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1326. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Valéry, Paul (1871-1945) »

Le charme est bref, l’originalité précieuse et cherchée ; mais ces qualités sont si rares chez les poètes qui entourent le trône de lassitude où de Mallarmé rêve du Symbolisme ! […] [Poètes d’aujourd’hui (1900).]

1327. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IX. Caractères sociaux. — Le Prêtre. »

Ces caractères, que nous avons nommés sociaux, se réduisent à deux pour le poète, ceux du prêtre et du guerrier. […] Un grand prêtre, un devin, une vestale, une sibylle, voilà tout ce que l’antiquité fournissait au poète ; encore ces personnages n’étaient-ils mêlés qu’accidentellement au sujet, tandis que le prêtre chrétien peut jouer un des rôles les plus importants de l’Épopée.

1328. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Nous sommes bien sûrs à l’avance que nous n’aurons point à regretter de nous être mis à son école ; car il est poète aussi, en même temps qu’il est philosophe. […] Ce n’était point assez d’avoir produit ces chefs-d’œuvre ; il fallait encore les faire comprendre ; et au génie spontané des poètes est venu s’ajouter le génie de la critique, qui ne crée pas, mais qui réfléchit. […] Il divise tous les poètes en deux ordres : les poètes héroïques et les poètes comiques. […] « La terreur et la pitié peuvent venir du spectacle qu’on met sous les yeux des assistants ; mais on peut faire sortir ces sentiments de l’intrigue même du drame, ce qui est bien préférable et annonce un poète plus habile. […] « Puisque le but du poète doit être de nous procurer le plaisir qui vient de la pitié et de la terreur, il est clair qu’il faut qu’on trouve ces émotions dans les choses même que son œuvre nous représente.

1329. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Il est toujours très-doux de pouvoir réparer envers un poëte, surtout quand ce poëte est une femme. […] La fête même de cette réception était dirigée dans son ensemble par Maurice Sève, ancien conseiller-échevin et poëte distingué du temps ; les Sève tiraient leur origine d’une ancienne famille piémontaise. […] Les consciencieux éditeurs de 1824 sont heureusement venus remettre en lumière quelques points authentiques, et ils se sont appliqués surtout (tâche assez difficile et méritoire) à restituer à Louise Labé son honneur comme femme, en même temps qu’à lui maintenir sa gloire comme poëte. […] Il est vrai qu’elle s’émancipe un peu plus qu’on ne le ferait aujourd’hui ; son dix-huitième sonnet est tout aussi brûlant qu’on le peut imaginer, et semble du Jean Second tout pur ; c’était peut-être une gageure pour elle d’imiter le poëte latin ce jour-là. […] Le début ressemble par l’idée au fragment de Sophocle qu’on vient de lire ; le poëte chante la Déesse qui fait naître le désir au sein des hommes et des Dieux, et chez tout ce qui respire.

1330. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Mais Nodier mourut avant d’avoir laissé échapper les pages riantes, et nous voilà en demeure, nous poëte autrefois intime, critique aujourd’hui très-grave, de payer le tribut au plus joyeux et au plus bachique des chanteurs. N’importe, nous le ferons sans trop d’effort : la critique a pour devoir et pour plaisir de tout comprendre et de sentir chaque poëte, ne fût-ce qu’un jour. […] Mais, après Homère, et sans parler d’Anacréon trop connu, le poëte ancien qui a le mieux parlé du vin est peut-être Panyasis, de qui l’on n’a que des fragments. […] Plante sacrée, tu crois au pied de l’Hymette, et tu communiques tes feux divins au poëte fatigué, lorsqu’après s’être oublié dans la plaine, et voulant remonter vers les cimes augustes, il ne retrouve plus son ancienne vigueur. […] Comme poëte, Béranger n’a, de nos jours, nulle comparaison à craindre.

1331. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Viguier, de peur que le grand poëte ne crût voir arriver un rimeur bien pédant, bien humble et bien vain. […] Il réalisait pour son compte le vœu qu’un poëte de ses amis avait laissé échapper autrefois en parcourant ce joli paysage : Que ce vallon est frais, et que j’y voudrais vivre ! […] « Il y a une audace et un abandon dans la confidence des mouvements d’un pareil cœur, bien rares en notre pays et qui annoncent le poëte. […] Cet état convient mieux au pécheur qui va se régénérer ; il va plus mal au poëte qui doit toujours marcher simple et le front levé ; à qui il faut l’enthousiasme ou les amertumes profondes de la passion. […] « Il s’efforce d’aimer et de croire, parce que c’est là-dedans qu’est le poëte : mais sa marche vers ce sentiment est critique et logique, si je puis ainsi dire.

1332. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

D’où vient la maladie parmi les mortels   Elle nous vient, assure le poète, de la Némésis. […] Quels sont ces poètes ? […] Ce ne sont certainement pas ces narrations qui nous attireront, elles n’ont rien d’extraordinaire et pourraient être écrites par un poète, aimable et distingué, mais par un poète déjà de second ordre. […] La sensation d’une lecture faite par des acteurs, c’est la sensation que nous avons lorsque le poète n’a pas le don dramatique ; lorsque nous avons la sensation de quelque chose qui est vécu par les acteurs, c’est que l’auteur est doué véritablement. […] Je ne prétends pas que La Fontaine soit un grand poète du théâtre.

1333. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

C’est un athée comme l’Italie, qui a toujours eu des poisons mêlés à ses parfums, a su en produire quand elle en a produit, depuis Vanini le philosophe, jusqu’à Leopardi le poète. […] Pourquoi mélancolise-t-il comme un poète ? […] comme dit le poète. […] Ferrari n’est pas seulement un historien réussi… quelquefois, ou un philosophe échoué presque toujours : c’est aussi un poète à sa manière, ou du moins une tête d’une organisation poétique. […] Ce poète dans l’abstraction répand sur les faits un tel prisme, qu’on croirait presque qu’elle appartient aux faits, cette lumière, qu’il n’y trouve pas et qu’il y met !

1334. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Borel, Petrus (1809-1859) »

Le poète met souvent en tête de ses vers des épigraphes qui sentent la misère. […] Champfleury Ce Pétrus Borel, forçant l’étrangeté pour dissimuler son peu d’imagination, se présentant en « loup » dans la civilisation, goguenard très travaillé, sans cesse en quête de sujets étonnants, voulant attirer l’attention du public par son orthographe, n’écrivant toutefois qu’avec peine de bizarres récits en prose, poète jadis, dont les vers étaient hirsutes et martelés, à la tête autrefois d’un groupe d’artistes à tous crins qui avaient laissé leurs cheveux dans les mains de l’occasion.

1335. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 6-7

Ce dernier Vers consacre tout-à-la-fois les louanges de ce Poëte, & fixe la juste idée qu’on doit avoir de ses talens. […] On est fâché, pour sa gloire, que trop de confiance dans sa facilité l’ait jeté dans la négligence ; c’est pourquoi Malherbe disoit que de Racan & de Maynard on auroit fait un grand Poëte.

1336. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 78-80

Si, comme cet Auteur le dit lui-même dans un Vers des plus prosaïques, Qui n'est pas né Poëte, à rimer perd son temps. […] Une autre preuve que cet Auteur n'est pas né Poëte, c'est que le langage sublime & figuré des Prophetes n'a pas été capable d'échauffer sa verve.

1337. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Ton œuvre entier, poète, n’était que symbole. […] Jules Tellier (Nos poètes). […] Et d’autres grands poètes avant lui. […] Moréas, poète, et de premier ordre souvent, voir Nos poètes, de M.  […] En vers, c’est notre premier poète rustique.

1338. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Les poètes célèbrent le grand comique, les comédiens viennent saluer son image. […] Quant à la maison où le grand poète est mort, je crois, avec M.  […] La coquetterie, l’infatuation d’Armande devaient empoisonner les jours et les veilles du poète. […] Notez que l’on brûlait encore les poètes en Grève. […] La vaste coiffure du temps de Louis XIV couvre le front pensif et ridé du poète.

1339. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Un bon nombre de convictions timides s’exciteront sur la foi des refrains, et reprendront goût et courage à la cause de la civilisation, d’après l’autorité de leur poëte. […] Entre le public et le poète, il y a contrat désormais ; il est notoire qu’ils peuvent marcher et qu’ils marcheront ensemble. […] Une fois son drame accepté, applaudi, autorisé, le poëte est bien plus à l’aise pour en modifier, en assouplir l’esprit et les formes ; il lui est plus facile de se relâcher quand il a vaincu, que quand il lutte ; or, ce qu’on demande surtout à M.  […] Voilà des questions que personne ne peut s’empêcher de s’adresser à soi-même, avec un sentiment intime de respect pour le poëte de génie qui les suscite.

1340. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Le plus parfait de nos poètes, Racine, est celui dont les expressions hardies ont excité le plus de censures ; et le plus éloquent de nos écrivains, l’auteur d’Émile et d’Héloïse, est celui de tous sur lequel un esprit insensible au charme de l’éloquence pourrait exercer le plus facilement sa critique. […] Presque tous nos poètes de ce siècle ont imité les Anglais. […] que les Romains ont étudié la philosophie, ont possédé des historiens connus, des orateurs célèbres et de grands jurisconsultes, avant d’avoir eu des poètes ; 2º. que leurs auteurs tragiques n’ont fait qu’imiter les Grecs et les sujets grecs ; 3º. je développe un fait que je croyais trop authentique pour avoir besoin d’être expliqué ; c’est que les chants de l’Ossian étaient connus en Écosse et en Angleterre par ceux des hommes de lettres qui savaient la langue gallique, longtemps avant que Macpherson eût fait de ces chants un poëme, et que les fables islandaises et les poésies scandinaves, qui ont été le type de la littérature du Nord en général, ont le plus grand rapport avec le caractère de la poésie d’Ossian. […] » Je pourrais récuser une objection tirée de Virgile, puisque je l’ai cité comme le poète le plus sensible ; mais en acceptant même cette objection, je dirai que, lorsque Racine a voulu mettre Andromaque sur la scène, il a cru que la délicatesse des sentiments exigeait qu’il lui attribuât la résolution de se tuer, si elle se voyait contrainte à épouser Pirrhus ; et Virgile donne à son Andromaque deux maris depuis la mort d’Hector, Pirrhus et Hélénus, sans penser que cette circonstance puisse nuire en rien à l’intérêt qu’elle doit inspirer.

1341. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Il est clair que, même à Paris, même au théâtre français de la rue de Richelieu, l’imagination du spectateur se prête avec facilité aux suppositions du poète. Le spectateur ne fait naturellement nulle attention aux intervalles de temps dont le poète a besoin, pas plus qu’en sculpture il ne s’avise de reprocher à Dupaty ou à Bosio que leurs figures manquent de mouvement. […] Ces instants charmants ne se rencontrent ni au moment d’un changement de scène, ni au moment précis où le poète fait sauter douze ou quinze jours au spectateur, ni au moment où le poète est obligé de placer un long récit dans la bouche d’un de ses personnages, uniquement pour informer le spectateur d’un fait antérieur, et dont la connaissance lui est nécessaire, ni au moment où arrivent trois ou quatre vers admirables, et remarquables comme vers.

1342. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Ils furent pris par tous les sens et par tout l’esprit : une conception nouvelle de la vie s’éveilla en eux, et ils commencèrent à transporter chez eux tout ce qui les avait ravis la-bas : ils voulurent avoir des palais, des jardins, des tableaux, des statues, des habits, des bijoux, des parfums, des livres, des poètes, des savants, des animaux rares, de la science, de l’esprit, comme en avaient les Médicis, les ducs d’Urbin ou de Ferrare ; quand ils revinrent en France, toute la Renaissance y entra avec eux, un peu pêle-mêle, dans leurs cervelles comme dans leurs fourgons. […] D’autre part, le roi, les princes ont leur cour, somptueuse et polie ; il leur faut des poètes pour l’orner ; mais, avec le luxe brutal et la lourde sensualité du moyen âge, ils ont rejeté aussi le pédantisme grimaçant de la « rhétorique ». […] Erudits et poètes s’assemblent autour de François Ier, autour surtout de sa sœur Marguerite. […] Marot, poète de cour, est un protestant de la première heure.

1343. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Elle permet de s’abandonner librement à sa fantaisie, d’être artiste et poète en même temps que philosophe. […] C’est qu’il les connaît pour les avoir étudiées dans le passé et dans le présent et que, s’il est poète, il est historien  Ou bien parmi de magnifiques paroles sur la vertu, il nous avertit subitement qu’elle n’est que duperie, et cela nous scandalise ; mais ce n’est pourtant qu’une façon de dire que la vertu est à elle-même sa très réelle récompense. […] On ne peut vraiment pas attendre des livres simples d’un poète qui est un savant, d’un Breton qui est un Gascon, d’un philosophe qui a été séminariste. […] Remarquez ce qu’a de singulier et d’unique le cas de cet hébraïsant, de cet érudit, de ce philologue qui se trouve être un des plus grands poètes qu’on ait vus, et jugez de tout ce qu’il faut pour remplir, comme dit Pascal, l’entre-deux.

1344. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

la vie privée du grand poète n’a pas pour cela été mieux connue. […] Cela n’est pas vrai, ou, si cela l’est, cela ne l’est pas en soi, comme le pense Emerson, mais par le fait de telle ou telle circonstance qui est entre nous et le poète. […] En effet, si on ne veut pas rester simplement dans la contemplation extérieure, et par conséquent bornée, des chefs-d’œuvre laissés par le plus grand des poètes dramatiques, il faut pénétrer par l’analyse dans les profondeurs de son talent, qui s’ouvrent toutes, en tout talent, ces profondeurs, sur les choses morales de la vie. […] Le poète le plus écarlate de la sonorité et de la couleur est trop exclusivement extérieur pour parler profondément de ce Shakespeare, qui surplombe, lui, également les deux mondes, le monde visible et l’invisible.

1345. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Un poète, il est vrai, Lord Byron, mais Lord Byron malade, spleenétique, agacé, mâchant du mastic et buvant du soda-water, a fait un jour l’éloge osé et peut-être ironique de l’avarice, la passion la plus intellectuelle, disait-il ; ce qui n’est pas une recommandation bien forte pour Bellegarrigue, lequel comprend, lui, l’amour de l’or sous des formes moins concrètes et moins immobiles. Mais à cela près de cette boutade d’un poète, d’un hypocondriaque sublime, plus capricieux qu’une femme et qu’une nuée, on n’avait pas vu un esprit sérieux et honnête, ayant réfléchi seulement deux minutes sur ce qui constitue la beauté ou la grandeur de la vie, proclamer « le tout-puissant écu » comme la religion philosophique (deux mots qui s’étranglent !) […] Nous savions bien, comme tout le monde, que c’est le pays de la matière, du travail, du négoce, de l’industrie, une forge d’enragés Cyclopes, mais nous savions aussi que dans sa limaille de fer et sa poussière de charbon il poussait de temps en temps un écrivain, un poète, un rêveur, une jeune fille qui n’était pas miss Martineau. Aujourd’hui, s’il faut s’en rapporter à ce voyageur, qui traite familièrement les poètes de détraqués, il n’est plus rien de tout cela, ou, si cette terre du Progrès, de la Raison positive et de l’Argent, s’oublie encore à produire de ces choses misérables et charmantes, si elle a encore de ces distractions, tout fait espérer que sous peu le progrès l’emportera, et qu’elle marchera à l’accomplissement de la seule mission qu’il y ait pour l’humanité sur la terre : « Faire des écus et les employer à en faire d’autres, pour que la femme, cette lorette du concubinage légalisé, les dépense ! 

1346. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Jamais, en effet, auteur quelconque — poète ou romancier — ne fut plus l’homme et même le serf de la réalité que ce Gogol, qui est, dit-on, le créateur et le fondateur d’une école de réalisme russe près de laquelle la nôtre — d’une assez belle abjection pourtant !  […] que le Don Juan de Byron devait parcourir le globe tout entier dans le plan du poète, de même le héros de Gogol devait parcourir l’empire russe ; mais ce n’était pas la main aveugle des circonstances qui le poussait à travers l’empire, c’était une pensée de spéculation. […] Mais ce Spartacus littéraire était-il autre chose, au fond, qu’un poète russe qui avait lu Byron et qui s’était inoculé l’ironie byronienne à larges palettes, alors que le poète anglais joue, dans Don Juan et dans ses poésies politiques, au jacobin et au carbonaro ?

1347. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Son premier dessein fut d’être artiste et poète. […] Rodenbach n’est pas un poète qui laisse sans examen couler les vers de sa plume, au gré de la facilité dont la nature l’a doué. […] Bien qu’il soit triste de voir qu’une mort de héros n’ait pas désarmé la haine du poète, MM.  […] Elle épousa le cul-de-jatte Scarron, qui ne lui laissa que ses guenilles de poète. […] « Il lui suffit d’écrire des vers pour prouver qu’il n’est pas poète ! 

1348. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Ce qu’il y a de romantique dans la tragédie actuelle, c’est que le poète donne toujours un beau rôle au diable. […] Le poète romantique par excellence, c’est Le Dante ; il adorait Virgile, et cependant il a fait la Divine Comédie, et l’épisode d’Ugolin, la chose au monde qui ressemble le moins à l’Énéide, c’est qu’il comprit que de son temps on avait peur de l’enfer. […] Manzoni annoncent un grand poète, si ce n’est un grand tragique.

1349. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

Zola embêté par les jeunes Un poète d’esprit, Henri de Régnier, discute au long le talent d’Émile Zola. […] C’est le poète de l’énergie. […] Je suis donc assuré, poètes, mes amis, que vous ne feriez point à Zola remontrances pour le fait seul de sa production, si vous ne la voyiez à ce point entachée d’uniformité et de répétition, qu’elle n’eut plus droit au nom de fécondité, mais bien de ressassement.

1350. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

On comparoit ce poëte au Dante. Quelques-uns même veulent qu’il l’emporte sur le poète Italien, pour le choix des sentences & la beauté de la diction. […] Des actrices de l’Opéra-comique, voyant à l’amphithéatre un mauvais poëte qui les avoit chansonnées, députèrent une d’elles pour l’inviter, par des manières engageantes, à venir dans les coulisses.

1351. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Aussi ne prétens-je pas que l’ignorant puisse dire précisement en quoi le peintre ou le poëte ont manqué, et moins encore leur donner des avis sur la correction de chaque faute, mais cela n’empêche pas que l’ignorant ne puisse juger par l’impression que fait sur lui un ouvrage composé pour lui plaire et pour l’intéresser, si l’auteur a réussi dans son entreprise et jusqu’à quel point il y a réussi. […] Le poëte tragique, dira-t-il, ne l’a point fait pleurer, et le poëte comique ne l’a point fait rire.

1352. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Sa mère, Rolland de son nom, appartenait à une famille qui a donné un peintre très distingué au pays messin, et qui promettait dans un des frères mêmes du peintre un lettré et un poète. […] Il avait suivi à Francfort et il espérait suivre un jour à Weimar et à Wetzlar les souvenirs de Goethe, selon le principe posé par Goethe lui-même : « Quiconque veut comprendre le poète doit aller dans le pays du poète. » C’était son dilettantisme à lui et mieux que cela, sa méthode vivante d’interprétation et de critique littéraire. […] Parler aujourd’hui des œuvres d’un grand poète, c’est parler de son époque, de ses contemporains, de ses sources et de ses dérivés, non seulement de tout ce qu’il est, mais de ce qu’il a pu être et de ce qu’il représente. […] Après quelques considérations préliminaires sur Shakespeare et la Normandie, et une biographie de Shakespeare où j’espère avoir mis quelque vie par mes impressions personnelles, j’ai abordé l’examen des œuvres du poète. […] Puis je reviendrai à Michel-Ange, achevant ce que j’ai à dire du sculpteur, du peintre, de l’architecte, du poète.

1353. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Colet, Louise (1810-1876) »

[Les Poètes vivants (1847).] […] Théodore de Banville Mme Louise Colet, poète d’un grand et vrai talent, a balbutié ses premiers essais dans un temps de névrose romantique où il fallait être pâle, fatal, poitrinaire et lis penché, sous peine de mort.

1354. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lapaire, Hugues (1869-1967) »

Hugues Lapaire y a vraiment fait œuvre de poète. […] Lapaire nous offre une œuvre plus importante, qui montre son étroite parenté avec les poètes provinciaux du moyen âge — et cette œuvre est bien près d’être un chef-d’œuvre.

1355. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Magre, Maurice (1877-1941) »

Maurice Magre est un poète de grand talent ; ses vers nous révèlent une nature charmante et un génie harmonieux et doux. […] Trop heureux serais-je si, une seule fois, dans une pauvre maison, mes vers portaient quelque douceur à un cœur simple. » [Poètes d’aujourd’hui (1900).]

1356. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sardou, Victorien (1831-1908) »

Un poète trop peu connu, Jules Lefèvre-Deumier, a écrit cet admirable vers : « On meurt en plein bonheur de son malheur passé ! […] mais sa tête pâle, souffrante, ses yeux enfoncés et inquiets, sa bouche tourmentée, son grand front plein d’orages montrent clairement que. riche, heureux enfin, maître de son succès et de son art, propriétaire d’un beau château et d’un nom qui voltige sur les bouches des hommes, roi absolu du théâtre du Gymnase et du théâtre du Vaudeville, assez affermi dans sa tyrannie légitime pour pouvoir ne faire qu’une bouchée d’Edgard Poe et de Cervantès, et pour contraindre les poètes morts à lui gagner les droits d’auteur, — il ressent encore les souffrances passées du temps où les directeurs de spectacles, aujourd’hui ses esclaves !

1357. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 531-533

Ce trait de la Fable, si rebattu dans la Poésie ancienne, si souvent & si foiblement traité dans la Poésie moderne, a paru rajeuni sous la plume de ce Poëte, & enrichi d’une invention plus piquante, & d’un nouveau ressort qui produit le plus grand effet. […] Le Jugement de Pâris a été suivi d’un volume de Fables & d’un volume d’Historiettes & Nouvelles, en Vers, dont le ton original distingue ce jeune Poëte des Fabulistes & des Conteurs de nos jours.

1358. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 253-255

Le Poëte eût beaucoup mieux fait de continuer d'exercer ses talens à composer des Tragédies dans le goût de son Spartacus, & des Comédies semblables à ses Mœurs du temps, que de faire paroître sur le Théatre des Traductions plus dignes de plaire à des Canibales, qu'à des Peuples policés. […] On sait que ce Poëte est fils de Joseph Saurin, de l'Académie des Sciences, qui n'a rien de commun avec le précédent, que d'avoir été Ministre comme lui.

1359. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de février 1829 »

Sans doute, on pourrait quelquefois se prendre à regretter ces époques plus recueillies ou plus indifférentes, qui ne soulevaient ni combats ni orages autour du paisible travail du poète, qui l’écoutaient sans l’interrompre et ne mêlaient point de clameurs à son chant. […] Cependant il regrette que quelques censeurs, de bonne foi d’ailleurs, se soient formé de lui une fausse idée, et se soient mis à le traiter sans plus de façon qu’une hypothèse, le construisant a priori comme une abstraction, le refaisant de toutes pièces, de manière que lui, poète, homme de fantaisie et de caprice, mais aussi de conviction et de probité, est devenu sous leur plume un être de raison, d’étrange sorte, qui a dans une main un système pour faire ses livres, et dans l’autre une tactique pour les défendre.

1360. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Ce poëte distingue la galanterie de l’amour : il rejette l’un en admettant l’autre. […] On accuseroit aujourd’hui de maladresse, selon ces mêmes défenseurs de nos tragédies attendrissantes, un poëte qui négligeroit de plaire aux femmes, de mettre dans ses intérêts cette charmante partie des spectateurs, un poëte qui croiroit trouver les cœurs accessibles à d’autres mouvemens que ceux de l’amour. […] Cette lettre est une réponse au poëte Boursault, qui eut du scrupule d’avoir travaillé pour le théâtre, & qui consulta ce religieux. […] Rousseau ne compte-t-il pour rien les remords, ces momens affreux de désespoir dont un bon poëte accompagne les actions des scélérats ? […] Si, sur le théâtre, on a voulu quelquefois, dit-il, intéresser pour des scélérats ; c’est la faute du poëte & non du genre.

1361. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

On n’a pas le droit d’ignorer à ce point « un des poètes les plus absolument poètes de la littérature européenne » ! […] Weiss, « l’un des poètes les plus absolument poètes de la littérature européenne » ? […] Ces petits poètes, non seulement Weiss les goûte, mais il les préfère. […] Car enfin les gentils poètes qui ravissent J. […] Aux yeux de Flaubert, Bouilhet fut un grand poète.

1362. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIII » pp. 206-208

… Mais non, le signalement ne va que sur quelques points (fille d’une terre esclave, l’Italie ; homme par le cerveau ; poëte par les rêves ; à toi qui es encore la Beauté. […] Voici la suite : « Enfant par la foi, vieillard par l’expérience, homme par le cerveau, femme par le cœur, géant par l’espérance, mère par la douleur et poëte par les rêves ; à toi qui es encore la Beauté, cet ouvrage où ton amour et ta fantaisie, ta foi, ton expérience, ta douleur, ton espoir et tes rêves sont comme les chaînes qui soutiennent une trame moins brillante que la poésie de la pensée, que le poëme gardé dans ton âme, semblable à l’hymne d’un langage perdu dont les caractères irritent la curiosité des savants. »

1363. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVIII » pp. 313-315

. — Un autre fait que nous nous permettrons de rapprocher du précédent, c’est que le poëte coiffeur d’Agen, l’aimable Jasmin, vient, dit-on, de recevoir la croix de la Légion d’honneur : autre preuve qu’avec de l’esprit et même par la poésie seule, on triomphe aujourd’hui de toutes les difficultés et de tous les préjugés, qu’on se classe à son rang, et qu’on se fait finalement reconnaître et honorer des puissances sociales officielles. […] Ces croix d’ailleurs, en France, sont tellement prodiguées qu’elles ont perdu leur prix et leur vrai sens de distinction ; nous ne signalons cette marque d’honneur pour Jasmin qu’à cause du contraste que cela fait avec sa profession ; cette nouvelle sera bien accueillie dans le midi de la France qui voit en lui son poëte populaire.

1364. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Amiel, Henri Frédéric (1821-1881) »

Poète, c’est à peine si ses vers sont des vers, et je ne ferai pas à ses amis le chagrin d’en citer davantage. […] Ferdinand Brunetière Le professeur obscur de Genève, le poète inconnu de Jour à jour et des Étrangères, est célèbre ; et il le restera, comme il l’est devenu d’abord à cause de la sincérité inexorable de sa confession, et aussi parce qu’il est un exemplaire accompli d’une certaine variété d’âmes modernes… Comme M. 

1365. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dujardin, Édouard (1861-1949) »

Qu’on lise le deuxième intermède de Pour la Vierge du roc ardent, en quelques strophes aux rimes monotones, éteintes, le poète y dit toute la vie et tout le rêve de la jeune fille. […] Ce sont tous d’admirables poètes.

1366. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

Il imposait au poète, il refroidissait sa verve. […] C’était en effet un coup de maître pour Molière, de représenter Montausier, ce censeur énergique, sous les couleurs les plus nobles, et d’opposer son caractère même aux prétentions de bel esprit sans esprit, et le poète sans talent ; de le montrer intraitable pour un mauvais ouvrage, quelque honnête, quelque estimable que fut l’auteur, en respectant en lui l’homme de bien et de mérite ; précisément comme Racine et Boileau prétendaient en user avec Chapelain, Cottin et leurs semblables.

1367. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 179-181

Benoît, de l’Académie des Arcades de Rome, né à Amiens en 1716 ; successivement Poëte Latin, Poëte François, Traducteur, Commentateur, Historien, Compilateur, Journaliste, sans qu’on puisse dire qu’il ait réussi dans aucun genre.

1368. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 412-415

Enfin, on peut s’en rapporter, à quelque chose près, au jugement que Boileau portoit de ce Poëte. […] Godeau est un Poëte fort estimable.

1369. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 266-268

Palissot : sa Tragi-Comédie, intitulée l'Amour tyrannique, que le Poëte Sarasin compare à tout ce qu'il y avoit alors de plus parfait, ne mérite pas le grand succès qu'elle eut dans le temps qu'on la donna, mais elle ne mérite pas non plus le mépris qu'on en fait à présent ; ses Observations sur le Cid sont au dessus de toutes les Critiques de son Siecle, sans en excepter celle de Barbier d'Aucourt. […] Tel Poëte qui se croît un Virgile, n'en a souvent imité que la foiblesse, parce qu'il est aussi difficile de faire de bons Poëmes que de grands sacrifices.

1370. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VI. Des Esprits de ténèbres. »

Le poète, pouvant en outre attacher un ange du mal à chaque vice, dispose ainsi d’un essaim de divinités infernales. […] Il faut qu’avec un goût exquis, le poète sache faire distinguer le tonnerre du Très-Haut, du vain bruit que fait éclater un esprit perfide ; que le foudre ne s’allume que dans la main de Dieu ; qu’il ne brille jamais dans une tempête excitée par l’enfer ; que celle-ci soit toujours sombre et sinistre ; que les nuages n’en soient point rougis, par la colère, et poussés par le vent de la justice, mais que leurs teintes soient blafardes et livides, comme celles du désespoir, et qu’ils ne se meuvent qu’au souffle impur de la haine.

1371. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Il semble que le poëte, arrivé à cet endroit de son œuvre, se soit dit que cette passion amoureuse était la seule nouveauté qu’Homère lui eût laissée entière dans le domaine épique, et il s’y est appliqué avec charme, avec bonheur. […] En toute cette partie si dramatique, le poëte grec est presque l’égal de Virgile, et il a été l’un de ses modèles. […] On aura remarqué les caractères physiques par lesquels le poëte accuse les progrès de la passion chez Médée, et ce siége de la nuque qu’il assigne au foyer du mal : ainsi osaient faire les Anciens. […] Par malheur, le poëte, redevenu érudit, ne veut rien omettre, et il nous promène ensuite à travers toutes les vicissitudes d’un retour où certains tableaux, ménagés de distance en distance, ne suffisent pas à racheter la fatigue pour le lecteur. […] On pourrait y voir une leçon morale, et le poëte l’a même indiqué : une première faute peut entraîner à tous les regrets, à tous les crimes.

1372. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Elle habitait Rome ; son palais était une cour de distinction en tout genre : hommes d’État, poètes, écrivains, peintres, sculpteurs, savants de toutes les nations s’y réunissaient à toute heure. […] C’étaient presque tous les jeunes hommes de lettres, poètes, écrivains, orateurs, publicistes, qui ont illustré depuis la tribune et la presse en France. […] L’ornement de sa maison était sa fille Delphine, poète comme l’inspiration, belle comme l’enthousiasme. […] On souffrait de ce que devait souffrir le poète lui-même ; on assistait à un supplice d’amour-propre, supplice presque aussi pénible à contempler qu’une torture physique ; on détournait la tête, on baissait les yeux. […] Elle semblait prédestinée par là à être un jour l’amie de M. de Chateaubriand, le poète des sensations religieuses plus que des convictions théologiques.

1373. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Satisfait de savoir et de bien savoir, sans prétendre en informer l’univers, prêt toutefois à faire part à quiconque le consultait du vaste et tranquille trésor de ses connaissances, il était tout l’opposé du metteur en œuvre, qui tire aussitôt parti de ce qu’il sait et se hâte d’en faire montre, de celui dont le poète satirique a dit : Scire tuum nihil est, nisi te scire hoc sciat alter. […] L’illustre poète Monti avait déjà expliqué cette partie essentielle du vers : ce cheval ailé d’Arsinoé n’était autre, selon lui, que l’autruche. […] Elles lui venaient le long de ce beau rivage ; il les saluait avec la joie d’un poète qui a trouvé. […] Un des poètes qui ont visité ce beau lac du Léman et qui, sur les traces de Jean-Jacques, y ont promené de jeunes rêves, s’est écrié : « Que vient-on me dire de ces beaux lieux que j’ai visités autrefois, de ces villas délicieuses au bord des lacs, en vue des sommets sublimes ? […] C’est assez pour qui vieillit, et, comme l’a dit le poète, c’est assez pour qui doit mourir.

1374. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Virgile descendu aux Enfers et arrivant aux Champs-Élysées y est reçu par le berger Aristée en personne, qui a rang parmi les demi-dieux, et il est introduit dans le groupe des poètes. Mais la nation des poètes est jalouse et presque aussi aisée à irriter que celle des abeilles. […] Toutes les âmes dignes d’être appelées des âmes ont en elles un sentiment dominant qui peut se représenter par un poète. […] Un grand prince, de nos jours, est allé choisir par goût et a traduit l’Idéal de Schiller, le poète magnanime. Il est bon que celui qui est appelé à gouverner les hommes ait commencé par chérir et adopter un grand poète, par l’avoir constamment devant les yeux.

1375. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Il semble qu’en avançant dans la vie, le poète ait renoncé à souffrir ou qu’il en ait honte ; lui-même il nous le dit : J’aurais pu souffrir davantage ; Mais, de bonne heure, plein d’orgueil, J’eus toujours le rare courage De cacher les pleurs de mon œil. […] C’est assez montrer que Monselet a pu être poëte ; raison et nécessité, il a dû préférer la prose. […] N’hésitons pas à le reconnaître : il est presque impossible au critique, fût-il le plus modeste, le plus pur, s’il est indépendant et sincère, de vivre en paix avec le grand poëte régnant de son époque : l’amour-propre du potentat, averti sans cesse et surexcité encore par ses séides, s’irrite du moindre affaiblissement d’éloges et s’indigne du silence même comme d’un outrage. […] Ne vous attaquez pas au poëte ; quelqu’un l’a dit : « Tout vrai poëte a dans son carquois une flèche d’Apollon. » Percé donc et transpercé de flèches, écorché tout vif, le malheureux Fréron excita le rire et ne trouva pas même indulgence auprès de tous ceux qui haïssaient son vainqueur16.

1376. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Car le défaut de la Pléiade, c’était le pastiche, l’artificiel ; et il ne fut pas mauvais que les poètes fussent rappelés à l’actualité, sollicités de vivre de la vie de leur temps, de tirer de leurs âmes les communes émotions de toutes les âmes contemporaines. […] Les Discours sur les misères de France ou sur le tumulte d’Ambroise, la Remontrance au peuple de France, et la Réponse aux calomnies des prédicans, l’Institution pour l’adolescence du roi Charles IX, débordent tantôt d’indignation patriotique, tantôt de passion catholique, et tantôt de dignité blessée : quand Ronsard montre l’héritage de tant de générations, de tant de vaillants hommes et de grands rois, follement perdu par les furieuses discordes de ses contemporains, quand il oppose le néant de l’homme à l’énormité prodigieuse de ses passions, quand il donne aux peuples, aux huguenots, au roi des leçons de bonne vie, quand enfin il dépeint fièrement son humeur, ses goûts, ses actes, alors il est vraiment un grand poète. […] Tandis que D’Aubigné attendait maladroitement l’apaisement universel pour publier ses vers enragés, Du Bartas215 se faisait reconnaître pour un grand poète protestant. […] Parfouru, archiviste du Gers, importante pour la biographie du poète). […] Rapin (1535-1608), avocat, poète et soldat, P.

1377. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Et où ont-ils appris que Boileau est un meilleur poète que Théophile ou Tristan ? […] Si de grands poètes (comme les femmes, les grands poètes n’ont ni goût ni dégoût) n’avaient pris la peine de repenser les histoires d’Oreste, de Thyeste, de Polynice, nous les jugerions telles que le délire d’une société en enfance ou en abjection. […] Les poètes et les orateurs sont des féminins. […] Répétons ici le mot de Nietzsche : le poète a été le créateur des valeurs sentimentales. […] Celle qui a découvert « un poète mort récemment » n’en a lu que « cinq ou six poésies ».

1378. (1900) La culture des idées

Peut-être saurait-on enfin pourquoi la lune est si chère aux poètes ? […] De Racine à Vigny, la France ne produisit aucun grand poète. […] C’est donc au poète dépouillé de tout ornement social que s’adressa le sarcasme. […] Quel poète et qui donc serait content de la seule couronne qu’il se poserait lui-même sur la tête, comme Charles-Quint ? […] Il faut se souvenir que l’abbé Delille n’est pas du tout, comme on le croit, un poète de l’Empire.

1379. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Mais, en Norvège, il avait la renommée d’un véritable poète national. […] Et le poète, le grand poète des Stances, est docile aux disciplines de Malherbe. […] On ne peut deviner ce qu’allait devenir ce poète de quarante ans. […] Toute mesure gardée, ce poète philosophe emporte une double louange. […] Le poète n’insista point et laissa dans le vague ses prédictions.

1380. (1929) La société des grands esprits

Chez un si grand poète, c’est souvent très beau. […] Ce n’est pas un grand poète, et son génie est ailleurs. […] John Murray, descendant de l’éditeur du poète. […] Boutet de Monvel à diminuer ce grand poète. […] Taine avait trouvé le mot juste : Michelet est un poète.

1381. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Corneille, le poète du devoir ? […] Le poète s’est appliqué à accumuler en sa faveur les circonstances atténuantes. […] Et Andromaque respire si bien la divine jeunesse du poète ! […] La plupart des très grands poètes ne sont point romanesques. […] Le poète nous fait assister à une crise morale d’où sortira un homme nouveau.

1382. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

C’est par ces belles choses que débuta Dryden, le plus grand poëte de l’âge classique en Angleterre. […] Il avait épousé la fille de Thomas, comte de Berkshire ; il fut historiographe, puis poëte lauréat. […] Plus tard Rochester entre en guerre avec le poëte, soutient Settle contre lui, et loue une bande de coquins pour lui donner des coups de bâton. […] Il y a bien loin de cette vie militante et raisonneuse aux rêveries et au détachement d’un vrai poëte. […] Il y a des mots naturels : le poëte écrit et pense trop sainement pour ne pas les trouver quand il en a besoin.

1383. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Il est le premier poète classique français dans les genres secondaires et mitoyens. […] L’humanisme intempérant, l’humanisme extrême, dépassant un peu les forces des poètes les plus vigoureux, est redoutable, quelquefois funeste pour les poètes eux-mêmes. […] J’aurais voulu que M. de Broglie, parlant de Malherbe, s’occupât autant du poète que du professeur. […] Quant à l’influence de Malherbe comme poète, Malherbe n’a pas eu d’influence du tout. […] Ce sont les idées de Comte amplifiées et magnifiées par un poète.

1384. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

C’est un chant qui, comme un vers de poëte, contient mille choses par-delà son sens littéral, et manifeste la profondeur, la chaleur et les scintillements de la source dont il est sorti. […] Passionné de plus, mélancolique et solitaire, il est tourné naturellement vers la rêverie noble et ardente, et il est si bien poëte qu’il l’est en dehors de ses vers. […] Je supplie le lecteur de les oublier, de s’oublier lui-même, de se faire pour un instant poëte, gentilhomme, homme du seizième siècle. […] À cette hauteur, le poëte a cessé de voir les différences des races et des civilisations. […] Le poëte est ici et partout coloriste et architecte.

1385. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bertrand, Aloysius (1807-1841) »

[Les Poètes français, recueil publié par Eugène Crépet (1861-1863).] Champfleury Le pauvre Bertrand mourut à l’hôpital, enlevé par la phtisie qui a dévoré tant de poètes ; mais son œuvre est restée pure, d’un travail qui fait penser aux admirables coupes de jade de la Chine.

1386. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fleury, Albert (1875-1911) »

Le poète a su balbutier. […] Ce poète a su cela.

1387. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gilkin, Iwan (1858-1924) »

Le poète de la douleur, le porte-croix d’un monde vieillissant et maudit. […] Georges Barral Le plus brillant, le plus puissant des poètes contemporains de langue française.

1388. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Normand, Jacques (1848-1931) »

Jacques Normand est un chroniqueur en vers, à la verve facile et coulante ; c’est un poète de salon, qui a recueilli maints succès, et dont quelques morceaux sont devenus célèbres dès la première récitation. […] Sans doute, il n’a pas le lyrisme supérieur des grands poètes, l’éclat de Leconte de Lisle, la grâce pénétrante de Sully Prudhomme, la virtuosité de Richepin ; mais il circule sous ces strophes comme un air de belle humeur, de santé et de gaîté cavalière.

1389. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — Z — Zola, Émile (1840-1902) »

Ma seule vanité est d’avoir eu conscience de ma médiocrité de poète et de m’être courageusement mis à la besogne du siècle, avec le rude outil de la prose. […] Si donc mes vers doivent servir ici à quelque chose, je souhaite qu’ils fassent rentrer en eux les poètes inutiles, n’ayant pas le génie nécessaire pour se dégager de la formule romantique, et qu’ils les décident à être de braves prosateurs, tout bêtement.

1390. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 445-448

Sans souiller sa plume par l’impiété & la licence, qui déshonorent celle de l’Auteur de la Pucelle, le Poëte a su y répandre un agrément, une fraîcheur & une vivacité de coloris qui le rendent aussi piquant dans les détails, qu’il est riche & ingénieux dans la fiction. […] Il étoit très permis à un Poëte, toujours attentif à respecter les mœurs & la Religion, de se repentir publiquement d’avoir exercé ses talens dans un genre que l’austere vertu est très-éloignée d’approuver.

1391. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Nos poètes leur rappellent Stace et Silius Italicus ; nos philosophes, Porphyre et Proclus ; l’éclectisme, des deux côtés, clôt la série. […] Un État où tous n’auraient d’autre profession que celle de poète, de littérateur, de philosophe serait la plus étrange des caricatures. […] Si le poète n’était, comme l’entendait Malherbe, qu’un arrangeur de syllabes, si la littérature n’était qu’un exercice, une tentative pour faire artificiellement ce que les anciens ont fait naturellement, oh ! […] J’ai lu quelque part qu’un poète ou philosophe (allemand, je crois) s’enivrait régulièrement et par conscience une fois par mois, afin de se procurer cet état mystique où l’on touche de plus près l’infini. […] Ce serait l’idylle antique, la vie pastorale rêvée par tous les poètes bucoliques, vie où l’occupation matérielle est si peu de chose qu’on n’y pense pas et qu’on est exclusivement libre pour la poésie et les belles choses.

1392. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Ma remarque pourra paraître minutieuse, mais ce n’est pas une petite chose pour un poète de savoir donner à son héroïne un nom qui aille à son caractère comme une guirlande à son front. « S’il te naît une fille, — disent les livres sacrés de l’Inde, — donne-lui un nom doux, facile à prononcer, et qui résonne harmonieusement à l’oreille. » Molière, Shakespeare, et tous les grands poètes ont suivi, sans le savoir, le conseil des brahmes ; Shakespeare surtout, qui, pour parer ses filles de prédilection, va cueillir on ne sait où, dans la lune, sur les nuées, des noms inouïs, éthérés, célestes, des auréoles de pudeur, des étoiles de couronnement. […] Le poète mord dans les roses et dans les pommes du même appétit. […] Augier est toujours le poète qui, dans Gabrielle, a raillé la rêverie, la mélancolie, l’idéal, et qui, dans la même pièce, s’est moqué de la lune par-devant notaire. […] Sandeau : un Héritage ; un de ces contes d’Allemagne tels que sait les écrire le poète de Marianna et de Mademoiselle de la Seiglière, tendres et plaintives histoires doucement filées, lentement dévidées, semées de mille nuances exquises et légères, et qu’on dirait destinées à ces blondes jeunes filles des pays du Rhin qui, tout en lisant, filent le rouet ou tricotent les bas de Marguerite et veulent se perdre doucement dans les rêves du coeur, sans laisser échapper une maille. […] A ce moment, la salle a protesté par un de ces frémissements instinctifs et unanimes qui avertissent le poète qu’il va trop loin, qu’il tombe dans l’excès, qu’il irrite le cœur et les nerfs, et que son Ilote danse trop bien le pas de la turpitude.

