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1326. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Fût-on en apparence plus assidûment livré à d’autres études, non moins hautes, non moins fécondes, mais plus libres dans le temps et l’espace, il faut accepter, lorsqu’elles se présentent, certaines tâches austères de la pensée.

1327. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Il est libre d’aller ou de ne point aller sur cet effrayant promontoire de la pensée d’où l’on aperçoit les ténèbres.

1328. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Car il sera le temple de l’idée, le foyer ardent de l’Âme consciente, libre et créatrice. » Sans doute.

1329. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Il y a ainsi toute une gamme de nuances qui, sans solution de continuité, rattache les faits de structure les plus caractérisés à ces libres courants de la vie sociale qui ne sont encore pris dans aucun moule défini.

1330. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Il est aussi dans les membres de phrase courts en même temps qu’ils sont sourds, des membres de phrase déprimés du commencement, auxquels s’oppose le membre de phrase final, non pas allègre, mais libre, mais libéré, s’espaçant discrètement, mais s’espaçant et prenant du champ et qui semble comme l’expression du soulagement et de la reprise de la vie dans un sourire : « les yeux des jeunes filles y sont (verts et bleus à la fois) comme ces vertes fontaines où sur un fond d’herbes ondulées se mire le ciel. » Ainsi, en lisant à haute voix, vous vous pénétrez des rythmes qui complètent le sens chez les écrivains qui savent écrire musicalement ; du rythme qui est le sens lui-même en sa profondeur ; du rythme qui, en quelque façon, a précédé la pensée (car il y a trois phases : la pensée en son ensemble, en sa généralité : « Je suis né en Bretagne » — le rythme qui chante dans l’esprit de l’auteur, qui est son émotion elle-même et dans lequel il sent qu’il faut que sa pensée soit coulée — le détail de la pensée qui se coule en effet dans le rythme, s’y adapte, le respecte, ne le froisse pas et le remplit) ; du rythme enfin qui, parce qu’il est le mouvement même de l’âme de l’auteur, est ce qui, plus que tout le reste, vous met comme directement et sans intermédiaire en communication avec son âme.

1331. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

J’oserai ajouter que les libres penseurs ne sont pas toujours en cette matière les plus intolérants.

1332. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Remarquons, de plus, que les envahissements de cette littérature ont commencé chez nous à une époque où la langue était fixée, et, qu’il me soit libre de le dire, au moment où nos traditions nationales perdaient déjà de leur autorité et de leur vénération parmi les peuples.

1333. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Elles tendirent à devenir dans la réalité la femme libre, que le saint-simonisme avait révélée ; car des romans passionnés popularisent une idée et la font passer plus vite dans les idées et dans les mœurs que la plus crâne et la plus cambrée des théories.

1334. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

En réalité, ces invasions, dont on a fait des événements si majeurs, et qui n’eurent que l’importance de leurs ravages, ne furent ni calculées, ni délibérées, ni libres.

1335. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

si libre que soit un auteur dans l’application de sa méthode et dans l’exposition de ses théories attardées, il est des formes littéraires qui sont comme les devoirs de politesse de la pensée.

1336. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Elle signifie que Voltaire, bien qu’appartenant à l’élite, se réclamait d’une esthétique trop médiocre et trop restreinte pour admettre un poète aussi libre, aussi tumultueux, aussi exubérant que Shakespeare.

1337. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Entouré d’amis qui lui conseillaient de prendre le pouvoir, il avait refusé en disant : « C’est un beau pays que la royauté ; mais ce pays n’a pas d’issue. » Et plus tard, amusant son repos avec ce charme de la poésie dont il avait appuyé ses lois, il répétait : « Si j’ai épargné ma patrie, et n’ai pas voulu m’en rendre maître, ni m’élever par la force, en déshonorant la gloire que j’avais obtenue d’ailleurs, je n’ai honte ni repentir de cette modération : au contraire, c’est le côté par où j’ai surpassé les autres hommes. » Le législateur d’Athènes, celui dont les lois, dans quelques maximes éparses, offrent encore de mémorables leçons, résista jusqu’à la fin à la lente usurpation de Pisistrate, dénonça ses menées populaires, protesta contre sa garde, et, enhardi par la vieillesse, vécut libre, même sous un maître qu’il avait pressenti et bravé.

1338. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Il n’est presque pas d’esprit prétendu libre, en cette époque si profondément timide, chez qui ne se remarque, plus ou moins dissimulée, tacite ou arrogante, cette panique du divin. […] Tout libéral respecte l’union libre et considère le divorce, d’abord comme un mal nécessaire, puis, comme un presque bien légitimement acquis. […] Kant est un père de la démocratie. » Il voulait dire que le criticisme déchaînait le libre examen et mettait une rallonge à Luther, ce qui est exact. […] les « novateurs » du XIXe, cherchant une morale qui ne fût point la catholique, n’en découvrirent qu’une : l’impératif catégorique de Kant, fils du libre examen de Martin Luther. […] Elle se donna libre carrière avec les laissés pour compte du transformisme.

1339. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Euripide a fait de la tragédie le genre le plus libre, le plus souple, le plus varié. […] Il n’était vraiment pas libre de raffiner beaucoup. […] Molière, comme vous pensez, était beaucoup moins libre sur ce point. […] La douce et libre vie intellectuelle qui nous a été faite nous laisse trop négliger la mémoire de ceux à qui nous en devons la commode douceur. […] Mais ce sur quoi raisonnent ces gentils écrivains, ce qu’ils nous montrent et nous recommandent, ce n’est que l’amour libre ou l’adultère.

1340. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Il n’y a que celui qui gagne sa vie qui ait le droit d’agir et de parler en homme libre, et encore le doit-il faire avec politesse. […] S’il veut se marier, il le peut ; s’il veut rester en union libre, il lui est loisible. […] Moralement, je n’en suis que plus libre. […] Union libre. […] j’en ai assez de l’union libre.

1341. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Comme ils savaient son instinct contraire à leurs tendances, les esprits d’exception se sont écartés pour laisser le champ libre à la cohue triomphante. […] Elle savait écouter, regarder et lire, cette Foule ignorante, parce qu’elle était libre des préjugés du Public contemporain. […] Le comte Léon Tolstoï, l’admirable écrivain de Guerre et paix, obéissant à l’esprit évangélique qui fait de lui une sorte d’apôtre libre ou de sacerdotal éducateur des moujiks, écrivit pour eux, dans leur langue, ce noir drame. […] C’est Voltaire qui révèle Newton aux Français, servant ainsi cet esprit scientifique à qui, sachant trop mal et trop peu, il fit dire Non, mais qui devait, libre plus tard, s’engager dans la belle voie qui mène aux affirmations lumineuses. […] — La première Revue indépendante est l’œuvre de Félix Fénéon qui avait déjà fait La Libre Revue, moins importante.

1342. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

La réponse qu’il venait de faire, si ferme et si libre, son âge parfaitement d’accord avec le temps où le fils de Mandane avait dû périr, tant de rapports frappaient Astyage. […] Si vous me refusez, les peines que vous avez endurées hier, et d’autres sans nombre, seront votre partage : laissez-vous donc persuader par moi, et devenez libres. […] Si donc vous êtes ce que je crois, cessez sur-le-champ d’obéir à Astyage. » « Les Perses, fatigués depuis longtemps de la domination des Mèdes, charmés d’avoir un chef, se livrèrent à sa conduite, et se déclarèrent libres.

1343. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Qu’il reste le grand orgue des cathédrales auquel préludent les bruyants carillons de la réclame, soit ; mais ne suis-je pas libre, tout en l’admirant, de lui préférer le sanglot long des violons, la plainte du violoncelle ou l’ironie subtile et fière du roseau pensant ? […] Mais il manque, même à Mistral, d’être mort pour qu’on soit libre de le proclamer immortel. […] Mais je suis en fait bien libre, et il vivrait encore, que c’est Hugo que je vous nommerais.

1344. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

D’où le recours au vers prétendu libre. […] En ce sens entendons la parole profonde, « le vers libre est une conquête morale66 ». […] Le monde est de l’esprit précipité et l’essence volatile s’en échappe incessamment à l’état de pensée libre.

1345. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Pendant trente-trois ans, nous avons été trop heureux et trop libres, et notre bonheur nous a aveuglés pendant que notre liberté nous égarait. […] L’apothéose de M. de Balzac, puisque tel est le véritable sujet de cette étude, ne dépassera plus les limites de ce demi-monde, ainsi nommé par un des siens, et dont les héros et les grandes dames sont libres de se reconnaître dans la Comédie humaine. […] — Syllepse, hypallage, litote, Frémirent ; je montai sur la borne Aristote, Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs. […] Hugo est bien libre de s’arranger toujours pour être de l’opinion qu’il croit la plus favorable à ses succès. […] Ceci posé, je me sens plus libre de parler de son second Entretien, d’exprimer l’admiration que m’inspirent quelques-unes de ces pages, de rechercher si quelques autres ne justifient pas mes pressentiments.

1346. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Mais si j’étais libre jeudi dernier, je ne le suis plus ! […] C’est ce qui n’est possible encore que dans un temps de libre satire sociale. […] Sous le nom d’Agathe, vous transformez Agnès en une délurée de comédie, plus vive, plus gaillarde, plus libre en ses propos qu’un capitaine de dragons. […] Mais elle devient terriblement scabreuse quand, au lieu d’être maîtresse encore de sa personne et libre de son choix, l’héroïne, comme dans Rhadamiste, est déjà la captive du père, et la femme de celui des deux fils qu’elle n’aime pas. […] Cette grande littérature avait quelque chose de trop viril ; — entendez, alternativement et selon les genres, quelque chose tantôt de trop grave ou de trop austère, et tantôt quelque chose de trop libre ou de trop cynique.

1347. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Dans cet accès de passion nationale et de sévérité protestante, quiconque affiche des idées ou des mœurs libres semble un incendiaire et ameute contre soi l’instinct des propriétaires, les doctrines des moralistes, les intérêts des politiques et les préjugés du peuple. […] Je suis comme le tigre : si je manque mon premier bond, je rentre en grondant dans ma jungle ; si je le fais juste, il est écrasant1259. » Sans doute il bondit, mais il a sa chaîne : jamais, dans le plus libre élan de ses pensées, il ne se détache de soi. […] —  Nos sens étroits, —  notre raison fragile, —  la vie courte, —  la vérité, une perle qui aime l’abîme, —  toutes les choses pesées dans la fausse balance de la coutume ; —  l’opinion, souveraine toute-puissante, qui jette — sur la terre le manteau de ses obscurités, jusqu’à ce que le juste — et l’injuste semblent des accidents, et que les hommes pâlissent — de la crainte que leurs propres jugements n’éclatent au jour, —  et que leurs libres pensées ne soient des crimes, et que la terre n’ait trop de lumière. […] Voilà comme ils meurent, —  léguant leur rage héréditaire — à une race nouvelle d’esclaves-nés, qui recommenceront la guerre — pour garder leurs chaînes, et, plutôt que d’être libres, —  saigneront en gladiateurs, et toujours iront s’assaillant — dans cette même arène où ils voient — leurs compagnons tombés avant eux, comme les feuilles du même arbre1272.

1348. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

cette guerre de couleur locale, de libre allure et de propriété d’expression qu’ils poussèrent plus tard à l’absurde. […] Libre à vous de penser ce que vous voudrez de leurs produits, mais libre à eux aussi de poursuivre leur besogne comme ils l’entendent. […] Admettre que l’art doit rester libre et personnel, c’est-à-dire primesautier, c’est admettre aussi que l’artiste, comme je l’établissais en commençant, n’a à rechercher ses ressources et ses règles qu’en lui-même, et à procéder, en restant toujours de son époque, comme si rien n’avait été fait avant lui. […] Tant que chez eux l’artiste garde son libre essor, tout se passe à merveille, puis, dès que l’homme intervient, ils deviennent lourds et tâtonnent.

1349. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Il le faut surtout, si l’on met au fond des choses la durée et le libre choix. […] Il est vrai qu’il nous en coûtera un assez gros sacrifice : si le principe de toutes choses existe à la manière d’un axiome logique ou d’une définition mathématique, les choses elles-mêmes devront sortir de ce principe comme les applications d’un axiome ou les conséquences d’une définition, et il n’y aura plus de place, ni dans les choses ni dans leur principe, pour la causalité efficace entendue au sens d’un libre choix. […] Ne sommes-nous pas libres de diriger notre attention où il nous plaît et comme il nous plaît ? […] Que je dise « le sol est humide » ou « le sol n’est pas humide », dans les deux cas les termes « sol » et « humide » sont des concepts plus ou moins artificiellement créés par l’esprit de l’homme, je veux dire extraits par sa libre initiative de la continuité de l’expérience. […] Ici la fantaisie du philosophe se donnera libre carrière, car c’est par un décret arbitraire, ou du moins discutable, qu’on égalera tel aspect du monde sensible à telle diminution d’être.

1350. (1886) Le naturalisme

La chute d’une nature originairement pure et libre peut seule donner la clé de ce mélange de nobles aspirations et d’instincts bas, de besoins intellectuels et d’appétits sensuels, de ce combat que tous les moralistes, tous les psychologues, tous les artistes se sont plu à surprendre, à analyser et à peindre. […] Notable erreur que de croire que pour se conformer à la méthode réaliste, un auteur abdique ses libres facultés de création. […] Tout écrivain réaliste est libre de s’écarter d’un chemin aussi serpenteux, que n’ont jamais suivi nos meilleurs classiques, qui étaient cependant réalistes et très réalistes. […] Depuis son berceau même, le roman anglais est dominé par des tendances utilitaires, qui le lient au sol, pour ainsi dire, et l’empêchent de voler par les espaces sublimes que parcourt la libre fantaisie de Shakespeare et de Cervantès. […] Ses épousailles avec le réalisme le préserveront de la tentation de se faire dans ses romans le champion de la libre pensée, du système constitutionnel, choses que je ne prétends pas juger ici, mais qui, dans les admirables livres de Galdos, sont trop la raison d’être de ses livres.

1351. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Il n’est pas plus déterministe que ne l’était mon grand ami, le professeur Grasset, de Montpellier, mais de ce que l’homme est libre, il ne s’ensuit pas que l’exercice de cette liberté soit inconditionné. Qui donc a dit : « Nous sommes libres du premier acte, nous sommes esclaves du second ?  […] Elle sort cependant, et elle aperçoit, à travers la buée qui se fait moins épaisse, des silhouettes de bateaux sur la rivière qui mène à la mer libre : « Oh !  […] Il a du sens si nous sommes libres, et il n’en a qu’à cette condition. […] Elle grandit, devient commune libre.

1352. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Mais la critique professionnelle, elle aussi, en sort plus agile, plus éclairée, plus libre, plus désintéressée, elle cesse de s’absorber dans la besogne technique, législatrice, historique, de Chapelain et de Boileau. […] Aucun critique professionnel, aucun critique universitaire, s’il est de bonne foi, ne partagera ce sentiment, mais, s’il est d’esprit libre, il le comprendra. […] La fonction vraiment supérieure de la critique ne consiste pas à faire ce métier, mais bien à laisser tomber les œuvres qui ne valent rien et à comprendre non seulement les chefs-d’œuvre, mais, ce qui est plus difficile, le jeune, le nouveau dans leur libre élan créateur. […] Ajoutons-en même un quatrième, un libre faubourg, une banlieue, des maisons dans la forêt, pour les formes de critique qui paraîtront rentrer mal dans notre ville aux trois quartiers. […] Intermédiaire par sa date entre les Lettres Persanes et les Lettres Philosophiques, elle marque qu’une nouvelle période française s’ouvre, que le libre esprit du xvie  siècle reparaît sous une figure nouvelle, et que le groupe des amis de Montaigne va se reconstituer, se multiplier et vivre.

1353. (1911) Études pp. 9-261

Il ne peut donc être l’œuvre que de la créature libre, libre de se prendre elle-même pour fin, au lieu de Dieu qui n’a pas de fin. […] Un air ou un chœur de Dardanus, encadré par ses ritournelles ou engagé entre deux récits de forme à peu près fixe, est aussi expressif que les plus libres mélodies dramatiques d’aujourd’hui. […] L’âme qui se révèle à travers ces phrases, de même est libre. […] Mais il les rejette aussitôt qu’il s’est servi d’elles, que par elles il s’est appris ; il les abandonne comme il dépouille tout son passé ; il reste seul, pur, sans autre bien que sa vie trop libre qui l’oppresse. […] L’amour de Gérard est pareil à cette longue promenade qui, dans La Tentative Amoureuse, conduisit Luc et Rachel jusqu’au parc entouré de murs ; puis, un jour, étant revenus, ils le trouvèrent libre et vide ; mais ils avaient été heureux.

1354. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Or, Sixte IV, quoique de l’ordre des franciscains, & l’ennemi naturel des thomistes, a suspendu ses foudres, a laissé le monde chrétien libre de croire ou ne pas croire l’immaculée conception. […] Les parties furent appointées au commencement d’avril 1565, de manière que les jésuites, sans être aggrégés à l’université, restèrent libres de publier leurs leçons publiquement. […] Ensuite, selon l’usage qu’il voit que fera le libre arbîre, il prend des arrangemens, en vertu du congruisme, qui nous engagent à faire le bien, & même à y persévérer jusqu’à la mort, sans néanmoins nous y déterminer directement & par sa toute-puissance. […] Le livre de Molina étoit intitulé, Concorde de la grace & du libre arbître. […] Il fut libre à chaque corps de prendre le théologien qu’il voudroit, pour soutenir sa cause commune.

1355. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

La République de 1848 lui donna la joie de voir la France libre de se choisir un gouvernement ; il ne se fit pas les illusions des partis pressés de nouvelles chutes ; il ne participa ni aux illusions, ni aux fusions, ni aux conspirations ; il comprit que la fin du siècle était au tâtonnement, aux essais, aux déviations du peuple en tout sens. […] Quelques arcs et deux carquois remplis de flèches étaient suspendus aux murs ; sur un côté du divan paraissait un grand tableau représentant un cheval libre franchissant un torrent, et, derrière le cadre, je reconnus un portrait de Bonaparte presque entièrement dérobé à la vue.

1356. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Mais, si c’est le propre de l’injustice d’engendrer des haines et des dissensions partout où elle se trouve, elle produira sans doute le même effet parmi les hommes libres ou esclaves, et les mettra dans l’impossibilité de rien entreprendre en commun ? […] Libre, sauvage et indomptée dans ses forêts de la Gaule, sacerdotale sous ses druides, chevaleresque sous ses Francs, féodale sous ses chefs militaires, municipale sous ses communes, monarchique sous ses rois, représentative sous ses états généraux, conquérante sous ses princes ambitieux, artistique sous ses Valois, fanatique sous ses ligueurs, anarchique dans ses dissensions religieuses, unitaire sous ses Richelieu et sous ses Louis XIV, agricole sous ses Sully, industrielle sous ses Colbert, lettrée sous ses Corneille et ses Racine, théocratique sous ses Bossuet, philosophe et incrédule sous ses Voltaire, réformatrice et révolutionnaire sous ses Fénelon et ses J.

1357. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

L’école du libre et facile naturel se transforma en une école ennemie du naturel, guindée, raffinée, laborieuse dans la conception, négligente seulement dans l’exécution : on saisit le passage dans l’œuvre de Théophile270, en qui l’on peut saluer le dernier des lyriques et le premier des précieux ; il donne une main à Bertaut et l’autre à Voiture. […] D’Urfé, qui avait au plus neuf ans quand son frère épousa la belle Diane de Châteaumorand, n’était point un Céladon ni un Silvandre blessé d’amour, et il paraît bien que, sa belle-sœur devenue libre, il ne se maria avec elle que par des raisons d’intérêt.

1358. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Les souvenirs de la vie libre et heureuse que j’avais jusque-là menée avec ma mère me perçaient le cœur. […] Entre moi et mes maîtres ecclésiastiques tout fut libre et spontané.

1359. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Qualifié de wagnérien, il y a plus de vingt-cinq ans, alors qu’il fallait un certain courage pour proclamer hautement son admiration envers l’auteur de Lohengrin, je passe aujourd’hui pour un tiède, n’ayant pas consenti à m’enrôler dans la confrérie, qui voudrait faire du wagnérisme une sorte de religion, excluant tout libre examen et toute critique. […] Si c’est un chef-d’œuvre, on le verra bien ; si cela nous ennuie, nous serons libres de le dire, et ce qui est bien quelque chose, on ne pourra plus nous en contester le droit.

1360. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Ainsi Bossuet, quand il était obligé d’écrire à l’avance se réservait du moins la chance d’une expression double ; il gardait toujours une ou deux voiles libres, ouvertes, pour le vent soudain du moment.

1361. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Les esprits curieux et libres, les esprits délicats et fins, sont enclins à ne pas goûter Bossuet, et ils ont leurs raisons pour cette antipathie.

1362. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Le 9 thermidor arrive : bientôt Frochot, rendu à la liberté, redevient l’élu des libres suffrages.

1363. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

La précision même des détails nuit peut-être à une plus libre intelligence ; l’auteur suit trop pas à pas son chemin ; on s’aperçoit bien qu’on n’a point avec lui affaire à une pure fantaisie, mais on ne sait trop où il en veut venir.

1364. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Son père, procureur du Roi à Hesdin, assista à sa profession ; la veille, il lui avoit donné les avis salutaires qu’un père respectable pouvoit donner à un fils : il lui tint ce propos entre autres, en présence de la Communauté de Saint-Wandrille, si je ne me trompe, que s’il manquoit de son vivant aux engagements qu’il étoit parfaitement libre de contracter ou de ne pas contracter, il le chercheroit par toute la terre pour lui brûler la cervelle.

1365. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Le déterminisme rigoureux des visions du Haschisch ne pouvait, en effet, sourire à cet amoureux de la volonté libre, de la volonté seule maîtresse, pour lui, de l’inspiration.

1366. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Le poëte au dedans restait libre, et je crois que derrière ce retranchement impénétrable nulle servitude n’eût pu l’envahir.

1367. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Si le libre examen leur est inconnu, à plus forte raison la demi-croyance, le doute et toutes ces mille nuances qui séparent la certitude de l’ignorance.

1368. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Je crois la voir donner la main à Mme Dacier, cette autre Clorinde de la naïve érudition d’antan  Mlle de Montpensier est une héroïne de Corneille, très fière, très bizarre et très pure, sans nul sentiment du ridicule, préservée des souillures par le romanesque et par un immense orgueil de race ; qui nous raconte, tête haute, l’interminable histoire de ses mariages manqués ; touchante enfin dans son inaltérable et superbe ingénuité quand nous la voyons, à quarante-deux ans, aimer le jeune et beau Lauzun (telle Mandane aimant un officier du grand Cyrus) et lui faire la cour, et le vouloir, et le prendre, et le perdre  Le sourire discret de la prudente et loyale Mme de Motteville nous accueille au passage  Mais voici Mme de Sévigné, cette grosse blonde à la grande bouche et au nez tout rond, cette éternelle réjouie, d’esprit si net et si robuste, de tant de bon sens sous sa préciosité ou parmi les vigoureuses pétarades de son imagination, femme trop bien portante seulement, d’un équilibre trop imperturbable et mère un peu trop bavarde et trop extasiée devant sa désagréable fille (à moins que l’étrange emportement de cette affection n’ait été la rançon de sa belle santé morale et de son calme sur tout le reste)  A côté d’elle, son amie Mme de La Fayette, moins épanouie, moins débordante, plus fine, plus réfléchie, d’esprit plus libre, d’orthodoxie déjà plus douteuse, qui, tout en se jouant, crée le roman vrai, et dont le fauteuil de malade, flanqué assidûment de La Rochefoucauld vieilli, fait déjà un peu songer au fauteuil d’aveugle de Mme du Deffand  Et voyez-vous, tout près, la mine circonspecte de Mme de Maintenon, cette femme si sage, si sensée et l’on peut dire, je crois, de tant de vertu, et dont on ne saura jamais pourquoi elle est à ce point antipathique, à moins que ce ne soit simplement parce que le triomphe de la vertu adroite et ambitieuse et qui se glisse par des voies non pas injustes ni déloyales, mais cependant obliques et cachées, nous paraît une sorte d’offense à la vertu naïve et malchanceuse : type suprême, infiniment distingué et déplaisant, de la gouvernante avisée qui s’impose au veuf opulent, ou de l’institutrice bien élevée qui se fait épouser par le fils de la maison !

1369. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Auguste Vacquerie Toi qu’on disait l’artiste ardent mais l’homme tiède, Le rimeur égoïste et sourd à tous nos cris, Le jour où l’Allemagne assiégea ce Paris Haï des nations parce qu’il les précède, Quand sachant que Paris difficilement cède Et que, criblé, haché, broyé sous les débris, Les obus n’obtiendraient de lui que son mépris, L’Allemagne appela la famine à son aide, Quand plusieurs étaient pris du goût de voyager, Toi qui dans ce moment étais à l’étranger, Chez des amis, avec une fille chérie, Dans un libre pays, au bord d’un lac divin, Pouvant vivre tranquille et manger à ta faim, Tu choisis de venir mourir pour la patrie.

1370. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Son âme est comme l’idéal accompli de la généralité des âmes que l’ironie n’a pas desséchées, que la nouveauté n’enivre pas immodérément, que les agitations mondaines laissent encore délicates et libres.

1371. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Les Gelosi furent libres alors de continuer leur voyage.

1372. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Soit L’Homme libre et Les Millions honteux.

1373. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

Chacun doit être libre de conduire sa barque, à ses risques et périls et de chercher son bien à sa façon.

1374. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

On avait le droit de faire des objections et des questions au lecteur ; de la sorte, la réunion dégénérait vite en une sorte d’assemblée libre.

1375. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Il ne reste que le héros incomparable de la Passion, le fondateur des droits de la conscience libre, le modèle accompli que toutes les âmes souffrantes méditeront pour se fortifier et se consoler.

1376. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

L’art ainsi entendu, c’est la vaste égalité, et c’est la profonde liberté ; la région des égaux est aussi la région des libres.

1377. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Libre, elle vole à Versailles, est introduite dans S.

1378. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Subjectivement vraies pour elle, nous sommes également libres de les admettre et de les rejeter, puisqu’elles ne contredisent nulle part les livres qui obligent à la foi.

1379. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Il est libre de décréter ce qui lui plaît : son système sera immobile, par définition même, s’il en fait son « système de référence » et s’il y installe son observatoire.

1380. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Des caractères tels que celui de Lumley, une fois connus, se tolèrent par nécessité, mais ne permettent jamais les libres épanchements d’une amitié intime. […] Autant le premier est faux et languissant, autant le second est libre dans son allure, rapide et imprévu dans ses mouvements. […] Tels éléments qui se combinent entre eux lorsqu’ils se dégagent d’une combinaison précédente, refusent de se combiner lorsqu’ils sont libres depuis longtemps : eh bien ! […] L’auteur n’a choisi Athènes que pour donner à sa fantaisie un plus libre cours. […] Hippolyte, pour toute réponse, reproche à Clinias de gâter son bienfait, de méconnaître la dignité d’une femme libre, de manquer aux devoirs de l’hospitalité.

1381. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Ils étaient en paix ; ils possédaient un abri ; les libres penseurs n’en avaient point. […] Elle allait précisément surgir des efforts de la libre pensée ; mais elle n’avait encore ni base arrêtée, ni véritable substance. […] Il ne l’ouvre pas à petits plis, comme les moralistes analytiques, mais brusquement et à libres entrées, comme les grands comiques. […] Son père se borna trop à laisser libre cours à la nature ; il se confia trop au sens commun en philosophie. […] On sait qu’alors ils étaient peu connus, et que l’imagination avait le champ libre à leur égard.

1382. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Le Juif errant avait « marché » en effet ; il assistait au déclin de la religion du Christ, aux progrès de la pensée libre, et triomphait contre celui qui l’avait maudit. […] Et l’on serait fort peu libre de penser à sa guise, témoin Socrate, et exposé en outre au chagrin d’assister à des sacrifices humains (on en fit avant Salamine). […] Brunetière est un esprit très libre en dehors des cas où ses doctrines essentielles sont directement intéressées. […] Zola, sous couleur de critique littéraire, n’a jamais fait qu’ériger son goût personnel en principe : ce qui n’est ni d’un esprit libre ni d’un esprit libéral. […] Et peut-être aussi que les bons tours que la nature inférieure joue aux conventions sociales flattent l’instinct de rébellion et le goût de libre vie qu’apporte tout homme venant en ce monde.

1383. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Assuré enfin que j’étais bien mort, celui qui était le plus anciennement entré à mon service se mit à me tripoter, avec impudence, partout, comme pour se rendre compte de la substance on quoi était fait l’homme qu’il avait si longtemps accepté pour maître… Puis, il pinça très fort mon nez, probablement trop évasé pour son goût, et qu’il était libre, en cette minute, de rectifier à sa guise. […] La femme, l’air libre, ne leur donnaient pas d’émotion comparable. […] » Il s’appelait une guêpe, cet emblème fleuri d’une déclaration libre s’adressant à sa jolie figure presque imberbe, à sa peau blanche, à son air de demoiselle. […] Ces choses se passaient quand mon âme innocente S’ouvrait, comme la vôtre, au soleil réchauffant ; Le Léopard anglais rôdait, gueule béante ; Paris était debout, la France était géante,                      Lorsque j’étais enfant ; Lorsque j’étais enfant, envié par les mères, Libre dans les jardins et libre dans les bois, Et que je m’amusais, errant près des chaumières, À prendre des bourdons dans les roses trémières En fermant brusquement la fleur avec mes doigts. […] Loin des misères de la terre, les deux purs esprits, libres d’entraves matérielles, rêvent le bonheur absolu et veulent redescendre sur notre planète pour en chasser la douleur, l’injustice, le mal et jusqu’à la Mort.

1384. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

« Tout ce travail d’ajustage et de polissage, j’aurais pu l’accomplir au cours des soirées que laisse libres et vides, de temps à autre, même en temps de guerre, le devoir militaire et que j’ai consacrées à mettre simplement ces notes en ordre. […] N’allons pas le considérer comme un citoyen de l’univers, comme un philosophe détaché, comme un spectateur libre, et que la curiosité tire de son indifférence pour choisir et parier. […] Les rimes ne sont pas toutes également bonnes ; et André Lafon, qui n’écrivait point en vers libres, avait adopté, malheureusement, l’usage de ses contemporains : il prenait, sans méthode et selon ses commodités, des libertés. […] Ses personnages ne sont pas libres : ils dépendent de l’Occulte ; seulement, et malgré qu’on en ait, l’Occulte dépend du conteur. […] » Et il s’étendit, avec une superbe éloquence, sur la « lâcheté » qu’on lui offrait rétrospectivement. « Donner ma démission, reprit-il, je le pouvais : on ne m’avait pas consulté ; j’étais libre.

1385. (1905) Promenades philosophiques. Première série

C’est de toutes parts contre ces fiers et libres esprits l’émeute de la niaiserie dévotieuse et de la sécheresse piétiste. […] Saint François d’Assise fut un très libre esprit ; il était doux et humble, mais ferme et volontaire. […] Tous les philologues savent ce que c’est qu’une voyelle entravée ; elle n’évolue pas comme une voyelle libre. Or, supprimer les consonnes doubles, c’est transformer en voyelles libres des voyelles entravées. […] Pourquoi la prononciation traditionnelle s’est-elle affaiblie, laissant le champ libre à l’influence orthographique ?

