de la plupart d’entre nous, plus même qu’une intelligence supérieure, plus que du génie — c’est vouloir qu’il réinvente l’écriture. […] Il ne nous est pas étranger. […] Cet instinct arrivera d’ailleurs à ses fins en faisant que les membres du clan se sentent déjà parents, et que, de clan à clan, on se croie au contraire aussi étrangers que possible les uns aux autres, car son modus operandi, que nous pouvons aussi bien observer chez nous, est de diminuer l’attrait sexuel entre hommes et femmes qui vivent ensemble ou qui se savent apparentés entre eux 14.

1678. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

« Que faites-vous, s’écrie-t-il, que faites-vous, princes d’Italie, de toutes ces épées étrangères ? […] En parlant ainsi d’un poète étranger, je ne crains pas de m’exposer au reproche de légèreté. […] Je sais qu’il faut toujours parler des poètes étrangers avec une grande réserve, que bien des nuances nous échappent nécessairement ; cependant je ne puis pousser la défiance de moi-même jusqu’à révoquer en doute la réalité des sentiments que j’éprouve. […] La compassion qu’elle éprouve pour un étranger dont la vie est menacée opère, dans son intelligence et dans son caractère, une subite révolution. […] Alice se dévoue au salut de l’étranger, car Alice est la fille du brigand à qui appartient la cabane.

1679. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Mais rien ne vous est étranger, pas même la méditation. […] Balzac, Gautier, Flaubert prirent d’instinct des dispositions héroïques et traversèrent le monde comme d’incompréhensibles étrangers. […] Il est vrai qu’il écrivit dans la langue des barbares, dans l’idiome de la Fontaine et de Voltaire ; il est vrai qu’il vécut et mourut sur la terre étrangère. […] Mécontent avec de tels motifs de l’être, j’ai pu le témoigner devant des camarades ou des étrangers. […] Le latin, ce n’est pas pour nous une langue étrangère, c’est une langue maternelle ; nous sommes des Latins.

1680. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Et quand nous en sommes à La Princesse Georges, à La Femme de Claude, à L’Étrangère, à La Princesse de Bagdad, nous voilà revenus en plein romantisme de 1840, revenus au pur mélodrame, œuvre tout entière d’imagination fantasque et débridée, un peu naïve, où les machinations ténébreuses s’entrelacent, où les conspirations monstrueuses s’ourdissent, où les aventures extraordinaires s’entassent, où les millions roulent à flots ; et où il y a comme un écho de Monte-Cristo ou un reflet des Mille et une nuits. […] Planche, très intelligent, n’était pas artiste pour une obole, et du reste, s’il s’était avisé qu’il y eût quelque rapport entre Claudie et Théocrite ou entre Claudie et Homère, ou entre Claudie et Hermann et Dorothée, il y aurait vu tout de suite une « imitation », et il l’aurait abominé et détesté, ne pouvant souffrir l’imitation de l’antique, exécrant l’imitation de l’étranger et abhorrant l’imitation des prédécesseurs français. […] Jullien de s’être dit qu’une profession modifie un homme, mais jusqu’à un certain point et qu’il y a une limite au-delà de laquelle cette force étrangère ne peut pas fausser, ne peut pas faire dévier un tempérament. […] Ils sont aussi étrangers que s’ils étaient de planètes différentes. […] Parce que l’auteur avait, au second acte, introduit dans sa pièce, où elle n’avait que faire, Germaine et son aventure de chanteurs, il s’est dit : « Il ne faut pas que Germaine paraisse ainsi pour ne plus reparaître du tout ; on verrait trop qu’elle est corps étranger.

1681. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Voilà des semaines, voilà des mois que l’étranger campe sur notre sol, qu’il le dépouille et le met à nu, comme ces sauterelles d’Afrique qui ne laissent pas deviner que la végétation croissait là où se sont abattues leurs nuées affamées ; il tue, il brûle, il pille avec l’impunité du nombre, et tant de désastres ne suscitent pas un réparateur ! […] * Les nations étrangères nous raillent agréablement de notre amour pour la gloire, comme si chez un peuple qui, depuis plus de dix siècles, a donné tant à faire à l’histoire, aimer la gloire n’était pas tout simplement se respecter soi-même ! […] * C’est un trait de génie des gouvernements étrangers et de ce qu’on appelle le gouvernement de l’Hôtel-de-Ville, d’accorder à la Prusse que nous lui avons fait une guerre injuste. […] On me distrait de ma haine contre l’étranger qui l’a déchaînée sur mon pays. […] Depuis que l’étranger a envahi notre patrie, je sens que je ne t’ai pas mis au monde pour moi seule.

1682. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Chose étrange : la petite phalange qui lutte aux côtés de Stéphane Mallarmé se compose, en grande partie, d’étrangers ; Jean Moréas, Émile Verhaeren, Maurice Maeterlinck ne contribuent pas moins que Gustave Kahn ou Henri de Régnier, à défendre une nouvelle conception de la poésie, et, convenons-en, de la vie. […] J’attire l’attention sur ces séjours de van Lerberghe à l’étranger, car les littérateurs belges, si l’on en excepte une demi-douzaine, apprécient trop fréquemment le monde depuis Bruxelles ou Paris. […] Un vieillard et un étranger s’avancent dans le jardin, ils se dissimulent, causent à voix basse, ils sont inquiets. […] Un écrivain étranger à notre culture, aurait-il jamais écrit la Vie des Abeilles ou Le Temple enseveli ? […] Il n’est pas inutile de rappeler, pour prouver la fatalité de cette influence, que les « Jeunes Belges » dans leur Manifeste, en 1881, avaient annoncé l’intention de créer une littérature nationaliste, qui ne demandât rien aux littératures étrangères.

1683. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Ainsi outre les tropes dont on parle ordinairement, j’ai cru qu’il ne seroit pas inutile ni étranger à mon sujet, d’expliquer encore ici les autres sens dans lesquels un même mot peut être pris dans le discours. […] Je ne crois donc pas que ces sortes de figures plaisent extrémement, par l’ingénieuse hardiesse qu’il y a d’aler au loin chercher des expressions étrangères à la place des naturéles, qui sont sous la main, si l’on peut parler ainsi. […] Mais quand il s’agit de faire entendre une langue étrangère, on doit alors traduire litéralement, afin de faire comprendre le tour original de cette langue. […] Au reste, il est évident que ces diverses significations qu’une langue done à un même mot d’une autre langue, sont étrangères à ce mot dans la langue originale ; ainsi elles ne sont point de mon sujet : je traite seulement ici des diférens sens que l’on done à un même mot dans une même langue, et non pas des diférentes images dont on peut se servir en traduisant, pour exprimer le même fonds de pensée. […] Un étranger, qui depuis devenu un de nos citoyens, s’est rendu célèbre par ses ouvrages, écrivant dans les premiers tems de son arivée en France, à son protecteur, lui disoit, monseigneur, vous avez pour moi des boyaux de pére ; il vouloit dire des entrailles.

1684. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

LVI Tocqueville ne met jamais les pieds à l’Académie française ; je le crois bien : personne n’est plus étranger que lui à cet ensemble de curiosités et d’aménités qui (les grands monuments à part) constituent, à proprement parler, la littérature. […] L’autre jour, dans un journal, on annonçait qu’un mariage venait d’unir deux personnages étrangers illustres par leur naissance ; la femme descendait, je ne sais à quel degré, de la reine Marie Leckzinska, et l’homme avait aussi je ne sais quelle descendance ou parenté royale ; puis tout aussitôt on ajoutait : « M. de Balzac était l’un des témoins de ce mariage. » C’est bien, voilà un romaucier qui se décrasse, me disais-je ; il a la vanité aristocratique, il va chercher ses rois en Bohême, rien de plus innocent […] En politique, c’est trop évident ; sa politique étrangère n’est autre que celle de Louis-Philippe.

1685. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Le cuisinier de l’ambassadeur de Rome ne sera pas moins en réputation, et Bernis dut un jour en écrire à M. de Choiseul pour répondre à de sots bruits qu’on faisait courir sur le luxe de sa table : « Un bon ou mauvais cuisinier fait qu’on parle beaucoup de la dépense d’un ministre ou qu’on n’en dit mot ; mais il n’en coûte pas moins d’être bien ou mal servi, quoique le résultat en soit fort différent. » Or, il est constant que Bernis, au milieu de cette table somptueuse qu’il offrait aux autres, ne vivait lui-même que frugalement et d’une diète toute végétale : J’ai été dîner avec Angelica Kaufmann (le peintre célèbre) chez notre ambassadeur, écrit Mme Lebrun dans ses Mémoires : il nous a placées toutes deux à table à côté de lui ; il avait invité plusieurs étrangers et une partie du corps diplomatique, en sorte que nous étions une trentaine à cette table dont le cardinal a fait les honneurs parfaitement, tout en ne mangeant lui-même que deux petits plats de légumes.

