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1482. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Il n’a pas écrit une biographie intellectuelle du penseur, et replacé, après coup, les idées de l’homme, sous le jeu de ses facultés bien étudiées et par l’étude redevenues vivantes, pour voir comment ces idées s’étaient formées, développées et fixées, dans l’action et sous la pression de ces facultés.

1483. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Il faut bien le dire : l’art pour l’art, ce déplorable et faux système (l’art ne devant jamais être que le glorieux serviteur de la vérité), trouve une application trop fréquente dans notre pays quand il s’agit de l’éloquence, Par une faiblesse commune aux plus mâles esprits, tous ou presque tous nous allons nous asseoir, avec l’espérance d’une grande sensation ou d’une puissante ivresse, devant l’homme qui ne représente souvent pour nous que l’erreur ou que le sophisme, et nous écoutons comme un bois mélodieux et sonore une créature vivante qui abuse artistement de la parole, au lieu de l’écouter comme un pur instrument de la Vérité qui devrait faire palpiter dans nos cœurs l’amour que nous avons pour elle.

1484. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

c’était évidemment plus animé et plus utile, que de refaire, à froid, une petite gloire d’une minute, à des hommes qui n’en eurent déjà qu’une trop grande de leur vivant.

1485. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Dargaud nous offre le spectacle d’une de ces anomalies vivantes, partagées entre ce qu’elles croient la vérité dans les choses et la sincérité de leurs facultés.

1486. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Armé de cette puissance qui est la somme de vie de tous les êtres apparus sur le globe, je défie la mort, je brave le néant… Lorsque je vois cette lente progression, depuis le tribolite, premier témoin effaré du monde naissant, jusqu’à la race humaine, et tous les degrés vivants de l’universelle vie s’étayer l’un sur l’autre, et tous ces yeux ouverts, ces pupilles d’un pied de diamètre qui cherchent la lumière, toutes ces formes qui s’étagent l’une sur l’autre, tous ces êtres qui rampent, nagent, marchent, courent, bondissent, volent au-devant de l’esprit, comment puis-je croire que cette ascension soit arrêtée à moi, que ce travail infini ne s’étende pas au-delà de l’horizon que j’embrasse ?

1487. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

Au moins, dans tous les autres poètes qui chantent les angoisses familières aux âmes passionnées, ou même dans Baudelaire, le Vampire, ce pourlécheur des pourritures devant lesquelles, vivantes, le malheureux se prosternait, il y a, au milieu des ruines et des désolations de la créature qui se sent mourir et qui croit que tout va finir avec elle, des pages éclairées, des tableaux qui passent accentués plus ou moins de fraîcheur et de mélancolie, des souvenirs qui attirent et retiennent comme des yeux fascinateurs rouverts, des caresses qui se reprennent aux beaux cadavres pressés autrefois sur le cœur.

1488. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Il reprend son ouvrage en sous-œuvre et il le refait dans le fondement même… Et de ce qui était faible de langage et immoral de sentiment et de tendance, il tire un livre parsemé d’aperçus, vivant de drame, abondant, familier, terrible, à pleine main dans l’observation et dans la vie, profond lorsqu’il paraît trivial, sévèrement écrit, d’un style pur, et pourtant ardent, comme du fer passé dans la flamme ; beau livre, enfin, moral et chrétien, comme Diderot aurait pu l’écrire, s’il n’eût pas été l’athée Diderot !

1489. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

IV Mais à cela près de ceci, qui est grave pour le moraliste et pour le chrétien, à cela près de ceci, que je ne veux point diminuer, je n’ai plus qu’à louer dans le livre, et Arthur de Gravillon peut être sûr que son J’aime les Morts sera très aimé des vivants.

1490. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Quoi qu’il en soit, de son vivant et après lui, sa renommée fut grande parmi les Grecs, sans être mêlée d’obscurités et de fables, comme celle des Thamyris, des Olèn, des Orphée, des Linus, de ces chantres des anciens mystères, à qui la crédulité des initiés devait prêter si volontiers le génie dont manquaient leurs vers.