1393. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Huet, enfant, et déjà poète latin, avait terminé à treize ans le cours de ses humanités ; il trouvait un guide poétique encourageant et sûr dans l’aimable M.  […] Il faut entendre Huet parler de La Pucelle de Chapelain et des petits poètes jaloux ( minutos quosdam et lividos poetas ), de ces roquets qui ne savent que mordre et qui se sont acharnés à la grave renommée de Chapelain. […] Huet, en goûtant la poésie, avait fait de bonne heure une réflexion sur ce que bien peu de gens sont nés, en effet, pour la sentir : « Il y a encore plus de poètes que de vrais juges des poètes et de la poésie. » Il revient souvent sur cette idée, qu’on retrouverait, je crois, également chez Montaigne. […] Ainsi, comparant la santé ruineuse des vieillards à une tour sapée, ou à ces arbres qui ne tiennent plus que par la contexture extérieure et comme par l’écorce, il dira : « Je comparerais encore cette apparence de santé à ces larmes de verre qui paraissent parfaitement solides, et qui, étant tant soit peu entamées, s’en vont en poussière. » Cela est juste et joli, et sent le poète latin. […] Toutes les fois qu’il parle d’Aunay, il a des peintures vives et il trouve des accents ; n’étant jamais poète avec son expression propre, il l’est quelquefois avec celle des anciens.

1394. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Quel supplice que celui d’entendre déclamer pompeusement un froid discours, ou prononcer de médiocres vers avec toute l’emphase d’un mauvais poète ! Certains poètes sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux, qui semblent forts, élevés, et remplis de grands sentiments ; le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît, et à mesure qu’il y comprend moins l’admire davantage, il n’a pas le temps de respirer, il a à peine celui de se récrier et d’applaudir. […] Il est étonnant que les ouvrages de Marot, si naturels et si faciles, n’aient su faire de Ronsard, d’ailleurs plein de verve et d’enthousiasme, un plus grand poète que Ronsard et que Marot ; et, au contraire, que Belleau, Jodelle, et du Bartas, aient été sitôt suivis d’un Racan et d’un Malherbe, et que notre langue, à peine corrompue, se soit vue réparée. […] Ce n’est point assez que les mœurs du théâtre ne soient point mauvaises, il faut encore qu’elles soient décentes et instructives : il peut y avoir un ridicule si bas et si grossier, ou même si fade et si indifférent, qu’il n’est ni permis au poète d’y faire attention, ni possible aux spectateurs de s’en divertir. […] Ces passions encore favorites des anciens, que les tragiques aimaient à exciter sur les théâtres, et qu’on nomme la terreur et la pitié, ont été connues de ces deux poètes : Oreste, dans l’Andromaque de Racine, et Phèdre du même auteur, comme l’Œdipe et les Horaces de Corneille, en sont la preuve.

1395. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Il aimait à dire qu’un bon poète n’est pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de quilles. […] L’Ode à Marie de Médicis est de l’année 1600, et le poète approchait de la cinquantaine. […] Les poètes aussi se convertissent. […] La sensation du poète ne vibre pas dans son vers, et il ne semble pas qu’il ait essayé de la fixer toute vive. […] et c’est en cela qu’il est vraiment poète et vraiment lyrique.

1396. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Afin de nous y reconnaître, essayons de classer les inspirations du poëte. […] Ce qui domine tout ceci, c’est une grande leçon, leçon pour le poëte, et par le poëte. […] Poëte ! malheureux et cher poëte ! […] Cette biographie, à vol de poëte, d’une femme poëte, a de quoi plaire à l’imagination : est-elle partout et toujours convenable ?

1397. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

Telles étoient le Brutus qui chassa les tarquins, et le Decius du poëte Attius. […] Ce Publius Syrus étoit un poëte qui faisoit de ces comedies appellées mimes, et le rival de Laberius. […] En effet à moins que de connoître l’Espagne et les espagnols (connoissance qu’un poëte n’est pas en droit d’exiger du spectateur) on n’entend pas le fin de la plûpart des plaisanteries de ses pieces.

1398. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Les choeurs avoient d’abord des maîtres particuliers qui leur enseignoient leurs rolles, mais le poëte Eschile qui avoit beaucoup étudié l’art des représentations théatrales, entreprit de les instruire lui-même, et il semble que son exemple ait été suivi par les autres poëtes de la Grece. […] Quelques endroits des opera nouveaux où le poëte fait adresser la parole au choeur par un principal personnage à qui le choeur répond quelques mots, ont plû beaucoup, quoique les acteurs du choeur ne déclamassent point. […] J’entends parler de ces ballets presque sans pas de danse, mais composez de gestes, de démonstrations, en un mot d’un jeu muet, et que Lulli avoit placez dans la pompe funébre de Psyché, dans celle d’Alceste, dans le second acte de Thesée où le poëte introduit des vieillards qui dansent, dans le ballet du quatriéme acte d’Atis et dans la premiere scéne du quatriéme acte d’Isis, où Quinault fait venir sur le théatre les habitans des regions hyperborées.

1399. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Un grand poète a dit dans un drame : L’Espagne est un lion mangé par la vermine. […] Le temps n’est plus où, même après Byron, un charmant poète écrivait avec tant de mélancolie : « Les Orientaux portent le deuil en bleu : voilà pourquoi le ciel et les mers de cette pauvre Grèce sont d’un si magnifique azur. » Des railleurs sont venus, comme Stendhal et comme beaucoup d’autres, qui ont pris les poètes et la poésie philhellènes à rebours.

1400. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Ils frappent la terre du pied, disant qu’ils vont en faire jaillir des légions de poètes, et les poètes ne jaillissent pas. […] Et ce poète, comme il est bien trouvé pour amener la sentence ! […] Flaubert est poète. […] Lui si poète, il faut qu’il outrage même la poésie. […] Veut-on voir dans Saint-Simon le visionnaire et le poète ?

1401. (1925) Comment on devient écrivain

Un poète médiocre a autant de prétention qu’un grand poète. […] Dès que l’ouvrage parut, Chapelain eut la réputation du plus mauvais poète de son temps.‌ […] Quel littérateur ne s’est pas cru poète ? […] Mais comment un poète comme Lamartine n’a-t-il pas compris un poète comme La Fontaine ? […] Je n’en suis pas très sûr, parce qu’au fond, avec plus d’orgueil (c’est un fait), nous avons plus de vanité. » Ou encore : « Il y a beaucoup de poètes, il y a trop de poètes, il n’y a pas assez de poètes.

1402. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Or, il est positivement avéré que Wagner ne fit la connaissance de la philosophie de Schopenhauer qu’en hiver 1853-54, époque à laquelle le poète Herweghg lui apporta Le Monde comme Volonté et Représentation (Wolzogen, bayr. […] Herder, à la fois homme d’église, poëte et historien, avait paru convenablement situé sur ce point de la ville. — On a regretté cependant que ce bronze ne fit pas tout l’effet attendu près du mur d’une église. […] On remarquait là deux poètes dramatiques célèbres. […] Georg Herwegh, poète et homme de lettres allemand (1817-1875) est connu pour avoir traduit en allemand les œuvres de Lamartine. […] C’est le poète qui fit découvrir l’œuvre de Schopenhauer au musicien.

1403. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Ce fier jeune homme si prompt à changer de drapeau, cette sœur d’Annibal indiquée d’un mot par Polybe, tout cela pouvait provoquer un poète. […] Rien de mieux, si vous faites œuvre de poète et non œuvre de pédant. […] Certes l’objection n’aurait aucune valeur, si elle s’adressait à l’œuvre d’un poète, d’un conteur ému ; dirigée contre les prétentions du roman archéologique, elle garde toute sa force. […] Un poète allemand, M.  […] Or à propos de Notre-Dame de Paris, Goethe jeta un cri qu’il faut citer, bien que le grand poète fût certainement injuste pour l’œuvre si pleine de passion et d’énergie juvénile qu’il venait de lire.

1404. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cladel, Léon (1834-1892) »

Le poète, sous son masque, se laisse encore voir. […] [Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).]

1405. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Maurice de (1810-1839) »

Sainte-Beuve L’originalité de Maurice de Guérin était dans un sentiment de la nature tel qu’aucun poète ou peintre français ne l’a rendu à ce degré, sentiment non pas tant des détails que de l’ensemble et de l’universalité sacrée, sentiment de l’origine des choses et du principe souverain de la vie. […] Pour nous, elles ont un caractère plus sacré encore, car c’est le secret d’une tristesse naïve sans draperie, sans spectateurs et sans art ; et il y a là une poésie naturelle, une grandeur instinctive, une élévation de style et d’idées, auxquelles n’arrivent pas les œuvres écrites en vue du public et retouchées sur les épreuves d’imprimerie… Il a été panthéiste à la manière de Goethe sans le savoir, et peut-être s’est-il assez peu soucié des Grecs, peut-être n’a-t-il vu en eux que les dépositaires des mythes sacrés de Cybèle, sans trop se demander si leurs poètes avaient le don de la chanter mieux que lui.

1406. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 100-103

Mais ce Poëte a oublié volontiers ces petits triomphes, pour s’attacher à un Ouvrage plus capable d’établir & d’étendre solidement sa réputation, quoique l’exécution n’ait pas entiérement répondu à l’idée qu’on avoit conçue de son talent pour la Poésie héroïque. […] M. le Chevalier de Laurés s’y montre souvent égal & quelquefois même supérieur au Poëte Latin, comme dans le discours que Pompée adresse aux compagnons de sa fuite, après sa défaite.

1407. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Le poëte Léonard est né à cette Guadeloupe où la jeune Marceline va tenter la destinée. […] Mme Valmore poëte parut donc au jour vers le même temps que Casimir Delavigne, que Lamartine, qu’André Chénier ressuscité, et un peu, je crois, avant eux tous : elle fut comme la première hirondelle, toujours empressée, quoique craintive. […] Depuis un certain moment, cette âme, ce talent de tendre poëte a eu peine évidemment à se faire aux saisons décroissantes d’une vie qui va flétrissant, chaque jour, ses premières promesses. […] Puisse-t-elle, suivant l’expression d’un poëte aimable50, se racquitter en bonheur pour tout le passé ! […] Le poëte Jasmin.

1408. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

par une inversion subite, le poète touche la région cérébrale, désigne l’émotion qu’il va surexciter. […] Sous les mains du poète, toutes ces âmes, issues de la sienne, deviennent métalliques et machinales. […] Et le secret de leur empire lui paraîtra résider dans l’impassibilité maintenue du poète, qui sut ne ternir d’aucune phrase cordiale la rationalité de ses plus longues œuvres. […] Chez un littérateur styliste, poète, érudit, ce choix de deux sentiments inusités, sans lien logique commun, peut surprendre. […] Dans un article sur Bryant, il félicite ce poète d’avoir banni de ses vers toute passion.

1409. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

un poëte épique, un des maîtres et des rois prochains de l’idéal ; mais il suffisait à Fauriel, pour remplir ici tout son office, d’être un critique éminent, le plus ingénieux et le plus sagace. […] Un tel mot, de poëte à critique, glorifie assez celui qui le profère pour qu’on ne craigne pas de le redire à la louange des deux. […] Cette école n’ayant point produit son poëte dramatique chez nous, elle l’a eu dans Manzoni. […] C’était, en un mot, partie gagnée et pour le poëte et pour la cause. […] Fauriel une témérité gratuite de conjecture, et surtout une atteinte portée à l’honneur du poëte.

1410. (1886) Le naturalisme

Laissons de côté les Latins qui ont calqué les Grecs : nous, nous avons imité les poètes italiens ; à son tour la France imita notre théâtre, notre roman. […] De ce but même, que le poète s’était choisi plus que le romancier, il résulta que les romans de Chateaubriand furent plutôt des poèmes qu’autre chose. […] Goethe pense que ces sujets n’existent pas et que le poète peut embellir tout ce qu’il choisit. […] La nature seule, à défaut de religion, ne proscrit-elle pas assez certaines abominations, au récit desquelles se complaisent les poètes latins ? […] Fray Luis de Léon perd-il quelque chose à être appelé poète néo-classique et horacien.

1411. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Lorsque, après la révolution de 1830, que j’avais vue avec douleur, je voulus entrer dans les assemblées publiques pour y défendre à la tribune, selon mes forces, non cette révolution, mais la liberté, un poète fameux alors, tombé depuis, relevé aujourd’hui par sa noble résipiscence, écrivit contre moi une satire sous le titre de Némésis. Il m’y reprochait aussi mes prétendus trésors ; il y refusait, lui poète, à un poète son droit de citoyen ! […] Quand l’homme se resserre à sa juste mesure, Un coin d’ombre pour lui, c’est toute la nature ; L’orateur du Forum, le poète badin, Horace et Cicéron, qu’aimaient-ils ?

1412. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Les entretiens du poète réformateur avec ses amis roulaient exclusivement sur l’art d’écrire. […] Lui-même est le premier de nos poètes qui ait choisi, qui ait eu du goût, qui ait fait des sacrifices à une raison générale, qu’il connaissait d’instinct avant qu’elle se fût clairement manifestée. […] Sa sensibilité à cet égard l’emporte en des remercîments qui pourraient sembler outrés si l’on ne savait à quel point le poète admirait le théologien. […] Entre gens médiocres, je verrais là un échange banal d’éloges excessifs et de remercîments sans sincérité ; entre Boileau et Arnauld, c’est le contentement qu’éprouve un excellent poète de l’approbation d’un excellent juge. […] Telles devaient être l’insinuation, la clarté, la douceur des leçons que Nicole donnait à Racine, et par lesquelles il initiait ce grand poète à la connaissance du cœur humain.

1413. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Mais chez l’auteur de Lohengrin, de Tristan et Yseult, nous sommes en droit d’exiger autant du poète que du musicien. […] Il demande un grand musicien et un grand poète lyrique… « Voilà encore une carrière à remplir. […] Les poètes allemands de la période classique, avec leurs efforts pour idéaliser le théâtre, ont exercé une heureuse influence sur l’esprit de leur époque ; mais la confusion d’idées née du mélange de rêves antiques et d’études Shakespeariennes, a été nuisible au théâtre. […] Il s’adresse à la fois au poète et au critique, au public musical et au public littéraire. […] Il a aussi écrit des pièces de théâtre et deux écrits autobiographiques : Le Rêve d’une vie et Confession d’un poète (1928).

1414. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Pour beaucoup il n’est qu’un poète chevelu amateur de périodes sonores. […] Il y a donc un autre poète chez M.  […] Jean Aicard pour un poète d’académie et de salon » qui a écrit du roman pour se délasser. […] Jean Aicard, considéré comme poète, romancier et auteur dramatique. […] Il aimera les femmes non plus en amant, mais en poète.

1415. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugues, Clovis (1851-1907) »

[Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] […] Malheureusement pour le poète, il ne peut pas, comme maître Jacques, retirer complètement son habit d’homme politique et devenir à son gré un autre personnage.

1416. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Klingsor, Tristan (1874-1966) »

Tristan Klingsor se montre un poète délicat et subtil, et, parmi les poètes nouveaux, l’un de ceux qui manient avec le plus de dextérité, d’invention et de bonheur le redoutable et difficile vers libre.

1417. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemaître, Jules (1853-1914) »

[Anthologie des poètes français du xixe siècle (1887-1888).] […] Entre le poète des Solitudes et M. 

1418. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 540-543

Sans cela, M. l’Abbé Iraïl auroit-il dit, en parlant de Racine, qu’il place au dessus du sublime Corneille : Heureux s’il eût été aussi grand Philosophe qu’il étoit grand Poëte ! […] Auroit-il été assez injuste à l’égard de Boileau, pour avancer qu’on ne peut lui refuser toutes les parties d’un grand Poëte, excepté l’invention, si le Lutrin, qui est tout invention, n’étoit un meilleur Poëme* que la Henriade ?

1419. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Les pièces à intrigue ramenèrent les coups de théâtre, les aparté, les valets de fantaisie, des rôles au lieu d’hommes, l’esprit du poète au lieu de la nature. […] Il y a quelqu’un de plus gai que les pièces de Regnard, c’est le poète lui-même. […] Il est par moments bon écrivain en vers ; il n’est jamais poète. […] Voilà pourquoi les délicats en fait de poésie, ceux mêmes qui ne souffrent pas que Thalie soit une muse, ne refusent pas à Molière le nom de grand poète. […] Pourquoi refuser au poète comique, à titre de repoussoir, un caractère secondaire qui fasse valoir le caractère principal ?

1420. (1900) Molière pp. -283

On s’était déjà occupé de Molière à l’Athénée ; tout un mois on disserta dans les journaux sur ce qui s’y était dit au sujet du grand poète comique. […] Chez nos grands poètes, cette influence est très réelle et très profonde. […] Un poète peut s’en mêler ; il peut devenir poète politique et rester cependant grand poète. […] Un poète écrit alors, sous l’inspiration d’un courant national violent, Les Souvenirs du peuple, Le Vieux sergent, La Vivandière, La Déesse de la Liberté ; il peut trouver de ces inspirations qui châtient d’une façon immortelle les faits dont souffre une nation : mais ce ne peut être qu’un moment, et cette intervention directe du poète n’est possible qu’à des conditions très précises et très déterminées. […] Ce mot sur Molière, mot risqué et bien sévère, avait trait à son rôle de poète amuseur du roi Louis XIV et de la cour.

1421. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Pindare, ayant à célébrer je ne sais lequel de ses héros, s’écriait au début : « Je te frappe de mes couronnes et je t’arrose de mes hymnes… » Quand le héros est tout à fait inconnu, le poëte peut, jusqu’à un certain point, faire de la sorte, il n’a guère à craindre d’être démenti ; mais quand il s’agit d’un académicien d’hier, d’un auteur de comédies et d’opéras-comiques auxquels chacun a pu assister, d’un rédacteur de journal qu’on lisait chaque matin, il y a nécessité, même pour le poëte, de condescendre à une biographie plus simple, plus réelle, et de rattacher de temps en temps aux choses leur vrai nom. […] Lebrun-Tossa, son ami alors et son collaborateur en perspective, non pas un projet de canevas, mais une véritable pièce en trois actes et en vers, presque semblable en tout à celle qui est imprimée sous le titre de Conaxa, et qu’il en tira, comme c’est le droit et l’usage de tout poëte dramatique admis à reprendre son bien où il le trouve, une comédie en cinq actes et en vers, appropriée aux mœurs et au goût de 1810, marquée à neuf par les caractères de l’ambitieux et du philanthrope, et qui mérita son succès. […] Ce qu’il trouvera, ce ne sera pas sans doute ce que nous savons déjà sur la façon et sur l’artifice du livre, sur ces études de l’atelier si utiles toujours, sur ces secrets de la forme qui tiennent aussi à la pensée : il est bien possible qu’il glisse sur ces choses, et il est probable qu’il en laissera de côté plusieurs ; mais sur le fond même, sur l’effet de l’ensemble, sur le rapport essentiel entre l’art et la vérité, sur le point de jonction de la poésie et de l’histoire, de l’imagination et du bon sens, c’est là qu’il y a profit de l’entendre, de saisir son impression directe, son sentiment non absorbé par les détails et non corrompu par les charmes de l’exécution ; et s’il s’agit en particulier de personnages historiques célèbres, de grands ministres ou de grands monarques que le poëte a voulu peindre, et si le bon esprit judicieux et fin dont nous parlons a vu de près quelques-uns de ces personnages mêmes, s’il a vécu dans leur familiarité, s’il sait par sa propre expérience ce que c’est que l’homme d’État véritable et quelles qualités au fond sont nécessaires à ce rôle que dans l’antiquité les Platon et les Homère n’avaient garde de dénigrer, ne pourra-t-il point en quelques paroles simples et saines redonner le ton, remettre dans le vrai, dissiper la fantasmagorie et le rêve, beaucoup plus aisément et avec plus d’autorité que ne le pourraient de purs gens de lettres entre eux ? […] Non, l’excès même du despotisme impérial n’amena point cette fuite panique des familles françaises dont avait parlé le poëte à propos de l’Intrigante ; non, les familles nobles ne redoutaient point tant alors le contact avec le régime impérial, et trop souvent on les vit solliciter et ambitionner de servir celui qu’elles haïssaient déjà.

1422. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Tous ces écrivains, poètes et prosateurs, sont tout entiers au présent. […] Les mœurs du présent sont la matière des poètes comme les événements sont celle des prosateurs. […] Nos anciens poètes ont bien mérité de la nation comme peintres de mœurs et comme écrivains satiriques. […] Dans le plus expressif des poètes, Villon il ne fait qu’indiquer à quelle source il faut aller chercher la poésie, et il en tire les premiers accents du cœur, éclairé par la raison. […] Du Guesclin, Charles V, Jeanne d’Arc, Louis XI, quelle distance de ces noms à ceux de nos chroniqueurs et de nos poètes !

1423. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Là il s’était donné, avant Louis XIV, Le Vau pour architecte, Le Brun pour peintre, Le Nôtre pour dessinateur des jardins, Molière et La Fontaine pour poètes, Pellisson pour secrétaire, Vatel pour maître d’hôtel, tout ce que Louis XIV aura plus tard à lui (excepté La Fontaine)50. […] La Fontaine devait bien ce soupir de cœur à Fouquet : c’était celui-ci qui avait en quelque sorte découvert le poète. […] Le poète épicurien Hesnault fit contre Colbert, en faveur de l’accusé, un sonnet sanglant et implacable, d’une vigueur toute stoïque. Mais le plus grand témoignage rendu à Fouquet dans sa disgrâce, fut assurément celui du poète Brébeuf, lequel, dit-on, mourut de chagrin et de déplaisir de le savoir arrêté : voilà une mort qui est à elle seule une oraison funèbre. […] Les âmes des poètes sont reconnaissantes.

1424. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Enfin, cette triple poésie découle de trois grandes sources : la Bible, Homère, Shakespeare… Qu’on examine une littérature en particulier, ou toutes les littératures en masse, on arrivera toujours au même fait : les poètes lyriques avant les poètes épiques, les poètes épiques avant les poètes dramatiques. […] Un cataclysme venant à détruire l’œuvre entière de nos civilisations, Faustus et Stella recommençant la vie humaine, on rebâtirait les empires, les religions, la science, mais nul ne nous rendrait Dante Alighieri… Mettons-les à la place d’honneur, ces poètes dont le génie entra dans l’absolu ; mais n’oublions pas les légions d’ouvriers modestes qui les ont préparés, sans lesquels ils ne seraient pas.

1425. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Jourdain, mais admirons Molière d’avoir créé en poète M.  […] Et dire qu’elles y sont présentes, c’est dire qu’elles existent dans l’inconscient du poète. […] — Des vrais, répondit le poète, ceux d’Avignon !  […] L’invention du poète, dirait M. de la Palisse, commence où son imitation finit. […] Elle eut son petit clergé, ou du moins ses enfants de chœur, les poètes symboliques.

1426. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

La parole intérieure inspirée, propre aux poètes qui croient écrire sous la dictée de la Muse, doit être rattachée à la parole intérieure dramatique. La Muse est un interlocuteur privilégié qu’on écoute sans l’interrompre ; quelquefois, comme dans les Nuits d’Alfred de Musset,25 le poète parle à son tour, et son dialogue avec la Muse est un drame complet. […] Quand la poésie est personnelle et que le poète n’imagine pas parler à autrui, mais se parler à lui-même, — ce qui est rare, — l’inspiration est un cas particulier de la parole intérieure passionnée ; partout ailleurs, elle est un cas particulier de la parole intérieure dramatique. […] « Nuit de mai », « Nuit d’août » et Nuit d’octobre » (publiées dans la RDM entre juin 1835 et octobre 1836) sont en effet constituées d’un dialogue entre le poète et la Muse. Dans « Nuit de décembre », le poète parle puis « la Vision » lui répond.

1427. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

quel monde varié et brillant, capable de remplir l’esprit et les yeux d’un poëte ! […] Ses lecteurs ont besoin de diversité, et son office est de les « fournir de beaux dits  » : c’est l’office du poëte en ce temps179. […] Pareillement la plupart des poëmes du temps sont dénués de fond ; tout au plus une moralité banale leur sert d’étai ; en somme, le poëte n’a songé qu’à étaler devant nous l’éclat des couleurs et le pêle-mêle des formes. […] Il se console pourtant à la voix du poëte, en le voyant souffrir comme lui. […] Il a l’air d’un enfant précoce et poëte qui mêlerait à ses rêveries d’amour les citations de son manuel et les souvenirs de son alphabet218.

1428. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

On assure que ce Poëte avoit traduit en Vers tout le Poëme de Lucrece, & qu’il le mit au feu par des motifs de conscience. […] Nous y ajouterons ce morceau, où le Poëte fait parler la Raison, qui vient de l’exhorter à ne pas la confondre avec l’Opinion.

1429. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Paul Albert n’a pas dû appuyer sur les poètes et peintres à la Juvénal, ces effrontés qui prêchent la pudeur d’un ton à faire reculer même des hommes. […] J’espère que le jour de justice pour le charmant et si sensé poète reviendra. […] Esprit grave et convaincu, il entre mieux, par certains côtés, dans l’inspiration sérieuse des modernes, dans celle même de Lamartine et de Victor Hugo ; il a cité d’eux d’éclatants exemples, et ces rapprochements, qu’aucune complaisance n’énerve, et qui seront ceux de l’avenir, jettent par réflexion une vive lumière sur les grands poètes du passé.

1430. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Il multiplia Préfaces et Traités447, et ne se défendit pas sans donner plus d’une atteinte aux poètes anciens. […] La querelle des anciens et des modernes éclata par son poème du Siècle de Louis le Grand, qu’il lut à l’Académie le 26 janvier 1687, Les Régniers, les Maynards, les Gombauds, les Malherbes, Les Godeaux, les Racans, … Les galants Sarrazins et les tendres Voitures, Les Molières naïfs, les Rotrous, les Tristans, étaient mis au-dessus des poètes grecs et romains. […] Somme toute, et en tenant compte de toutes les conditions, il se peut qu’en fait les poètes anciens n’aient pas été dépassés ; s’ils ne l’ont pas été, ils peuvent l’être, ils doivent l’être.

1431. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Alors le poète, resté comme à la porte du berceau, entonne, à la face du firmament et du pôle chargé d’étoiles, un cantique à l’Hymen. […] Le poète a su lever d’une main chaste le voile qui couvre ailleurs les plaisirs de cette passion. […] C’est ici le lieu de remarquer que, dans la peinture des voluptés, la plupart des poètes antiques ont à la fois une nudité et une chasteté qui étonnent.

1432. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

… Plus heureux avec les artistes et les poètes qu’avec les historiens, Napoléon a inspiré des pages et des poésies sublimes. Son souvenir, la pile de Volta de ce siècle, a frappé au cerveau toutes les organisations magnétiques des poètes et des artistes, et leur a fait rendre, sous le coup de son influence, les plus belles et les plus puissantes choses qui aient jamais vibré et qui aient jusqu’ici été écrites sur sa personne. […] Les passions, avec leur mot haineux de « châtiment de la Providence », les poètes, avec leur mot trop employé de « météore », avaient égaré l’opinion.

1433. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Les vers d’Horace étaient pour les Romains ce qu’était le ciseau de Phidias pour les Grecs, ils embellissaient ce qu’il fallait adorer : aussi l’usurpateur caressait le poète, et le poète reconnaissant ne cessa de célébrer un vainqueur qui tremblait dans une bataille, un législateur qui violait ses lois, un réformateur soupçonné d’inceste avec sa fille. […] Il est triste pour les poètes d’avoir eu, dans tous les siècles, le privilège de flatter sans s’en apercevoir et sans même qu’on s’en étonne ; il faut espérer qu’un jour ils réclameront contre ce droit : mais ce privilège accordé aux vers ne s’est jamais étendu jusqu’à l’histoire.

1434. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Corneille est un poète, n’est-ce pas ? […] — Car enfin, comme créateur d’âmes, il est poète, mais dans un sens très large du mot ; il est poète comme Balzac ou Molière. Pour ce qui est du style, il est plus orateur que poète. En quoi donc est-il poète ? […] Le principal mérite de Racine est d’être un poète et d’avoir tous les dons, je dis tous, d’un grand poète ; et c’est ce que je n’ai pas à développer pour aujourd’hui.

1435. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Il explique du moins la tristesse du poète et son humanité profonde. […] Quelques poètes, et Musset au premier rang, ont raconté combien la débauche est meurtrière à l’amour. […] Emma et Frédéric ont lu des romans et des poètes. […] Du buste d’un poète mort. […] Comment ne pas en douter, lorsque tous les poètes abdiquent leur art l’un après l’autre ?

1436. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Comme c’est pourtant un poète, à le voir ! […] Et pourtant son nom de poète fit bien vite oublier son nom dramatique. […] Delavigne fut le seul poète que possédât la France dans l’époque transitoire où M.  […] Paul de Musset est l’aîné de son frère le poète. […] Les appartements du poète ont une hauteur monumentale ; rien n’impose comme ce logis qu’habite M. 

1437. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Franc-Nohain (1873-1934) »

Franc-Nohain (1873-1934) [Bibliographie] Les Inattentions et sollicitations du poète Franc-Nohain (1896) […] Mais il y a quelque chose de plus en elles : ce quelque chose qui révèle le pur poète sous la grimace du bouffon, — le cœur du bon et subtil

1438. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

Fort jeune, il savait diriger le quadrige de l’ode, déployer dans l’air libre les ailes brûlantes du dithyrambe ; les strophes du Poète malheureux sont animées d’un large souffle et la Napoléone vaudrait qu’on s’en souvînt, quand bien même Napoléon n’aurait pas voulu faire connaissance à Sainte-Hélène avec toutes les œuvres de son jeune ennemi. […] [Les Poètes français, recueil publié par Eugène Crépet (1861-1863).]

1439. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soulary, Joséphin (1815-1891) »

. — Les Poètes français (1863).] […] Mais on conçoit pourtant, quand on voit ce travail et cette sueur pour entrer, que jamais les grands poètes de ce temps-ci n’aient fait de sonnets.

1440. (1896) Études et portraits littéraires

Et ce poète est impérieux. […] Sur le poète moderne, nous consulterons Balzac et les aquarelles d’Eugène Lami. […] Au lieu de l’incohérent et du baroque, retenons les traits de justesse éclatante semés avec une prodigalité magnifique par un poète qui resta poète à toutes les pages de sa prose. […] Il vit de sa plume, journaliste et aussi, je crois, poète et philosophe. […] Il est artiste, il est poète.

1441. (1911) Études pp. 9-261

Il ne se retire pas dans les solitudes pour en revenir poète et prophète. […] Ainsi le poète éveille tout le monde merveilleux de ses passions ; toutes sont là. […] Le poète plaint un peu sa crédulité, il révoque doucement en doute son sentiment. […] Peu à peu le poète sent s’agrandir sa douleur. […] Erreurs dont au reste la responsabilité pour une grande part incombe aux contemporains du poète.

1442. (1895) Hommes et livres

Le temps n’est pas venu aussi où les poètes ne seront que poètes ; il n’y a pas encore de gens de lettres Ce n’est point un métier, ni même une profession de faire des livres, et il n’y a guère que Ronsard, qui, à l’imitation des antiques Orphées, s’établisse poète parmi les hommes de son temps, investi à ce titre d’une fonction spéciale et sacrée. […] Après cela, il a mainte aventure, il suit vingt routes et jamais ne semble se souvenir qu’il ait été poète : mais un jour, s’occupant de commerce, il prend sans y songer sa plume de poète et répand l’éloquence et la grâce à profusion dans un traité d’économie politique. […] Ce ne sont pas des tableaux de la vie humaine, ni des portraits historiques : c’est une âme de poète qui s’ouvre. […] Cet humaniste, cet élève de Ronsard, ce poète des dames de Caen ne s’en fit pas scrupule, et il fit bien. […] Mais en riant largement, ils justifiaient le poète.

1443. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Tel Voiture, tel Balzac, tels encore les poètes leurs contemporains. […] Encore, ce Théophile, — qui fut décidément un vrai poète, — est-il délicieux ici de mauvais goût ! […] Presque tous les grands poètes ont eu les regards tournés vers le passé. […] Il était trop poète aussi ! […] Il leur paraissait, si je puis ainsi dire, que ce poète leur surfaisait la tragédie de l’amour.

1444. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. — POST-SCRIPTUM. » pp. 269-272

Qu’une page première du poëte d’Elvire soit venue nous rendre au hasard quelqu’une des douces plaintes connues : Lorsque seul avec toi, pensive et recueillie, etc., etc… ; Ramenez-moi, disais-je, au fortuné rivage, etc… ; que Victor Hugo ait proféré, à une heure brûlante, cet hymne attendri : Puisque j’ai mis ma lèvre à ta coupe encore pleine, etc… ; qu’Alfred de Musset lui-même, à travers son léger récit d’Emmeline, ait modulé à demi-voix : Si je vous le disais pourtant que je vous aime, etc., etc. ; ces notes vraies, tendres, profondes, nées du cœur et toutes chantantes, nous paraissent, aujourd’hui encore, autrement enviables que bien des mérites lentement acquis. […] Si critique et si rassis que nous devenions par le cours des choses, qu’il ne nous soit jamais interdit de nous écrier avec le poëte : Me juvat in prima coluisse Helicona juventa !

1445. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 37, que les mots de notre langue naturelle font plus d’impression sur nous que les mots d’une langue étrangere » pp. 347-350

En supposant que le poëte françois et le poëte latin aïent traité la même matiere, et qu’ils aïent également réussi ; les françois dont je parle trouvent plus de plaisir à lire les vers latins.

1446. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Michelet a les caprices d’un homme, poète jusqu’à l’insanité, et les passions (de tête, bien entendu) d’un révolutionnaire jusqu’au crime. […] Michelet est un poète, son mot ne sera rien de plus qu’un lieu commun poétique. […] Mais pour voir cela et le comprendre, il faut être un peu plus qu’un poète qui se contente d’une fausse image, ou bien qu’un révolutionnaire, dont l’idée est plus fausse encore. […] Michelet est une nature de poète. […] Poète donc en prose et sans rythme, il n’en est pas moins poète et il a du poète les pusillanimités, les ivresses faciles et par-dessus tout, les vanités.

1447. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Les autres écrivent, les poètes peignent. […] Mais ici le poète cesse tout à coup de voir : son regard se trouble, sa vue s’obscurcit, le soleil de Dieu ne l’éclaire plus. […] Mais les plus grands poètes et les plus éloquents écrivains des siècles qui suivront tes crimes en feront des vertus, et proclameront la sainteté du supplice infligé par toi à tes ennemis !  […] Quel poète ne les a pas éprouvées toutes par la sympathique faculté de saisir tout ce que l’humanité souffre encore en lui ? […] Alors la fureur commence, et les poètes, comme André Chénier, portent leur tête sur l’échafaud.

1448. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Le Tasse, Montemayor sont en leurs pays de grands poètes : D’Urfé ne vaut que par sa prose, fluide, diffuse, aimable, où se reconnaît le contemporain littéraire de François de Sales et de Montchrétien. […] Poètes et romanciers précieux. […] Au théâtre, les Espagnols nous donnèrent des sujets, dispensant nos poètes du labeur de l’invention. […] Voiture est peut-être le seul de nos poètes qui soit sensiblement teinté de goût espagnol. […] Il n’y a pas un de ces poètes qui sache ce que c’est qu’un homme, et soit capable d’en faire vivre un dans son poème.

1449. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

XLVIII Chateaubriand, poëte admirable, mais poëte de décadence, avait été jusque-là travaillé de l’ambition d’égaler l’antiquité par le poëme épique, ce chef-d’œuvre du génie primitif. […] L’historien est le seul poëte des grands hommes. […] Carrel, et le poëte du peuple, M.  […] Admirez le poëte, mais ne donnez au philosophe qu’un crédit d’admiration. […] C’est son caractère, il est grand, parce qu’il est religieux ; il est grand, parce qu’il est éloquent ; il est grand, parce qu’il est triste ; il est grand, parce qu’il est poëte !

1450. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Le poète Racan était ami de son père et avait fait pour lui une de ses plus belles odes, dans laquelle il l’exhortait à la retraite : Bussy, notre printemps s’en va presque expiré ; Il est temps de jouir du repos assuré           Où l’âge nous convie : Fuyons donc ces grandeurs qu’insensés nous suivons, Et, sans penser plus loin, jouissons de la vie           Tandis que nous l’avons. […] Le poète ne donnait à son ami que des conseils de paresseux et de sage, et Bussy y substitue des conseils chrétiens ; là où Racan avait dit : Qu’Amour soit désormais la fin de nos désirs ; Car pour eux seulement les Dieux ont fait la gloire,           Et pour nous les plaisirs ; Bussy, dans sa version corrigée et tout édifiante, suppose qu’il faut lire : Que Dieu soit désormais l’objet de nos désirs ; Il forma les mortels pour jouir de sa gloire,           Et non pas des plaisirs. Quoi qu’il en soit, quand Bussy, jeune, lisait cette ode qui faisait partie à ses yeux de l’héritage et de l’illustration domestique, il la lisait bien dans le premier texte, et son objet le plus cher fut, tant qu’il put d’associer les deux choses que séparait le poète, les plaisirs et la gloire, les entreprises de guerre et celles d’amour. […] Il n’était pas ignorant des belles-lettres ; il savait quelque chose des poètes latins, et mille beaux endroits des poètes français : il aimait assez les bons mots et s’y connaissait fort bien. […] [NdA] Une simple remarque résume les goûts littéraires un peu gâtés de Bussy : il aimait fort Ovide, il n’avait pas lu Horace, et il s’amusait, dans l’extrême vieillesse, à traduire un petit conte latin et libertin du poète Théophile.

1451. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Il n’y a pas que la tragédie des poètes ; il y a la tragédie des politiques et des hommes d’état. […] Les poètes coûtent moins cher. […] Après ce poëte, qui contient et résume toute la philosophie, les philosophes, Pascal, Descartes, Molière, Lesage, Montesquieu, Rousseau, Diderot, Beaumarchais, peuvent venir. […] Il y a dans Moïse trois gloires : le capitaine, le législateur, le poëte. […] Où est le poëte ?

1452. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Tombons d’accord que l’on rencontre, dans cette épopée commencée en 1847 et publiée seulement en 1862, des blasphèmes qui ne sont pas de la première manière du poète, et de mauvais calembours qui furent de toute sa vie. […] Dès l’origine, cela fut proclamé par de tout autres hommes que les admirateurs aveugles du poète. […] Le grand poète sait bien qu’il faut s’arrêter sur ces idylles brèves des vies misérables ; que la pitié de ceux qui lisent le lui demande. […] Et il y a devant nous tous, écrivains ou poètes, des millions de créatures aimantes, souffrantes, altérées de savoir et de croire, et qui demandent : « Pourquoi suis-je né ? […] Et je me disais aussi, me rappelant les foules sombres de chez nous, qu’elles devraient bien avoir, comme eux, leurs poètes de la tribu, pour composer et leur apprendre à chanter de nouveau la chanson de la route.

1453. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Aujourd’hui c’est une seconde édition plus complète qui se publie et qui, se joignant au Journal et aux Lettres de Mme Eugènie de Guérin, sœur aînée du poète et morte elle-même peu de temps après lui, vient montrer quel couple poétique distingué c’était que ce frère et cette sœur : — lui, le noble jeune homme « d’une nature si élevée, rare et exquise, d’un idéal si beau qu’il ne hantait rien que par la poésie » ; — elle la noble fille au cœur pur ; à l’imagination délicate et charmante, à la croyance vaillante et ferme ; toute dévouée à ce frère qu’elle adorait, qu’elle admirait : et que, sans le savoir ; elle surpassait peut-être ; qu’elle craignait sans cesse devoir s’égarer aux idées et aux fausses lumières du monde ; qu’elle fût heureuse de ramener au bercail dans les heures dernières ; qu’elle passa plusieurs années à pleurer, à vouloir rejoindre, et dont elle aurait aimé cependant, avant de partir, à dresser elle-même de ses mains le terrestre monument. […] Elle naquit poète. […] Elle se plut de bonne heure aux entretiens de ce frère poëte d’imagination et de nature : « Il m’était si doux de t’entendre, de jouir de cette parole haute et profonde, ou de ce langage fin, délicat et charmant que je n’entendais que de toi ! […] » Elle lut Lamartine à seize ans, les Méditations, et ne retrouva jamais depuis, au même degré, ce charme indicible, cette extase première ; Lamartine resta toujours pour elle « le cher poëte » par excellence. […] Elle a non seulement ses croyances fermes où elle se fonde, mais aussi ses superstitions flottantes qu’elle admet un peu à volonté : « Ils ne savent pas être heureux, dit-elle, ceux qui veulent tout comprendre. » N’allez pas vous figurer, en pensant à elle, ni une femme poëte, sentimentale et toujours dans l’attitude de la rêverie, ni une catholique raisonneuse et théologienne, ni une demoiselle châtelaine un peu haute ; si elle lit Platon, c’est bien souvent au coin du feu de la cuisine, et les jours de carnaval elle n’est pas chiche de retrousser ses manches pour faire des croustades.

1454. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Lui-même, il l’a reconnu avec naïveté, il n’est qu’un shakespearien de hasard et de rencontre : il y va de confiance et à l’aveugle ; l’étude directe et la science lui manquent ; il n’a pas la première clef, la plus indispensable, pour s’initier au génie du poète auquel il semble pourtant s’être voué par culte. […] Je n’ai eu qu’un secours, c’est l’attrait inexplicable qui soumet mon âme à ce poète extraordinaire. […] N’ayant pas reçu de bonne heure toute l’éducation qu’il aurait fallu, s’étant refusé par vertu, par scrupule, par esprit étroit de bourgeoisie, toute celle même qui était à sa portée, l’expérience de Versailles et de la Cour, celle des femmes et des grands seigneurs, et plus tard le spectacle de l’ambition la plus gigantesque dans le sein du plus grand héros moderne, il avait pourtant des débris, des fragments de poète pathétique et terrible. […] Né à Versailles, dont il est resté le poète chéri, où il a vécu tant d’années et où il est mort69, fils d’un père savoisien et patriarcal, de qui il a prétendu tenir toute sa poétique, bien différente, dit-il, de celle des Marmontel et des La Harpe, et d’une mère, bonne femme humble et antique ; d’abord secrétaire de maréchaux et de généraux, il fit la guerre et la vit de près, sans en tirer grand profit pour son observation de poète : « Ducis a fait la guerre de Sept-Ans avec nous, dit le prince de Ligne.

1455. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Ses adversaires ne plaisantent pas, eux ; ils se fâchent rouge : les anciens orateurs ou poètes, c’est toujours un peu comme s’il s’agissait d’Écriture sainte ou de conciles. […] Il croit qu’on peut juger des poètes par les traductions ; il parle d’Homère et de Théocrite sans prendre la peine de pénétrer dans leur génie de grandeur ou de délicatesse. […] C’était en bon mari et en père de famille, bien plutôt qu’en poète, que Perrault avait répondu à Boileau, au satirique célibataire et valétudinaire, orphelin en naissant, et à qui jamais sa mère n’avait conté les contes du coin du feu. […] L’auteur y mêlait, par une diversité agréable et judicieuse, les princes, les cardinaux, les ministres d’État, les hommes de guerre, les savants, les poètes, les ingénieurs, les artistes, ceux qu’on appelait encore à cette date les artisans. […] [NdA] Je n’oublie pas que Charpentier était des amis et, jusqu’à un certain point, des partisans de Perrault, et que Ménage, en dehors de la question des anciens, estimait Perrault un de nos meilleurs poètes  !