1686. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

On y voit que Renaudot, depuis l’année 1634 ou 1635, tenait tous les mardis de chaque semaine une séance de consultations gratuites dans sa maison : il y assemblait, à cet effet, plusieurs médecins, la plupart étrangers comme lui et de la faculté de Montpellier.

1687. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Une fois retiré du service, Saint-Martin vécut dans le monde et dans la belle société du xviiie  siècle ; il voyagea en France et à l’étranger, en Angleterre, en Italie ; il vit Rome, mais à son point de vue.

1688. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Il estime que le malheur de la plupart des hommes provient d’inquiétude, et de cette poursuite éternelle de quelque chose d’autre, au lieu de jouir de ce qu’on a : « Les hommes, dit-il, sont toujours in via et jamais in mansione. » Il attribue cette inquiétude à l’exemple, à l’imitation, à des causes étrangères à la nature de l’homme : « C’est une mauvaise et extraordinaire habitude, croit-il, dont nous pouvons être corrigés par le progrès de la raison universelle, comme on l’a été de la superstition et de quantité d’habitudes barbares et de façons de penser peu approfondies. » Pour lui, il est heureux et content de vivre ; il lui semble assister à un beau spectacle, à un joli songe ; si l’envie prend parfois au spectateur de faire l’acteur, c’est une faute, on est sifflé (il en sait quelque chose), et l’on s’en repent.

1689. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Le ton, les manières, une certaine élégance qui cache le défaut de solidité, l’art des à-propos, tout cela se trouve sans effet au milieu d’hommes étrangers au grand monde et habitués à réfléchir.

1690. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

L’abbé de Pons ne songe même pas aux langues étrangères vivantes, et il en laisse passer le vrai moment : il n’a jamais observé l’enfant à cet âge où il aime à répéter tous les sons, et où tous les ramages ne demandent qu’à se poser sur ses lèvres et à entrer sans effort dans sa jeune mémoire.

1691. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Cuvillier-Fleury, qu’il n’est pas interdit aux amis d’en dire quelque chose, je désirerais à mon tour que la même liberté fût laissée, non pas aux indifférents (ceux qui ont lu ce recueil ne sauraient plus l’être pour Mme de Tracy), mais aux étrangers et aux curieux pleins de respect qui n’ont pas eu l’honneur directement de la connaître : comme esprit et comme cœur, elle s’est peinte suffisamment à eux dans ces pages.

1692. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

En traversant le midi de la France, il y rencontre la réaction dans tout son feu : Les terroristes et les thermidoriens se disputaient le pouvoir ; les royalistes, malgré la paix de Bâle et les désastres de Quiberon, conservaient leurs espérances ; chaque parti se plaignait de l’armée parce qu’elle restait étrangère aux passions et aux intérêts de tous ; elle commençait à jouer son rôle : elle restait froide au milieu de ce brouhaha politique.

1693. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Apollon, pour faire valoir Amour, s’attache à dépeindre sous les plus laides couleurs celui qui y reste étranger et insensible.

1694. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Il y a des hommes qui causent d’une manière, qui écrivent d’une autre, qui sont plus familiers avec les amis, plus réservés dans le monde et avec les étrangers, qui ont plus d’un ton à leur usage : ce sont des esprits à plusieurs tiroirs.

1695. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

» Horace reste Français de cœur à l’étranger ; ce n’est pas un mal, puisque cela ne l’empêche ni de bien regarder ni de juger.

1696. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Toute œuvre étrangère, en passant par la France, par la forme et par l’expression française, se clarifie à la fois et se solidifie, de même qu’en philosophie une pensée n’est sûre d’avoir atteint toute sa netteté et sa lumière, que lorsqu’elle a été exprimée en français.

1697. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Si en lisant la Relation de Jean-Bon on ne savait d’avance qui l’a écrite et qu’elle est de l’ancien conventionnel, on ne s’en douterait pas, tant les souvenirs et le ton de cette époque antérieure y sont étrangers et y ont laissé peu de trace !

1698. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Mme Champagneux, qui avait conçu pour lui une grande estime d’après la lecture de certaines pages traitant de sujets religieux et tout à fait étrangères à l’histoire de la Révolution, avait fait acte d’amitié en lui confiant le manuscrit maternel qui, depuis la première édition des Mémoires par Rose, était rentré entre ses mains et était demeuré caché à tous les yeux dans les archives intimes de la famille : « Grâce à cette intéressante communication, nous dit M. 

1699. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Il indique fort nettement qu’il ne tenait qu’au maréchal de Saxe, ce jour-là, d’achever la défaite des Alliés : « Mais, ajoute-t-il, le maréchal, ne voulant pas finir la guerre, s’arrangeait pour ne gagner les batailles qu’à demi. » Nous retrouvons un écho de ces mêmes bruits dans les Mémoires de d’Argenson : c’était le thème des envieux du maréchal, du parti Conti, de tous les prétendus nationaux se faisant arme de tout contre un étranger.

1700. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Si, en effet, Lamartine resta tout à fait étranger au travail de style et d’art qui préoccupait alors quelques poëtes, il ne restait nullement insensible aux prodigieux résultats qu’il en admirait chez son jeune et constant ami, Victor Hugo ; son génie facile saisit à l’instant même plusieurs secrets que sa négligence avait ignorés jusque-là.

1701. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Nous passons dans le monde étrangers à sa joie, L’un vers l’autre attirés ; De crainte, d’espérance incessamment la proie, Unis… et séparés !

1702. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Elle n’aurait qu’à répondre pour toute explication : « Je suis esprit, et rien de ce qui tient aux choses de l’esprit ne me paraît étranger. » Villon était enfant de Paris, et né vers la place Maubert, je pense.

1703. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Magnin insère, chemin faisant, dans son récit, peuvent, je crois, être considérés comme des modèles, et montrent dans quelle mesure on doit se faire littéral avec un poëte étranger, tout en se conservant français, lisible, et même élégant.

1704. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

A Rome l’idée de royauté, une fois bannie, demeura absente, étrangère, haïe et repoussée bien plutôt que méprisée ; l’auteur tient à établir ce dernier point.

1705. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Mais, en somme, la nature resta toujours pour lui une étrangère.

1706. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Si le Pèlerinage de Renart est peut-être le plus ancien morceau de la collection qui nous est parvenue, le Jugement de Renart en est le principal et le plus fameux épisode : il eut un immense succès, et fournit le thème essentiel des imitations étrangères du roman, depuis le Reineke Vos flamand jusqu’au poème bien connu de Gœthe.

1707. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

La délicatesse ultra-montaine aide nos seigneurs à dissiper la lourdeur du bon sens bourgeois dont leurs pères avaient subi la contagion : l’idéal romanesque de la féodalité française reparaît, réveillé au fond des cœurs, ou renvoyé par des influences étrangères.

1708. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

J’ai vécu les oreilles et les yeux pleins de la sonnerie et de la féerie de Victor Hugo, et je sens aujourd’hui l’âme de Victor Hugo presque étrangère à la mienne.

1709. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Nous allons maintenant poursuivre l’histoire des artistes étrangers, ses contemporains et ses émules.

1710. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Les étrangers reprochaient à la France de n’avoir jamais pu produire d’épopée.

1711. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Le second cas pris pour exemple est celui d’une éclipse où le phénomène brut est un jeu d’ombre et de lumière, mais où l’astronome ne peut intervenir sans apporter deux éléments étrangers, à savoir une horloge et la loi de Newton.

1712. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Tous les noms d’amis, même les plus étrangers à la littérature, y passaient, à leur grand étonnement.

1713. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Il nous semble utile d’observer tout d’abord que la phrase tente l’idée, quand elle ne la motive pas, et que l’association des mots provoque le débordement du réservoir mental, ou, plus proprement, favorise la diaprure du ciel représentatif, sans cependant que la pensée ainsi vivifiée emprunte à la phrase un élément indépendant ou étranger à son propre fonds.

1714. (1890) L’avenir de la science « II »

Le p-lus puissant cri qu’une nation ait poussé vers l’avenir, la croyance de la nation juive au Messie, cette croyance, dis-je, naquit et grandit sous l’étreinte de la persécution étrangère.

1715. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Préface de L’étrangère, 1879.

1716. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Il proscrit les mots anciens, sous prétexte qu’ils sont surannés ; il n’admet guère eu fait de néologismes que des mots étrangers ; car le bon ton consiste, comme chacun sait, à jargonner en anglais ou en italien ce qu’on pourrait tout aussi bien dire en français.