1491. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Pour le parallèle entre Ion et Apollonide, je vous renvoie à l’un des chapitres du livre très vivant et gesticulant de M.  […] Mais Césarine est bien vivante ; c’est bien une créature de chair ; c’est bien une coquine du meilleur théâtre de M.  […] Vivants aussi, à des degrés divers, ce marquis d’Auberive, dont M.  […] Il déclare : On n’allumera pas ce bûcher, moi vivant. […] Ce mot : « Moi vivant », suggère à Constantin une terrible pensée… Si le traître vit encore, si les Turcs vont être là tout à l’heure, c’est lui, Constantin, qui en est responsable.

1492. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Guise, ni Bussy-Leclercb, ne proscrivirent point ce roi vivant avec plus d’acharnement que la tyrannie ne proscrivait sa mémoire ; elle effaçait partout son nom, comme par un pressentiment que l’amour, qui s’y rattachait toujours, causerait sa chute prochaine. […] Non ; j’aurais trop à vous dire, et j’anticiperais sur les autres conditions qu’Homère a toutes réunies dans la plus sublime et la plus vivante des créations épiques. […] Cette action est une, et liée en toutes ses parties animées, comme le sont les membres d’un corps vivant. […] L’Émonide compose donc un bûcher magique où ce corps vivant va se placer lui-même. […] Tel est le fondement réel de ces enfers où la poésie les fait entrer vivants, qu’elle ouvre sous leurs pas, qu’elle approfondit sous leurs yeux, et dans lesquels peut-être chaque homme se souvient que les dangers de sa carrière, ou les maladies mortelles, ont fait plus d’une fois voyager sinistrement sa pensée.

1493. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Ils admirent chez Balzac non le fourmillement d’humanité, mais les jets théoriques qui traversent cette pâte vivante. […] Ce sont des éclairs passagers dans la nuit orageuse et tendue de ce style où chaque mot semble vivant. […] C’est qu’en effet leur poète n’est rien qu’un homme, ouvert à la vie plus que quiconque, avec lequel tout vivant, à son heure, s’accorde et s’émeut. […] Pas de religion : et Dieu seul aurait pu être la vivante unité de cette existence. […] Elle est discutable comme chaque thèse, mais, après tout, sincère et vivante.

1494. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Victorien Sardou, d’une foule de personnages, qui se groupent en tableaux vivants, et dont le rôle évident, chez l’auteur comique du xviie  siècle, comme chez notre contemporain, est de constituer le milieu, l’atmosphère particulière, le fond de toile, vivant et remuant, d’où l’action du drame se dégage. […] D’ailleurs, au théâtre, les comédies de Thomas Corneille, encore vivant, — depuis Don Bertrand de Cigarral jusqu’à Don César d’Avalos, — maintenaient toujours quelque chose du goût espagnol. […] À deux ou trois reprises, Diderot n’a pas hésité à classer Marivaux (et de son vivant même) dans la compromettante société des Duclos et des Crébillon fils. […] La seconde question, moins ingrate en apparence, est de savoir quels modèles vivants ont posé devant l’auteur de Manon Lescaut. […] Je ne demanderais à sauver de l’oubli que l’Histoire d’une Grecque moderne, évidemment inspirée du souvenir encore alors vivant de Mlle Aïssé.

1495. (1927) André Gide pp. 8-126

Et tout cela est évidemment un peu fumeux, comme il est naturel sous la plume d’un tout jeune homme, mais vivant et attachant. […] Le digne pasteur enseigne à Gertrude que ces petites voix émanent de créatures vivantes dont il semble que l’unique fonction soit de sentir et d’exprimer l’éparse joie de la nature. « Est-ce que vraiment, disait-elle, la terre est aussi belle que le disent les oiseaux ? […] Pour les vivants, on devait naturellement croire à la brouille, et en voyant Gide vendre ses propres ouvrages, on a conclu qu’il était brouillé avec lui-même. […] Son père, professeur à la Faculté de droit de Paris, était fils d’un vieux et austère huguenot, en son vivant président du tribunal d’Uzès.