1456. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

À peine revenu à Potsdam, Frédéric écrit à Jordan : « Tu me trouveras bien bavard à mon retour ; mais souviens-toi que j’ai vu deux choses qui m’ont toujours beaucoup tenu à cœur, savoir : Voltaire et des troupes françaises. » Voilà, en effet, les deux passions de Frédéric, et qui se disputeront toute la première moitié de sa carrière de roi : la guerre et l’esprit ; être un grand poète, devenir un grand capitaine ! Ce côté de poète qui se dissimulait dans la correspondance avec M. de Suhm, et qui disparaissait dans le philosophe amateur de la vérité, se déclare tout à fait et en toute naïveté dans les lettres à Jordan. La guerre elle-même ne vient qu’en second lieu, et être capitaine paraît à Frédéric quelque chose de plus étranger à sa nature que d’être poète. […] Qui aurait dit que la Providence eût choisi un poète pour bouleverser le système de l’Europe et changer en entier les combinaisons politiques des rois qui y gouvernent ? Il ne se trompe que sur un point, sur la qualité de poète qu’il s’attribue ; mais il y a dans ce premier étonnement d’être devenu capitaine quelque chose d’imprévu et de piquant, et qui jette de la lumière sur le procédé de formation et sur la nature intérieure de Frédéric.

1457. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Qu’ils y arrivent, et il sera temps alors pour nous de les combattre, de leur démontrer que ces règles contre lesquelles on se mutine, sont pourtant les seules bases sur lesquelles puisse être assis le système dramatique d’un peuple éclairé, et qu’elles sont elles-mêmes fondées sur les résultats de l’expérience, lentement convertis en axiomes ; qu’elles ne sont pas, comme on a l’air de le croire, des lois imposées à l’imagination par le caprice d’un vieux philosophe grec du temps d’Alexandre, et que l’auteur de la Poétique n’a pas plus inventé les unités, que l’auteur de la Logique n’a créé les syllogismes ; que ces lois, établies pour les intérêts de tous, font seules du théâtre un art, et de cet art une source d’illusions ravissantes pour le spectateur et de succès glorieux pour le poète ; qu’elles ont le double avantage d’élever un obstacle contre lequel le génie lutte avec effort pour en triompher avec honneur, et une barrière qui arrête l’invasion toujours menaçante de la médiocrité aventureuse ; qu’on peut quelquefois essayer de reculer les limites de l’art, et quelquefois même, comme a dit Boileau, tenter de les franchir, mais qu’il ne faut jamais les renverser ; et qu’enfin, il en peut être de la littérature comme de la politique, où quelques concessions habilement faites à la nécessité des temps, préservent l’édifice de sa ruine, et le rajeunissent, tandis qu’une révolution complète, renversant tout ce qu’elle rencontre, bouleversant tout ce qu’elle ne détruit pas, plaçant le crime au-dessus de la vertu, et la sottise au-dessus du génie, engloutit dans un même gouffre la gloire du passé, le bonheur, du présent, et les espérances de l’avenir. […] et nos poètes n’ont-ils pas incessamment puisé dans ces inépuisables sources d’émotions profondes ? […] nous ne pouvons nous empêcher d’admettre cette conséquence ; et, avant même qu’elle sortît aussi impérieusement des faits, nos plus grands poètes l’avaient reconnue et s’y étaient soumis ; car Corneille a fait Polyeucte et le Cid ; Racine, Athalie et Bajazet ; Voltaire, Zaïre, Alzire et Tancrède, il n’y a donc point encore là de romantisme. […] Nous répondrons modestement que nous les avions toujours crues classiques, c’est-à-dire, composées d’après les excellents modèles de l’antiquité, et dignes de servir de modèles à leur tour aux poètes des siècles futurs. […] Nos jeunes poètes romantiques seraient-ils donc souffrants et malheureux ?

1458. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Les femmes de France : poètes et prosateurs 61 M.  […] Mais pourquoi, si quelques-unes ont été, par l’imagination et surtout par le cœur, de grands poètes, n’en voyons-nous point qui l’aient été par la forme ? […] Jacquinet répond à la première de ces questions dans sa substantielle préface : Peut-être peut-on se demander si la beauté solide et constante de langage des vers, par tout ce qu’il faut au poète, dans l’espace étroit qui l’enserre, de feu, d’imagination, d’énergie de pensée et de vertu d’expression pour y atteindre, ne dépasse pas la mesure des puissances du génie féminin, et si véritablement la prose, par sa liberté d’expression et ses complaisances d’allure, n’est pas l’instrument le plus approprié, le mieux assorti à la trempe des organes intellectuels et au naturel mouvement de l’esprit chez la femme, qui pourtant, si l’on songe à tout ce qu’elle sent et à tout ce qu’elle inspire, est l’être poétique par excellence et la poésie même. […] Les Femmes de France poètes et prosateurs, morceaux choisis avec introduction, des notices biographiques et littéraires et des notes philologiques, littéraires, historiques, par P.

1459. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Le trait caractéristique de don Juan, c’est l’émotion auprès de celles-ci, émotion profonde, naïve, sincère, égale et peut-être supérieure en intensité à l’émotion réglée des hommes qui mêlent l’idée du devoir aux choses de l’amour, encourant par là le juste anathème du poète ! […] En somme, il y a trois vies dignes d’être vécues (en dehors de celle du parfait bouddhiste, qui ne demande rien) : la vie de l’homme qui domine les autres hommes par la sainteté ou par le génie politique et militaire (François d’Assise ou Napoléon) ; la vie du grand poète qui donne, de la réalité, des représentations plus belles que la réalité même et aussi intéressantes (Shakespeare ou Balzac), et la vie de l’homme qui dompte et asservit toutes les femmes qui se trouvent sur son chemin (Richelieu ou don Juan). […] Un amour de femme est au fond de presque toutes les vies humaines : à certains moments le conquérant même ou le grand poète donnerait tout son génie pour l’amour d’une femme. […] Croyez que don Juan le sait, et qu’il en jouit profondément, et que sa royauté lui paraît pour le moins égale à celle des poètes et des capitaines.

1460. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Au fond, Michelet conçoit l’amour comme Platon, comme les poètes des Chansons de chevalerie, comme d’Urfé (à cela près que d’Urfé, par un scrupule renchéri touchant la possession physique, ne veut considérer l’amour qu’avant le mariage), comme Corneille enfin, et Pascal lui-même. « À mesure qu’on a plus d’esprit, dit Pascal, les passions sont plus grandes, parce que les passions n’étant que des sentiments et des pensées qui appartiennent purement à l’esprit, quoiqu’ils soient occasionnés par le corps, il est visible qu’elles ne sont plus que l’esprit même et qu’ainsi elles remplissent toute sa capacité. » Pareillement Michelet : « L’amour est chose cérébrale. […] … » Et c’est pire encore, lorsque Michelet badine, car ce poète est dépourvu d’esprit à un surprenant degré. « Voici votre sujet, ô Reine ! […] On la dit capricieuse ; ce n’est pas vrai : elle est au contraire régulière, « très soumise aux puissances de la nature. » Sur l’adultère, le grand poète semble peu complet, soit insuffisance d’information, soit indulgence et tendre partialité. […] le grand poète ! 

1461. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Bien qu’il y ait un peu plus de dix-neuf siècles qu’on observe le caractère « irritable des poètes », j’ai la naïveté de m’en étonner et l’humilité de m’en plaindre. Passe pour les poètes ! […] Il n’est pas exact que la valeur du prosateur ou du poète, en tant que créateur de fictions, fixe sa valeur de critique. […] N’aimer que les poètes lyriques, voire que les conteurs scatologiques, est permis.

1462. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

Mais voilà, par malheur, que vous n’avez du poëte que l’admirable talent de poésie, du reste exact, calculant vos termes et vous tenant parole à vous-même. […] Ce poëme, que plusieurs ont lu tout entier manuscrit (5,000 vers, s’il vous plaît, auparavant 8,000, — 3,000 supprimés), ce poëme est beau, il renferme quatre ou cinq grands morceaux qui classeront Quinet parmi les poètes ; son style, comme vous le pensiez, y a gagné. […] Des amis tardifs de Béranger ont prétendu que j’avais prêté au poëte des sentiments qu’il n’avait pas.

1463. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

La destinée de ce poëte Euphorion a de quoi intéresser. […] Je ne sais si tous ces exemples, et celui d’Euphorion en particulier, le tendre et gracieux poëte (car j’aime à le croire gracieux et tendre), de ce poëte tout entier enseveli, ne m’ont point un peu trop frappé l’imagination, mais je voudrais bien être le docteur Néophobus 138 pour oser lancer d’un air d’exagération certaines petites vérités.

1464. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Toujours le style te démange, a dit spirituellement Du Bellay, traduisant l’Adieu aux Muses de Buchanan : il s’agit du poëte, de l’écrivain qui se plaint de sa maladie. […] Ou encore, comme un poëte devenu critique le disait : Jeune, on se passe très-aisément d’esprit dans la beauté qu’on aime et dé bon sens dans les talents qu’on admire. […] Dans cette ode si connue où Horace énumère tout ce qu’il nous faudra quitter bientôt à l’heure de la mort (Linquenda tellus et domus et placens uxor…), il oublie une des plus profondes douceurs, une des plus durables et des plus chères à la vie déclinante, celle de lire Horace et les Anciens : un jour viendra bientôt, charmant poëte, où nous ne te lirons plus !

1465. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Dans le même moment un autre critique très spirituel, parlant de Racine, avançait que le vrai, le spécial et principal talent de ce poëte était pour le comique, témoin les Plaideurs, et que Racine, en abordant la tragédie, avait fait fausse route. […] Et ceci, tout énorme que je le trouve littérairement, ne me paraît qu’une peccadille auprès de cette autre accusation portée après deux siècles contre lui, le doux et tendre poëte, d’avoir été un intrigant. […] Saint-Beuve a déjà détaché un fragment de cet article, ainsi que des deux qui suivent immédiatement sur les Mémoires de Casanova de Seingalt et Le Livre des Pèlerins polonais par le poëte Mickiewicz, dans la dernière édition des Portraits Contemporains (tome II, page 505, 509, 512).

1466. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

On souriait avec dédain à l’idée qu’on pût se permettre de dire : qu’une poésie est bien châtiée ; qu’un souris est fin, qu’un souris est amer ; qu’un mauvais poète est un bâtard d’Apollon ; que les peintres sont des poètes muets ; que le soleil est l’époux de la nature. […] Ce n’étaient pas encore les chefs-d’œuvre de ces deux poètes, s’en étaient les prémices.

1467. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

Les savants le trouvaient un poète, les poètes en faisaient un savant, et le public, qui n’est ni savant ni poète, était de l’avis des uns et des autres.

1468. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Taine, dans sa belle étude sur le grand poète anglais, a fort bien expliqué cela. […] Je devine que c’est un poète du Midi, d’un pays que tourmente le soleil. […] Un poète italien ne songe qu’à peindre les sensations de la vie, un poète anglais veut l’anatomiser. […] Lorsque le poète vint à ce passage, le roi le lui fit répéter. […] En outre, le Giotto était mosaïste, et Orcagna était poète.

1469. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

A l’article Du Barlas, il le loue d’avoir quelquefois ennobli ses descriptions en y rattachant des sentiments humains ; ainsi, après avoir peint dans le cinquième chant de sa Semaine la migration des poissons voyageurs, le poëte ajoute cette gracieuse comparaison que M.  […] Je recommande encore l’article d’Isaac Habert, poëte descriptif et didactique, dont on lit avec plaisir un fragment noble et pur, et, au XVIIe siècle, celui de Coutel, qui a disputé à madame Des Houlières ses Moutons.

1470. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 521-526

Clerc de Montmercy, [Claude-Germain le] Avocat au Parlement, & Docteur en Droit, de la Faculté de Paris, né à Auxerre en 1716 ; Poëte qui a la gloire d’avoir fait les plus longues Epîtres qui aient jamais existé. […] Ce n’est certainement pas pour avoir fait celui qui termine un Quatrain à la louange du Maréchal de Saxe, où le Poëte Géometre, après avoir mis en pieces deux Héros de l’antiquité, César & Scipion, dit que Maurice eut pour sa part, La tête du premier, & le bras du second.

1471. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 145-150

Despréaux dit, en parlant de Ronsard, Ce Poëte orgueilleux, trébuché de si haut, Rendit plus retenus Desportes & Bertaud. […] Les talens de ce Poëte furent récompensés avec une magnificence dont on ne voit point d’exemple.

1472. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 192-197

n’est-ce pas être né vraiment Poëte ? […] Il y a même lieu d’être étonné du peu de ressemblance qui se trouvoit entre le Poëte & l’Homme.

1473. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VII. Le Fils. — Gusman. »

Le poète a voulu faire reparaître ici la nature et le caractère orgueilleux de Gusman : l’intention dramatique est heureuse ; mais prise comme beauté absolue, le sentiment exprimé dans ce vers est bien petit, au milieu des hauts sentiments dont il est environné ! […] On ignore assez généralement que Voltaire ne s’est servi des paroles de François de Guise qu’en les empruntant d’un autre poète ; Rowe en avait fait usage avant lui dans son Tamerlan, et l’auteur d’Alzire s’est contenté de traduire, mot pour mot, le tragique anglais : Now learn the difference,’wixt thy faith and mine… Thine bids thee lift thy dagger to my throat ; Mine can forgive the wrong, and bid thee live.

1474. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IX. Des Epistolaires ou Ecrivains de Lettres. » pp. 265-269

Le poëte & le bel esprit s’y font sentir quelquefois ; le véritable ami ne s’y rencontre guéres. […] On trouve dans les mémoires de Racine le pere, publiés par son fils un grand nombre de Lettres, qui donnent de ce poëte une idée beaucoup plus avantageuse.

1475. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 6, de la nature des sujets que les peintres et les poëtes traitent. Qu’ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes » pp. 51-56

Qu’ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes Des que l’attrait principal de la poësie et de la peinture, dès que le pouvoir qu’elles ont pour nous émouvoir et pour nous plaire vient des imitations qu’elles sçavent faire des objets capables de nous interresser : la plus grande imprudence que le peintre ou le poëte puissent faire, c’est de prendre pour l’objet principal de leur imitation des choses que nous regarderions avec indifference dans la nature : c’est d’emploïer leur art à nous répresenter des actions qui ne s’attireroient qu’une attention mediocre si nous les voïions veritablement. […] Un poëte dramatique qui met ses personnages en des situations qui sont si peu interressantes, que j’y verrois réellement des personnes de ma connoissance sans être bien ému, ne m’émeut gueres en faveur de ses personnages.

1476. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Comme eux il a le trait, comme eux il est Français, éloquent, homme d’esprit, patriote et poète. […] Ce qui prouve que les poètes peuvent fort bien écrire en prose. […] Restait une partie de ces poèmes plus sévère que les autres ; empruntant le titre au vers célèbre du poète, MM.  […] « La Vénus de Milo n’en a pas davantage », comme dit le poète. […] Ropartz, j’ai voulu le mettre en garde contre lui-même et lui montrer que je ne le traitais pas comme un poète amateur à qui le compliment suffit.

1477. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Le temps que le poëte étoit seul, il l’employoit, soit à faire des vers, soit à revoir ceux des autres. […] Il engagea même le poëte à continuer la traduction. […] Peu de temps après, il donna une traduction Françoise du même poëte. […] Le poëte leur fit les plus belles promesses, mais il n’en tint aucune. […] Voilà le poëte plus que jamais dans l’embarras.

1478. (1899) Arabesques pp. 1-223

Moréas se rangent trois poètes : MM.  […] Charles Max : « Nous travaillerons, nous, littérateurs, artistes et poètes, pour la masse. […] Comme poète, il ne manque pas d’une certaine valeur. […] Ce grand poète, ce monstre superbe est devenu fou — fou incurable. […] » « Ces poètes ! 

1479. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Le premier poète comique de l’Italie, Goldoni, est un disciple de Molière. […] Ce fut pour la gloire cosmopolite de notre poète une nouvelle phase, celle de la vénération. […] Chassang, Les Précieuses ridicules de Molière ; le poète a triomphé là comme sur un vrai théâtre. […] Molière dans Amphitryon a presque autant d’esprit qu’un poète de nos musées. » (On appelait en ce temps-là musées le recueil de vers des poètes à la mode.) […] dit le poète.

1480. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Et aujourd’hui, qu’est-il, l’artiste, ce frère antique du poëte ? […] Et après ceux-là, je ne me rappelle plus personne qui soit digne de converser avec un philosophe ou un poëte. […] Chez nous le peintre naturel, comme le poëte naturel, est presque un monstre. […] Le ton mélancolique du poëte des Martyrs s’adapte à ce tableau, et la tristesse languissante du prisonnier chrétien s’y réfléchit heureusement. […] Je parle de ses dessins à l’encre de Chine, car il est trop évident qu’en poésie notre poëte est le roi des paysagistes.

1481. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

L’idée d’avoir un fils poète, dont une belle tragédie serait jouée et applaudie au Théâtre-Français et qui viendrait prendre place à la suite dans le cortège de nos grands classiques, flattait son amour-propre paternel. […] Ballanche à Mme Récamier à l’Abbaye-au-Bois : il y venait à titre de compatriote lyonnais et de jeune poète plein d’espérances et de promesses. […] En homme qui connaît le métier à fond, il montre la parenté de l’œuvre avec l’ouvrier, et juge les différentes productions poétiques comme des fruits différents des différentes époques de la vie du poète. […] Je fus au théâtre : on donnait la Marie Stuart de Schiller ; le génie du grand poète et le charme de la belle reine furent dignement représentés par Mme d’Heygendorf. […] Pour le chevaleresque et galant auteur du Dernier Abencerage, un homme de lettres, si illustre qu’il fût, un poète octogénaire qui recevait son monde en robe de chambre de flanelle blanche, ne pouvait être un rival : c’était un patriarche.

1482. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Voltaire est poète, et Diderot n’est qu’un prosateur. […] Il n’était pas plus né métaphysicien qu’il n’était né poète, mais il avait des aptitudes métaphysiques comme il avait des facultés poétiques. […] Il fut auteur dramatique, critique d’art, critique de littérature et même poète, sa dernière et sa plus risible fatuité. […] Quand on lit, dans ses œuvres et dans ses théories, l’importance inouïe qu’il donnait à la chose dramatique, on s’étonne qu’il eût retranché la versification de sa poétique du drame ; car il était poète, ou, pour parler plus justement, cet homme, qui ne doutait de rien, avait l’insolente prétention d’être poète, dans sa vaniteuse universalité. […] Le poète y dit quelque part assez malproprement à une femme « qu’il économise ses hommages ».

1483. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

» Comme on le voit, le prosateur est doublé du poète. […] Outre un choix fait avec un rare discernement dans les chansons du grand poète populaire, M.  […] “Restez prêtre, lui répétait sans cesse notre poète. […] Dubard aime cette terre sénégalaise en patriote, en observateur artiste, et en poète de la mer et de l’exotisme. […] « Les poètes sont heureux : une part de leur force est dans leur ignorance même.

1484. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Le critique créateur de valeurs est plus rare même que le grand poète. […] Il en est des écrivains, des philosophes, des poètes exactement comme des hommes des autres professions. […] Il avait des fantaisies ; il était poète. […] Albalat voit des intentions de poète, Bossuet n’avait que des intentions de théologien. […] Mais les poètes, qui devenaient des scribes, de plus en plus, ne comprirent pas.

1485. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Avertissement de la première édition »

On n’obtient rien des poètes que par l’extrême louange : Homère, le plus grand de tous, le savait bien, lui qui, au livre VIII de l’Odyssée, fait dire par Ulysse au chantre Démodocus, pour lui demander un chant : « Démodocus, je te mets sans contredit au-dessus de tous les mortels ensemble, car c’est la Muse elle-même qui t’a enseigné, la Muse, fille de Jupiter, ou plutôt Apollon… » Ce compliment de début est de rigueur auprès des poètes, depuis Homère et Démodocus jusqu’à… jusqu’à tous ceux de nos jours.

1486. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

Dans le midi, on vit au jour le jour ; la présence du soleil, des travaux peu pénible et jamais interrompus, des sensations toujours en éveil, ne permettent pas les longues espérances ni les longues inquiétudes : on y jouit précisément de cette liberté d’esprit si propice à l’essor de l’imagination ; c’est là que devaient et que seulement pouvaient naître ces poètes aimables, qui chantaient les douceurs du rien faire, la jouissance du présent et l’oubli du lendemain. […] Il y a aussi une petite pièce d’Anacréon sur la cigale ; le poète nous la montre se nourrissant de parfums et de rosée, et chantant à chaque heure et en toute saison : de telles idées, de telles images ne peuvent éclore qu’au midi.

1487. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nerval, Gérard de (1808-1855) »

Beuglant, poète, ami de Cadet-Roussel (1826). — Élégies nationales et Satires politiques (1827). — Faust, tragédie de Goethe, nouvelle traduction complète en prose et en vers (1828). — Le même ouvrage, suivi du Second Faust et d’un choix de ballades et de poésies de Goethe, Schiller, Bürger, Klopstock, Schubert, Kœrner, Uhland, etc. (1840). — Couronne poétique de Béranger (Paris, 1828). — Le Peuple, ode (1830). — Nos adieux à la Chambre des députés de l’an 1830 ou Allez-vous-en, vieux mandataires, par le père Gérard, patriote de 1798, ancien décoré de la prise de la Bastille, couplets (1831). — Lénore, traduite de Bürger (1835). — Piquilo, opéra-comique, en collaboration avec M.  […] Charles Morice Il créa le vers de songe en ce petit nombre de sonnets merveilleux que plusieurs de nos poètes contemporains ne rappellent pas aussi souvent qu’ils s’en souviennent : Je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé.

1488. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »

Je signalerai encore d’autres superbes parties de cette œuvre : la pièce du Cimetière de Villequier, un chef-d’œuvre de tendresse ; l’Arbre, une des plus belles conceptions du poète… Je m’arrête, renvoyant le lecteur à ce livre plein de hautes pensées, de l’amour de l’humanité et de la justice. […] Lisant beaucoup, connaissant tout, lettré jusqu’aux ongles, Vacquerie était, en même temps qu’un curieux d’art et un passionné de lettres, un travailleur infatigable, admirable… Toute cette existence fut un exemple… Les lettres françaises garderont, en leur histoire, une place glorieuse à ce disciple qui fut un maître, à ce poète qui, pour avoir marché dans le sillon du grand remueur de mots, de formes et de rythmes de ce siècle et de tous les siècles, n’en a pas moins fait sa gerbe, lui aussi !

1489. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 223-229

Il a voulu réhabiliter ce Poëte, mais il l’a traduit de maniere à n’en montrer que les défauts, sans en faire connoître le mérite. […] Et quel Poëte, même médiocre, n’eût pas réussi avec un pareil sujet ?

1490. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 532-537

Tout ce que le Poëte y débite est toujours d’accord avec les vrais principes. […] Nous ne citerons rien de ses Discours philosophiques, parce que tout y est d’une égale beauté ; nous dirons seulement qu’ils suffiroient pour faire la réputation d’un grand Poëte, & qu’ils passeront à la Postérité, malgré les cris de l’Envie, comme un des plus beaux monumens de la Littérature de ce Siecle.

1491. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VII. Des Saints. »

Il est certain que les poètes n’ont pas su tirer du merveilleux chrétien tout ce qu’il peut fournir aux Muses. […] Pour nous, qui à la vérité ne sommes pas poète, il nous semble que ces enfants de la vision feraient d’assez beaux groupes sur les nuées : nous les peindrions avec une tête flamboyante ; une barbe argentée descendrait sur leur poitrine immortelle, et l’esprit divin éclaterait dans leurs regards.

1492. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Or c’est l’invention de ces circonstances qui constituë le poëte en peinture. […] On suë vainement, dit Horace, quand on veut trouver des inventions du même genre sans avoir un genie pareil à celui du poëte, dont on veut imiter le naturel et la simplicité.

1493. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre X. De la chronologie poétique » pp. 235-238

De la chronologie poétique Les poètes théologiens donnèrent à la chronologie des commencements conformes à une telle astronomie. […] Usant d’abord du langage muet, ils montrèrent autant d’épis ou de brins de paille, ou bien encore firent autant de fois le geste de moissonner, qu’ils voulaient indiquer d’années… Dans la chronologie ordinaire, on peut remarquer quatre espèces d’anachronismes. 1º Temps vides de faits, qui devraient en être remplis ; tels que l’âge des dieux, dans lequel nous avons trouvé les origines de tout ce qui touche la société, et que pourtant le savant Varron place dans ce qu’il appelle le temps obscur. 2º Temps remplis de faits, et qui devaient en être vides, tels que l’âge des héros, où l’on place tous les événements de l’âge des dieux, dans la supposition que toutes les fables ont été l’invention des poètes héroïques, et surtout d’Homère. 3º Temps unis, qu’on devait diviser ; pendant la vie du seul Orphée, par exemple, les Grecs, d’abord semblables aux bêtes sauvages, atteignent toute la civilisation qu’on trouve chez eux à l’époque de la guerre de Troie. 4º Temps divisés qui devaient être unis ; ainsi on place ordinairement la fondation des colonies grecques dans la Sicile et dans l’Italie, plus de trois siècles après les courses errantes des héros qui durent en être l’occasion.

1494. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Que l’un de ces poètes ait été à Roncevaux, c’est bien possible. […] Les poètes ont vu dans la surprise le résultat d’une trahison, et ils l’imputent à un très haut personnage franc, qu’ils appellent Ganelon. […] Mais si le poète n’était plus connu directement, son nom était resté célèbre parmi les Meistersänger. […] Tous les poètes et romanciers, en France, en Allemagne, en Angleterre, qui ont essayé de la développer, ont échoué et devaient échouer. […] Le poète français a en outre. interverti les deux préceptes196.

1495. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Les rayons étaient réciproques : le poëte semblait à l’aise et y était doucement maintenu. […] Pour mieux m’expliquer là-dessus, je n’ai qu’à transcrire les lignes suivantes que je trouve dans un volume inédit de Pensées : « Quand on critique aujourd’hui un auteur, un poëte, un romancier, il semble qu’on lui retire le pain, qu’on l’empêche de vivre de son industrie honnête, et l’on est près de s’attendrir alors, de ménager un écrivain qui ne produit que pour le vivre et non pour la gloire. […] Il nous arrive un peu comme au xvie  siècle, lorsque les procédés mis en circulation par les chefs de l’école, par Du Bellay et Ronsard, furent devenus familiers à tous et que chaque jeune cœur au renouveau se crut poëte.

1496. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Jeté au milieu des discordes des Guelfes et des Gibelins, Dante avait été proscrit avant d’être poëte. […] On a rassemblé ci-dessus quelques exemples pareils entre eux de ce faux goût, empruntés à la fois aux écrivains les plus opposés, à ceux que les scholastiques appellent classiques et à ceux qu’ils qualifient de romantiques ; on espère par là faire voir que si Calderon a pu pécher par excès d’ignorance, Boileau a pu faillir aussi par excès de science ; et que si, lorsqu’on étudie les écrits de ce dernier, on doit suivre religieusement les règles imposées au langage par le critique, il faut en même temps se garder scrupuleusement d’adopter les fausses couleurs employées quelquefois par le poëte. […] C’est surtout à réparer le mal fait par les sophistes que doit s’attacher aujourd’hui le poëte.

1497. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

De même que les poètes guidés par leur art portèrent les personnages et les masques sur le théâtre, les fondateurs du droit, conduits par la nature, avaient dans des temps plus anciens, porté sur le forum les personnes (personas) et les emblèmes110. — Incapables de se créer par l’intelligence des formes abstraites, ils en imaginèrent de corporelles, et les supposèrent animées d’après leur propre nature. […] Les hommes étant alors naturellement poètes, la première jurisprudence fut toute poétique ; par une suite de fictions, elle supposait que ce qui n’était pas fait l’était déjà, que ce qui était né, était à naître, que le mort était vivant, et vice versa. […] Tite-Live dit en parlant de la sentence prononcée contre Horace : Lex horrendi carminis erat . — Dans l’Asinaria de Plaute, Diabolus dit que le parasite est un grand poète , parce qu’il sait mieux que tout autre trouver ces subtilités verbales qui caractérisaient les formules, ou carmina.

1498. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Qu’est-ce que nos poètes auprès de Shelley ou de Rossetti ? […] Il était naturel que ce poète septentrional réussît surtout chez les peuples de race saxonne et germanique. […] On a dit souvent que Corneille est le poète du devoir. […] Mais je loue le poète de l’avoir trouvée pour elle. […] Et voyez l’ingénieux parti que le poète a tiré de ce jeu des vertus.

1499. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

disait un poète en se contemplant lui-même, qu’ai-je fait, malheureux, des vices éclatants de ma jeunesse ? […] Pendant que le nombre des historiens nous échappe, on sait, à un homme près, le nombre des poètes. […] Tôt ou tard, il faut que le poète meure. […] Son père, le comédien Monvel, était un vrai comédien, un peu philosophe, un peu poète. […] La critique ne dit pas : « Ce n’est rien, c’est un vieux poète, c’est un vieux musicien, c’est un vieux comédien qui se meurt ! 

1500. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Après une prose très simple (le grec du Nouveau Testament), il met son enfant aux auteurs plus relevés, aux poètes surtout, et à Homère presque aussitôt : Or, il est à propos, dit-il, de vous avertir d’une chose à laquelle personne ne songe ; peut-être même qu’elle vous paraîtra peu vraisemblable, quoiqu’au reste elle soit très véritable et que mon expérience, la pratique des anciens, l’utilité et la raison le prouvent : cette vérité surprenante, c’est que la lecture d’Homère est plus convenable à l’âge des enfants que la lecture des grands auteurs prosaïques108. […] S’agissait-il d’Anacréon, il savait bien discerner dans le recueil d’Odes, qui porte le nom de ce vieux poète, ce qui était de l’antique Ionien et tout ce qu’on y avait mêlé de plus moderne et d’anacréontique plus ou moins délicat ou médiocre. […] Mme Dacier pense d’ailleurs qu’on ne peut traduire en vers les poètes, ou du moins qu’on ne peut y réussir que par accident, et que ce n’est qu’à l’aide de la prose qu’on parvient à faire passer d’une langue dans une autre les détails et les traits particuliers d’un original. […] Dans une préface écrite avec sens et modestie, Mme Dacier explique son dessein : Depuis que je me suis amusée à écrire, dit-elle, et que j’ai osé rendre publics mes amusements, j’ai toujours eu l’ambition de pouvoir donner à notre siècle une traduction d’Homère, qui, en conservant les principaux traits de ce grand poète, pût faire revenir la plupart des gens du monde du préjugé désavantageux que leur ont donné des copies difformes qu’on en a faites. […] Pour peindre cette diction homérique dont elle est pénétrée et qui fait l’âme du poème, elle a des paroles qui sont d’un écrivain et des images qui portent sa pensée : « La louange, dit-elle, que ce poète donne à Vulcain, de faire des trépieds qui étaient comme vivants et qui allaient aux assemblées des dieux, il la mérite lui-même : il est véritablement cet ouvrier merveilleux qui anime les choses les plus insensibles ; tout vit dans ses vers. » Comment donc oser le traduire ?

1501. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

A la manière dont il citera plus tard les poètes, Lucrèce ou Horace110, on voit qu’il se souciait assez peu de la prosodie. […] On a beaucoup dit qu’il y avait un poète dans La Mennais. […] « Nous ne sommes pas ce qu’on se figure, disait-il gaiement : de nous deux, c’est lui qui est le poète ; moi je ne suis qu’un homme de bon sens111. » C’était une malice et un joli mot. Le poète, durant toute la jeunesse de La Mennais, ne se montre pas ; il nous présente de son état intérieur des analyses expressives : il ne trouve de lui-même ni tableau ni couleurs. […] Béranger dit notamment le mot au prince Napoléon qu’il rencontrait chez La Mennais (La Mennais donnait en 1847 des leçons de philosophie au prince) : « Voilà de nous deux le poète ; moi, je n’ai qu’un peu de bon sens. »

1502. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Selon les uns, les systèmes sont des opinions arbitraires et de fantaisie, nées dans l’imagination des philosophes, comme les épopées et les drames dans l’imagination des poètes : ils n’ont aucune valeur objective. […] Il y a une très-grande différence entre les systèmes des métaphysiciens et les œuvres des poètes. […] Le poëte veut créer, le métaphysicien veut expliquer. Le poëte n’a pas besoin que son œuvre ait un objet en dehors de lui : c’est un monde qu’il ajoute au monde, c’est une création dans la création. […] Ils ne dédaignent rien, ni la sagesse de leurs prédécesseurs, ni celle des poètes, ni celle du peuple.

1503. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Ausone est quelquefois un charmant poète. […] Né à Bordeaux, d’une famille illustre et opulente, d’abord célèbre comme avocat et comme poète, Paulin, durant un séjour de quelques années qu’il fit eu Espagne, arriva aux idées religieuses et y fut confirmé par les conseils de son épouse, Therasia, sainte personne avec laquelle il finit par vivre comme avec une sœur. […] Antoine Du Verdier et La Croix du Maine en leurs Bibliothèques françaises, Étienne Pasquier dans ses Recherches, Claude Fauchet dans ses Origines, s’avisèrent de s’inquiéter de ces vieux poètes, de ces vieilles rimes et de ces vieux romans oubliés. Fauchet, notamment, dressa un catalogue de cent vingt-sept de ces poètes français vivant avant l’année 1300. […] Un jour (et c’était pourtant avant l’heure la plus brillante du règne), Chapelain, homme instruit, sinon poète, fut surpris par Ménage et Sarasin sur le roman de Lancelot, qu’il était en train de lire.

1504. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Mais je suis sûr qu’au xixe  siècle, en France, a vécu le plus grand des poètes français et le plus grand peut-être, de tous les poètes : Victor Hugo. […] Le siècle qui compte des poètes comme Vigny, Lamartine, etc., est certainement digne de notre reconnaissance. […] Ahuris par le carnaval romantique, ils y saluaient pour grands hommes : romancier, le faux écrivain Octave Feuillet ; poète, le faux bonhomme Béranger. […] Ses écrivains, ses savants, ses philosophes, ses poètes sont les nôtres par excellence. […] Celle-là signifie que jamais autant qu’au dernier siècle, on ne vit de si belles intelligences ni de si grands poètes asservis à de si mortelles erreurs.

1505. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Le cadre général et les noms sont empruntés au poème allemand de Gottfried de Strasbourg ; mais dans plusieurs points essentiels il ne le suit pas, mais il suit au contraire les poètes français. […] Or, grâce à la coexistence en un seul maître du poète et du musicien, nous avons aujourd’hui une œuvre, Tristan, qui réunit ces deux perfections opposées. Le poète a saisi tous les fils d’événements nombreux et compliqués ; rapidement il les a fait converger en un unique point mathématique. […] Il dispose donc, pour mener jusqu’à l’épuisement l’étude d’une âme. de moyens qu’aucun poète n’a connus. […] Poétesse, Wagner mit en musique cinq de ses poèmes qui forme le cycle des Wesendonck Lieder.

1506. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Dans cette œuvre nouvelle, le romancier disparaît, il n’y a plus qu’un voyageur, mais un voyageur poète et qui pourtant sait voir avec une rare précision. […] Le vertige vous prend et c’est dans un éblouissement qu’on voit tout ce que découvre le poète. […] Rodenbach, comme celle des poètes de conscience, est de faire tenir le plus d’émotion, le plus d’impression possible dans un vers. […] J’ai dû, pour obéir à ma conscience, faire la critique qui précède, mais j’avoue qu’en relisant ces pages et en les étudiant j’y ai trouvé les qualités qui font le vrai poète. […] quoi que vous disiez, c’est toujours le grand Hugo, le poète des vapeurs, des nuées, de la mer, — le poète des fluides ! 

1507. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Bouguereau ou Gérôme, de même une génération entière de romanciers et de poètes crée le roman impressionniste et le vers libre sans s’inquiéter des défenses ou des permissions dispensées avec sérénité par M.  […] Qu’est-ce qu’un poète ? Un homme capable de constater des analogies et des liens abstraits qu’on ne soupçonnait pas entre des formes et des images de la nature ; or, le critique véritable peut être ce poète, dans le domaine idéologique, et c’est parce qu’elles se sont élevées à cette haute compréhension de la critique que de grandes consciences poétiques comme Baudelaire, Carlyle, Mallarmé, ont été aussi des organismes critiques de premier ordre. […] Il est le frère et le conseiller des poètes.

1508. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Nietzsche n’est pas seulement le poète du surhomme, il est aussi le poète du grand retour. […] Auprès du public actuel, animal faible et qui s’effare devant la décision comme devant une brutalité et une offense, ces quelques fuites et ces balancements timides servent peut-être le poète exquis autant que ses images un peu flottantes et ses couleurs aux grâces atténuées. […] Ils ne savent pas que Platon, Plotin et Malebranche sont les plus hardis des poètes et que toute synthèse est nécessairement faite d’autant de rêve que de pensée ou, s’ils le savent, ils ne parviennent point à se consoler de cette beauté inéluctable.

1509. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Seul un poète comme Hugo pourra se permettre d’appeler d’un terme aussi vague que l’Histoire d’un crime, le récit du Coup d’État du 2 décembre 1851. […] Un poète précieux, nommé Charles Fontaine, fit, au xvie  siècle de ces poésies, Les Ruisseaux de Fontaine, mais Jacques Yver le dépasse par son recueil le Printems d’Yver. […] L’Imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ a, de la sorte, donné lieu à l’Imitation de Notre-Dame de la Lune par le poète Jules Laforgue, et à l’Imitation de Notre-Maître Napoléon par M.  […] Mais il pourra dire, avec un rare malheur d’expression, Propos de Table de Victor Hugo, ce qui met aussitôt le poète en une fâcheuse posture pseudo-rabelaisienne.

1510. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Les mauvais orateurs ont décrédité les bons, à peu près comme les charlatans font tort à la médecine, et les versificateurs aux poètes. […] Si donc, en célébrant les grands hommes, vous voulez être mis au rang des orateurs, il faut avoir parcouru une surface étendue de connaissances ; il faut avoir étudié et dans les livres et dans votre propre pensée, quelles sont les fonctions d’un général, d’un législateur, d’un ministre, d’un prince ; quelles sont les qualités qui constituent ou un grand philosophe ou un grand poète ; quels sont les intérêts et la situation politique des peuples ; le caractère ou les lumières des siècles ; l’état des arts, des sciences, des lois, du gouvernement ; leur objet et leurs principes ; les révolutions qu’ils ont éprouvées dans chaque pays ; les pas qui ont été faits dans chaque carrière ; les idées ou opposées ou semblables de plusieurs grands hommes ; ce qui n’est que système, et ce qui a été confirmé par l’expérience et le succès ; enfin tout ce qui manque à la perfection de ces grands objets, qui embrassent le plan et le système universel de la société. […] C’est là le secret de l’orateur, du poète, du statuaire et du peintre. […] Osez mêler un ton mâle aux chansons de votre siècle ; mais surtout ne vous abaissez point à d’indignes panégyriques : il est temps de respecter la vérité ; il y a deux mille ans que l’on écrit, et deux mille ans que l’on flatte ; poètes, orateurs, historiens, tout a été complice de ce crime ; il y a peu d’écrivains pour qui l’on n’ait à rougir : il n’y a presque pas un livre où il n’y ait des mensonges à effacer.

1511. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bataille, Henry (1872-1922) »

Francis Jammes, comme « poète des choses inanimées et des bêtes muettes ». […] [Poètes d’aujourd’hui (1900).]

1512. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Le cardinal, jaloux du poète qui lui échappait, et envieux en même temps de sa gloire, imposa à l’Académie la critique du Cid. […] Quelle prévention que cette qui fait voir un bureau de fade bel esprit dans cette maison, ou le poète le plus mâle de notre littérature et le plus élevé, à qui il n’est arrivé qu’une seule fois de mettre une passion amoureuse sur la scène, allait chercher des conseils et des encouragements, échauffer et exalter son énergique talent, et où il trouvait l’inexprimable bonheur délie goûté, senti, admiré dans son élévation et dans sa profondeur, par des femmes qui s’étaient passionnées dans la noble conversation de Balzac pour la grandeur romaine !

1513. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 348-354

A-t-il pu imaginer qu’on adopteroit ses decisions, lorsqu’on l’a vu vingt fois s’efforcer de prouver que ce premier Poëte de notre Nation n’est pas si infaillible qu’on le pense ; que ses Ouvrages ne sont pas exempts de fautes contre la Langue & le goût ; qu’il a avancé des erreurs & des mensonges ; qu’il est injuste dans presque toutes ses critiques, indécent & atroce dans ses diatribes ; que tous ses Opéra sont détestables ; que plusieurs de ses Comédies n’ont d’autre mérite que celui de la versification ; que quelques-unes de ses Tragédies sont médiocres ; que ses Histoires sont remplies de faussetés, ses Satires de calomnies, ses Romans d’impiétés ? […] Diderot, d’Alembert, Marmontel, Condorcet, &c. qui cependant ont fait leurs efforts pour demontrer, que l’un n’étoit pas Poëte, & que l’autre n’étoit qu’un Versificateur.

1514. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

. — J’y ai joint une étude sur Calidasa, le plus célèbre poète du Théâtre indien. — La seconde série sera remplie par Shakespeare. — Dans la troisième, j’étudierai le Théâtre français, depuis ses origines jusqu’à Beaumarchais. […] Replacer les tragédies et les comédies grecques dans le milieu qui les a produites, éclaircir et élargir leur étude en l’étendant sur monde antique, par les aperçus qui s’y rattachent et les rapprochements qu’elle suggère, soulever le masque de chaque dieu et de chaque personnage entrant sur la scène pour décrire sa physionomie religieuse ou son caractère légendaire ; commenter les quatre grands poètes d’Athènes, non point seulement par la lettre, mais par l’esprit de leurs œuvres et par le génie de leur temps ; tel est le plan que je me suis tracé et que j’ai tâché de remplir.

1515. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VIII. La Fille. — Iphigénie. »

La religion chrétienne est si heureusement formée, qu’elle est elle-même une sorte de poésie, puisqu’elle place les caractères dans le beau idéal : c’est ce que prouvent nos martyrs chez nos peintres, les chevaliers chez nos poètes, etc. […] En un mot, le christianisme n’enlève rien au poète des caractères naturels, tels que pouvait les représenter l’antiquité, et il lui offre de plus son influence sur ces mêmes caractères.

1516. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VI. Amour champêtre. — Le Cyclope et Galatée. »

Le poète ne pouvait faire un choix de mots plus délicats ni plus harmonieux. […] Polyphème parle du cœur, et l’on ne se doute pas un moment que ses soupirs ne sont que l’imitation d’un poète.

1517. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Un petit corollaire de ce qui précède [Mon mot sur l’architecture] » pp. 77-79

Un poète disait d’un autre poète : il n’ira pas loin, il n’a pas le secret.

1518. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Doyen  » pp. 153-155

J’ai relu à l’occasion du tableau de Doyen cet endroit du poète. […] Le peintre a fait sagement de s’écarter ici du poète.

1519. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Doyen » pp. 244-247

Si vous ne connaissez pas cet éloquent, impérieux et adroit scélérat, lisez Homere et Virgile, jusqu’à ce que les idées de ces deux grands poètes, fermentant dans votre imagination, vous aient donné la vraie physionomie de ce personnage. […] Renvoyez-moi ces gens-là à l’endroit où notre poète fait dire à un monarque sur le point d’abandonner au couteau d’un prêtre sa propre fille : Encor si je pouvais, libre dans mon malheur, Par des larmes au moins soulager ma douleur !