1717. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Quoiqu’il n’entre pas dans mon sujet de faire connaître les causes qui opérèrent la révocation de l’édit de Nantes, ni de faire connaître la vie politique de madame de Maintenon, je veux indiquer au moins les autorités et les faits d’où il résulte que madame de Maintenon a été non seulement étrangère, mais aussi opposée qu’elle pouvait l’être à la persécution des protestants, et je crois pouvoir conclure, avec une pleine assurance, de tout ce qui précède, que la fortune de madame de Maintenon fut exclusivement le triomphe de ses charmes.

1718. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

À bien étudier pourtant sa manière à froid et sans plus de prévention politique, sans rien apporter à cette lecture d’étranger à l’œuvre même, j’en suis venu à croire qu’il est plutôt heureux pour lui d’avoir rencontré sur son chemin tous ces petits canaux et jets d’eau et ricochets de chanson, qui ont l’air de l’arrêter et qui font croire à plus d’abondance et de courant naturel dans sa veine qu’elle n’en aurait peut-être, en effet, livrée à elle seule.

1719. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

L’abbé Galiani est une des figures les plus vives, les plus originales et les plus gaies du xviiie  siècle ; il a écrit bon nombre de ses ouvrages en français ; il appartient à notre littérature autant qu’aucun étranger naturalisé chez nous, presque autant qu’Hamilton lui-même.

1720. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Mme de Caylus est maîtresse à sa manière dans l’art de cette ironie continuelle dont elle parle, et que les femmes étrangères les plus spirituelles et les mieux naturalisées chez nous ne saisissaient pas toujours.

1721. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

La nation sera purgée, et les étrangers, les mauvais citoyens, tous ceux qui préfèrent leur intérêt particulier au bien général, en seront exterminés… Camille ajoute, il est vrai, aussitôt après : « Mais détournons nos regards de ces horreurs. » Il les en détourne néanmoins si peu, que, dans une note de sa brochure, il s’arrête avec complaisance sur l’exécution sommaire des malheureux de Launay, Flesselles, Foulon et Berthier : « Quelle leçon pour leurs pareils, s’écrie-t-il, que l’intendant de Paris rencontrant au bout d’un manche à balai la tête de son beau-père ; et, une heure après, que sa tête à lui-même, ou plutôt les lambeaux de sa tête, au bout d’une pique ! 

1722. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Et pourtant, au fond, malgré ces déguisements, malgré ces greffes étrangères, je crois reconnaître encore beaucoup du même style d’autrefois, le vers sonore, spécieux, tout extérieur, se permettant parfois l’enflure et parfois la manière.

1723. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Étrangère aux intrigues et incapable de politique, les choses de la Fronde étaient déjà en pleine dissolution et les négociations entamées de tous côtés, qu’elle ne s’en doutait pas.

1724. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Il avait embrassé dans toute leur étendue les matières politiques, étrangères, internationales, financières aussi ; et ce fut en effet la première forme sous laquelle apparut Mirabeau publiciste et auteur de tant d’écrits et de brochures depuis sa sortie de Vincennes (fin de 1780) jusqu’en 89.

1725. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

M. de La Marck, tout étranger qu’il était de naissance, put être nommé membre des États généraux, à la faveur de quelques fiefs qu’il possédait dans le royaume.

1726. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Cependant ces mêmes dames, qui font si hardiment des fautes si grossières en écrivant, et qui perdent tout leur esprit dès qu’elles commencent d’écrire, se moqueront des journées entières d’un pauvre étranger qui aura dit un mot pour un autre.

1727. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Mais si, pour l’obtenir, la Sardaigne se fie aux cours étrangères et aux grandes puissances à l’heure de la signature des traités, elle se trompe fort.

1728. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Il y met parfaitement en lumière les deux traits essentiels qui se croisaient en elle et qui la caractérisent, la complication de l’esprit et la rectitude du cœur : Étrangère aux mœurs de Paris, Mme Necker n’avait aucun des agréments d’une jeune Française.

1729. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

En vain l’abbé Maury chercha-t-il à se faire interrompre, s’interrompit-il lui-même, se plaignit-il qu’on ne voulait pas l’entendre ; en vain, abandonnant et reprenant le sujet principal de son discours, se perdit-il dans les digressions les plus étrangères, interpella-t-il personnellement Mirabeau et lui jeta-t-il vingt fois le gant de la parole ; au moindre mouvement d’impatience qui s’élevait dans l’Assemblée : « Attendez, monsieur l’abbé, disait Alexandre Lameth avec un sang-froid désespérant, je vous ai promis la parole, je vous la maintiendrai. » Et, se tournant vers les interrupteurs : « Messieurs, écoutez M. l’abbé Maury : il a la parole ; je ne souffrirai pas qu’on l’interrompe. » Ayant ainsi expliqué au long tout ce jeu de scène et de coulisse, Ferrières termine en disant : « Après deux grandes heures de divagations, tantôt éloquentes, tantôt ennuyeuses, l’abbé Maury descendit de la tribune, furieux de ce qu’on ne l’en avait pas chassé, et si hors de lui, qu’il ne songea pas même à prendre de conclusions. » Or, quand on lit dans les Œuvres de l’abbé Maury, ou même dans l’Histoire parlementaire de MM. 

1730. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Il montre les différences des temps, les motifs de confiance à l’intérieur et à l’étranger.

1731. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Elle ne transmettra point ces traditions qui sont l’honneur des familles, ni ces bienséances qui défendent les mœurs publiques, ni ces usages qui sont le lien de la société ; elle marche vers un terme inconnu, entraînant avec elle nos souvenirs, nos bienséances, nos mœurs, nos usages ; et les vieillards ont gémi de se trouver plus étrangers, à mesure que leurs enfants se multipliaient sur la terre.

1732. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Cela se représente à toutes les époques de la langue française et de toutes les langues, mais en atteignant surtout les mots d’origine étrangère.

1733. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Il n’y a pas longues années qu’un économiste anglais, homme d’autorité, faisant, à côté des questions sociales, une excursion littéraire, affirmait dans une digression hautaine et sans perdre un instant l’aplomb, ceci : — Shakespeare ne peut vivre parce qu’il a surtout traité des sujets étrangers ou anciens, Hamlet, Othello, Roméo et Juliette, Macbeth, Lear, Jules César, Coriolan, Timon d’Athènes, etc., etc. ; or il n’y a de viable en littérature que les choses d’observation immédiate et les ouvrages faits sur des sujets contemporains. — Que dites-vous de la théorie ?

1734. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Il ira, cet ignorant dans l’art de bien dire, avec cette locution rude, avec cette phrase qui sent l’étranger, il ira en cette Grèce polie, la mère des philosophes et des orateurs ; et, malgré la résistance du monde, il y établira plus d’églises que Platon n’y a gagné de disciples par cette éloquence qu’on a crue divine.

1735. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Malgré cette petite répugnance, je conviens que la vérité est inflexible, que la pitié est un sentiment étranger au métier que je fais, et que je vous remets le glaive pour faire justice sévère.

1736. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

On n’a d’autre intérêt à les regarder que celui qu’on prend à l’accoutrement bizarre d’un étranger qui passe dans la rue ou qui se montre pour la première fois au palais-royal ou aux tuileries ; quelque bien ajustées que soient vos figures, si elles l’étaient à la française, on les passerait avec dédain.

1737. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

L’intérêt pour les lettres étrangères se confirme avec l’article de Pol Michels sur l’expressionnisme allemand suivi de poèmes et d’un article du yougoslave Boško Tokin sur le futurisme, tandis que l’article de Follin rappelle l’ancrage politique de la revue.

1738. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Nettement la pensée du sien, elle avait le facile avantage de raconter une littérature étrangère ; et n’aurait-elle pas eu ce style inouï, ce mirage d’idées, comme disait Byron, qui lui aurait permis de se passer de pensées fortes et d’aperçus vrais, si elle n’en avait pas eu, elle apprenait du moins à la France ce que la France ne savait pas.

1739. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Mais aujourd’hui il s’est comme un peu détourné de lui-même ; il a plus songé à l’honneur de l’expression qu’à l’honneur de la pensée, ce vieux penseur, virtuose de l’expression aussi, et il a voulu montrer ce que la langue française, notre adorable langue française, insultée par des prosateurs qui l’appellent une gueuse fière parce qu’ils sont indigents, eux, et par des étrangers qui ne la savent pas, pouvait devenir dans les mains d’un homme qui la sait et qui l’aime.

1740. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Les souvenirs que nous évoquons pendant la veille, si étrangers qu’ils paraissent souvent à nos préoccupations du moment, s’y rattachent toujours par quelque côté.