1386. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

II C’est surtout le portrait du paysan russe avant cette année où la courageuse initiative de l’Empereur actuel a généreusement élevé au rang de citoyens et de propriétaires libres, sept à huit millions de serfs qui lui doivent tout ce qui constitue la vie civile. […] Elle a dit à l’Europe : Faites-moi libre, et elle a oublié que c’est elle-même qui s’est abdiquée à l’époque de ses trois partages. […] Mais passons ; tout cela est changé pour le paysan devenu libre.

1387. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

C’étaient des fuites loin du monde, une absorption instinctive au sein de la bonne nature, une adoration irraisonnée de gamins pour les arbres, les eaux, les monts, pour cette joie sans limite d’êtres seuls et d’être libres… Ils avaient douze ans à peine qu’ils savaient nager, et c’était une rage de barboter au fond des trous, où l’eau s’amassait, de passer là des journées entières, tout nus à se sécher sur le sable brûlant pour replonger ensuite, à vivre dans la rivière sur le dos, sur le ventre, fouillant les herbes des berges, s’enfonçant jusqu’aux oreilles et guettant, pendant des heures, les cachettes des anguilles. […] Jusqu’à Zola, on s’était imaginé, — et ce fut l’erreur générale partagée par tous les auteurs, — qu’un homme était une construction isolée dans le monde, un être conscient et libre, responsable, sans aucune attache avec sa race ou avec la nature. […] Mais un paysan ouvrant un sillon de labour dans l’aurore, un semeur, le bras levé vers le ciel, un pâtre dressé sur la lande immense et nue, un cavalier domptant un étalon libre, ont, en soi, assez de beauté, assez de vie, pour que nous essayions de les fixer sans les déformer, sans les exagérer encore.

1388. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

* * * 23 avril Je dînais hier à l’ambassade, à côté d’une jeune femme, la femme de l’envoyé des États-Unis à Bruxelles, une Américaine, et voyant à l’œuvre cette grâce libre et conquérante, ce diable au corps d’une jeune race, cette virtualité de la coquetterie qui garde le charme et la domination de la flirtation chez ces jeunes filles devenues des épouses, et me rappelant d’autre part l’activité et l’entrance de certains Américains de Paris, je me disais que ces hommes et ces femmes semblaient destinés à devenir les futurs conquérants du monde. […] Une petite laveuse, les bras nus, le casaquin clair, un ruban couleur feu dans les cheveux pour toute élégance, de petits tétons ronds qu’on sent baller comme une paire de pommes, le corps libre, souple, m’a fait repasser devant les yeux la toilette matinale de peuple d’une ancienne maîtresse. […] C’est le naturisme heureux et libre, et sans règle pédante, de l’art chinois, de l’art japonais, de ces arts calomniés comme arts fantastiques et qui n’ont besoin que de cueillir une feuille, que je vois là-bas, pour en faire, sous les doigts d’un ouvrier de Yedo, la plus ravissante des coupes.

1389. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Homme tout oriental comme son île, et nullement homme européen de son siècle, tout son rôle semblait être de déplacer violemment la révolution de son centre, de changer le courant des idées en courant de conquêtes, et de faire une longue diversion à la philosophie et à la liberté pour faire oublier à la France sa mission et à l’Europe sa régénération par la pensée libre. […] Nous avions dérobé, par la main de son fils, la clef d’une très riche et très libre bibliothèque à madame de Monlevon (c’était le nom de cette aimable veuve). […] Car dans ce pied qui lutte et dans ce front qui vibre, Dans ces lèvres de feu qu’entr’ouvre un souffle libre, Dans ce cœur qui bondit, dans ce geste serein, Dans cette arche du flanc que l’extase soulève, Dans ce bras qui commande et dans cet œil qui rêve Phidias a pétri sept âmes dans l’airain !

1390. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

La France, oubliant ses douleurs, Le rebénira, libre et fière. […] Quant à moi, je l’ai prise comme un expédient qui vous est utile aujourd’hui, mais je n’en prends pas la responsabilité, et j’en sors avant d’y être entré, pour me conserver libre de la combattre si elle s’arrête ou si elle recule ! […] Nous n’y représenterons ni la démocratie en goguette, ni la jeunesse en orgie, ni l’armée de 1815 venant imposer les lois de la baïonnette à une nation libre et pacifiée, ni le trône tombé sous les chansons de 1830.

1391. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Puisque jadis, en des temps étrangement confus, l’Église avait triomphé de cette espèce d’éruption de l’instinct et de cette révolte de la nature, qui fut sans doute l’un des caractères essentiels de la Renaissance, et qu’elle avait même arraché l’empire de l’art au paganisme du xve  siècle ; — puisque, cent cinquante ou deux cents ans plus tard, elle avait pu contrebalancer la redoutable influence du cartésianisme en l’absorbant, et même en s’en aidant pour développer ce qu’il y a de substance rationnelle dans son propre enseignement ; — et puisque, enfin, au début du siècle où nous sommes, elle n’avait pas refusé de traiter avec la Révolution, et qu’elle l’avait pu, sans rien abandonner de ses droits ni surtout céder de son dogme ; — pourquoi, dans un temps comme le nôtre, s’il y a dans sa tradition quelque vertu sociale, et qu’aucune considération de l’ordre temporel n’en gêne plus le libre développement, pourquoi n’essaierait-elle pas de se présenter aux peuples sous ce nouvel aspect d’elle-même, et pourquoi n’y réussirait-elle pas ? […] Libres et dégagés des nécessités d’une lutte qui avait réclamé jusqu’ici toute notre activité, ne prolongeons pas d’inutiles controverses. […] Il y a ici, dans les traductions françaises : « Sous réserve des droits acquis », ce qui me semble une traduction trop libre et quelque peu abusive du latin Salva justitia.

1392. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Et s’ils ne sont pas libres de se faire leur destinée, toujours est-il qu’ils souffrent de cette destinée mal faite. […] Ces deux livres sont d’une composition très libre et pourtant très savante. […] Écrivain de grand savoir, d’intelligence très pénétrante, d’esprit libre à un rare degré, M.  […] Peut-on être tout à la fois un esprit libre et un critique affirmatif ? […] Sa phrase est alerte, débarrassée de toute entrave, libre de tout ornement factice.

1393. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Libre aux railleurs de le dire ! […] Le critique impressionniste est libre comme l’air et il peut sans péril jeter sur le papier tout ce qui lui passe par la tête. […] Si changeant que soit un homme et un critique, si libre qu’il se soit fait de préjugés et de doctrines, son esprit a toujours une pente naturelle qui l’entraîne vers tel ou tel genre de beauté. […] Cette libre allure a de la grâce ; ce sans-façon est loin d’être sans charme. […] Libre à lui d’avoir des opinions politiques et religieuses, des amitiés et des haines personnelles, pourvu que rien de tout cela ne le détermine à rabaisser ou à outrer le mérite artistique d’un homme ou de ses écrits.

1394. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

J’ai déjà signalé les chapitres de l’Orpheus qui seront le moins contestés par les esprits libres. […] Le fouriérisme se comprend comme un socialisme communal poussé à ses dernières limites et basé, non sur la loi rigide, mais sur des libres choix groupés selon les affinités naturelles. […] Claparède, un personnage entrevu, si on laisse les témoins libres, n’est guère reconnu que par une personne sur quatre, et encore avec des hésitations. […] Maudire l’argent, c’est maudire la liberté, c’est maudire la vie, qui est nulle, si elle n’est libre. […] Et encore, pour attester leur état de persécutés, les catholiques de notre temps, lassés des églises où ils sont libres, se répandent en pèlerinages, en semaines sociales, en congrès, et les évêques, en conciles.

1395. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

La pièce est triste, mais l’observation y est autrement équitable que dans les pessimisteries (si j’ose risquer ce vocable) du Théâtre Libre. […] Et, rentré chez moi, je feuillette vite l’Homme libre, de Maurice Barrès, pour y retrouver une phrase qui m’a ravi à la première lecture. […] Mais sans doute ceux qui, d’aventure, en ont entendu parler ont cru, sur la foi du titre, que Sous l’œil des barbares était un opuscule patriotique, et Un homme libre une brochure éminemment républicaine. […] Vous rêviez, dans votre Homme libre, la vie d’action, qui vous permettrait de faire sur les autres et sur vous un plus grand nombre d’expériences et, par là, de multiplier vos plaisirs. […] J’en ai pour garant, dans Un homme libre, cette étude fine et secrètement attendrie sur la Lorraine, que M. 

1396. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Il parle naturellement la langue des vers, et dès qu’il est libre de toute contrainte, dès qu’il tente la prose, il a l’air de bégayer un idiome étranger. […] libre ou prisonnier, réservé à la mort ou promis à l’air pur des champs, le bonheur de ses anciens compagnons de joie est encore pour lui une pensée consolante. […] Il n’y a pas une des reparties placées dans la bouche du berger esclave ou du berger libre qui ne renferme une leçon pleine de sagesse. […] Ses vœux sont exaucés, il est libre enfin, il le croit du moins. […] Il la retrouve languissante, pâle, abattue, mais libre encore.

1397. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Ces refus irritèrent le Consul ; la liaison de madame Récamier avec madame de Staël, deux femmes qui régnaient, l’une par la beauté, l’autre par le génie, lui parut suspecte ; il ne voulait point d’empire en dehors du sien ; la jalousie, qui ordinairement monte, descendit cette fois jusqu’à disputer l’ascendant sur des sociétés de jeunes femmes ; le premier dans l’Europe, mais aussi le premier dans un village des Gaules, c’était sa nature ; le pouvoir absolu ne peut laisser rien de libre sans jalousie, pas même deux cœurs. […] Le désespoir du prince s’exprima en sanglots contre ce coup de foudre, c’est son expression ; il voulut au moins revoir celle qu’il avait tant aimée et qu’il se flattait de ramener encore ; un rendez-vous fut concerté entre lui et madame Récamier à Schaffhouse ; Coppet n’était qu’à quelques pas de Schaffhouse sur le territoire libre et neutre de la Suisse ; sous prétexte d’un ordre d’exil de l’Empereur, qui lui interdisait Paris, madame Récamier éluda le rendez-vous de Schaffhouse, qui ne lui était aucunement interdit.

1398. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Le cardinal premier ministre, Consalvi, y venait tous les soirs prendre le vent de l’Europe ; il s’y délassait, dans des entretiens aussi libres que fins, des soucis du gouvernement pontifical entièrement remis à ses soins. […] L’art assyrien est libre dans son inexpérience ; il n’a rien de la roideur des formes imposées par une tradition religieuse : de là le charme qui perce à travers sa rudesse.

1399. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Le fait est qu’ils étaient errants et qu’ils semblaient libres. Être errant et sembler libre, c’est être perdu.

1400. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

C’est elle qui tend à faire tomber les barrières que des préjugés et des vues intéressées de toute sorte ont élevées entre les hommes, et à faire envisager l’humanité dans son ensemble, sans distinction de religion, de nation, de couleur, comme une grande famille de frères, comme un corps unique, marchant vers un seul et même but, le libre développement des forces morales. […] Le même soin des détails, sans que l’impression de l’ensemble en soit jamais troublée, sans que jamais la libre imagination du poète se lasse d’animer la matière qu’il met en œuvre, caractérise l’auteur d’Atala, de René, des Martyrs et des Voyages en Grèce et en Palestine.

1401. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Sans cela tout était parfait : j’étais entier comme le marbre, établi comme le roc, au large et libre de me répandre comme l’air qui m’environne ; mais maintenant je suis comprimé, resserré et emprisonné. […] C’est alors que la conformité du goût et du talent nous unit plus intimement, que j’allai plus souvent m’asseoir à leur vie de famille, et qu’ils vinrent eux-mêmes habiter plus fréquemment ces deux asiles de Saint-Point et Monceaux que la suite des événements politiques me laissait encore libres pour moi et pour mes amis.

1402. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Le roman d’ailleurs, est le plus libre des genres et souffre toutes les formes. […] Anatole trouvait dans la misère les coudées franches de sa nature, la libre expansion, l’occasion de développement de goûts inavoués qui portaient ses familiarités vers les inférieurs etc.

1403. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Chacun restait libre de suivre son génie particulier, et de se porter vers les genres qui l’attiraient ; mais ce génie devait se régler sur l’image qu’ils s’étaient faite du génie de la nation ; ces genres devaient s’accommoder des convenances générales au nom desquelles Malherbe avait condamné presque tous ses devanciers. […] L’Académie refusa cet excès de pouvoir ; elle laissa chacun libre d’employer tels termes qu’il voudrait, et de n’user des mots approuvés par le corps que s’il les jugeait les plus propres à rendre ses pensées.

1404. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Enfin, je me bornerais à pressentir le changement de politique qui, sous Constantin, intervertit les rôles, et fait du mouvement religieux le plus libre et le plus spontané un culte officiel, assujetti à l’État et persécuteur à son tour. […] Il n’y a pas grand abus d’hypothèse à supposer qu’un fondateur religieux commence par se rattacher aux aphorismes moraux qui sont déjà en circulation de son temps et aux pratiques qui ont de la vogue ; que, plus mûr et entré en pleine possession de sa pensée, il se complaît dans un genre d’éloquence calme, poétique, éloigné de toute controverse, suave et libre comme le sentiment pur ; qu’il s’exalte peu à peu, s’anime devant l’opposition, finit par les polémiques et les fortes invectives.

1405. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Le père de l’enfant, Gamuret, a été tué dans un combat, et Douloureuse (c’est le nom français dont Herzêleide est la traduction libre) ne veut pas que son fils unique ait le même sort. […] La Volonté devient vraiment libre dans l’homme qui connaît, — dans le choix entre l’Affirmation et la Négation.

1406. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

On voit la difficulté qu’offrent toutes ces questions dans le détail physiologique ; mais ce qui intéresse le psychologue, c’est ce grand principe que la joie est une expansion libre, la peine une lutte qui s’accompagne partout des signes de l’effort, y compris les larmes, par lesquelles les yeux font effort pour se délivrer de ce qui les irrite. […] Les sens supérieurs sont trop raffinés pour laisser apercevoir, sous leurs arabesques infinies, la simplicité du dessin primitif, mais les sensations inférieures ne sont autre chose que plaisir ou peine, vie facile ou vie difficile, mouvement aisé ou effort, volonté libre ou volonté contrainte.

1407. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

On nous avait donné pour texte libre et vague une description du printemps à la campagne. […] La vue n’y est libre que du côté du soleil levant ; cette vue est vaste comme sur un horizon de l’Océan ; elle glisse sur les collines et les villages qui séparent ces montagnes du lit de la Saône ; elle franchit le ruban d’argent étendu comme une toile qui sèche sur l’herbe, dans les prairies presque hollandaises de la Bresse pastorale.

1408. (1914) Boulevard et coulisses

Ils se demandent s’ils n’ont pas été dupes de cette formule magique de la liberté de l’art, et si, pour avoir été moins libres qu’eux, Shakespeare et Molière, Descartes et Voltaire n’ont pas trouvé finalement le moyen de dire à peu près ce qu’ils pensaient. […] Admettons, si nous tenons toujours à cette fiction, que l’art est libre.

1409. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

D’après la rapidité extraordinaire avec laquelle des productions européennes se sont récemment répandues dans la Nouvelle-Zélande et se sont emparées des stations qui jusque-là devaient avoir été occupées par les indigènes, nous pouvons présumer que, si tous les animaux et toutes les plantes de la Grande-Bretagne étaient laissés libres de se multiplier dans la Nouvelle-Zélande, une multitude de formes anglaises s’y naturaliseraient complétement, et dans le cours des temps extermineraient un grand nombre des formes natives. D’autre côté, et bien contrairement à ce que nous venons de voir dans la Nouvelle-Zélande, à peine un seul habitant de l’hémisphère austral s’est naturalisé à l’état sauvage dans une contrée quelconque de l’Europe ; de sorte que, si toutes les productions de la Nouvelle-Zélande étaient laissées libres de se multiplier en Angleterre, il est au moins douteux qu’un nombre considérable d’entre elles puissent jamais s’emparer de stations aujourd’hui occupées par nos plantes ou nos animaux indigènes.

1410. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Une bonne partie de cette société française qui pleure le passé en arrosant des lis et qui tient M. de Vigny en singulière aversion, parce qu’il est un libre penseur, et qu’il sort par son talent de la médiocrité désolante de son monde, fut ravie, sauta de joie, et proclama l’ex-ministre un grand homme. […] X avec Mme Z surveillée par un mari jaloux qui surprend le secret de la naissance de X et le force à épouser Mlle K, afin d’être libre de torturer à son aise cette pauvre Mme Z à laquelle il doit la fortune qui lui permet de faire des folies pour la petite P dont le père, autrefois condamné aux galères, et maintenant employé dans la police, est devenu, sous un déguisement de diplomate, l’amant de la riche princesse W, etc., etc., etc.

1411. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

D’un côté il sait qu’il continue d’être ce qu’il était, un moi qui pense et qui agit conformément à ce que la situation réclame, un moi inséré dans la vie réelle et s’adaptant à elle par un libre effort de sa volonté : voilà de quoi sa perception du présent l’assure. […] De là une compénétration d’états qui se fondent et même s’identifient ensemble dans la conscience immédiate, mais qui n’en sont pas moins logiquement incompatibles entre eux et que la conscience réfléchie se représentera dès lors par un dédoublement du moi en deux personnages différents, dont l’un prendrait à son compte tout ce qui est liberté, tandis que l’autre garderait pour lui la nécessité — celui-là, spectateur libre, regardant celui-ci jouer son rôle automatiquement.

1412. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Dans ces tours d’opinions où chaque académicien développe son avis, j’ai vu les hommes politiques qui y prenaient part motiver excellemment, et avec ce bon sens libre qui est la critique des honnêtes gens du monde, leur jugement détaillé sur des ouvrages dramatiques ou autres dont on avait à mesurer le mérite et à graduer le rang.

1413. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

la condition de l’homme de lettres, comme tant d’autres conditions dans notre société, a changé, et probablement changera de plus en plus ; elle est soumise bien autrement qu’elle ne l’a jamais été à ces grandes lois de l’égalité, de l’émulation, de la libre concurrence.

1414. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Blucher, à ce qu’il pressent, ne peut rester si près de Schwarzenberg ; laissant celui-ci opérer sur la Seine, l’ardent général prussien doit désirer de se porter lui-même sur la Marne, afin d’être plus libre d’agir à sa guise, et pour arriver, s’il se peut, le premier au but.

1415. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Non que je veuille dire que l’artiste nous dépayse ; seulement, en traducteur supérieur et libre, il ne se gêne pas, il ne s’astreint pas aux plates vues bornées de Champagne et de Beauce, il incline du côté de la Lorraine, et n’hésite pas à élargir et à rehausser nos horizons.

1416. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Nos opinions, y compris celles que nous estimons les plus libres et les plus désintéressées, ont presque toujours leur point de départ et d’appui, leur secrète racine dans notre organisation individuelle.

1417. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

La sœur de Beaumarchais, Julie, que M. de Loménie nous a fait connaître, représente bien son frère par son tour de gaieté et de raillerie, son humeur libre et piquante, son irrésistible esprit de saillie ; elle le poussait jusqu’à l’extrême limite de la décence, quand elle n’allait pas au-delà ; cette aimable et gaillarde fille mourut presque la chanson à la bouche : c’était bien la sœur de Figaro, le même jet et la même sève5.

1418. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

L’ignorance même où l’on est de la vie habituelle et du tous les jours de ce peuple laissait d’autant plus le champ libre à M. 

1419. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Mais ce Dave lui-même, qui va éventer le stratagème du père, n’est coquin qu’à demi ; ce sont volontiers de braves gens chez Térence, même les femmes, les courtisanes ou demi-courtisanes qui se trouvent, à la fin, de naissance libre et d’un naturel ingénu.

1420. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Si mes blessures ne brillent pas glorieusement aux yeux de ceux qui les regardent, elles sont appréciées du moins dans l’estime de ceux qui savent où elles furent reçues, car il sied mieux au soldat d’être mort dans la bataille que libre dans la fuite.

1421. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Son idéal au fond, son rêve de bonheur, si elle était libre, si elle n’avait pas son père qu’elle ne peut quitter, ce serait la vie religieuse, celle du cloître ; son vœu secret d’âme recluse lui échappe toutes les fois qu’elle a occasion d’assister à quelque cérémonie de couvent : « Je n’aime rien tant que ces figures voilées, ces âmes toutes mystiques, toutes pétries de dévotion et d’amour de Dieu… Ces robes noires ont quelque chose d’aimanté qui vous attire. » Les plaisirs célestes, les joies mystiques la ravissent quand elle peut en goûter sa part, surtout à Noël, « la plus douce fête de l’année. » Les idées de vocation reviennent la tenter toutes les fois qu’elle va à Albi, au couvent du Bon-Sauveur, ou qu’elle assiste aux offices dans cette belle cathédrale : « Quel bonheur si cela devait durer toujours, si, une fois entrée dans une église, on pouvait n’en plus sortir !

1422. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Son idée, à lui, dont il a tracé dans un appendice un plan ou avant-projet détaillé, serait une vaste association libre, se soutenant à l’aide de dons et de souscriptions volontaires ; ayant à sa tête un Conseil supérieur ; organisée et fonctionnant au moyen de comités spéciaux, et se composant d’une multitude de membres tous animés du prosélytisme du progrès.

1423. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Il me semble que quand on sait quelque chose de particulier et d’un peu nouveau sur Racine, on n’est pas libre de le garder pour soi et qu’on le doit à tous.

1424. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Dans un livre, et en écrivant chez soi, on est plus libre.

1425. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Mon espèce de journal aurait été libre : je ne me serais pas assujetti à satisfaire le public.

1426. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Mademoiselle Bertin, on le comprend, a serré de moins près les souvenirs classiques, et quelquefois, dans cette plus libre façon, elle ne les a pas moins bien exprimés.

1427. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Pourtant, par Liège, on avait les communications libres tant avec la Basse-Allemagne, dont cet État faisait partie, qu’avec la Hollande, dont les Pays-Bas autrichiens nous tenaient séparés.

1428. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Il n’est pas vrai du tout, que dans la moralité du cœur humain, un lien ne confirme pas un penchant ; il n’est pas vrai, qu’il n’existe pas plusieurs époques dans le cours d’un attachement, où la moralité ne resserre pas les nœuds qu’un écart de l’imagination pouvait relâcher ; les liens indissolubles s’opposent au libre attrait du cœur : mais un complet degré d’indépendance rend presque impossible une tendresse durable ; il faut des souvenirs pour ébranler le cœur, et il n’y a point de souvenirs profonds, si l’on ne croit pas aux droits du passé sur l’avenir, si quelque idée de reconnaissance n’est pas la base immuable du goût qui se renouvelle : il y a des intervalles dans tout ce qui appartient à l’imagination, et si la moralité ne les remplit pas, dans l’un de ces intervalles passagers, on se séparera pour toujours.

1429. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Non pas qu’il recherche savamment l’équilibre des plans lumineux pour créer ainsi de lointaines et aériennes perspectives ; mais par le sentiment né d’un coloris clair et sain, en ses récits comme à la surface des eaux, la brise passe d’un vol libre ; ils fleurent les parfums des prairies, respirent de l’aurore à l’égal du jour souple des bois et de strophe en strophe s’étendent et s’éjouissent de vivre ainsi qu’un paysage caressé par une bruine de soleil.

1430. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Mis en liberté sous caution, ayant, à l’aide de ses amis, payé ses dettes, il se résolut de quitter Paris avec ses associés, laissant le champ libre aux troupes qui accaparaient la faveur publique.

1431. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Diamantine croit que son mari l’a obligée d’aller chez sa mère pour être plus libre et régaler des femmes.

1432. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

L’esclave libéré n’acquiert pas du jour au lendemain les sentiments d’un homme libre.

1433. (1890) L’avenir de la science « XII »

Il devait préférer la méthode plus commode de la « science orientale, libre, isolée, volant plus qu’elle ne marche, présentant dans toute sa personne quelque chose d’aérien et de surnaturel, livrant au vent ses cheveux qui s’échappent d’une mitre orientale, son pied dédaigneux ne semblant toucher la terre que pour la quitter ».

1434. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

. — Je reviens au Raphaël d’aujourd’hui, à celui de M. de Lamartine : S’il eût tenu un pinceau, dit notre auteur, il aurait peint la Vierge de Foligno ; s’il eût manié le ciseau, il aurait sculpté la Psyché de Canova ; s’il eût connu la langue dans laquelle on écrit les sons, il aurait noté les plaintes aériennes du vent de mer dans les fibres des pins d’Italie… S’il eût été poète, il aurait écrit les apostrophes de Job à Jéhovah, les stances d’Herminie du Tasse, la conversation de Roméo et Juliette au clair de lune, de Shakespeare, le portrait d’Haydé de lord Byron… S’il eût vécu dans ces républiques antiques où l’homme se développait tout entier dans la liberté, comme le corps se développe sans ligature dans l’air libre et en plein soleil, il aurait aspiré à tous les sommets comme César, il aurait parlé comme Démosthène, il serait mort comme Caton.

1435. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

La première éducation du jeune Walckenaer fut à la fois très libre et très étendue.

1436. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Ses autres goûts et ses distractions de journaliste politique, puis de conseiller ministériel, de ministre, d’homme parlementaire, de libre écrivain littéraire et dramatique, l’avaient retenu à l’état de spectateur et de juge : ce n’est que dans ses dernières années qu’il a franchi le pas et qu’il a pris ses lettres de maîtrise46.

1437. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Il est clair que ce mouvement, en supprimant la peine, supprimera l’attention attachée antérieurement à la peine ; cette attention, devenue libre, ne pourra pas ne pas se fixer sur le mouvement même qui a introduit du nouveau dans la conscience.

1438. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Il lui faut des faits pour prouver ses assertions générales, le désir qu’ont les menuisiers de ne travailler que pour le théâtre, une fois qu’ils ont goûté de cette gloriole, pour montrer la séduction que celui-ci exerce sur tout ce qui l’approche ; des faits pour trait final à une analyse de caractère, ou à la notation d’un changement moral ; la mère des Zemganno appelée en justice, ne voulant témoigner qu’en plein air, pour montrer le farouche amour de la bohémienne pour le ciel libre ; pour représenter la modification produite en Chérie par sa puberté, décrire en détail la gaucherie et la timidité subite de ses gestes.

1439. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

L’histoire, plus libre, moins préoccupée d’arriver à une conclusion dogmatique, sera moins tentée d’altérer le caractère des doctrines ; et la philosophie, moins subordonnée à l’histoire, sera plus portée à des recherches nouvelles et approfondies.

1440. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

L’inimitié de Colbert, le peu d’habileté de La Fontaine à faire sa cour, un talent peu fait pour être apprécié par le roi, de petites pièces qui paraissaient successivement, ne pouvaient avoir l’éclat d’un grand ouvrage, et semblaient manquer de cette importance qui frappait Louis XIV ; des contes un peu libres, dont on avait le souvenir dans une cour qui commençait à devenir dévote : toutes ces circonstances s’étaient réunies contre La Fontaine, et l’avaient fait négliger.

1441. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

On peut juger un ouvrage libre, en se bornant à exposer dans une critique raisonnée les défauts qu’on y aperçoit ; parce que l’auteur était le maître de son plan, de ce qu’il devait dire, et de la manière de le dire : mais le traducteur est dans un état forcé sur tous ces points, obligé de marcher sans cesse dans un chemin étroit et glissant qui n’est pas de son choix, et quelquefois de se jeter à côté pour éviter le précipice.

1442. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Par exemple, au xvie  siècle, à côté des précieux pétrarquisants, les très libres conteurs gaulois, qui ont laissé une littérature énorme, s’efforçaient de préluder à la gaieté dès la couverture de leurs livres imprimés à Gaillardopolis.

1443. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

Victor Hugo, — comme tous les impies de la libre pensée, n’a pas d’autre langue contre le christianisme qu’une langue, faite par le christianisme.

1444. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

J’ai entendu un savant illustre déclarer, aux applaudissements d’une nombreuse assemblée de « libres penseurs », que Jésus-Christ ne mériterait aujourd’hui qu’une cellule d’aliéné… Ces brutalités résultent de l’incompréhension.

1445. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

C’était surtout le défaut d’élévation lyrique, et, pour la muse encore rustique du Latium, l’impuissance d’atteindre à ces grâces majestueuses et libres de la muse d’Athènes.

1446. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Mais la philosophie sans mouvement, la philosophie libre et souveraine, régnant sans contrôle sur le monde des idées, ne s’adresse qu’aux lecteurs studieux, et ne doit pas espérer d’être écoutée au théâtre. […] Son œuvre, avec ses défauts et ses qualités, ne relève absolument que de sa libre fantaisie. […] Hugo n’appartient pas à l’histoire, et ne relève que de sa libre fantaisie. […] L’imagination, toute libre qu’elle soit, malgré la légitimité de son indépendance, ne peut se soustraire au contrôle de la raison. […] Les âges héroïques de la Grèce n’offrent-ils pas à la fantaisie du poète une carrière plus large et plus libre que les générations auxquelles nous touchons de si près ?

1447. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Ou l’immolation de tout l’être à la règle chrétienne, ou la pleine et libre joie de vivre ! […] La sagesse serait une grande duperie si la libre recherche et la connaissance du vrai n’étaient, en somme, le souverain bien. […] Maurice Bouchor est excellente et, heureusement, assez libre et abrégée de moitié. […] papa, tu es garçon, tu es libre… Seulement, méfie-toi du collage ! […] Aux libres bohémiens des grandes routes, les joyaux de celle qui fut une ingénue bohémienne d’amour !

1448. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

« Il n’est pas bon d’être trop libre. […] Et par là tombe le prétendu témoignage des frères Parfaict et de M. de Trallage ; le séjour de Molière à Bordeaux appartient à la tradition, non pas encore à l’histoire ; et nous restons libres de le placer dans le temps qui nous conviendra, jusqu’à démonstration authentique d’erreur. […] Et c’était beaucoup déjà, puisque ce n’était rien moins que de ramener le théâtre aux conditions de la réalité, substituer l’observation de la nature, suivie, serrée de près, à la libre invention romanesque, essayer enfin dans le tragique la même réforme que Molière, vers le même temps et depuis déjà quelques années, accomplissait dans le comique. […] Mais ce furent surtout ses qualités — et ses défauts aussi — de polémiste et de pamphlétaire que les libres propos des soupers de Potsdam aiguisèrent. […] Il faut lui donner beaucoup de latitude. » Mais ce n’est pas tout pour voici que d’avoir l’espace libre ouvert, devant soi, l’espace immense ; — et le principal est encore d’avoir des ailes.

1449. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Tous les témoignages, depuis celui de la libre Mme de la Fayette jusqu’à celui du rigide Saint-Simon, s’accordent à louer dans Bossuet la douceur et la bonté21. […] Là-dessus, l’un, Regnard, épicurien de bonne compagnie106, très libre d’allures et très indépendant de langage, a jeté la broderie de son étincelante gaieté. […] S’il était libre, au moins, de sa défense ! […] Ce qu’on aime de Galiani, c’est qu’il est bien libre, bien net et bien dépouillé de toute espèce de scrupule. […] Les économistes avaient obtenu du gouvernement, en 1764, un édit permettant la libre exportation des grains.