1520. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

C’est l’amour qui l’avait fait poëte ; on peut dire mieux : c’est l’amour qui fit toute poésie. […] La femme à qui le poëte s’adresse est la Liberté de Florence. […] L’amant, le poëte et le statuaire se révèlent ensemble dans le troisième de ces sonnets de Michel-Ange. […] « Ce qu’il y aurait à dire de lui ne pourra jamais être dit, car son génie s’alluma à des sphères trop hautes pour les mortels ; il est plus aisé de flétrir ce vil peuple qui l’outragea que de s’élever jusqu’à l’éloge d’un tel poëte ! […] Mais l’artiste qui manie le bloc et qui taille le marbre participe à la fois de l’esprit et de la matière, du poëte et de l’artisan ; Dieu lui donne dans sa structure et dans son visage quelque chose de la masse et de l’aplomb de ses blocs ; et cette force que le philosophe ou le poëte n’ont besoin d’avoir que dans les organes de la pensée, le statuaire doit l’avoir répartie dans tous les membres, depuis le front qui conçoit jusqu’au bras qui soulève et jusqu’à la main qui taille le marbre.

1521. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Il ne lui manque que d’être poète : ses vers sont les réflexions et les boutades d’un bourgeois de bon sens, qui a de l’humeur. […] Et voilà la différence d’un poète à un raisonneur. […] Il y a en lui, sinon un poète, du moins un écrivain ; et si l’on considère certain goût pour les lieux communs, certaine pente à procéder par idées générales et par raisonnements liés, on dirait peut-être qu’il y a en lui un commencement d’orateur. […] Pour les poètes, il avait peut-être raison ; pour les orateurs, il avait tort. […] Musicien autant que poète, il notait lui-même ses lais, fit des motets et une messe pour le sacre de Charles V. — Éditions (partielles) : Tarbé, Reins, 1849, in-8 ; P.

1522. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Ce spectacle demande la collaboration du poète, du musicien, du maître à danser et du peintre. […] Les poètes n’écrivent plus pour eux-mêmes, ni pour le public, mais tout simplement pour leurs interprètes. […] Encore Diderot qui, plus que nos modernes, possédait le sens et la mesure des choses, disait-il que « le grand comédien est un pantin merveilleux dont le poète tient la ficelle » ; tandis que, s’il vivait de nos jours, il lui faudrait penser que c’est, maintenant, dans beaucoup de cas, tout le contraire qui arrive, le comédien tenant le plus souvent la ficelle du poète. […] On y rencontre tous les grands rôles, depuis le bandeau de la princesse coupable jusqu’à la mèche fatale du ténébreux poète. […] » — voilà le meilleur compliment que puisse espérer, à l’heure présente, un jeune poète ou un jeune romancier.

1523. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Molière, poète de la cour de Conti, avait donc beau jeu pour mettre sur le théâtre de Béziers sa comédie des Précieuses ridicules. […] Une précieuse fait l’éloge de Corneille, une autre qui préfère Benserade, poète plus galant et homme de cour, une troisième prend le parti de Chapelain. […] Il pouvait savoir par le prince et la princesse de Conti, dont il avait été le poète et le directeur des spectacles, que la cour avait été importunée du bruit elle nouvelle école si opposée à ses traditions et à ses habitudes. […] Molière, intéressé comme poète et comme comédien à plaire aux gens de cour et aux gens du monde, avait pu se laisser aller à leur aversion pour les mœurs opposées aux leurs : cette facilité était l’esprit de son état. […] N’est-ce pas faire payer cher au poète l’esprit qu’on veut bien lui prêter, que de le dépouiller de celui qu’il a ?

1524. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Sainte-Beuve était un poète, et même si original que Baudelaire et Coppée dérivent de lui. […] Dans tout poète, dans tout moraliste, dans tout philosophe même, il aperçoit des manières de sentir, ou voluptueuses ou mystiques, ou dégradantes ou exaltantes. […] Ainsi commence le travail qui va donner au romancier, au poète, au dramaturge, à l’essayiste, ce qu’il faut appeler sa place historique. […] « Aimons les livres, comme l’amoureuse du poète aimait son mal… Ceux qui lisent beaucoup de livres sont comme les mangeurs de hachisch. […] Il a su le droit et la chicane comme il savait les poètes, les romanciers, les essayistes de son époque et de toutes les époques, les mémorialistes aussi.

1525. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Il contemple Cosette ; la description de l’enfant souffreteuse et grelottante est d’une vérité et d’une sensibilité qui n’appartiennent qu’au grand poète des petits enfants, Victor Hugo. C’est là sa note de prédilection ; poète toujours, père avant tout, c’est sa nature. […] Cela détruirait l’intérêt comme cela détruit la vraisemblance, si l’admirable don de peindre du poète ne ressaisissait pas à l’instant son lecteur par l’admiration et l’enthousiasme, et ne lui faisait en quelques pages oublier le chemin pour le but. […] Chez Victor Hugo, l’idéal marche avant tout ; voilà pourquoi nous sommes, en politique, moins hardi et moins poète que lui. […] Mais, malgré l’étrangeté de cette invention du poète, cela touche, parce que cela est bon : ces pauvres enfants de la Thénardier, sans feu, sans pain et sans asile, rappellent ces couvées de petits chiens qu’on voit dans la cage des lions, réchauffés par la gueule du monstre.

1526. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

J’ai envoyé un éclaireur, pas de ruses à craindre : nous sommes munis contre les surprises. » L’Éclaireur annoncé revient du camp des Argiens : Eschyle a fait de lui un poète plus grand encore que le Messager de ses Perses. […] Le poète se complaît à peindre en eux l’ostentation de la force, la pompe et la jactance de la guerre. […] Il les a créés par l’invention de ses poètes, et il envoie ces lions émissaires, chargés, non point des péchés du peuple, comme le Bouc d’Israël, mais des griefs de l’humanité souffrante, rugir contre le ciel à sa place. […] Il avait et semble encore avoir — Dieu en dédain, et il ne semble guère qu’il le prie1 » Virgile, poète pieux entre tous, ne peut que réprouver l’impie Capanée, et Dante accepte sa réprobation. […] Après avoir indiqué Antigone d’un trait hâtif et superbe, il l’a léguée au poète qui devait en faire son plus pur chef-d’œuvre.

1527. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Le poète a conçu et a voulu exprimer que, dans une âme mauvaise, un effort énergique de volonté, appuyé sur certains sentiments, la lassitude, la désillusion, le dégoût, pouvait engendrer la générosité. […] Cependant ce sont là des exemples pris de la littérature classique, et l’on ne trouvera point extraordinaire que, jusque dans leurs écarts apparents, les poètes du xviie  siècle aient, au fond, respecté les règles universellement admises en France de leur temps. […] Mais l’écrivain, qui est poète et philosophe, y sent un rapport profond : le même soleil éclaire la froide Irlande, l’humide Bretagne, l’Inde ardente ; sur toutes les joies et toutes les douleurs de ces êtres, qui s’aiment, se regrettent, s’espèrent, il brille indifférent et verse également sa tranquille lumière.

1528. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Aussi dessine-t-il des caractères vraisemblables, en indications rapides, un peu sommaires ; voilà pourquoi ses tragédies gagnent à être vues plutôt que lues, s’il y a un bon acteur pour compléter l’esquisse tracée par le poète. […] Jamais je ne trouve dans son théâtre un mot qui soit pour la vérité d’abord ; je sens que ce poète vise toujours un point de l’esprit du public ; la vérité s’y rencontre, si elle peut. […] Ces intentions doctrinales, cette prédication, ces maximes, ces personnages qui sont ou des abstractions personnifiées ou les porte-parole du poète, nous refroidissent aujourd’hui les tragédies de Voltaire.

1529. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Quel rapport y a-t-il, dit Bacon, entre les mensonges des poètes et ceux des marchands ? […] Cette critique de Lamotte n’est peut-être pas sans fondement ; mais que dire contre un poète qui, par le charme de sa sensibilité, touche, pénètre, attendrit votre cœur, au point de vous faire illusion sur ses fautes, et qui sait plaire même par elles ? […] Je ne sais pourquoi La Fontaine fait souvent le mot poète de deux (trois ?)

1530. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Cela est certain, tout investigateur, tout Allemand qu’il paraît être, Blaze de Bury n’aurait pas songé à faire un livre sur tous ces égaux, sur tous ces Ménechmes dans la bravoure folle, la rapacité, l’orgueil, les vices conquérants ou tyrans de la vie, et finalement dans l’oubli des hommes, si (nous le répétons) la figure du dernier des Kœnigsmark n’avait appelé réellement un peintre comme elle appelle encore un poète, comme elle appelle un historien. […] Blaze de Bury n’a été ni assez historien, ni assez moraliste, ni assez poète, pour traiter ce sujet, révélé dernièrement par des curieux allemands et anglais, des alchimistes historiques qui cherchent l’inconnu et le trouvent parfois. […] Seulement, tel qu’il est, ce trumeau, il est impossible qu’un jour ou l’autre la page d’histoire inconnue qu’il représente ne tente pas l’imagination d’un poète ou la sagacité d’un penseur.

1531. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Lamartine est raillé, à nombre de pages, sous sa double espèce de poète et d’homme politique. De Vigny, le troisième grand poète de l’époque, et d’un idéal qui aurait dû attirer un esprit qui ne parle que d’idéal, est traité de poète « musqué, pincé, poudré »… Ah !

1532. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Des deux poètes, de l’indien et de l’arabe, chez lesquels ce que nous appelons l’individualité de l’inspiration manque également, le plus original, le plus remarquable, c’est encore Mahomet, même pour nous qui avons lu des poètes comme Shakespeare et Dante, et qui savons ce que c’est que cette chose inconnue en Orient : la Profondeur. […] de passage pareil, pour l’émotion, la main plongée au cœur, le secret de la passion, l’empire enfin sur la sensibilité humaine, vous n’en trouverez pas dans tout le long poème de Valmiki, lequel peut bien être un mystagogue, un fakir, un thériaki, tout ce qu’il y a de plus prisé et de plus estimé aux Indes, mais qui n’est pas un poète, du moins dans le sens inspiré que les hommes, depuis qu’on chante leur bonheur, leur gloire et leur misère, ont donné à ce titre-là.

1533. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

Ce fut ma bienvenue et mon bouquet de fête De te trouver logé dans le même poète. […] Et nous vécûmes là… (dans le poète, — comme aux Petites-Maisons !) […] — d’avoir obtenu du bon Dieu des poètes la grâce de devenir, le temps d’un livre, Victor Hugo en ses vieux jours.

1534. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

Cette grâce, cette expression douce et légère qui embellit en paraissant se cacher, qui donne tant de mérite aux ouvrages et qu’on définit si peu ; ce charme qui est nécessaire à l’écrivain comme au statuaire et au peintre ; qu’Homère et Anacréon eurent parmi les poètes grecs, Apelle et Praxitèle parmi les artistes ; que Virgile eut chez les Romains, et Horace dans ses odes voluptueuses, et qu’on ne trouva presque point ailleurs ; que l’Arioste posséda peut-être plus que le Tasse ; que Michel-Ange ne connut jamais, et qui versa toutes ses faveurs sur Raphaël et le Corrège ; que, sous Louis XIV, La Fontaine presque seul eut dans ses vers (car Racine connut moins la grâce que la beauté) ; dont aucun de nos écrivains en prose ne se douta, excepté Fénelon, et à laquelle nos usages, nos mœurs, notre langue, notre climat même se refusent peut-être, parce qu’ils ne peuvent nous donner, ni cette sensibilité tendre et pure qui la fait naître, ni cet instrument facile et souple qui la peut rendre ; enfin cette grâce, ce don si rare et qu’on ne sent même qu’avec des organes si déliés et si fins, était le mérite dominant des écrits de Xénophon. […] C’est celle d’un vieillard plein de sens, accoutumé au spectacle des choses humaines, qui ne s’échauffe pas, ne s’éblouit pas, admire avec tranquillité et blâme sans indignation ; sa marche est mesurée, et il ne la précipite jamais : semblable à une rivière calme, il s’arrête, il revient, il suspend son cours, il embrasse lentement un terrain vaste ; il sème tranquillement, et comme au hasard sur sa route, tout ce que sa mémoire vient lui offrir ; enfin partout il converse avec son lecteur : c’est le Montaigne des Grecs ; mais il n’a point comme lui cette manière pittoresque et hardie de peindre ses idées, et cette imagination de style que peu de poètes même ont eue comme Montaigne. […] Lucien, en se promenant, rencontre un poète qui travaillait à l’éloge d’Homère ; lui, de son côté, rêvait à l’éloge de Démosthène.

1535. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Aujourd’hui, le poète manqué s’imagine écrire en prose. […] Laissons le poète définir lui-même ce délice insaisissable. […] Chez Daniel Lesueur, le poète est moins méprisable que le romancier. […] Jean Bertheroy fut sacrée poète par François Coppée et applaudie par Hugues Le Roux. […] Comme le poète, elle aura tort devant la réflexion équitable, raison devant notre émotion.

1536. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Je vois au contraire que le renouvellement des lettres a produit une quantité prodigieuse de poètes latins, que nous avons la bonté d’admirer : d’ou peut venir cette différence ? […] Si une liste de rimes peut quelquefois faire naître une idée heureuse à un excellent poète, en revanche un poète médiocre ne n’en sert que pour mettre la raison et le bon sens à la torture. […] Ces dictionnaires, j’ose le dire, me paraissent fort inutiles, à moins qu’ils ne se bornent à marquer la quantité et à recueillir sous chaque mot les meilleurs passages des excellents poètes. […] L’harmonie est sans doute l’âme de la poésie, et c’est pour cela que les traductions des poètes ne doivent être qu’en vers : car traduire un poète en prose, c’est le dénaturer tout à fait, c’est à peu près comme si l’on voulait traduire de la musique italienne en musique française. […] L’affectation du style paraît surtout dans la prose de la plupart des poètes : accoutumés au style orné et figuré, ils le transportent comme malgré eux dans leur prose ; ou s’ils font des efforts pour l’en bannir, leur prose devient traînante et sans vie : aussi avons-nous très peu de poètes qui aient bien écrit en prose.

1537. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Il a traduit ou imité en vers des fables du poëte russe Kriloff : on trouve une de ces imitations imprimée dans l’Anthologie russe qu’a publiée M. […] Ainsi, par exemple, quand il nettoie machinalement le portrait, et que son âme, durant ce temps, s’envole au soleil, tout d’un coup elle en est rappelée par la vue de ces cheveux blonds : « Mon âme, depuis le soleil où elle s’était transportée, sentit un léger frémissement de plaisir ;… » en imposer pour imposer ; sortir de sa poche un paquet de papier… Mais c’est assez : je tombais l’autre jour sur une épigramme du spirituel poëte épicurien Lainez, compatriote du gai Froissart et contemporain de Chapelle, qu’il égalait au moins en saillies ; il se réveille un matin en se disant : Je sens que je deviens puriste ; Je plante au cordeau chaque mot ; Je suis les Dangeaux à la piste ; Je pourrais bien n’être qu’un sot. […] Il écrivait en style moins lyrique à un ami, en se faisant tout petit, non sans malice : « Dans l’impossibilité où je suis de comprendre cette faculté (du poëte) et pour ne pas avouer cette supériorité dans les autres, je pense que les poëtes ont quelque chose dans le poignet qui change la prose en vers à mesure qu’elle passe par là pour se rendre de la tête sur le papier ; en sorte qu’un poëte ne serait qu’une filière plus ou moins parfaite. […] J’avoue même que ce mauvais succès me laissa quelques doutes sur la vérité de mon système. » — Si faux que soit le système, il ne s’appliquerait pas mal à plus d’un soi-disant poëte, et tel auteur de grande épopée, comme Parseval, nous en pourrait dire quelque chose.

1538. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

La critique ainsi faite, l’histoire littéraire ainsi arrosée par des sources secrètes reparues à temps et largement brillantes au soleil, ressemblerait dans ses plus heureuses perspectives à ces fertiles contrées merveilleusement touchées par le poëte : A l’horizon déjà, par leurs eaux signalées, De Luze et d’Argelès se montraient les vallées166. […] Le poëte, sous le critique, se retrouve, et ne fait qu’un avec lui par l’esprit et la vie, et le sens propre qu’il découvre et rend aux choses à chaque moment. […] On a dit quelque part que le poëte, c’est celui qui ne sait pas, mais qui devine, qui sent et qui rend. […] il n’y a pas de naufrage là où se retrouvent justifiées et couronnées toutes les plus nobles espérances ; ou bien alors, pour parler avec le poëte, c’est un naufrage victorieux. […] Combien la sensibilité du poëte s’y trahit sous l’esprit !

1539. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Le poëte suppose que le jeune Télémaque, fils d’Ulysse et de Pénélope, conduit par la Sagesse sous la forme d’un vieillard nommé Mentor, navigue sur toutes les mers de l’Orient à la recherche d’Ulysse, son père, que la colère des dieux repousse pendant dix ans de la petite île d’Ithaque, son royaume. […] Il se refusa à condamner, comme théologien, ce qu’il admirait comme homme, comme poëte et comme ami. […] Tout fit écho à cette douce voix d’un pontife législateur et poëte, qui venait instruire, consoler et charmer le monde. […] La témérité, la noirceur et l’ingratitude furent imputées à l’imagination d’un poëte, qui n’avait d’autre tort que d’avoir rêvé et peint plus beau que nature. […] Il mourut en saint et en poëte, en se faisant lire, dans les cantiques sacrés, les hymnes les plus sublimes et les plus douces qui emportaient à la fois son âme et son imagination.

1540. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Il a beau fulminer contre Ronsard ; il conserve la moitié de l’idéal de la Renaissance  ; il érige en principe l’imitation des auteurs de la Grèce et de Rome ; il maintient les genres littéraires créés par eux ; il prescrit l’emploi de la mythologie ; il en fait une condition vitale du poème épique ; il invite les faiseurs d’odes à prendre Pindare pour modèle et il abritera sous l’autorité du poète thébain les hardiesses prudentes (oh combien prudentes !) […] D’une part, la réserve que chacun s’impose empêche le poète d’épancher ses joies et ses douleurs en effusions sincères. […] Boileau adresse aux poètes ce conseil : Aimez donc la raison ; que toujours vos écrits Empruntent d’elle seule et leur lustre et leur prix. […] S’il existe encore des poètes plus hardis, plus aventureux, ils ne sont appréciés qu’à demi. […] Les poètes ont sauté par-dessus les barrières qu’avaient élevées les critiques d’autrefois.

1541. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Le poète avait, comme à plaisir, accumulé les obstacles sur son champ de combat : situations scabreuses, scandales à tourner, justes scrupules à vaincre, objections toutes prêtes à surprendre. […] Un mot de trop ou un mot de moins, et la chute de son héroïne pouvait entraîner celle du poète. […] Qu’on se récrie tant qu’on voudra contre ce phénomène humiliant ; puisqu’il existe dans la nature humaine, le droit du poète est de le montrer. […] Le poète est entré dans le paroxysme ; il y reste et s’y maintient jusqu’au bout. […] Mais, au point où le poète a poussé la frénésie de son démoniaque, on comprend qu’il ne lui ait fallu rien de moins que l’évocation d’un cadavre, rien de moins que l’image de cette petite morte retirée de l’eau pour lui faire recouvrer la raison et le sens moral.

1542. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Le poëte a sa palette comme le peintre, ses nuances, ses passages, ses tons, il a son pinceau et son faire ; il est sec, il est dur, il est cru, il est tourmenté, il est fort, il est vigoureux, il est doux, il est harmonieux et facile. […] Le poëte a dit : monte decurrens velut amnis, … etc. qui est-ce qui ose imiter Pindare ? […] Sans ce mérite un poëte ne vaut presque pas la peine d’être lu ; il est sans couleur. […] Il faut voir le tourment, l’inquiétude, le chagrin, le travail du poëte lorsque cette harmonie se refuse. […] Ne dites pas d’un poëte sec, dur et barbare, qu’il n’a point d’oreille, dites qu’il n’a pas assez d’âme.

1543. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Mais les enfants terribles, mais le pâle voyou du grand poëte, à la voix rauque, au teint jaune comme un vieux sou, Charlet a le cœur trop pur pour voir ces choses-là. […] En résumé : fabricant de niaiseries nationales, commerçant patenté de proverbes politiques, idole qui n’a pas, en somme, la vie plus dure que toute autre idole, il connaîtra prochainement la force de l’oubli, et il ira, avec le grand peintre et le grand poëte, ses cousins germains en ignorance et en sottise, dormir dans le panier de l’indifférence, comme ce papier inutilement profané qui n’est plus bon qu’à faire du papier neuf. […] Ce n’est pas un suicide de poëte qui veut être repêché et faire parler de lui. […] Je me rappelle qu’un poëte lyrique et païen de mes amis en était fort indigné. […] Il dessine richement et spirituellement et sa caricature a, comme tout ce qu’il fait, le mordant et la soudaineté du poëte observateur.

1544. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Les témoignages des historiens, des poètes, n’y font pas faute ; les chants si gracieusement gothiques à la vierge, que le révérend père Chrysostome colin, gardien des capucins de Pontarlier, allait chantant dans ses tournées évangéliques, et qui lui étaient arrivés quasi du xiiie  siècle en droite ligne, au bon père, sont enregistrés avec soin. […] Dans une dernière pièce, intitulée les Bluets, il compare ses vers à cette simple fleur, qui suffit à la bergère : De même il en advient pour tes vers, ô poète !

1545. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Il se propagea de même, mais il se corrompit, parmi les romanciers grecs du Bas-Empire et chez quelques poètes latins en Occident62. […] Mais ici se présente un autre avantage du poète chrétien : si sa religion lui donne une nature solitaire, il peut avoir encore une nature habitée.

1546. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 22, quelques remarques sur la poësie pastorale et sur les bergers des églogues » pp. 171-178

Vida évêque d’Alba dans le seiziéme siecle, et poëte si connu par l’élegance de ses vers latins, nous dépeint les païsans ses compatriotes et ses contemporains tels à peu près que ceux sur lesquels il dit que Virgile avoit moulé les personnages de ses églogues. […] On sent dans tous leurs vers un poëte plus glacé qu’un vieil eunuque.

1547. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

… Si j’avais été poète, j’aurais mis cela en vers, ce qui m’eût soulagé. […] Enfin, une Providence ingénieuse a voulu qu’au moment de votre troisième voyage en France le président de la République portât justement le nom d’un de vos poètes, de Saadi, le poète des roses. […] Je suis ravi de constater une fois de plus que ce poète incomparable fut un homme excellent. […] Ce poète préféré de J. […] « Obstacle éperdu », surtout, porte bien la marque du poète des Contemplations.

1548. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

— Et le triomphe de cette beauté c’est qu’enfin toi, poète, toi le miroir des rythmes divergents, tu la comprennes. […] Tu es un poète : et l’expérience prouve que, malgré leurs contradictions, les poètes servent l’espèce en lui infusant la beauté. […] Tu diras ce que tout le monde pense sans oser le dire ; et, pour cela, tes frères les poètes te renieront. […] Ô poète, tu me fus l’Océan capricieux qui gonfle ses flots à l’appel de la lune. […] Vous êtes poète, Monsieur ?

1549. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Nous savons que depuis quelque temps un engouement posthume se manifeste en faveur du grand poëte anglais, et que M.  […] Il a, de plus, la rime tragique aussi bien que comique, et il est poëte de la famille d’Eschyle autant qu’il est poëte de la famille de Plaute ou d’Aristophane, c’est-à-dire universel ; par là même, il est poëte plus haut que Molière ; car la vraie poésie monte et descend, elle plane dans sa liberté partout où il lui plaît de s’élever. […] Ce fut la source des malheurs du poëte, on l’accusa calomnieusement d’aimer dans cette enfant sa propre fille et plus tard de l’avoir épousée. […] On a dit encore que Boileau préférait la prose de Molière à ses vers, et l’on a oublié qu’il l’a loué comme grand poëte dans la satire qu’il lui a adressée. […] Quel sublime comique le poëte a tiré ici du combat des deux passions hideuses qui agitent ce scélérat !

1550. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Depuis ce Poëte divin, quelle foule de grands hommes la Grèce n’a-t-elle pas produits ? […] Virgile lui-même, le seul Poëte digne de traduire Homère, éprouva les mêmes difficultés. […] Les succès du jeune Poëte, furent en peu de temps si brillans & si rapides, qu’ils excitèrent la jalousie de Corneille. […]   On lui fait cependant un crime aujourd’hui de ses Satires ; on ne le traite que de versificateur, quoiqu’il soit un Poëte de génie & un très-grand Poëte. […] Est-il Poëte ?

1551. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

On peut être littérateur, sans être du tout historien, sans être décidément poëte, sans être romancier par excellence. […] Le poëte recherche les sentiers de traverse le plus souvent ; le romancier s’oublie au cercle du foyer, ou sur le banc du seuil devant, lequel il raconte. […] Il y a plus : poëte, romancier, préfacier, commentateur, biographe, le littérateur est volontiers à la fois amateur et nécessiteux, libre et commandé ; il obéira maintes fois au libraire, sans cesser d’être aux ordres de sa propre fantaisie. […] Et d’abord, si sincère qu’il se montrât dans le transport d’expression de ses douleurs juvéniles, il était trop poëte pour que son imagination, à certains moments, ne les lui exagérât point beaucoup, et, à d’autres moments aussi, ne les vint pas distraire et presque guérir. […] Comme, après tout, la prétendue Clotilde est un poëte de l’école poétique moderne, un bouton d’églantine éclos en serre à la veille de la renaissance de 1800, il convenait à Nodier, ce précurseur universel, d’y toucher du doigt.

1552. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

— il ne fut pas plus grand que Delacroix ; même, entre les poètes qui l’ont suivi, précédé, tels apparaissent, qui eurent des visions plus cohérentes, une forme plus précise, plus impeccable… C’est que Victor Hugo fut le combattant, et fut le théoricien ; c’est qu’il eut, éminemment, les procédés extérieurs de l’école ; c’est qu’il soumit à son génie tout, poésie, drame, roman, satire, épopée, histoire. […] À la fois poète et musicien, il contient à lui seul autant d’Allemagne que le poète Goethe et le musicien Beethoven. […] Oui, j’en suis persuadé, une gloire aussi grande que légitime, une gloire d’une espèce nouvelle, est réservée en France au musicien de génie, — car, du génie, il en faut toujours un peu, — qui, le premier, s’étant profondément imprégné de la double atmosphère musicale et poétique éparse dans nos légendes et dans nos chansons, et, le premier aussi, ayant accepté de la théorie wagnérienne tout ce qu’elle a de compatible avec l’esprit de notre race, réussira enfin, seul ou aidé par un poète, à délivrer notre opéra des entraves anciennes, ridicules ou démodées. […] Schopenhauer, qui était parti de l’Art, se rencontre de nouveau, dans cette conclusion, avec les poètes tragiques de tous les temps. […] Cependant, les poètes du siècle passé avaient pressenti le rôle de la Musique ; Schiller écrivait, en 1797, à Goethe : « j’ai toujours eu confiance que de l’opéra, comme autrefois des chœurs des antiques fêtes dionysiaques, surgirait une plus noble forme de tragédie. » C’est Beethoven qui rendit la musique capable de faire ce qu’on attendait d’elle, et Wagner est le grand disciple de Beethoven, l’héritier direct des poètes classiques.

1553. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

On raconte que la poésie idyllique ou bucolique, comme on l’a entendue depuis, fut inventée en Sicile par un berger poète, Daphnis : c’est le beau bouvier Daphnis qui, chez Théocrite, remporte le prix du chant et gagne contre Ménalque la flûte à neuf tuyaux ; c’est lui qui chante ce ravissant couplet où se résume tout le thème, où respire toute la félicité et la douceur du genre : « Que ce ne soit point la terre de Pélops, que ce ne soient point des talents d’or que j’aie à cœur de posséder, ni, au jeu de la course, d’aller plus vite que les vents ! […] Théocrite venu tard, et le dernier des beaux noms de poètes, a cultivé et développé à part, avec Bion et Moschus, cette branche oisive, jusque là un peu éparse et flottante, à laquelle il a eu l’art, en la travaillant, de laisser pourtant toute sa saveur agreste et naturelle. […] C’est Daphnis et Chloé dans leur nudité, mais traduits par un peintre poète qui a lu Paul et Virginie. […] Egger (1862), le chapitre intitulé : De la Poésie pastorale avant les poètes bucoliques.

1554. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Quelle source inépuisable de jets lyriques les plus puissants et les plus fougueux qui soient sortis d’un cœur moderne de poète ! […] L’insurrection éclatant, nul donc plus que le grand poète, à la fois généreux et sceptique, ne contribua à enflammer l’enthousiasme européen, surtout quand on le vit partir de l’Italie dans l’été de 1823 et donner le signal du dévouement en payant de sa personne. […] Un poète le premier, Alfred de Musset, s’avisa qu’on avait trop chanté sur cette corde, et le cruel enfant, dès les premiers couplets de Mardoche, ne manqua pas de nous montrée son héros prenant, comme de juste, le rebours de l’opinion, et aimant mieux la Porte et le sultan Mahmoud Que la chrétienne Smyrne, et ce bon peuple hellène, Dont les flots ont rougi la mer Hellespontienne, Et taché de leur sang tes marbres, ô Paros ! […] En un mot, pour faire un État il faut un homme d’État, comme pour faire un poème il faut un poète.

1555. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

On sourit quand un poète est décoré comme chef de bureau. Mais tous les poètes, et tous les artistes, sont décorés comme tels, comme fonctionnaires plus ou moins des Beaux-Arts. […] Jules Renard excelle à nous le suggérer, par une incantation sienne, qui spécifiquement vaut celle des poètes.

1556. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

Il dit qu’un poëte Grec ou Latin, dépouillé de son principal charme, la mesure & l’harmonie, n’est plus reconnoissable ; que les habillemens à la moderne, qu’on peut lui donner, peuvent être tous très-beaux, mais que ce ne seront jamais les siens ; qu’on l’imitera, mais qu’on ne le rendra jamais au naturel ; que notre poësie, avec ses rimes, ses hémistiches toujours semblables, l’uniformité de sa marche, &, si on ose le dire, sa monotonie, ne sçauroit représenter la cadence variée de la poësie des anciens ; qu’enfin il faut apprendre leurs langues, lorsqu’on veut connoître leurs poëtes. […] Si nous en croyons certaines personnes judicieuses, il n’est point de poëte qu’on ne puisse traduire également bien en prose & en vers : tout dépend du talent du traducteur. […] On n’eut jamais parlé de Pellegrin comme traducteur, sans la jolie épigramme que fit La Monnoye, en voyant le texte du poëte Latin à côté de cette version : On devroit, soit dit entre nous, A deux divinités offrir ces deux Horaces ; Le Latin, à Vénus, la déesse des graces ; Et le François, à son époux.

1557. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Lord Byron, à lui seul, l’emporte, en intérêt littéraire et surtout en intérêt de nature humaine, sur tous ces Allemands sans passion ardente et profonde et qui n’ont de nature humaine que dans le cerveau… La vie de ce grand poëte, qui s’est élevé jusqu’au grand homme, est autre chose que celle de ces travailleurs en rêveries dont l’existence ressemble à une table des matières de leurs œuvres, dans laquelle elle tient… Pour tout homme, pour tout être si heureusement et si puissamment organisé qu’il soit, la vie de Byron est un sujet de critique et de biographie de la plus redoutable magnificence ; car Byron fut comme le plexus solaire du xixe  siècle, et tous les nerfs de la société moderne, cette terrible nerveuse, aboutissent à lui… Toucher à cet homme central, magnétique et vibrant, qui mit en vibration son époque, c’est toucher à l’époque entière… Jusqu’ici, ceux qui y ont touché s’y sont morfondus. […] … Toujours est-il qu’elle ne nous a donné sur le grand et douloureux poëte que des mots qui passent dans ses œuvres à elle, comme des éclairs. […] que dirait le grand poëte qui a écrit sur les bleues de son pays tant de choses d’une moquerie et d’une justesse meurtrières, en voyant un bas-bleu le raconter, le traduire, l’interpréter, vouloir creuser dans son âme et dans son génie !

1558. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Madame Sand et Paul de Musset » pp. 63-77

Mais c’est que la célébrité, la scandaleuse célébrité du poète des Nuits et de l’auteur de Lélia, qui mêla un jour l’éclat des fautes à l’éclat du talent, fait malheureusement tout croire et tout admettre avant d’avoir rien discuté. […] En effet, Laurent est un poète, comme Sténio, qui, disait-on, était déjà un portrait ; débauché comme Sténio, amoureux comme Sténio, bien plus de l’émotion de l’amour que de la femme aimée, recherchant cette émotion moins pour l’éprouver que pour la peindre, contradictoire comme un enfant et comme tant de génies, lorsque la religion, qui fait seule l’harmonie et l’ordre dans ces têtes sublimes et troublées, n’y verse pas la paix féconde et la lumière ! […] Eh bien, en face de ce type brillant et cependant commun dans sa rareté humaine (un poète débauché), madame Sand édifie une femme forte, contenue, résolue, raisonnable, dans laquelle on ne reconnaît guères le gamin des Lettres d’un voyageur, qui se nommait voyou si joliment lui-même autrefois !

1559. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Deux romans scandaleux » pp. 239-251

Mais c’est que la célébrité, la scandaleuse célébrité du poëte des Nuits et de l’auteur de Lélia, qui mêla un jour l’éclat des fautes à l’éclat du talent, fait malheureusement tout croire et tout admettre avant d’avoir rien discuté ! […] En effet, Laurent est un poète, comme Sténio qui, disait-on, était déjà un portrait, débauché comme Sténio, amoureux comme Sténio, bien plus de l’émotion de l’amour que de la femme aimée, recherchant cette émotion moins pour l’éprouver que pour la peindre, contradictoire comme un enfant et comme tant de génies, lorsque la religion, qui fait seule l’harmonie et l’ordre dans ces têtes sublimes et troublées, n’y verse pas la paix féconde et la lumière ! […] en face de ce type brillant et cependant commun dans sa rareté humaine (un poëte débauché), Mme Sand édifie une femme forte, contenue, résolue, raisonnable, dans laquelle on ne reconnaît guère le gamin des Lettres d’un voyageur, qui se nommait voyou si joliment lui-même autrefois !

1560. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Adrien, poète, peintre, architecte et historien, passa encore pour le premier orateur de son siècle. […] Ce poète, que quelques hommes ont trouvé ridicule, et que des milliers d’hommes ont trouvé sublime ; qu’on a déchiré avec excès, parce qu’on l’admirait avec fanatisme ; et qui a fait des partis et des sectes, comme tout ce qui ébranle fortement les hommes, régnait alors sur la poésie et l’éloquence, comme Platon sur la philosophie. […] n’écris pas pour un homme, mais pour les hommes : attache ta réputation aux intérêts éternels du genre humain : alors la postérité reconnaissante démêlera tes écrits dans les bibliothèques ; alors ton buste sera honoré et peut-être baigné de larmes chez des peuples qui ne t’auront jamais vu, et ton génie, toujours utile, selon la belle expression d’un de nos poètes, sera contemporain de tous les âges, et citoyen de tous les lieux.

1561. (1874) Premiers lundis. Tome II « Li Romans de Berte aus Grans piés »

Paris vient de faire de l’un des romans du cycle de Charlemagne, tel que le poëte Adenès l’a arrangé et rimé vers la fin du xiiie  siècle, nous nous garderons de revenir en rien sur une polémique déjà ancienne dans laquelle nous n’avions pas hésité à prendre parti. […] La pensée de notre jeune et savant collaborateur consistait à rechercher dans les anciennes épopées françaises, non pas seulement les imaginations plus ou moins gracieuses des conteurs et des poètes, non pas le mérite et l’agrément littéraire de leurs romans, mais les croyances diverses des populations, les récits historiques altérés, les invasions mythologiques qui avaient laissé des traces.

1562. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Préliminaires S’il est un fait établi par les lois les plus constantes de l’histoire, c’est que les grands poètes et les grands artistes n’ont pas été en leur temps des accidents fortuits, des phénomènes isolés. […] Notre grand poète comique Molière a été, l’un des premiers, livré à la curiosité de l’érudition.

1563. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une petite revue ésotérique » pp. 111-116

Les blêmes faces de rêve, les apôtres, les poètes échevelés, les prêtres de la nature, les contemplateurs pâles, tous les altérés d’infini sont des mages qui ont découvert « le sens caché de la nature ». […] C’est le Sagittaire que je fondai en juin 1900 avec l’appui des poètes romans et des amis de Paul Verlaine.

1564. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VI. Des éloges des athlètes, et de quelques autres genres d’éloges chez les Grecs. »

Les poètes immortalisaient la patrie et les noms de ces hommes robustes ; et les concitoyens d’Homère et de Platon, d’Euripide et de Socrate, chantaient dans les assemblées et sous les portiques d’Athènes, des vers destinés à célébrer la souplesse ou la force des muscles d’un lutteur. […] Il n’était pas préparé ; mais traversant en silence la foule du peuple, il se rendit au lieu où était la statue d’Homère ; là, posant les deux mains sur la base, il rêva quelque temps profondément, puis, comme inspiré par la statue du poète, il parla tout à coup avec la plus grande éloquence.

1565. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Addition au second livre. Explication historique de la Mythologie » pp. 389-392

Le même poète donne toujours aux rois l’épithète de πολύμηλους, riches en troupeaux. […] On distingue alors Vénus patricienne et Vénus plébéienne : la première est traînée par des ciguës, l’autre par des colombes, symbole de la faiblesse, et pour cette raison souvent opposées par les poètes, à l’aigle, à l’oiseau de Jupiter.

1566. (1894) Critique de combat

La fantaisie du poète suffit à fausser l’expérience. […] C’est un poète ! Pourquoi chicaner un poète sur son rêve de l’au-delà ? […] Le poète a vécu. […] C’est un poète qui a un nom et même qui le mérite.

1567. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

disait le poëte ; et c’est un souhait qui s’élève cent fois au fond de notre cœur. […] Se jetter dans les extrêmes, voilà la règle du poëte, garder en tout un juste milieu, voilà la règle du bonheur. […] Le jugement est la qualité dominante du philosophe ; l’imagination, la qualité dominante du poëte. — L’esprit philosophique est-il favorable ou défavorable à la poésie ? […] C’est le rôle du philosophe et du poëte. […] Mais comment, me direz-vous, le poëte, l’orateur, le peintre, le sculpteur, peuvent-ils être si inégaux, si différens d’eux-mêmes ?

1568. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

J’apprendrais avec plaisir ce que tu en penses, car tu arrives à l’âge que les poètes appellent le seuil de la vieillesse. […] « Je me souviens qu’étant un jour avec le poète Sophocle, quelqu’un lui dit en ma présence : — Sophocle, l’âge te permet-il encore de te livrer aux plaisirs de l’amour ? […] XX Le dixième livre est une invective philosophique contre les passions et contre les poètes ; contre Homère principalement, le plus grand de tous. On dirait que Platon est jaloux de la divine sagesse du poète, mille fois plus philosophe et plus politique que lui. […] Les supplices mêmes se ressemblent dans les deux visions du philosophe grec et du poète toscan ; on y retrouve jusqu’aux cercles inférieurs du Dante.

1569. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Le second groupe était celui des mondains, courtisans et femmes, avec quelques poètes et beaux esprits. […] Ce style de savant est un style de poète. Dans notre littérature classique, qui n’a guère eu de poètes lyriques que parmi ses grands prosateurs, selon le mot de Mme de Staël, Pascal est un des plus grands. […] Jamais il n’est plus poète, plus largement, plus douloureusement, ou plus terriblement poète que lorsqu’il se place en face de l’inconnaissable. « Le silence éternel des espaces infinis m’effraie. » Et ailleurs, toute cette poursuite, angoissée et superbe, de l’inaccessible infini et de l’inaccessible néant. […] Pascal est un grand poète chrétien, à placer entre sainte Thérèse et l’auteur inconnu de l’Imitation ; tant il a rendu avec force la poésie de la religion : non la poésie extérieure, mais la poésie intime, personnelle, qui coule de l’âme croyante et unie à son Dieu.

1570. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Mettons à l’actif du célèbre chef d’orchestre de l’Eden-Théâtre la reprise de cet éblouissant chef-d’œuvre, la Marche de Fête : « Or sur or », la blasonnait un jour le poète d’Hérodiade. […] Ces deux faits d’histoire ne contribuèrent pas peu à lui rendre sa couleur méridionale, à faire réapparaître, dans les récits merveilleux des poètes, des noms et des personnages empruntés à l’Orient. […] Celle-là remonte, pour sa part, aux plus anciens âges de l’humanité, toutes les civilisations eurent des poètes qui parlèrent de la question interdite, de ce doute qui tue le bonheur avec la foi. […] Mais son appréciation du drame et la sincérité de son admiration sans réserve, rachètent cette erreur du jeune poète, que n’eût certes pas commise un chroniqueur sachant la musique. […] La majeure partie du Titurel est attribuée au poète Albert de Scharfenberg ; cent soixante-dix strophes seulement seraient dues à Wolphram d’Eschenbach.

1571. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Le grand poète, l’homme de génie ne put faire absoudre le comédien. […] Si plus d’un trait des Fâcheux fait reconnaître le poète comique, il est une scène qui décèle le poète philosophe. […] Ce poète si pédantesque, ce Lysidas si plein de lui-même, selon la clef, c’était le jeune Boursault. […] Le jeune poète se mit à l’ouvrage. […] Le poète de cour chargea Molière de remplir la partie du cadre que devaient occuper Thalie et Euterpe.

1572. (1925) La fin de l’art

C’est comme cela maintenant que les muses voient leurs poètes et les bourgeois leurs épouses. […] Femme et poète, elle est aussi un écrivain. […] Ce ne serait plus le poète errant et malade, ce ne serait plus Verlaine. […] Un sieur Jannart, ami de Fouquet et parent de La Fontaine, ayant été prié de se retirer à Limoges, le poète l’y suivit. […] Magne, ne conteste sans doute le mérite particulier de ces deux poètes.

1573. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Le héros romantique, égaré en pleine fantaisie, retombe sur terre de tout le poids des faits observés : il se précise, il cherche à personnifier l’homme réel, non plus le rêve du poète dans une heure d’enthousiasme. […] Seulement il est des poètes qui aiment à montrer l’illusion nouvelle surgissant tout aussitôt, — car, si nos rêves comme les choses nous trompent et passent, le sentiment, qui avait produit notre attente, demeure ; — mais à notre époque, tout assombrie, tout oppressée de pessimisme, on aime à méditer sur le rêve qui s’est trouvé vide de sens. […] Alors un a poète pensé que l’épopée devait se transformer et s’appliquer à telle ou telle classe d’individus digne d’intérêt et de pitié, et Victor Hugo a écrit les Misérables. […] Les magnifiques scélérats à plumet vert, invoqués par George Elliot, tombent un peu dans le domaine de la fantaisie : ce sont pures arabesques d’imagination de poète. […] Mais ce réalisme-là est aussi vieux que la réalité, et sa poésie est l’éternelle, la première en date ; dans leurs meilleures inspirations, les poètes de tous les temps et de tous les pays n’en ont point connu d’autre.

1574. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

C’est la cruauté des poètes ; ils vous bercent, vous apaisent, puis d’un mot, avivent la plaie qu’ils étaient en train de guérir. […] Mais le grand poète romantique n’eut pas ici le sens suffisant de la réalité. […] C’est l’histoire de Gavroche, le gamin inventé par le grand poète. […] C’est en quelque sorte le plan de l’Expiation, des Châtiments que le poète a suivi. […] Il avait dix-neuf ans ; sa figure et sa taille étaient vraiment de lignée raphaëlesque, et offraient l’idéal du poète adolescent.