1741. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

On songea alors à fixer la prononciation, & à la faciliter aux étrangers ; ce qui arriva, poursuit cet Auteur, un peu avant le tems de Ciceron. […] A l’égard des Latins, on croit communément que les accens ne furent mis en usage dans l’écriture que pour fixer la prononciation, & la faciliter aux étrangers. […] Cet homme a l’accent étranger, c’est-à-dire, qu’il a des inflexions de voix & une maniere de parler, qui n’est pas celle des personnes nées dans la capitale. […] Je sai bien que les Maîtres à écrire, pour multiplier les jambages dont la suite rend l’écriture plus unie & plus agréable à la vûe, ont introduit une seconde n dans bo-ne, comme ils ont introduit une m dans ho-me : ainsi on écrit communément bonne, homme, honneur, &c. mais ces lettres redoublées sont contraires à l’analogie, & ne servent qu’à multiplier les difficultés pour les étrangers & pour les gens qui apprennent à lire. […] ) qui a de l’analogie : par exemple, les étrangers se servent souvent d’expressions, de tours ou phrases dont tous les mots à la vérité sont des mots François, mais l’ensemble ou construction de ces mots n’est point analogue au tour, à la maniere de parler de ceux qui savent la langue.

1742. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Et cette réclame, savante, raffinée, ne portera pas directement sur les livres, ce qui serait grossier et ne contenterait personne ; elle englobera les choses étrangères au travail littéraire et se diffusera, de préférence, sur les sports à la mode, et qu’un homme bien né est susceptible de pratiquer. […] Notre intention est d’utiliser les documents envoyés, dans un ouvrage à paraître fragmentairement dans les revues de France et de l’étranger, et, ensuite, en librairie. […] Rien de ce qui constitue l’organisme d’une société, rien de ce qui fut la curiosité intellectuelle d’une époque ne lui demeure étranger. […] Maurice Barrès n’auraient pas été étrangers à cette découverte si disputée ; mais, tous comptes faits, ils ne peuvent y croire. […] Chez moi, dans ma propre case, ou dans nos merveilleuses forêts de palmiers, je me fais l’effet d’être à moi-même un étranger… On ne massacre plus, ou si peu que ce n’est pas la peine d’en parler.

1743. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Elles se maintiennent par le patriotisme ; mais le patriotisme n’est pas amour ; il est, selon les époques, instinct de défense contre l’étranger, ou orgueil d’être plus grand et plus puissant que l’étranger. […] Il est probablement naïf de faire remarquer que sans l’étranger le patriotisme n’existerait pas. Or l’humanitarisme, ce serait précisément un patriotisme sans étranger. […] L’homme ne s’aimant plus dans sa patrie, ne s’aimant plus dans la haine ou le mépris de l’étranger, et prié d’aimer l’humanité, en reviendrait à n’aimer que soi, très exactement. […] Si progrès et chute sont connexes, théorie de la chute et théorie du progrès n’en font qu’une ; progressisme et christianisme ne sont pas contradictoires ou étrangers l’un à l’autre ; ils sont complémentaires.

1744. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

A Bembo, qui gémit sur les incursions des étrangers, Lucrèce Borgia, devenue la sage et digne duchesse de Ferrare, répond : Ingrat ! les étrangers qui viennent chez vous, est-ce que vous ne les dominez pas ? […] Émile Faguet a tout lu, anciens et modernes, français et étrangers, romanciers frivoles et philosophes nébuleux : il a sur toutes les questions une documentation imposante et des vues personnelles ; la moindre de ses improvisations est plus substantielle que beaucoup de gros bouquins fort éloignés d’offrir le même agrément. […] Faguet, pour confondre et pour écraser Voltaire, cite ce passage : Comment les hommes aimeraient-ils leur patrie, si la patrie n’est rien de plus pour eux que pour des étrangers et qu’elle ne leur accorde que ce qu’elle ne peut refuser à personne ? […] Pierre Loti avait le plaisir de changer de milieu, sans devenir absolument un étranger et sans tomber radicalement dans l’inconnu.

1745. (1864) Le roman contemporain

C’est ce que disait, aux grands applaudissements de son auditoire, dans une remarquable leçon sur le matérialisme contemporain, un jeune professeur étranger : « Toute chute fameuse, s’écriait M.  […] Dumas fils rende avec vérité, c’est celui de ces femmes dépravées, semblables aux femmes étrangères dont il est parlé dans l’Écriture et qui dévorent la jeunesse et flétrissent le printemps dans sa fleur.

1746. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

La mère, étrangère à l’hôte qu’elle a reçu, abrite l’enfant jusqu’au bout, si le ciel ne vient à la traverse. […] Jean-Jacques Rousseau, puis Laclos n’ont pas été étrangers à cette bonne œuvre. […] Il faut, pour cela, qu’elle s’épanche sur des étrangers : il faut qu’elle soit sans salaire : il faut qu’elle souffre, et que cette souffrance lui vienne de ceux à qui elle s’est dévouée, etc. […] Ils sont bizarres et lointains ; on sent d’ailleurs que leurs propos sont traduits d’une langue étrangère (et la traduction est telle, il faut le dire, qu’elle accroît encore l’étrangeté de ce langage). […] — Voici : le serment de ne parler à aucun étranger sans toi, de ne voir personne, de ne penser jamais à personne qu’à toi !

1747. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

La Guerre et la Paix, du comte Léon Tolstoï, est loin d’être une nouveauté ; cet ouvrage qui a obtenu en Russie un juste et exceptionnel succès, a déjà été traduit une fois en français ; malgré tout le mérite de l’ouvrage, la Guerre et la Paix, n’obtint en France qu’un succès d’estime ; les lettrés, les curieux de littérature étrangère s’en occupèrent presque seuls ; mais les temps sont changés et il y a maintenant plus que les littérateurs proprement dits qui s’intéressent à ce qui se passe au-delà de nos frontières La nouvelle traduction donne la librairie Hachette, en trois volumes, va obtenir aujourd’hui devant le public le succès qui l’attendait. […] Ces deux amants qui avaient passé la journée dans la plus romanesque exaltation, et qui se retrouvaient dans la solitude de cet asile étranger, semblaient n’avoir à se dire que des phrases sur le monde qu’ils avaient quitté. […] Ils s’étaient abordés en inconnus et se quittaient eu étrangers ; la jouissance fugitive qu’ils avaient goûtée ne leur inspirait ni le regret du départ ni le désir du retour.

1748. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Un chevalier français, épris d’une princesse étrangère, se jette à ses pieds et parvient à l’émouvoir. […] Je parlerai toujours de soupirs et de flamme A ce jeune étranger qui vous a ravi l’âme. […] On prétendit, dans le temps, que l’abbé d’Aubignac n’était pas étranger au plan de cette pièce ; mais l’abbé s’en est toujours défendu. […] Un avocat, chargé de plaider pour un homme sur le compte duquel on voulait mettre un enfant, se jetait à dessein dans des digressions étrangères à la cause. […] Enfin, les malheurs de l’exil finirent pour lui ; à la mort du Régent, ses liaisons à l’étranger lui fournirent les moyens d’être utile au pays ; il obtint son rappel.

1749. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

L’émulation ne demeura probablement pas étrangère à ses succès. […] Molière l’en fit adroitement souvenir, et cette circonstance, si frivole en apparence, en associant le prince à la gloire du poète, ne fut peut-être pas étrangère à la détermination que celui-là prit plus tard d’autoriser la représentation de ce chef-d’œuvre, malgré les menées d’une cabale puissante. […] On est toutefois forcé de reconnaître que, si notre premier comique ne dessilla pas les yeux des malades, il ne fut pas étranger aux améliorations que subit l’exercice de cette profession ; ses sarcasmes, plus efficaces que beaucoup d’ordonnances, guérirent les médecins de quelques-uns de leurs ridicules pédantesques. […] Étrangère aux plaisirs de son mari, insensible aux contrariétés et aux peines sans nombre que ses travaux et ses ennemis lui suscitaient, mademoiselle Molière ne se souciait des applaudissements qu’il recevait que comme d’un motif de vanité personnelle. […] Ce que Bret ignorait probablement encore, et ce qu’il eût dû chercher à savoir plutôt que de condamner notre auteur, c’est que M. de Bouillon était mort sociétaire de Monsieur ; qu’en cette qualité il avait été à même de rendre plus d’un service à Molière et à sa troupe ; qu’il n’était probablement pas étranger aux nombreux témoignages d’intérêt, sinon de munificence, que le prince, leur patron, leur avait prodigués, et que Molière, qui d’ailleurs ne donnait qu’une preuve de modestie de plus en refusant de jouer le rôle de grand juge littéraire, devait nécessairement répugner à le remplir quand il se voyait forcé par sa conscience à se prononcer pour un ami vivant contre son bienfaiteur mort ; c’eût été de gaieté de cœur s’exposer à des reproches d’ingratitude.