1450. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il avait les mœurs libres et relâchées d’un homme de théâtre. […] Notons ceci que c’est sans doute en s’exerçant, dans ses ballets, aux cadences du vers libre que Molière a acquis en ce genre-là la maîtrise presque incomparable qu’il montra plus tard dans son Amphitryon. […] Molière, dans Psyché, se montre quoique avec moins de maîtrise que dans Amphitryon et peut-être avec quelque négligence, très expert et très adroit encore en versification libre. […] Dans l’École des maris, Molière soutient et qu’il faut donner une éducation très libre et très libérale aux jeunes filles, et qu’une jeune fille élevée ainsi pourra très bien et très raisonnablement et avec plaisir épouser un sexagénaire. […] Ici elle sent qu’elle va trop vite pour que ce soit  vraisemblable et elle se reprend, et lourdement : « C’est vous faire sans doute un assez libre aveu et sur notre pudeur me ménager bien peu ; mais puisque la parole enfin en est lâchée… » Cela est bien pénible.

1451. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Ils sont libres tous les deux, à côté l’un de l’autre, dans les bras l’un de l’autre, et un abîme les sépare, qu’ils mesurent tous les deux à leur manière, — lui par son impuissance à être heureux, elle par son impuissance à le rendre heureux. […] Je n’étonnerai aucun de ceux qui ont traversé les études de nos lycées, en affirmant que la précoce impiété des libres penseurs en tunique a toujours pour point de départ quelque faiblesse de la chair accompagnée d’une horreur de l’aveu au confessionnal. […] A cet âge, et lorsqu’il est libre, il semble qu’un jeune homme de talent doive épuiser en imagination et par avance toutes les possibilités de la vie. […] C’est là ce que lui répond George Sand, avec son heureuse spontanéité de génie, elle qui s’est complu dans ses livres comme l’arbre se complaît dans le déploiement du tissu souple de ses feuilles, le fleuve dans la libre expansion de ses eaux, le soleil dans la prodigalité de ses lumières. […] C’est l’histoire de sept jeunes Lorrains, nés vers 1860, et qui, élevés ensemble au lycée de Nancy, se retrouvent, aussitôt libres, à Paris, où ils sont venus, poussés par la fièvre de la commune manie.

1452. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Ce qui révèle la puissance du génie poétique de La Fontaine, c’est d’abord l’emploi qu’il a su faire de ce que l’on appelle le vers libre. […] Pour se convaincre du contraire, il suffit de réfléchir que les poèmes en vers libres ne peuvent pas plus se passer de rythme que les poèmes en vers réguliers. […] Nous savons trop que les hypothèses abstraites sur la religion, sur la politique, sur les lettres mêmes, ont un retentissement prolongé dans l’ordre des faits, et si c’est là une disposition moins imprudente, c’est aussi de quoi empêcher le libre courant de la causerie. […] Il sort du collège et il entre dans la vie libre. […] Si Rabelais abonde en plaisanteries grossières qui répugnent aux délicats, c’est que la forte imagination, la verve hardie, la libre sensualité de la nature débridée confinent à l’orgie brutale et à la gouaillerie cynique.

1453. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Un autre savant de tout premier ordre, le professeur Grasset, de Montpellier, devait plus tard développer, dans ses Limites de la Biologie, cette thèse qui ne fait plus doute aujourd’hui pour les intelligences libres. […] II Pour bien comprendre la signification de ce livre et de ceux qui suivirent immédiatement : Un Homme libre, le Jardin de Bérénice, l’Ennemi des lois, il faut se remettre dans l’atmosphère spirituelle où respirait un jeune Français de cette époque. […] … Cette espèce de « livre de raison », le Barrès de l’Homme libre l’avait commencé du jour où il s’était posé cette question : — Ce moi, dont j’ai instauré la liturgie, cette sensibilité qui me soutient, qui me pousse, qui m’exalte, cette pensée qui me permet de m’associer à tant de spectacles de l’univers, à tant de légendes de l’histoire, d’où tout cela me vient-il ? […] Louis Bertrand, au cours des dernières pages qu’il publiait sur l’Égypte, dans un tout récent numéro des Œuvres libres, est revenu avec plus de force encore sur cette idée, développée jadis dans le Mirage oriental, que la christianisation de nos possessions africaines, notre devoir historique, est aussi notre sécurité. […] Je viens de prononcer le grand nom de La Fontaine, qu’un autre trait rapproche de notre Vicaire : le Goût, cette mesure et cette justesse dans l’expression, cette horreur de la surcharge et de l’outrance ; enfin, osons le proclamer, Gabriel Vicaire, si libre d’allures qu’il ait été, si indépendant, si personnel, si ennemi du conventionnel, prend figure, dès à présent, dans notre Panthéon, d’un grand poète classique au meilleur sens de ce terme, bien beau quand il est compris, car il résume en lui tant de qualités de notre civilisation gréco-latine, autant dire de la civilisation tout court.

1454. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Telle est miss Crawley, vieille fille immorale et libre penseuse, qui loue les mariages disproportionnés, et tombe en convulsions quand à la page suivante son neveu en fait un ; qui appelle Rebecca Sharp son égale, et au même instant lui dit d’apporter les pincettes ; qui, apprenant le départ de sa favorite, s’écrie avec désespoir : « Bonté du ciel ! […] Devant ce tableau frappant de vérité et de génie, on a besoin de se rappeler que cette inégalité blessante est la cause d’une liberté salutaire, que l’iniquité sociale produit la prospérité politique, qu’une classe de grands héréditaires est une classe d’hommes d’État héréditaires, qu’en un siècle et demi l’Angleterre a eu cent cinquante ans de bon gouvernement, qu’en un siècle et demi la France a eu cent vingt ans de mauvais gouvernement, que tout se paye et qu’on peut payer cher des chefs capables, une politique suivie, des élections libres, et la surveillance du gouvernement par la nation. […] Nous reconnaissons l’art dans cette puissance créatrice, indifférente et universelle comme la nature, plus libre et plus puissante que la nature, reprenant l’œuvre ébauchée ou défigurée de sa rivale pour corriger ses fautes et effectuer ses conceptions.

1455. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Victor Cousin n’a exploité les romans de Mlle de Scudéry que pour en tirer des portraits de grandes dames… Avec un peu de patience, et un jugement plus libre, on trouvera bien autre chose dans le roman du xviie  siècle. — On a reconstruit toute l’histoire du théâtre au xviie  siècle, on en a montré les étapes par Hardy, par Mairet, par l’Académie ; mais on s’est attaché trop exclusivement aux formes et à la fameuse règle des unités ; quand on compte les œuvres réalisées, les œuvres vraiment dramatiques, sans se laisser éblouir par trois grands noms, on a le sentiment très net de l’avortement d’un idéal académique, idéal contraire au goût véritable du public. […] Libre aux historiens positivistes de sourire, ils ne seraient pas sans ces divinateurs. — La bourgeoisie et le peuple pénètrent dans la littérature ; on dirait une sève printanière qui reverdit et fleurit un arbre desséché. […] On est pour ou contre le divorce ; on est capitaliste ou socialiste, catholique ou libre penseur ; on porte à la scène le scandale du jour ou l’avarie ; et Pataud va voir si Bourget l’a mis dans La Barricade.

1456. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Il y a plus : poëte, romancier, préfacier, commentateur, biographe, le littérateur est volontiers à la fois amateur et nécessiteux, libre et commandé ; il obéira maintes fois au libraire, sans cesser d’être aux ordres de sa propre fantaisie. […] A ses profondes préoccupations érudites, sir Herbert joignait par accident certaines vues libres, romantiques, comme des ressouvenirs du biographe d’Young.

1457. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

… Il s’agit maintenant de déterminer quel genre de supplice mérite un homme qui a voulu que la république fût libre ! […] les mêmes raisons ne subsistent plus ; les nœuds qui me liaient sont brisés, les yeux auxquels je voulais plaire sont fermés ; rien ne me plaît davantage que d’être dégagé de tous liens et libre… Je me lève à minuit, je sors à la pointe du jour, j’étudie dans la campagne comme dans ma chambre, je lis, j’écris, je rêve ; je parcours tout le jour des montagnes pelées, des vallées humides, des cavernes secrètes ; je marche souvent sur les deux bords de la Sorgues seul avec mes soucis.

1458. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Songez que les pyramides d’Égypte, rigoureusement orientées, précèdent toutes les époques certaines de l’histoire ; que les arts sont des frères qui ne peuvent vivre et briller qu’ensemble ; que la nation qui a pu créer des couleurs capables de résister à l’action libre de l’air pendant trente siècles, soulever à une hauteur de six cents pieds des masses qui braveraient toute notre mécanique, sculpter sur le granit des oiseaux dont un voyageur moderne a pu reconnaître toutes les espèces ; que cette nation, dis-je, était nécessairement tout aussi éminente dans les autres arts, et savait même nécessairement une foule de choses que nous ne savons pas. […] Il eût été le premier des journalistes dans un pays de gouvernement de discussion et de presse libre.

1459. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Mais le péril où j’étais ne m’a pas paru une raison de rien faire qui fût indigne d’un homme libre. […] « Et l’homme, après avoir purifié son âme, c’est-à-dire après l’avoir autant que possible affranchie du corps comme d’une chaîne, n’en sera-t-il pas plus libre pour penser les choses spirituelles ?

1460. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Qu’on n’admette pas le mélange sacrilège du spirituel et du temporel, c’est libre à chacun ; mais qu’on ne reconnaisse pas le gouvernement temporel de la papauté parce que le pape exerce comme pape des fonctions ecclésiastiques à Rome ou ailleurs, c’est confondre les deux puissances et passer soi-même d’un ordre d’idées dans un autre. […] Le fait est qu’à la réserve de quatre ou cinq votes qui lui furent accordés, je me vis choisi à l’unanimité. » IX L’élection d’un Pape dans une circonstance si difficile, où sa souveraineté temporelle était envahie, où sa capitale était occupée, où son prédécesseur venait d’expirer captif de la France, et où les cardinaux cherchaient en vain à emprunter un territoire libre pour se réunir en conclave, était une œuvre aussi délicate que périlleuse.

1461. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

L’Art moderne est né au jour où, la société moderne étant constituée, les artistes, libres de traditions anciennes, ont pu l’exprimer, intégralement : le seizième siècle fut l’époque des essais, le dix-septième siècle l’époque, glorieuse, de l’accomplissement. — Depuis, l’Art moderne, comme toutes choses vivantes, a passé par la triple évolution de la thèse, de l’antithèse et de la synthèse. […] Et, même ainsi, je laisserai à la libre fantaisie du lecteur le soin de faire revivre l’Image en ses traits particuliers ; je l’y puis aider, uniquement, en traçant le schème très général de cette représentation.

1462. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

— Mais, pour que l’on touche Tristan, ayons un théâtre où soient des acteurs jouant en comédiens le drame réel et réaliste, capables de prononcer les mots selon les valeurs musicales notées, des comédiens déclamant lyriquement ; où chacun, directeurs, musiciens, interprètes, soient persuadés du caractère spécial à l’œuvre représentée ; où le public, libre de faux préjugés, écoute un drame. […] Alors il comprend les raisons du cauchemar : il regarde en soi-même, se connaît la seule cause ; il est libre, et le Prisonnier de la Caverne devient le Mage Divin.

1463. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

On se plaît quelques instants au demi-jour de la grotte ; on y admire le caprice des formes et le jeu des rayons, mais bientôt on se sent glacé, on aspire à l’air libre et chaud des champs que féconde le soleil : les vraies fleurs sont celles qui vivent, s’épanouissent et aiment. […] Inspirez du courage à l’être intelligent, donnez-lui de l’énergie ; qu’il ose enfin s’aimer, s’estimer, sentir sa dignité ; qu’il ose s’affranchir, qu’il soit heureux et libre ; qu’il ne soit jamais l’esclave que de vos lois ; qu’il perfectionne son sort ; qu’il chérisse ses semblables… Qu’il apprenne à se soumettre à la nécessité ; conduisez-le sans alarmes au terme de tous les êtres ; apprenez-lui qu’il n’est fait ni pour l’éviter ni pour le craindre. » Telle était la « prière de l’athée » au dix-huitième siècle.

1464. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

La métempsycose surtout, cette religion définitive que les libres penseurs proposent pour remplacer le Christianisme, est une des conceptions qui obsèdent le plus sa pensée. […] , il n’est pas complètement libre d’agir d’une autre manière.

1465. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

L’Institut est un corps de l’État : les pensées, les opinions de chacun de ses membres sont diverses et libres ; mais chaque président, chaque secrétaire perpétuel, portant la parole dans les séances publiques au nom de la compagnie qu’il représente, ne parle plus en son nom propre, et s’il lui arrive de froisser à dessein les opinions et les vues paisibles de beaucoup de ses collègues, il est dans le cas d’être redressé par l’un d’eux.

1466. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Mais, même en faisant ainsi et en usant à son égard de ce droit de libre et sincère examen qu’il a en tout temps si résolument pratiqué, il est un point dominant que je n’oublierai pas.

1467. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Esprit sagace, libre de préventions, adonné pendant des années aux investigations les plus actives et aux recherches silencieuses, particulièrement doué du génie des origines, il comprenait les choses par leur esprit même et les exprimait ensuite sans y rien ajouter d’étranger.

1468. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Plus rien de libre ni de léger ; comme chez les fabuleux Phéaciens, ce qui l’instant d’auparavant était le navire ailé qui allait et venait sans cesse et volait aussi vite que la pensée, s’était tout d’un coup changé en un rocher fixe, en une écrasante montagne qui barrait la vue et couvrait la ville d’effroi.

1469. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Le monde que nous fait voir Tallemant, c’est la ville proprement dite, la ville à l’époque de Mazarin, avant ou après la Fronde et sous la minorité de Louis XIV, ce qui répond assez dans notre idée à ces premières satires de Boileau des Embarras de Paris et du Repas ridicule, le Paris où remuait en tous sens une bourgeoisie riche, hardie et libre, dont les types sont dans Molière, dont Gui Patin est le médecin comme attitré, et dont sera un jour Regnard.

1470. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

(On vient de publier un recueil très amusant de lettres qui sont entre les deux manières, qui tiennent à la fois de l’étude et de la libre causerie, de la préméditation et de la verve, celles de Béranger.)

1471. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Guizot, prenant la mesure de cet homme d’État, une mesure très juste, et le qualifiant « homme de cour et de diplomatie, non de gouvernement, et moins encore de gouvernement libre que de tout autre », énumère plusieurs des qualités qu’il estime indispensables pour ce haut emploi, le plus haut en effet qui soit dans la société, puisqu’il l’embrasse et la comprend tout entière elle-même : L’autorité du caractère ; La fécondité de l’esprit ; La promptitude de résolution ; La puissance de la parole ; L’intelligence sympathique des idées générales et des passions publiques.

1472. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Biot trouve de nobles paroles pour caractériser ce nouvel effort héroïque d’où sortirent l’École polytechnique dans sa première forme plus ouverte et plus libre que depuis, et surtout l’École normale d’alors qui dura peu, mais qui donna, dans cette résurrection des esprits, une impulsion puissante et décisive, — assez pour que sa destinée fût remplie : « On voulut qu’une vaste colonne de lumière sortit tout à coup du milieu de ce pays désolé, et s’élevât si haut, que son éclat immense pût couvrir la France entière et éclairer l’avenir… Ce peuple, qui avait vu et ressenti en peu d’années toutes les secousses de l’histoire, était devenu insensible aux impressions lentes et modérées ; il ne pouvait être reporté aux travaux des sciences que par une main de géant. » Ces géants civilisateurs et pacifiques qui remirent alors en peu de mois l’édifice entier sur ses bases, se nommaient Lagrange, Laplace, Monge, Berthollet… moment immortel !

1473. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Ajoutez que la pièce est dans la vraie mesure de l’art ; la moralité y est plutôt conclue qu’affichée ; elle reste à tirer, l’auteur ne l’impose pas ; et si l’on veut à toute force conjecturer que le jeune artiste au cœur trop faible, s’il avait écarté différemment, aurait trouvé un autre genre d’écueil dans le bonheur somnolent du mariage, comme il a trouvé sa perte sur la mer orageuse de la passion, il n’y a pas de raison absolue qui s’y oppose : vous êtes libre d’y rêver tout à votre aise.

1474. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Viollet-Le-Duc se sépare des architectes classiques proprement dits, à le suivre dans les fines et savantes explications qu’il a données de l’architecture française des XIIe et XIIIe siècles, sa grande et principale étude, son vrai domaine royal, si je puis ainsi parler, et à y reconnaître avec lui, sous des formes si différentes à l’œil, et si grandioses à leur tour ou si charmantes, quelque chose de ces mêmes principes et de ce libre génie dont l’art s’est inspiré et s’inspira toujours aux époques d’invention heureuse et de florissante originalité ; tellement qu’à ne voir que l’esprit, il y a plus de rapport véritable entre les grands artistes de la Grèce et nos vieux maîtres laïques bâtisseurs de cathédrales, qu’entre ces mêmes Phidias ou Ictinus d’immortelle mémoire et les disciples savants, réguliers, formalistes, qui croient les continuer aujourd’hui.

1475. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Il a traduit en français cette continuation6, déjà connue par une traduction plus libre de Le Sage, et il s’est attaché à montrer qu’elle n’est ni si mauvaise qu’on l’a dit et répété, ni si indigne de la première partie du Don Quichotte à laquelle elle prétendait s’adjoindre et succéder.

1476. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Ravaisson et Lachelier, comme un mouvement d’affinité naturelle et un redoublement d’estime pour la large et libre source méditative de Maine de Biran, laquelle me paraît supérieure en sincérité et en plénitude à ce qui en est sorti du côté de l’éclectisme.

1477. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Pour trouver l’habileté jointe au courage et l’une et l’autre au service du droit, il faut longtemps attendre : on ne se sent un peu consolé des horreurs et des carnages de religion au xvie siècle que lorsqu’on voit Henri IV conquérir en héros son royaume, et Maurice de Nassau maintenir par l’épée sa libre patrie.

1478. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Ce dernier poëme, qui est précédé d’une préface philosophique très-remarquable, dans laquelle l’auteur se porte comme le disciple libre et le continuateur à sa manière des Vico, Condorcet, Bonnet, Fabre d’Olivet, Ballanche, Saint-Simon, etc., ce poëme auquel on ne peut refuser élévation et imagination, réunit en lui toutes les difficultés conjurées de l’idée, de la langue et du rhythme, tous les mélanges de l’individuel et du social, du réel, du mythique et du prophétique ; c’est comme une cuve ardente où bouillonnent, coupés par morceaux, tous les membres d’Éson.

1479. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

. — C’est que, sans doute, dans la tragédie telle qu’il la concevait, Racine n’avait nullement besoin de ce franc et libre langage ; c’est que les Plaideurs ne furent jamais qu’une débauche de table, un accident de cabaret dans sa vie littéraire ; c’est que d’invincibles préjugés s’opposent toujours à ces fusions si simples que combine à son aise la critique après deux siècles.

1480. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Il composa les contes les plus indécents ; et la plupart des comédies italiennes sont infiniment plus libres qu’aucune pièce française.

1481. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Les enfants, laissés à eux-mêmes, sont les êtres les plus libres, le bonheur les affranchit de tout ; les philosophes doivent tendre au même résultat par la crainte du malheur.

1482. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

. — Jusqu’ici, cette illusion a tenu la psychologie enrayée, surtout en France ; on s’est appliqué à observer le moi pur ; on a voulu voir dans les facultés « les causes qui produisent les phénomènes de l’âme168 » ; on a étudié la raison, faculté qui produit les idées de l’infini et découvre les vérités nécessaires ; la volonté, faculté qui produit les résolutions libres.

1483. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Libre à nous de trouver son vers rude et mal rythmé : que diraient nos compositeurs de la musique de Goudimel ?

1484. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

S’adressant à l’intelligence de ses contemporains, elle l’oblige à s’instruire, elle lui apporte des idées qui l’élargissent ; elle légitime par toute sorte de fines considérations les aspirations nouvelles dont les âmes étaient tourmentées, et auxquelles le goût traditionnel refusait le libre passage dans la littérature.

1485. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Il y a tous les enfantillages de l’intellectuel accoutumé à la libre solitude et au sans-gêne de l’atelier ; il y a l’amour-propre, le dépaysement, et surtout, très au fond, une timidité spéciale, qui vient de ce que l’artiste est en marge de la société et ne sait jamais s’il y est accepté ou s’il y règne.

1486. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Ses relations intimes et libres, mais d’un ordre tout moral, avec des femmes d’une conduite équivoque s’expliquent de même par la passion qui l’attachait à la gloire de son Père, et lui inspirait une sorte de jalousie pour toutes les belles créatures qui pouvaient y servir 212.

1487. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

, et curé après avoir été moine, Molière venu dans un siècle où tout esprit libre avait à se garder des bûchers de Genève comme de ceux de la Sorbonne, Molière enfin sans théâtre et forcé d’envelopper, de noyer dans des torrents de non-sens, de coq-à-l’âne et de propos d’ivrogne son plus excellent comique, de sauver à tout instant le rire qui attaque la société au vif par le rire sans cause, et il m’a semblé qu’on aurait alors quelque chose de très approchant de Rabelais.

1488. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Aujourd’hui, il me plairait d’en détacher la plus belle et la plus intéressante figure, celle de Madame, à laquelle Cosnac eut l’honneur de se dévouer par un libre choix et pour laquelle il eut la gloire de souffrir.

1489. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

» — « À porter et à user jusqu’au bout leurs vieux habits, jusqu’à ce qu’ils sachent eux-mêmes s’en faire de neufs. » Franklin parlant ainsi devant le Parlement de la vieille Angleterre, était un peu comme le Paysan du Danube, un paysan très fin, à la fois et très digne d’être docteur en droit dans l’université d’Écosse, libre pourtant et à la parole fière comme un Pennsylvanien.

1490. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Lui et les autres, si libres et perdus de leurs actes, sentent tous le besoin de se confesser à quelqu’un d’aimant en d’explicites aveux.

1491. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Ce grand luxe de la création, cet appareil de corps célestes semés dans d’espace comme une éclatante poussière, tout cela n’est pas trop pour l’homme, parce que l’homme est un être libre et intelligent, parce que l’homme est un être immortel.

1492. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Vous avez cru enfin que j’étais l’ennemie du mariage tel que la conçu et réalisé le Catholicisme, cette vieille sottise que j’insulte le plus que je peux partout, même dans ce livre que je vous présente, et que j’avais de l’union de l’homme et de la femme une notion plus libre… Eh bien !

1493. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

que le glorificateur de la Renaissance, le philosophe de la libre pensée et l’admirateur de ce de Brosses à qui dernièrement on a fait une gloire parce qu’il aimait les priapées bien gravées sur un vase antique et se permettait d’indécentes plaisanteries contre l’Église, — oui !

1494. (1887) La banqueroute du naturalisme

Eux, au contraire, ils avaient le respect de l’art et de la liberté, libres eux-mêmes, francs et dégagés des préjugés d’un bourgeois censitaire, ces chroniqueurs et ces feuilletonnistes qui savaient, comme ils disaient, reconnaître et louer le talent, sous quelque aspect et de quelque manière qu’il se manifestât, ou dans quelque fâcheuse aventure, pour éprouver sa force et pour étonner la province, qu’il se risquât.

1495. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Cet esprit libre, qui eut la réputation de ne rien respecter, éprouva toujours un secret désir d’entrer et de s’installer dans les hiérarchies officielles. […] Finies, les jolies promenades, libres de préoccupations, sur les étangs ou dans les forêts. […] Plus d’une fois, dans ces libres entretiens où l’on peut causer familièrement avec le lecteur, j’ai déclaré mon goût pour les biographies. […] Je crois qu’une heure de libre écriture ou de causerie à bâtons rompus peut faire oublier à M.  […] Nous ne trouvons guère que cela de bon dans nos souvenirs de jeunesse, nous autres, libres citoyens d’une démocratie affairée.

1496. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Au lieu du christianisme, l’Église ; au lieu de la croyance libre, l’orthodoxie imposée ; au lieu de la ferveur morale, les pratiques fixes ; au lieu du cœur et de la pensée agissante, la discipline extérieure et machinale : ce sont là les traits propres du moyen âge. […] Enfin l’invention recommence ; elle recommence par l’effort de la société laïque qui a rejeté la théocratie, maintenu l’État libre, et qui à présent retrouve ou trouve une à une les industries, les sciences et les arts. […] Après l’affreuse nuit du moyen âge et les douloureuses légendes des revenants et des damnés, c’est un charme que de revoir l’olympe rayonnant de la Grèce ; ses dieux héroïques et beaux ravissent encore une fois le cœur des hommes ; ils soulèvent et instruisent ce jeune monde en lui parlant la langue de ses passions et de son génie, et ce siècle de fortes actions, de libre sensualité, d’invention hardie n’a qu’à suivre sa pente pour reconnaître en eux ses maîtres et les éternels promoteurs de la liberté et de la beauté. […] Il n’y a point de certitude pour demain. » Déjà dans Pulci éclate l’incrédulité moqueuse, la gaieté sensuelle et hardie, toute l’audace des libres penseurs qui repoussent du pied avec dégoût le froc usé du moyen âge. […] Il apparaît au sommet des choses comme le magnifique couronnement du monde, mais il ne pèse pas sur la vie humaine, il la laisse intacte et libre, et ne fait que la tourner vers le beau.

1497. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Je conclus tout cela par une ode en prose, où avec toute l’audace poëtique dont je suis capable ; et sans dissimuler les avantages des vers, je prétens montrer que tous les genres sont du ressort de la libre éloquence, et qu’elle suffit par elle-même aux fictions les plus hardies, et à toutes les imitations qu’on n’ose tenter qu’en vers. […] Je conviens qu’elles forment un art ; et leur premiere utilité, c’est que la contrainte qu’elles imposent, détourne de la carriere des esprits médiocres qui ne craindroient pas d’y entrer, si elle étoit plus libre. […] Peut-être s’est-on mépris en cela ; car il semble que les vers libres sont encore plus près de la prose par le plus grand éloignement où les rimes y sont l’une de l’autre et par la plus grande variété des mesures qui ne frapent pas toujours l’oreille d’une seule simetrie fort étroite, et toujours exactement répétée. […] Peut-être qu’une piece excellente d’ailleurs, auroit mis les vers libres à la mode, et que le spectateur eût attribué à ce nouvel usage une partie de son plaisir : car quand une chose nous plaît beaucoup, nous ne nous embarassons pas d’en discerner précisément la véritable cause ; et nous confondons volontiers avec elle ce qui n’en est que l’accompagnement. […] J’ai remarqué une seconde illusion : c’est qu’on s’imagine souvent sentir dans les vers de la poësie qui n’y est pas ; et la scene de Mithridate, réduite en prose, prouve parfaitement ma pensée, puisqu’on est surpris de n’y pas trouver une expression qui ne convienne au stile libre.

1498. (1914) Une année de critique

La vraie noblesse sait conserver une âme libre au milieu de toutes les contraintes. […] Afin de ne point offenser un dieu inconnu — car le citoyen d’une démocratie égalitaire est essentiellement respectueux, de même que le libre penseur est essentiellement dévot (la « foi laïque », dit le sinistre Buisson) — il adopte l’un après l’autre les deux systèmes contradictoires. […] Qui donc, en effet, prétendrait mettre des œillères au citoyen libre, et l’empêcher de décider de tout par ses propres lumières ? […] Puis, connaissant des choses ce qu’en peuvent révéler les sens et le libre jeu des muscles, derrière les signes visibles il cherche la substance et les principes de tout ; or, au seuil de ces mystères, les dieux jaloux ont roulé une pierre inébranlable. […] Elle est partie, avec un homme qui l’aimait, et qu’elle n’aimait pas, pour se rendre libre et pour rejoindre, ayant abandonné le comparse devenu inutile, l’être qu’elle attendait depuis ses rêves d’adolescente.

1499. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Et, parmi leur platitude, leur pédantisme ingénu et leur galimatias, ils ont tout à coup des poussées de verve franche, de belle fantaisie, de poésie éclatante et libre, et, notamment, des morceaux pittoresques tels qu’on n’en retrouvera plus guère l’équivalent lorsque Boileau, Racine et Louis XIV auront « pacifié » la littérature. […] L’autre, c’est que, Georges Dandin étant presque une pièce du Théâtre Libre, le public se trouve enfin, grâce à Antoine, mûr pour Georges Dandin. […] Lorsque cette gaillarde d’Henriette menace Trissotin de ce que vous savez, au cas où il persisterait à l’épouser, et que notre cuistre exprime son indifférence philosophique sur ce point, il fait du Théâtre Libre sans le savoir. […] Titus n’est pas libre, et nous savons dès maintenant ce qu’il ne fera pas. […] A force de voir pratiquer l’amour libre, elle a fini par ne pas le trouver si exorbitant ; elle s’y est habituée, et d’autant mieux peut-être qu’elle n’a pas été mariée, qu’elle est, comme j’ai dit, une vieille vierge, et qu’elle ne se fait guère, de cet amour, des représentations concrètes.

1500. (1924) Critiques et romanciers

Dix ans plus tôt, Veuillot publiait ses Libres penseurs, où il traitait sans pitié beaucoup d’écrivains morts ou vivants. […] » Veuillot doute que « le héros des libres penseurs, Modère, recevant du Roi la même parole, eût répondu avec le même courage ». […] … Veuillot répond, sans plaisanter : « Il est à peu près de toi, par déduction, que les libres penseurs ne peuvent pas avoir complètement ce qui s’appelle de l’esprit. » Mais Voltaire ? […] Alors, dit-il, réjouissez-vous ; car vous devez à votre inévitable ignorance un précieux cadeau, la liberté : vous êtes libres d’imaginer le monde à votre guise. […] Bientôt Sébastien se rattrapera, se louera d’être en fervente communion de pensée avec une jeunesse admirablement libre et qui annonce : « Je serai immorale et je serai révoltée ! 

1501. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Renan a commencé par nettoyer la religion de tous ses éléments merveilleux, en proclamant — ceci est un lieu commun dans son œuvre — que rien ne prouve ni l’existence d’un être libre supérieur à l’homme, ni l’intervention du surnaturel dans les affaires humaines. […] Ils ne sont pas libres, j’en suis sûr ; de quel tyran dépendent-ils ? […] Sa fonction — sa mission, allais-je dire — c’est d’être la joie des esprits libres et désintéressés, c’est de perfectionner — non dans le sens du Vrai et du Bien, mais dans celui du Beau — ce rare instrument qu’est l’âme humaine ; c’est de conduire, comme un brillant chorège, une petite troupe d’élite à travers des paysages de choix, où des chants résonnent sous des ombrages de bois sacrés. […] je ne pourrai le satisfaire qu’à moitié, ma réponse le laissera libre de choisir lui-même entre les deux alternatives. […] Mais le xviie  siècle n’a réussi qu’en violentant la raison, qu’en la soumettant au principe d’autorité et qu’en diminuant la métaphysique : motifs pour lesquels les esprits libres aussi bien que les esprits libéraux ne contemplent son œuvre qu’avec une certaine méfiance.