1575. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Un poète m’a dit que Bernardin de Saint-Pierre écrivait mal. […] Grotius conseillait aux hommes d’État la lecture des poètes tragiques. […] L’expression et le style sont d’un grand poète. […] Ce procédé échappe souvent à la critique, et les poètes eux-mêmes ne s’en rendent pas toujours compte. […] « Je m’écriai tout de suite en la lisant : Voilà le poète !

1576. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

» Il n’est pas poète dramatique, ou moraliste, ou romancier. […] Il vit assez vite, non point qu’il n’était pas poète, mais qu’on ne goûtait pas sa poésie. […] C’est l’imagination du poète comique. […] Il méprise les poètes, épiques, lyriques, élégiaques, pêle-mêle, surtout les lyriques26, ne faisant grâce qu’aux poètes dramatiques, ces « maîtres des passions » parce que nos poètes dramatiques sont surtout des moralistes et des orateurs. — Les quatre plus grands poètes sont pour lui Platon, Malebranche, Montaigne et Shaftesbury, opinion où il y a du vrai, et beaucoup d’inattendu. […] Cela tient à ce qu’il n’était pas poète et à ce qu’il se sentait très bon écrivain.

1577. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VI. Recherche des effets produits par une œuvre littéraire » pp. 76-80

À la fin du xviie  siècle, à partir de 1685 environ, quand le génie du poète a été sacré par la mort, sa mémoire se relève, témoin Crébillon père qui le prend pour modèle et Fontenelle qui le vante par esprit de famille. […] Vive le poète patriote, qui a créé l’âme du vieil Horace !

1578. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Ces défauts de la scène étoient inséparables de l’imagination étonnante du poëte, de l’élévation & de la fierté de son ame, de sa manière de concevoir & de rendre fortement & vivement les choses. […] Ce poëte, si souvent vainqueur en toutes sortes de combats d’esprit, accoutumé depuis long-temps aux acclamations de ses concitoyens, s’étoit fait un besoin de leurs éloges, & n’en vouloit que d’exclusifs.

1579. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Nous sommes encore à comprendre comment un poète a pu se tromper au point de substituer à cette description un lieu commun sur les langueurs monastiques. […] Héloïse, philosophant sur les faibles vertus de la religion ne parle ni comme la vérité, ni comme son siècle, ni comme la femme, ni comme l’amour : on ne voit que le poète, et, ce qui est pis encore, l’âge des sophistes et de la déclamation.

1580. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions » pp. 435-443

D’ailleurs, la profession du poëte dramatique, est de peindre les passions telles qu’elles sont réellement sans exagerer les chagrins qui les accompagnent, et les malheurs qui les suivent. […] Le poëte prétend seulement nous inspirer les sentimens qu’il prête aux personnages vertueux, et encore ne veut-il nous faire épouser que ceux de leurs sentimens qui sont loüables.

1581. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « Préface »

Après les Philosophes, viendront les Historiens ; après les Historiens, les Poètes ; après les Poètes, les Romanciers ; après les Romanciers, les Femmes (les Bas-Bleus du xixe  siècle) ; après les Femmes, les Voyageurs ; après les Voyageurs, les Critiques, et ainsi de suite, de série en série, jusqu’à ce que le zodiaque de l’esprit humain ait été entièrement parcouru !

1582. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Les premiers peuples furent poètes naturellement et nécessairement. […]  Les poètes théologiens ont été le sens (ou le sentiment), les philosophes ont été l’intelligence de l’humanité.

1583. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Comment Jonson reste poëte jusque sur son lit de mort. […] Ainsi, dans les drames qu’on vient de citer, le poëte parfois atteint au sommet de son art, rencontre un personnage complet, un éclat de passion sublime ; puis il retombe, tâtonne parmi les demi-réussites, les figures ébauchées, les imitations affaiblies, et enfin se réfugie dans les procédés du métier. […] Le poëte a pris une qualité abstraite, et, construisant toutes les actions qu’elle peut produire, il la promène sur le théâtre en habits d’homme. […] On n’exige pas qu’un poëte étudie de pareilles âmes ; il suffit qu’il découvre en elles trois ou quatre traits dominants ; peu importe si elles s’offrent toujours dans la même attitude ; elles font rire comme la comtesse d’Escarbagnas ou tel Fâcheux de Molière ; on ne leur demande rien de plus. […] Mais il se relève d’un autre côté ; car il est poëte ; presque tous les écrivains, les prosateurs, les prédicateurs eux-mêmes le sont en ce temps-là.

1584. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Personnellement, j’avoue que je m’accommoderais mal d’être reconnu officiellement romancier par Mme Daniel Lesueur, garanti poète par Mme la duchesse de Rohan, ou sacré… tout ce que vous voudrez par M.  […] Le prix Goncourt est très utile : il a mis en lumière en 1903 John-Antoine Nau, grand poète et notre meilleur romancier. […] Quel prosateur, quel poète ont-ils révélé ? […] Le poète peut composer en accomplissant une besogne pour vivre. […] … Mais cela m’amuse de penser que tous ces poètes, poétards et poétaillons, ces prosateurs d’art, ces nobles écrivains, ces esprits libérés, etc., nous méprisent, nous autres, les journalistes !

1585. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

  Vous fûtes un poète, un soldat, le seul Roi De ce siècle où les rois se font si peu de chose Et le martyr de la Raison selon la Foi. […] Sous le coup d’un irrésistible amour, dans l’embrasement de ses désirs, le poète sentit surgir l’étonnante tragédie du profond de son âme. […] Il est peu de génies aussi suggestifs que Richard Wagner ; il en est peu d’aussi complexes : n’est-il pas poète avant d’être musicien ? […] L’intérêt croît avec l’ardeur des deux amants, depuis le réveil de Brünnhilde jusqu’à ce duo passionné où le génie du poète a su rendre toute la grandeur, toute la sublimité et jusqu’à la fatalité de l’amour. […] Quel qu’il soit, le poète qui a fait Siegfried, le musicien qui a écrit le duo de Siegfried et de Brünnhilde, est aussi grand que les plus grands.

1586. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Voici les préludes, qui sont, on le verra, antérieurs à l’entrée en hiérarchie du poète : Assez tarder, mon Âme, et faire violence Aux penchants naturels d’un invincible essor ! […] Il s’est formé, depuis deux ou trois ans, une société de jeunes peintres, sculpteurs et poètes, dont plusieurs annoncent un mérite incontestable, mais qui comptent beaucoup trop sur les avantages de l’association et de la camaraderie en fait d’art. […] Quoiqu’on ait dit que le type du Giaour et du Corsaire avait été suggéré à Byron par Trelawney lui-même, j’ai peine à croire que ces types profonds ne préexistassent pas dans l’âme du poëte, et qu’ils ne surgissent point immédiatement de l’orage de ses propres pensées.

1587. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Ce moment qui suit la séparation est très-bien peint, et les couleurs qu’y a employées l’écrivain devenu poëte nous font entrer dans le génie de la race : « Tarass voyait bien que, dans les rangs mornes de ses Cosaques, la tristesse, peu convenable aux braves, commençait à incliner doucement toutes les têtes. […] Gogol me dit avoir trouvé à Rome un véritable poëte, un poëte populaire, appelé Belli, qui écrit des sonnet dans le langage transtévérin, mais des sonnets faisant suite et formant poëme.

1588. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Ce qui les tient, c’est bien le durus amor, celui qui, comme dit le poète Lucrèce :     … in silvis jungebat corpora amantûm. […] C’est ce qu’exprime avec force le poète Choulette, donnant en peu de mots la morale de cette histoire. « Les fautes de l’amour seront pardonnées, dit-il. […] Le poète Choulette est admirable.

1589. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Nul poète n’a autant varié la sienne par la césure et le repos de ses vers, par la manière dont il entremêle les grands et les petits, par celle dont il croise ses rimes. […] Ce sont là de ces traits qui n’appartiennent qu’à un grand poète. […] Tout ce que dit le poète, est exprimé avec autant d’exactitude que pourrait en avoir un philosophe qui écrirait en prose.

1590. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

D’un autre côté l’action du comédien s’appelloit aussi gesticulation, comme on peut le voir dans le récit de l’avanture du poëte Andronicus. […] quand vous m’écrivez, dit Ovide à un ami qui lui mandoit que Médée ou quelque autre piece de la composition de ce poëte étoit fort suivie, que le théatre est plein lorsqu’on y danse notre piece, et qu’on y applaudit à mes vers. […] D’ailleurs ce poëte ajoute en plaisantant, qu’il y a du mérite à couper la poularde et le liévre avec un geste varié et propre à chaque operation.

1591. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Il n’était point athée d’ailleurs, il n’était que sceptique, mais tellement poète qu’il se retrouvait catholique à certaines heures, — par exemple quand il entendait l’orgue dans les églises, — nous disent les mémoires de sa vie, — et plus profondément encore quand il écrivait ces strophes adorables (dans Don Juan) qui commencent par Ave Maria, la salutation angélique du soir, Shelley, lui, était un atheist froid, résolu, obstiné, au signe de la bête qu’il avait mis sur son front par-dessus le signe du génie ! […] Règle générale, il grandit tous ceux-là, poètes, philosophes, historiens, qui ont touché à la chose suprêmement utile pour Barot, c’est-à-dire à l’idée révolutionnaire, et révolutionnaire dans toutes les sphères ; car la Révolution va jusqu’à Dieu, quand elle ne commence pas par lui. Le moindre poète, le moindre philosophe, le moindre romancier qui se met, dans un coin de livre, en révolte contre la majestueuse société séculaire du passé que, dans les idées de Barot, le progrès est de détruire, prennent pour lui des proportions qu’en réalité ils n’ont pas.

1592. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

L’horrible et l’inepte oubli dans lequel est tombé Lamartine, le plus grand poète que la France ait jamais eu, vient de cet hébétement mortel du sens religieux. […] Pourquoi ce qui fut facile au grand poète du Paradis perdu, qui prit son mâle parti de l’obscurité, ne serait-il pas facile à un mystique qui est sur la terre exclusivement le poète de Dieu ?

1593. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Du reste, il n’y a pas que ce beau langage, à triple détente ou à triple illusion, qui fait croire peut-être aux savants qu’ils sont des poètes, — aux poètes qu’ils sont des savants, — et aux ignorants sans imagination (la foule) qu’ils sont des poètes et des savants tout à la fois, — il n’y a pas que cette langue confuse, qui plaît aux esprits troublés dont elle augmente le trouble, avec quoi l’on puisse expliquer la popularité de Humboldt et le prosternement général devant son génie.

1594. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Séducteur pour le compte de la tombe, Gravillon est un poète, et son imagination est une Armide qui nous enlace dans des guirlandes de fleurs funèbres. […] Là est l’erreur du moraliste dans le poète de la Fantaisie. […] Gravillon est un poète qui ne se classe dans aucun genre particulier et déterminé ; mais qu’importent les genres par où il passe !

1595. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Cet art, outre une imagination très vive et prompte à s’enflammer, supposait encore en eux des études très longues ; il supposait une étude raisonnée de la langue et de tous ses signes, l’étude approfondie de tous les écrivains, et surtout de ceux qui avaient dans le style, le plus de fécondité et de souplesse ; la lecture assidue des poètes, parce que les poètes ébranlent plus fortement l’imagination, et qu’ils pouvaient servir à couvrir le petit nombre des idées par l’éclat des images ; le choix particulier de quelque grand orateur avec qui leur talent et leur âme avaient quelque rapport ; une mémoire prompte, et qui avait la disposition rapide de toutes ses richesses pour servir leur imagination ; l’exercice habituel de la parole, d’où devait naître l’habitude de lier rapidement des idées ; des méditations profondes sur tous les genres de sentiments et de passions ; beaucoup d’idées générales sur les vertus et les vices, et peut-être des morceaux d’éclat et prémédités, une étude réfléchie de l’histoire et de tous les grands événements, que l’éloquence pouvait ramener ; des formules d’exorde toutes prêtes et convenables aux lieux, aux temps, à l’âge de l’orateur ; peut-être un art technique de classer leurs idées sur tous les objets, pour les retrouver à chaque instant et sur le premier ordre ; peut-être un art de méditer et de prévoir d’avance tous les sujets possibles, par des divisions générales ou de situations, ou de passions, ou d’objets politiques, ou d’objets de morale, ou d’objets religieux, ou d’objets d’éloge et de censure ; peut-être enfin la facilité d’exciter en eux, par l’habitude, une espèce de sensibilité factice et rapide, en prononçant avec action des mots qui leur rappelaient des sentiments déjà éprouvés, à peu près comme les grands acteurs qui, hors du théâtre, froids et tranquilles, en prononçant certains sons, peuvent tout à coup frémir, s’indigner, s’attendrir, verser et arracher des larmes : et ne sait-on pas que l’action même et le progrès du discours entraîne l’orateur, l’échauffe, le pousse, et, par un mécanisme involontaire, lui communique une sensibilité qu’il n’avait point d’abord. […] L’orateur, le philosophe et le poète devaient donc avoir l’âme bien plus exercée à Rome, et être bien plus réveillés par le mouvement et le choc des idées, qu’au fond de la Grèce et de l’Asie, où les impressions arrivaient affaiblies par la distance.

1596. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Être compris, pour un artiste, poète, peintre, musicien, statuaire, c’est être obligé. […] qui est-ce qui a été le plus poète de ces poètes ou de ce peintre ? […] Jamais aucun livre ne se répandit à un si grand nombre d’exemplaires dans la circulation de l’Europe ; jamais poète ou écrivain ne communiqua sa pensée à plus d’âmes à la fois dans le monde. […] Quel poète a soupiré comme ce peintre ? […] Ce groupe, qui fait contraster la mort et l’enfance, est digne, par l’expression des figures et par la naïveté des poses, de Corrége, ce poète des enfants.

1597. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Je l’ai vue cent fois chez le vieux poëte. […] Je vois une jouissance dans le poëte. […] Dans le poëte. […] Que le plus habile artiste, s’arrêtant strictement à l’image du poëte, nous montre cette tête si belle, si noble, si sublime dans l’ énéide, et vous verrez son effet sur la toile. […] Ces globes deviendront des points lumineux, comme ils sont autour de la tête d’une vierge, dans une assomption ; et quelle comparaison entre ces globes du poëte, et ces petites étoiles du peintre.

1598. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Les poètes du temps ont fait sur ce mariage forcé des vers imprimés sous Henri IV, et qui ne sont pas plus indélicats que ceux qu’on adressait cinquante ans auparavant à Diane de Poitiers, ou que ceux qu’on adressera un siècle et demi après à Mme de Pompadour. Ces poètes, en essayant de traduire les sentiments de Gabrielle, ne craignent pas d’employer les mots de chasteté et de pudeur, qui, dans leur langage, ne tirent pas à conséquence. […] Les poètes, qui célébraient à l’envi le tombeau de Gabrielle et le deuil du royal survivant, n’avaient pas encore achevé de rimer leurs stances et complaintes, qu’il était ou semblait consolé. […] Henri IV envoie une fois des vers à Gabrielle ; ce sont les stances célèbres : Charmante Gabrielle… Un littérateur belge73 a retrouvé dans un recueil manuscrit ancien le refrain : Cruelle départie… Henri IV ou ses poètes n’auront donc fait qu’emprunter à une chanson en vogue ce refrain qu’affectionnait peut-être Gabrielle, et ils l’auront adapté à des couplets nouveaux.

1599. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Jean Froissart, prêtre, chanoine et trésorier de l’église collégiale de Chimay, historien et poète, naquit à Valenciennes en Hainaut, non pas vers l’an 1337 comme le dit Sainte-Palaye (si excellent guide d’ailleurs), mais en 1333, selon qu’il résulte d’un passage du texte22. […] Le roman de Cléomadès, par le poète Adenet, un des célèbres trouvères du siècle précédent, fut un de ces livres favoris, et par lequel lui vint le mal qu’il désirait tant. […] Chez Froissart le poète de société, le trouvère à la mode, qui ne vient, pour ainsi dire, qu’au second plan, a pourtant son à-propos et sert à ménager les voies à l’historien. […] Le charmant poète Gray qui, dans sa solitude mélancolique de Cambridge, étudiait tant de choses avec originalité et avec goût, écrivait à un ami en 1760 : Froissart (quoique je n’y aie plongé que çà et là par endroits) est un de mes livres favoris : il me semble étrange que des gens qui achèteraient au poids de l’or une douzaine de portraits originaux de cette époque pour orner une galerie, ne jettent jamais les yeux sur tant de tableaux mouvants de la vie, des actions, des mœurs et des pensées de leurs ancêtres, peints sur place avec de simples mais fortes couleurs.

1600. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Je sens qu’au fond je suis indisciplinable… Je ne peux ni sentir sur parole, ni écrire d’après autrui… » Poète, il n’aspire qu’à manifester la nature dans ses ouvrages en vers, et il ne s’aperçoit pas qu’il ne la manifestera jamais plus pleinement, avec plus de couleur et de chaleur, qu’à ce moment même où il en forme le dessein et où il en parle ainsi. Ducis, sans doute, n’a que des parties de poète ; mais celui qui s’en explique comme il vient de le faire a, certes, de grandes parties. Tel qu’il apparaît jusque dans son incomplet, et tout mal servi qu’il était par l’instrument insuffisant de la langue poétique d’alors, par cette versification solennelle qui, dans le noble, excluait les trois quarts des mots, presque toutes les particularités de la vie et tous les accidents de l’existence réelle, ce poète en Ducis éclatait assez pour se donner à tout instant la joie de l’air libre et de la grande carrière, tandis que le pauvre Deleyre avec son expression hésitante, ses nuances exquises, suivies d’empêchement et de mutisme, n’était qu’un malade, un romantique venu avant l’heure et cherchant sa langue. […] … » Et cette visite encore à un curé, camarade de collège, cette tournée près de La Ferté-Milon, et qui doit le ramener sous le toit champêtre de son ami Deleyre : « Je vous écrirai de mon presbytère pour vous annoncer le jour de mon départ, et je croirai en arrivant à Dame-Marie me trouver chez un autre curé ; car tout père de famille est pasteur. » J’ai lu quelquefois, dans les lettres et mémoires des poètes anglais venus depuis soixante ou quatre-vingts ans, de ces promenades de campagne, de ces visites heureuses et saines à des cottages qui ont abrité, ne fût-ce qu’un jour, la joie innocente et le bonheur.

1601. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

., La poésie épique, enfin, dégénérée de la perfection de Virgile, est inspirée dans la Pharsale d’un souffle tout oratoire et mérite à Lucain ce jugement de Quintilien, qu’il était plutôt un orateur qu’un poète. » C’est ingénieux et incontestable. […] Quel poète est plus orateur que Corneille ? Et dans la tragédie dégénérée, Voltaire lui-même est un éloquent pousseur de tirades plus qu’un poète. […] Martha, dans un volume où il a rassemblé plusieurs philosophes et poètes de l’Empire romain59, lui a consacré tout un chapitre sous ce titre : l’Examen de conscience d’un Empereur.

1602. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Comparant sur ce globe la chétive étendue de la terre par rapport à celle de l’Océan et des mers (disproportion qui semblera encore évidente aujourd’hui malgré la découverte des continents nouveaux), il nous montre avec ironie ce théâtre de notre gloire, de nos ambitions, de nos fureurs ; il dira presque comme a dit depuis le poète Racan, qui, dans de beaux vers, nous transporte en idée avec le sage au haut de l’Olympe : Il voit comme fourmis marcher nos légions Dans ce petit amas de poussière et de boue, Dont notre vanité fait tant de régions ! […] Son livre VII, où il traite de l’Homme, commence par un tableau énergique, éloquent et sombre, où il semble se ressouvenir des couleurs du poète Lucrèce, et préparer la matière aux réflexions d’un Pascal. […] Il nous apprend que Ménandre, le prince des poètes comiques, à qui les rois d’Égypte et de Macédoine rendaient un si bel hommage en le demandant avec une flotte et des ambassadeurs, refusa leurs offres, et s’honora encore davantage en préférant le sentiment littéraire, la conscience des lettres (c’est le mot de Pline), à la faveur des rois. […] C’était le grand poète Sophocle qui venait de mourir.

1603. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Il y eut au xvie  siècle les trois Marguerite : l’une, sœur de François Ier et reine de Navarre, célèbre par son esprit, ses Contes dans le genre de Boccace, et ses vers moins amusants ; l’autre Marguerite, nièce de la précédente, sœur de Henri II, et qui devint duchesse de Savoie, très spirituelle, faisant aussi des vers, et, dans sa jeunesse, la patronne des nouveaux poètes à la Cour ; la troisième Marguerite enfin, nièce et petite-nièce des deux premières, fille de Henri II, première femme de Henri IV, et sœur des derniers Valois. […] Vers la fin de sa vie, Marguerite, devenue à son tour une antique, n’avait plus du tout de cheveux bruns et faisait une grande dépense de perruques blondes : « Pour cela elle avait de grands valets de pied blonds que l’on tondait de temps en temps. » Mais dans sa jeunesse, quand elle osait être brune, au naturel, cela ne la déparait point, car elle n’en avait pas moins un teint d’un vif éclat, « un beau visage blanc qui ressemblait un ciel en sa plus grande et blanche sérénité », — « un beau front d’ivoire blanchissant », disent les contemporains et les poètes, qui en ceci paraissent n’avoir point menti. […] Elle aimait les vers et elle en faisait, et s’en faisait faire par des poètes à ses gages et qu’elle traitait volontiers en amis. […] Elle eut encore ses aventures galantes et sanglantes : un écuyer qu’elle aimait fut tué près de son carrosse par un domestique jaloux, et le poète Maynard, jeune disciple de Malherbe, et l’un des beaux esprits de Marguerite, fit là-dessus des stances et complaintes.

1604. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Regnard, quand il eut produit quelques-uns de ses meilleurs ouvrages en vers, eut la bonne grâce de dédier sa pièce des Ménechmes à Boileau, en se professant son disciple et en lui disant : Le bon sens est toujours à son aise en tes vers ; et Boileau, à quelqu’un qui, pour lui faire la cour, traitait devant lui Regnard de poète médiocre, eut la justice de répondre : « Il n’est pas médiocrement gai. » « Qui ne se plaît pas à Regnard n’est pas digne d’admirer Molière », a dit excellemment Voltaire. […] Bredouille réplique par la grande raison de tous les poètes heureux : « Pour moi, je n’y entends pas tant de façon ; quand une chose me plaît, je ne vais point m’alambiquer l’esprit pour savoir pourquoi elle me plaît. » Regnard aurait pu se dispenser de cette petite pièce ; Le Légataire se défendait tout seul avec les rires qu’il provoquait. […] Le poète Palaprat répondait aussi aux censeurs de Regnard par un joli rondeau à la louange de son ami, commençant par ces vers : Il est aisé de dire avec hauteur, Fi d’une pièce, en faisant le docteur… Et le premier mot du rondeau revient heureusement à la chute, en s’appliquant à Regnard : De notre scène il sait l’art enchanteur, Il y fait rire, il badine avec grâce,             Il est aisé. […] Regnard, « garçon et fameux poète », comme il est qualifié dans les actes de l’état civil, mourut subitement à son château de Grillon dans les premiers jours de septembre 1709 ; il était dans sa cinquante-cinquième année.

1605. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Franklin, vieux, lisait peu les poètes ; il en est un pourtant qui, par son naturel, sa grâce simple, et la justesse de ses sentiments, sut trouver le chemin de son cœur : c’était William Cowper, l’humble poète de la vie morale et de la réalité. Le plus bel éloge qu’on puisse faire de ce poète, dont nous n’avons pas le pareil en notre littérature, c’est Franklin qui l’a fait en quelques lignes. […] Laissant aller sa pensée sur les espérances et les craintes, sur les perspectives de chance diverse, de bonheur ou de malheur, qui animent ou tempèrent les joies de la famille, il disait encore, en citant le mot d’un poète religieux (le docteur Watts) : Celui qui élève une nombreuse famille, tant qu’il est là vivant à la considérer, s’offre, il est vrai, comme un point de mire plus large au chagrin ; mais il a aussi plus d’étendue pour le plaisir.

1606. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Il n’est point du tout poëte : très-froid et très-lucide, ses nerfs s’animent sans que son sang s’échauffe ; la verve multiplie ses idées sans les colorer. […] Fort bien pour Virgile qui est poëte, et poëte du gouvernement à Rome ; quant à moi, je demande une idée claire. […] Ayant considéré le génie d’un poëte, d’un politique, d’un savant, j’ai trouvé que ce nom m’apparaissait lorsque j’apercevais l’action principale de leur vie, avec les facultés et les inclinations qui les y portaient.

1607. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

Il est tel poëte de nos jours qui a commencé d’être atteint de ce regret public de la fuite des années le jour où il a eu trente ans, et même on commence maintenant à gémir tout haut sur cette perte dès vingt-cinq. […] s’il venait un vrai poëte dramatique, combien il trouverait la place libre et le public disposé !

1608. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

Pour le poëte comme pour l’historien, pour l’archéologue comme pour le philosophe, chaque siècle est un changement de physionomie de l’humanité. […] Il n’est pas défendu au poëte et au philosophe d’essayer sur les faits sociaux ce que le naturaliste essaye sur les faits zoologiques : la reconstruction du monstre d’après l’empreinte de l’ongle ou l’alvéole de la dent.

1609. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 25, du jugement des gens du métier » pp. 366-374

Le poëte dont le talent principal est de rimer richement, se trouve bien-tôt prévenu que tout poëme dont les rimes sont négligées ne sçauroit être qu’un ouvrage médiocre, quoiqu’il soit rempli d’invention, et de ces pensées tellement convenables au sujet, qu’on est surpris qu’elles soient neuves. […] Un poëte en peinture tombera dans la même erreur en plaçant au-dessous du médiocre, le tableau qui manquera dans l’ordonnance et dont les expressions seront basses, mais dont le coloris méritera d’être admiré.

1610. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 39, qu’il est des professions où le succès dépend plus du génie que du secours que l’art peut donner, et d’autres où le succès dépend plus du secours qu’on tire de l’art que du génie. On ne doit pas inferer qu’un siecle surpasse un autre siecle dans les professions du premier genre, parce qu’il le surpasse dans les professions du second genre » pp. 558-567

Telles sont les professions du peintre, du poëte, du general d’armée, du musicien, de l’orateur, et même celle du médecin. […] En effet, Monsieur Racine ne paroît plus grand poëte dans Athalie que dans ses autres tragédies, que parce que son sujet tiré de l’ancien testament l’a autorisé à orner ses vers des figures les plus hardies et des images les plus pompeuses de l’écriture sainte, au lieu qu’il n’en avoit pû faire usage que très-sobrement dans ses pieces profanes.

1611. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

J’y ai bien souvent rêvé, messieurs, et je me suis demandé, sous toutes les formes et en prenant quantité d’exemples particuliers, en me mettant à tous les points de vue ce qu’il en aurait été de la destinée moderne littéraire (pour n’envisager que celle-là), si la bataille de Marathon avait été perdue et la Grèce assujettie, asservie, écrasée avant le siècle de Périclès, lors même qu'elle aurait gardé dans son lointain la large et incomparable beauté de ses premiers grands poètes de l’Ionie, — mais sans le foyer réflecteur d’Athènes. […] Poète admirable et le plus naturel sans doute depuis Homère (quoique si diversement), de qui l’on a pu écrire avec raison qu’il a une imagination si créatrice et qu’il peint si bien, avec une si saillante énergie, tous les caractères, héros, rois, et jusqu’aux cabaretiers et aux paysans, « que si la nature humaine venait à être détruite et qu’il n’en restât plus aucun autre monument que ses seuls ouvrages, d’autres êtres pourraient savoir par ses écrits ce qu’était l’homme !  […] Écoutons-les parler, sous leur beau ciel et comme sous leur coupole l’azur, les grands poètes et les orateurs de ce temps-là : leurs hymnes de louanges sonnent encore à nos oreilles ; ils ont été bien loin dans l’applaudissement. […] Le grand Frédéric n’accordait tout à Voltaire, — même à Voltaire poète —, et ne lui décernait toutes les couronnes, que parce qu’il n’avait pas assez comparé. […] Quand je parlerai de Boileau, je ne louerai que modérément la poésie ou la pensée de ses satires, et même la pensée de ses épîtres ; nous verrons pourtant bien au net sa qualité rare, à titre de poète, dans quelques épîtres et dans Le Lutrin ; mais surtout je vous le montrerai tout plein de sens, de jugement, de probité, de mots sains et piquants et dits à propos, souvent avec courage, — caractère armé de raison et revêtu d’honneur, et méritant par là, autant que par le talent toute l’autorité qu’il exerça, même à deux pas de Louis XIV.

1612. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Dans l’ordre humain, ce qui fait pour nous la puissance singulière et le charme du frère d’Amélie, de l’Eudore de Velléda, c’est au contraire la composition et le mélange ; lui aussi, il essaye d’entrer dans la haine passionnée de la vie, mais il s’y reprend au même instant ; il la hait et il la ressaisit à la fois ; il a les dégoûts du chrétien et les enchantements du poëte ; il applique sa lèvre à l’éponge trempée d’absinthe, et il nous rend tout à côté les saveurs d’Hybla. […] Pellisson, lorsque celui-ci vint à la Trappe après sa conversion, non pas comme un bon livre, mais comme un livre fort propre et bien relié ; que dans les deux premières années de sa retraite, avant d’être religieux, il avoit voulu relire les poètes, mais que cela ne faisoit que rappeler ses anciennes idées, et qu’il y a dans cette lecture un poison subtil caché sous des fleurs qui est très-dangereux, et qu’enfin il avoit fallu quitter tout cela. » Quand vint la lutte sérieuse, Rancé, on le voit, n’hésita point ; le culte charmant résista peu en lui à cet endroit ; aussi il n’était que scoliaste et non poëte, il étouffa plus aisément sa colombe, qui n’était que celle d’Anacréon.  […] Le groupe des poètes n’avait rien perdu : Boileau célébrait le passage du Rhin ; Racine, au milieu de sa course, reprenait haleine par Bajazet. […] Voyez défiler la procession des morts : Chaulieu, Cideville, Thieriot, Algarotti, Genonville, Helvétius ; parmi les femmes, la princesse de Bareith, la maréchale de Villars, la marquise de Pompadour, la comtesse de Fontaine, la marquise du Châtelet, madame Denis, et ces créatures de plaisir qui traversent en riant la vie, les Lecouvreur, les Lubert, les Gaussin, les Salle, les Camargo, Terpsichores aux pas mesurés par les Grâces, dit le poëte, et dont les cendres légères sont aujourd’hui effleurées par les danses aériennes de Taglioni.

1613. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Par exemple, on forme de tous les traits qui appartiennent aux plus grands poètes un type de poésie ; en regard de ce type, on place tel poète qui, pour être au-dessous, n’en a pas moins des traits du grand poète, et on lui en refuse le nom. […] Nul n’est plus sévère pour les poètes que celui qui ne lit plus de vers. […] L’amour de la gloire est l’âme de ces deux recueils, et ce que Voltaire fait dire au Cicéron de sa Rome sauvée : Romains, j’aime la gloire et ne veux pas m’en taire, est aussi vrai du poète que de son héros.

1614. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Je ne me savais pas à ce point poète. […] Aux poètes, dit-on, la poésie ! […] Un poète descriptif ne manquerait pas de nous les rendre. […] Tout poète nous dira que ses plus beaux poèmes n’ont jamais été écrits. […] Qu’il écoute les musiciens et lise les poètes !

1615. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

D’autres poètes contemporains ont été bouddhistes à leurs heures, notamment M.  […] C’est mon sang qui coula dans la première aurore… De même, l’idée de l’univers sera toujours présente au poète bouddhiste quand il lui arrivera d’aimer une femme.

1616. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La réforme prosodique » pp. 120-128

La plupart des bons poètes riment bien, plusieurs riment faiblement. […] D’ailleurs, parmi les poètes que cite Verlaine, M. 

1617. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Éphémérides poétiques, 1891-1900 » pp. 179-187

Francis Jammes : La Naissance du poète. […] Francis Jammes : Le Poète et l’Oiseau.

1618. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

Celui qui imite un poëte romantique devient nécessairement un classique, puisqu’il imite. […] Le poëte ne doit avoir qu’un modèle, la nature ; qu’un guide, la vérité.

1619. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

La difficulté de la rime a fait pardonner cette faute à des poètes moins négligés que La Fontaine. […] On a remarqué qu’il n’était pas le poète de l’héroïsme, c’est assez pour lui d’être celui de la nature et de la raison.

1620. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

» Le poète (on nous pardonnera de donner à Bossuet un titre qui fait la gloire de David), le poète continue de se faire entendre ; il ne touche plus la corde inspirée ; mais, baissant sa lyre d’un ton jusqu’à ce mode dont Salomon se servit pour chanter les troupeaux du mont Galaad, il soupire ces paroles paisibles : « Dans la solitude de Sainte-Fare, autant éloignée des voies du siècle, que sa bienheureuse situation la sépare de tout commerce du monde ; dans cette sainte montagne que Dieu avait choisie depuis mille ans ; où les épouses de Jésus-Christ faisaient revivre la beauté des anciens jours ; où les joies de la terre étaient inconnues ; où les vestiges des hommes du monde, des curieux et des vagabonds ne paraissaient pas ; sous la conduite de la sainte Abbesse, qui savait donner le lait aux enfants aussi bien que le pain aux forts, les commencements de la princesse Anne étaient heureux200. » Cette page, qu’on dirait extraite du livre de Ruth, n’a point épuisé le pinceau de Bossuet ; il lui reste encore assez de cette antique et douce couleur pour peindre une mort heureuse.

1621. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Il naquit à Alexandrie, beaucoup plus renommée alors par son platonisme et son commerce, que par ses poètes. […] Il était historien, poète, orateur, et sa réputation le fit choisir pour prononcer l’éloge du conquérant et du pacificateur de l’Italie.

1622. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Nul écrivain n’est plus véritablement un poète et, cependant, un réaliste. […] Cependant, il avait à choisir ce qu’il publierait ; il ne pouvait, à cette époque où le défunt poète n’était pas illustre, publier jusqu’aux plus petits fragments : il eût desservi le poète dont il préparait la gloire. […] Gabriel de Chénier qui, à son gré, contrariait la renommée du poète. […] Il a écrit, pour ce volume des Bucoliques, une préface lumineuse : poète qui voulut être le serviteur d’un poète, il a éclairé d’une lampe fidèle le monument qu’il élevait pour le culte d’André Chénier. […] Homme d’État, il eut des plaisirs de poète.

1623. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Il est exact que les poètes n’ont pas, en tant que poètes, le droit d’être médiocres ; ils sont bons ou mauvais. […] Pierre Benoit est un poète, l’auteur de Diadumène ; ces deux femmes appartiennent au monde des poètes plus qu’au monde des hommes. […] Le brave Augier faisait du père de famille un poète. […] Un poète, surtout un poète lyrique, est borné à son pays, il ne se traduit pas. […] Un poète rentré, un grand poète épique, narratif, descriptif, évocateur, lequel, déçu et dépassé dans la poésie, prend sa revanche en prose.

1624. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Le poëte ne chante plus en vers sublimes, il raconte ou harangue en vers graves. […] Nous jugeons que vous avez accepté une tradition, que vous l’ornez de fictions réfléchies, que vous êtes un prédicateur, non un prophète, un décorateur, non un poëte. […] Milton le peuple d’allégories solennelles et de figurés royales, et le sublime naît du poëte comme tout à l’heure il naissait du sujet. […] Ainsi sanctifié, le poëte prie. […] Poëte et protestant, il reçut de l’âge qui finissait le libre souffle poétique, et de l’âge qui commençait la sévère religion politique.

1625. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

comme dit le poëte. […] Pourquoi donc aucune femme ne fut-elle jusqu’ici un grand poëte en vers ? […] Peut-être la tension prodigieuse d’esprit nécessaire au grand poëte pour cette éjaculation à la fois passionnée et raisonnée des vers, est-elle disproportionnée à la force et à la délicatesse des organes de la pensée dans la femme ? […] Necker devait bientôt y écrire les plus beaux livres de sa maturité, et lord Byron les plus beaux chants de son Child Harold, cette odyssée de l’âme d’un poëte incomparable. […] Ce n’était plus une femme, c’était un poëte et un orateur.

1626. (1772) Éloge de Racine pp. -

L’harmonie des vers grecs enchantait les oreilles avides et sensibles d’un peuple poëte ; ici, le mérite de la diction, si important à la lecture, si décisif pour la réputation, ne peut sur la scène ni excuser les fautes, ni remplir les vides, ni suppléer à l’intérêt devant une assemblée d’hommes où il y a peu de juges du style. […] Avouons que ce ne sont pas là des modèles ; avouons que Racine a donné ce modèle qui n’existait pas avant lui ; que dans Andromaque les grands crimes sont produits par les grandes passions, les intérêts clairement développés, habilement opposés l’un à l’autre sans se nuire et sans se confondre, expliqués par les personnages et jamais par le poëte ; que les moyens que l’auteur emploie ne sont jamais ni trop vils ni trop odieux ; que les ressorts sont toujours naturels sans être prévus, les événemens toujours fondés sur les caractères ; et convenons que Racine est le premier qui ait su assembler avec tant d’art les ressorts d’une intrigue tragique. […] Un esprit juste, et une imagination souple et flexible, naturellement disposée à repousser tout ce qui était faux et affecté, à se mettre à la place de chaque personnage, voilà ce qui lui apprit à prêter à Andromaque, à Hermione, à Pyrrhus, à Oreste un langage si vrai, si caractérisé, qui semble toujours appartenir à leurs passions, et jamais à l’esprit du poëte. […] Sans doute même les ennemis de ce grand homme virent avec plaisir s’élever un jeune poëte qui allait partager la France et la renommée. […] âmes sensibles et presque toujours malheureuses, qui avez un besoin continuel d’émotion et d’attendrissement, c’est Racine qui est votre poëte, et qui le sera toujours : c’est lui qui reproduit en vous toutes les impressions dont vous aimez à vous nourrir ; c’est lui dont l’imagination répond toujours à la vôtre, qui peut en suivre l’activité et les mouvemens, en remplir l’avidité insatiable ; c’est avec lui que vous aimerez à pleurer ; c’est à vous qu’il a confié le dépôt de sa gloire ; et vous la défendrez sans doute, pour prix des larmes qu’il vous fait répandre.

1627. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

. — Les hommes du monde enfant durent être naturellement des poètes sublimes. […] Les premiers sages parmi les Grecs furent les poètes théologiens, lesquels sans aucun doute fleurirent avant les poètes héroïques, comme Jupiter fut père d’Hercule. […] En tout les hommes suppléent à la nature par une étude opiniâtre de l’art ; en poésie seulement, toutes les ressources de l’art ne feront rien pour celui que la nature n’a point favorisé. — Si la poésie fonda la civilisation païenne qui devait produire tous les arts, il faut bien que la nature ait fait les premiers poètes. […] Les enfants ont à un très haut degré la faculté d’imiter ; tout ce qu’ils peuvent déjà connaître, ils s’amusent à l’imiter. — Aux temps du monde enfant, il n’y eut que des peuples poètes ; la poésie n’est qu’imitation. […] Les premiers auteurs parmi les Orientaux, les Égyptiens, les Grecs et les Latins, les premiers écrivains qui firent usage des nouvelles langues de l’Europe, lorsque la barbarie antique reparut au moyen âge, se trouvent avoir été des poètes.

1628. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Un homme pieux et poète, une femme dont l’âme va si bien à la sienne qu’on dirait d’une seule âme, mais dédoublée ; une enfant qui s’appelle Marie, comme sa mère, et qui laisse, comme une étoile, percer les premiers rayons de son amour et de son intelligence à travers le nuage blanc de l’enfance ; une vie simple, dans une maison antique ; l’océan qui vient le matin et le soir nous apporter ses accords ; enfin un voyageur qui descend du carmel pour aller à Babylone, et qui a posé à la porte son bâton et ses sandales pour s’asseoir à la table hospitalière : voilà de quoi faire un poème biblique, si je savais écrire les choses comme je sais les éprouver. […] Les poètes anglais du foyer, Cowper, Wordsworth, ont-ils jamais rendu plus délicieusement les joies d’un intérieur pur, la félicité domestique, ce ressouvenir de l’Éden, que le voyageur qui s’asseyant un moment sous un toit béni, a su dire : Le Val, 20 décembre. — Je ne crois pas avoir jamais senti avec autant d’intimité et de recueillement le bonheur de la vie de famille. […] L’humble sentiment qui termine, et qui tient compte du moindre atome vivant, est à faire envie à un doux poète de l’Inde. […] [NdA] Dans le recueil de vers publié par Amédée Renée en 1841 sous le titre d’Heures de poésie, il y a une belle pièce consacrée À la mémoire de Maurice de Guérin ; sa nature de poète y est très bien caractérisée : il y est appelé malade d’infini.

1629. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Au reste, qui s’est trompé sur La Fontaine a bien pu se tromper sur Béranger. » J’ai rendu, j’ai reproduit fidèlement l’impression de quelques sincères amis du poëte, et il était juste qu’elle se fît jour pour la première fois dans sa vivacité ; car en tout ce qu’on avait imprimé jusqu’ici sur Béranger, on n’en avait pas tenu compte. […] Un jour, Lamennais veut louer Béranger dans un de ses livres, et il le fait sans restriction aucune : le passage est communiqué d’avance au poëte qui lui répond par ce petit avis, mêlé au remerciement : « A des louanges aussi flatteuses ne conviendrait-il pas d’ajouter : Il est fâcheux qu’en chantant pour le peuple, Béranger se soit d’abord trop laissé entraîner à la peinture de mœurs, que plus tard sans doute il eût voulu pouvoir corriger ? […] Écrivez, écrivez… » C’est, sous une autre forme, le conseil que se donnait également Nicole, et la recette qu’il avait trouvée pour se délivrer l’esprit quand il était obsédé de pensées qui lui ôtaient le sommeil : il se hâtait de les jeter sur le papier ; — et Gœthe, le grand poëte, disait aussi, dans une bien vivante image ; « Mettez au monde cet enfant qui vous tourmente, et il ne vous fera plus mal aux entrailles. » Un autre jour, lisant avec admiration les trois volumes de Philosophie de Lamennais, et l’en louant à son tour et même à outrance, Béranger fait cependant une réserve sur un point bien important ; c’est à propos de l’espèce d’analyse que le philosophe a essayé de donner de l’idée de Dieu : « Je me suis toujours élevé vers Dieu, lui dit Béranger, autant que mes ailes fangeuses me l’ont permis, mais toujours les yeux fermés, me contentant de dire : “Oh ! […] A présent, quand on parle d’un grand poëte, on dit génie.