1750. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Cet éveil fut si puissant, que l’amertume de la victoire de l’étranger s’en adoucit un peu dans son cœur, et que le souvenir de cette époque lui est demeuré surtout comme celui d’une émancipation intellectuelle : « C’est pour cela, dit-il avec ce tour d’esprit qui est le sien et où le sérieux et la raillerie se mêlent, c’est pour cela que je n’ai jamais eu un grand fonds d’aigreur contre la Restauration ; je lui savais gré en quelque sorte de m’avoir donné les idées que j’employais contre elle. » Il faudrait se bien représenter ici la physionomie du monde où vivaient ses parents, une variété du grand monde, aimable, polie, distinguée de manières et de goût, mais fort tempérée d’idées, et sans mouvement à cet égard, sans initiative. […] Il apprenait l’allemand pour lire Kant, et il s’en servit pour traduire avec son ami, M. de Guizard, le théâtre presque entier de Gœthe217, dans la collection des Théâtres étrangers.

1751. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

» XVII Varron s’excuse sur la difficulté de se faire comprendre des esprits vulgaires en traitant en termes de l’école des sujets grecs dont les termes mêmes sont étrangers à la plupart des Romains. […] Lisez ces lignes du premier livre des Tusculanes : « Thémistocle pouvait couler ses jours dans le repos, Epaminondas le pouvait, et, sans chercher des exemples dans l’antiquité ou parmi les étrangers, moi-même, je le pouvais.

1752. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Il lui reproche, notamment, de ne pas savoir monter à cheval, de ne pas avoir assez l’air d’une duchesse, et de le tutoyer devant les étrangers ; et l’on s’étonne que l’intelligente « largeur de vues » et, si je puis dire, l’antisnobisme de ce gentilhomme philosophe aient si peu survécu à son mariage. […] Puis, sur le conseil d’un vieux caissier philosophe, il « file » à l’étranger, — avec la ferme résolution, d’ailleurs, de se refaire et de restituer un jour ou l’autre.

1753. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

On parle du public de l’Opéra, à l’heure actuelle, moins bon juge de la musique et du chant, que des orphéonistes de province ; on parle du public du mardi du Théâtre-Français, plus ignorant de notre littérature dramatique, que les étrangers qui s’y trouvent — et l’on s’effraye un peu de cette décapitation de la haute société, par l’infériorité qui la gagne tous les jours. […] Ça m’embête tout de même, de n’être exalté ou surnaturalisé que par des étrangers.

1754. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

tu n’es pas encore achevé, tu n’es pas complet, tu n’es pas parfait, tu n’es pas le dernier terme de ta propre évolution ; — mais, ajouterons-nous, il faut aussi que le réel ne puisse refuser son assentiment à l’idéal même et lui dire : — Non, je ne te connais pas ; non, car tu m’es indifférent, m’étant étranger ; non, car tu es faux. […] Décrire, c’est faire revivre pour chacun de nous quelque chose de sa vie, non pas lui apporter des sensations entièrement nouvelles et étrangères.

1755. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Au contraire, le souvenir appris sortira du temps à mesure que la leçon sera mieux sue ; il deviendra de plus en plus impersonnel, de plus en plus étranger à notre vie passée. […] Mais l’enfant saurait alors répéter tous les mots que son oreille distingue ; et nous-mêmes, nous n’aurions qu’à comprendre une langue étrangère pour la prononcer avec l’accent juste.

1756. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Quand la révolution commença à gronder, il revint, par conscience, comme un soldat qui au bruit des armes court au péril, « persuadé qu’il était honteux pour lui de passer oisivement son temps à l’étranger et pour son plaisir, quand ses compatriotes luttaient pour leur liberté. » La lutte engagée, il parut aux premiers rangs, en volontaire, appelant sur lui les coups les plus rudes. […] Les glorieux chefs de la foi puritaine étaient condamnés, exécutés, détachés vivants de la potence, éventrés parmi les insultes ; d’autres que la mort avait sauvés du bourreau étaient déterrés et exposés au gibet ; d’autres, réfugiés à l’étranger, vivaient sous la menace et les attentats des épées royalistes ; d’autres enfin, plus malheureux que le reste, avaient vendu leur cause pour de l’argent et des titres, et siégeaient parmi les exécuteurs de leurs anciens amis. […] Une femme sage, aux explications d’un étranger, « préfère les explications de son mari. » Cependant Adam écoute un petit cours d’astronomie : il finit par conclure, en Anglais pratique, « que la première sagesse est de connaître les objets qui nous environnent dans la vie journalière, que le reste est fumée vide, pure extravagance, et nous rend, dans les choses qui nous importent le plus, inexpérimentés, inhabiles et toujours incertains514. » L’ange parti, Ève, mécontente de son jardin, veut y faire des réformes, et propose à son mari d’y travailler, elle d’un côté, lui d’un autre. « Ève, dit-il avec un sourire d’approbation, rien ne pare mieux une femme que de songer aux biens de la maison, et de pousser son mari à un bon travail515. » Mais il craint pour elle, et voudrait la garder à son côté.

1757. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

En France, l’abbé Dubos, qui fut notre secrétaire perpétuel de 1722 à 1742, les devance, les prépare ; et Dubos, de son côté, ne fait que suivre les traces de l’humanisme italien, comme l’ont montré récemment, avec autant de pénétration que de science, deux historiens étrangers, M.  […] Il y résume, il y renforce pour l’étranger ses trois scolies antérieures. […] Robert de Souza disait dans où nous en sommes. — la victoire du silence (p. 45) : rien ne peut être étranger au poète, si toutefois le magasin de sa raison reste, « dans l’instant qui le soulève », attaché comme un banc de coquilles obscures « au fond des eaux ingénues de son âme ». il m’est signalé encore que la préface de Paul Valéry aux poésies de M. 

1758. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Il faut être différent des autres êtres ; par l’âme, comme on est différent par les apparences corporelles, « craindre que l’habitude, la routine, ne dominent notre conduite, prolongeant en nous l’envahissement d’une vitalité étrangère ». […] elle a été la Femme-Forte qui sur le seuil assise sut garder la porte de tout malheur et de tout étranger : elle a été autant que tous les hommes que voilà, vaillante à l’œuvre de la terre : elle a été, autant que toutes Femmes, que voilà, grosse de l’œuvre des entrailles, et les mâles qu’elle a portés ont trouvé doux et nourrissant le lait de ses mamelles autant que le sang de son ventre aux veines larges et animales… Il y a plusieurs jolies chansons intercalées à propos dans ce poème champêtre ; en voici une pour montrer que M.  […] Mon enfance… tu seras la vieille servante, Qui ne sait plus bercer et ne sait plus sourire… Et ainsi jusqu’à la mort chacune de nos existences successives nous sera une belle et douce étrangère qui s’éloigne lentement et se perd dans l’ombre de la grande avenue où nos souvenirs sont devenus des arbres qui songent en silence… Il y a donc, dans ce livre de l’enfance, toute une philosophie de la vie : un regret mélancolique du passé, une peur fière de l’avenir. […] Toutes les sciences lui sont étrangères, même celles que les chrétiens cultivent en vue de fins apologétiques.

1759. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Cette différence s’explique sans peine ; l’art catholique du Campo Santo, les lignes harmonieuses de la campagne romaine, l’ardeur et l’éclat du ciel napolitain, n’étaient pas faits pour inspirer les mêmes pensées que Venise vendant ses filles et le chant de ses gondoliers à la satiété opulente de l’étranger. […] Certes, un homme de cette trempe, premier ministre à vingt-quatre ans, maître de son pays pendant plus de vingt ans, étranger à toutes les joies qui ne sont pas le pouvoir, mort pauvre, obligé de recommander ses nièces à la générosité publique après avoir régné sur l’Angleterre et sillonné l’Europe de sa volonté, est une figure digne d’étude. […] Aussi le lecteur le moins clairvoyant, le plus étranger à l’histoire de Louis XIV, prévoit l’inévitable dénouement de cette tragédie. […] S’il dérobe çà et là quelques scènes à Shakespeare pour les mutiler, ce n’est pas qu’il ait une haute estime pour le roi de la scène anglaise : mais il sait l’engouement de la jeunesse pour les nouveautés étrangères, et il voit dans ce larcin un assaisonnement qui piquera la curiosité. […] Dumas, quoique étranger par ses œuvres à toutes les questions de style, est supérieur à MM. 