1502. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Ce n’était que festins, collations, promenades, carrousels, divertissements sur l’eau, « bains en rivière », mascarades, concerts, comédies et ballets, d’où naissait et se dégageait, non sans quelque dommage des mœurs, une politesse nouvelle, moins apprêtée, plus libre que l’ancienne, également éloignée De la grande raideur des vertus des vieux âges et des cérémonies de la préciosité, qu’elle rendait les unes et les autres diversement, mais également ridicules. […] Derôme, dans son édition des Provinciales]. — Que nous n’avons pas besoin de ces suppositions pour comprendre qu’il se soit occupé du calcul des probabilités ; — qu’il ait écrit le Discours sur les passions de l’amour, en admettant qu’il en soit l’auteur ; — et ceux que Nicole nous a résumés sous le titre de Discours sur la condition des grands. — La seconde conversion de Pascal, 1654 ; — et qu’il faut l’entendre du passage d’une religion plus libre en ses pratiques à une religion plus exacte. — Ses visites à Port-Royal. — Influence que prend sur lui sa sœur Jacqueline [Cf.  […] Le Poète. — Le choix qu’il a fait du vers libre ou « lyrique » en est un premier témoignage ; — et, à ce propos, de la peinture ou de l’expression du sentiment par la diversité du rythme. — Que l’alexandrin n’est devenu « lyrique » qu’en devenant « romantique », c’est-à-dire en rompant avec son uniformité classique. — De la versification de La Fontaine [Cf.  […] Ses origines purement parisiennes ; — sa vie d’épicurien ; — ses voyages et ses aventures : — une justification inattendue des dénouements de Molière, et la captivité de Regnard en Alger. — Ses débuts au Théâtre italien : Le Divorce, 1688 ; L’Homme à bonnes fortunes, 1690 ; Les Chinois, en collaboration avec Dufresny, 1692 ; — ses comédies de caractères : Le Joueur, 1696 ; Le Distrait, 1697 ; Démocrite, 1700 ; — et comment il essaie d’y combiner l’imitation de Molière avec celle de La Bruyère. — Mais son observation manque de profondeur et de force ; — pour ne pas dire de conscience ; — et manifestement il ne prend au sérieux ni ses sujets ni son art. — C’est pourquoi ses vrais chefs-d’œuvre : — Les Folies amoureuses, 1704, et Le Légataire universel, 1708, — sont d’un autre genre ; — où, dans des intrigues mieux liées, et d’un mouvement plus pressé, — reparaissent les personnages de la comédie italienne ; — vêtus à la moderne française ; — et parlant le langage du monde extrêmement libre où fréquente Regnard. — Du style de Regnard, — et s’il mérite l’éloge excessif que l’on en a fait ? […] Giraud, La Maréchale de Villars]. — Mais le ton y est sensiblement plus libre ; — ou libre d’une autre manière ; — et les conversations s’y étendent à d’autres objets.

1503. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Moi, force errante de la terre, moi, le fils du souffle, du fluide et du feu, tant que je suis libre, je ne m’adresse qu’aux sensations de l’homme ; je l’incite à la lutte pour son bien-être immédiat, — j’agis avec lui comme à l’égard des autres animaux. […] Tu avais raison… « L’homme le plus libre est celui qui est le plus seul », a dit un Fort. […] Oui : c’est un homme libre. […] Voici seulement que je me sens libre ! […] Pourtant tu triompheras, car tu es aussi l’homme libre, celui qui a compris les lois essentielles de la vie et qui s’y soumet, en les raisonnant. — Ces lois seront la source où ta conscience se retrempera aux instants de fatigue et de doute.

1504. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Et il est vrai que, de franche et d’un peu rude, mais de pleine, et de libre, et de familière qu’elle était jadis, en même temps qu’éloquente, la langue s’est transformée pour subvenir aux besoins de leur propagande. […] Churton Collins, Bolingbroke… and Voltaire in England, Londres, 1886]. — Liaisons de Voltaire avec Bolingbroke, que d’ailleurs il connaissait déjà ; — avec Pope ; — avec « le marchand » Falkener, etc. — Il apprend l’anglais, il étudie Newton, Locke, Bacon ; — il voit jouer les comédies de Congreve, — et les drames de Shakespeare. — Il compose son Essai sur la poésie épique. — Les « libres penseurs » anglais [Cf.  […] On a publié de lui en 1810 un poème posthume, en vers libres, Le Parrain magnifique. […] Il n’a d’ailleurs pas vu qu’il n’y a pas de « religion naturelle » ; — pas plus qu’il n’y a pas de « nécessité libre » ou de « hasard constant » ; — l’association même de ces idées étant contradictoire dans les termes ; — toutes les vérités qu’enseigne la religion naturelle lui venant d’une autre source qu’elle-même ; — et n’étant qu’une « laïcisation » des enseignements de quelque religion « révélée ». — Il n’a pas vu davantage que, — si la raison peut atteindre quelques-unes des vérités constitutives de la religion, — ce n’en sont point les plus hautes ; — ni surtout les plus efficaces ; — et que la croyance en un « Dieu rémunérateur et vengeur » ne pouvant être un principe ni surtout un mobile d’action, mais uniquement un motif de ne pas faire, — ne saurait suffire à fonder la morale ; — laquelle devient donc ainsi purement sociale ; — et conséquemment relative, diverse et changeante. — Qu’au surplus, dans sa polémique injurieuse et grossière contre le christianisme, — il a manqué non seulement de justice, mais de loyauté ; — en méconnaissant la supériorité du christianisme sur le mahométisme, par exemple, ou sur le paganisme ; — si, du point de vue purement historique ou humain, le christianisme a renouvelé la face du monde, — et si d’autre part l’intolérance et le « fanatisme » ne l’ont point attendu pour se déchaîner parmi les hommes. — Il ne semble pas en effet qu’une ardeur de prosélytisme ait précipité les Perses contre les Grecs ; — ni que les partisans de Marius ou de Sylla se soient entrégorgés pour une question de dogme. — Et ce qu’enfin il a vu moins clairement encore que tout le reste, — c’est que, dans cette société même, la raison toute seule n’a jamais rien fondé de vraiment durable ; — si même on ne peut dire qu’elle tend plutôt à l’anarchie qu’à l’union. — C’est ce qu’avaient fortement établi les Bossuet et les Pascal ; — que pour ce motif Voltaire a tant combattus, sans les avoir toujours compris. — Incomparable pour saisir avec rapidité les aspects superficiels et la ressemblance extérieure des grandes choses, — Voltaire n’a jamais eu la force de méditation ; — il ne s’est jamais donné les loisirs studieux qu’il faut pour les approfondir ; — et c’est ce que de bons juges veulent dire, — quand ils lui refusent le titre de philosophe ou de penseur, — et qu’ils appellent son œuvre « un chaos d’idées claires » [E.  […] Qu’aussi bien les doctrines de Chénier sont entièrement conformes au caractère de son œuvre, comme le prouvent — ses protestations contre « l’anglomanie » : Les poètes anglais……………………………… …………………………………………………… Tristes comme leur ciel toujours ceint de nuages Enflés comme la mer qui blanchit leurs rivages, Et sombres et pesants ; ………………………… et bien mieux encore la quatrième de ses Épîtres à Le Brun ; — ou encore son Poème de l’Invention ; — dont il faut dire que les leçons sont exactement celles de Boileau ; — mais d’un Boileau « plus libre » ; et surtout plus instruit ; — qui s’intéresserait à plus de choses, — et peut-être aussi d’un Boileau moins bourgeois. — Comparaison à cet égard du Poème de l’Invention avec l’Art poétique ; — et avec la Défense et illustration de la langue française [Cf. notamment vers 299-390]. — Bien loin de voir en Chénier le « premier des romantiques », il faut donc reconnaître en lui le « dernier des classiques » ; — et s’il eût vécu, la direction de la littérature n’en eût peut-être pas été tout à fait modifiée ; — parce que la pente était d’ailleurs trop forte ; — mais c’est assurément en lui que les disciples et les imitateurs littéraires de Rousseau eussent trouvé leur plus redoutable adversaire.

1505. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Qu’on en juge par ce fragment de sa lettre : « S’il faut perdre, dit-il au peuple romain, la liberté ou la vie, qui est-ce parmi vous (s’il lui reste une goutte de sang romain dans les veines) qui n’aimât mieux mourir libre que de vivre esclave ? […] « Afin que, semblable à toutes mes pensées qui volent sur ses traces derrière elle, ainsi mon âme affranchie de son poids, libre et joyeuse, la suive, et que je sorte enfin de l’angoisse où je vis.

1506. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Vous vous répondrez : C’est celui qui, après avoir donné par une éducation universelle, philosophique, historique et morale, à l’homme les moyens de penser par lui-même, respecte ensuite dans cet homme la liberté de se choisir le culte qui lui paraîtra le plus conforme à sa raison individuelle ; c’est le gouvernement qui laissera libre l’exercice des différents cultes dans l’État, sauf les cultes qui attenteraient à l’État lui-même dans sa sûreté politique, dans sa police ou dans ses mœurs. […] Les peuples libres des temps modernes la trouvent dans la volonté de la nation tout entière, délibérant sur ses droits et sur ses devoirs, étant à elle-même sa propre autorité, et en confiant l’exercice à des corps et à des magistrats, à des dictateurs révocables et responsables sous le régime des républiques ; Les peuples théocratiques, dans des pontifes souverains à qui ils attribuent une mission et comme une vice-royauté divine.

1507. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

C’était la plus belle et la plus pittoresque population de tout âge et de tout sexe qu’il fût possible d’imaginer pour un poète et de reproduire pour un peintre : la taille élevée, les membres dispos, les fières attitudes, les costumes sauvages des hommes ; les profils purs, les yeux d’un bleu noir, les cheveux dorés, les épingles d’argent semblables à des poignards, les corsets pourpres, les tuniques lourdes, les sandales nouées sur les jambes nues des femmes ; les groupes formés naturellement, çà et là, le long des murs, par les captifs, les épouses ou les fiancées demi libres, s’entretenant, les joues rouges de passion ou pâles de pitié, avec leurs maris ou leurs amants, à travers les gros grillages de fer des lucarnes des cachots, ouvrant sur les cours ; les hommes assis et pensifs sur la poussière, le coude sur leurs genoux, la tête dans leur main ; les jeunes filles se tressant mutuellement leurs cheveux de bronze avec quelques tiges de fleurs de leurs montagnes, apportées par leurs aïeules la veille du dimanche, les regards chargés des images de la patrie, des arrière-pensées de la vengeance, des invocations ardentes à la liberté de la montagne ; les enfants à la mamelle allaités en plein soleil de lait amer mêlé de larmes ; toute cette scène, que nous avons contemplée souvent nous-même alors, laissait dans le souvenir, dans l’œil et dans l’imagination un pittoresque de nature humaine qui ne s’efface plus. […] Déportée avec sa famille au dépôt de Rome, elle y était libre, et elle posait comme modèle de beauté tragique devant les peintres étrangers ; le peintre français Schnetz, ami de Léopold Robert, directeur depuis de l’école de France à Rome, la protégeait et lui donnait asile ; elle le protégeait à son tour quand il allait explorer les montagnes des Abruzzes et chercher des sites pour ses compositions toutes romaines.

1508. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Et cependant, au milieu de ce tourbillon nouveau et continuel, entièrement libre de ma personne, avec ma fortune, mes dix-huit ans et une figure avenante, je trouvais au fond de toutes ces choses la satiété, l’ennui, la douleur. […] Mais j’avais maintenant huit ans de plus, j’avais vu, bien ou mal, presque toute l’Europe, et l’amour de la gloire, qui était entré dans mon âme, cette passion pour l’étude, cette nécessité d’être ou de me faire libre pour devenir un intrépide et véridique auteur, étaient autant d’aiguillons qui me faisaient passer outre, autant de raisons qui me criaient dans le fond de mon cœur que sous la tyrannie c’est déjà bien assez, si ce n’est trop, de vivre seul, et que jamais, pour peu que l’on y songe, il ne faut y être ni mari ni père.

1509. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Mais aux objections que je lui soumis, il répondit toujours que ces qualités de cardinal et de premier ministre, qui me paraissaient des obstacles à ce voyage, lui semblaient être au contraire des titres décisifs pour l’entreprendre, et le gage le plus certain du succès ; que j’en avais vu un exemple dans l’envoi fait par l’empereur François à Paris de son premier ministre, le comte de Cobenzel, y résidant actuellement pour les affaires d’Autriche ; qu’il fallait connaître comme il les connaissait le caractère et la manière de penser de Bonaparte, pour se convaincre que rien ne devait plus chatouiller son orgueil que de montrer aux Parisiens un cardinal et le premier ministre du Pape ; que ce voyage le flatterait encore davantage que celui du premier ministre de l’empereur ; que j’aurais, grâce à mes fonctions, libre accès auprès du chef de l’État, ce que ni Spina ni aucun autre du même rang que lui ne sauraient obtenir. […] J’achevai en déclarant que Sa Majesté était libre d’agir à notre égard comme il lui plairait ; mais, qu’en respectant ses ordres, nous ne pouvions pas néanmoins admettre notre culpabilité pour le crime de rébellion et de complot que l’on nous imputait.

1510. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Abel Hermant (Extrait d’un article du Temps) Quand la politique se mêle de dicter des sentences, elle admet aussi peu de tempéraments que le célèbre législateur Dracon, qui avait décrété la peine de mort indistinctement pour tous les délits… Victor Hugo est bête, … et le dix-neuvième siècle est stupide… Ces façons de juger sont odieuses à quiconque ne sait respirer qu’à l’air libre… A.-Ferdinand Herold De tout temps il y a eu des hommes dont la pensée était libre et des hommes dont la pensée était servile.

1511. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Figaro est le plus adroit et le plus spirituel des libres penseurs, en un temps où telle est la passion pour la libre pensée, que les abus eux-mêmes, personnifiés dans ceux qui en profitent, sont les premiers à rire des coups mortels qu’on leur porte, sans se douter qu’ils sont enveloppés par une multitude immense et silencieuse, qui prend ces rires imprudents pour une confession.

1512. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Dans le poème de 1848, la mort de Siegfried était une expiation matérielle, grâce à laquelle Brünnhilde, redevenue Walküre, pouvait annoncer aux Dieux « la puissance éternelle », et leur amener Siegfried, pour qu’il jouisse dans Walhall de « délices éternelles », — tandis qu’Albérich et les Nibelungs redevenaient libres et heureux, affranchis du joug de l’Anneau, qui retournait sourire à tout jamais aux Filles du Rhin, — Dans le nouveau poème, la mort de Siegfried sert « à rendre sachante une femme », à lui enseigner « ce qui est bon au Dieu », Brünnhilde lance de sa main « l’incendie dans le burg resplendissant de Walhall »… « Repose, repose, ô Dieu !  […] Il méritait qu’on s’occupât de la question de principe qu’il s’est posée très jeune, qu’il a résolue d’une manière qu’on est libre d’adopter ou de rejeter, mais qu’il faudrait connaître, et pour laquelle, une fois sa résolution prise, il a combattu jusqu’à son dernier jour.

1513. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Telles sont, croyons-nous, les vraies raisons scientifiques pour lesquelles la sensibilité supérieure est libre du besoin et de la « faim », tandis que la sensibilité inférieure en est esclave. […] La jouissance « pure et véritable », qui n’est pas seulement un « remède à la douleur », apparaît ainsi comme l’activité débordante, qui se sent libre enfin des obstacles, supérieure à ce qui était strictement nécessaire pour la satisfaction du besoin ; elle n’est plus une simple balance, mais un profit et, comme nous croyons l’avoir montré, un surcroît.

1514. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Dans sa bouche hardie et libre, jamais aucune allusion aux choses d’amour. […] Elle cherchait, de sa main libre, à fermer une petite veste qu’elle portait par-dessus, à empêcher de trop voir dessous, sans toutefois la fermer tout à fait.

1515. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Il semble que chez une nation libre, dans un gouvernement qui ne défend ni de penser ni d’écrire ce qu’on veut, la licence des mœurs devroit être extrême dans les livres. […] Quelque libre qu’y soit la presse, il en fort beaucoup moins que parmi nous de romans licencieux.

1516. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Les Dollfuss, les Kœchlin, les Scheurer-Kestner, ces républicains modèles de Mulhouse, la cité libre jusqu’en 1793, ne se sont-ils pas accommodés à tous les régimes qui, depuis près d’un siècle, se sont succédés en Alsace ; n’ont-ils pas reçu des subventions de l’empire et ne lui ont-ils pas réclamé des franchises douanières pour leur industrie et des mesures répressives contre leurs ouvriers ? […] Mémoire sur les moyens de suppléer à la traite des nègres par des individus libres, d’une manière qui garantisse pour l’avenir la sûreté des colons et la dépendance des colonies, par Genty, in-8, janvier 1818.

1517. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Grâce à cette situation suburbaine, il participe de trois côtés à la vue, à l’air libre, à la solitude de la campagne. […] Ceux d’entre vous qui préfèrent, à cause de leur âge plus tendre, les promenades et les jeux de cette belle matinée à des délassements d’esprit peuvent se retirer ; les autres resteront librement avec moi pour jouir d’autres plaisirs. » La foule s’élança dans les jardins avec des cris de joie qui se confondirent avec les gazouillements des oiseaux libres des charmilles ; huit ou dix adolescents des plus âgés ou des plus lettrés restèrent, retenus par la confiance qu’ils avaient dans le goût délicat du maître et par leur attrait déjà prononcé pour les plaisirs d’esprit.

1518. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Car, n’allons pas reprocher à ces libres fictions qu’elle nomme romans, pour “faire comme tout le monde”, leur étrangeté, leur invraisemblance, leur “à-priorisme” absolu. […] Nous les avons groupés néanmoins dans le classement que nous avons fait et qui est peut-être trop libre et trop rapide à notre gré.

1519. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Hopkins, je ferai observer que tous les géologues, à l’exception du petit nombre de ceux qui croient voir dans les schistes métamorphiques le noyau primitif du globe en fusion, admettront probablement que ces mêmes roches doivent avoir subi une dénudation considérable, Car il n’est guère possible qu’elles se soient solidifiées et cristallisées à l’air libre ; mais, si l’action métamorphique s’est effectuée dans les profondeurs de l’Océan, le revêtement primitif peut n’avoir pas été très épais128. […] Nous n’avons pas davantage le droit de supposer que toutes les mers de l’ancien monde ont toujours été ouvertes et libres du sud au nord, comme elles le sont actuellement.

1520. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Il semblait que, Louis XIV ayant abusé de sa méthode de régner, une nouvelle et plus douce manière devait être plus efficace et d’une application désormais certaine : Les rois ne peuvent être grands qu’en se rendant utiles aux peuples… Ce n’est pas le souverain, c’est la loi, Sire, qui doit régner sur les peuples… Les hommes croient être libres quand ils ne sont gouvernés que par les lois… Oui, Sire, il faut être utile aux hommes pour être grand dans l’opinion des hommes… Il faut mettre les hommes dans les intérêts de notre gloire si nous voulons qu’elle soit immortelle ; et nous ne pouvons les y mettre que par nos bienfaits.

1521. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Devenue libre elle-même, elle les voulut près d’elle, et sut jouir presque en simple particulière de cette amitié unie et constante à laquelle elle croyait.

1522. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

De la critique, de la philosophie même, en histoire, il en faut sans doute quand il y a moyen d’en mettre ; mais la critique suppose le choix, la comparaison, la libre disposition de nombreux matériaux antérieurs.

1523. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

On a beau lui en dire du bien, il ne sera content que « lorsqu’il le saura libre, ferme et en possession de parler (même au roi) avec une force douce et respectueuse… S’il ne sent pas le besoin de devenir ferme et nerveux, il ne fera aucun véritable progrès ; il est temps d’être homme ».

1524. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Nicolas Cornet, les questions de la grâce et du libre arbitre qui agitaient alors l’Église sous les noms de jansénisme et de molinisme sont admirablement définies, et Bossuet, par la manière libre dont il les expose, montre à quel point il est dégagé des partis et combien il plane.

1525. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Son texte est pénible à lire d’une manière continue ; il se plaint quelquefois, lui d’humeur si libre, d’avoir à traîner ce « pesant chariot de l’histoire », et le lecteur en porte sa part avec lui.

1526. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

[NdA] On assure même que ce caractère remarquable de sa conversation ne nuisit point à sa nomination de préfet en 1806 ; que le chef de l’État l’aima mieux en Auvergne bon administrateur et attaché par ses fonctions que témoin plus proche et libre causeur à Paris.

1527. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

À propos de cette nouvelle comédie du Jaloux, qu’on joua à Marly le 28 janvier 1688 : « Le roi la trouva fort jolie ; mais il a ordonné qu’on y changeât quelque chose sur les duels, et quelque autre chose qui lui parut trop libre. » Louis XIV goûte moins une autre pièce de Baron qui se jouait également à Marly en même temps qu’on y dansait le ballet : « Le roi le vit (le ballet) de la chambre de Joyeux ; mais il n’y demeura pas toujours, parce qu’il ne trouva pas la comédie trop à son gré ; c’était L’Homme à bonnes fortunes. » En revanche, Louis XIV assistera peut-être trente fois à Esther, et toujours avec plaisir.

1528. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

J’oserais dire que si nous avions tous un bras lié, il ne serait encore en la puissance de l’armée ennemie de nous tuer de tout un jour sans perte de la plus grand’part de leurs gens et des meilleurs hommes : pensez donc, quand nous aurons les deux bras libres et le fer en la main, s’il sera aisé et facile de nous battre !

1529. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Ainsi cette innocente et blanche surséance et libre ouverture à tout est un grand préparatoire à la vraie piété, et à la recevoir comme je viens de dire, et à la conserver : car avec elle il n’y aura jamais d’hérésies et d’opinions triées, particulières, extravagantes ; jamais pyrrhonien ni académicien ne sera hérétique ; ce sont choses opposites… On ne saurait voir plus à nu toute la méthode de Charron et de son école ; et quant à l’objection qui se présente et qu’il se faisait lui-inême, qu’il reste toujours à savoir si un tel homme ainsi façonné et rompu à l’habitude sceptique, et garanti, il est vrai, des hérésies et nouveautés, sera jamais chrétien au fond et orthodoxe.

1530. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

C’est le même écrivain qui dira de Mme de Sévigné qu’elle est « une incomparable épistolière », appliquant à ce charmant et libre esprit un mot de métier, qui ne convient qu’à Balzac, épistolier de profession en effet, et qui en avait patente.

1531. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Il l’assouplit en effet, et dans les nouvelles Amours qu’il ajouta aux premières, dans les odes ou chansons qu’il y entremêla aux sonnets, il eut des notes où le feu, la verve et la facilité se font encore aujourd’hui sentir : « Quand j’étois libre, ains qu’une amour nouvelle, etc. » ; « Or que l’hiver roidit la glace épaisse, etc. » ; « Quand ce beau printemps je voy, etc. » Il y a plaisir ici et profit à le parcourir ; on est vraiment avec un poète.

1532. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Son dessein eût été d’agir militairement, de démanteler les petites places qui ne pouvaient tenir, et de fortifier les principales, Nîmes, Montpellier, Uzès ; « Nous avions, dit-il, des hommes assez suffisamment pour faire une gaillarde résistance ; mais l’imprévoyance des peuples et l’intérêt particulier des gouverneurs des places firent rejeter mon avis, dont depuis ils se sont bien repentis. » Dans ses remarques sur les Commentaires de César, admirant l’influence qu’eut Vercingétorix sur les peuples de la Gaule pour leur faire accueillir les meilleurs moyens de défense : Il a eu, dit-il, le pouvoir de faire mettre le feu à plus de vingt villes pour incommoder leurs ennemis, ce qui témoigne son bon sens… Son grand crédit est remarquable ; car, à des peuples libres, au commencement d’une guerre, avant que d’en avoir éprouvé les mauvais succès et dans l’espérance de pouvoir vaincre sans venir à des remèdes si cuisants, il leur persuade de mettre le feu à leurs maisons et à leurs biens, pour la conservation desquels se fait le plus souvent la guerre.

1533. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

En cela le duc de Rohan payait encore la peine de son passé : il avait beau s’être conduit dans les dernières années avec tout l’éclat et toute la loyauté possible, il n’avait pas la conscience nette ni la mémoire libre ; il supposait aux autres des desseins que ces soupçons de sa part leur auraient suggérés peut-être, et il ne revoyait de loin la France qu’avec une sombre perspective de procès, de Bastille et d’échafaud.

1534. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

On ne cite aucun mot du grand roi sur La Bruyère et sa libre tentative ; mais, à certain moment, sans nul doute, quand les courtisans émus en parlèrent devant le maître à Versailles, le front majestueux de Jupiter indiqua, par un léger signe, qu’il avait permis et qu’il consentait..

1535. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

En philosophie, il était spiritualiste et cartésien, ni trop ni trop peu, pouvant, d’un côté, donner des gages aux libres penseurs, pouvant, de l’autre, sans hypocrisie et sans mensonge, se dire chrétien.

1536. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Le travail de la cabale continuait, et la camarera-mayor avait, depuis Burgos, imprimé de plus en plus dans l’esprit du roi cette idée que « la reine étant une personne jeune et vive, élevée dans les manières libres de France, entièrement opposées à la sévérité d’Espagne », il convenait de redoubler les formalités et de bien établir au début les barrières.

1537. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Craufurd devait passer par Londres, et il avait les communications libres avec les ministres anglais ; lui écrire, c’était donc s’adresser par son intermédiaire aux hommes d’État qui dirigeaient la politique de l’Angleterre, et percer sur un point le blocus diplomatique exact que la Coalition formait autour de la France.

1538. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Les médecins liront avec intérêt toute cette description mémorable en son genre, et même, quand on est à demi profane, on partage presque l’enthousiasme du savant et pieux Vallot qui dit en finissant : « Cette évacuation (une très abondante sécrétion finale par les voies urinaires) continua neuf jours de cette même force, et fut tellement avantageuse qu’elle acheva ladite guérison de Sa Majesté, sans aucun accident et sans aucune rechute, et même sans aucun ressentiment de la moindre incommodité du monde ; de manière qu’après cette parfaite guérison, le roi s’est trouvé beaucoup plus fort, beaucoup plus vigoureux et plus libre de toutes ses actions, tant du corps que de l’esprit, et l’on peut dire avec vérité que Dieu a conduit cet ouvrage par des voies si extraordinaires et par des secours et des grâces si particulières, s’étant servi des causes secondes en une conjoncture qui semblait devoir être plutôt destinée au miracle qu’à l’industrie et l’expérience des médecins. » Vallot ne fait là que délayer le mot d’Ambroise Paré : « Je le traitai, Dieu le guarit.

1539. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

C’est sa voie directe en effet, c’est sa vocation principale ; il ne se croit pas libre en conscience de l’éluder ; il s’obstine à cet enseignement, à ce but de toute sa vie scientifique, comme à un devoir.

1540. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Il avait été très lié avec le Coadjuteur, et par un fonds d’humeur libre, par un ton de franc-parler, il s’en ressentit toujours.

1541. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Leur démolition engagea les ministres de sortir de la province, et, par leur désertion, ces faux pasteurs me laissèrent le champ libre aux conversions. » Qu’en dites-vous ?

1542. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Tel qu’il apparaît jusque dans son incomplet, et tout mal servi qu’il était par l’instrument insuffisant de la langue poétique d’alors, par cette versification solennelle qui, dans le noble, excluait les trois quarts des mots, presque toutes les particularités de la vie et tous les accidents de l’existence réelle, ce poète en Ducis éclatait assez pour se donner à tout instant la joie de l’air libre et de la grande carrière, tandis que le pauvre Deleyre avec son expression hésitante, ses nuances exquises, suivies d’empêchement et de mutisme, n’était qu’un malade, un romantique venu avant l’heure et cherchant sa langue.

1543. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Les lauriers, les chênes verts, les lièges, les figuiers au feuillage verni et métallique, ont quelque chose de libre, de robuste et de sauvage, qui indique un climat où la nature est plus puissante que l’homme et peut se passer de lui.

1544. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

C’est la gloire de Louvois qui, parmi tant d’annexions téméraires et caduques, a donné Strasbourg à la France. » A qui eût regardé une carte du royaume, Strasbourg, en effet, présentait une anomalie frappante : enclavée dans le territoire français, dans l’Alsace acquise depuis le traité de Munster, cette petite république ou ville libre faisait l’effet d’un îlot à demi noyé par l’Océan.

1545. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

quel bain d’air libre et de salubrité sauvage !

1546. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Il ne lui est libre ni de parler à qui elle veut, ni d’écrire.

1547. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Elle avait, dès le commencement, consigné ses craintes et prédictions par écrit, et si elle avait été libre, elle aurait eu certainement une politique bien différente de celle de son fils.

1548. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Mais cette sœur du côté gauche, un mariage royal échéant, devenait un inconvénient grave ; elle avait, si l’on en juge par les lettres de son frère à elle adressées, le ton libre et les mœurs à l’avenant ; elle était femme, pour subvenir à sa dépense, à tenir chez elle à Paris quelque brelan.

1549. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Pendant deux années que dura cette sorte d’inspection, il ne négligea rien pour s’instruire à fond des principes et des formes de l’administration de laquelle il relevait : « J’avais un accès libre dans tous les bureaux où je voulais prendre des renseignements.

1550. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Il fallait l’entendre raconter comment, retenu au lit pendant quarante jours par une jambe cassée, il revint à Rome juste à temps pour ne pas trouver sa femme remariée : ce n’est pas que sa douleur eût été inconsolable, si le second mariage avait rompu le premier ; car, libre alors, peut-être serait-il devenu cardinal, peut-être pape, qui sait ?

1551. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Mérimée n’a rien à dissimuler ; son esprit des mieux faits et sa plume des plus sûres restent libres ; il lui suffit d’observer, dans ses travaux d’érudit, la ligne sévère qui est de son goût et du bon goût propre au genre même.

1552. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Chez l’un comme chez l’autre, même procédé chaud, vigoureux et libre ; même luxe et même aisance de pensée, qui pousse en tous sens et se développe en pleine végétation, avec tous ses embranchements de relatifs et d’incidences entre-croisées ou pendantes ; même profusion d’irrégularités heureuses et familières, d’idiotismes qui sentent leur fruit, grâces et ornements inexplicables qu’ont sottement émondés les grammairiens, les rhéteurs et les analystes ; même promptitude et sagacité de coup d’œil à suivre l’idée courante sous la transparence des images, et à ne pas la laisser fuir, dans son court trajet de telle figure à telle autre ; même art prodigieux enfin à mener à extrémité une métaphore, à la pousser de tranchée en tranchée, et à la forcer de rendre, sans capitulation, tout ce qu’elle contient ; à la prendre à l’état de filet d’eau, à l’épandre, à la chasser devant soi, à la grossir de toutes les affluences d’alentour, jusqu’à ce qu’elle s’enfle et roule comme un grand fleuve.

1553. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Étienne ; l’attention publique au dedans n’était alors distraite par rien, et les journaux n’avaient le champ libre que sur ces choses du théâtre.

1554. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

C’est ainsi qu’en Amérique beaucoup de problèmes politiques paraissent résolus ; car les citoyens y vivent heureux et libres.

1555. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Enfin la liberté règne dans l’art : toutes les barrières, tous les freins sont ôtés ; nuls objets ne sont interdits, nuls moyens prescrits à l’artiste, pourvu que le résultat de sa libre activité soit une œuvre vraie et une œuvre d’art.