1496. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Au-dessous des longs calculs, des formules d’algèbre, des déductions subtiles, des volumes écrits qui contiennent les combinaisons et les élaborations des cervelles savantes, il y a deux ou trois expériences sensibles, deux ou trois petits faits qu’on vous fait toucher du doigt, un tour de roue dans une machine, une coupure de scalpel sur un corps vivant, une coloration imprévue dans un liquide. […] Vous le verrez porter ses nombres jusque dans les valeurs morales ou littéraires, assignera une action, à une vertu, à un livre, à un talent sa case et son rang dans l’échelle avec une telle netteté et un tel relief qu’on se croirait volontiers dans un muséum cadastré non pas de peaux empaillées, je vous prie de le croire, mais d’animaux sentants, souffrants et vivants. […] On devine bien qu’il n’est pas plus doux pour les morts que pour les vivants. […] Il décrit les hautes terres d’Écosse, demi-papistes et demi-païennes, les voyants enveloppés dans une peau de bœuf, attendant le moment de l’inspiration, des hommes baptisés faisant aux démons du lieu des libations de lait ou de bière ; les femmes grosses, les filles de dix-huit ans labourant un misérable champ d’avoine, pendant que leurs maris ou leurs pères, hommes athlétiques, se chauffent au soleil ; les brigandages et les barbaries regardés comme de belles actions ; les gens poignardés par derrière ou brûlés vifs ; les mets rebutants, l’avoine de cheval et les gâteaux de sang de vache vivante offerts aux hôtes par faveur et politesse ; les huttes infectes, où l’on se couchait sur la fange, et où l’on se réveillait à demi étouffé, à demi aveuglé et à demi lépreux.

1497. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Là, comme dans tout être vivant, la vie est une suite non interrompue de changements ; mais l’enfance, la jeunesse, la virilité, la vieillesse, forment une série continue que vient terminer la mort. […] Et le Christ, cette pensée divine toujours vivante, dit encore aujourd’hui à la femme : « Parce que tu as beaucoup aimé, tes péchés te seront remis. » XV. […] La ville des morts ressemble à la ville des vivants. […] Quant à la politique, elle est nulle évidemment, puisque sa fonction était de présider à cette unité qui n’existe plus, puisque c’était elle qui établissait dans la réalité vivante ces relations, ce concours qui ne sont plus.

1498. (1921) Esquisses critiques. Première série

Ce qu’elle enfante, à défaut de la chaleur vivante, n’a pas même la froideur parfois enivrante de l’abstraction. […] À leur exemple, s’il étudie la matière vivante, il la réduit d’abord en une sorte de préparation anatomique, puis il la glisse sous son microscope de psychologue. […] Rien n’est si artificiel ni moins vivant. […] Le Passé vivant, la Flambée, Romaine Mirmault sont des jeux d’esprits assez mornes où des créatures que l’on ne saurait prendre au sérieux affectent des attitudes concertées : ouvrages littéraires s’il en fut — dans le pire sens du mot. […] Propre aux synthèses, la période au contraire embrasse dans son ample complexité les idées éloignées dont elle resserre les liens ; elle se développe en équilibrant ses parties comme une créature vivante, un arbre puissant par exemple au majestueux ramage, ou bien un fleuve que gonflent ses affluents.

1499. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Par qui nous nous émerveillons, Avec ses radieux haillons Surgit, vivante et fantastique. […] Peu célèbre de son vivant malgré quelques succès au théâtre, l’auteur des Flèches d’or est admiré maintenant par tous les nouveaux venus qui communient avec lui dans l’amour de la poésie et de la beauté. […] Vois : l’oblique rayon le caressant encor Dans sa face camuse a mis deux orbes d’or : La vigne folle y rit comme une lèvre rouge ; Et, prestige mobile, un murmure du vent, Les feuilles, l’ombre errante et le soleil qui bouge De ce marbre en ruine ont fait un Dieu vivant. […] Parfois elle s’arrête et tombe à deux genoux, Tendant les mains, criant, plus morte que vivante, Les suprêmes appels que la détresse invente ; Mais le peuple hideux amasse des cailloux. […] Lumière de Vénus, feux pâles et mouvants, Rouge et sanglant flambeau que Sirius allume, Soleil d’or où l’esprit d’Icare se consume, Tous, vous êtes des yeux éternels et vivants !

1500. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Le roi voyait en lui une critique vivante de sa conduite ; en même temps il était un objet de ridicule pour cette jeunesse de la cour, qui voulait blâmer les fautes du souverain, mais pour autoriser un désordre plus grand. […] Plus tard, on s’est imaginé qu’on était plus profond parce qu’on étalait tout le travail de l’observation, et que l’imagination avait perdu le pouvoir de reproduire la nature vivante. […] Vivant dans un autre siècle, il se serait sans doute contenté de cette gloire ; la société où il vivait, le désir d’obtenir des succès plus populaires, l’envie de se montrer universel, firent de lui un littérateur assez froid. […] Si l’on veut y répandre quelque charme, il est essentiel de se plaire dans ses récits, de se placer dans le tableau qu’on veut peindre, de le rendre, autant qu’on peut, vivant et animé. […] Au lieu de présenter l’aride résultat de ses travaux, et tout l’échafaudage des recherches, l’abbé Barthélemy sut mettre l’érudition en action, et en usa pour tracer un vivant tableau de l’ancienne Grèce.