1760. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Quels étaient ces étrangers, que ma chérie semblait craindre et à qui nous devions obéir ? […] Jalouse, je l’étais bien plus qu’elle, moi, quoique plus nouvelle encore dans la vie ; ce n’était d’aucune des personnes de la famille, mais d’un étranger, que je ne voyais que rarement, trop souvent encore, à mon idée. […] Je reçus le coup sans broncher, sans me retourner, continuant à marcher, comme parfaitement étrangère à ce qui motivait cette observation, mais profondément mortifiée. […] En route, elle m’expliqua, confusément, que j’allais voir des personnes que je ne connaissais pas encore mais qui étaient de mon autre famille, l’étrangère, celle d’Italie. […] J’ai gardé le souvenir, toujours attendri, d’un jeune prince étranger, pâle et blond, qui était mon ami plus que les autres.

1761. (1887) George Sand

Que si, de plus, on vient à penser que cet auteur est une femme froissée par la vie, déçue, irritée de mille manières, que jusqu’alors dans une existence très active au dedans, mais très solitaire et très retirée, elle est restée étrangère à tous les grands spectacles de la politique et de la société, et qu’elle se précipite dans ce monde inconnu, avec son inexpérience effrénée, ses vastes désirs et une compassion profonde pour les misères et les douleurs qui crient à travers l’humanité, et encore plus pour celles qui souffrent et saignent silencieusement : on comprendra que cette femme soit tout d’abord consternée et saisie à cette vue, comme toutes les belles âmes qui jugent le monde avec leur cœur et dont les aspirations sont violemment meurtries par la brutalité des faits. […] Un petit voyage de trois lieues, qui dure une nuit parce que l’on s’égare ; une conversation plusieurs fois interrompue, reprise, quittée, entre le fin laboureur Germain, qui va chercher femme à Fourche, et la petite Marie, qui s’en va bergère aux Ormeaux ; deux personnages épisodiques, mais non étrangers à l’action, Petit-Pierre, qui voudrait bien avoir Marie pour seconde mère, et la Grise, une bonne et belle jument qu’on aime comme si elle était une personne ; le bivouac improvisé sous les grands chênes et où la nuit se passe tout gentiment, pour Marie, à jaser et à dormir, pour Germain, à causer et à rêver ; une émotion bien vite réprimée par le brave paysan devant tant d’innocence et de candeur, et, ce qui vaut mieux, un bon projet de mariage qui germe dans sa tête et qu’il remportera demain à la ferme, voilà tout ; ce n’est rien, et ce rien restera dans notre littérature d’imagination parmi les œuvres accomplies, nées sous un rayon propice, et consacrées. […] C’est quelque chose comme la biographie de son talent, réparti en quatre périodes : la première (1831-1840), qui est celle du lyrisme personnel, où les émotions contenues pendant une jeunesse solitaire et rêveuse éclatent dans des fictions brillantes et passionnées ; la seconde (1840-1848), où l’inspiration est moins personnelle et où l’auteur s’abandonne à l’influence des doctrines étrangères, c’est la période du roman systématique ; la troisième (1848-1860 environ), qui se marque par une lassitude visible des théories, par une tendance à un genre simple, naïf et vrai, par le triomphe de l’idylle et par la poursuite d’une forme nouvelle du succès, le succès au théâtre ; la dernière, qui embrasse toute la fin de cette vie si féconde (1860-1876), et que signale un retour au roman de la première manière, mais où la flamme est tempérée par l’expérience, parfois même amortie par l’âge, quelque peu languissante en dépit de chefs-d’œuvre qui subsistent et semblent protester contre cette impression par la vigueur toujours jeune et la pureté de l’inspiration. […] Tout ce qui est en dehors de cette double inspiration lui est comme étranger, comme venu d’une âme pour ainsi dire extérieure, et si les formes de son talent se plient encore, avec leur admirable souplesse, à quelque nouvelle sorte d’inspiration qui ne viendrait pas du fond même, on sent bientôt l’effort et le parti pris. […] Un instant, comme trop pleine des trésors amassés de ces eaux étrangères, elle passe par-dessus ses rives, elle s’épuise par ce débordement, elle va perdre une partie de ses flots inutiles autour d’îlots de sables dénudés ; puis enfin, se recueillant par un dernier effort, elle se ramène en soi, elle s’offre apaisée à la contemplation des hommes, après avoir porté dans son cristal tant de paysages mobiles, tant de scènes variées des villes et des champs.

1762. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Et Grimarest, sorte de « reporter », cicerone, à Paris, pour les étrangers, dut certainement aussi interroger Boileau (mort seulement en 1711). […] « C’est, dit le scholiaste, pour qu’elles pussent, étant étrangères, reprocher son injustice à Étéocle. » Mais c’est bien plutôt encore à cause de la richesse et de la singularité de leur costume exotique, et pour en amuser les yeux des Athéniens. […] Pour vous en faire quelque idée, il faut que vous songiez à un autre très grand poète, étranger, et que Racine ne connaissait probablement pas même de nom. […] Et donc, tout en travaillant secrètement le Sénat dans cette pensée, Domitian feint d’aimer lui-même Bérénice, afin d’exciter la jalousie de Titus, et pour que cette jalousie le décide à prendre pour femme la belle étrangère. […] cette idée de la vertu expiatrice du sang était-elle donc étrangère aux chrétiens du xviie  siècle ?

1763. (1910) Rousseau contre Molière

Je m’en vais passer tout à l’heure dans cette petite rue écartée qui mène au grand couvent ; mais je vous déclare, pour moi, que ce n’est point moi qui me veux battre ; le ciel m’en défend la pensée ; et si vous m’attaquez, nous verrons ce qui en arrivera. » Et tout cela a un peu étonné, comme étranger au caractère de Don Juan tel que Molière l’a tracé, comme surajouté et adventice et peut-être, quoique me chargeant au besoin de l’expliquer, en suis-je un peu étonné moi-même ; mais comme signe de la profonde horreur que Don Juan inspire à Molière, c’est de toute première importance. […] Or il lui semble bien que Molière est aussi étranger au sentiment religieux qu’il est possible qu’homme le soit. […] Brunetière (ici) a bien raison, qui fait remarquer à quel point Cléante est étranger à la pièce, si bien qu’elle resterait tout entière, si le rôle de Cléante en était retranché, comme si Molière avait voulu indiquer lui-même que ce rôle n’était qu’une pièce rapportée pour les besoins des circonstances. […] Or, il y a dans le rôle de Dorine en général un bon sens robuste et sain, en particulier une clairvoyance populaire très sûre à démêler le fond sous les dehors dans le caractère des gens, aussi un sentiment très juste de bonne défiance familiale à l’endroit de l’intrus, de l’étranger qui s’introduit dans une maison et qui s’y intronise en exploitant une faiblesse du chef de famille ; un mot de bonne grosse religion bourgeoise ou campagnarde, non point, pas un seul ; vous pouvez chercher. […] Et c’est pourquoi, si l’on avait besoin d’une preuve nouvelle de la nature des intentions de Molière, on la trouverait dans le rôle et dans les discours de celui de ses personnages que l’on nous donne comme son truchement. » Toutes les maladresses de Tartuffe, relativement au dessein de Molière de prouver que ce n’était pas la religion qu’il y attaquait, complètent et confirmant cette idée qu’il n’y a jamais eu un esprit plus étranger au sentiment religieux que Molière.

1764. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Ici nous tombons dans la chose intraduisible de toute comédie étrangère. […] Il est étranger, il a étudié avec un grand soin, avec un rare esprit notre vieux théâtre. […] Étranger, qui demandez à voir le plus noble endroit de cette grande ville, laissez là même le Louvre, et laissez la Notre-Dame de Paris vermoulue et que M.  […] Avec les siens, il est incivil et brusque ; oui, mais il est d’une extrême politesse avec les étrangers ! […] Une fois installé chez Lucinde, Moncade, qui devrait s’occuper de sa bienfaitrice, au moins tant qu’il est chez elle, à peu près sur le même pied que les gens à ses gages, n’a pas d’autre soin que d’écrire à des femmes étrangères, ou de recevoir des lettres d’amour, sous les yeux et dans la maison même de Lucinde.

1765. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Votre style est même plus jeune, plus libre que jamais ; il s’est dépouillé, à mesure que vous avanciez dans la vie, de ce qu’il y avait en lui d’alliage étranger et d’école. […] Admirable coutume que l’exilé emporte jalousement à l’étranger, comme un morceau de la patrie : on n’a pas oublié le festival gigantesque organisé, l’année dernière, à l’hôtel du Louvre, par les réfugiés allemands, à l’occasion de l’anniversaire de Schiller. […] Ἔνθα λίγεια μινύρεται Θαμιζουσα μάλιστ'ἀηδὼν    Χλωραῖς ὑπὸ βάσσαις… « C’est le pays des beaux chevaux, ce pays que tu viens habiter, ô étranger ! […] La conclusion, je le répète, était loin de combler mes désirs, bien que je comprisse la valeur des termes où ces messieurs avaient résumé leur opinion, et que je ne fusse pas absolument étranger à cette formule, sacrée aux critiques du jour : « Il a du tempérament, « Il n’a pas de tempérament. » Avez-vous du tempérament, ami romancier ? […] Artiste, voyage à l’étranger, pour mieux voir ton pays.