1556. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Abandonné à des écrivains amateurs, à des femmes, il se trouvait, au début du xviiie  siècle, libre et souple, sans règles, à traditions multiples et flottantes, prêt à recevoir toutes les formes, à contenir toutes les pensées.

1557. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

L’intrigant se fait familier avec les grands qui l’emploient insolent avec le bourgeois qui le méprise : les temps sont proche ; où son mérite aura la carrière ouverte et libre.

1558. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Libre, il voyage en Angleterre, en Prusse ; ses lettres à Chamfort, sa Monarchie prussienne nous témoignent de sa curiosité et de sa clairvoyance.

1559. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

« Si les enfants, dit-il, avaient les bras hors du maillot, l’exercice prématuré du toucher leur donnerait plus d’esprit. » L’usage de laisser aux nouveau-nés les bras libres est devenu général ; en avons-nous plus de gens d’esprit ?

1560. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Il ne reste donc pas de place pour l’intervention d’une volonté libre.

1561. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Qu’il ne songe pas surtout à manifester un désir de vie libre et indépendante.

1562. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

En même temps que les âmes, lasses de la nature arrangée, asservie par l’homme, revenaient vers la nature libre et indomptée, le dégoût pour les mensonges, les petitesses et les vulgarités de la société civilisée rejetait plus d’un écrivain vers l’humanité rude et fruste des âges ou des pays barbares.

1563. (1886) De la littérature comparée

Il va sans dire qu’elle laisse le champ libre à ces aimables feuilletons qui renseignent au jour le jour le public sur les écrits contemporains.

1564. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Commynes loue fort son maître de l’unité qu’il voulait établir dans son royaume, de l’unité dans les poids et mesures, de l’unité dans les coutumes et de l’espèce de Code civil qu’il projetait ; ajoutez-y encore le projet d’abolir les péages à l’intérieur, et d’établir pour le commerce la libre circulation, en rejetant les douanes à la frontière.

1565. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Mme de Genlis n’était point libre d’obéir à ce précepte quand elle l’aurait voulu, tant sa vocation de bonne heure fut puissante et irrésistible.

1566. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Qu’on veuille bien m’entendre : une distinction, une louange juste et bien placée, de l’attention, ce sont de ces faveurs qui rattachent les âmes, même les plus libres.

1567. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Ici, toutefois, ils avaient affaire dans l’abbé Gerbet à un homme qui connaissait les Pères, qui les lisait et les possédait à fond selon l’esprit, et ne manquait pas à son tour de textes puisés aux sources pour appuyer cette méthode plus libre et plus généreuse.

1568. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Dans Molière, au fond du comique il y a un honnête homme qui n’est indifférent ni au bien ni au mal, ni au vice ni à la vertu, il y a même quelque peu un misanthrope : dans Regnard, au fond, il n’y a que le bon vivant et l’homme de plaisir le plus désintéressé et le plus libre, à qui la vie n’est qu’un pur carnaval.

1569. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Il était père de famille et père de l’Église, prêchait les bonnes mœurs, se signait parfois comme un saint égaré dans une bande de malfaiteurs, et, malgré tout, allait dans la définition libre des choses plus loin qu’aucun de nous.

1570. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Qu’on lise et qu’on relise les admirables chapitres sur la corruption des démocraties ; on verra quels sont les devoirs difficiles qui attendent les citoyens le jour où ils veulent être libres.

1571. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Il n’est pas le jugeur haut et ferme, — inconnu, d’ailleurs, à ce temps sans doctrines et sans caractères, — mais il n’est même plus la personnalité étincelante et de libre fantaisie qu’il a été quelquefois.

1572. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Éloa, cette sublimité dans le délicat et le pur, avait eu le succès qui convenait, — un succès chaste, comme elle, plus profond que sonore ; mais trois ans après, jour pour jour, Vigny, qui voulait mettre une fleur de prose à côté de cette fleur de poésie qui était sortie de sa pensée, calice de parfum et de blancheur, comme le nénuphar sort d’une eau limpide, Vigny publia Cinq-Mars, un roman historique bien plus inspiré, selon moi, par Walter Scott, alors régnant, qu’il n’est produit par une fantaisie vraiment libre ou une combinaison irréfléchie.

1573. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Comment ces jeunes hommes pleins d’ardeur, en révolte généreuse contre la plate médiocrité de l’art académique, ne se tournèrent-ils pas résolument, d’un cœur libre, vers la réalité du monde ouvert devant eux ?

1574. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Nous voulions être libres avec la morale des esclaves.

1575. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

prenez le recueil de M. de Musset ; relisez ses véritables proverbes, ceux où ce libre génie ne s’est pas encore maniéré ; relisez les Caprices de Marianne, le Chandelier, Il ne fait jurer de rien, Il ne faut pas badiner avec l’amour, Fantasio surtout, son chef-d’œuvre : que trouverez-vous ? […] Relisez les Libres Penseurs, l’Esclave Vindex, le Lendemain de la victoire ; vous verrez avec quelle verve l’auteur de ces ouvrages raille ces accommodements grotesques du mal et du bien, de la religion extérieure et de l’incrédulité intime ; du rigorisme officiel et du libertinage clandestin, de ces divers éléments dont se composent tous les Merciers — passés, présents et futurs. — Vous voyez donc bien que M.  […] Non, ce qu’il lui faut, c’est une amante passionnée qui lui laisse son indépendance tout entière, qui ne lui impose d’autres chaînes que celles d’une libre inclination et d’un amour partagé, qui ravive en lui, par de rares et furtives entrevues, le feu du génie et l’ardeur de la science, et non pas une ménagère qui l’emprisonne et l’enlace dans le froid réseau des bourgeoises réalités. […] Sans doute, au point de vue où étaient placés M. et madame Guizot, ils ne pouvaient être défavorables à la cause dont Abailard fut le champion prématuré, au mouvement d’émancipation intellectuelle et de libre examen, par lequel le brillant dialecticien du douzième siècle préluda aux meurtrières attaques de Luther et aux redoutables explosions de la Réforme : et pourtant quelle modération ! […] Ajoutons aussi que, chez Abailard, malgré son talent oratoire ses facultés poétiques et ce don de persuasion qui passionnait son auditoire, l’examen philosophique, l’essai de discussion et de controverse, le libre effort pour initier la raison aux mystères de la foi et pour comprendre ce qu’il faut se borner à croire, se manifestaient par des subtilités, des arguties que de mâles esprits comme saint Bernard avaient le droit de trouver à la fois inquiétantes et puériles.

1576. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Examinons donc les avantages que pourrait avoir cette abolition du titre et du nom de chrétien, ceux-ci par exemple : On objecte que, de compte fait, il y a dans ce royaume plus de dix mille prêtres, dont les revenus, joints à ceux de milords les évêques, suffiraient pour entretenir au moins deux cents jeunes gentilshommes, gens d’esprit et de plaisir, libres penseurs, ennemis de la prêtraille, des principes étroits, de la pédanterie et des préjugés, et qui pourraient faire l’ornement de la ville et de la cour978. […] Et pour pousser un autre argument de nature semblable : si le christianisme était aboli, comment les libres penseurs, les puissants raisonneurs, les hommes de profonde science, sauraient-ils trouver un autre sujet si bien disposé à tous égards pour qu’ils puissent déployer leur talent ? […] Il s’agit de décrier les whigs, amis des libres penseurs.

1577. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

La critique en France a des allures plus libres ; elle est moins asservie à la morale, et ressemble plus à l’art. […] Les avenues étaient bordées d’une ligne de grenadiers ; des postes de cavalerie maintenaient les rues libres. […] Là étaient rassemblés, de toutes les parties d’un empire vaste, libre, éclairé et prospère, la grâce et l’amabilité féminines, l’esprit et la science, les représentants de toute science et de tout art.

1578. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Les hommages d’un peuple chargé de chaînes ne sont que des marques d’ignorance et d’avilissement ; mais les bénédictions d’un peuple libre sont des témoignages d’intelligence et de vertu ; l’univers y applaudit, et la postérité les entend. […] Voudront-ils protéger des hommes libres, ceux qui ne doivent leurs titres, leurs richesses qu’au joug qu’ils font peser sur de misérables serfs ? […] Il en fit de touchantes descriptions ; la solitude des lieux donnent le champ libre à son imagination romanesque.

1579. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Et mes travaux, et tout ce que je fais, et mes excès d’articles, c’est pour la comprimer… Je l’ai bouchée, écrasée avec des livres, de façon à ne pas avoir le loisir de réfléchir, de n’être pas libre d’aller et de venir… Vous ne savez pas ce que c’est, reprend-il, en s’animant, et sur le ton d’une noire mélancolie, et avec des mots qui sortent d’un cœur gros, vous ne savez pas ce que c’est de sentir qu’on ne sera pas aimé, que c’est impossible, parce que c’est inavouable, comme vous l’avez dit tout à l’heure… parce qu’on est vieux et qu’on serait ridicule… parce qu’on est laid. […] Elle y entre, en jetant sur la porte, à ma cravate blanche qu’elle croit la cravate du marié, le sourire d’adieu du libre amour : c’est le Plaisir, la Beauté, la Grâce d’orgie, l’Élégance, le Désordre, la Dette. […] Penser que c’est la réunion des esprits les plus libres de la France, et cependant en dépit de l’originalité de leur talent, quelle misère d’idées bien à eux, d’opinions faites avec leurs nerfs, avec leurs sensations propres, et quelle absence de personnalité, de tempérament !

1580. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Un bon et utile conseil, qui devrait être écrit, en lettres d’or, au frontispice du journal libre ! […] Car pendant que nous apprenions notre humble métier, à l’ombre féconde et libre de ces dix-huit ans de prospérité, sous le règne bienveillant du meilleur de tous les rois, la révolution de 1848, qui faisait sourdement son chemin, éclatait pareille à l’artifice auquel on a mis le feu, la veille, et qui couve au fond de la mine, emportant, avec toutes sortes de malheureux, le rocher qui la recouvre. — Eh bien ! […] » À ce propos qu’il nous soit permis d’entourer, de nos hommages sans réserve, ce grand poète Aristophane, ce libre penseur, ce merveilleux conseiller, cet ennemi de la déclamation ; austère et vigilant comme Démosthène19, et comme lui populaire à force d’austérité et de vertu20 ; car à peine a-t-il évoqué la pauvreté, comme Molière évoque la statue du Commandeur, Aristophane tire de l’âme de son fantôme décharné, non pas des lamentations sociales et des blasphèmes, mais le conseil et l’espérance. […] nous avons effacé, de nos annales et de nos remords ce jour de malédiction et de misère, ce jour de notre honte éternelle, ce jour où le triomphe fut un crime, où le supplice fut suivi d’une récompense éternelle, le deuil honteux, le deuil des nations libres et des peuples intelligents, le deuil abominable du 24 janvier !

1581. (1932) Le clavecin de Diderot

Digne confrère de toutes les hargneuses théologies, l’humanisme donne pour une pensée libre sa pensée vague, et ainsi décide n’importe qui à reconnaître de droit sinon divin, du moins nouménal, l’exercice de ses facultés et métiers envers et contre les autres. […] Le psychanalysé libre de psychanalyser son psychanalyseur, a, dès la première question, constaté que la psychiatrie donnée pour médecine de l’âme est en train de tourner à la médecine de l’amour. […] Il ajoute d’ailleurs : Le battement d’ailes de l’amour à son apogée laissait une trace d’air libre sur les ténèbres du miroir . […] Et pourtant ce mépris, cette ignorance osent encore se manifester avec une telle impudence que Breton dut écrire Misère de la poésie, en réponse à toutes les niaiseries et saletés qui avaient trouvé une occasion inespérée de donner libre cours à leurs flots, lors de l’affaire Aragon (publication du poème Front rouge dans la revue Littérature de la Révolution mondiale.

1582. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

. — Mais ce que tout le monde ne sait pas, c’est que cette riche toison est le résultat d’un libre échange contracté entre elle et une de ses amies, qui s’est condamnée à la Titus, à la condition que mademoiselle X… lui abandonnerait ses robes tachées, ses chapeaux bossués, ses vieux souliers et ses vieux Arthurs. […] Malgré sa tenue négligée, il n’essaye pas moins de faire croire à tous ses amis qu’il fréquente la plus haute société parisienne et qu’il y est admis libre de toute étiquette… Ces jours passés, un ami de T… le rencontre, comme celui-ci mirait avec satisfaction, dans les glaces extérieures des boutiques, un costume d’été, tout battant neuf, et qui lui allait comme un gant, — à un manchot. […] *** — Monsieur, je ne suis pas libre… — Vous êtes mariée ? […] On donnait ce soir-là, à la demande du public, la représentation d’une affaire de conversation criminelle, qui avait récemment jeté quelque émoi dans la cité. — Un mécanicien, possédant, comme le dit Quinola, plutôt l’amour de la mécanique que la mécanique de l’amour, s’était, après un an de mariage, séparé amiablement de sa femme. — Les deux époux vivaient sous le même toit, mais ne partageaient point la même chambre, et n’avaient de rapport entre eux que pour regretter l’association légale de leurs incomptabilités. — En attendant que la loi sur le divorce lui eût rendu le libre exercice de ses sympathies, la femme encourageait les soins d’un jeune locataire de sa maison, et plusieurs fois l’avait reçu dans son appartement particulier à une heure où le soleil était couché et endormi depuis longtemps. […] Augier, qui, il faut le dire, n’avait jamais été en meilleure veine de poésie. — Le sujet de sa pièce nouvelle est tout moderne : c’est la lutte de l’homme jeune avec les mœurs de l’époque, qui, au nom de ses intérêts de position et de fortune, réclament l’immolation de tous les instincts libres et généreux de l’âge juvénile. — On pourrait contester à M. 

1583. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Malgré la construction peu aimable de la dernière période, malgré ces vocatifs inharmonieusement dispersés, chevaux attelés devant la charrette, attachés derrière, montés dedans ; malgré des termes impropres, et de malheureuses recherches d’effets (quelle absurde antithèse que ce « troupeau libre et puissant !  […] Elle vole, libre harmonie, en mouvements d’une grâce ineffable. […] Mme Daudet voudrait que les chansons, et les parfums, et les clartés, flottent dans l’air sans causes visibles ; elle voudrait entendre le chant en ignorant l’oiseau et ne point savoir d’où émane l’odeur grisante ; elle voudrait Que toute leur magie immortelle fût libre ; Que la chaleur nous vînt d’astres inaperçus. […] Elle n’admet pas le vers que Viélé-Griffin et Marie Krysinska croient libre et que Franc-Nohain avoue amorphe. […] L’homme qui accepta trop longtemps une orthodoxie ne s’affranchit jamais complètement : il peut devenir un hérétique, non un penseur libre.

1584. (1905) Propos littéraires. Troisième série

On est presque forcé d’être soi-même, et l’on est presque contraint d’être libre. […] Il a jugé de très bonne heure que l’exercice libre du cerveau est la plus délicieuse manifestation de la vie et la seule raison de vivre un peu sérieuse qu’on ait pu trouver. […] J’ai entendu dire par un libre penseur à un catholique : « Au fond, Monsieur, je ne suis séparé de vous que par la perte de la croyance. » C’était dit par un imbécile ; c’était du Plaute. […] Boindin disait avec cette gravité magnifique de certains impertinents : « Entre Dumarsais et moi, la différence est grande ; Dumarsais est athée janséniste, et moi je suis athée moliniste. » Renan était libre penseur tant que vous voudrez, ou, si vous voulez, tant qu’il le voulait ; mais il était libre penseur catholique. […] Il restera psychologique, sans doute, et je le défie bien de cesser de l’être ; mais il le sera d’une manière plus large, plus libre, plus aisée, moins scolaire, moins livresque et moins technique.

1585. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

C’était un esprit libre, sage et fidèle ; c’était un homme heureux, s’il en est. […] Elles étaient aussi beaucoup plus libres dans leurs paroles qu’on ne le souffrirait aujourd’hui. […] Toutefois, on est libre de penser, au contraire, que M. de Maupassant est en secret triste et miséricordieux, navré d’une pitié profonde, et qu’il pleure intérieurement les misères qu’il nous étale avec une tranquillité superbe. […] À cet égard, il a l’esprit libre. […] Jérôme était redevenu libre et il fallait une reine à la Westphalie.

1586. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Il a publié, en 1819, les Libres méditations d’un solitaire inconnu, et, en 1833, le roman d’Isabelle. […] A la vérité, ces habitudes méditatives ne furent pas chez lui le résultat d’un choix entièrement libre : elles furent en partie la réaction forcée de la dissipation qui avait marqué sa jeunesse. […] Comme on peut le prévoir, il aime cette jeune personne qui répond à son amour, et qui, trop tard, lui révèle qu’elle n’était pas libre, et meurt d’amour et de remords. […] Elle força une partie de la société dont je parle à pratiquer, bon gré mal gré, ce qui n’était jusque-là qu’un goût libre et une mode facultative. […] J’y retrouve surtout Senancour dont Mme de Saman se rapproche encore plus par la libre allure de la pensée et par la forme quelquefois heureuse, mais plus souvent négligée, de son style.

1587. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Ce sont de libres associations, constituées par des dons et legs, et vivant de leurs propres revenus. […] Elles ne sont pas libres, si l’on entend par liberté un bénéfice qui suppose des charges et impose des devoirs. […] Jeune, beau, riche et libre, toutes les carrières le sollicitaient : il embrassa celle du plaisir. […] Que fera-t-on de ces pauvres petits, au temps de l’union libre, lorsque l’institution du mariage aura rejoint les vieilles lunes ? […] Les messieurs de Port-Royal, excellents jardiniers de Racines grecques, avaient été façonnés par des disciplines trop rigides et trop moroses, pour que leur gravité ne fût pas troublée par la libre joie et la pure lumière (φαὸς ἁγνόν) de l’Hellade.

1588. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Je le crois, pour ma part ; et qu’il l’est même d’autant plus que nous sommes plus libres et plus dégagés de toute espèce de confession. […] Guyau, — l’auteur assez libre, je pense, assez indépendant, assez audacieux même, de l’Irréligion de l’avenir, et de l’Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction. […] d’avoir encore ramené, mais d’avoir voulu ramener la poésie à une conception d’elle-même plus libre, plus large, et plus haute. […] J’incline seulement à penser qu’en étant plus complexe peut-être que celui de nos naturalistes, il sera cependant plus cursif, si je puis ainsi dire, et non pas moins net, mais pourtant plus aisé, plus libre en son contour, et plus voisin du style de la conversation. […] Aussi, de leur égaler, — je ne dis pas dans nos préférences, qui doivent toujours demeurer libres et ne jamais régler ni gêner nos jugements, — mais dans nos programmes d’enseignement, qui que ce soit d

1589. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Certains projets, tels que celui d’une confédération entre les États chrétiens et d’une sorte de grande république européenne, semblent avoir pris dans le souvenir de Sully et sous la plume de ses secrétaires, pendant les années de retraite et d’exil, plus de consistance et d’enchaînement qu’ils n’en durent jamais avoir dans ces libres conversations du monarque ; l’on ne saurait y voir de la part de Henri IV que des saillies et des souhaits tels qu’un roi de grand esprit en jette en causant.

1590. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Il a tout d’abord un retour de plaisir sur la bonté de la nature qui, ayant pu aussi bien le faire naître esclave, sauvage ou paysan, a placé son berceau dans un pays libre et civilisé, à une époque de science et de philosophie, au sein d’une famille d’un rang honorable et convenablement partagée des dons de la fortune.

1591. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Pour laisser la délibération plus libre, il se lève et sort du conseil, et il en passe sans débat par tout ce qui est décidé.

1592. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Présenté au jeune roi, qui n’avait que six ans plus que lui, La Fare entrait dans le nouveau régime quand tout commençait et sous l’œil du maître ; il n’avait qu’à y tourner son esprit avec quelque suite pour se concilier la faveur : « J’oserais même dire que le roi eut plutôt de l’inclination que de l’éloignement pour moi ; mais j’ai reconnu dans la suite que cette impression était légère, bien que j’avoue sincèrement que j’ai contribué moi-même à l’effacer. » Doué d’un esprit fin et libre, d’un jugement élevé et pénétrant, il aima mieux être indépendant qu’attentif et flatteur, et ce n’est pas ce qu’on peut lui reprocher ; mais il devint évident par la suite qu’il prit souvent pour de l’indépendance ce qui n’était que le désir détourné de se retirer de la presse et de chercher ses aises.

1593. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Aucun sopha alors ne m’attendait à mon retour, et je n’avais point besoin de sopha alors ; la jeunesse répare la dépense de ses esprits et de ses forces en un rien de temps ; par un long exercice elle n’amasse qu’une courte fatigue ; et quoique nos années, à mesure que la vie décline, s’enfuient bien rapidement et qu’il n’y en ait point une seule qui ne nous dérobe en s’en allant quelque grâce de jeunesse que l’âge aimerait à garder, une dent, une mèche brune ou blonde22, et qu’elle blanchisse ou raréfie les cheveux qu’elle nous laisse, toutefois le ressort élastique d’un pied infatigable qui monte légèrement le degré champêtre où qui franchit la clôture ; ce jeu des poumons, cette libre et pleine inhalation et respiration de l’air qui fait qu’un marcher rapide ou qu’une roide montée ne sont point une fatigue pour moi ; tous ces avantages, mes années ne les ont point encore dérobés ; elles n’ont point encore diminué mon goût pour les belles vues naturelles ; ces spectacles qui calmaient ou charmaient ma jeunesse, maintenant que je ne suis plus jeune, je les trouve toujours calmants et toujours ayant le pouvoir de me charmer.

1594. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Mais l’homme dur et rigide, l’homme tout d’une pièce, plein de maximes sévères, enivré de sa vertu, esclave des vieilles idées qu’il n’a point approfondies, ennemi de la liberté, je le fuis et je le déteste… Un homme haut et ardent, inflexible dans le malheur, facile dans le commerce, extrême dans ses passions, humain par-dessus toutes choses, avec une liberté sans bornes dans l’esprit et dans le cœur, me plaît par-dessus tout ; j’y joins, par réflexion, un esprit souple et flexible, et la force de se vaincre quand cela est nécessaire : car il ne dépend pas de nous d’être paisible et modéré, de n’être pas violent, de n’être pas extrême, mais il faut tâcher d’être bon, d’adoucir son caractère, de calmer ses passions, de posséder son âme, d’écarter les haines injustes, d’attendrir son humeur autant que cela est en nous, et, quand on ne le peut pas, de sauver du moins son esprit du désordre de son cœur, d’affranchir ses jugements de la tyrannie des passions, d’être libre dans ses idées, lors même qu’on est esclave dans sa conduite.

1595. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

L’abbé Barthélemy, l’hôte des Choiseul, l’ami qui s’est donné une fois pour toutes et que le charme a irrévocablement touché, y gagne aussi et se dessine dans toutes les nuances de son caractère, le plus poli des savants, aimable et estimable, gai et tempéré, bon garçon, tout à tous, vrai trésor de société, ayant des heures pourtant où il regrette sourdement l’indépendance du cabinet et les libres délices de l’étude.

1596. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

« Le mérite de Manzoni (en 1819) est d’avoir saisi la saveur de l’eau dont le public italien avait soif. » Usons du libre conseil pour la France.

1597. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Dans la fierté de mes forces libres, j’errais, m’étendant de toutes parts dans ces déserts.

1598. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

On n’est jamais sûr de rien avec ces diables de conquérants, même devenus ermites, avec ces lions, même vieillis, s’ils restent libres et si on leur montre leur proie.

1599. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

C’était donc Balzac, Léon Gozlan, Jules Sandeau, Théophile Gautier, Méry, Mélesville ; — Forgues, que la nature a fait distingué et que la politique a laissé esprit libre ; Edouard Ourliac, d’une verve, d’un entrain si naturel, si communicatif, et qui devait finir par une conversion grave ; un italien réfugié, patriote et virtuose dans tous les arts, le comte Valentini, qui payait sa bienvenue en débitant d’une voix sonore et d’un riche accent le début de la Divine Comédie : Per me si va… C’était le médecin phrénologue Aussandon, qui signait Minimus Lavater et qui avait la carrure d’un Hercule ; Laurent-Jan, esprit singulier, tout en saillies pétillantes et mousseuses ; le marquis de Chennevières, esprit poétique et délicat, qui admire avec passion, qui écoute avec finesse ; — nommerai-je, parmi les plus anciens, Lassailly l’excentrique, qui, même en son bon temps, frisait déjà l’extravagance, qui ne la séparait pas dans sa pensée de la poésie, et qui me remercia un jour très sincèrement pour l’avoir appelé Thymbræus Apollo ?

1600. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Ces mots qui sont de l’usage ancien et moderne tout ensemble sont beaucoup plus nobles et plus graves que ceux de la nouvelle marque. » La Cour, au sens où l’entendait Vaugelas, n’était donc nullement un simple lieu de cérémonie et d’étiquette, une glacière polie, mais une école vivante, animée, la haute et libre société du temps.

1601. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

En maint endroit de cette libre et charmante Correspondance elle a des gaietés, des élans et des entrains à ravir, — quand elle parle de la vie des champs, de ses occupations au Clos, de ses différentes manières d’être à Villefranche, à Lyon, à la campagne : « A la campagne, je pardonne tout…, à Lyon, je me moque de tout…, à Villefranche, je pèse tout… » La campagne surtout l’inspire : « Pends-toi, friand Crillon, nous faisons des confitures, du raisiné et du vin cuit, des poires tapées et du bonbon, et tu n’es pas ici pour les goûter !

1602. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Vouloir étouffer l’affaire, c’était laisser le champ libre à toutes les suppositions les plus odieuses et paraître craindre le grand jour.

1603. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Cette sainte et dévote princesse, je l’ai dit, a son franc-parler à elle et exprime son libre avis sur toute chose et sur chacun ; elle n’a pas le sens commun ou moderne, le sens politique : elle pense comme une enragée d’émigrée, mais elle est soumise comme une sœur, son abandon à la Providence fait sa joie.

1604. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Mais si vous voulez, Sire, qu’on rompe le silence, c’est à vous de l’ordonner. » Louis XV accepte de bonne grâce cette ouverture et lui permet de libres avis ; il avait du goût pour ce genre de correspondance particulière, j’allais dire cachotière, en dehors de ses ministres en titre ; ce n’était pas précisément un insouciant que Louis XV, c’était même un curieux ; il aimait à tout savoir, le pour et le contre sur les choses et sur les gens, sauf à en très peu profiter et à n’en rien faire.

1605. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Fournier en ceci a remarqué avec plus de justesse que La Bruyère attendit, pour mal parler des gens de finance et d’argent, jusqu’au moment où, ayant vendu sa charge, il était redevenu libre.

1606. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Le comte de Clermont était le frère cadet de M. le Duc, qui fut quelque temps premier ministre ; du comte de Charolais, si connu par ses férocités et ses frénésies ; il était le frère aîné de ces trois sœurs mondaines, à l’allure libre et au parler franc, Mademoiselle de Charolais, Mademoiselle de Clermont, Mademoiselle de Sens, desquelles il aurait fallu ne rien savoir pour en faire des héroïnes de roman sentimental, comme l’essaya un jour Mme de Genlis pour Mademoiselle de Clermont30.

1607. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Ici deux points de vue, deux façons de sentir, qui avaient l’une et l’autre leur raison d’être et leur légitimité, sont en présence, et l’histoire ne peut que les constater sans trancher le différend : il y avait la manière héroïque et patriotiquement guerrière d’entendre la défense du sol, la résistance nationale ; de faire un appel aux armes comme aux premiers jours de la Révolution, et, ainsi que Napoléon l’écrivait à Augereau, de « reprendre ses bottes et sa résolution de 93 » ; mais il y avait aussi chez la plupart, et chez les hommes de guerre tout les premiers, fatigue, épuisement, rassasiement comme après excès ; il y avait partout découragement et dégoût, besoin de repos, et, dans le pays tout entier, un immense désir de paix, de travail régulier, de retour à la vie de famille, aux transactions libres, et, après tant de sang versé, une soif de réparation salutaire et bienfaisante.

1608. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

A une certaine heure du jour, où il est un peu plus libre, il laisse avec joie le vêtement du matin, et retiré dans sa petite chambre monastique, où nous l’a montré M.

1609. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Comme s’il avait compté ses moindres instants, il venait même assez peu à vos séances, Messieurs, et ne se permettait qu’à peine de se distraire à vos libres travaux : c’est par ce seul point peut-être de l’assiduité académique que celui qui a l’honneur de lui succéder peut espérer de le remplacer sans trop de désavantage.

1610. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Hier enfant, ce fils est devenu un homme ; il veut être libre, se croit son maître, prétend aller seul dans le monde… Jusqu’à ce qu’il ait acheté son expérience, vos yeux ne trouveront plus le sommeil, que vous ne l’ayez entendu revenir !

1611. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Quelle joie pour Christel, quel attendrissement pour la mère de s’y rencontrer avec lui comme en un coin libre et vaste de la forêt des aïeux !

1612. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Descendre ou naître des princes est un hasard qui ne nous rend digne d’aucune estime ; dans l’adoption, le choix est entier et le jugement libre, et, si l’on veut bien choisir, l’opinion publique vous éclaire.

1613. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Car les poètes anciens sont bien en effet avant tout des naturalistes inconscients, qui, dans leurs plus libres créations, ne s’emportent jamais hors de la nature, et ce sont non moins essentiellement des artistes scrupuleux dont l’art n’est jamais vulgaire ni la facture lâchée.

1614. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Voilà la périphrase excellente, parfaite, qui, étant partie intégrante de la pensée, n’a que l’apparence de l’ornement, et n’est pas moins nécessaire en paraissant plus libre.

1615. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Mais il y a deux autres catégories de sujets, où les poètes étaient plus libres, et contraints même à développer quelque originalité : ce sont les sujets modernes, et les sujets bibliques.

1616. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Il s’y trouvait plus libre qu’à la Comédie-Française, plus indépendant des règles et des exemples.

1617. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Là, les individus sont plus effacés, évitent de se mettre en évidence : ils agissent sur les âmes par la direction privée plus que par la prédication publique ; ils trouvent leur plaisir dans le sentiment de l’immense force collective dont ils participent, à laquelle ils contribuent par leur obéissance même, plutôt que dans le libre gouvernement de leurs facultés en vue de l’intérêt divin.

1618. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Sergines est libre maintenant, mais M. 

1619. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Joubert, toujours avoir dans la tête un coin ouvert et libre, pour y donner une place aux opinions de ses amis, et les y loger en passant.

1620. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Dans le procès de l’école libre devant la Chambre des pairs (septembre 1831), l’abbé Lacordaire prit la parole.

1621. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Ce fut Jean-Jacques qui le premier eut la gloire de découvrir la nature en elle-même et de la peindre ; la nature de Suisse, celle des montagnes, des lacs, des libres forêts, il fit aimer ces beautés toutes nouvelles.

1622. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

N’étant lié envers sa haute renommée par d’autre sentiment que celui d’un respect et d’une admiration qu’un libre examen a droit de mesurer, j’ai étudié en lui l’homme et l’écrivain avec détail, avec lenteur, et il en est résulté tout un livre que j’aurais déjà mis en état de paraître, si je ne causais ici beaucoup trop souvent.