1501. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Cette apologie, Désiré Nisard n’a pas voulu la présenter de son vivant. […] Zola, lui aussi, entre de son vivant dans l’immortalité ; à lui aussi on élève dès maintenant des autels. […] Et nous étions un peu choqués de ces tableaux par trop vivants. […] Supposons-le vivant à Cologne du temps des onze mille vierges : le jour du massacre terrible, il se fût aperçu qu’il avait au cœur onze mille inclinations. […] Et comme on avait ri pendant ces trois actes si gais, si vivants, si animés !

1502. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

C’est une carte du Jour de l’An qu’on offrait à un petit nombre d’amis, c’est un programme de concert, c’est la commémoration d’une fête en l’honneur d’un lettré, d’un artiste mort ou vivant. […] Takoumi no Kami avait la garde d’un casque porté par l’aïeul du shôgoun vivant, et une planche montre la femme du daïmio le montrant dans une caisse à Kôzouké, envoyé pour l’inspecter. […] Et ce sont des pêcheurs de crabes, des laveurs d’ignames, des bûcherons, des portefaix, des humains, si vivants, si parlants, si gesticulants, qu’il y a chez eux comme une ivresse de la vie et une joie gaudriolante, non seulement des physionomies aux bouches fendues en tirelire, mais encore des torses, des bras, de toute la musculature qui semble remuée, agitée, secouée par un rire comique17. […] Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait encore plus de progrès ; à quatre-vingt-dix ans je pénétrerai le mystère des choses ; à cent ans je serai décidément parvenu à un degré de merveille, et quand j’aurai cent dix ans, chez moi, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant ; Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens ma parole. […] Et des épilepsies d’ivrognes et des désarticulations d’acrobates : des anatomies admirables de vie vivante.

1503. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Son talent réfléchi et très-intérieur n’est pas de ceux qui épanchent directement par la poésie leurs larmes, leurs impressions, leurs pensées ; il n’est pas de ceux non plus chez qui des formes nombreuses, faciles, vivantes, sortent à tout instant et créent un monde au sein duquel eux-mêmes disparaissent : mais il part de sa sensation profonde, et lentement, douloureusement, à force d’incubation nocturne sous la lampe bleuâtre, et durant le calme adoré des heures noires, il arrive à la revêtir d’une forme dramatique, transparente pourtant, intime encore. […] « Il ne faut disséquer que les morts : cette manière de chercher à ouvrir le cerveau d’un vivant est fausse et mauvaise.

1504. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Rien ne se guérit dans mon triste cœur : mais aussi rien n’y sèche, et tout est vivant de mes larmes. » Cette dernière sœur elle-même mourait ; la mesure des deuils était comblée, et il y eut des moments où, dans sa plénitude d’amertume, l’humble cœur sans murmure ne put s’empêcher toutefois d’élever des questions sur la Providence, comme Job, et de se demander le pourquoi de tant de douleurs et d’afflictions réunies en une seule destinée : « (30 janvier 1855)… J’ai depuis bien longtemps la stricte mesure de mon impuissance ; mais tu comprends qu’elle se fait sentir par secousses terribles quand je sonde l’abîme de tout ce qui m’est allié par le cœur et par la détresse. […] Dans des lettres à une amie, Mme Derains, elle revient sur cette misère des logements à trouver, et elle exprime en paroles vivantes le trouble moral et le bouleversement de pensées qui résulte de ces déplacements continuels : « Ma bonne amie, vous me dites des paroles qui résument des volumes que j’ai en moi.

1505. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Il y avait là un sujet vivant, le poëte y court. […] Nos auteurs vivants ne vont pas si loin que ce maître dans le genre.