1630. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Il n’y a de certainement vrai, selon lui, dans une légende poétique que la couleur, et encore cette couleur locale, cette vérité sociale et morale n’est point du tout celle des héros et des temps représentés ; elle n’appartient qu’à l’âge du poëte qui raconte et qui chante. […] Il résultait de là, selon Wolf, que les poëmes d’Homère, tels qu’ils existaient d’abord à l’état homérique primitif, étaient et devaient être tout ce qu’il y a de plus différent des poëmes d’un Apollonius de Rhodes, d’un Virgile, d’un Milton, de tout autre poëte épique destiné à être lu ; qu’ils flottaient épars, comme des membres vivants, dans une atmosphère créatrice et imprégnée de germes de poésie ; mais que, tels que nous les avons et les lisons aujourd’hui, ils ne datent guère que de l’époque de Solon et surtout de Pisistrate, lorsque, le souffle général venant à cesser et l’écriture étant en usage, on sentit le besoin de recueillir cette richesse publique, cet héritage des temps légendaires, d’en faire en quelque sorte l’inventaire total et d’y mettre un ordre, un lien, avant qu’ils eussent couru les chances de se perdre et de se dissiper. […] Casimir Delavigne de même : ce poète si exact, si lettré, si peu homérique, composait de tête, refaisait des scènes entières de mémoire, et on dit qu’il a emporté ainsi en mourant une tragédie à peu près terminée. […] Ce serait le poëte de cette pensée, cet Homéride de génie qui serait le véritable auteur de l’Illiade.

1631. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

II Les véritables historiens sont très rares au contraire, et, pour tout dire, plus rares peut-être que les grands poètes ; plus rares certainement que les grands hommes d’action. […] III D’abord, il faut qu’il soit né poète, c’est-à-dire sensible, coloriste, éloquent de nature ; car comment ferait-il sentir dans son style ce qu’il n’aura pas senti lui-même ? […] Dans ce genre d’histoire parfait, l’historien n’est plus seulement un annaliste : il est citoyen, il est moraliste, il est politique, il est poète, il est peintre, il est législateur, il est apologiste, il est satiriste, il est homme d’État, il est juge, il est instituteur des nations, il est Tacite. […] C’est le pain des forts, c’est l’historien des hommes d’État, des philosophes, des sages, des poètes ; il lui faut, comme à Bossuet, un auditoire de rois de l’intelligence : c’est sa gloire.

1632. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Le romancier didactique d’aujourd’hui, comme le poète didactique d’il y a cent ans, est un professeur hypocrite. […] Montégut est un incompressible poète, un orgue de barbarie monté pour cinquante ans et, s’il ne se défendait contre son génie prosodique, ses romans seraient d’interminables mirlitonnades à la François Coppée. […] Poète !… Il veut être poète !

1633. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Elle les croit supérieurs parce qu’ils concluent carrément, comme si un grand peintre, un grand poète avait besoin absolument de conclure. […] Depuis seulement que j’existe, il s’est fait plus de mouvement dans les idées et les coutumes de mon village, qu’il ne s’en était vu durant des siècles avant la Révolution… » Ô poète, je vous arrête ici et je vous prends sur le fait. […] puisque cela est, ô poète, convient-il donc, sur la foi de certains systèmes non éprouvés et que rien ne garantit, de pousser si fort et si violemment ces restes d’un passé déjà si ébranlé ? […] qu’un poète sait donc de choses, surtout quand il lui a été donné d’être tour à tour homme et femme, comme à feu le devin Tirésias !

1634. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Une famille de Renés poètes et de Renés prosateurs a pullulé ; on n’a plus entendu que des phrases lamentables et décousues… » Évidemment René ne voulait pas avoir d’enfants, et, s’il avait pu, il aurait voulu (en littérature) ne pas avoir de père. […] Le poète Gray a dit des mémoires en général « que, si l’on voulait se contenter d’écrire exactement ce qu’on a vu, sans apprêt, sans ornement, sans chercher à briller, on aurait plus de lecteurs que les meilleurs auteurs ». […] poète, que nous voudrions pouvoir faire ainsi avec les ondes que vous nous versez ! Mais, pour cela, il vous faudrait être un de ces poètes qui sont larges, simples et profonds comme la nature.

1635. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

On voit dans chacune de ses lettres combien elle se méfie de la sagesse du poète quand il est loin d’elle, abandonné sans conseil à toutes ses irritations, à ses premiers mouvements et à ses pétulances : « Croyez-moi, dit-elle à d’Argental, ne le laissez pas longtemps en Hollande ; il sera sage les premiers temps, mais souvenez-vous Qu’il est peu de vertus qui résistent sans cesse. » Si elle avait lu La Fontaine autant que Newton, elle citerait, pour le coup, ces vers charmants du bonhomme, qui vont si bien à Voltaire et à toute la race : Puis fiez-vous à rimeur qui répond D’un seul moment ! […] Une réflexion pourtant se présente, et elle-même n’était pas sans se la faire : quelle témérité d’aller confier son bonheur, sa destinée, tout son avenir comme femme, à un homme de lettres, aussi homme de lettres que Voltaire, à un poète aussi poète, et à la merci, chaque matin, de son tempérament irritable ! […] Elle dirait presque ici comme le poète : Il est, il serait tout, s’il ne devait finir !

1636. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Même à Trianon, on trouvait que c’était là beaucoup trop de bergerie : « Quand je lis Numa, disait la reine Marie-Antoinette à M. de Besenval, il me semble que je mange de la soupe au lait. » M. de Thiard disait : « J’aime beaucoup les bergeries de M. de Florian, mais j’y voudrais un loup. » Mettant en épigramme le mot de M. de Thiard, le poète Le Brun disait : À l’auteur d’une fade et ennuyeuse Pastorale. […] le récit est charmant ; il m’attache, il m’enchante, et le moment où le poète en sort m’enchante encore plus et me fait tout oublier. Lisez Le Songe d’un habitant du Mogol ; ce sera de même : la fable n’y est rien ; elle se rattache par un fil des plus légers à la réflexion, à la rêverie finale où s’égare le poète. […] Mais ces vœux modérés, que de tout temps a caressés le poète et le sage, étaient alors la plus ambitieuse des chimères.

1637. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Au retour, il débuta comme avocat au barreau de Paris (1549), et en même temps, pour occuper ses loisirs, il se livra à la poésie, à la composition littéraire, caractère qui distingue sa génération d’avocats, et Pasquier entre tous les autres : « Lorsque j’arrivai au Palais, dit-il, ne trouvant qui me mît en besogne, et n’étant né pour être oiseux, je me mis à faire des livres, mais livres conformes à mon âge et à l’honnête liberté que je portois sur le front : ce furent des Dialogues de l’amour… » Les dialogues galants et amoureux, les sonnets qu’Étienne Pasquier publia dans ces années de jeunesse, et auxquels il se reportait avec complaisance et sourire en vieillissant, ne prouvent rien autre chose que de l’esprit, de la facilité, de la subtilité ingénieuse, et on n’y trouve d’ailleurs aucun trait original qui puisse assigner rang à leur auteur parmi les vrais poètes. […] S’agit-il de juger ses compagnons et ses amis les poètes, Ronsard et les autres ? […] Son style est de robe longue, même dans ses lettres où il ne vise point à être pompeux ; mais, à tout moment, il rachète ces défauts réels, ces longueurs de phrase, par des expressions heureuses qui honoreraient Montaigne ; il joint à sa gravité habituelle, à la justesse et à la prud’homie de ses pensées, un agrément qui sent le poète dans la prose. Ce reste de poète, insuffisant dans la pure poésie, revient à point pour égayer et comme pour fleurir ses pages sérieuses.

1638. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Il vit beaucoup dans sa jeunesse Racine et Despréaux ; il mérita une place honorable dans les vers de ce dernier ; il donnait quelquefois au poète vieillissant, qui lui lisait ses vers, des conseils de prosateur un peu timide et auxquels Despréaux ne se rendait pas. […] S’il écrit au même M. de Valincour au sujet du jeune Racine qui est à Fresnes, on voit quelle idée solennelle d’Aguesseau se forme volontiers d’un poète : Que dites-vous du jeune poète que nous avons ici depuis plus de quinze jours, et qui n’a jamais voulu lui prêter sa muse (à Mme la chancelière) pour vous répondre ? Peut-être faut-il louer en cela la prudence ; mais la prudence n’est guère une vertu de poète ; plus j’étudie son caractère, plus il me paraît singulier ; à le voir, à l’entendre parler, on ne se défierait jamais qu’il pût sortir de sa tête d’aussi beaux vers que les siens, adeo ut plerique, etc.

1639. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Je puis dire ce qui en est, moi qui, connaissant l’un et l’autre, n’ai jamais regretté, dans mes moments de tristesse, que le sourire de mes parents, pour me servir des expressions d’un poète. […] Vers la fin, engagé dans le parti libéral, il a fait quelques politesses à ce qu’on appelait les jeunes talents ; mais, en réalité, il n’a jamais prisé les plus remarquables des littérateurs et des poètes de ce siècle, ni Chateaubriand, ni Lamartine, qu’il raille tous deux volontiers à la rencontre ; il leur était antipathique ; c’était un pur Grec, et qui n’admettait pas tous les dialectes, un Attique ou un Toscan, au sens particulier du mot : « Notre siècle manque non pas de lecteurs, mais d’auteurs ; ce qui se peut dire de tous les autres arts. » C’était le fond de sa pensée. […] Dans la Conversation chez la comtesse d’Albany, à Naples (2 mars 1812), il agite cette question de savoir s’il y a un art de la guerre, s’il y a besoin de l’apprendre pour y réussir, s’il ne suffit pas qu’il y ait une bataille pour qu’il y ait toujours un grand général, puisqu’il faut bien qu’il y ait un vainqueur ; et il met dans la bouche du peintre Fabre sa propre opinion toute défavorable aux guerriers, tout à l’avantage des artistes, gens de lettres et poètes. […] S’il avait voulu dire simplement qu’il y a bien du hasard à la guerre, que les réputations y sont souvent surfaites ou usurpées, que l’exécution des plans les mieux combinés dépend de mille accidents et de mille instruments qui peuvent les déjouer et les trahir, et que, dans l’art individuel du peintre et du poète, avec toutes les difficultés qui s’y mêlent, il n’entre point de telles chances, il n’y aurait qu’à lui donner raison, et il n’aurait rien dit de bien neuf.

1640. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Elle épousa le cul-de-jatte Scarron, qui ne lui laissa que ses guenilles de poète. […] Mais ce que l’on passe à un poète, à un faiseur de fictions, on ne peut pas le passer à un homme dont le métier sublime est de faire de la vérité. […] Il a l’âme d’un poète. […] On sait ce que c’est que le poids de l’âme d’un poète, mais Saint-Simon est historien !

1641. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Ce Vénitien, issu de sang espagnol, qui compte dans sa généalogie force bâtards, religieuses enlevées, poètes latins satiriques, compagnons de Christophe Colomb, secrétaires de cardinaux, et une mère comédienne ; ce jeune abbé, qui débute fraîchement comme Faublas et Chérubin, mais qui bientôt sent l’humeur croisée de Lazarille et de Pantalon bouillonner dans sa veine, qui tente tous les métiers et parle toutes les langues comme Panurge ; dont la vie ressemble à une comédie mi-partie burlesque et mi-partie amoureuse, à un carnaval de son pays qu’interrompt une atroce captivité ; qui va un jour visiter M. de Bonneval à Constantinople, et vient à Paris connaître en passant Voisenon, Fontenelle, Carlin, et être l’écolier du vieux Crébillon ; ce coureur, échappé des Plombs, mort bibliothécaire en un vieux château de Bohême, y a écrit, vers 1797, à l’âge de soixante et douze ans, ses Mémoires en français, et dans le meilleur et le plus facile, dans un français qu’on dirait naturellement contemporain de celui de Bussy. […] L’illustre poète lubrique Baffo donna l’œil à l’achèvement de son éducation poétique ; un vieux sénateur retiré des affaires, mais non du monde, perclus de jambes, mais sain de tête, M. de Malipiero, lui ouvrit sa maison, sa table, avec les conseils d’une expérience vénitienne de soixante-dix ans, et l’initia au savoir-vivre exquis et à une honnête corruption. […] Patu, jeune poète, qui, s’il avait vécu, aurait suivi de près Voltaire.

1642. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Rabelais seul avait « la tête épique », et serait le poëte national par l’espèce des idées et la grandeur des conceptions, si la folie de l’imagination, l’énormité de l’ordure et la bizarrerie de la langue ne l’avaient réduit à un auditoire d’ivrognes ou d’érudits. […] Le cerf met au rang des dieux la reine qui avait jadis « étranglé sa femme et son fils » et la célèbre en poëte officiel. […] Plus tard ayant trouvé le rythme vrai, il est devenu notre plus grand poëte.

1643. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Voltaire est resté d’un bout à l’autre du siècle le grand, l’incomparable poète, le modèle unique et inimitable. Ceux qui méprisent l’homme, ceux qui contestent la doctrine, ceux que Rousseau enfièvre, tous sont unanimes à répéter avec Mirabeau : « Voltaire fut au théâtre un génie de premier ordre, dans tous ses vers un grand poète ». […] Il refusa sous le Consulat une place de sénateur, et sous l’empire la Lésion d’honneur, « Je suis catholique, poète, républicain et solitaire, disait-il : voilà les éléments qui me composent et qui ne peuvent s’arranger avec les hommes en société et avec les places. » — OEuvres, Paris, 1827, 6 vol. in-18.

1644. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Ceci n’est qu’une nuance : le roman, n’est-ce pas, est charmant, et s’il ne nous emballe pas comme les Barbares, ce n’est pas la faute du poète, mais du lecteur qui a, vieilli, déjà, un peu, et que les premiers romans de Barrès avaient dès l’abord rendu trop difficile. […] (Parallèlement les écrits des poètes valent comme excitateurs.) […] Le sens de cette fatalité domine, comme il convient, la légende du poète.

1645. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Voudriez-vous prêcher au peuple la claustration monacale et l’abstinence du plaisir, quand le plaisir est toute votre vie, quand vous avez des poètes qui ne chantent que cela ! […] Héros de la vie désintéressée, saints, apôtres, mounis, solitaires, cénobites, ascètes de tous les siècles, poètes et philosophes sublimes qui aimâtes à n’avoir pas d’héritage ici-bas ; sages, qui avez traversé la vie ayant l’œil gauche pour la terre et l’œil droit pour le ciel, et toi surtout, divin Spinoza, qui restas pauvre et oublié pour le culte de ta pensée et pour mieux adorer l’infini, que vous avez mieux compris la vie que ceux qui la prennent comme un étroit calcul d’intérêt, comme une lutte insignifiante d’ambition ou de vanité ! […] … Il y a dans ces grands abus pittoresques de la nature humaine une audace, une spontanéité que n’égalera jamais l’exercice sain et régulier de la raison et que préféreront toujours l’artiste et le poète 53.

1646. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Saint-Pavin, l’esprit fort, le poète, l’ami de Ninon, trace de lui-même ce portrait peu flatté 49 : Mon teint est jaune et safrané, De la couleur d’un vieux damné, Pour le moins qui le doit bien estre Ou je ne sçay pas m’y connoistre. […] Le poète subissait sans doute la même hantise que son public en étalant sur les planches des crimes horribles, des empoisonnements, des cercueils, tout l’appareil des enterrements. […] Il fut de mode sous la Restauration de jouer au poitrinaire, au poète mourant.

1647. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Ces hommes-là, ces grands artisans de la civilisation, sans lesquels on en serait resté pendant quelques siècles de plus aux glands du chêne, Virgile les a placés au premier rang, et à bon droit, dans son Élysée ; il nous les montre à côté des guerriers héroïques, des chastes pontifes et des poètes religieux, Inventas aut qui vitam excoluere per artes. […] Sans vouloir faire tort à aucun des poètes dramatiques d’alors, on accordera peut-être qu’elle possédait en Talma le premier de ces poètes, le plus naturellement inventeur, créant des rôles imprévus dans des pièces où ils n’eussent point été soupçonnés sans lui, créant aussi ces autres rôles anciens qu’on croyait connus, et sur lesquels il soufflait la vie avec une inspiration nouvelle.

1648. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Pourtant ses ruines occupent les imaginations élevées, sa destinée occupe les intelligences sérieuses ; et cet admirable fleuve laisse entrevoir à l’œil du poëte comme à l’œil du publiciste, sous la transparence de ses flots, le passé et l’avenir de l’Europe. […] Pour peu qu’il vive à l’une des époques décisives de la civilisation, l’âme de ce qu’on appelle le poëte est nécessairement mêlée à tout, au naturalisme, à l’histoire, à la philosophie, aux hommes et aux événements, et doit toujours être prête à aborder les questions pratiques comme les autres. […] Ne faudrait-il pas commencer par dire qu’il avait visité le Rhin, et alors ne s’étonnerait-on pas à bon droit que lui, poëte par aspiration, archéologue par sympathie, il n’eût vu dans le Rhin qu’une question politique internationale ?

1649. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Le livre que voici donne une opinion de plus sur Byron, mais ne change pas, par un fait nouveau, mais ne modifie pas d’un iota, d’un atome, d’un atome d’atome, l’opinion faite de longue main sur Byron, Historiquement, biographiquement, littérairement, tout ce qui est dit ici a été dit ailleurs sur le grand poëte anglais, dont la vie ressemble à ces fragments sublimes interrompus du Giaour, plaques de lumière et d’ombre ; et sa destinée est peut-être de rester mystérieuse, comme celle de ces Sphinx de l’Action, — Lara et le Corsaire, — ces Mystères vivants qu’il a chantés ! […] Byron, qui fut non seulement le plus grand poëte des temps modernes, mais la poésie elle-même dans sa réalité, c’est-à-dire, un mystère, est resté un mystère comme la poésie. […] Dante et Shakspeare, qui sont de grands poëtes, ne sont certes, jamais des enfants… Ce sont toujours des hommes sublimes, si on veut, mais parfaitement des hommes ; tandis que Byron, pour qui sait voir, n’est ni un poëte ni un homme comme Shakspeare et Dante l’ont été, L’enfance, avec sa grâce et ses mille choses divines, et aussi avec ses enfantillages, puisqu’elle est l’enfance, se mêle à la grandeur de Byron, — de ce Byron le plus grand des poëtes de notre âge, et dont un des enfantillages, par exemple, et parmi tant d’autres, fut de vouloir être un dandy… Un jour, il écrivait, en 1821, à Ravenne : « Un des plus accablants et mortels sentiments de ma vie, c’est de sentir que je n’étais plus un enfant. » Mais quand il écrivait cela, comme il se trompait !

1650. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

C’est avoir profité que de savoir s’y plaire, a dit un poète de la lecture d’un autre poète ; mais c’est bien plus vrai de la lecture de sainte Térèse. […] Ce n’est ni la brûlante Visionnaire de la Vie, la pluie de larmes qui coula toujours, ni l’Extatique torturée, l’ardente poétesse d’après la Communion qui nous a laissé ce livre des Exclamations où les phrases ne sont plus que des cris, et ce n’est pas non plus la sainte Térèse du livre des Fondations.

1651. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

S’il n’a pas l’imagination créatrice du poète, c’est-à-dire du faiseur, il a celle de l’expression, qui est aussi de l’imagination de poète, mais de poète qui sent et qui vibre au lieu de créer.

1652. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

« Chateaubriand »  Cette lettre, dans son compliment, renfermait le conseil indirect de m’émanciper un peu de Victor Hugo et faisait allusion à un sonnet où j’avais dit, parlant au puissant poëte : Comme un guerrier de fer, un vaillant homme d’armes, S’il rencontre, gisant, un nourrisson en larmes, Il le met dans son casque et le porte en chemin… La Révolution de 1830 interrompit mes relations avec M. de Chateaubriand. […] « Je vous quitte pour retourner à vous ; je pense avec la joie d’un poëte que je laisserai après moi de véritables talents sur la terre.

1653. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

Aussi personne jusqu’ici, ni critique, ni poète, n’a-t-il senti et expliqué à l’égal d’Hoffmann ce que c’est qu’un artiste. […] Poètes, peintres, musiciens, il nous les révèle sous des aspects mobiles et bizarres qui portent toutefois sur un fond éternel.

1654. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

Quand on étudie quelque grand écrivain ou poète mort, La Bruyère, Racine, Molière, par exemple, on est bien plus à l’aise, je le sens, pour dire sa pensée, pour asseoir son jugement sur l’œuvre ; mais le rapport de l’œuvre à la personne même, au caractère, aux circonstances particulières, est-il aussi facile à saisir ? […] Nous y réunirons quelques noms de poètes et de romanciers, qui ont été omis jusqu’ici ; un Discours final pourra résumer la situation générale de la littérature et conduire nos principaux contemporains jusqu’à la date même de cette dernière publication.

1655. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

Mais, comme il avait pourtant une imagination de poète et beaucoup de sincérité, il lui arrivait d’exprimer, avec un accent assez pénétrant, la tristesse de sa solitude morale et la mélancolie d’une âme qui se croit supérieure à sa destinée. […] Alphonse Lemerre me trouvait supérieur à Vauvenargues, et j’ai bien vu que je faisais de l’impression sur les poètes qui venaient chez lui… Mais moi, Seigneur, je sais que, sans vous, je suis plus vil que la poussière des chemins.

1656. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les snobs » pp. 95-102

Pour eux, Ibsen et Tolstoï sont déjà dans George Sand ; tout le romantisme est déjà dans Corneille ; tout le réalisme dans Gil Blas ; tout le sentiment de la nature dans les poètes de la Renaissance et, par-delà, dans les poètes anciens ; tout le théâtre dans l’Orestie, et tout le roman dans l’Odyssée.

1657. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Le poète recueille ses petites tristesses et ses petites joies. […] Robert de Souza Voici un poète qui n’a pas voulu que l’âme de la châtelaine ne fût pas celle de la bergère, l’âme du pâtre celle de l’artisan ; il dépouilla la chanson de ses attaches locales, et c’est l’âme, l’universelle âme humaine qui chante, dénudée de tout ce qui n’est pas elle seule, partout semblable à elle-même, éternellement.

1658. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

Domenico Bruni jouait les rôles d’amoureux sous le nom de Fulvio, et Diana Ponti, actrice et poète, jouait les rôles d’amoureuse sous le nom de Lavinia. […] D’autres célèbrent de pieux acteurs de l’Italie moderne, tels que Giovanni Buono, retiré dans un cloître et vivant dans la pénitence : « Lequel, après avoir excité si longtemps le rire, disait le poète, s’est changé en une source de larmes. » Un sonnet est consacré à la mémoire d’Isabelle Andreini, la mère de l’auteur.

1659. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 124-134

L’immortel Fénélon n’a pas eu besoin de s’assujettir aux regles de la mesure & de la rime pour être Poëte, & ce n’est que parce qu’il est Poëte, qu’il se fait lire avec intérêt, & que tout ce qu’il dit s’insinue profondément dans le cœur.

1660. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

L’Europe, par le plus heureux des contrastes, présentait au poète le peuple pasteur en Suisse, le peuple commerçant en Angleterre, et le peuple des arts en Italie : la France se trouvait à son tour à l’époque la plus favorable pour la poésie épique ; époque qu’il faut toujours choisir, comme Voltaire l’avait fait, à la fin d’un âge, et à la naissance d’un autre âge, entre les anciennes mœurs et les mœurs nouvelles. […] Le poète ne s’est-il pas encore un peu trompé lorsqu’il a transporté la philosophie dans le ciel ?

1661. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Balzac devait venir tard… Depuis que la langue française a dit distinctement son premier mot dans le monde, elle a eu toujours des poètes, des historiens et des philosophes. […] Jusque-là, il n’est encore qu’un poète (dans le sens de créateur).

1662. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Aimer la musique, tel fut le secret de Stendhal pour en parler avec éloquence, en prophète parfois, en poète toujours. […] Il lui était donné de choisir le seul candidat qui la représente au dehors, un poète qu’elle a patronné, couronné et opposé à la nouvelle école : Eh bien ! […] On a dit, et l’ou continue à dire de Méry, qu’il était resté, malgré son extrait de naissance, un jeune poète et le poète des jeunes, et l’on a eu raison sur un point : Méry en est encore aux enfantillages de 1830, et pour lui, Racine sera toujours un polisson. […] Chapelain était un poète médiocre ; mais sans vouloir ni le défendre, ni manquer de respect à M.  […] On peut appliquer à ce critique un mot fait sur le poète Lemierre.

1663. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Le poète la lut et répondit à la jeune fille. […] Favart était un vrai poète. […] Il y avait, dans ce poète, un entrepreneur de plaisirs. […] Torquemada est, de plus, un prodigieux poète lyrique. […] Ce poète nous a trompés.

1664. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

J’ai dit que Veuillot était peut-être par-dessus tout un homme de sentiment, un poète : la Rome catholique s’empara de lui tout entier, et avec une force inouïe. […] Il est assurément singulier que, depuis la Renaissance, la direction des jeunes esprits ait été presque exclusivement remise aux poètes et aux philosophes qui ont ignoré le Christ. […] En somme, exception faite pour trois ou quatre pièces (la Pâle jeune Veuve …, J’ai passé quarante ans, le Cyprès, et l’admirable Epitaphe), c’est plutôt dans sa prose que Veuillot est proprement poète, souvent grand poète. […] C’est que Louis Veuillot est poète éminemment. […]     Ce poète est donc plein d’illusions, et, parfois, d’illusions « à rebours ».

1665. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

C’étoit un poëte qu’elle expliquoit, car elle n’aimoit pas la prose, et elle n’a pas lu Cicéron ; mais comme elle se plaisoit fort à la poésie, elle lisoit particulièrement Virgile et Horace ; et comme elle avoit l’esprit poétique et qu’elle savoit tout ce qui convenoit à cet art, elle pénétroit sans peine le sens de ces auteurs. » Un peu plus loin, il revient sur les mérites de M. […] Auger, dans la notice, d’ailleurs exacte et intéressante, mais sèche de ton, qu’il a donnée sur Mme de La Fayette, dit à ce propos : « Introduite de bonne heure dans la société de l’hôtel de Rambouillet, la justesse et la solidité naturelles de son esprit n’auraient peut-être pas résisté à la contagion du mauvais goût dont cet hôtel était le centre, si la lecture des poètes latins ne lui eût offert un préservatif, etc., etc. » Le préservatif eût bien dû agir sur Ménage tout le premier. […] Adry, qui a donné une édition de la Princesse de Clèves (1807), en remettant et laissant la question dans le doute, semble incliner en faveur du poëte bel-esprit. […] S’il s’agit d’un roman ou d’un poëte qu’on a mis en circulation le premier, on est plus chatouilleux encore : ces parrains-là ne haïssent pas le soupçon malin et ne le démentent qu’à demi. […] Au moment où elle révère le moins Racine, elle l’appelle encore le meilleur poëte et inimitable.

1666. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Fénelon n’était nullement politique : il était ce que nous appelons socialiste, c’est-à-dire poète du paradoxe, fabuliste de la société. […] C’est elle aussi qui fait les poètes. […] Théocrite n’est pas plus poète, l’Albane n’est pas plus nu et plus naïf, Tibulle n’est pas plus ému que J. […] Une seule page de ce livre est d’un philosophe, d’un poète et d’un sage ; c’est celle où, au commencement d’un chapitre, véritable vestibule d’un panthéon moderne, Rousseau décrit l’horizon, la vie, la pensée d’un pauvre prêtre chrétien enseignant à un village, où il est exilé, le culte et la charité d’une communion universelle. […] Solon avait voyagé dans tout l’Orient, poète et philosophe, recueillant pour sa patrie les miettes de la profonde sagesse orientale.

1667. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Il se nomme le baron d’Eckstein, philosophe, poète, publiciste, orientaliste ; c’est un brahme d’Occident, méconnu des siens, vivant dans un siècle, pensant dans un autre. […] « Le poète racontait l’ascension graduelle d’un héros, d’épreuve en épreuve, jusqu’au ciel, par les gradins ardus de l’Himalaya. […] Je conclus que le poète indien était le sage, et que j’étais l’ignorant et le barbare d’une civilisation qui avait perdu tant de chemin sur la route de l’amour, ou qui n’y était pas encore arrivée. […] Je serai ferme maintenant dans la foi, et je vais agir conformément à ce que je crois. » « Et c’est ainsi », chante alors le poète, « que je fus témoin et auditeur du miraculeux entretien entre le fils de Vaaseda et le magnanime fils de Pandoa, et que j’ai obtenu la faveur d’entendre cette suprême et divine doctrine, telle qu’elle a été révélée par Krisna lui-même, le dieu de la foi. […] Pelletan l’apprête en grand poète, n’est bon qu’à donner les délires de la perfectibilité indéfinie et de la félicité sans limites sur une terre qui ne fut, qui n’est et qui ne sera jamais qu’un sépulcre blanchi entre deux mystères !

1668. (1739) Vie de Molière

Du moins c’est ce que l’on trouve dans le Ménagiana ; et il est assez vraisemblable que Chapelain, homme alors très-estimé, et cependant le plus mauvais poëte qui ait jamais été, parlait lui-même le jargon des Précieuses ridicules chez madame de Longueville, qui présidait, à ce que dit le cardinal de Retz, à ces combats spirituels dans lesquels on était parvenu à ne se point entendre. […] Un poète anglais nommé Shadwell, aussi vain que mauvais poète, la donna en anglais du vivant de Molière. […] Fielding, meilleur poète et plus modeste, a traduit L’Avare, et l’a fait jouer à Londres en 1733. […] La meilleure satire qu’on puisse faire des mauvais poètes, c’est de donner d’excellents ouvrages ; Molière et Despréaux n’avaient pas besoin d’y ajouter des injures. […] Mais avec tous ces défauts-là, il sera toujours le premier de tous les poètes comiques.

1669. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

c’est mon poète ! […] Parmi les ouvrages de ce pur, noble et grand poète, M.  […] Elle a cours dans un milieu de très jeunes poètes. […] Quand ils ont dix-sept ans, les poètes disent : « Le grand poète Vielé-Griffin ! » À dix-neuf ans, ils disent encore : « Le poète Vielé-Griffin ».

1670. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

« Moi-même, s’il m’est permis de me citer comme poëte, tout en professant et même en affichant l’imitation des poëtes anglais et des lakistes, je vous étonnerais si je vous disais combien je les ai devinés comme parents et frères aînés, bien plutôt que je ne les ai connus d’abord et étudiés de près. […] Il a visiblement songé à imiter Byron, il lui a pris de son ton, de son air et de l’allure de ses stances ; il s’est souvenu tantôt d’Ossian, tantôt de Léopardi et de bien d’autres ; mais certainement aussi il s’en est encore plus inspiré que souvenu ; l’écho d’une pensée étrangère, en traversant cette âme et cet esprit de poëte si français, si parisien, devenait à l’instant une voix de plus, une voix toute différente, ayant son timbre à soi et son accent. […] J’ai marqué son caractère sous le nom d’Aubignié, le poète ; j’ai touché quelque chose de son histoire, que j’avais devinée plutôt que sue. […] Il y a gagné, sans cesser d’être le poète distingué et élevé que l’on connaît, de devenir un littérateur proprement dit, un critique expert en bien des matières, et non confiné à celles de poésie. […] Lacaussade, après quelques intervalles de congé (car je ne laissais pas de le fatiguer souvent et de le mettre sur les dents, comme on dit), me revint plus d’une fois comme auxiliaire : Pendant ces intervalles et ces absences, j’avais, pour le remplacer, un de nos jeunes et aimables amis, poëte également, M. 

1671. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Cette modestie si difficile à observer me rappelle un mot de Diderot, parlant, en 1767, d’un « jeune poète appelé Chamfort, d’une figure très aimable, avec assez de talent, les plus belles apparences de modestie, et la suffisance la mieux conditionnée. […] Elle y ajouta tout ce que sa grâce naturelle put lui suggérer pour relever le prix de cette faveur, « Racontez-nous, disait au sortir de là un courtisan à Chamfort, toutes les choses flatteuses que la reine vous a dites. » — « Je ne pourrais jamais, répondit le poète, ni les oublier ni les répéter. » On ne s’en tint pas là à son égard, et le prince de Condé nomma aussitôt Chamfort secrétaire de ses commandements, avec 2 000 livres de pension. […] L’ancienne société, tout ce beau monde, les Grammont, les Choiseul, la reine, voyant un jeune poète qui promettait par ses œuvres et qui payait argent comptant par son esprit, voulurent le protéger et l’admettre sur le pied où l’homme de lettres était admis alors. […] Chamfort en voulut toujours mortellement à l’ancienne société de l’avoir pris pour un poète aimable et de l’avoir traité en conséquence. […] » Quant à lui, le ci-devant jeune poète favorisé de la reine, le récent secrétaire de Madame Élisabeth, il ne s’arrêta qu’à la dernière extrémité, et l’on a peine à saisir le moment précis où il s’écria enfin : C’est assez !

1672. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Comment discerne-t-on le style et l’âme d’un musicien d’un autre musicien, dans ces compositions chantées ou exécutées, aussi infailliblement qu’on discerne le style d’un grand écrivain ou d’un grand poète du style d’un écrivain ou d’un poète médiocre ? […] Écoutez, et suppléez par la pensée aux rythmes tantôt lents et tantôt rapides que le poète emploie dans ses vers, et qui ne peuvent être rendus par la prose. […] Je fis ouvrir au hasard, devant le public prévenu, le premier volume du poète Métastase, le Quinault de l’Italie, et l’on mit sous les yeux de mon petit Wolfgang les premières paroles qui se rencontrèrent. […] La verve, sorte d’ivresse gaie du génie, n’est pas nécessaire aux autres arts, par exemple aux poètes, parce qu’ils se nourrissent plutôt de réflexion et de mélancolie ; mais elle est indispensable aux musiciens, parce que leur âme est une perpétuelle explosion du chant émané en cascades de sons de leur mélodie intérieure. […] Défiez-vous des poètes et des musiciens heureux.

1673. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Duclos, son ami, l’un de ceux qui ont le mieux parlé de lui, et dont la brusquerie habituelle s’est adoucie pour le peindre, a dit : « De la naissance, une figure aimable, une physionomie de candeur, beaucoup d’esprit, d’agrément, un jugement sain et un caractère sûr, le firent rechercher par toutes les sociétés ; il y vivait agréablement. » Marmontel enfin, moins agréable cette fois que Duclos, et avec moins de nuances, nous dit : « L’abbé de Bernis, échappé du séminaire de Saint-Sulpice, où il avait mal réussi, était un poète galant, bien joufflu, bien frais, bien poupin, et qui, avec le Gentil-Bernard, amusait de ses jolis vers les joyeux soupers de Paris. » Cette figure ronde et pleine, cette belle mine rebondie et à triple menton, qui frappe dans les portraits de Bernis vieilli, il la prit d’assez bonne heure : mais d’abord il s’y mêlait quelque chose d’enfantin et de délicat ; et toujours, jusqu’à la fin, le profil gardera de la distinction et de l’élégance : le front et l’œil sont très beaux. […] Marquer ainsi son but tout d’abord, et ne point le placer plus haut, c’est donner sa mesure comme poète. […] Ne soyons pas injuste ni trop rigoureux pour Bernis ; il s’est jugé lui-même en homme de goût, en homme de sens, et comme s’il n’avait rien eu du poète. […] On a fait plus : on est allé jusqu’à dire qu’en prenant ainsi le parti de l’Autriche contre la Prusse, c’était le poète, le rimeur en lui qui se vengeait.

1674. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Ce grand monde et ces salons qui se disputaient Voltaire l’accomplirent à certains égards et firent de lui le poète du tour le plus vif, le plus aisé, l’homme de lettres du goût le plus naturellement élégant. […] Mais, même lorsqu’il fut devenu ce qu’il n’aurait pu dans aucun cas s’empêcher d’être, le roi des poètes de son temps et le chef du parti philosophique, même alors Voltaire avait des regrets et des habitudes d’homme de société, d’auteur de société, et qui n’aurait voulu rester que cela. […] Quoi qu’il en soit, Voltaire, même au début, avant le rire bouffon et le rire décharné, Voltaire dans sa fleur de gaieté et de malice était bien, par tempérament, comme par principes, le poète et l’artiste d’une époque dont le but et l’inspiration avouée était le plaisir, avant tout le plaisir. […] Cette pièce a été composée par M. de Voltaire, qui est le roi de nos poètes.

1675. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Ce qui est poésie dans la nature physique ou morale, et ce qui n’est pas poésie se fait reconnaître à des caractères que l’homme ne saurait définir avec précision, mais qu’il sent au premier regard et à la première impression, si la nature l’a fait poëte ou simplement poétique. […] Ce n’est pas la poésie qui manque à l’œuvre de Dieu, c’est le poëte, c’est-à-dire c’est l’interprète, le traducteur de la création. […] XV Il nous a semblé que rien ne pouvait mieux compléter ces pages laissées inachevées que cette naïve et touchante image des deux natures de poésie et des deux natures de sons que rend l’âme du poëte aux différents âges, reprise d’une des dernières préfaces des Méditations et que les ravissants vers tirés des Destinées de la poésie. […] Mais si, après les sueurs, les labours, les agitations et les lassitudes de la journée humaine, la volonté de Dieu me destinait un long soir d’inaction, de repos, de sérénité avant la nuit, je sens que je redeviendrais volontiers à la fin de mes jours ce que je fus au commencement : un poëte, un adorateur, un chantre de la création.

1676. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Mme de Motteville, née vers 1621, était de son nom Françoise Bertaut, nièce du poète-évêque, illustre en son temps et encore remarquable pour le sentiment et l’élégance, de ce Bertaut que Boileau a loué de sa retenue, et que Ronsard avait jugé un « poète trop sage ». […] Voulant dire, par exemple, que les rois ne voient jamais le mal et le danger qu’à la dernière extrémité, et qu’on le leur déguise au travers de mille nuages : « La Vérité, dit-elle, que les poètes et les peintres représentent toute nue, est-toujours devant eux habillée de mille façons ; et jamais mondaine n’a si souvent changé de mode que celle-là en change quand elle va dans les palais des rois. » À propos du chapeau de cardinal qu’on avait promis depuis des années à l’abbé de La Rivière, favori de Monsieur, et que réclamait tout à coup le prince de Condé pour son frère le prince de Conti, elle dira que « la Discorde vint jeter une pomme vermeille dans le cabinet ». […] Le ministre, de même, semblait par son adresse faire un bon usage des malédictions publiques ; il s’en servait pour acquérir auprès de la reine le mérite de souffrir pour elle… On sent, dans ces passages et dans tout le courant du style de Mme de Motteville, une imagination naturelle et poétique, sans trop de saillie, et telle qu’il seyait à la nièce de l’aimable poète Bertaut. […] Elle conclurait volontiers sur le chapitre de la Cour comme a fait La Bruyère : « Un esprit sain puise à la Cour le goût de la solitude et de la retraite. » Elle aime dans ses Mémoires à moraliser, à donner des réflexions sérieuses qu’elle relève de citations agréables ; elle cite volontiers les poètes espagnols ou italiens, quelquefois Sénèque, plus souvent l’Écriture.

1677. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

C’est elle que Le Brun a immortalisée dans cette épigramme souvent citée : Églé, belle et poète… Cette reine de l’Almanach des Muses excita la veine des versificateurs du pays. […] Lui, il arrive à Paris, après des études toutes littéraires, ayant lu Rousseau et Bernardin, épris de la nature, ayant fait son tour de Suisse et de Savoie, assez poète par l’esprit et par la sensibilité, sinon par le talent ; il penche naturellement du côté de la monarchie et de Louis XVI, mais avec bien du mélange. […] On y reconnaît pourtant de la sensibilité et quelque chose du poète. […] Michaud poète, j’ajouterai cette remarque que je dois à un critique moraliste de ma connaissance : « Il y a des hommes qui n’ont pas assez de poésie pour l’exprimer par le talent et pour en faire preuve dans leur jeunesse : et pourtant cette poésie n’est pas entièrement perdue pour eux.

1678. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

M. de Vigny a une imagination de poète, et c’est une arrangeuse systématique à sa manière que l’imagination ; elle symétrise en se jouant, et de la vie elle a bientôt fait un drame. […] Sachons gré pourtant à M. de Vigny, même de ce dont nous l’accusons ; plus d’une fois il a été véritablement poète, quoique peut-être hors de propos, et ce défaut-là n’est pas si commun aujourd’hui qu’il faille tant s’en irriter.

1679. (1890) L’avenir de la science « XX »

Michelet, qu’il y a chez le peuple une sève vraie et supérieure en un sens à celle de la plupart des poètes aristocratiques. […] On était poète ou philosophe, parce que cela est de la nature humaine et qu’on était soi-même spécialement doué dans ce sens.

1680. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

De ce four, pour nous servir de ce terme assez plaisant, sont sortis différens Ouvrages, tous marqués au même défaut de coction & de maturité : des Héroïdes, qui, avec de l’aisance & de la douceur, manquoient absolument de cette énergie, de cette chaleur, de cette variété, de ces mouvemens qui font vivre le style & annoncent le Poëte vivant : des Poëmes, des Odes, des Epîtres, sans verve, sans goût, & dont l’unique effet a été de faire partager la honte de leur médiocrité aux Académiciens qui ont couronné plusieurs de ces Pieces : des Tragédies, qui, à l’exception de Warwick, ne s’élevent pas au dessus des Productions scholastiques ; & encore sur ce Warwick, M. de la Harpe peut-il dire, mille bruits en courent à ma honte. […] « Elle obtint, dit-il, le premier accessit, lorsque les Conseils à un jeune Poëte [autre Epître de M. de la Harpe] remporterent le prix.

1681. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

Il fut successivement régent de collège, charlatan, vendeur de drogues à Avignon, poëte, avocat, & professeur royal à Paris, en langue Grecque. […] Il fit une épigramme en forme de dialogue, entre un poëte & son confesseur.

1682. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

Or, le christianisme, considéré lui-même comme passion, fournit des trésors immenses au poète. […] Et c’est cette passion que nos poètes peuvent chanter, à l’exemple de Corneille ; source de beautés, que les anciens temps n’ont point connue, et que n’auraient pas négligée les Sophocle et les Euripide.

1683. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Comment la Bible est plus belle qu’Homère ; quelles sont les ressemblances et les différences qui existent entre elle et les ouvrages de ce poète : voilà ce que nous nous proposons de rechercher dans ces chapitres. […] La simplicité du poète de Chio est celle d’un vieux voyageur qui raconte au foyer de son hôte ce qu’il a appris dans le cours d’une vie longue et traversée.

1684. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

« Est-ce pour prouver que Voltaire est un grand poëte et Zaïre une pièce touchante, ou bien que le mot de philosophe n’est pas exactement le synonyme de septembriseur ?  […] Elle savait à merveille la littérature anglaise et en possédait les poètes, les philosophes ; on la pourrait rapprocher elle-même d’Addison et de Johnson, ces grands critiques moralistes. […] Avec tant de qualités délicates et ingénieuses, qui faisaient d’elle une dernière héritière de Mme de Lambert, elle avait des qualités fortes ; la polémique ne l’effrayait pas ; les coups qu’elle y portait, dans sa politesse railleuse, étaient plus rudes que ceux que le poëte attribue à Herminie. — Que de fois elle s’est plu à rabattre, avec gaieté et malice, la cuistrerie de Geoffroy et consorts, même sur le latin qu’elle savait un peu98 ! […] Je lis dans un morceau d’elle (17 juillet 1810) : Notre flambeau s’allume au feu du sentiment, a dit le poëte de la Métromanie, et je crois bien qu’on peut en effet regarder la sensibilité comme l’aliment de la poésie ; mais c’est lorsqu’elle n’est pas employée à autre chose, et que, tout entière au service du poëte, elle sert à éveiller son imagination, non à l’absorber. Il faut sans doute qu’un poëte soit sensible, je ne sais s’il est bon qu’il soit touché. » Et elle continue, réfutant ou interprétant le vers de Boileau sur l’élégie.