1623. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Il semble qu’entre les poètes français La Fontaine seul ait, en partie, répondu à ce que désirait Fénelon lorsque, dans une lettre à La Motte, cet homme d’esprit si peu semblable à La Fontaine, il disait : « Je suis d’autant plus touché de ce que nous avons d’exquis dans notre langue, qu’elle n’est ni harmonieuse, ni variée, ni libre, ni hardie, ni propre à donner de l’essor, et que notre scrupuleuse versification rend les beaux vers presque impossibles dans un long ouvrage. » La Fontaine, avec une langue telle que la définissait Fénelon, a su pourtant paraître se jouer en poésie, et donner aux plus délicats ce sentiment de l’exquis qu’éveillent si rarement les modernes.

1624. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Il y aurait, dans un travail moins incomplet, et si l’on était libre de se donner carrière, à bien établir et à graduer les rapports vrais entre le talent de M. de Balzac et celui de ses plus célèbres contemporains, Mme Sand, Eugène Sue, Alexandre Dumas.

1625. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

« Rousseau avait l’esprit voluptueux. » a dit un bon critique ; les femmes jouent chez lui un grand rôle ; absentes ou présentes, elles et leurs charmes, elles l’occupentc, l’inspirent et l’attendrissent, et il se mêle quelque chose d’elles à tout ce qu’il écrit : Comment, dit-il de Mme de Warens, en approchant pour la première fois d’une femme aimable, polie, éblouissante, d’une dame d’un état supérieur au mien, dont je n’avais jamais abordé la pareille…, comment me trouvai-je à l’instant aussi libre, aussi à mon aise que si j’eusse été parfaitement sûr de lui plaire ?

1626. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Son père, le plus pacifique, le plus prudent et le moins novateur des hommes, était pourtant attaché, par des affinités de vertu et de mœurs comme de pensée, à cette école qu’on désignait alors sous le nom de Port-Royal, et son fils en devint sous ses yeux comme un élève extérieur et libre, et tout littéraire, au moins par les méthodes qu’on lui fit suivre, et par l’esprit général qui présida à son éducation.

1627. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Je ne connaissais ni le chagrin, ni l’ennui ; j’étais libre.

1628. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Dès ce temps-là, il n’était pas très rare de trouver de libres et hardis causeurs qui, parlant de La Harpe à propos de son Éloge de Racine, disaient : « L’Éloge de M. de La Harpe manque d’idées et de vues… Un coup d’œil neuf et profond porté sur la tragédie et sur l’art dramatique, voilà part où il fallait honorer la cendre du grand Racine14. » De telles vues, de telles questions, qui allaient jusqu’à Sophocle et à Shakespeare, pouvaient être particulières alors à quelques esprits ; elles eussent excédé la portée d’un auditoire à cette date et encore durant les trente ou trente-cinq années suivantes.

1629. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Laurent-Pichat s’est détaché depuis et s’est fait remarquer par ses Libres paroles (1847), où il a trouvé pour l’expression de ses sentiments, de ses doutes, de ses interrogations généreuses, plus d’un accent et d’un cri où l’on surprend comme un écho de Byron.

1630. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Carrel, libre enfin et n’ayant rien abjuré, vint à Paris pour y tenter une carrière ; militaire, il ne pouvait plus songer à l’être ; avocat, il n’avait pas fait sa philosophie et n’était point bachelier.

1631. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Pendant que Richelieu exprimait ces prévisions et ces craintes, Descartes préparait le libre accès de tous les esprits non seulement aux lettres, mais aux sciences, et enseignait le doute méthodique.

1632. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

« Les peines des organes internes, dit Grant Allen, sont dues non aune provision spéciale de nerfs ayant pour but spécial la production de la peine ou du plaisir, mais à la sensibilité générale que présentent toutes les libres cérébro-spinales sous les actions destructives et désintégratives. » Si, au lieu de placer l’action sous le sentiment, on place au contraire le sentiment sous l’action, on aboutit alors, avec Horwicz et Stumpf, à des sentiments détachés, à des sortes d’atomes de sentiments qui n’ont aucune raison d’être : ici un rudiment de plaisir, là un rudiment de peine, sans qu’on sache pourquoi, sans que la modification agréable ou pénible soit la modification, la passion d’une activité antécédente.

1633. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Les vertus les plus hautes ne consistent pas dans l’accomplissement régulier et strict des actes le plus immédiatement nécessaires au bon ordre social ; mais elles sont faites de mouvements libres et spontanés, de sacrifices que rien ne nécessite et qui même sont parfois contraires aux préceptes d’une sage économie.

1634. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Je suis loin de vouloir soutenir qu’on ne peut être à la fois hommes de lettre et homme d’ordre, — que les hasards de l’amour libre sont plus favorables que le mariage aux créations de l’esprit, que l’art enfin se trouve mal assis au foyer domestique et mal couché sur le lit conjugal.

1635. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Nous ne la confondons pas avec ces sorcières de Macbeth socialistes, ramassis infect de ribaudes expulsées du vice qui n’ont de la femme que les souvenirs et la jupe, débauchées, fourbues, libres puanteurs, qui cuisinent un affreux ragoût de doctrines mêlées sous les auspices du diable Légion, dans les carrefours de la publicité, et disent « mon roi » au prolétaire.

1636. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Souvent, des protestants, des libres penseurs, ayant assisté à de tels entretiens, disent au prêtre le profit qu’eux-mêmes en retirent.

1637. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Presque tous les provinciaux aisés traversent Paris plusieurs fois l’an, beaucoup de leurs fils font leur éducation à Paris, les autres rencontrent dans les collèges, et dans les lycées, dans les maisons d’enseignement libre et dans celles de l’État, des professeurs formés à Paris ou parlant le plus pur français.

1638. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Et que de demandes pour une place libre ! […] Dans ses Causeries comme dans son Port-Royal, où son goût se donna libre carrière, il fut historien, et historien par le menu. […] Aussi quelle impression accablante on éprouve à la lecture de tous ses libres, qui ne sont qu’un long gémissement d’amour achevé dans l’éternel silence du néant ! […] Elle vécut libre, et malgré ses velléités de vocation religieuse, ce n’est que longtemps après qu’elle songea à se retirer dans un couvent. […] Quand on ouvre libre carrière à l’imagination, il est rare qu’elle s’impose des limites.

1639. (1923) Nouvelles études et autres figures

« Et ils habitent maintenant, libres de soucis, les îles des Bienheureux, par-delà l’Océan. […] Ménage l’avait remarqué, et, de notre temps, Anatole de Montaiglon a fait imprimer cette comédie comme si elle était toute en vers libres. […] L’union libre, c’était très beau dans Saint Irvyne. […] Le père de la Justice Politique, qui avait préconisé l’union libre, tempêtait contre son disciple qui avait été plus logique que lui. […] Les pays protestants étaient plus libres, plus tolérants, plus instruits, plus vertueux, plus prospères.

1640. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

De là des barrières rompues ou du moins entamées, et il s’agit maintenant de les renverser et de frayer ainsi le chemin, voilà pourquoi le Réalisme affranchit l’art, le rend libre. […] Il faut une grande science et une grande volonté pour faire un retour sur soi-même, pour se débarrasser des préjugés, des appréciations toutes faites ; et ce n’est que libre de tout préjugé qu’on apprécie sainement. […] Le mauvais romancier est celui qui reste stationnaire, qui ne voit rien au-delà d’un système et imite au lieu de créer ; celui qui imite ne voit ni juste, ni vrai, il n’est préoccupé que par l’exemple ; il faut donc se débarrasser de tout esprit d’école, de tout système ; pour créer il faut être libre. […] La générosité n’a jamais eu rien de commun avec eux, ils abusent de ce que, sublimement gênés par les entraves volontaires de la versification, nous ne pouvons nous mouvoir avec la même souplesse ; ils ne veulent pas reconnaître que l’homme qui, emprisonné dans un sac, saute aussi loin que l’homme libre, est bien plus extraordinaire, et que s’il tombe, comme il le doit infailliblement, il n’en est que plus méritant. […] Il vaudrait peut-être mieux décidément laisser les artistes libres d’exposer où et quand il leur plairait et sans aucune intervention officielle.

1641. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

C’est un de ces caprices allègres et charmants où s’ébat, le bonnet sur l’oreille, le cœur sur la main, le mot vif sur la langue, le libre génie français. […] En octobre 1660, la salle fut démolie pour laisser libre la construction du grand portail du Louvre. […] Mais ma femme, toujours égale et libre dans la sienne, qui serait exempte de tout soupçon pour tout autre homme moins inquiet que je ne le suis, me laisse impitoyablement dans mes peines ; et occupée seulement du désir de plaire en général, comme toutes les femmes, sans avoir de dessein particulier, elle rit de ma faiblesse. […] C’est qu’il n’est pas seulement Dom Juan le coureur de ruelles et l’aventurier d’amour, mais encore le libre esprit, l’esprit fort, le libertin, comme on disait alors. […] Si Dom Juan libre penseur est sympathique, en effet, Dom Juan hypocrite, Dom Juan faux dévot, est singulièrement haïssable, Dom Juan grand seigneur est souverainement méprisable.

1642. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

On a dit quelquefois la fierté du pinceau, pour signifier des touches libres & hardies. […] ) mot qui donne toûjours une idée de liberté dans quelque sens qu’on le prenne ; mot venu des Francs, qui étoient libres : il est si ancien, que lorsque le Cid assiégea & prit Tolede dans l’onzieme siecle, on donna des franchies ou franchises aux François qui étoient venus à cette expédition, & qui s’établirent à Tolede. […] Il obtint que le roi d’Espagne Philippe III. reconnût les Provinces-Unies pour libres & souveraines ; il signa, & fit même signer au roi d’Espagne la garantie de cette souveraineté des sept provinces, & la république reconnut qu’elle lui devoit sa liberté. […] Imitez ces accens Dont l’aisé Géliotte avoit charmé nos sens : Toûjours harmonieux, & libre sans licence, Il n’appesantit point ses sons & sa cadence. […] Cette supériorité d’un petit peuple généreux & libre, sur toute l’Asie esclave, est peut-être ce qu’il y a de plus glorieux chez les hommes.

1643. (1908) Après le naturalisme

Mais des ruines n’ont point encore surgi les croyances définitives, l’impératif formel, et l’homme que ne retient plus aucune règle, aucune morale, ivre aussi de ce qu’il considère comme une libération de sa servitude passée, laisse le champ libre à ses instincts, à ses énergies de bête. […] Les forces matérielles enfermées en eux, trouvant le champ libre où s’élancer, et ne subissant plus la contrainte morale de la religion, se manifestèrent violentes et dominatrices, se ruèrent aux curées ouvertes. […] Nous ne sommes pas libres d’aller là où nous inventons ; de disposer de nous-mêmes selon notre bon plaisir.

1644. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

. —  Seigneur, vous êtes libre ; libre même de l’épouse que vous avez en aversion. —  Car, quoique mon frère veuille acheter pour moi votre tendresse, —  et me fasse la condition et le ciment de votre paix, —  j’ai une âme comme la vôtre : je ne puis recevoir — votre amour comme une aumône, ni implorer ce que je mérite. —  Je dirai à mon frère que nous sommes réconciliés. —  Il retirera ses troupes, et vous vous mettrez en marche — pour gouverner l’Orient. […] D’ailleurs Dryden y réussit mal : son fonds d’esprit est trop solide ; son naturel est trop sérieux, même réservé, taciturne. « Son ton libre, dit très-bien Walter Scott, ressemble à l’impudence forcée d’un homme timide. » Il voulait avoir les belles façons d’un Sedley, d’un Rochester, se faisait pétulant par calcul, et s’asseyait carrément dans l’ordure où les autres ne faisaient que gambader.

1645. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Des esprits nobles et libres s’y éveillèrent. […] Quand Henri de Régnier publia ses poèmes libres, Heredia ne put s’empêcher d’admirer ce genre de souple production, qui était pourtant la négation de son esthétique. […] Quand Henri de Régnier publia ses poèmes libres, Heredia ne put s’empêcher d’admirer ce genre de souple production, qui était pourtant la négation de son esthétique. […] Elles prouvaient que le duc de Broglie appréciait à sa valeur l’intelligence critique du poète et la libre façon dont il jugeait ses confrères. […] Elles prouvaient que le duc de Broglie appréciait à sa valeur l’intelligence critique du poète et la libre façon dont il jugeait ses confrères.

1646. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Les orages de la révolution paraissaient calmés ; les murmures des partis retentissaient comme les derniers bruits de la tempête : on regardait ces restes d’agitation comme la vie même d’un État libre. […] Toutes les voix étaient libres.

1647. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

le laquais qu’il charge de ses commissions, qui, de sa langue bien pendue, va chuchoter des messages d’amour aux oreilles des filles libres de leurs corps ? […] Après celle-là une autre, parfois toute contraire, et ainsi de suite ; il n’y a rien d’autre dans l’homme, point de puissance distincte et libre ; lui-même n’est que la série de ces impulsions précipitées et de ces imaginations fourmillantes ; la civilisation les a mutilées, atténuées, elle ne les a pas détruites ; secousses, heurts, emportements, parfois de loin en loin une sorte de demi-équilibre passager, voilà sa vraie vie, vie d’insensé, qui par intervalles simule la raison, mais qui véritablement est « de la même substance que ses songes » ; et voilà l’homme tel que Shakspeare l’a conçu.

1648. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

C’est toi seul que je désire, ce n’est rien de ce que tu pouvais donner ; ce n’est point un mariage, une dot ; je n’ai jamais songé à faire mon plaisir ou ma volonté, tu le sais bien, mais la tienne. » Puis des mots passionnés, de vrais mots d’amour1105 ; puis ces mots si libres de la pénitente qui dit tout, qui ose tout, parce qu’elle veut guérir, parce qu’il faut montrer au confesseur sa plaie, même la plus honteuse, peut-être aussi parce que dans l’extrême angoisse, comme dans l’accouchement, la pudeur s’en va. […] Il y a dans Pope telle description minutieuse garnie de mots colorés, de détails locaux, où les traits abréviatifs et caractéristiques sont enfoncés d’une main si libre et si sûre qu’on prendrait l’auteur pour un réaliste moderne, et qu’on trouverait dans l’œuvre un document d’histoire1130.

1649. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Vous descendiez patiemment l’escalier de la haute littérature pour arriver au terrain plane et libre que vous parcourez en maître maintenant. […] Chez les modernes, il eût passé pour un homme bon, sensible, mais voluptueux et adonné à des goûts dépravés : à la cour d’Auguste, c’était un sage assez réglé dans sa conduite, car il n’était ni prodigue ni dissipateur, et il ne cherchait à séduire ni les vierges libres ni les femmes mariées.”

1650. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

« Rends-toi prisonnier avec ton homme-lige, et je te protégerai ici chez les Hiunen, en sorte que nul ne vous offensera, et vous ne trouverez en moi que fidélité et bienveillance « — Le Dieu du ciel ne peut permettre, dit Hagene, que se rendent à toi deux guerriers, qui, bien armés, peuvent se défendre si vaillamment et qui marchent encore libres et fiers en face de leurs ennemis. […] Il craignait que s’il eût laissé libres le Roi et son homme-lige, ils auraient tué tous ceux qu’ils auraient rencontrés.

1651. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Mais dans le cas actuel, les barrières sont renversées, le libre usage de l’individualité d’un autre nous est concédé, et ainsi est satisfait l’amour d’une activité sans limites. […] Mais, comme le groupe entier des états psychiques qui constituaient l’antécédent de l’action, constituaient le moi en ce même moment, on peut dire aussi, en un sens, que « c’est le moi qui a produit l’action. » En d’autres termes, nous disons qu’un acte est libre, parce que nous le considérons comme notre œuvre, comme découlant de notre moi.

1652. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

» La Grèce avait hérité de ce libre esprit. […] Au libre esprit de Prométhée, à sa fierté indomptable, le poète oppose la bassesse d’un dieu subalterne, sicaire et pourvoyeur d’un despote.

1653. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

On a fait aussi du jugement, non seulement l’opération intellectuelle par excellence en opposition avec les opérations sensitives, mais un acte de volonté libre, indépendant en soi de tout sentiment et de tout mouvement. […] Pour les uns, c’est un état d’esprit irréductible et indéfinissable ; pour d’autres, c’est un état tout passif et sensitif ; pour d’autres enfin, c’est un acte, et même un acte de volonté libre.

1654. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Qui nous l’aurait dit il y a vingt-sept ans, quand les rois de nos pères, rentrés de longs exils et sacrés pour nous par le sang de Louis XVI, régnaient, le testament de leur frère dans une main, une charte libérale dans l’autre main, sur un peuple frémissant, mais à demi libre ? […] Je suis donc très libre aujourd’hui de parler de son talent poétique dans la mesure juste de mon estime et de mon admiration, sans ajouter et sans retrancher un gramme au poids vrai de ses œuvres dans la balance de l’avenir.

1655. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Les organes rudimentaires ou atrophiés sont donc abandonnés au libre jeu des diverses lois de croissance, aux effets du continuel défaut d’exercice et aux tendances de réversion. […] Aujourd’hui surtout que l’entrée de la caverne est accessible à l’homme, ce fait ne présente aucune difficulté, et il s’agirait de savoir s’il a été constaté avant que cette entrée fût libre.

1656. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

VII Et ces réserves faites à propos d’un livre que nous avions mesuré d’abord à l’initiative connue de son auteur, et qui ne nous paraît pas de taille égale, nous serons plus libres pour en parler et pour le louer… sans restriction désormais. […] — que cet écrivain politique d’une activité et d’un travail de plusieurs hommes à la minute, que cet improvisateur de la plume toujours à la brèche, cachât, sous cette activité extérieure, un érudit discret, laborieux, acharné, — un passionné de linguistique, — un bénédictin libre, — sans Congrégation, heureusement pour lui ! 

1657. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Et puis l’ambition lui est venue : du moment qu’il n’est plus un simple particulier, jouissant à son gré des douceurs et des agréments de la société, il n’y a plus qu’à être un homme public occupé et utile ; il résume en termes parfaits cette alternative : « Être libre et maître de son loisir, ou remplir son temps par des travaux dont l’État puisse recueillir les fruits, voilà les deux positions qu’un honnête homme doit désirer ; le milieu de cela ressemble à l’anéantissement. » De Versailles, certains ministres, qui craignaient son retour, lui tendaient des pièges ; on employait toutes sortes de manèges dont le détail nous échappe, pour l’immobiliser là-bas dans ses lagunes : « Je vois clairement, disait-il, que, par ces artifices, on trouvera le secret de me faire rester les bras croisés dans mon cul-de-sac. » Duverney le conseillait et le calmait dans ces accès d’impatience, qui sont toujours tempérés de philosophie chez Bernis, et qui ne vont jamais jusqu’à l’irritation : Tout ici-bas dépend des circonstances, lui écrivait Duverney, et ces circonstances ont des révolutions si fréquentes, que ce que l’on peut faire de plus sage est de se préparer à les saisir au moment qu’elles tournent à notre point.

1658. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Cette admiration pour un empire de plus de deux cents millions d’hommes, où il n’y a pas un seul homme qui ait le droit de se dire libre ; cette philosophie efféminée qui donne plus d’éloges au luxe et aux plaisirs qu’aux vertus ; ce style toujours élégant et jamais énergique, annoncent tout au plus l’esclave d’un électeur de Hanovre. » Ce jour-là Mirabeau avait évidemment besoin de faire l’orateur et de se donner un adversaire qu’il pût invectiver ; il se figura Gibbon en face de lui et lança son apostrophe.

1659. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Pendant les seize ans qui suivent (1254-1270), Joinville revoyait souvent saint Louis qui lui faisait toujours fête et joyeux accueil, et c’est à ces heures de familiarité et de libre entretien que se rapportent la plupart des anecdotes qui composent la première partie de ses mémoires, et qui se pourraient véritablement intituler : L’Esprit de saint Louis.

1660. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

La traduction de Beyle est très libre ; ici encore il a supprimé et ajouté beaucoup de choses.

1661. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Il nous le décrit à la ronde, semant sa course plus libre de mille impressions qui tiennent soit aux accidents agrestes du terrain, soit aux sons qu’il entend et auxquels il est des plus sensibles, soit à la couleur variée des arbres qu’il distingue et spécifie par toutes leurs nuances ; la vie, l’intérêt, une passion tendre et profonde se fait sentir sous toutes ces descriptions desquelles on ne peut pas dire qu’il s’y amuse, mais bien plutôt qu’il en jouit.

1662. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Aussitôt qu’il est quitte d’une guerre si rude, il se réinstalle à Rheinsberg et s’y met à vivre de cette vie qui, sauf de courts intervalles, sera désormais la sienne, vie de luxe, de beaux-arts, de plaisirs raffinés, de conversation libre où les artistes étaient admis sur un pied de familiarité décente.

1663. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Le mot que Villars avait redit si souvent à sa cour durant ces dernières campagnes se trouva justifié : « Il ne faut qu’un moment pour changer la face des affaires peut-être du noir au blanc. » Villars, libre enfin de se livrer à l’activité qui était dans sa nature, assiégea et reprit en moins de quatre mois, sous les yeux d’Eugène réduit à l’inaction, Douai, Le Quesnoy, Bouchain, les places que l’ennemi avait conquises sur nous en trois campagnes.

1664. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Il s’est attaché quelque part à réfuter une définition que Cabanis a donnée du bonheur : « Le bonheur, dit Cabanis, consiste dans le libre exercice des facultés, dans le sentiment de la force et de l’aisance avec lesquelles on les met en action. » — « À cette condition, répond Maine de Biran, il n’est guère d’homme moins heureux que moi.

1665. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Il ne faut point prendre garde si tous ces anciens auteurs sont appelés profanes, et si quelques-uns ont quelques termes libres et impurs : le soleil jette ses rayons sur la boue, de même que sur les choses précieuses, sans être endommagé ; cet astre apporte du changement aux substances qu’il éclaire, et le sage en fait de même de tout ce qui est soumis à ses ordres.

1666. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Aucuns des grands sujets n’y sont interdits, mais la liberté sur tous est entière, car si une fois la conclusion était commandée, s’il y avait d’avance une orthodoxie politique ou religieuse, un Credo ou un veto, un nec plus ultra, c’en serait fait de la libre et charmante variété de la parole, qui va comme elle peut et qui trouve dans le feu de la contradiction ses plus vives saillies, son ivresse involontaire.

1667. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Mais Aurélie a entendu les paroles de son père ; et après cela, je le demande, est-elle libre ?

1668. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Elle pouvait toujours se dire cependant, pour s’excuser à ses propres yeux, que si le prince de Conti était veuf, était libre, elle, elle ne l’était pas, et que, si elle l’avait été, leur liaison aurait pris bientôt un autre tour et un nom plus respectable.

1669. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Rousseau, à peine arrivé en terre libre, à Yverdun, s’était empressé d’écrire à M. et à Mme de Luxembourg ainsi qu’au prince de Conti, pour les remercier de leurs bontés ; dans ces premiers moments d’inquiétude et de délivrance, ses sentiments obéissant à la pente naturelle n’étaient pas encore aigris par la réflexion, ni son jugement faussé par la méfiance : il faut du temps et du travail pour en venir à sophistiquer et à se dénaturer à soi-même cette première sincérité des impressions involontaires.

1670. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

À la nouvelle du fatal édit rendu le 31 janvier contre le libre exercice du culte dans les vallées, la Suisse protestante s’était émue ; les Vaudois ayant sollicité l’assistance de leurs conseils, une assemblée des Cantons protestants avait eu lieu le 26 février à Baden ; en conséquence, deux députés extraordinaires, MM. 

1671. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Je lui dis que je ne doutais pas de la bonne foi et des bonnes intentions du roi et des ministres ; que tout ce qu’il y avait de raisonnable et de possible en améliorations, on principes et moyens d’un gouvernement libre, était dans leurs vues. — « Eh bien !

1672. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Cette éducation toute domestique fut très libre et sans contrainte.

1673. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Talleyrand libre de toute crainte donna cours à son despotisme naturel.

1674. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Bailly de Monthyon, qui sans doute, pensait-il, lui réservait l’honneur de commander quelque dépôt d’écloppés, ou de faire dans sa chancellerie des liasses d’ordres du jour. » Sa tête fermenta ; il n’y put tenir ; il roula dans son esprit une grande résolution : il était Suisse de nationalité et libre ; l’empereur Alexandre était l’intime allié de Napoléon.

1675. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

La suspension du Provincial laissait Bertrand libre, et nous le vîmes arriver à Paris vers la fin de 1828 ou peut-être au commencement de 1829.

1676. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Une multitude de femmes et d’enfants de l’âge le plus tendre franchissent les lignes des brigades, et, d’un autre côté, des troupeaux de chiens conduits dans le pays libre, après y avoir été enfermés quelque temps sans aucune nourriture, sont chargés de sel, que, pressés par la faim, ils rapportent promptement chez leurs maîtres. » — Vers ce métier si lucratif, les vagabonds, les désespérés, les affamés accourent de loin comme une meute. « Toute la lisière de Bretagne n’est peuplée que d’émigrants, la plupart proscrits de leur patrie, et qui, après un an de domicile, jouissent de tous les privilèges bretons : leur unique occupation se borne à faire des amas de sel pour les revendre aux faux sauniers. » On aperçoit comme dans un éclair d’orage ce long cordon de nomades inquiets, nocturnes et traqués, toute une population mâle et femelle de rôdeurs sauvages, habitués aux coups de main, endurcis aux intempéries, déguenillés, « presque tous attaqués d’une gale opiniâtre », et j’en trouve de pareils aux environs de Morlaix, de Lorient et des autres ports, sur les frontières des autres provinces et sur les frontières du royaume.

1677. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Mais cette vague liaison devient, quand il le faut, un enchaînement rigide ; et ces vers si libres, qui semblent courir à la débandade, se disciplinent, au souffle d’une pensée éloquente, en groupes serrés de solides périodes.

1678. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Aujourd’hui, celui qui vit sur un sol qui lui appartient est le plus libre des hommes, est vraiment roi dans son domaine.

1679. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Il est sauvage et libre, malgré les codes et les modes.

1680. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Le Théâtre Libre, et c’est, qu’on le sache, sa seule raison d’être, nous fournit un plaisir de cet ordre, avec des publics et des programmes trop mélangés.

1681. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Le Théâtre Libre, et ce fut, qu’on le sache, sa seule raison d’être, nous fournit un plaisir de cet ordre, avec des publics et des programmes trop mélangés.

1682. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Grâce à lui et à quelques autres comme lui, la libre philosophie de notre âge a possédé dans son sein des vertus susceptibles d’être comparées à celles dont les religions sont le plus fières.

1683. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Il est bien certain que le drame libre, à la façon de Lope de Vega et de Shakespeare, a contribué à briser le moule de notre tragédie classique.

1684. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Madame Aubray n’est pas une libre penseuse, ce n’est point non plus « une mère de l’Église », comme madame de Sévigné appelait les doctoresses de son temps.

1685. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Quand elle cause avec lord Shelburne, elle sent tout ce qu’il y a de grand et de vivifiant pour la pensée à être né sous un gouvernement libre : « Comment n’être pas désolé d’être né dans un gouvernement comme celui-ci ?

1686. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Mais cette libre et forte disposition de la pensée aux ordres de la volonté, n’est le propre que des grands ou des très bons esprits.

1687. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Celle-ci, bien que pure royaliste, se composait en grande partie de gens d’esprit, très libres de convictions et très désabusés.

1688. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

La riche bourgeoisie parisienne a, de tout temps, produit des esprits fins, des railleurs distingués et libres, ayant le ton de la meilleure compagnie et parlant la plus pure des langues ; au xviie  siècle, Mme Geoffrin, cette douairière de la bonne société, en était sortie.

1689. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Clarice est donc de fort belle taille et d’une grandeur agréable, capable de plaire à tout le monde par un certain air libre et naturel qui lui donne bonne grâce.

1690. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

C’est une lettre de Jacques ; il est retrouvé, il est libre, il arrive le dimanche suivant.

1691. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Il ne prit de cette éducation que la partie fructueuse et solide, et ce qui s’y mêlait déjà de philosophique et de libre ne l’atteignit pas.

1692. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Il est piquant de remarquer que, cette même année 1559, il publiait, sans y mettre son nom il est vrai Les Amours pastorales de Daphnis et de Chloé, ce libre et agréable roman qu’Amyot, dans sa traduction, rendait plus délicieux encore, en lui prêtant une naïveté de diction qui manque quelquefois au texte grec et qui n’est ici qu’une convenance de plus.

1693. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Retz appartient à cette grande et forte génération d’avant Louis XIV, dont étaient plus ou moins, à quelques années près, La Rochefoucauld, Molière, Pascal lui-même, génération que le régime de Richelieu avait trouvée trop jeune pour la réduire, qui se releva ou se leva le lendemain de la mort du ministre, et se signala dans la pensée et dans le langage (quand l’action lui fit défaut) par un jet libre et hardi, dont se déshabituèrent trop les hommes distingués sortis du long régime de Louis XIV.

1694. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Mme d’Épinay, mariée à un très indigne mari, n’était pas libre pourtant ; l’image des devoirs n’était pas entièrement effacée ; elle avait des enfants, elle se piquait, en bonne mère, de les bien élever, de se consacrer à leur éducation.

1695. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Ici, à ce moment, en Allemagne, c’était Wolff qui remplissait cet office de maître à penser, et qui, à travers les systèmes très contestables et le roman métaphysique dont il était l’interprète, faisait sentir du moins les avantages d’une raison plus libre et d’un bon sens plus dégagé : « C’est le bonheur des hommes quand ils pensent juste, disait Frédéric, et la philosophie de Wolff ne leur est certainement pas de peu d’utilité en cela. » La reconnaissance de Frédéric envers M. de Suhm « qui lui a débrouillé le chaos de Leibniz, éclairci par Wolff », est donc très sincère et très vive ; il a pour lui une de ces amitiés idéales, passionnées, enthousiastes, telles qu’en conçoivent les nobles jeunesses.

1696. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Ils délassent de la rudesse de nos grands romanciers, par un esprit plus large et plus libre, par une sympathie miséricordieuse pour les souffreteux, les meurtris de la vie, les êtres incomplets, racornis et humbles ; leur air d’excuse pour les faiblesses et les lares de la nature humaine a quelque chose de la belle tendresse cordiale avec laquelle Rembrandt a peint les pauvres et les simples d’esprit.

1697. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Dans Une Page, la noble stature et le port junonien de Mme Grandjean son complaisamment drapés, les sottises de Pauline Letellier s’excusent par le libre jeu de son corps de jeune fille saine sous ses jupes lâches.

1698. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

On y est libre et emboîté.

1699. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Quand je me fus assuré que ces jeunes arbres n’avaient été ni semés ni plantés, je fus d’autant plus surpris de leur nombre, qu’en examinant des centaines d’acres de lande libre, je ne pus littéralement apercevoir un seul Pin, excepté dans les massifs anciennement plantés.

1700. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

Pages libres, 1902.

1701. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Quoiqu’on ait essayé, dans ce pays de la rêverie, qui est aussi la terre de la raison, les dogmes n’ont pu y revivre ; et si l’on s’est beaucoup efforcé pour, au moins, les galvaniser, c’est que sous ces dogmes on cachait une pensée qui n’est pas toujours libre de se produire dans sa hardiesse et dans sa force.