1506. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Et ce qui vaudrait mieux que toutes les Poétiques, ce serait un exemple nouveau et vivant. La Nature seule peut créer le génie : à celui qui doit venir et en qui noirs avons espérance, nous dirions : « Il n’y a plus de théories factices, de défenses étroites et convenues ; le champ entier de la langue et de la poésie est ouvert devant vous, depuis l’âpre simplicité des premiers trouvères jusqu’à l’habile hardiesse des plus modernes, depuis la Chanson de Roland jusqu’à Musset : langue de Villon, langue de Ronsard, langue de Régnier, langue de Voltaire, quand il est en verve, langue de Chénier (je ne parle pas des vivants), tout cela est votre bien, votre instrument ; le clavier est immense.

1507. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

. — Jamais il ne dit ce mot devant une personne vivante ni devant un simple paysage sans figures. […] Telle est la plus importante découverte de la linguistique… Ces racines, qui en réalité sont les plus vieux titres de notre droit à la qualité d’êtres raisonnables, fournissent encore aujourd’hui la sève vivante des millions de mots prononcés sur la surface du globe, tandis qu’on n’en a découvert aucune trace, ni aucune trace de quoi que ce soit d’analogue, parmi les plus avancés des singes catarrhins… « Quoique le nombre des racines soit illimité, le nombre de celles qui subsistent et sont dans chaque langue les nourrices effectives du reste est d’environ 1 000.

1508. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

. — Enfin, désagréable en tout, la mine basse, l’aspect sauvage, la voix effrayante, l’odeur insupportable, le naturel pervers, il est odieux, nuisible de son vivant, inutile après sa mort. »135 Voilà bien de la colère, et il faut croire que les moutons de Montbard étaient mal gardés. […] Ainsi vaincues par ton attrait et par tes charmes, toutes les natures vivantes te suivent avidement où tu veux les mener.

1509. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Quoique lié avec des rois, vivant au sein de l’éclat de la monarchie, lui-même homme de cour et baron, honoré de la faveur des cours princières, il était toujours resté un homme libéral, un ami de la liberté publique et des droits individuels, un vaillant défenseur de tout libre développement du vrai, du beau, du juste, des droits légitimes de l’homme. […] On peut dire qu’en fait de connaissances vivantes il n’a pas son pareil.

1510. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Une belle nuit, sans que nous nous en fussions doutés, le fattore (le métayer) du sbire propriétaire, prétendant que la sève, en montant jusqu’à notre cabane, appauvrissait la vigne-mère et stérilisait les ceps d’en bas, avait coupé à coups de serpes les vieux gros pampres serpentant qui nourrissaient nos sarments contre nos murailles, de sorte que le cep, lui, restait vivant dans la vigne basse, mais les rejets étaient morts désormais pour nous !… XCVI Jamais je ne vous dirai le chagrin de la cabane à ces cris des deux enfants qui pleuraient ces berceaux de leur enfance, ces feuilles de leur ombre, ces grappes de leur soif, ce crépissage vivant et aimant de leur pauvre toit ; et les lézards qui couraient si joyeux parmi leurs feuilles ; et les merles qui picotaient si criards, comme des oiseaux ivres, les grains premiers mûrs ; et les abeilles qui bourdonnaient si allègrement dans les rayons du soleil entre les grappes plus miellées que le miel de leurs ruches ; et le soleil couchant le soir sur la haute mer, et la lune tremblante à terre, quand les pampres à travers lesquels elle passait tremblaient eux-mêmes au vent de la nuit !

1511. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Comment voulez-vous que l’intérêt d’un livre tout nu puisse lutter avec la multitude des accessoires matériels, tangibles, vivants, mouvants et à la portée des femmes, qui environnent le théâtre ? […] Du moins, laissez-moi cet espoir… Georges Lecomte Il n’est pas douteux qu’au Théâtre, le spectateur aidé par le jeu des acteurs, la matérialisation du décor et les expressives ressources de la mise en scène, n’a pas besoin de faire, pour comprendre, un effort aussi grand que pour suivre, aux pages d’un livre, l’évolution des idées et des sentiments, l’affirmation vivante des caractères.

1512. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Une œuvre trop exclusivement subjective n’acquerra jamais la suprême beauté, celle qui naît de l’harmonie, du parfait équilibre, celle qui fait d’une statue ou d’un poème un être distinct de son auteur, vivant d’une vie surnaturelle et qui se suffit à soi-même. […] Vielé-Griffin ne lira point cela sans protester ; il ne comprend pas qu’il soit besoin de règles, non pas imposées : apprises dans le travail et créées par lui ; mais ses écrits manquent précisément un peu des qualités objectives des justes bornes et de l’harmonie ; ils sont de belles paroles prononcées par une voix ; ils ne sont pas toujours la voix vivante.