1766. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

La Grèce restera toujours, pour nos imaginations occidentales, le moins assimilable des pays, comme beaucoup de civilisations étrangères, dont le recul des siècles obscurcit fatalement la notion exacte. […] C’est uniquement à titre étranger. » Heredia ne tarda pas, d’ailleurs, à se faire naturaliser. « La France, disait-il, dans son discours de réception à l’Académie, la France était la patrie de mon intelligence et de mon cœur. […] Etranger à toute espèce de préoccupation philosophique ou morale, il rabaissait de parti-pris tous les sujets de conversation qui pouvaient rivaliser d’importance avec la poésie. […] Au fond, ce mouvement d’idées et de production est toujours resté complètement étranger au vrai peuple provençal. […] » Il me présenta en ces termes à plusieurs personnes, heureusement étrangères à la Littérature  : « Mon ami, le docteur Pagello ».

1767. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Quand il s’était assuré que Sieyès n’avait ou n’attendait chez lui personne d’étranger (car, pour ne pas donner d’ombrage à ses quatre collègues logés comme lui dans le petit hôtel du Luxembourg, il ne fermait jamais sa porte), on m’avertissait dans la voiture où j’étais resté, et la conférence avait lieu entre Sieyès, Talleyrand et moi.

1768. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

On est arrivé de la sorte à pénétrer le secret de bien des affaires et le sens intime de bien des personnages, à savoir en détail et presque jour par jour les motifs de son admiration pour Henri IV, pour Richelieu, pour Louis XIV, à dénombrer les ressorts de leur administration, et à suivre tous les mouvements de leur politique à l’étranger.

1769. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade, dans son rôle modeste, avec son savoir déjà étendu et tout d’abord précis, son esprit net et fin, sa plume élégamment correcte, donna de bonnes indications, releva, des erreurs, informa les curieux de quelques points d’érudition acquis et connus à l’étranger, glissa dans ses extraits d’excellents échantillons de traductions ; de plus, il jetait par-ci par-là quelques grains de malice à l’adresse des faux érudits ou des pédants.

1770. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

En ce pays étranger elles verront comment se font les logis.

1771. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Bayle, qui profita si bien des avantages de l’éloignement et de la liberté qu’on a à l’étranger, sentait aussi les inconvénients qui sont tous dans le manque de précision et d’information sûre.

1772. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

En somme, la presque totalité de ces lettres sont étrangères à la poliùque, et la plupart sont, si je ne me trompe, extrêmement remarquables, abstraction faite même des idées et à ne considérer que leur mérite littéraire.

1773. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

On ne s’étonnera point, d’après cela, si les questions agitées, il y a peu d’années, dans la poésie et dans l’art, tout en paraissant fort étrangères au genre et aux préoccupations politiques de Béranger, ne l’ont laissé au fond ni dédaigneux ni indifférent.

1774. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

L’abbé Gerbet a la logique aussi certaine, mais moins armée d’armes étrangères, une lucidité posée et réfléchie, persuasive avec onction et rayonnante d’un doux amour : l’abbé Lacordaire exprime plutôt le côté oratoire militant avec de la nouveauté et du jeune éclat ; il a l’hymne sonore toujours prêt à s’élancer de sa lèvre, et la parole étincelante comme le glaive du lévite. 

1775. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

La parcimonie, le méticuleux propre à certaines natures analytiques et sceptiques, est chose étrangère à sa veine.

1776. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Laurent, qui ne se borne pas à jouer un rôle passif dans cet entretien, combat des principes qui, poussés à la rigueur, isoleraient l’homme et le rendraient étranger à ses devoirs ; il soutient qu’on ne doit pas séparer la vie contemplative de la vie active, mais que l’une doit servir de base et de moyen de perfection à l’autre.

1777. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Les laïcs étaient demeurés d’abord étrangers à ce puissant mouvement d’idées, qui du xie au xive  siècle se produit dans les écoles et les couvents, et dont les résultats principaux s’enregistrent dans les grandes œuvres latines et scolastiques du xiiie  siècle, le Spéculum majus de Vincent de Beauvais, la Summa theologica de saint Thomas d’Aquin, l’Opus majus de Roger Bacon.

1778. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Car il n’appartient qu’aux époques de réflexion raffinée de goûter l’imitation des mœurs étrangères ou inconnues : l’instinct spontané de la foule inculte ne réclame que l’imitation des mœurs connues et familières.

1779. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Mais n’eussent-ils pas écrit de lettres, il n’en faudrait pas moins indiquer ici qu’ils vécurent et travaillèrent : car leur œuvre, étrangère à la littérature, et même souvent à la langue française, a préparé le merveilleux développement de la critique, de l’histoire, de l’archéologie, de toutes ces sciences où la littérature de notre siècle a trouvé quelques-uns de ses plus certains chefs-d’œuvre.

1780. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Il écrit au moment où l’esprit français vient d’acquérir la domination sur le monde civilisé, où la langue française devient universelle : on le sent, à la préoccupation qu’il a de rendre notre langue plus accessible aux étrangers par la simplification de la grammaire.

1781. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Nulle préoccupation étrangère au drame sentimental de sa propre existence ne vient modifier ou compliquer son théâtre.

1782. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

L’axiome très défendable « que l’art doit rester étranger à la morale » (car c’est assez qu’il cherche le beau), n’est pas tout à fait vrai au théâtre, parce que rien n’est moins artiste qu’une grande foule.

1783. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Un de mes voisins de campagne, homme de joyeuse humeur et philosophe cynique, s’amusait, quand il avait chez lui des étrangers, à poser au fils de son fermier, un enfant de huit ans, les questions suivantes dont il avait dicté les réponses : « — Qu’est-ce que tu veux être, Germain ?

1784. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Les grands hommes marqués pour l’apothéose étaient des croyants enthousiastes fort étrangers aux secrets de la grande politique.

1785. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Seul maintenant dans ce monde, pour qui je suis un étranger.

1786. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

La moralité d’un peuple comporte non seulement les relations d’un sexe avec l’autre, mais aussi les façons d’agir des hommes qui le composent soit avec leurs concitoyens, soit avec les étrangers, soit avec eux-mêmes.

1787. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Le combat n’est pas entre moi et une puissance étrangère que je bats ou qui me bat ; il est entre moi et moi-même, entre moi qui désire une chose, par exemple, et moi qui crains le remords.

1788. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Regarde ce qu’on appelle la vie comme une foire étrangère, un lieu d’émigration pour les hommes : foule, marché, tumulte, jeu de hasard, hôtellerie où l’on s’arrête.

1789. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Par exemple, dans ses Mémoires, il a l’air de dire qu’il ne comptait pas en 1814 sur l’étranger ; qu’il espérait toujours en un mouvement national qui eût dispensé les Alliés d’entrer à Paris et qui eût délivré les Français par leurs propres mains.

1790. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Il avait écrit à M. de Malesherbes encore ministre, et qui allait cesser de l’être ; Malesherbes lui fit répondre qu’il n’avait qu’un dernier conseil à lui donner, c’était de passer en pays étranger, et de s’y faire une carrière.

1791. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

C’est à toute la jeunesse du royaume, à toutes les gardes nationales, de prendre les couleurs du deuil, lorsque l’assassinat de leurs frères est parmi nous un titre de gloire pour des étrangers.

1792. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Pourquoi, à mesure que les hommes devenaient individuellement plus humains, plus justes, plus tempérants, plus chastes, paraissaient-ils devenir chaque jour plus étrangers à toutes les vertus publiques ?

1793. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Les lettres, moins étrangères au monde, en obtiennent plus de respect, plus de confiance.

1794. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Ybilis — Le vieillard et les 7 têtes — L’avare et l’étranger.

1795. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

C’est là qu’on pourrait employer la fameuse expression d’ouvrier conscient et organisé ; chaque soldat est bien une pièce consciente de la grande machine, et, dans une abnégation totale de lui-même, consent à n’être qu’un rouage mû par une volonté étrangère.‌

1796. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Une minute encore ; jamais nous n’aurons de ces jeunes morts trop d’esquisses, recueillons de celui-ci huit lignes rapides, un portrait moral, que je demande qu’à l’étranger on retienne comme le portrait type du jeune Français.