1702. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

L’Aigle du génie poétique l’enleva heureusement à la polémique pour laquelle, par ses facultés aiguës et vibrantes, il était fait, cet Apollon Sagittaire, qui aurait pu lancer ses flèches, toutes-puissantes et mortelles, à toutes les adorations bêtes de la libre pensée et de son époque, depuis Goethe, qu’il renia, jusqu’à Kant, qu’il traita de Robespierre, et Hegel dont il se moqua ; mais il aima mieux les retourner contre son cœur, ces flèches étincelantes, et jamais elles ne furent plus meurtrières !

1703. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

  Les libres penseurs issus du catholicisme ou du protestantisme vivent, pour une grande part, du vieux fonds chrétien ; durant des siècles, ils furent préparés dans les petites églises de village.

1704. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Nous venons occuper dans le journalisme littéraire militant une place depuis longtemps vacante, ou plutôt nous y prenons une place toute neuve ; nous venons exprimer notre pensée libre et franche sur les écrivains et les œuvres de ce temps-ci : c’est assez dire que nous ne sommes attaché à aucune secte, dévoué à aucun parti, enrôlé sous aucun drapeau. […] Prenons donc un mezzo termine, et résumons en quelques lignes ce que nous développions en cinq colonnes. — Nous venons, disions-nous, remplir dans le journalisme littéraire un rôle d’une nouveauté assez originale exprimer une opinion libre et franche sur les écrivains et les œuvres de notre temps. […] Après avoir rejeté cette montagne écrasante du dogme féodal et politique qui pesait sur toutes les poitrines depuis des siècles, on aspire à s’enivrer d’air libre, à se fondre dans la vie universelle de la création ; le petit livre de Bernardin est le grand chemin qui conduit vers la solitude les âmes altérées de cette soif de vérité, d’isolement et d’idéal. […] Au nom de la morale, l’écrivain fulmine alors des anathèmes contre tout ce qui représente l’art oseur, l’idée nouvelle, la poésie du doute et du libre examen.

1705. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Louis Veuillot a écrit un livre, les Libres Penseurs, qui renferme, sinon des pages complètes, du moins çà et là des passages, des traits marqués au coin d’une pensée vigoureuse et d’un style personnel. […] La lecture des Libres Penseurs m’a révélé un fait dont son auteur ne se doute guère, et dont j’espère bien lui apporter la preuve, un peu plus tard : à savoir qu’il est lui-même le héros de son livre. […] Louis Veuillot est un libre penseur, un louveteau dont la religion a fait un chien de garde ! […] Il serait libre assurément d’infliger à un artiste de valeur un traitement élogieux que celui-ci n’a pas mérité, et personne n’y prendrait garde, si cette opinion n’empruntait un crédit, qu’elle n’a pas elle-même, à un journal qui parle du haut d’une tribune de 40 000 abonnés.

1706. (1890) Nouvelles questions de critique

J’entends par là que tout y est spontané, primesautier, imprévu : les hommes d’alors ne font pas à la réflexion la même part que nous ; ils ne s’observent pas, ils vivent naïvement, comme les enfants, chez lesquels la vie réfléchie que développe la civilisation n’a pas encore étouffé la libre expansion de la vitalité naturelle. » Entendez-vous bien, ô lecteurs, ce que cela veut dire, en bon français de tous les jours ? […] « Comme Buffon voyait que l’école encyclopédique était en défaveur à la cour et dans l’esprit du roi, il craignit d’être enveloppé dans le commun naufrage, et pour voyager à pleines voiles, ou du moins pour louvoyer seul et prudemment parmi les écueils, il aima mieux avoir à soi sa barque libre et détachée. » Et, de fait, à l’Encyclopédie, le premier usage que l’on devait faire de sa liberté, c’était de l’abdiquer aux mains des Diderot ou des d’Alembert ; mais Buffon, fort de sa naissance, de sa situation de fortune, et de sa valeur, avait la prétention de ne dépendre que de lui-même. […] Émile Faguet, esprit libre et indépendant s’il en M. Faguet, esprit libre et indépendant s’il en fut, dans ses Études littéraires sur le XIXe siècle ; voici M.  […] En d’autres termes encore, et tout au rebours des intransigeants de l’art pour l’art et du naturalisme, à mesure qu’il se rendait plus complètement maître des moyens de son art, il en faisait des applications plus libres à la discussion des problèmes essentiels de la morale sociale ; et pour mieux représenter la vie, s’y mêlant davantage, étudiant les faits dans leurs causes, l’importance des questions qu’il traitait — et que d’ailleurs il va sans dire qu’on peut résoudre tout autrement que lui, — n’a pas détourné l’attention de ses qualités d’écrivain et d’auteur dramatique, mais au contraire elle les a fait ressortir.

1707. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Les plaisanteries fort libres, et d’assez mauvais goût, que M.  […] On devait s’y prendre à peu près ainsi chez Mme de Lambert, on ne s’y prenait certainement pas d’autre sorte dans le cercle plus libre encore de Mme de Tencin. […] La manière franche et libre de Le Sage, et parfois un peu crue, peut bien effaroucher de loin en loin les oreilles délicates ; mais si celle de Marivaux, entortillée, précieuse et cauteleuse, les épargne, on doit dire que c’est aux dépens de la vraie pudeur et de la saine nature. […] Il faut dire, en effet, pour achever son portrait, qu’à part quelques superstitions bizarres, ― comme la croyance à l’efficacité d’un baume qui devait valoir celui de Fier-à-bras, — Prévost, sans faire partie de la grande boutique encyclopédique, n’en a pas moins été, dans son siècle, un très libre esprit. […] Libre des préjugés qui pesaient sur la plupart des hommes de lettres, il osa être lui-même, et, comme il était Rousseau, ce fut une révolution.

1708. (1913) Poètes et critiques

Le philosophe a grandi, évolué, grâce aux progrès de la réflexion et de l’étude, et a fini par dominer. » Je ne crois pas trop me tromper en disant que, chez Jouffret, s’il avait vécu plus longtemps, le philosophe, qui d’abord subjugua le poète et l’empêcha longtemps de se manifester, lui aurait laissé le champ libre. […] Là-bas, au pont de Daleft, beaucoup lancent leurs brandons épuisés dans les eaux libres de la rivière ; et l’ombre est rayée de rouges paraboles. […] Ajoutons-y encore l’ouvrage qu’il n’annonce pas, mais qu’on ne peut pas clouter qu’il produise, comme étant la conclusion des solides et fins travaux qu’on vient d’énumérer, je veux dire cette moderne apologie du catholicisme chrétien, qu’un moraliste de vocation, pénétré de l’esprit et des formules de Pascal, mais, avant tout, nourri de l’Écriture et du livre des Évangiles, peut regarder comme un devoir étroit de publier, à une époque où le Christianisme n’est plus seulement miné par l’indifférence traditionnelle, mais se trouve exposé à de mortels périls qui ne tiennent pas tous aux agressions de la libre pensée. […] Dans les Maîtres de l’heure, qu’il publie après avoir tiré tout le profit qu’on peut croire d’une profonde et longue intimité avec Chateaubriand, Joubert, Lamennais et Pascal, nous trouvons l’écrivain à son point de maturité, nous jouissons du libre épanouissement de ses facultés de critique. […] ……… Libre à nos inspirés, ceux qu’une œillade enflamme, D’abandonner leur être aux vents comme un bouleau : Pauvres gens !

1709. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Il emportait un livre dans sa poche pour étudier dans les champs aux moments libres ; il usa ainsi deux exemplaires de Mackensie. « Le recueil des chansons était mon vade mecum. […] Sans doute il ne se vantait pas de ces débordements, il s’en repentait plutôt ; mais pour l’essor et l’épanouissement de la libre vie poétique au grand soleil, il n’y voyait rien à redire. […] Ils renoncent à l’invention libre ; ils s’astreignent à l’exactitude scrupuleuse.

1710. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Ainsi parut à la Renaissance le génie artistique et poétique qui, né en Italie et porté en Espagne, s’y éteignit au bout d’un siècle et demi dans l’extinction universelle, et qui, avec d’autres caractères, transplanté en France et en Angleterre, y finit au bout de cent ans parmi les raffinements des maniéristes et les folies des sectaires, après avoir fait la Réforme, assuré la libre pensée et fondé la science. […] Ce christianisme est fort libre ; Carlyle prend la religion à l’allemande, d’une façon symbolique. […] Libre aux métaphysiciens d’aligner des déductions et des formules, ou aux politiques d’exposer des situations et des constitutions.

1711. (1933) De mon temps…

Depuis cette époque, je croisai plus d’une fois Edmond de Goncourt, soit dans les couloirs du Théâtre Libre, soit à des expositions, soit dans le magasin de Bing où l’attiraient des estampes, des laques et des bronzes japonais, mais ce ne fut que plus tard, en 1892, que j’eus l’honneur de lui être présenté. […] Elle évoqua les heures qu’il avait passées auprès d’elle à la Panne, dernier sol libre de la Belgique envahie, et le tragique accident où, dans la gare de Rouen, un mouvement imprudent et un faux pas malencontreux avaient précipité sous les roues du wagon celui qui n’avait pas eu le bonheur, lui, le poète des Aubes, de voir se lever sur sa patrie délivrée le jour de la Victoire et de la Liberté…   Ce fut à Bruxelles que je fis la connaissance d’Emile Verhaeren, en 1890 ou 1891. […] Au moment de nous séparer, Bonnières me dit : « Etes-vous libre ce soir après dîner ?

1712. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Cicéron, dans son traité intitulé Orator, fait consister une des principales qualités du style simple en ce que l’orateur s’y affranchit de la servitude du nombre, sa marche étant libre et sans contrainte, quoique sans écarts trop marqués. […] Bien pénétrés de l’importance de cette vérité, les éditeurs de l’Encyclopédie après avoir déclaré qu’ils ne prétendaient point adopter tous les éloges qui pourraient y avoir été donnés par leurs collègues, soit à des gens de lettres, soit à d’autres, comme ils ne prétendaient pas non plus adopter les critiques, ni en général les opinions avancées ou soutenues ailleurs que dans leurs propres articles, puisque tout est libre dans cet ouvrage, excepté la satire, et que par cette raison chacun devant y répondre au public de ce qu’il avançait, de ce qu’il blâmait et de ce qu’il louait, ils s’étaient fait la loi de nommer leurs collègues sans aucun éloge. […] Au reste, il serait peut-être à souhaiter que, dans les réceptions à l’Académie Française, un seul des deux académiciens qui parlent, savoir, le récipiendaire ou le directeur, se chargeât de l’éloge du défunt ; le directeur serait moins exposé à répéter une partie de ce que le récipiendaire a dit, et le champ serait par ce moyen un peu plus libre dans ces sortes de discours, dont la matière n’est d’ailleurs que trop donnée : sans s’affranchir entièrement des éloges de justice et de devoir, on serait plus à portée de traiter des sujets de littérature intéressants pour le public.

1713. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Les plus anciens à la Cour m’ont servi avec amitié ; de sorte que mon cœur est fort à son aise, et que je n’ai jamais pu espérer une position plus agréable, plus libre et plus honorable.

1714. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

L’ouvrage des Considérations sur l’esprit et les mœurs est bien composé ; il l’est en apparence au hasard et comme un jardin anglais ; ce sont des pensées, des analyses morales, relevées de temps en temps par des descriptions, des portraits ; animées en deux endroits par des dialogues, par des fragments de lettres : l’ensemble de la lecture est d’une variété agréable et d’un art libre que Duclos dans son livre n’a point connu.

1715. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

[NdA] Dans sa Lettre sur la Révolution française, il parle des prêtres, alors persécutés, sans ménagement et avec des expressions qui ne s’oublient pas ; il leur reproche, par exemple, d’avoir rempli les temples d’images, « et par là d’avoir égaré et tourmenté la prière, tandis qu’ils ne devaient s’occuper qu’à lui tracer un libre cours » ; il les appelle les accapareurs des subsistances de l’âme, etc.

1716. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

La sortie de M. de Chauvelin affaiblit le ministère du cardinal de Fleury et laissa libre cours aux mauvaises influences : « Il avait ses défauts, écrivait d’Argenson après quelques années (1748), mais plus de grandeur et de droiture que tout le reste du ministère d’aujourd’hui15 », Il perdit en lui un bon guide et un conseiller utile, qui le tenait en garde contre ses défauts.

1717. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Quand il arrive, dans cette revue qu’il fait en idée de sa bibliothèque, aux auteurs dramatiques et aux tragédies, le président exprime des idées littéraires très libres, très dégagées, et qui, bien que justes au fond, ne sont pas vérifiées encoreao.

1718. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Je me sens libre comme l’air et sauvage comme le vent.

1719. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Ou je me trompe, ou c’est là pour l’inspiration, le cadre à la fois le plus large et le plus commode, la forme la plus piquante et la plus faite à souhait pour ainsi dire, celle qui lui permet d’accorder avec l’unité la variété de tons la plus grande, et le laisse le plus libre de ses allures.

1720. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Sieyès ne venant pas, Bonaparte demandait au Gouvernement « une Commission de publicistes pour organiser l’Italie libre. » C’est là-dessus que M. de Talleyrand proposait Benjamin Constant, à défaut de Sieyès : « Vous paraissez désirer, Citoyen général, qu’on vous envoie quelques hommes distingués, soit publicistes, soit philosophes, qui, amis sincères de la liberté, puissent, par les résultats de leurs méditations et par leurs conceptions républicaines, vous seconder dans les moyens de hâter et de combiner fortement l’organisation des Républiques italiques.

1721. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Comme ses premières études (on vient assez de le voir) avaient été des plus défectueuses, il se mit à les réparer et à étudier tant qu’il put, au gymnase de Hanovre d’abord, puis, quand il fut devenu plus libre, et sa démission donnée, à l’Université de Gœttingue.

1722. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Toutes ces passions, toutes ces libres liaisons se mêlaient, s’entrecroisaient, et à ciel découvert.

1723. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Boulmier sur Etienne Dolet53, le docte et infortuné imprimeur qui fut brûlé en place Maubert, comme un martyr de la libre pensée, est également fort estimable.

1724. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Horace Vernet n’avait qu’un langage et qu’une manière, et il n’était guère libre d’en changer.

1725. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Un jour, à ce qu’on appelle un thé militaire, c’est-à-dire à une réunion de tous les officiers supérieurs dans un jardin où l’impératrice leur offrait un régal, l’empereur, après avoir pris la main d’Horace et la lui avoir tenue pendant un assez long temps, en lui parlant de ce qui venait de se passer pendant les manœuvres, s’était retourné et avait dit aux officiers : « Messieurs, Vernet fait partie de mon État-major, et je mets à l’ordre qu’il sera libre de faire tout ce que bon lui semblera dans le camp. » Prestige de notre gloire militaire qui se réfléchissait jusque sur son peintre !

1726. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

ici, créez, variez, vous êtes libres, vous êtes maîtres.

1727. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Il ne reçut pas l’éducation classique et de collège, et il se trouvera ainsi plus tard libre et affranchi de toute tradition, garanti contre l’imitation qui naît du souvenir.

1728. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

La difficulté d’y trouver un maire tient à plusieurs causes : d’abord à ce qu’ici comme partout ailleurs les anciens fonctionnaires capables d’administrer ont passé en Allemagne, à la suite de la conquête ; — en second lieu, parce que Worms est une ville de plaisir, où, hors les affaires personnelles de commerce ou de propriété, on se soucie fort peu de se donner d’autres occupations ; — en troisième lieu, parce que les idées et même les prétentions de l’ancienne ville libre et impériale y existent encore, avec plus ou moins de force, dans l’esprit et le cœur de ses habitants ; — 4°, parce que les soins d’un maire sur cette frontière sont pénibles et même dispendieux pour un homme qui a de l’honnêteté, et qui pourtant a un peu de cette avarice, laquelle est aussi un des principaux traits du caractère des habitants… » À Spire, c’était bien pis ; en 1813, le maire qu’on avait cru bon était décidément hostile à la France ; ses sentiments équivoques commencèrent à se démasquer avec nos revers : « Un reste de pudeur, écrivait Jean-Bon (28 mars 1843), lui fait sans doute garder encore une sorte de réserve, mais seulement ce qu’il en faut pour ne pouvoir pas être convaincu légalement de son aversion pour le gouvernement qui l’a cru digne de sa confiance.

1729. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

 Toutes les considérations, disait-il encore, que l’on peut me représenter là-dessus me sont connues ; mais, en vérité, elles regardent plutôt les successeurs que les vivants. » Il resta donc ce qu’il était, célibataire et philosophe, « génie libre et sans façon ».

1730. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Libre à ceux-là de penser que la victoire de Denain a été du luxe.

1731. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Il aurait voulu l’être en réalité, sur un si lointain théâtre que ce fût, pour donner carrière à sa forte et libre nature sans gêne aucune, sans assujettissement ni subordination à la volonté ou à la dignité d’autrui.

1732. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Imitons, s’il faut imiter, mais à distance, et, à cause de l’espace même qu’il y aura entre nous et le modèle, avec plus de libre ouverture, avec plus de générosité et de grandeur.

1733. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Le comte Xavier était si peu connu en France, même après cette publication, qu’on l’attribua à son frère Joseph, et, comme celui-ci était venu à mourir, une dame d’esprit se crut libre carrière pour retoucher l’opuscule à sa guise.

1734. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Je vais me hâter de définir cette espèce d’indifférence qui n’exclut pas du tout la curiosité et la conscience, ces deux vertus du critique, et qui même leur laisse un plus libre jeu.

1735. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Niebuhr, dans sa tentative de reconstruction, a erré, dites-vous, et rêvé ; mais, à ne prendre ses hypothèses que philosophiquement et comme manière de concevoir une première Rome autre que celle de Rollin, elles demeureront précieuses et méritoires aux yeux de tous les libres esprits190.

1736. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Les témoins n’y sont plus, on a le champ plus libre.

1737. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

De bonne heure il avait pu voir la vie sous ses différents aspects ; il savait déjà le monde, et dans les lettres, dès qu’il y appliquerait son regard, il devait chercher de l’étendue et un libre horizon.

1738. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Esprit libre, éclairé, il avait fini par se révolter de cette fabrique d’intrigues molinistes dont la maison de Mme de Noyon devenait le foyer de plus en plus animé.

1739. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

« Retrouvant dans nos châteaux, avec nos paysans, nos gardes et nos baillis, quelques vestiges de notre ancien pouvoir féodal, jouissant à la cour et à la ville des distinctions de la naissance, élevés par notre nom seul aux grades supérieurs dans les camps, et libres désormais de nous mêler sans faste et sans entraves à tous nos concitoyens pour goûter les douceurs de l’égalité plébéienne, nous voyions s’écouler ces courtes années de notre printemps dans un cercle d’illusions et dans une sorte de bonheur qui, je crois, en aucun temps, n’avait été destiné qu’à nous.

1740. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Elle passait quelquefois de longues matinées, accoudée sur la fenêtre, le front contre le grillage de fer, à regarder un coin du ciel libre, et à pleurer comme un ruisseau sur les pots de fleurs dont le concierge avait garni l’entablement.

1741. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Elle l’aimait à force de le respecter ; elle ne lui avait jamais manqué de fidélité, mais son amitié était libre ; il ne l’avait pas épousée pour la sevrer de toute douceur terrestre ; régler son cœur, ce n’était pas le supprimer ; il avait de l’affection involontaire pour moi ; moi, pour lui, par reconnaissance et par admiration.

1742. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Chez les anciens, les genres se distinguaient par la forme, par le mètre : chez nous, ils se distinguent surtout (du moins les principaux) par le fond, par l’impression, la forme restant libre dans une large mesure.

1743. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Il appuyait les réformes de Turgot ; il applaudissait au libre commerce des blés.

1744. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Et, naturellement, il fit aussi de la critique littéraire, et de la plus libre et de la plus pénétrante ; et son esprit s’élargit encore à voir quelle est la variété des esprits.

1745. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Le Discours sur la liberté nous laisse libres de croire qu’elle n’existe pas.

1746. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Madame Gros, institutrice libre à Lyon, est peut-être la personne de notre temps qui possède le mieux l’art exquis de faire vibrer, par une sorte de savant coup d’archet, le sentiment moral non encore éveillé.

1747. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Epiciers de la littérature ou charlatans de la musique, ils souffrent le martyre chaque fois qu’une œuvre paraît, vraiment libre et virile.

1748. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

De plus, Sa Majesté va très souvent passer deux heures de l’après-dîner dans la chambre de madame de Maintenon, à causer avec une amitié, un air libre et naturel qui rend cette place la plus désirable du monde. » Telle était la jalousie de madame de Montespan pour madame de Maintenon, qu’elle prenait à peine garde à la maîtresse en titre, madame de Fontanges, dont pourtant le roi s’appliquait à manifester le règne par une ostentation et des profusions sans exemple.

1749. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Homme de génie, mais indépendant de caractère, il sut, pour être plus libre, renoncer à une part de cette considération qu’il lui eût été si facile de se concilier.

1750. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Car enfin, ce droit de compter sur soi-même, et de mesurer son obéissance sur la justice, la loi et la raison ; ce droit de vivre et d’en être digne, c’est notre patrimoine à tous ; c’est l’apanage de l’homme qui est sorti libre et intelligent des mains de son Créateur.

1751. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Fallait-il accorder la libre exportation ?

1752. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Toutes les fois que le peuple en personne se met en communication avec l’Assemblée, Condorcet y applaudit : On sait, écrivait-il le 21 novembre 1791, que les séances du dimanche sont consacrées au saint et indispensable devoir d’entendre les pétitionnaires… L’Assemblée doit aimer à se sentir quelquefois électrisée par les expressions que l’enthousiasme d’un peuple libre et généreux vient porter dans le sein même de ses séances.

1753. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Je dis première manière, car Mme de Girardin a déjà eu trois manières, s’il vous plaît, trois formes poétiques distinctes : la première forme, régulière, classique, brillante et sonore, qu’on peut rapporter à Soumet ; la seconde forme, qui date de Napoline, plus libre, plus fringante, avec la coupe moderne, et où Musset intervient ; la troisième forme enfin, qu’elle a déployée dans Cléopâtre, et où elle ose au besoin tout ce que se permet en versification le drame moderne.

1754. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

« Celui qui aime, court, vole et se réjouit ; il est libre et rien ne l’arrête. » C’est l’Imitation de Jésus-Christ qui le dit : Mme de La Vallière, qui avait si bien senti cela dans l’ordre des sentiments humains, put bientôt se le redire à elle-même dans la suite de son progrès céleste.

1755. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Mademoiselle avait quarante-deux ans ; elle avait manqué tant et de si grands mariages, qu’elle semblait n’avoir plus qu’à demeurer dans cet état indépendant et libre de la plus riche princesse de France, lorsqu’elle commença (1669) à remarquer M. de Lauzun, favori du roi, et plus jeune qu’elle de plusieurs années.

1756. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Pierre Dupont sentit en lui le démon plus fort que la règle ; il brisa ou délia sa chaîne légère, je ne l’en blâme pas ; il voulut être tout à fait libre et indépendant, sans rester moins reconnaissant du passé.

1757. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Je veux une constitution libre, mais monarchique.

1758. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Tout ce chapitre « De la conversation » est très bien observé ; et, après avoir parcouru les différents défauts d’une conversation, Cilénie ou Valérie, ou plutôt l’auteur, dans un résumé qui n’a d’inconvénient que d’être trop exact et trop méthodique, conclut que, pour ne pas être ennuyeuse, pour être à la fois belle et raisonnable, la conversation doit ne point se borner à un seul objet, mais se former un peu du tout : Je conçois, dit-elle, qu’à en parler en général, elle doit être plus souvent de choses ordinaires et galantes que de grandes choses : mais je conçois pourtant qu’il n’est rien qui n’y puisse entrer ; qu’elle doit être libre et diversifiée selon les temps, les lieux et les personnes avec qui l’on est ; et que le secret est de parler toujours noblement des choses basses, assez simplement des choses élevées, et fort galamment des choses galantes, sans empressement et sans affectation.

1759. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

malgré la réserve sur le chapitre religieux, les libres penseurs tels que Diderot se trouvaient encore plus à l’aise chez Mme Necker que chez Mme Geoffrin.

1760. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Il y donna pêle-mêle au public ses erreurs mêmes, ses jugements sur le prochain, toutes ses médisances de libre critique, en y retranchant très peu de chose.

1761. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Le lundi 26 juillet 1830, il était le matin à Saint-Cloud, où il avait couché comme major général de service ; il se disposait à venir à Paris pour aller à l’Institut (il était membre libre de l’Académie des sciences depuis 1816), lorsqu’un de ses aides de camp le prévint qu’on disait que Le Moniteur renfermait de graves ordonnances.

1762. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Un homme sincèrement modeste et humble peut être très habile sur certains points, très courageux de résistance sur de certains autres, mais il y a fort à penser qu’il est incapable d’une certaine initiative, d’un esprit d’entreprise ou de poursuite, d’un essor complet et libre de ses facultés ; et c’est parce qu’il se sent instinctivement inférieur à un tel rôle et à une telle responsabilité, qu’il est si craintif et si rougissant de se produire, si en peine lorsqu’il s’est trop avancé.

1763. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Ces premières années de séjour en Suisse sont marquées par beaucoup de joie, de gaieté ; Voltaire sent qu’il est redevenu libre ; il se mêle à la vie du pays, et y fait accepter la sienne ; il fait jouer chez lui la comédie, la tragédie, et trouve sous sa main des acteurs de société, et point du tout mauvais, pour les principaux rôles de ses pièces.

1764. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

tandis que vous parlez tout à votre aise, moi, je vais vous servir d’une manière précise, et je me charge de faire brèche par la chronologie. » Aujourd’hui un christianisme éclairé et élevé, véritablement conciliateur, n’a pas craint d’ouvrir le champ de la discussion sur tous ces points qui sont livrés à la controverse humaine ; la chronologie est libre, comme la physique, dans ses explications et ses conjectures : la foi appuie sur des arches désormais plus larges son canal sacré, Volney, ne se trouvant plus en face d’un adversaire armé, ne saurait trop que faire de son aigreur, et il serait tout étonné de n’avoir plus à s’en prendre qu’à des dates dans son acharnement en chronologie.

1765. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Triste du passé, soucieux de l’avenir, j’allais avec défiance chez un peuple libre, voir si un ami sincère de cette liberté profanée trouverait pour sa vieillesse un asile de paix dont l’Europe ne lui offrait plus l’espérance.

1766. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Cette voix même un peu enflée, ces parures de roman qu’elle donne à sa jeunesse, ce rehaussement de sa famille, cette allure moins libre et se guindant devant le public de sa vie, n’est-ce pas le caractère et le goût propre des mémoires d’une comédienne qui se confesse ?

1767. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Contre l’un de ces orangers, un oranger qui vient de la cour du château du roi Stanislas, montées sur une échelle, deux fillettes de la campagne, dont on sent le corps libre et nu, sous une jupe et une camisole blanche, font la cueillette de la fleur d’oranger, dans de petits paniers, un drap étendu au-dessous d’elles.

1768. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

De presque là une antinomie entre la beauté très restreinte de l’utile tous les autres genres plus larges de libre beauté.

1769. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Prométhée, pour être libre, n’a qu’un carcan de bronze à briser et qu’un dieu à vaincre ; il faut que Hamlet se brise lui-même et se vainque lui-même.

1770. (1694) Des ouvrages de l’esprit

L’autre, sans choix, sans exactitude, d’une plume libre et inégale, tantôt charge ses descriptions, s’appesantit sur les détails : il fait une anatomie ; tantôt il feint, il exagère, il passe le vrai dans la nature : il en fait le roman.

1771. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Marc Sangnier et ses amis du Sillon d’un autre, s’opposent les jeunes rédacteurs de la Petite République, de l’Aurore, des Pages Libres, en politique et en littérature.

1772. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Point de vieilles institutions qui s’opposent à ses vues ; elle a devant elle un champ vaste, un espace libre de tout obstacle sur lequel elle peut édifier à son gré.

1773. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Le libre prince, des fantaisies venait, en effet, d’être immobilisé quelques journées durant par le bon plaisir de ces procureurs qui, généralement chargés de convoitises, de dols et de stupres infiniment plus vastes que ceux de leurs adversaires, se plaisent à venger la Morale Publique.

1774. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Il y a, n’en doutons point, dans la langue libre, c’est-à-dire dans la prose française, une langue moyenne qui n’est pas dépourvue de nombre, et qui embrasse une plus grande partie de la langue poétique française ; mais ni la prose ni la versification ne peuvent pleinement satisfaire, dans notre langue, le génie de la poésie.

1775. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Libre de tout engagement avec cette littérature, nous n’avions, nous !

1776. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Puisqu’il s’emparait de l’idée chrétienne, de cette donnée qu’il faut accepter toute ou rejeter toute, car, si on est chrétien, il n’est pas permis de manquer à sa foi, et, si on est vraiment un homme, d’affaiblir par des arrangements de fantaisie, l’Évangile, l’Apocalypse, les Mystiques, la Légende et la Tradition, — puisque, ravi par la sombre splendeur du dogme de l’Enfer, il foulait d’un pied libre le cadavre de Voltaire, se souciant peu des rires que cet autre démon a semés sur les lèvres humaines, et se dévouant à chanter les supplices qui répugnent tant pour l’heure à notre spiritualisme épouvanté, il fallait qu’il allât jusqu’au cœur de l’idée chrétienne, il fallait qu’il la creusât dans tous les sens pour lui arracher toutes ses beautés !

1777. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Que la mémoire interprétative se tende, qu’elle fasse attention à la vie, qu’elle sorte enfin du rêve : les événements du dehors scanderont sa marche et ralentiront son allure — comme, dans une horloge, le balancier découpe en tranches et répartit sur une durée de plusieurs jours la détente du ressort qui serait presque instantanée si elle était libre.

1778. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Ils obéissaient, en trouvant le moyen d’être eux-mêmes et libres dans cette servitude. […] Si l’homme n’est pas libre, que signifie ce mot de Réforme ? […] Pareillement, un jeune homme de lettres, et qui monnayait en leçons maigrement payées le latin et le grec appris au collège, pouvait passer les années d’apprentissage, en se réservant des heures de libre recherche. […] Le bourgeois, c’est, primitivement, le citoyen d’une ville affranchie, c’est l’homme libre par opposition au serf. […] Il est libre.

1779. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Tu es libre… Je le devine à ton attitude, je le vois : tu me méprises maintenant plus que jamais et tu as raison de me mépriser. […] Deux ans plus tard, le recueil, augmenté des Libres Paroles et des Fleurs de ronces, reparaissait sous le titre commun de Premières Rimes (1875). Victor Hugo est l’inspirateur des Libres Paroles, où les notes patriotiques et politiques résonnent seules. […] Je goûte donc peu, très peu, ces Libres Paroles qui, cependant, au point de vue de la facture, marquent un grand pas en avant. […] Le roman qui suivit, et dont la thèse devait révolter cependant le libre penseur qu’est M. 