1685. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

L’Amour lui-même, selon les poètes, n’est-il pas frère de la Mort ? […] Une de ses plus célèbres féeries est son aventure avec les pirates tyrrhéniens, chantée par l’Hymne Homérique, et tant d’autres poètes à la suite, — Le jeune dieu, aux cheveux d’azur, un manteau de pourpre à l’épaule, apparaît un jour, sur la pointe d’un promontoire. […] Un poète du quatrième siècle, Nonnos de Panopolis, l’a célébrée dans les quarante-huit chants de ses Dionysiaques, répertoire immense de mythes et de fables enjolivés sans doute par ce bel esprit alexandrin qu’on pourrait appeler le rococo grec, mais dont la broderie romanesque recouvre un fond d’antiques traditions. […] Sa physionomie exotique que l’art des poètes n’avait pu voiler, l’odeur de myrrhe qu’il exhalait, irritaient encore la passion des femmes. […] L’imagination des Inquisiteurs travaille sur lui au rebours des poètes de la Grèce ; elle le défigure et l’enlaidit avec rage.

1686. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Un duc et pair arrive, nous tire du parterre, nous mène dans les coulisses, nous montre les gens débarrassés du fard que les peintres et les poètes ont à l’envi plaqué sur leurs joues. […] Le jeune homme pousse en avant avec la verve d’un poète qui conçoit un roman et sur-le-champ passe la nuit à l’écrire. […] Les poètes du temps les voyaient par une notion vague et les disaient par une phrase générale. […] Tout le monde sait que le défaut de nos poètes classiques est de mettre en scène non des hommes, mais des idées générales ; leurs personnages sont des passions abstraites qui marchent et dissertent. […] Ajoutez des expressions vieillies, populaires, de circonstance ou de mode ; le vocabulaire fouillé jusqu’au fond, les mots pris partout, pourvu qu’ils suffisent à l’émotion présente, et par-dessus tout une opulence d’images passionnées digne d’un poète.

1687. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Il doit renfermer en lui cinq ou six poètes. […] Les modernes passent pour des hommes positifs, et on leur parle comme à des poètes ; les Grecs passent pour poètes, et on leur parlait comme à des hommes positifs. […] Michelet est un poète, un poète de la grande espèce ; à ce titre il saisit les ensembles et les fait saisir. […] Aucun poète n’exerce plus que M.  […] Tout poète est musicien.

1688. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Delphine Gay commença, comme tous les jeunes poètes, par l’admiration, — l’admiration, hélas ! […] À vrai dire, un poète n’eût pu se développer dans l’air que respirait la jeune muse des salons. […] Saint-Marc-Girardin a retracé en quelques pages la vie de ce poète qui se cachait derrière le professeur. […] Pour ne parler que des poètes : évoquez devant ce tribunal fictif Homère, Shakespeare ou Dante. […] » a dit un poète.

1689. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

2º L’Homme, le Poète et le Réformateur. […] 2º L’Homme et le Poète. […] Vavasseur, Corneille poète comique, 1864 ; — et F.  […] 2º L’Homme et le Poète. […] De Boileau comme poète, — ou plutôt comme écrivain ; — ses aveux à cet égard [Cf. 

1690. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Saint Jérôme, le plus passionné des Pères, avait bien retenu de l’Antiquité profane et des ardeurs de sa jeunesse un accent qui retentissait dans son style ; mais, pénétré de Jésus-Christ jusqu’à la moelle des os, le saint diminuait en lui les restes du poëte et du voyageur. […] Presque tous sont infectés d’orgueil, de sensualisme, de doutes, de prophéties qui n’ont d’autre valeur que l’audace des poètes qui se les permettent. […] Mais le peintre, le poète, le légendaire, l’auteur de mystères se soucient bien de la critique !

1691. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Et il fut loin, le « beau temps de 1830 où nos poètes, taillés en hercules, se surmenaient sans en souffrir, ne causaient qu’à voix de Stentor, pouvaient se passer de sommeil, digéraient des repas de reîtres, vidaient d’un trait des flacons d’eau-de-vie et ne se sentaient jamais plus dispos au travail que quand ils étaient un peu gris » 53. […] La vision disparue, le poète chercha longtemps quel pouvait en être le point de départ, cet élément de réalité nécessaire à toutes les pseudo créations du haschisch. […] » 62 La vérité physiologique y gagnera peut-être, mais l’intensité d’émotion, l’expression aiguë qui nous charment en l’introspection moins scientifique de nos poètes d’aujourd’hui seront mortes, desséchées. — Comme un tracé de sphygmographe exact et glacial.

1692. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Aux anciens se joindront les étrangers : les Anglais, avec Shakespeare, Milton, Macaulay, quelques romanciers et poètes du xixe  siècle ; les Allemands, avec quelques œuvres de Goethe et de Schiller, et sans Klopstock. […] Descendez en vous-même après votre lecture : interrogez votre propre sentiment sur les traits qu’a marqués le poète ; éclairez votre instinct obscur à la lumière de cette poésie si nette. […] Cet admirable poète est singulièrement suggestif dès qu’on s’y prête et qu’on ne le lit plus puérilement.

1693. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Mais souvent, dans les tragédies chrétiennes qu’on nous fait encore, les martyrs semblent verser leur sang pour un « idéal » aussi peu formulé que celui des poètes romantiques, ou, tout au plus, pour la religion de Pierre Leroux et de George Sand, et quelquefois pour celle du prince Kropotkine. […] Mais vous entrevoyez combien il était malaisé au poète de prolonger durant deux actes cette lutte pour le martyre, ce renchérissement ininterrompu dans le plus surprenant héroïsme, et d’en soutenir sans défaillance l’écrasant crescendo. […] Jules Barbier, c’est d’avoir conçu un sujet où le poète était obligé d’être génial, et où, le fût-il, il risquait de l’être avec trop d’uniformité et d’ajouter à la monotonie de l’horreur physique la monotonie de la sublimité spirituelle.

1694. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Eschyle avait été soldat de Salamine, avant d’en être le poète. […] Les souffrances du poète, ses colères, ses passions, son exil ne sont-ils pas une moitié du poème ? […] Le prophète, le poète des premiers âges passeraient pour des fous au milieu de la terne médiocrité où s’est renfermée la vie humaine.

1695. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Dans la préface de son Recueil de Fables, publié trois ans après la première édition des Fables de La Fontaine, Furetière avoir rendu justice à son talent de poète et de fabuliste. […] Dès lors cet homme, cet ancien ami, ce poète inimitable, dont le style naïf et marotique fait tant d’honneur aux fables des anciens et ajoute de grandes beautés aux originaux 6, n’est plus qu’un misérable écrivain licencieux, auteur de contes infâmes, un Crétin mitigé, tout plein d’ordures et d’impiétés, un fauteur de débauche digne du bourreau ; Furetière pousse l’animosité jusqu’à reproduire à la suite de son libelle la sentence de police portant suppression de ses contes, et l’accuse, comme je l’ai déjà dit, de spéculer sur sa propre turpitude, en vivant de la prostitution de sa femme. […] Cette rencontre avec le poète comique n’est pas fortuite.

1696. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

C’est ainsi qu’on a vu un poète célèbre dont on représentait une pièce, mêler ses acclamations aux cris du public, oubliant également et le théâtre, et les spectateurs, et lui-même. […] On voit qu’il était prodigieusement nourri de la lecture des poètes. […] Presque à chaque page on rencontre des traits de la mythologie ancienne, et souvent son style même tient plus du coloris du poète que de l’orateur.

1697. (1887) George Sand

C’est alors qu’elle devint tout à fait poète par la tournure de son esprit et par la sensation aiguë des choses extérieures, mais poète sans s’en apercevoir, sans le savoir. […] Nos poètes mettaient alors une sorte de mysticisme dans les aventures les plus risquées du cœur. Mais aucun poète, aucun romancier n’a plus ouvertement que Mme Sand, je dirai plus candidement, abusé de Dieu dans l’amour. […] … Tu souris, mon gracieux poète, endors-toi ainsi. » Je ne peux souffrir cette sollicitude pour la vertu future de Sténio en un pareil moment. […] Peignez en réaliste ou en poète les choses inertes, cela m’est égal ; mais quand on aborde les mouvements du cœur humain, c’est autre chose.

1698. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Jusqu’ici ce mouvement sympathique et honorable du cœur des nations s’était produit partout, en Angleterre, en Irlande, en France, toutes les fois qu’on avait fait appel à leurs sentiments ou à leur honneur en faveur d’un de leurs contemporains quelconque, serviteurs du pays, hommes d’État, orateurs, écrivains, poètes. […] On le revêtit d’un vêtement composé de plusieurs pièces, pour signifier les diverses fonctions ou magistratures qu’il avait exercées, comme poète, comme philosophe, comme historien, comme homme d’État. […] Plusieurs de ces souverains ont été eux-mêmes des lettrés ou des poètes du plus haut mérite. […] Il n’était pas seulement grand politique, il était écrivain et poète renommé. […] Dans les derniers chapitres, quelquefois ce sont des pièces de vers entières des plus célèbres poètes, quelquefois des vers de toutes les mesures et de tous les styles, mais remarquables ou par les choses, ou par les pensées, ou par le choix et le brillant des expressions.

1699. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Il en est de même de tous les écrivains, voyageurs ou poètes, qui datent leurs pensées de cette terre ; il semble que ce nom de Rome répété sans cesse par eux donne à leurs fugitives personnalités quelque chose de grand et d’éternel comme Rome, et flatte en eux jusqu’à la vanité du tombeau. […] Lord Byron en Italie s’est bien consolé d’avoir été sifflé à Londres, et pourtant il était poète ! […] Le poète reparaît cependant de temps à autre. […] On y sent le poète qui ne vieillit pas sous les vieillesses du caractère de l’homme. […] Cet homme, plus grand politique encore qu’il n’était grand poète, expira au bruit de l’écroulement de la monarchie qu’il détestait et de l’avènement de la république, dont il avait caressé de sa main mourante les courtes espérances.

1700. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Il le défendait ainsi : « Oh, quoi que vous disiez, c’est toujours le grand Hugo, le poète des vapeurs, des nuées, de la mer, — le poète des fluides !  […] Il nous dit que quand il est triste, mal disposé, vingt vers du poète Pouchkine le retirent de l’affaissement, le remontent, le surexcitent : cela lui donne l’attendrissement admiratif qu’il n’éprouve pour aucune des grandes et généreuses actions. […] En fumant, l’officier bavarois, qui a fait la campagne de France, me parle de notre printemps, comme d’une merveille extraordinaire, d’un temps de délices, qu’il avait cru une invention de nos poètes. […] Et le poète avait ainsi la sérénité farouche d’un barbare, ensommeillé dans le néant. […] Le cimetière est plein de bas admirateurs, de confrères anonymes, d’écrivassiers dans des feuilles de choux, convoyant le journaliste, — et non le poète, et non l’auteur de Mademoiselle de Maupin.

1701. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Depuis Homère, les poètes et les rhéteurs entretiennent autour d’elle un concert croissant de louanges. […] Perdu dans le vaste répertoire de l’Anthologie, ce poète original et exquis y a été longtemps oublié. […] Il est telle de ses épigrammes, qu’avec d’insensibles variantes on pourrait attribuer à un poète indien ou persan. […] » Héliodore meurt en pleine jeunesse, en plein printemps : le poète la pleure avec effusion. […] Le poète ne les compare qu’à des fleurs ou à des épis moissonnés.

1702. (1914) Une année de critique

Je ne l’aime pas beaucoup quand il parle des poètes, de Baudelaire, par exemple, dont je crains qu’il n’ait pas assez subi l’émotion. […] Les uns sont poètes, d’autres romanciers, d’autres critiques ; quelques-uns enfin travaillent pour le théâtre. […] Julien Ochsé peut se dire poète ? […] Le poète d’Horizons ne l’a pas inventée pour les meilleurs d’entre ses lecteurs. […] Jean-Louis Vaudoyer est un poète, un rêveur exquis.

1703. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Seulement, dans cet écrit si étroit et si simple d’idées, il y a de fortes pages, des mouvements vigoureux et suivis, d’éloquentes poussées d’indignation, un très beau talent de style : on y sent quelque chose du poète dans un grand nombre de comparaisons heureuses. […] Elle fut sans doute écrite à l’occasion des premiers troubles civils et religieux qui déchirèrent la France (1560) ; elle ne s’adresse pas à Montaigne seul, mais aussi à un autre ami, M. de Bellot : Montaigne, toi le juge le plus équitable de mon esprit, et toi, Bellot, que la bonne foi et la candeur antique recommandent, ô mes amis, ô mes chers compagnons, s’écrie le poète (je traduis en resserrant un peu sa pensée), quels sont vos desseins, vos projets, vous que la colère des dieux et que le destin cruel a réservés pour ces temps de misères ? […] on ne sait pas bien ; ce pourrait être deux amis : il se trouve à la fin que le poète a songé à des amants. […] [NdA] Dans ce traité, il est fait mention des nouveaux poètes d’alors, Ronsard, Du Bellay, Baïf : or ils ne commencèrent à se faire connaître qu’en 1549-1550, et pas plus tôt ; cette date de l’apparition de la Pléiade est précise comme celle d’une insurrection.

1704. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

» Le matin, au balcon, Mlle Newton lisait de l’anglais, Le Lay du dernier ménestrel de Walter Scott, alors sous sa première forme de poète et avant le roman ; Le Voyage du pèlerin de Bunyan, « ce livre que ma mère m’a donné, et qu’elle aimait tant, qui présente une ingénieuse allégorie des progrès que peut faire un pèlerin chrétien à travers les misères humaines ; et plus on le relit, mieux on le comprend. » Elle lisait et relisait Shakespeare, c’était son livre de chaise de poste : « Bientôt je le saurai tout entier par cœur. […] Les Anglais osent de ces choses dans leur poésie, dans leur peinture, et c’est pourquoi leurs poètes peintres ont souvent plus de relief et de vérité que les nôtres. […] ) Mais elle a mieux fait que de traduire ces vers comme je viens de l’essayer ; elle a rencontré la même impression que le poète, et l’a vraiment égalé dans cette note si fidèle et si harmonieuse, trouvée à quelques jours de là : Il fait aujourd’hui un de ces jours grisâtres où la nature est silencieuse, le paysage terne, les nuages presque immobiles ; en un mot, un de ces temps modestes où l’on craint de faire du bruit, de peur de réveiller le vent ou d’amener le soleil. […] Mérimée a pour devise et pour marque aux livres de sa bibliothèque : « Μέμνησο ἀπιστεῖν », « Souviens-foi de ne pas croire. » — Le mot est emprunté du plus ancien des poètes comiques, Épicharme, mais un peu détourné de son sens.

1705. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

1840 Qu’est-ce qu’un poëte ? […] Être poëte, créer, et avoir une forme dont votre création, grande ou petite, ne se sépare pas, tout cela se tient au fond, et les classifications reçues doivent, bon gré malgré, s’y ranger. […] Cet orateur exalte Bonaparte dont il a besoin aujourd’hui dans sa péroraison, ce critique vante fort le poëte défunt dont il se prévaut pour son système. […] Ces vers sont du vieux poëte Mellin de Saint-Gelais, avant la règle des rimes féminines et masculines.

1706. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Sur ce, madame de Crissé, vieille plaideuse qui se prétend outragée dans la comtesse de Pimbêche, et le conseiller Dandinard qui se croit joué dans Perrin Dandin, forcent successivement la porte et font au poëte une scène de menaces dont il se tire assez bien ; tout ce jeu est assez plaisant. Pourtant l’orage augmente, et l’on parle d’un ordre supérieur obtenu contre le poëte, lorsque tout à coup on apprend que la Champmêlé qui devait, ce soir même, jouer Ariane devant le roi, a feint une indisposition ; que, grâce à ce tour d’adresse, les Plaideurs, représentés pour la troisième fois, ont subitement trouvé faveur et gagné leur cause ; on n’a plus osé siffler, et le roi a ri. C’est la Champmêlé elle-même, puis bientôt Despréaux en tête de la troupe comique, tenant flambeau à la main, qui viennent annoncer sa revanche et son triomphe au poëte. […] Magnin insère, chemin faisant, dans son récit, peuvent, je crois, être considérés comme des modèles, et montrent dans quelle mesure on doit se faire littéral avec un poëte étranger, tout en se conservant français, lisible, et même élégant.

1707. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

De là vient que les mêmes poètes n’étaient point embarrassés pour rimer de la même plume les défaites des infidèles et les accidents des ménages : le Picard Jean Bodel, dont on a la Chanson des Saxons, est (selon une hypothèse fort plausible) l’auteur d’une dizaine de contes vulgaires ou obscènes qui nous sont parvenus : toute proportion gardée, c’est comme si Corneille s’était délassé du Cid par les Rémois ou le Berceau. […] Il faut d’abord en établir la situation chronologique, autant du moins qu’on le peut faire dans un exposé si sommaire, et dans ce moyen âge qui, ne laissant jamais reposer aucune œuvre dans la forme imposée par le poète, les reprend toutes et les remanie incessamment pendant trois siècles ou quatre. […] Puis, vers 1180, un poète allemand, Henri le Glichezare, faisait de l’histoire de Renart un poème suivi, qui semble attester que les récits français tendaient déjà à se grouper dans un certain ordre. Pendant la fin du xiie  siècle, et une partie du xiiie , l’épopée de Renart fut remaniée, amplifiée, améliorée, gâtée par une foule de poètes, dont beaucoup étaient des clercs.

1708. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Où le poète comique avait-il cueilli cette première moisson ? […] Un des ennemis du poète comique, Saumaise, allait bientôt lui reprocher cette imitation comme « une singerie dont il était seul capable41 », et bientôt aussi, en 1661, Boursault s’empara du même sujet en disant simplement : « Le sujet est italien : il a été traduit dans notre langue, représenté de tous côtés. » La Jalousie du Barbouillé a une autre origine. […] La pièce italienne intitulée Le Gelosie fortunate del prencipe Rodrigo (les heureuses jalousies du prince Rodrigue) est du poète florentin Giacinto-Andrea Cicognini ; celui-ci aurait lui-même, pour cette pièce comme pour la plupart de ses nombreux ouvrages, suivi un original espagnol. […] Nous ne nous attacherons pas à signaler, dans les créations nouvelles qui vont dès lors se succéder, tous les éléments qui sont de provenance italienne ; ce n’est que dans une édition des œuvres du poète qu’il y a lieu de noter cela par le détail.

1709. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Il prétendait, selon sa façon demi-sérieuse, demi-bouffonne, et où la pensée se doublait du calembour, qu’il y avait trois sortes de raisonnements ou résonnements : 1º raisonnements de cruches ; c’était, à ce qu’il croyait, les plus ordinaires, ceux du commun des hommes ; 2º raisonnements ou résonnements de cloches ; c’étaient ceux de bien des poètes et orateurs, de gens de haut talent, mais qui s’en tenaient trop, selon lui, aux apparences, aux formes majestueuses et retentissantes de l’illusion humaine. […] Il s’applique aussi à des ouvrages nouveaux ; il pousse plus loin son étude sur Horace, qu’il avait déjà commenté avec un goût rare, aiguisé de paradoxe ; il pense à tirer de son poète favori toute une philosophie morale. […] Parmi les poètes et écrivains célèbres en ce patois, on retrouverait, j’imagine, plus d’un type de Galiani resté à l’état pur et non taillé à la française. […] Ristelhuber, s’il est dénué d’originalité comme poète (car il a fait aussi son volume de vers), n’est pas encore tout à fait préparé à faire des découvertes comme érudit.

1710. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Telle la Sapho du Marais put paraître un moment à des yeux prévenus, dans le temps où Chapelain passait pour un grand poète épique et la comparait intrépidement à la Pucelle, et le jour où Pellisson, le plus laid des beaux esprits, lui fit sa déclaration passionnée. […] Peu s’en faut que Mlle de Scudéry n’y prêche l’observation de la nature : elle fait débiter au poète Anacréon presque d’aussi bonnes règles de rhétorique qu’on en trouverait chez Quintilien. […] Amilcar, c’est le poète Sarasin ; Herminius, c’est Pellisson. […] Si elle rencontre un personnage historique, elle le met à l’unisson des gens de sa connaissance ; elle nous dira de Brutus, de celui qui condamna ses fils et qui chassa les Tarquins, qu’il était né « avec le plus galant, le plus doux et le plus agréable esprit du monde » ; et du poète Alcée, elle dira que c’était « un garçon adroit, plein d’esprit et grand intrigueur ».

1711. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Les moralités qu’on trouve dans Homère sont presque toujours indépendantes de l’action céleste ; c’est une simple réflexion que le poète fait sur l’événement qu’il raconte, ou la catastrophe qu’il décrit. […] III, chap. 6] Voici quelques fragments que nous avons retenus de mémoire, et qui semblent être échappés à un poète grec, tant ils sont pleins du goût de l’antiquité. […] Certainement les poètes de l’antiquité ont des morceaux descriptifs ; il serait absurde de le nier, surtout si l’on donne la plus grande extension à l’expression, et qu’on entende par là des descriptions de vêtements, de repas, d’armées, de cérémonies, etc. etc. ; mais ce genre de description est totalement différent du nôtre ; en général, les anciens ont peint les mœurs, nous peignons les choses : Virgile décrit la maison rustique, Théocrite les bergers, et Thomson les bois et les déserts. […] Enfin, tous ces sujets, tirés de la fable, que l’on trouve dans les ruines d’Herculanum, prouvent que la mythologie dérobait aux peintres le vrai paysage, comme elle cachait aux poètes la vraie nature.

1712. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

C’en est une, par exemple, que son parti pris pour les vaincus, dont la sentimentale chevalerie a toujours touché les imbéciles, et c’est ce que j’en peux dire de pis… D’un autre côté, il n’y a pas plus de grands historiens — absolument grands — que de grands poètes — absolument grands poètes — sans le sentiment religieux qui leur parachève le génie, et malheureusement M.  […] Devant le malheur qui le frappa si jeune, cet artiste savant qui avait, pour travailler, plus besoin de ses yeux que personne et qui sut s’en passer, à force de volonté, d’attention, d’amour héroïque pour l’art et la science ; devant ce malheur, plus grand pour lui que pour un poète, — car un poète aveugle se replie sur ses sentiments et ses souvenirs, et ils éclatent !

1713. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Veut-on une idée de la manière triviale et burlesque dont un poëte éminent, comme sir Walter Scott, n’a pas rougi de travestir cette merveilleuse expédition d’Égypte, si féconde en prestiges, d’un grandiose si imposant, et d’une inutilité si glorieuse ? […] lorsqu’il s’adresse à des temps plus rapprochés et mieux connus de nous à ceux de Cromwell et de Louis XI, par exemple, n’est-il pas évident qu’il les altère, sans beaucoup de scrupules, au gré de son caprice, et qu’il est, avant tout, inventeur d’intrigues, conteur d’aventures, créateur de figures originales et tour à tour terribles, grotesques ou ravissantes, en un mot romancier et poëte ?

1714. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Et il y a eu des prostitués qui se sont appelés bouffons, philosophes, prêtres, poètes, artistes et professeurs. […] Poète, fais les vers qui te plaisent, non ceux qui risqueraient de plaire au public payant.

1715. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

Les vices qui résultent de cet alliage se rencontrent jusqu’en des poètes de la valeur de Ronsard : ils donnent à l’œuvre de la pléiade cette apparence artificielle, si différente de l’aspect vivant et naturel de l’œuvre des poètes précédents.

1716. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

L’auteur de ce drame, qui est bien fier de leur appartenir, qui est bien glorieux d’avoir vu quelquefois son nom dans leur bouche, quoiqu’il soit le moindre d’entre eux, l’auteur de ce drame espère tout de ses jeunes contemporains, même un grand poëte. […] Pourquoi maintenant ne viendrait-il pas un poëte qui serait à Shakespeare ce que Napoléon est à Charlemagne ?

1717. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

« Un cavalier, en pareil cas, dit M. l’abbé d’Olivet, tire l’épée ; un homme de robe intente un procès ; un poëte composeroit une satyre : chacun a ses armes. […] On ajoute que, dans cette conversation, ne répondant le plus souvent à l’abbé de Polignac que par des vers de Lucrèce, cet abbé conçut dès-lors le dessein de donner une réfutation philosophique & suivie de l’ouvrage entier du poëte latin, ce qu’il a fait dans son Anti-Lucrèce.

1718. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

La tragedie de Thyeste dont Ciceron avoit tiré ce vers, étoit celle qu’il cite souvent lui-même comme l’ouvrage du poëte Ennius, et non point celle que Varius composa depuis sur le même sujet. […] Cet auteur dit dans un endroit qui a déja été cité, que ce n’étoit pas le poëte, mais un musicien de profession qui composoit le chant des monologues : modis… etc. l’autre passage est tiré de l’écrit contre les spectacles que nous avons parmi les ouvrages de saint Cyprien.

1719. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Il en avait toujours senti les beautés, les poésies, les langages, mais en artiste, en poète, en raffiné, en âme qui s’était parfumée, comme celle de Rousseau, dans des rêveries de promeneur solitaire, et trempée, trempée dans la rosée où Jean Lapin s’en va faire sa cour à l’Aurore. […] Il aime beaucoup Maurice de Guérin, le grand poète panthéiste, l’auteur du Centaure, et il en cite des fragments sublimes dans lesquels Guérin, qui ne joue pas, lui, la comédie, comme ce Protée de Goethe, s’anéantit dans la nature au lieu de simplement s’y évanouir.

1720. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Le poëte théologien circule dans son monde divin avec une liberté et une sérénité d’enfant qui joue. […] Le poëte qui inventait une espèce de mètre inventait une espèce de sensation. […] A la fête ionienne des Thargélies, Mimnermos le poète et sa maîtresse Nanno conduisaient le cortège en jouant de la flûte. […] Car la victoire de l’athlète était un triomphe public, et les vers du poëte y associaient la cité et tous ses divins protecteurs. […] En effet, votre famille paternelle, celle de Crilias, fils de Dropide, a été louée par Anacréon, Solon et beaucoup d’autres poètes, comme éminente en beauté, en vertu, et dans tous les autres biens où l’on met le bonheur.

1721. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Magnin fut de ceux qui se montrèrent le plus disposés à comprendre et à aider les poètes, sans leur rien céder pourtant de ses droits comme juge. […] Combien de fois, en ces années d’ardeur et de zèle, à la veille ou au lendemain de quelque publication de nos amis les poètes, ne suis-je pas allé trouver le soir M.  […] Souvent donc j’allais ainsi de moi-même, et pour le disposer en faveur de mes amis les poètes, trouver à l’avance M.  […] C’était la première fois qu’un poète dramatique, parmi les nouveaux et les tout modernes, montait résolument à l’assaut et s’emparait du théâtre pour y planter son drapeau comme sur une brèche ; mais ce drapeau ainsi planté hardiment et avec témérité, en lieu si escarpé et si abrupt, tiendrait-il ? […] Treize ans après, il lui était donné de rendre compte des Burgraves dans la Revue, et il n’hésitait pas à déclarer que cette dernière œuvre lui paraissait ce que le poète avait tenté jusqu’alors sur la scène de plus grave et de plus élevé ; il y voyait également « progrès dans l’inspiration et progrès dans l’expression. » Très-peu romantique de sa nature propre, M. 

1722. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Si du poète nous passons à l’homme, nous voyons que M. de Lamartine a passé en Italie, et par choix, les premières années de sa jeunesse ; qu’il y est revenu sans cesse à différentes époques ; qu’il y revient encore aujourd’hui. […] Qui ne sent l’absurdité d’une pareille supposition, et quel homme de bonne foi, en comparant les paroles du poète et ses actions, en opposant tous les vers où il exprime sous son propre nom ses propres impressions à ceux où il exprime les sentiments présumés de son personnage, quel homme de bonne foi, disons-nous, pourra suspendre son jugement ? […] Mais peut-on admettre, d’ailleurs, que le poète qui a pu faire les vers de Childe Harold soit en même temps assez absurde et assez aveugle à toute évidence pour ne pas rendre une éminente justice à ce que tout le monde entier reconnaît et admire ? […] XLVII Après tout un été passé ainsi dans l’intimité de ces princesses et du prince, on conçoit aisément que je ne puisse être impartial sur le sort de ces souverains, qui descendaient du trône pour s’entretenir avec un poète, et pour méditer tout bas le bonheur des peuples qui leur étaient confiés. […] Je l’écrivis alors en note dans mes souvenirs de poète pour faire peut-être un jour un sujet vrai de poème d’une aventure réelle, telle que Graziella, qu’on a tant aimée, ou que Geneviève, qui a fait verser tant de larmes aux cœurs simples.

1723. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Mais vivante surtout est la cathédrale dont l’ombre couvre la ville ; Notre-Dame de Paris est le seul individu qui ait vraiment une âme dans le roman ; ce monstre terrible et séduisant, où le poète a saisi un « caractère », est le vrai héros de l’œuvre. […] C’est un roman lyrique où s’étalent toutes les idées du penseur, toutes les émotions du poète, toutes les affections, haines, curiosités, sensations de l’homme : lyrique aussi par l’apparente individualité de l’auteur, qui s’est représenté dans son héros. […] Hugo veut mettre en lumière, donne aux premiers volumes une grandeur singulière : et cette fois, le poète, si peu psychologue, a su trouver la note juste, marquer délicatement les phases, les progrès, les reculs, les angoisses et les luttes d’une âme qui s’affranchit et s’épure : Jean Valjean, depuis sa rencontre avec l’évêque, jusqu’au moment où il s’immole pour empêcher un innocent d’être sacrifié, Jean Valjean est un beau caractère idéalisé, qui reste vivant et vrai. Autour de lui, le poète a groupé une innombrable foule de figures poétiques ou pittoresques, angéliques ou grimaçantes, amusantes ou horribles : la psychologie est courte, souvent nulle ; mais ici encore les profils sont puissamment dessinés, les costumes curieusement coloriés. […] Hugo sa fonction de poète.

1724. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

« L’âme de la France, écrivait-il, c’est celle dont des poètes comme Racine et La Fontaine, des peintres comme Fragonard, des écrivains comme Montaigne, Montesquieu, Voltaire ont à jamais exprimé l’idéal. […] Dans la littérature anglaise, j’admire comme vous Byron, mais je voudrais bien que vous fissiez une petite place à Keats, que Shelley ne vous parût pas être si négligeable, ni Tennyson l’unique poète de l’Angleterre moderne ; j’aimerais, quand vous allez à Venise, que vous eussiez un petit coup d’œil pour Tiepolo, j’aimerais, enfin, rencontrer dans votre œuvre mille choses que je n’y trouve pas. » Vous direz tout cela, mais M.  […] Robert Burns, par exemple, est un admirable poète, mais quelle idée singulière de faire d’un écrivain de patois un chef d’école dans la langue littéraire ! […] Ils s’imaginent que pour traduire un poète ou un philosophe d’une langue dans une autre, il suffit de les savoir passablement toutes les deux. […] Lisez les traductions des classiques grecs et latins, comme vous y engagent ces excellents professeurs ennemis des langues anciennes ; vous ne trouverez dans Aristophane, dans Euripide, dans Sophocle, dans Virgile, dans Horace et dans tous, que des niaiseries et des platitudes ; ces traductions, quand elles ne sont pas faites par un poète ou un artiste, sont comme la momie d’une belle femme, comme les pétales desséchés d’une fleur : c’est du génie tombé en putréfaction.

1725. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Le monde politique de 1830 à 1880 faisait l’art à son image ou lui marquait sa place dans les boudoirs et les théâtres d’opérette ; le monde moderne cherchait son idéal ailleurs que dans l’art idéal : les poètes romantiques n’avaient aspiré qu’à faire avant tout et librement l’art idéal vivant, mais la vie, devenue encore plus libre, avant tout se consacrait à la politique, non à l’art. […] Car voir et créer sont un dans l’artiste ; Wagner a dit : « Le vrai poète produit ce qu’il a vu, non ce qu’il a vécu : le voyant est par sympathie lié en créateur à ce qu’il a vu. » De cette sympathie naît l’harmonie de l’œuvre d’art, et la plus parfaite expression de la sympathie c’est l’art d’harmonie, la musique. […] Le poète musicien F. […] En 1853 le poème du Ring était achevé à Zurich, le Rheingold avait été composé et instrumenté jusqu’au printemps de 1854, lorsque le poète Herwegh, un autre exilé de 1848, lui apporta les œuvres de Schopenhauer. […] Ajoutons que la traductrice, Tola Dorian, traductrice de Shelley (1839-1918) était une poétesse d’origine russe dont le véritable nom était Kapitolina Sergueïevna Mestcherskaïa.

1726. (1902) Propos littéraires. Première série

Adam n’est pas réaliste pour une obole C’est un poète. […] Je ne déteste point du tout les romans de poète. […] Être successivement poète, romancier, critique, dramatiste : mauvaise note. […] Jules Legras vient de consacrer au grand poète Henri Heine. […] La Côte d’azur a ses poètes.

1727. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Est-ce à vous, grand poète lyrique, d’écrire l’épopée grotesque de quatre étudiants et de quatre grisettes ? […] Souvenez-vous de ces vers délicieux de douleur, dans lesquels le grand poète pense à sa fille et à son gendre noyés dans la Seine en se baignant près de Rouen ; l’une par imprudence, l’autre pour ne pas survivre à son amour ! […] C’est l’agonie du désespoir sur qui pèse un monde, et à qui un poète sublime a donné une langue semblable à celle de Job lui-même : la langue du grain de sable pensant perdu dans le monceau des hommes, des déserts et des eaux. Il faut être poète pour sentir ce chapitre, mais il faut être plus que poète pour l’avoir écrit. […] Depuis Jules Romain dans les batailles de Constantin, jusqu’à Le Brun dans les batailles d’Alexandre, aucun peintre de batailles n’égale ici le poète des batailles de Napoléon.

1728. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

On a dit ingénieusement « que les métaphysiciens sont des poètes qui ont manqué leur vocation » 2. […] Le poëte le conçoit à l’image du nôtre, mais plus beau, plus harmonieux ; la vie y est plus pleine et plus largement savourée : il y contemple des formes visibles et palpables, concrètes, vivantes, plus réelles pour lui que la réalité. […] Qui fut plus poëte que Platon et Plotin ? […] Ceux même qui semblent n’avoir rien du poëte, comme Aristote, arrivent d’emblée aux conceptions saisissantes : celle d’un monde qui dans ses dernières profondeurs aspire au bien, est attiré par l’amour, mû par un Newtonisme métaphysique. Un grand poëte, H.

1729. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Grâce à de respectables amis que j’ai en Hollande et qui sont en partie les héritiers (et de bien dignes héritiers) des derniers papiers manuscrits, des dernières reliques de Port-Royal, j’ai pu lire une Correspondance tout intime d’un des plus fidèles amis du poète, de l’un de ceux qui l’assistèrent dans sa dernière maladie et jusque dans ses derniers instants. […] Celui-ci était, à six mois de distance, du même âge que Racine, et il avait tout près de soixante ans quand le grand poëte mourait à plus de cinquante-neuf. […] Cependant Racine, qui avait toutes les appréhensions pour l’amour-propre royal et qui supposait le prince des monarques aussi chatouilleux qu’un prince des poètes, craignit que cette seule apparence d’une gloire partagée ou préparée ne déplût au vainqueur de Mons : sur son conseil, le marquis de Dangeau, qui s’était chargé de lire au roi l’Epître, eut soin en la lisant, de passer par dessus la tirade jugée périlleuse.

1730. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Tel poète recherchera les rythmes bien marqués et les mots sonores éclatant comme une fanfare : c’est le cas pour José de Hérédia. […] « Les poètes dramatiques sont les meilleurs prédicateurs de l’Empire », écrivait-il. […] Hugo fait parler en vers apocalyptiques ce qu’il appelle la bouche d’ombre, où il entend la voix de spectres gigantesques visibles pour lui seul ; rappelez-vous l’Eloa d’Alfred de Vigny, où anges et démons flottent dans l’espace indéterminé, et les Tragiques de d’Aubigné, où le poète transformé en voyant nous dit la joie ineffable des élus et les transes immortelles des damnés.

1731. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Ainsi il a fait pour La Fontaine, et, sans excéder encore la mesure, il nous a donné de ce délicieux et grand poète une histoire animée, coulante, facile comme lui-même et où il revit tout entier. […] Maucroix, chanoine de Reims et poète, naïf comme La Fontaine, et, dans sa jeunesse, un peu plus romanesque que lui ; ce Champenois de l’Île-de-France, qui parlait un français si pur, qui a trouvé quelques vers heureux dans la veine de Racan, et qui a du La Fontaine en lui, au génie près, mais qui en tient pour la bonhomie et pour le cœur ; Maucroix, l’ami aussi de Patru et de d’Ablancourt, était de cette race bourgeoise bien parlante, bien clouée et paresseuse. […] Pour moi, je ne puis qu’exprimer un regret qui rentre dans ce que je viens de dire tout à l’heure sur le goût et les urbanités du siècle de Louis XIV, c’est que le biographe, en abordant le siècle d’Auguste, n’ait pas assez senti que le plus grand charme d’une Vie d’Horace, pour le lecteur homme du monde, était l’occasion même de relire le poète peu à peu et sans s’en apercevoir, moyennant des citations bien prises et qui feraient repasser sous les yeux tous ces beaux et bons vers, trésor de sagesse ou de grâce.

1732. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

J’observerai seulement que, tant que les écrivains, soit en vers, soit en prose, mettront, dans leurs dédicaces, des idées ou des sentimens contraires à la morale énoncée dans leurs livres, les princes croiront toujours que la dédicace a raison et que le livre a tort ; que, dans l’une, l’auteur parle sérieusement, comme il convient ; et dans l’autre, qu’il se joue de son esprit et de son imagination ; enfin qu’il faut lui pardonner sa morale, qui n’est qu’une fantaisie de poète, un jeu d’auteur. […] Il ne songeait point à une vérité triste qu’un autre poète a, depuis La Fontaine, exprimée dans un vers très-heureux ; la voici : Quand on n’a que son cœur, il faut s’aller cacher. […] Nul poète n’est plus hardi que La Fontaine ; mais ses hardiesses sont si naturelles, que très-souvent on ne s’en aperçoit pas, ou du moins on ne voit pas à quel point ce sont des hardiesses.

1733. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

On cite encore aujourd’hui ses remerciements et ses discours en vers, et son discours de la mollesse ; et cette fameuse épître, où, selon un poète anglais, un peu de mauvaise humeur, il fit deux cents vers pour chanter que Louis n’avait pas passé le Rhin. […] Je ne parle pas de la quantité innombrable de poètes, qui, n’ayant que du zèle sans talents, étaient vils ou empressés sans plaire, et composaient de petites épîtres obscures et des sonnets sur le roi, que ni lui, ni personne ne lisait. […] Ainsi, tout prédicateur, tout orateur, tout historien, tout poète, enfin tout ce qui parlait, tout ce qui écrivait sous ce règne, louait et flattait à l’envi.

1734. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Il n’y a que des nuances à côté de cette couleur, et les poètes anciens ont si bien senti ce que cette situation avait d’épouvantable, que s’aidant, pour la peindre, de tous les contes allégoriques de la mythologie, ce n’est pas la souffrance seule du remord, mais la douleur même de la passion qu’ils ont exprimée dans leurs tableaux des enfers. […] Enfin, les anciens poètes philosophes ont senti que ce n’était pas assez de peindre les peines du repentir, qu’il fallait plus pour l’enfer, qu’il fallait montrer ce qu’on éprouvait au plus fort de l’enivrement, ce que faisait souffrir la passion du crime avant que, par le remord même, elle eut cessé d’exister.

1735. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Suit-on, durant quelques siècles le développement du vers français de douze syllabes ; on remarque facilement que chez les poètes de la Pléiade il est souple, libre, aisé, qu’il se permet beaucoup d’enjambements et de rejets en même temps qu’il est richement rime ; qu’à partir de Malherbe et de Boileau, surtout au xviiie  siècle, une césure presque immuable le divise en deux parties égales, tandis que la rime devient souvent pauvre et banale ; que les romantiques, en disloquant, comme ils disaient, « ce grand niais d’alexandrin », rendent à la rime une plénitude de sonorité dont elle avait perdu l’habitude ; que Musset semble, il est vrai, faire exception en lançant aux partisans de la consonne d’appui cette moqueuse profession de foi : C’est un bon clou de plus qu’on met à la pensée ; mais qu’aussi ses vers, sauf dans ses poésies de jeunesse où il s’abandonne à sa fantaisie gamine, sont restés, bien plus que ceux de Victor Hugo ou de Sainte-Beuve, fidèles à la coupe classique. […] Il sait que ce fut l’âge d’or de la société polie ; qu’en ce temps-là la vie mondaine fut l’idéal de tout ce qui comptait alors parmi les hommes ; que les jardins mêmes étaient des salons ; que les philosophes prouvaient l’existence de la matière par celle de la pensée ; que les poètes, acharnés à peindre l’âme humaine civilisée, laissaient à peine tomber quelques regards distraits sur la nature environnante.

1736. (1865) Du sentiment de l’admiration

Admirer en présence des orateurs et des poètes qui ont enveloppé Athènes de séduction et Rome de grandeur, c’est se donner tout entier à ces maîtres incomparables, leur livrer ses plus fraîches et ses plus naïves émotions et témoigner à ces pères de l’intelligence autant d’amour filial que de respectueuse fidélité. […] Quels moralistes que tous ces grands poètes.

1737. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

Ossian, chef, guerrier, poëte et musicien, entend frémir pendant la nuit les arbres qui environnent sa demeure, il se lève, il s’écrie : " âmes de mes amis, je vous entends ; vous me reprochez mon silence. " il prend sa lyre, il chante, et lorsqu’il a chanté, il dit : " âmes de mes amis, vous voilà immortelles, soyez donc satisfaites, et laissez-moi reposer. " dans sa vieillesse, un barde aveugle se fait conduire entre les tombeaux de ses enfans ; il s’assied, il pose ses deux mains sur la pierre froide qui couvre leurs cendres, il les chante. […] Tu aurais dit d’un de tes combattans qu’il avait reçu à la tête ou au cou une énorme blessure ; mais le poëte dit : la flèche l’atteignit au-dessus de l’oreille, entra, traversa les os du palais, brisa les dents de la mâchoire inférieure, sortit par la bouche, et le sang qui coulait le long de son fer tombait à terre en distillant par la pointe… ces épithètes générales sont d’autant plus misérables dans le style français, que l’exagération nationale les appliquant usuellement à de petites choses les a presque toutes décriées.

1738. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Voici venir l’aimable Prud’hon, que quelques-uns osent déjà préférer à Corrége ; Prud’hon, cet étonnant mélange, Prud’hon, ce poëte et ce peintre, qui, devant les David, rêvait la couleur ! […] Ary Scheffer est un homme d’un talent éminent, ou plutôt une heureuse imagination, mais qui a trop varié sa manière pour en avoir une bonne ; c’est un poëte sentimental qui salit des toiles.

1739. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Optatien Porphyre, qui n’était point du tout Porphyre le philosophe, mais un poète obscur et très digne de l’être, composa en l’honneur de ce prince, qui l’avait exilé, un long panégyrique en vers qui ne valait rien, et qui, en conséquence, fut très bien payé. […] J’aime encore mieux pourtant ce trait d’un prince arabe, qui, ayant reçu un mauvais panégyrique en vers arabes adressés à sa hautesse, donna d’abord au poète vingt écus d’or pour avoir fait le panégyrique, et lui en donna ensuite quarante pour qu’il n’en fît plus : le panégyriste de Constantin méritait d’être aussi bien traité.

1740. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Le vieux goût les infecte ; ils ont trop de raison, Je ne veux imiter que le sombre Milton, Milton seul est poëte ; un Journal le déclare : C’est en vain que Dryden l’a traité de barbare. […]      Shakespeare est dans ce genre un poëte sans prix : Quelle variété règne dans ses écrits !