1797. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Remarquons aussi qu’emporté par cette préoccupation presque maladive du style, le peintre supprime souvent le modelé ou l’amoindrit jusqu’à l’invisible, espérant ainsi donner plus de valeur au contour, si bien que ses figures ont l’air de patrons d’une forme très-correcte, gonflés d’une matière molle et non vivante, étrangère à l’organisme humain.

1798. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Seulement la pauvre alouette ne chantait jamais. » Il montre Cosette qui travaille, et qui regarde jouer les enfants de Thénardier, Cosette qui tremble quand on lui parle, Cosette à qui la marâtre commande d’aller, la nuit, puiser de l’eau dans la forêt, et qui a peur des branches, de l’ombre, du silence, Cosette qui rencontre dans les bois Jean Valjean, un étranger cependant, et qui a tout de suite confiance, Cosette, à qui l’inconnu, entré avec elle dans l’auberge, donne une poupée, et qui n’ose pas croire d’abord à la joie, et puis s’abandonne au rêve de ses six ans, saisit la poupée, et l’endort avec des gestes et un recueillement maternels.

1799. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

En présence d’une substance dont elle peut faire sa nourriture, elle lance hors d’elle des filaments capables de saisir et d’englober les corps étrangers.

1800. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Tandis, en effet, qu’on posait d’un côté une réalité extérieure multiple et divisée, de l’autre des sensations étrangères à l’étendue et sans contact possible avec elle, nous nous apercevons que l’étendue concrète n’est pas divisée réellement, pas plus que la perception immédiate n’est véritablement inextensive.

1801. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Boeck l’a essayé de nos jours ; mais aussi, on doit l’avouer, ils ne les entendaient pas avec la même sagacité, la même précision de sens hellénistique ; ils savaient le grec plus bonnement, plus naïvement : leur science n’avait pas autant pénétré dans la société grecque et n’en connaissait pas aussi bien tous les usages et toutes les formés ; et, d’autre part, leur goût s’alarmait de ces formes étrangères.

1802. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Chacun à sa manière, et donnant chacun à cette antique foi une couleur particulière, ils n’ont pas marchandé à la rétablir dans tout ce qu’elle avait de plus étranger et même de plus contraire aux nouvelles façons de penser. […] Après eux est venue une nouvelle génération de penseurs, très différente, beaucoup plus audacieuse et plus chimérique aussi, comme touchée d’un retour inattendu de mysticisme, et qui a mis du mysticisme dans les choses qui lui sont le plus étrangères. […] Quand il rencontre un bon émigré, car il y en a, un émigré qui est heureux de voir les Français battre les armées étrangères, il applaudit de tout son cœur. […] La France change les ministres ; mais elle subit les fonctionnaires, sorte d’armée qui semble une armée étrangère, tant les soldats sont toujours étrangers au pays où ils campent, et armée qui, pour obéir à un chef responsable devant le pays, n’en a pas moins toujours le même esprit, la même discipline, et la même puissance autocratique sur laquelle aucune influence locale ne peut agir pour les tempérer. […] Elle avait, nous l’avons vu, confusément senti que l’art classique français avait produit tous ses fruits, que la littérature française ne se soutenait plus que par une ressource un peu étrangère, les ouvrages de philosophie politique, que, du reste, elle languissait ; elle trouvait en Allemagne un art nouveau, imprévu, brillant d’ailleurs : elle applaudissait.

1803. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Admète, qui est, tout compte fait, un homme fort bien élevé, dissimule la mort de sa femme pour ne point éloigner l’étranger de son toit. […] Mais Hercule insiste : « Au moins, tends la main à cette étrangère et soulève son voile. » Admète obéit, reconnaît Alceste. […] … Si, parmi les hommes morts depuis deux siècles, vous cherchez celui qui, revenu parmi nous, aurait le moins l’air d’un étranger, celui qui nous comprendrait le plus vite, celui avec qui vous-mêmes, chers néo-mystiques, pourriez converser le plus commodément… oh ! […] Les deux époux ne purent s’entendre : elle, charmante et un peu frivole, comme une reine de Décaméron ; lui, le prince étranger, d’humeur sombre, et encore à demi barbare. […] Parce que, à ce moment, cela est loin de lui ; parce qu’il vient de connaître des joies plus saines et plus calmes ; parce qu’il peut considérer son aventure de jadis comme ferait un moraliste et un étranger, et que la mémoire de ses sens n’a pas encore eu l’occasion de s’éveiller sérieusement sur ce sujet.

1804. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Il soudoie des mercenaires étrangers, des Philistins, des archers de Crète, surtout des Cariens venus des montagnes de Mylasa et de Labranda, adorateurs d’un fétiche guerrier, armés de la lance et de la double hache ; véritables épouvantails de guerre avec leur attirail compliqué de couteaux, de piques, de faux, et leur casque ombragé d’un éventail de plumes. […] Les fanatiques lui en voulaient, parce qu’il avait épousé une étrangère complaisante à toutes les innovations. […] Ce vieil Arabe, intelligent, brave, fort de corps, tanné, dur à la fatigue, très adonné aux femmes, sanguinaire et fin, étranger à toute idée religieuse, dépaysé parmi les Juifs (comme Méhémet-Ali devait être isolé, dix-huit siècles plus tard, parmi les fellahs), put, durant trente-neuf années, régner tout à son aise, acheter des esclaves, bâtir un temple et des châteaux, ordonner des supplices. […] Et sa souffrance, étrangère aux motifs qui font palpiter le cœur du commun des hommes, ne pouvait pas être comprise par les multitudes. […] Entrer dans les âmes étrangères ; être aimé par des amis inconnus ; se savoir lu par les femmes et les révéler à elles-mêmes ; surprendre son nom chuchoté au passage ; être suivi dans les rues comme cela arriva à Musset au temps de sa jeunesse et de son génie ! 

1805. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Antoine ayant beaucoup voyagé et ayant observé de très près les théâtres étrangers, fut la chose la plus intéressante et la plus instructive du monde. […] Dumas fils a fait L’Étrangère et Denise, qui, du reste, n’est pas méprisable. […] — Laissez-moi, au moins, un comte, un baron, un chevalier, un… tenez : un seigneur étranger. Le seigneur étranger, cela arrange tout. — Votre seigneur étranger est une mauvaise plaisanterie ; les noblesses sont solidaires.

1806. (1903) La pensée et le mouvant

Les autres sont des articles ou des conférences, introuvables pour la plupart, qui ont paru en France ou à l’étranger. […] Point du tout ; notre esprit y est comme à l’étranger, tandis que la matière lui est familière et que, chez elle, il se sent chez lui. […] Ce pourra être une science à laquelle on est totalement étranger. […] Je ne sais si l’obscurité s’est dissipée : ce qui est certain, c’est que les théories de la connaissance qui ont vu le jour dans ces derniers temps, à l’étranger surtout, semble laisser de côté les termes où Kantiens et anti-Kantiens s’accordaient à poser le problème. […] Maintenant, au bas de tous les croquis pris à Paris l’étranger inscrira sans doute « Paris » en guise de mémento.

1807. (1897) Aspects pp. -215

. — Et alors commença une étourdissante Odyssée… Qui donc prétendait que la police ignore son métier, qu’il est difficile, presque impossible d’arrêter un délinquant en fuite à l’étranger s’il sait bien se cacher ? […] Il répondit : « Croyez-vous les relations sociales moindres entre la France et l’Allemagne que celles ici entretenues avec les autres pays étrangers, j’en doute ; mais je ne suis compétent. » Cela signifie, d’après la construction de la phrase : je doute que vous le croyiez, mais M.  […] En effet, comme on le sait, les sujets russes appartenant à la noblesse n’ont le droit de résider à l’étranger que s’ils y sont autorisés par leur gouvernement. […] Il ne lui reste plus guère qu’un ardent esprit de charité assez semblable à celui des premiers chrétiens, fort étranger à la presque unanimité des catholiques actuels. […] À l’étranger, il y a Ibsen et Wagner égaux aux plus grands.

1808. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Mais dans la solitude, elle dépose ces illusions étrangères qui la troublent ; elle reprend le sentiment simple d’elle-même, de la nature et de son Auteur. […] À la fin de l’été, plusieurs espèces d’oiseaux étrangers viennent, par un instinct incompréhensible, de régions inconnues, au-delà des vastes mers, récolter les graines des végétaux de cette île, et opposent l’éclat de leurs couleurs à la verdure des arbres rembrunie par le soleil.

1809. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

Selon les observations d’Engelmann, les rhizopodes retirent en arrière leurs pseudopodes lorsqu’ils touchent des corps étrangers, même si ces corps étrangers sont les pseudopodes d’autres individus de leur propre espèce ; au contraire, le contact mutuel de leurs propres pseudopodes ne provoque aucune contraction.

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