1780. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Catulle avait, sur la loi de l’art et sur les devoirs de l’écrivain, une poétique très courte, divisée en deux parties ; la voici tout entière : « Le poète pieux doit être chaste, personnellement ; mais la chasteté n’est pas du tout nécessaire à ses petits vers, qui alors seulement (tum denique) ont du sel et de la grâce, s’ils sont libres et sans pudeur. » Il est superflu de remarquer que notre poète n’a pas été plus chaste dans ses mœurs que dans sa poésie. […] Quand la mort, brisant la dernière fibre, Au limon natal viendra m’arracher, S’il est quelque part un astre encor libre, Là-haut, dans l’éther, je l’irai chercher. […] Le poète n’étant point libre, son génie n’a pas pu prendre tout son essor, son imagination déployer toute son envergure. […] Il était à craindre que cette volonté inflexible, résolue à suivre sa ligne tout droit sans faire aucune concession au goût, venant un jour à prévaloir sur les heureuses et libres inspirations de la nature, ne s’engageât irrévocablement dans une fausse direction. […] Elle n’avait pour but que d’être libre et belle.

1781. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

On peut raisonnablement contester la convenance et l’opportunité de mettre aux prises, dans l’enceinte d’un théâtre les haines des partis, lorsqu’il existe tant d’autres voies paisibles et assurées pour la libre manifestation de la pensée. […] Ils ne se rendirent pas à cette excuse assez libre, et montèrent chez lui. […] Or, dès que le poète accepte un rôle, il est libre, à coup sûr, de le jouer à sa manière, de le composer à sa guise. […] Aucun de ces messieurs ne peut le réclamer comme sien ; il est seul et libre dans son génie, et n’accepte aucune fraternité jalouse. […] Elle est libre, elle pourrait devenir la femme d’Amaury ; mais le voluptueux demande deux années de répit.

1782. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Quand je me porte bien, je ne connais pas cette maladie, et il me semble qu’avec autant d’esprit et de philosophie que vous en avez, n’étant assujetti à la volonté de personne, étant libre en un mot, vous devriez vous suffire à vous-même. […] N’est-ce pas aussi bien ce qui arrive presque toutes les fois que l’on s’en sert, comme d’un instrument plus délicat ou d’une pointe plus subtile, pour anatomiser ce que des esprits qui se croient libres appellent du nom de préjugés ? […] La création de la religion pure a été l’œuvre, non pas des prêtres, mais de libres inspirés. […] Ce serait aussi faire preuve, on l’a vu, d’un rare aveuglement et de beaucoup d’ignorance, puisque ce serait méconnaître ce que l’érudition générale, ce que la philologie sémitique, ce que la science des religions ont accompli de progrès depuis un siècle, et pour jouer au libre penseur, ce serait en vérité reculer de cent ans sur son temps. […] Sommes-nous libres ?

1783. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Cet art était alors sur son déclin : et comment ce grand art, qui demande une âme libre, un esprit élevé, se soutiendrait-il chez une nation qui demande l’esclavage ? […] L’art oratoire ne pourrait même durer chez des peuples libres, s’il ne s’occupait d’affaires importantes, et ne conduisait l’homme d’une naissance obscure aux premières fonctions de l’Etat. […] Cet acte de cruauté et quelques autres révoltent le peuple ; il se sépare des sénateurs ; la division se met entre ceux-ci ; le camp persiste dans son choix, et Claude allait être proclamé, lorsque les députés du sénat le conjurent de ne pas s’emparer par la force d’une autorité qui lui serait conférée d’un unanime et libre consentement (Id. ibid. […] Il déclare libre l’esclave que son maître abandonnera dans la maladie (DION, ubi suprà, cap.  […] Princes de la terre, attachez-y vos regards, et entendez d’avance la voix libre des peuples à votre mort, si vous avez renfermé le gémissement dans leur cœur tandis que vous viviez.

1784. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Sa langue est fière et sonore ; sa poésie respire certaine senteur libre et vivace. […] Quelle absurdité serait-ce qu’aux jugements que font les Cours souveraines de nos biens et de nos vies les avis fussent libres, et qu’ils ne le fussent pas en des ouvrages dont toute la recommandation est de s’exprimer avec quelque grâce, et tout le fruit de satisfaire à la curiosité de ceux qui n’ont rien de meilleur à s’entretenir ?

1785. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Heureuse comme avant, à son nouveau devoir Elle a réglé sa vie… Il est beau de la voir, Libre de son ménage, un soir de la semaine, Sans toilette, en été, qui sort et se promène, Et s’asseoit à l’abri du soleil étouffant, Vers six heures, sur l’herbe avec sa belle enfant. […] Vous seriez, monsieur, aussi libre qu’à l’auberge ; nous ne nous verrions qu’à table.

1786. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Après tout, ces filles ne me sont point déplaisantes, elles tranchent sur la monotonie, la correction, l’ordre de la société, elles mettent un peu de folie dans le monde, elles soufflettent le billet de banque, et elles sont le caprice lâché, nu et libre et vainqueur, à travers un monde de notaires et ses raisonnables et économiques joies. […] 23 mars C’est une grande force morale chez l’écrivain que celle qui lui fait porter sa pensée au-dessus de la vie courante, pour la faire travailler libre et dégagée et envolée.

1787. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

D’après Le Figaro : « C’est une réunion de paradoxes vieillots, si ennuyeux que tout le monde a pris son chapeau » ; d’après La Liberté : « une bouffonnerie à l’esprit de 100 kilos » ; d’après La Libre Parole : « un radotage pénible de vieillard » ; d’après Le National, par la voix du sévère Stoullig : « C’est la prétention dans l’ineptie, la nullité dans l’incohérence, l’absence absolue de toute fantaisie. » Vendredi 20 janvier En lisant le Roman bourgeois de Furetière, je suis étonné de l’originalité de sa définition du roman : « Le roman n’est rien qu’une poésie en prose. […] Maintenant à côté de celles-ci, des femmes trop écrasées par le mariage, redevenues libres, ne peuvent se relever de la servitude du passé.

1788. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

En floréal, cet énorme buisson, libre derrière sa grille et ses quatre murs, dans le sourd travail de la germination universelle, tressaillait au soleil levant presque comme une bête qui sent la sève d’avril monter et bouillonner dans ses veines, et, secouant au vent sa prodigieuse chevelure verte, semait sur la terre humide, sur les statues frustes, sur le perron croulant du pavillon et jusque sur le pavé de la rue déserte, les fleurs en étoiles, la rosée eu perles, la fécondité, la beauté, la vie, la joie, les parfums. […] On voit par cet exemple combien la composition est essentielle au roman, malgré ce qu’en ont dit certains Critiques : « Le roman est le plus libre des genres et souffre toutes les formes.

1789. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

— Un second fait non moins frappant, dans l’examen des lois générales du monde organisé, c’est que les barrières, de quelque sorte qu’elles soient, ou les obstacles de toute nature aux libres migrations des espèces, sont en connexion, de la manière la plus étroite et la plus importante, avec les différences qu’on observe entre les productions des diverses parties du monde. Cette loi apparaît tout d’abord dans les grandes dissemblances des productions terrestres du Nouveau Monde et de l’Ancien, excepté dans les contrées boréales, où les terres s’approchent de si près et où, sous des climats très peu différents du climat actuel, les libres migrations ont dû être faciles pour les formes adaptées aux régions tempérées du Nord, comme elles sont encore possibles aujourd’hui pour les productions exclusivement arctiques.

1790. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Ces préceptes sont tantôt des ordres, tantôt des défenses ; une fois, la voix interrogée refuse de prononcer un impératif ; elle ne donne qu’une permission ; Jeanne est laissée libre d’agir selon son inspiration naturelle179. […] A l’audience du tribunal, pressée de questions, elle « n’entend pas bien » la voix ; aussi n’admet-elle pas cette révélation confuse comme suffisante ; revenue dans sa prison, et libre de méditer en silence, elle demande à son « conseil » des paroles plus précises, et les obtient. — Socrate, à ce qu’il semble, était moins exigeant.

1791. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Analysez maintenant les procédés imaginatifs de la mnémotechnie, vous trouverez que cette science a précisément pour objet d’amener au premier plan le souvenir spontané qui se dissimule, et de le mettre, comme un souvenir actif, à notre libre disposition : pour cela en réprime d’abord toute velléité de la mémoire agissante ou motrice. […] Essentiellement fugitifs, ils ne se matérialisent que par hasard, soit qu’une détermination accidentellement précise de notre attitude corporelle les attire, soit que l’indétermination même de cette attitude laisse le champ libre au caprice de leur manifestation.

1792. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Depuis le seigneur de village jusqu’au starost, chargé par lui de la direction des cultures et du gouvernement des paysans ; jusqu’à la dernière catégorie de ces paysans, hier esclaves, aujourd’hui libres, grâce à la courageuse initiative de l’empereur, tout entre dans le cadre, tout s’y meut, tout y parle, tout y agit avec la candeur de la nature. […] Je possède ce recueil et je vais vous en ouvrir quelques chapitres qui, je crois, ne vous laisseront pas libres de ne pas lire tout, si vous avez comme moi le goût du vrai, le sentiment du fin et la passion de l’originalité. […] — Vous plaisantez, répliqua Onufre ; mais vous conviendrez que celui qui donne est libre de donner, et que celui qui reçoit a envie de recevoir.

1793. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Il disait d’ailleurs dans l’intimité et avec cet esprit libre d’illusions : « Je suis volontiers pour la république, à condition qu’il n’y ait pas de républicains. » Que fit le jeune Fauriel durant les années du Directoire, de 1795 à 1799, époque où nous le retrouverons ? […] Même avant les deux Schlegel, avant Guillaume de Humboldt, ou du moins en même temps qu’eux, il eut l’honneur d’influer sur ce grand et libre esprit, de l’assister de sa science, et de lui faire pressentir quelques-unes des directions où, une fois lancé, son talent plein d’âme devait ouvrir des sillons si lumineux. […] Dans la tragédie en particulier, quel art insensible pour concilier le simple et le noble, l’expression libre, naturelle, par moments familière, et l’expression idéale ! […] Divers motifs l’avaient porté à ce travail généreux ; il était jaloux, lui aussi, de payer son tribut à une noble cause ; déjà, en 1823, nous le voyons publier une traduction libre des Réfugiés de Parla, poëme lyrique de Berchet77.

1794. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

L’éloquence des peuples libres avait disparu depuis longtemps : nous n’avions de grands orateurs que dans la chaire. […] Eschyle, à la fois soldat et poète, Eschyle, l’un des plus ardents républicains du siècle et de l’état le plus libres de la Grèce, n’insulte pas une seule fois, dans sa tragédie des Perses, aux désastres de Xerxès. […] Libres de ce troupeau de dieux ridicules qui la bornaient de toutes parts, les bois se sont remplis d’une Divinité immense. […] Maurice, tranquille au milieu de l’agitation, observe tous les mouvements, distribue des secours, donne des ordres, répare les malheurs, sa tête est aussi libre que dans le calme de la santé.

1795. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

C’est l’heure du déjeuner, la seule libre, et c’est généralement pendant ce temps qu’on me taquine avec X…, et je rougis, pour tous ; maman me soutient, en disant : « Qu’est-ce que tous la taquinez toujours avec ce X… » Maman est bien gentille aujourd’hui, je finirai vraiment par devenir son amie. […] Soyez bien aimable et donnez-moi toutes les nouvelles et vieilleries imaginables… Je lirai cela à table, puisque c’est là seulement que je suis libre. […] Le poète la remercie du tableau en lui exprimant le regret de ne pouvoir lui exprimer ses remerciements de vive voix, n’étant pas libre. […] Vous êtes libre de le préférer.

1796. (1925) Proses datées

A certains jours, ils éprouvent le besoin, pour se délasser du sérieux de leurs travaux, de lâcher la bride à leur fantaisie et, de laisser libre cours aux inventions les plus saugrenues. […] Flaubert, à peine acquitté du procès similaire fait à Madame Bovary, Sainte-Beuve, esprit très libre quand les rancunes personnelles ne faussaient pas sa vaste et minutieuse intelligence, le soutinrent de la leur, celle de Théophile Gautier lui était acquise. […] Ce jeune homme, qui a souffert des contraintes apportées à sa vocation, une fois libre de vivre à sa guise, s’installe dans un des vieux hôtels de l’Ile Saint-Louis dont le décor plaît à son sens de la solennité et du pittoresque. […] De belles femmes apportent à ces soirées leur présence parfumée, mais, malgré tout, cette existence libre n’est pas la bohème. […] Certes, on aperçoit bien, au-dessus du haut mur qui le protège, l’angle d’une maison de rapport et quelques toitures voisines, mais la perspective demeure libre et, par un hasard heureux, ce n’est pas sur un écran de plâtre que se détachent les beaux arbres qui bornent la vue.

1797. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

« Seulement, une consolation pouvait demeurer à cet infortuné : celle d’avoir vécu en homme libre dans un siècle libre ; et les drapeaux pavoisant l’auberge de la Belle-Étoile (son dernier gîte !) […] Tout en étant complètement de son avis, je me permettrai pourtant de dire à l’abbé Pierre : Je reconnais ainsi que vous la nécessité d’une religion surtout en présence des horribles choses que nous a données la libre pensée mise à la portée de toutes les intelligences. […] J’ai voulu qu’on regardât en haut, très haut — où nos couleurs flottent dans l’air libre. […] La vraie prudence consiste à craindre d’offusquer même l’œil des anges.” » N’est-ce pas d’un sentiment exquis et rien que ce trait ne met-il pas une grande distance entre le véritable Renan et celui que certains grossiers défenseurs de la libre pensée ont inventé pour leur usage particulier ? […] Galanterie de jeune homme qui désirait qu’une femme aussi agréable demeurât libre, et il semble qu’elle-même n’aurait pas dû beaucoup s’attacher à son brusque mari.

1798. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Maindron a très originalement adapté ce procédé : Libre de bonne heure par la mort de ses parents, il avait versé dans les aventures, parcouru les Indes où les brahmes adorent des déesses dont les yeux de pierreries brillent au fond des sanctuaires, pénétré avec les Portugais dans le pays des essences précieuses, de la nacre et des épices. […] Ne suis-je pas libre de n’en dégager que le côté général ? […] Le fils de Dieu s’est fait homme afin de nous faire enfants de Dieu ; il a été blessé pour guérir nos plaies ; il s’est fait esclave pour nous rendre libres ; il est mort enfin pour nous faire vivre. […] De peur que les corps ne se déforment par des mouvements libres, on se hâte de les déformer en les mettant en presse. […] N’ayant rien de libre que la voix, comment ne s’en serviraient-ils pas pour se plaindre ?

1799. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Malgré cette humble et confiante prière, je ne répondrais point que sa religion fût aucunement orthodoxe : il se permettait souvent des réflexions assez libres, qui ont un certain air théophilanthropique, et l’on sent que le souffle du xviiie  siècle arrivait.

1800. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

 » Voilà, Monsieur, des paroles nécessaires, non pour augmenter le zèle, il est toujours égal, mais pour que votre général ait l’esprit plus libre, le cœur satisfait, et que, jugeant de sa fortune dans la guerre par celle qu’il trouve dans son élévation, il ne croie rien d’impossible.

1801. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Il rendait pleine justice à sa merveilleuse intelligence ; « J’ai l’avantage de trouver à Coppet une critique impartiale ; c’est aussi un art de tirer parti de la critique ; souvent je persiste dans mon opinion ; mais Mme de Staël est si libre de préjugés, si claire, que je vois mes tableaux dans son âme comme dans un miroir. » Le Voyage dans le Latium, publié à la fin de 1804, eut du succès, et décida de la rentrée de Bonstetten dans la littérature française.

1802. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Lorsque l’esprit est entièrement libre et qu’on le laisse se diriger la bride sur le cou du côté qu’il veut, il choisit naturellement ce qu’il aime.

1803. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Dans une foule d’opuscules et de nouvelles, il s’est montré plus libre et a obéi à des qualités franches.

1804. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Il y a un vers charmant du vieux dramaturge Hardy, le seul bon, je crois, qu’il ait fait ; je demande pardon (en matière aussi classique) de ce qu’il y a d’un peu léger dans la citation : Couler une main libre autour d’un sein neigeux… Voilà le vers.

1805. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Quand j’aurai l’esprit plus libre, je vous ferai des reproches des conseils que vous donnâtes ici au maréchal de La Ferté sur mon sujet.

1806. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Ce contrôle journalier de Boileau eût été funeste assurément à un auteur de libre génie, de verve impétueuse ou de grâce nonchalante, à Molière, à La Fontaine, par exemple ; il ne put être que profitable à Racine, qui, avant de connaître Boileau, et sauf quelques pointes à l’italienne, suivait déjà cette voie de correction et d’élégance continue, où celui-ci le maintint et l’affermit.

1807. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

M. d’Aumont s’occupait aussi de reculer les entrées, c’est-à-dire de ne laisser entrer les personnes qui avaient droit d’entrer dans une chambre que dans celle qui la précédait ; par ce moyen, il laissait libre et sans bruit la salle du conseil, qui précédait immédiatement la chambre du lit, et cet arrangement était raisonnable.

1808. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Il a une propriété, une vivacité singulières d’expression : plus de corps et de couleur que de délicate élégance, de la vigueur même dans la finesse ; de longues périodes chargées d’incidentes et de participes, un large emploi des pronoms, souvent bien éloignés du nom qu’ils ont charge de suggérer, des archaïsmes, de libres tournures : à ces dernières marques surtout, on reconnaît un style formé avant les Provinciales.

1809. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

1º Un journal qui n’a pas un critique honnête et qu’il laisse libre est un imbécile qui mange son blé en herbe ou un coquin qui vole la France au même titre que tant de ministres.

1810. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

L’exilé goûte avec délices la libre oisiveté de la Bohême.

1811. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

C’est aux endroits où ils sont modérés, où leur humeur n’est pas plus forte que leur raison, qu’on reconnaît une première image complète de cet esprit français, le plus libre et le plus discipliné qui soit au monde.

1812. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

C’est pour ce livre futur qu’il parcourut successivement l’Allemagne, l’Italie, la Suisse, l’Angleterre, portant dans ces divers pays, non pas une indiscrète préférence pour le sien mais une curiosité libre et sympathique, et, comme il le dit dans ses Pensées, le vœu sincère de les voir dans un état florissant.

1813. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Un mot d’un contemporain, homme instruit, qui vivait loin des salons parisiens, nous dit quel jugement en portaient tous les esprits restés libres dans cette servitude de la négation universelle.

1814. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

J’ai pris une chambre comme pensionnaire libre dans une institution, près du Luxembourg, et quelques répétitions de mathématiques et de littérature dont je me suis chargé me mettent à peu près, comme l’on dit, au pair.

1815. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Ou doit-il rester sous les drapeaux homme et citoyen, par conséquent libre de raisonner sa docilité et de se refuser à l’exécution d’un ordre illégal ou injuste ?

1816. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Mais cette conviction que nous sommes libres, — que ce soit d’ailleurs conscience ou croyance, — qu’est-elle ?

1817. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Que d’Ouvrages ils ont enfantés pour prouver à l’Homme que l’Homme n’est qu’une machine, qu’il n’est point libre, qu’il n’a aucun mérite d’être vertueux !

1818. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Quiconque n’obéira pas, je le dompterai comme un étalon repu d’orge et rebelle au frein. » — Ces violences irritent les Vieillards au lieu de les effrayer ; l’âme libre des citoyens grecs s’éveille par avance dans ces patriarches de l’antique Hellade.

1819. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Diane, son nouveau drame a tous les symptômes de la convalescence : la faiblesse, l’indécision, le tâtonnement, l’incertitude, mais aussi l’émotion, l’attendrissement, et, ça et là, de soudains élans vers la vie, l’originalité et l’essor ; ce n’est pas encore le poète libre et charmant de l’Aventurière et de la Ciguë, mais ce n’est plus déjà le versificateur terne et prudent de Gabrielle.

1820. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

« Ses portraits surtout, a dit Saint-Évremond, ont une grâce négligée, libre et originale, qu’on ne saurait imiter. » On peut, par ce seul exemple, vérifier l’éloge.

1821. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

« Une croyance, a dit Fustel de Coulanges, est l’œuvre do notre esprit, mais nous ne sommes pas libres de la modifier à notre gré.

1822. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Le jour où j’ai été écroué à Sainte-Pélagie, le directeur s’est empressé de me dire : « Vous n’avez qu’à adresser une demande, pour être transféré dans une maison de santé. » Et la première parole de l’autre directeur a été : « Donnez-moi votre parole que tous les soirs, vous serez rentré à dix heures… et vous êtes libre ».

1823. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Des analyses qui précèdent détachons, avant d’aller plus loin, un point important : l’expression primitive d’une pensée peut être non seulement inexacte, équivoque, obscure, mais encore incomplète ; il arrive souvent qu’une partie de l’idée reste tout d’abord sans expression ; or cette partie, nous sommes libres de l’envisager comme une idée entière [ch.

1824. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Vous n’ignorez pas à quel point Descartes, que les libres penseurs actuels considèrent comme un ancêtre, était profondément religieux et pratiquement.

1825. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

De même une langue qui permet l’inversion, et par conséquent où l’arrangement des mots est libre jusqu’à un certain point, donne certainement plus de facilité pour l’harmonie du discours, qu’une langue où l’inversion n’est pas permise, et par conséquent où l’arrangement des mots est forcé.

1826. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Tandis que nous écrivons, par une sorte d’instinct théâtral et de tradition, des chapitres qui gravitent tous autour d’une scène principale, un peu comme les actes d’une pièce dramatique ; tandis que nous faisons un livre très un et très serré, destiné à être lu sans arrêt, eux, ils écrivent une sorte de journal intime ; ils superposent les détails, sagement, posément, avec l’amour de l’heure présente qui ne connaît pas l’avenir, sans la même hâte vers le but, et ils songent aux misses qui parcourront vingt pages avant une course à cheval, au chasseur de renard qui revient au logis et qui a besoin d’une petite dose de lecture pour calmer la fièvre de ses veines, au commerçant de la Cité, à l’ouvrier anglais, libres avant le coucher du soleil, et qui prendront le livre et le poseront bientôt sur le coin du dressoir, heureux d’avoir trouvé l’occasion d’une larme ou d’un sourire qui n’étaient pas permis dans le travail du jour.

1827. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Vous pouvez dire que vous avez encore affaire à du temps, — on est libre de donner aux mots le sens qu’on veut, pourvu qu’on commence par le définir, — mais nous saurons qu’il ne s’agit plus du temps expérimenté ; nous serons devant un temps symbolique et conventionnel, grandeur auxiliaire introduite en vue du calcul des grandeurs réelles.

1828. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Après avoir cherché dans la vieille Asie les plus hautes inspirations de l’enthousiasme lyrique, après en avoir contemplé la vertu guerrière dans les luttes d’un coin de terre monothéiste et civilisé contre l’Assyrie barbare et idolâtre, on est mieux préparé à le reconnaître dans l’immortelle victoire de cette petite péninsule de la Grèce, ingénieuse et libre, sur l’Orient despotique de Suse et d’Ecbatane, traînant à sa suite les descendants des anciens esclaves des rois et jusqu’à des milices de ce peuple juif tombé, du joug de Babylone sous celui de la Perse.

1829. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Il y a pourtant, dans son théâtre, plusieurs autres comédies qui valent celles-là, et quelques-unes même où vous trouveriez peut-être, non plus de finesse ni d’esprit, mais plus de poésie et un plus libre caprice. […] — Ce soir, je ne suis pas libre, répond-elle. […] En somme, nous n’avions jamais vu, je crois, un si heureux mélange de fine et même de haute comédie avec la fantaisie la plus libre et, en apparence, la plus folle. […] Et ils n’avaient pas la plate « théologie de Béranger », puisqu’ils n’avaient pas de théologie du tout, mais seulement la plus libre et la plus gracieuse des mythologies. […] Mais elles ont une façon libre et directe, et, parmi leur « blague » bon enfant, une outrance un peu brutale qui est bien d’aujourd’hui.

1830. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

L’une et l’autre ne vivent que de sentiments libres, vrais, énergiques ; l’une et l’autre ne respirent que le sublime, et jamais celui-ci ne se démontre dans l’asservissement des pensées. […] « Le même jour qui met un homme libre aux fers, « Lui ravit la moitié de sa vertu première. […] Tout véritable disciple des muses n’est point un homme de faction, mais un libre interprète des vertus durables : son impartialité louera les grandeurs des institutions populaires ainsi que les meilleures lois des empires. […] C’est par cette libre sincérité qu’il fera l’éloge de son roi, venu dans des circonstances extraordinaires, où ses vues et le maintien d’une Charte en accord avec le cours irrésistible des lumières, des idées, des sentiments, des principes de notre âge, lui peuvent mériter le beau titre de Louis le législateur. […] Cependant il indique l’art de s’approprier les choses que l’on emprunte, en ne les copiant pas servilement trait pour trait, mais en leur ajoutant ou leur retranchant avec discernement, ceux qui peuvent rehausser ou altérer la beauté d’une libre imitation.

1831. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

En un mot, la composition de Shakespeare est très libre ; mais elle n’est pas, elle ne peut pas être incohérente, et cela moins parce qu’il est maître de son sujet que parce que son sujet le maîtrise. […] On s’y moque de ceux qui ne sont pas assez libres et assez hardis pour transgresser les lois de la pudeur et des convenances. […] Délicatesse, sensibilité, éloquence du cœur, finesse dans l’expression des sentiments qui s’ignorent encore et déjà se découvrent eux-mêmes, composition libre et aisée, mais surveillée cependant et habile, style quelquefois un peu froid mais souvent exquis, le Mariage de Victorine est une perle dramatique de la plus belle eau. […] Je suis libre à jamais. […] D’emblée, il n’est pas de cette première, bien autrement libre et vaste et naturellement féconde, des Shakspeare, des Molière.

1832. (1903) La pensée et le mouvant

Telle est pourtant l’action libre. […] Que sera-ce, si l’action est véritablement libre, c’est-à-dire créée tout entière, dans son dessin extérieur aussi bien que dans sa coloration interne, au moment où elle s’accomplit ? […] Les théories sont comme des degrés successifs que monte la science en élargissant son horizon. » Mais rien de plus significatif que les paroles par lesquelles s’ouvre un des derniers paragraphes de l’Introduction à la médecine expérimentale : « Un des plus grands obstacles qui se rencontrent dans cette marche générale et libre des connaissances humaines est la tendance qui porte les diverses connaissances à s’individualiser dans des systèmes… Les systèmes tendent à asservir l’esprit humain… Il faut chercher à briser les entraves des systèmes philosophiques et scientifiques… La philosophie et la science ne doivent pas être systématiques. » La philosophie ne doit pas être systématique ! […] Le pragmatisme ajoute, ou tout au moins implique, que la structure de l’esprit humain est l’effet de la libre initiative d’un certain nombre d’esprits individuels. […] Sans doute celles-ci dépendent encore de nous dans une certaine mesure, car nous sommes libres de résister au courant ou de le suivre, et, même si nous le suivons, nous pouvons l’infléchir diversement, étant associés en même temps que soumis à la force qui s’y manifeste.

1833. (1774) Correspondance générale

Regardez-y de près, et vous verrez que le mot liberté est un mot vide de sens ; qu’il n’y a point et qu’il ne peut y avoir d’êtres libres ; que nous ne sommes que ce qui convient à l’ordre général, à l’organisation, à l’éducation et à la chaîne des événements. […] Ce qui nous trompe, c’est la prodigieuse variété de nos actions, jointe à l’habitude que nous avons prise tout en naissant de confondre le volontaire avec le libre. […] Mais quoique l’homme bien ou malfaisant ne soit pas libre, l’homme n’en est pas moins un être qu’on modifie ; c’est par cette raison qu’il faut détruire le malfaisant sur une place publique. […] Je sais ce que je souhaite ; je sais ce qui est honnête ; mais je sais tout aussi bien ce qui n’est pas libre. […] messieurs, parce qu’à l’origine de l’entreprise je ne prévoyais ni ne pouvais prévoir que l’ouvrage dût aller au-delà de dix volumes, il ne vous était pas libre d’en exécuter davantage ?

1834. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Pour sentir la tristesse de cette résignation, mettez en regard l’indépendance du franc-tenancier anglais, ou du libre paysan de Hollande. […] Nous naissons tous et nous croissons d’un mouvement spontané, libres, élancés, comme des plantes saines et vigoureuses.

1835. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

L’Italie est libre, — et peut-être la papauté, c’est-à-dire la catholicité, mourra de cette bombe ! […] Avec son système, il affirme tuer, et l’affirmation me semble juste, deux partis sur trois dans l’opposition : les journaux légitimistes sombrant dans le nombre des feuilles paraissant, et l’orléanisme mourant de ce qu’il n’a plus rien à demander ; — l’orléanisme auquel il porte par là-dessus un coup tout à fait mortel, en faisant racheter par le gouvernement les charges de notaires, d’avoués, d’agents de change, et de toutes ces fonctions privilégiées, faisant des charges libres et accessibles à toute la jeunesse, qui est le grand appoint du parti.

1836. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Les cônes transparents revêtus de pigment, que Müller supposait ne devoir agir que pour exclure les pinceaux divergents de la lumière, adhèrent habituellement à la cornée ; mais il n’est pas rare qu’ils en soient séparés et qu’ils aient leurs extrémités libres convexes : en ce cas, ils doivent agir comme des lentilles convergentes. […] D’autre part, les Balanides ou Cirripèdes sessiles n’ont point de freins ovigères, les œufs reposant libres au fond du sac dans la coquille entièrement close.

1837. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Nous répliquerons facilement qu’autre chose est un trouble organique passager ou permanent qu’un seul mot indique ; et autre chose est l’état sain où toutes les fonctions ont un jeu libre et régulier. […] Rien d’extraordinaire que le langage fût souvent libre et ordurier.

1838. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Mon imagination échauffée place à l’entrée de cette caverne une jeune fille qui en sort avec un jeune homme ; elle a couvert ses yeux de sa main libre, comme si elle craignait de revoir la lumière, et de rencontrer les regards du jeune homme. […] Les dieux assis à leurs tables regardent aussi du haut de leurs célestes demeures le même spectacle qui attache nos regards, du moins, les poëtes du paganisme n’auraient pas manqué de le dire. ô sauvages habitans des forêts, hommes libres qui vivez encore dans l’état de nature et que notre approche n’a point corrompus, que vous êtes heureux, si l’habitude qui affaiblit toutes les jouissances et qui rend les privations plus amères, n’a point altéré le bonheur de votre vie !

1839. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

— Vous êtes libre de la faire passer, mais je proteste contre la représentation. […] « Ce pouvoir, dont le commissaire a dépouillé le régisseur et que le régisseur paralyse à son tour dans les mains du commissaire, se retrouve libre et sans contrepoids à l’égard des auteurs condamnés par la constitution actuelle du théâtre à subir des relations avec M. 

1840. (1896) Études et portraits littéraires

Ce libre penseur a écrit sur les bienfaits de l’Église quelques-uns de ses plus beaux morceaux. […] La courtisane, la fille « ne leur est point déplaisante », parce qu’elle « tranche sur la correction », parce qu’elle est « le caprice lâché, nu, libre et vainqueur41 ». […] Et si nous nous refusons à suivre les théoriciens positivistes, lorsqu’ils assimilent de tous points les agglomérations d’êtres raisonnables et libres aux sociétés d’insectes ou aux meutes d’animaux chasseurs, nous prenons bonne note de leurs conclusions quant à cette loi de coopération qui n’est autre, sous un déguisement, que l’évangélique loi d’amour. […] Les fonctions publiques répugnaient à son indépendance, et la force encore latente qui était en lui réclamait un libre emploi. […] Le sage de Platon porte son manteau « avec grâce et en homme libre ».

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