1741. (1927) André Gide pp. 8-126

Tout le monde ne pouvant être poète épique, c’est encore un assez joli lot. […] Le rôle du poète est maintenant de discerner sous le flot du réel les archétypes paradisiaques qui s’y cachent désormais. […] D’abord une traduction du Gitanjali de Tagore, le poète hindou lauréat du concours Nobel. […] De vives passions littéraires, poussées jusqu’au déni de justice et à la rupture des relations personnelles, sont peut-être indispensables aux poètes et aux romanciers, pour l’originalité de leur œuvre. […] Je plains les poètes que guide le seul instinct : je les crois incomplets.

1742. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Il est vrai qu’il y avait jadis des couvents où les savants pouvaient travailler presque sans souci matériel, des mécènes qui soutenaient les philosophes et qui s’entouraient de peintres et de poètes. […] Les libraires auraient donc le droit de vendre comme il leur plaît des manuscrits de tous les politiciens, savants, poètes qui ont laissé des textes depuis que le parchemin existe. […] Il serait, pour une fois, l’œuvre non pas d’un Parlement, mais celle d’un écrivain, qui a cependant la réputation d’être un des poètes les plus hermétiques19. […] Un fait connu et significatif est que les poètes ont presque tous une belle écriture, aussi soignée, mais plus artiste que celle des sergents fourriers. […] Poète et romancier, mort en 1916, spécialiste de Lamartine.

1743. (1876) Romanciers contemporains

Marmier n’est ni un poète ni un romancier qui a voyagé ; c’est un poète, c’est un romancier voyageant. […] Le paysan est poète. […] Daudet le poète ne domine pas le romancier, il le caractérise. […] Le poète parle et entend une langue ignorée du vulgaire. […] Daudet, le poète s’est toujours chargé du fond de la toile.

1744. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Là, le poète est entièrement livré à lui-même. […] Les poètes ses contemporains étaient loin de ratifier les jugements du public. […] Sans doute ils étaient de la race irritable des poètes. […] Le plus illustre des souverains recherchant ainsi l’amitié d’un poète ! […] Il fut aussi un poète plus distingué.

1745. (1902) Le critique mort jeune

Il est cela, beaucoup plus que poète ou artiste. […] Renouvier sur Victor Hugo le poète. […] Mais est-il possible avec cela d’être un poète ? […] Victor Hugo, qui voulait qu’on admirât les poètes « comme une brute », pensait sans doute aussi qu’un poète a le droit d’être inintelligent. Et cependant il est vrai que Victor Hugo est un grand poète lyrique.

1746. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Le siècle n’avait point de poëte français en vers, point d’orateur en action ; il adopta cette femme comme la poésie et l’éloquence de l’époque. […] Necker dont jeune il avait partagé les opinions libérales, l’ennemie de Napoléon, la femme éloquente, la femme poëte, la femme politique qui, par son exemple et par son influence, ramenait aux Bourbons les républicains convertis à la monarchie tempérée. […] On peut citer des strophes admirables dans quelques-unes de nos odes ; mais y en a-t-il une entière dans laquelle le Dieu n’ait point abandonné le poëte ? […] « L’énigme de la destinée humaine n’est de rien pour la plupart des hommes ; le poëte l’a toujours présente à l’imagination. […] Le véritable poëte conçoit, pour ainsi dire, tout son poëme à la fois au fond de son âme : sans les difficultés du langage, il improviserait, comme la sibylle et les prophètes, les hymnes saints du génie.

1747. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Le poète entend bafouer, j’imagine, dans ces harangues d’apparat la pauvreté d’idées, l’absence de sentiments forts et sincères. […] De nos jours chaque province a voulu avoir son association locale ; en Normandie, l’on s’est mis sous l’invocation de la Pomme ; les poètes du Midi se sont souvenus que les cigales étaient jadis chères aux muses ; ils se sont appelés cigaliers et leurs fêtes n’ont pas été étrangères à la renaissance de la langue d’oc en notre siècle. […] Au temps de la Renaissance, lorsque les poètes, dans un essai de groupement renouvelé des Grecs d’Alexandrie, forment sous le nom de Pléiade une brillante constellation, il faut entendre de quel ton ils parlent de leurs confrères du moyen âge et même des disciples encore vivants de Marot : « Parmi les anciens poètes françoys, quasi seuls Guillaume du Lauris et Jean de Meun sont dignes d’estre leus, non tant pour ce qu’il y ait en eux beaucoup de choses qui se doivent immiter des modernes, que pour y voir quasi comme une première imaige de la langue françoyse vénérable pour son antiquité. […] Quand Ronsard mourut en 1585, on lui éleva un tombeau de marbre surmonté de sa statue ; Apollon, les Muses, la France versèrent sur lui des torrents de larmes ; une oraison funèbre fut prononcée, où l’on évoquait les poètes de jadis pour immoler leur mémoire à la sienne. […] Notre siècle a vu les romantiques partir à la conquête de la célébrité avec la même ivresse d’enthousiasme que les poètes de la Pléiade.

1748. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Mais, encore un coup, il n’avait pas vingt-neuf ans, et si mourir jeune est beau pour un poëte, s’il y a dans les premiers chants nés du cœur quelque chose d’une fois trouvé et comme d’irrésistible qui suffit par aventure à forcer les temps et à perpétuer la mémoire, il n’en est pas de même du prosateur et de l’érudit. […] Poëte ou penseur, on peut être rayé bien avant l’heure et ne pas disparaître tout entier. […] Il voyait dans le poète romain, non pas un aride représentant de l’épicuréisme, mais une victime superbe de l’anxiété : « Fièvre du génie, disait-il, désordonnée, mais géométrique ; ne vous y fiez pas : sous ces lignes sévères, il y a du trouble. » Il disait encore : « C’est le dernier cri de la poésie du passé. […] — Ajax en révolte s’écriait : Je me sauverai malgré les Dieux ; et Lucrèce : Je m’abîmerai à l’insu des Dieux. » Il s’attachait, dans la lecture du livre, à dessiner l’âme du poète, à ressaisir les plaintes émues que le philosophe mettait dans la bouche des adversaires, et qui trahissaient peut-être ses sentiments propres ; il relevait avec soin les affections et les expressions modernes, cet ennui qui revient souvent, ce veternus, qui sera plus tard l’acedia des solitaires chrétiens, le même qui engendrera, à certain jour, l’être invisible après lequel courra Hamlet, et qui deviendra enfin la mélancolie de René. […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.

1749. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Maintenant (prélude du troisième acte), ce motif est joué seul et développé pour s’éteindre dans la résignation ; mais, en même temps et comme de loin, les cors font résonner le chant solennel par lequel Hans Sachs salue Luther et la Réformation, et qui au poète a acquis une incomparable popularité. […] De la même époque est la conception primitive de Parsifal : comme contraste en face de Tristan, dans l’esprit du poète naquit l’image de Parsifal, le Compatissant, le Renonceur et le Sacrifié ; mais bientôt cette figure se détacha tout à fait de celle de Tristan ; l’esquisse de Tristan fut achevée en ces années 1854 et 1855, et celle de Parsifal ne fut ébauchée qu’au printemps de 1857, éveillée au jour du Vendredi-Saint. […] Sous une forme contenue et voilée, il accompagne les premiers mots de Walther : « So rief der Lenz in der Wald », et « So rief es mir in der Brust » ; il souligne toute l’ardeur du poète, son désir d’Eva, de la maîtrise qui la lui donnera ; il apparaît quand le chevalier trouve l’art des maîtres nouveau et étranger pour lui ; pendant le choral, dans la mimique tendre de Walther, et quand il voit Eva s’avancer vers lui pour sortir de l’Église ; c’est lui qui proteste pendant que les maîtres accablent le héros ; lui qui s’insinue dans la pensée de Sachs, le trouble et lui fait dire plus tard à Walther : « All Dichtkunst und Poeterei ist nichts als Wahn-traumdeuterei. » Motif 3 (p. 34, 171, 264, 265, 266, 276,287, 300, 301, 315, 316, 318, 375, 379). — Les trois premières notes de ce motif sont les trois dernières du motif 2, et la seconde partie de la phrase est la répétition de la première où apparaît la note ré, trois fois répétée. […] Motif 70 (p, 83, 86, 87, 147, 148). — Appartient au chant de Walther et caractérise la « manière » du jeune poète. […] Dans tous est un écho de la mélodie du printemps, de la forêt, et si l’on veut repasser rapidement les différentes significations des motifs 1, 2, 3, 17, 35, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 79, pour le printemps et la forêt ; — 1, 2, 3, 5, 9, 12, 13, 14, 15, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 31, 35, 44, 45, 49, 50, 53, 54, 66, 67, 68, 70, 71, 72, 73, 74, 76, 77, 78 et 79, pour Walther ; — 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 18, 19, 23, 24, 25, 31, 33, 35, 44, 45, 48, 49 et 80, pour Eva ; — 1, 2, 4, 12, 13, 17, 26, 27, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 45, 63, 66, et 82, pour Sachs ; — 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 46, 47, 48, 49, pour Nuremberg, son peuple et sa bourgeoisie ; — 20, 50, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 66, 68, 69, 78, pour les Maîtres et leur art ; On reconnaîtra nettement la circulation de ce même dessin mélodique à travers tout le drame musical ; la vie, l’organisation de cette idée réalisée dans une œuvre étonnante de génie ; l’art vivant s’imposant par la force même de sa fraîcheur, de sa naïveté, de sa « neuveté » dirai-je même, à un vieux poète populaire, à une jeune fille, à tout un peuple et à tout le vieux art des maîtres chanteurs : « Et antiquum documentum novo cedat ritui ! 

1750. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Ingrate pour le poète, insensible à l’œuvre, Florence vivait les oreilles bouchées par le son de l’or, l’esprit en proie aux calculs de l’usure, et toute l’Italie, qui n’était pas composée que de cardeurs de laine et de Shylocks, était aussi antidantesque. […] Ils sont des Titans d’un grotesque immense, mais des Titans qui n’ont rien de mythologique ; car on sent qu’au fond de ces colosses entripaillés, comme dirait leur poète, il y a les entrailles humaines. […] Mais si on admire un grand poète dramatique parce qu’il a la force de s’effacer et de parler à travers le personnage d’un autre, que doit-on penser de Balzac, qui, pendant trente Contes plus longs qu’aucun drame, parle à travers la passion, les manières de voir et la langue vraie du xvie  siècle ? […] Pour une critique qui va au fond, sous les contours et sous les lignes, Homère est un bonhomme, et Horace, le poète aux sensations pénétrantes et fines, le sentait bien quand il l’appelait : Bonus Homerus. Cependant Homère est un grand, c’est-à-dire un poète qui n’appartenait pas à cette ère du monde où la bonhomie pût être développée dans l’esprit ou dans l’âme humaine, car elle correspond à la vieillesse de l’humanité.

1751. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Ce ne fut que plus tard qu’il dirigea et procura, dans la Collection Lefèvre, la jolie édition des poètes grecs, surveillant, corrigeant le texte, et n’y mettant d’ailleurs que le moins de notes possible. […] savoir le grec, ce n’est pas comme on pourrait se l’imaginer, comprendre le sens des auteurs, de certains auteurs, en gros, vaille que vaille (ce qui est déjà beaucoup), et les traduire à peu près ; savoir le grec, c’est la chose du monde la plus rare, la plus difficile, — j’en puis parler pour l’avoir tenté maintes fois et y avoir toujours échoué ; — c’est comprendre non pas seulement les mots, mais toutes les formes de la langue la plus complète, la plus savante, la plus nuancée, en distinguer les dialectes, les âges, en sentir le ton et l’accent, — cette accentuation variable et mobile, sans l’entente de laquelle on reste plus ou moins barbare ; — c’est avoir la tête assez ferme pour saisir chez des auteurs tels qu’un Thucydide le jeu de groupes entiers d’expressions qui n’en font qu’une seule dans la phrase et qui se comportent et se gouvernent comme un seul mot ; c’est, tout en embrassant l’ensemble du discours, jouir à chaque instant de ces contrastes continuels et de ces ingénieuses symétries qui en opposent et en balancent les membres ; c’est ne pas rester indifférent non plus à l’intention, à la signification légère de cette quantité de particules intraduisibles, mais non pas insaisissables, qui parsèment le dialogue et qui lui donnent avec un air de laisser aller toute sa finesse, son ironie et sa grâce ; c’est chez les lyriques, dans les chœurs des tragédies ou dans les odes de Pindare, deviner et suivre le fil délié d’une pensée sous des métaphores continues les plus imprévues et les plus diverses, sous des figures à dépayser les imaginations les plus hardies ; c’est, entre toutes les délicatesses des rhythmes, démêler ceux qui, au premier coup d’œil, semblent les mêmes, et qui pourtant diffèrent ; c’est reconnaître, par exemple, à la simple oreille, dans l’hexamètre pastoral de Théocrite autre chose, une autre allure, une autre légèreté que dans l’hexamètre plus grave des poètes épiques… Que vous dirais-je encore ? […] Personne ne possédait mieux et ne citait plus volontiers, ne mettait plus souvent à contribution dans ses notes la littérature française du second ordre, le menu des auteurs et poètes du XVme siècle. […] Mérimée ces vers d’Orphise à Clitandre, dans la Coquette corrigée : Mon amitié pour vous ne saurait s’augmenter, Clitandre ; j’aime en vous cet heureux caractère, Qui vous rend agréable à la fois et sévère, Cet esprit dont le ton plaît à tous les états, Que la science éclaire et ne surcharge pas, Qui badine avec goût et raisonne avec grâce. » C’est flatteur et c’est vrai ; mais assurément personne autre n’eût jamais eu l’idée d’aller demander au poète Lanoue un portrait de Mérimée.

1752. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Il n’est donné à aucun poète, quel que soit son talent, de faire sortir un effet tragique d’une situation qui admettrait en principe une immoralité. […] Les poètes, les moralistes caractérisent d’avance la nature des belles actions ; l’étude des lettres met une nation en état de récompenser ses grands hommes, en l’instruisant à les juger selon leur valeur relative. […] Les géomètres, les physiciens, les peintres et les poètes recevraient des encouragements sous le règne de rois tout-puissants, tandis que la philosophie politique et religieuse paraîtrait à de tels maîtres la plus redoutable des insurrections. […] S’il aime la liberté, si ce nom de république, si puissant sur les âmes fières, se réunit dans sa pensée à l’image de toutes les vertus, quelques Vies de Plutarque, une Lettre de Brutus à Cicéron, des paroles de Caton d’Utique dans la langue d’Addison, des réflexions que la haine de la tyrannie inspirait à Tacite, les sentiments recueillis ou supposés par les historiens et par les poètes, relèvent l’âme, que flétrissaient les événements contemporains.

1753. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Le sculpteur devint ainsi peintre, poëte, architecte. […] Celui qui avait chanté Dieu comme poëte le pria comme mourant. […] sous son ombre propice, la lyre de Phœbus rendait des sons plus touchants, la voix du poëte se modulait en accents plus remplis de charme. […] Il fut philosophe et poëte sur le trône.

1754. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Il a commencé, évidemment, il a commencé par trois poètes très inégaux, certainement, les uns comparativement aux autres, mais par trois poètes, à savoir Malherbe, Marot et Voiture. Je vous dirai que nous sommes là sur un terrain très sûr et que nous savons presque la date des lectures que La Fontaine a faites de ces trois poètes, car dans son premier poème  non, ce n’est pas tout à fait le premier  mais enfin dans un poème qu’il a fait dans sa jeunesse, à savoir dans Clymène, il nous parle à plusieurs reprises et avec éloge de Malherbe, de Marot et de Voiture. […] Lorsqu’un poète, et n’importe qui, du reste, prend le ton lyrique, soyez sûrs qu’il y a des chances pour qu’il soit un peu plus convaincu qu’à l’ordinaire.

1755. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Ce qui le prouve, c’est que les poètes n’imaginèrent pas autrement Jupiter, le roi des hommes et des dieux. […] Ce trident n’était qu’un croc pour arrêter les barques ; le poète l’appelle dent par une belle métaphore, en ajoutant une particule qui donne au mot le sens superlatif. […] Si l’on veut qu’Homère instruise autant qu’il intéresse, ce qui est le devoir du poète, on ne doit entendre par ce héros irréprochable, que le plus orgueilleux, le plus irritable de tous les hommes ; la vertu célébrée en lui, c’est la susceptibilité, la délicatesse du point d’honneur, dans laquelle les duellistes faisaient consister toute leur morale, lorsque la barbarie antique reparut au moyen âge, et que les romanciers exaltent dans leurs chevaliers errants. […] Le héros digne de ce nom, caractère bien différent de celui des temps héroïques, est appelé par les souhaits des peuples affligés ; les philosophes en raisonnent, les poètes l’imaginent, mais la nature des sociétés ne permet pas d’espérer un tel bienfait du ciel.

1756. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Il se distingua de bonne heure par une capacité surprenante de mémoire et d’entendement ; il savait par cœur Virgile, comme un peu plus tard il sut Homère : « On comprend moins, a dit M. de Lamartine, commentil s’engoua pour toute sa vie du poète latin Horace, esprit exquis, mais raffiné, qui n’a pour corde à sa lyre que les fibres les plus molles du cœur ; voluptueux indifférent, etc. » M. de Lamartine, qui a si bien senti les grands côtés de la parole et du talent de Bossuet, a étudié un peu trop légèrement sa vie, et il s’est posé ici une difficulté qui n’existe pas ; il n’est fait mention nulle part, en effet, de cette prédilection inexplicable de Bossuet pour Horace, le moins divin de tous les poètes. […] Ces peintures un peu molles et à la d’Aguesseau n’ont pas suffi, on le conçoit, à M. de Lamartine, qui, avec cette seconde vue qui est accordée aux poètes, a su apercevoir distinctement Bossuet jeune, adolescent, Bossuet à l’âge d’Éliacin, avant même qu’il eût abordé la chaire et quand il montait seulement les degrés de l’autel : Il n’avait pas encore neuf ans, nous dit l’auteur de Jocelyn parlant de Bossuet, qu’on lui coupa les cheveux en couronne au sommet de la tête.

1757. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

N’oublions pas qu’un excellent témoin qui l’avait vu à Montbard dans les dernières années, Mallet du Pan, a dit : « Buffon vit absolument en philosophe ; il est juste sans être généreux, et toute sa conduite est calquée sur la raison ; il aime l’ordre, il en met partout. » Pour en revenir à ses jugements littéraires, après Voltaire poète, Buffon ne paraît guère estimer qu’un autre poète en son temps, Pindare-Le Brun, comme il l’appelle, celui qui l’a si noblement célébré lui-même et en qui il reconnaît avec impartialité le pinceau du génie. Quant à ses jugements sur Delille, Saint-Lambert et Roucher, ils sont curieux à recueillir de la part d’un homme qui a si bien connu la nature et qui habitait comme dans son sein : « Je ne suis pas poète ni n’ai voulu l’être, écrivait-il, mais j’aime la belle poésie ; j’habite la campagne, j’ai des jardins, je connais les saisons, et j’ai vécu bien des mois ; j’ai donc voulu lire quelques chants de ces poèmes si vantés des Saisons, des Mois et des Jardins.

1758. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Jouvin, M. de Rovray30, notre ami Nestor Roqueplan, et hier encore M. d’Ortigue ; j'ai causé de plus avec des amis de l’illustre et aimable maître : il me semble maintenant que je le comprends dans sa manière de poëte musical, et que j’embrasse d’un coup d’œil toute sa carrière d’artiste. […] Cousin, de tout temps poëte par l’imagination, entendant le dramatique à merveille, et qui alors aimait assez le théâtre, refaisait volontiers, en conversation du moins, les pièces qu’il avait vues, et ce jour-là au dessert, se sentant plus en verve encore que de coutume, il s’écria (je ne réponds que du sens et non des paroles) : « Je veux faire un drame, un opéra, j’en inventerai l’action, j’en tracerai le plan : toi (s’adressant à l’un des convives), tu l’écriras en vers ; vous, mon cher (se tournant vers un autre convive), vous en composerez la musique, vous en ferez les chœurs et les chants ; et quand l’ouvrage sera fini, nous le donnerons à Feydeau ou au Grand-Opéra. » Le poëte ainsi désigné, c’était Loyson ; le musicien, c’était Halévy ; le sujet de la pièce eût même été, dit-on, tiré d’un conte de Marmontel, les Quatre Flacons.

1759. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Dans ses lettres, dans ses dissertations, il a offert à son siècle, enveloppés d’éloquence, les lieux communs qu’il avait, au cours de ses lectures, rencontrés dans les historiens, les orateurs, les poètes, les Pères de l’Église. […] Érudit universel à la mode du xvie  siècle, homme du monde à celle du xviie , ayant le goût de la politique, de l’histoire, de la philosophie, poète, ou du moins faiseur de poèmes, son vrai caractère, celui par lequel, même après la Pucelle, il conserva son autorité dans les salons et la confiance de Colbert, ce fut d’être l’« expert », le critique des œuvres littéraires. […] Tout le monde reconnaît ici la psychologie de Corneille : sur ces deux questions capitales, théorie de l’amour, théorie de la volonté, le philosophe souscrit aux affirmations du poète, et ne fait pour ainsi dire que donner la formule de l’héroïsme cornélien.

1760. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Verlaine965, un fin poète, naïf et compliqué, très savant, très tendre, et de qui il restera quelques petits chefs-d’œuvre de douloureuse angoisse ou de mystique ferveur. […] Maeterlinck, autre Belge, poète en prose, poète du mystère et des réalités supra-sensibles, prosateur subtil, tourmenté et naïvement prétentieux : la Princesse Maleine, les Aveugles, Pelléas et Mélisendre, Trois petits drames pour marionnettes. — Après eux on peut nommer M. 

1761. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Un vrai poète ne transige pas. […] De tout temps elle posséda des écrivains véritables, un plus grand nombre de vagues prosateurs et poètes assaisonnés de puissances éphémères : hommes de Cour autrefois, hommes politiques depuis 1830. […] Actuellement elle ne songerait certes pas davantage à faire un praticable comme on dit au théâtre, pour inviter à prendre place parmi ses élus un noble esprit aussi vigoureux, aussi libéré, aussi clair que celui de Remy de Gourmont, un esthète et romancier aussi sain que Joséphin Péladan, un poète et critique tel que Paul Claudel, un prodigieux penseur comme André Suarès… Cela, avouons-le, est dans la norme.

1762. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

C’est peut-être parce que Verlaine avait souffert réellement, qu’il intéressa moins : l’imagination des gens ordonnés et aisés, qui ont le moyen de s’installer en une loge d’Opéra-Comique ou une baignoire de Comédie-Française pour voir grelotter des poètes pauvres, se satisfait beaucoup plus de ces douleurs théâtrales que de la peu intéressante vérité des iniquités de la vraie vie. […] Interrogez là-dessus un peintre, un musicien ou un sculpteur, ou même un poète, du moment qu’il n’écrit pas en prose, car le journalisme et le roman forcent l’artiste à l’usage du monde : s’il est franc, il conviendra que le secret de son « air » est dans cette remarque psychologique. […] Quel gentleman a plus de correction courtoise que le peintre La Gandara, le poète Henri de Régnier, le musicien Vincent d’Indy ?

1763. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Mais l’essentiel est que ce droit un peu vague, bien que si réel, ne soit jamais supprimé, et que jamais les doctrines régnantes, au nom même du salut commun, ne puissent dire au poète, au littérateur, à l’érudit curieux, comme dans la banlieue d’une place de guerre le génie militaire dit à l’honnête homme, qui a sa métairie avec son petit bois et sa source d’eau vive : « Monsieur, nous avons besoin de ce petit coin qui vous sourit : il entre dans nos lignes, il nous le faut ; voilà le prix, soyez content, mais vous n’y rentrerez pas. » Ceux qui vivent des lettres, de l’amour des livres et des études, de ces passions après tout innocentes et désintéressées, peuvent céder un moment ce coin de leur être et le prêter à la chose et à la pensée publique, ils le doivent dans les cas urgents ; mais, ce cas cessant, ils rentrent de plein droit dans leur domaine. […] Se souvenant des vœux qu’il a lus tant de fois chez les poètes latins de sa connaissance, et les combinant avec les siens, il en compose sa devise : Honnêtes gens, dit-il en s’adressant au docteur son ami, et dont vous êtes un si parfait modèle ! […] C’est une idylle rustique empruntée à la vie réelle, et peut-être imitée des Grecs, dans laquelle le poète nous représente un pauvre laboureur se levant avant l’aube et préparant avec peine, avant de se rendre à l’ouvrage, son mets frugal composé d’ail et d’autres ingrédients : c’est ce mets qui avait nom Moretum.

1764. (1903) Zola pp. 3-31

Julien Sorel est avant tout un ambitieux ; mais il est aussi un amoureux, un rêveur, un poète, un ami et même un petit-maître. […] » Nul doute : cet homme était une manière de poète barbare, un Hugo vulgaire et fruste, mais puissant, un démiurge gauche, mais robuste, qui pétrissait vigoureusement la matière vivace et la faisait grimacer, mais palpiter, une sorte de démon étrange qui tenait le milieu entre Prométhée et Caliban, et, comme a dit très précisément M.  […] Elle dira sans doute : « Il ne fut pas intelligent ; il écrivait mal toutes les fois qu’il ne décrivait pas ; il ne connaissait rien de l’homme qu’il prétendait peindre, qu’il prétendait connaître et que, seulement, il méprisait ; il avait des parties de poète septentrional et un art de composition qui sentait le Latin ; et il savait faire remuer et gesticuler des foules. » Et il est possible aussi qu’elle n’en dise rien.

1765. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

On n’a point encore fait, et l’on ne fera jamais un morceau de peinture supportable d’après une scène théâtrale ; et c’est, ce me semble, une des plus cruelles satires de nos acteurs, de nos décorations, et peut-être de nos poètes. […] Je pardonne au poète, au peintre, au sculpteur, au philosophe même un instant de verve et de folie ; mais je ne veux pas qu’on trempe toujours là son pinceau, et qu’on pervertisse le but des arts. […] Homere est-il moins grand poète, lorsqu’il range des grenouilles en bataille sur les bords d’une mare, que lorsqu’il ensanglante les flots du Simoïs et du Xanthe, et qu’il engorge le lit des deux fleuves de cadavres humains ?

1766. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

. — Journalistes et romantiques, poètes et polémistes, qui vaquaient sans défiance à leur besogne littéraire, sont assaillis pêle-mêle… Victor Hugo et Villemessant, Th. de Banville et Monselet, tous reçoivent sur la tête le buste de Voltaire. — Ils se contentent d’abord de s’étonner, puis finissent par se fâcher sérieusement. […] Hugo et Lamartine étaient des poètes de troisième catégorie, que leur génie était simplement un bruit qu’on faisait courir, — acceptable tout au plus comme un conte de nourrice. […] —  Est-il be soin de dire que le poète de Mœlenis, après avoir barboté quelques minutes dans le flot jaune de la Seine, avait été recueilli par un bateau de blanchisseuses  ?

1767. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Après les témoignages graves, viennent les témoignages douteux, et jusqu’à celui du poète Scudéry, le plus grand vantard du monde. — Êtes-vous satisfait, lecteur sceptique ? […] Cousin attache bout à bout les histoires de toutes ces personnes, et raconte celle de son frère, de ses amis, de ses poètes, de ses amies, celle de Mlles de Rambouillet, de Mlle de Brienne, de Mlle de Montmorency, de Mlle du Vigean. […] Mais de ce labeur infini et de ces petits détails est sortie une œuvre vivante ; ces portraits si nombreux, attachés les uns au bout des autres, sont animés ; ils parlent au visiteur ; on sent la main d’un romancier et d’un poëte.

1768. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

Le poète dramatique, s’il est vraiment tel qu’il s’en est vu aux glorieuses époques et qu’on a le droit d’en espérer toujours, ce poète, dans la liberté et le premier feu de ses conceptions, ne songe point à faire directement un ouvrage moral ; il pense à faire un ouvrage vrai puisé dans la nature, dans la vie ou dans l’histoire, et qui sache en exprimer avec puissance les grandeurs, les malheurs, les crimes, les catastrophes et les passions.

1769. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

Ce qu’il dit contre les stupides admirateurs des anciens à propos de L’Iliade française me semble d’une grande justesse ; mais son La Motte n’est pas si grand poète qu’il dit, quoique homme de beaucoup d’esprit et de goût. […] C’était un poète d’humeur bizarre que Crébillon : il avait promis à Du Fresny, pour son Mercure, une critique, faite par lui, de sa propre tragédie, et il l’avait en effet commencée de bonne foi sans se ménager.

1770. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

génies gauches, malencontreux, amers ; poètes sans nom ; amants sans amour ou défigurés ; toi, Rabbe, qu’une ode sublime, faite pour te consoler, irrita ; toi, Sautelet, qui méditais depuis si longtemps de mourir ; et ceux qui vivent encore, et dont je veux citer quelques-uns ! […] Voyons, poëte, si tu comprends encore la douleur ; voyons, jeune homme, si tu crois encore à l’amour. » Eh quoi !

1771. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

Lerminier qu’alimente sans cesse une forte et courageuse étude, a pourtant à se garder de quelques écarts auxquels ne sont exposés d’ailleurs que les grands talents instinctifs, orateurs ou poètes, les talents porte-foudre, si l’on peut s’exprimer ainsi. […] Béranger, le poète, me disait un jour qu’une fois que les hommes, les grands hommes vivants, étaient faits types et statues (et il m’en citait quelques-uns), il fallait bien se garder de les briser, de les rabaisser pour le plaisir de les trouver plus ressemblants dans le détail ; car, même en ne ressemblant pas exactement à la personne réelle, ces statues consacrées et meilleures deviennent une noble image de plus offerte à l’admiration des hommes.

1772. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

André Chénier écrivit au Journal de Paris des articles vigoureux, où l’on voit qu’à ses dons de poète il unissait une réelle puissance oratoire. […] Je ne sais pas de lecture plus poignante que les lettres écrites de la prison du Luxembourg : ni romancier, ni poète n’ont jamais noté plus minutieusement, plus énergiquement toutes les convulsions, les tumultueuses angoisses, imprécations, effusions, affectations de courage, espérances folles, forcenés désespoirs, révoltes de tout l’être contre le néant entrevu, tout ce qui compose le terrible drame des derniers jours d’un condamné.

1773. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Evidemment non, car c’est précisément un des traits qui distinguent son œuvre de celle des poètes grecs et même des pièces de Corneille. […] Reste, parmi les milieux qu’il a traversés, la cour de Louis XIV, de ce roi qui, au dire de Mme Sévigné, gardait sa majesté jusqu’en jouant au billard, et il faut bien admettre que la cour, où l’on retrouve ces mêmes caractères dans la vie de tous les jours, a marqué de son empreinte le génie naturellement fin et délicat du poète.

1774. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

Ainsi, il est évident que quand une philosophie aussi savante et aussi éloquente que celle de Job nous apparaît tout à coup avec le livre qui porte ce nom dans la Bible, cette sagesse, cette expérience, cette éloquence, ne sont pas nées sans ancêtres du sable du désert, sous la tente d’un Arabe nomade et illettré ; il est également évident que quand un poète comme Homère apparaît tout à coup avec une perfection divine de langue, de rythme, de goût, de sagesse, aux confins d’une prétendue barbarie, il est évident, disons-nous, qu’Homère n’est pas sorti de rien, qu’il n’a pas inventé à lui seul tout un ciel et toute une terre, qu’il n’a pas créé à lui seul sa langue poétique et le chant merveilleusement cadencé de ses vers, mais que derrière Job et derrière Homère il y avait des sagesses et des poésies dont ces grands poètes sont les bords ; littératures hors de vue, dont la distance nous empêche d’apprécier l’étendue et la profondeur.

1775. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

Ces beaux vers prouveront aux poètes que leurs Muses gagneraient plus à rêver dans les cloîtres, qu’à se faire l’écho de l’impiété. […] Toutefois quand le temps, qui détrompe sans cesse, Pour moi des passions détruira les erreurs, Et leurs plaisirs trop courts souvent mêlés de pleurs, Quand mon cœur nourrira quelque peine secrète, Dans ces moments plus doux, et si chers au poète, Où, fatigué du monde, il veut, libre du moins, Et jouir de lui-même, et rêver sans témoins, Alors je reviendrai, solitude tranquille, Oublier dans ton sein les ennuis de la ville, Et retrouver encor, sous ces lambris déserts Les mêmes sentiments retracés dans ces vers.

1776. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Avant que d’en parler, soyons de bonne foi ; c’est peut-être le poëte qui a inspiré au statuaire ce désespéré d’Aristée. Il n’en est rien ; le poëte dit simplement : tristis ad extremi… etc. c’est un fils qui s’adresse à sa mère dans Virgile ; dans le statuaire, c’est un enragé qui charge les dieux d’imprécations.

1777. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Les poètes anciens sont pleins de ces sortes de présages. […] Les poètes tragiques ont le plus souvent marché dans cette ligne ; mais on pourrait dire, relativement à eux, que, lorsqu’ils sont entrés dans un tel ordre de choses, ils ont adopté l’idée d’une fatalité aveugle, pour rehausser la vertu de l’homme luttant au sein de l’esclavage.

1778. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

C’est ce Frédéric Masson qui publia un livre sur le cardinal de Bernis, qui, tout simplement, nous apprenait le cardinal de Bernis, que nous ne savions qu’à moitié, et nous entr’ouvrait cette robe rouge de cardinal qui paraissait rose aux clartés décomposantes du xviiie  siècle, et qui avait bien le droit d’être rouge, et du rouge le plus grave et le plus éclatant, puisqu’il y avait par-dessous un homme qui n’était plus le poète badin des marquises, mais le dernier et douloureux ministre d’État d’un gouvernement devenu lamentablement impossible… Bernis était un méconnu. On n’avait vu guères en lui que le poète frivole.

1779. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

Nous avons un panégyrique latin de cet empereur ; il est d’un Gaulois d’Aquitaine, nommé Pacatus : ce Gaulois était en même temps poète et orateur. […] Son père était médecin, et lui fut poète et orateur.

1780. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre IV. De la méthode » pp. 81-92

En suivant une métaphysique vulgaire qui fut la théologie des poètes, nous rappellerons (Voy. […] Nous montrons dans les fables l’histoire civile des premiers peuples, lesquels se trouvent avoir été partout naturellement poètes. 2º Même accord avec les locutions héroïques, qui s’expliqueront dans toute la vérité du sens, dans toute la propriété de l’expression ; 3º et avec les étymologies des langues indigènes, qui nous donnent l’histoire des choses exprimées par les mots, en examinant d’abord leur sens propre et originaire, et en suivant le progrès naturel du sens figuré, conformément à l’ordre des idées dans lequel se développe l’histoire des langues (axiomes 64, 65). 4º Nous trouvons encore expliqué par le même système le vocabulaire mental des choses relatives à la société 40, qui, prises dans leur substance, ont été perçues d’une manière uniforme par le sens de toutes les nations, et qui dans leurs modifications diverses, ont été diversement exprimées par les langues. 5º Nous séparons le vrai du faux en tout ce que nous ont conservé les traditions vulgaires pendant une longue suite de siècles.

1781. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article »

LAGRANGE, Poëte tragique.

1782. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « epigraph »

à la mémoire de HENRI-CHARLES READ ce livre est dédié Fleur de souvenir sur la tombe d’un poète mort lui-même en sa fleur J.

1783. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Le poète parle de ce qu’il a senti, le voyageur de ce qu’il a vu, le professeur parle généralement de ce qu’il a lu. […] Les romanciers et les poètes accompliraient sans doute, selon Brunetière, un acte de discipline en se déclarant critique romancier, ou critique poète. […] On connaît la distinction ordinaire de Faguet entre les poètes qui ont des idées, comme Vigny, et les poètes qui n’ont pas d’idées, comme Victor Hugo. […] Les indications essentielles au progrès, venues de tel philosophe ou de tel poète, faisaient tout à coup défaut. […] Il est écrit par un poète dramatique devenu philosophe et resté poète, par un des plus grands génies de tous les temps, qui s’est diverti un jour à faire de la critique littéraire, comme Fénelon s’y est diverti dans la Lettre à l’Académie.

1784. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montgomery, Lucy de »

[L’Année des poètes (1896).]

1785. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Devoluy, Pierre (1862-1932) »

René Ghil Pierre Devoluy, le poète de Flumen , un superbe poème évolutif.

1786. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jan, Ludovic »

Charles Fuster Voici un recueil où tout n’est pas également remarquable, mais dont plusieurs morceaux rustiques, des vers de paysans, sont aussi des vers de grand poète.

1787. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — La Vaudère, Jane de (1860-1908) »

[L’Année des poètes (1893).]

1788. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Benoît, Émile »

[L’Année des poètes (1895).]

1789. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bibesco, Alexandre (1842-1911) »

[L’Année des poètes (1895).]

1790. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lam, Frédéric »

[L’Année des poètes (1895).]

1791. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mas, François »

[L’Année des poètes [1894).]

1792. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Somveille, Léon »

[L’Année des poètes (1893).]

1793. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Stiévenard, Marthe (1852-1921) »

[L’Année des poètes (1891).]

1794. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aubé, Edmond »

[L’Année des poètes (1893).]

1795. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baes, Edgar (1837-1909) »

[L’Année des poètes (1897).]

1796. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bérenger, Henry Victor (1867-1952) »

[L’Année des poètes (1892).]

1797. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouchard, Joseph (1870-1907) »

[L’Année des poètes (1893).]

1798. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Duchosal, Louis (1862-1901) »

Charles Fuster Ce livre a été écrit sous les toits, devant un ciel triste, par un poète qui souffre, qui souffre véritablement et dont un mal cruel rend la voix plus étrangement suave… []

1799. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Huguenin, Pierre (1874-1937) »

[L’Année des poètes (1894).]

1800. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Melvil, Francis »

[Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).]

1801. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nicolas, Georges (typographe) »

[L’Année des poètes (1896).]

1802. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Noël, Alexis (1867-19..) »

[L’Année des poètes (1891).]

1803. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Steens, Achille »

[L’Année des poètes (1895).]

1804. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tournefort, Paul de »

[L’Année des poètes (1893).]

1805. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Le Poëte Anglois n’y perd rien de la vivacité de son coloris, & y gagne beaucoup par l’élégance & la douceur qu’elle a su répandre sur ses tableaux.

1806. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Burnier, Charles »

[L’Année des poètes (1893).]

1807. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — François, Pierre-A. »

[L’Année des poètes (1893).]

1808. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gauthiez, Pierre (1862-1945) »

Joseph Castaigne Son lyrisme éclot magnifiquement dans le Sang maudit, poème symbolique sur le crime de Caïn… [L’Année des poètes (1894).]

1809. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jehan, Auguste (1863-1943) »

Philippe Gille Ces chants ont le rare mérite d’être l’œuvre d’un poète convaincu.

1810. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lucas, Hippolyte (1807-1878) »

[L’Année des poètes (1891).]

1811. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Magnier, Achille (1853-19..) »

[L’Année des poètes (1893).]

1812. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Perthuis de Laillevault, Edmond Edouard Charles de (1822-1904) »

[L’Année des poètes (1896).]

1813. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — Q — Quet, Édouard (1876-19..) »

[L’Année des poètes (1896).]

1814. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Surya, Jean »

[L’Année des poètes (1891).]

1815. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article »

Ce vers & demi de Boileau, Qu’on vit, avec Faret, Charbonner de ses Vers les murs d’un Cabaret, est le seul monument qui nous reste de sa triste célébrité : il a été cependant Poëte, Traducteur, Historien, Académicien.

1816. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Avenel, Paul (1823-1902) »

[L’Année des poètes (1898).]

1817. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gaud, Auguste (1857-1924) »

[L’Année des poètes (1892).]

1818. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Lorrain, Jacques (1856-1904) »

Jacques Le Lorrain, un poète savetier (?)

1819. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — W — Wismes, Gaëtan de (1861-1944) »

[L’Année des poètes (1896).]

1820. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 479

PELETIER, [Pierre le] né à Paris, mort en 1680 ; Poëte médiocre, qui faisoit des Sonnets médiocres, à la louange de tous les Ouvrages médiocres de son temps.

1821. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Vous vous croyez poètes lyriques, et vous ne faites que des dissertations en vers. […] Ô poète, ô maître, ô semeur ! […] Et en même temps qu’un quatrième culte, une quatrième forme d’art s’impose au poète, la forme épique. […] Mais bien entendu, cela n’est possible que quand on a pénétré jusqu’au fond même du génie du poète, et voilà pourquoi l’œuvre d’art de M.  […] Jules Lemaître ait dit : « Oui, La Fontaine, grand poète, sans doute ; mais pourquoi, diantre, s’est-il avisé d’écrire des fables ? 

1822. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Œdipe roi est un mélodrame écrit par un grand poète. […] Rivollet a un beau talent de versificateur et presque de poète. […] Rivollet sent qu’il faut enrichir et faire miroiter un peu cela, et, rendant Antigone « poète mal à propos », comme répète sans cesse Voltaire dès qu’un poète dramatique se permet d’être poète — et qu’est-ce qu’il dirait de nos jours ? […] Ce poète n’aurait pas manqué de mettre en action la catastrophe qu’il n’a mise qu’en récit. […] Il l’eût plus aisément amené à déclarer, avec conviction, que tous les autres poètes en composaient de tels.

1823. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Alby, Jules »

[L’Année des poètes (1895).]

1824. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bernard, Charles »

[L’Année des poètes (1893).]

1825. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Campaux, Antoine-François (1818-1901) »

Campaux, un poète aussi, un disciple de Villon, disciple sérieux, ennoblissant, qui relève en l’imitant le vieil écolier de Paris tout étonné d’être un maître.

1826. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Capillery, Louis (1870-19..) »

[L’Année des poètes (1892).]

1827. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fleurigny, Henry de (1849-19..) »

Louis Dupont C’est un poète aimable que M. de Fleurigny, et le volume qui vient de paraître sous son nom (Éclats de verre) renferme plus d’une pièce d’un rare sentiment d’à-propos et d’humour.

1828. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rivet, Fernand »

[L’Année des poètes (1896).]

1829. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tinchant, Albert (1860-1892) »

Pour les jeunes poètes, Namouna est le plus dangereux des livres de chevet.

1830. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Audigier, Georges (1863-1925) »

[L’Année des poètes (1894).]

1831. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barthès, Jean (abbé, 18..-19..) »

[L’Année des poètes (1896).]

1832. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Boudias, Gaston »

[L’Année des poètes (1893).]

1833. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Février, Raymond (1854-19..) »

[L’Année des poètes (1892).]

1834. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Germain-Lacour, Alphonse-Marie-Joseph (1860-19..) »

[L’Année des poètes (1891).]

1835. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Houdaille, Octave (18..-19..) »

Ajoutez une pointe d’ironie, un peu de scepticisme et de désenchantement, comme chez quelques poètes anglais de notre siècle, comme dans l’Illusion de Jean Lahor.

1836. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sansrefus, Gaston »

Armand Silvestre Sur tous les rivages, le poète nous entraîne, et partout ce lui est l’occasion d’un paysage merveilleusement juste, d’une impression pleine de couleur.

1837. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 487

Egalement Acteur & Poëte, il a composé plusieurs Comédies, dont quelques-unes, conduites avec art, sont d’une gaieté assez piquante.

1838. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article »

Riuperoux, [Théodore de] né à Montauban en 1664, mort à Paris en 1706, Poëte tragique, Auteur d'une Hypermnestre moins chargée de machines, mais beaucoup mieux conduite, mieux versifiée que celle de M.

1839. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Billaud, Victor (1852-1936) »

[Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).]

1840. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Canivet, Charles (1839-1911) »

[Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).]

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