1513. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Prenez Platon, Socrate, Alcibiade, Aspasie ; imaginez-les vivant, agissant d’après les ravissants tableaux que nous a laissés l’antiquité, Platon surtout. […] Il devait résulter de là que la religion, étant isolée, interceptée du cœur de l’humanité, ne recevant plus rien de la grande circulation, comme un membre lié, se desséchât et devînt un appendice d’importance secondaire, qu’au contraire la vie profane où l’on plaçait tous les sentiments vivants et actuels, toutes les découvertes, toutes les idées nouvelles, devînt la maîtresse partie.

1514. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Il a encore employé ce mot dans une petite préface qu’il lit en 1670, au-devant des œuvres posthumes de Gilles Boileau son fière, de l’Académie française. « La traduction du quatrième livre de l’Énéide », dit-il, « a déjà charmé une partie de la cour, par la lecture que l’auteur, de son vivant, a été comme forcé d’en faire en plusieurs réduits célèbres. […] Ne serait-il pas absurde de mettre sur la scène deux vieilles filles qui s’émancipent, et qui sont rappelées aux soins d’un petit ménage et aux habitudes d’économie la plus minutieuse par un père né et vivant dans la médiocrité, et fort éloigné de vouloir se méconnaître et être méconnu de ses enfants, pour faire une leçon d’économie à des femmes dont les pères et les maris sont comblés de richesses héréditaires ?

1515. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

Elle consiste en ce que tout être actif, et spécialement tout être vivant, peut être étudié, dans tous ses phénomènes, sous deux rapports fondamentaux, sous le rapport statique et sous le rapport dynamique, c’est-à-dire comme apte à agir et comme agissant effectivement. […] Il est clair, en effet, d’après cela, que, pour décider réellement si l’azote est ou non un corps simple, il faudra nécessairement faire intervenir la physiologie, et combiner, avec les considérations chimiques proprement dites, une série de recherches neuves sur la relation entre la composition des corps vivants et leur mode d’alimentation.

1516. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Au surplus, la comparaison du siècle vivant avec les siècles qui l’ont précédé manque toujours de justesse et de justice. […] Ses leçons prendraient un caractère bien plus vivant encore et tout à fait actuel, car c’est sur le terrain de la poésie que les grands combats se livrent, et que les grandes questions doivent se décider.

1517. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Il nous y ressert son type de madame Bovary, — non plus intégral, concentré et vivant, mais en petits morceaux ; et ces petits morceaux s’appellent Rosanette, mademoiselle Roque, mademoiselle Vatnaz, et toutes les femmes de son roman ! […] Phraséologue comme Victor Hugo, mais sans la puissance de l’énorme Verbe de ce grand et magnifique poète creux, Flaubert, voué à toutes les superstitions de la phrase, brosseur et ratisseur de mots, qui a peut-être entassé plus de ratures que de phrases pour parvenir à faire celles dont il avait l’ambition, Flaubert n’eut jamais, en dehors de la grammaire, de la rhétorique et de la description matérielle, rien d’humain, rien de vivant, rien de passionné, de battant sous sa mamelle gauche, sinon la haine et le mépris du bourgeois, — du bourgeois tel que l’a fait le monde moderne, ce joli monde sorti de la Révolution Française !

1518. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Il y a de la cendre vraie, de celle-là sur laquelle on meurt vivant… Mais quand nous n’aurions ni Les Amoureuses ni Le Petit Chose, quand nous n’aurions que les Lettres de mon moulin, nous aurions assez pour trouver que la main qui a écrit cela, toute petite qu’elle est, peut mieux que caresser voluptueusement les surfaces de la vie, et peser sur le cœur d’un sujet comme la main d’un homme, et le pénétrer — en y pesant. […] Avant Charles II d’Angleterre, avant Jacques II, ce grand homme méconnu qui eut plus de conscience que de gloire, — ce que les hommes, qui font la gloire, ne comprennent pas et ne peuvent pardonner, — on n’avait point vu de rois en exil, ou si on en avait vu, c’était dans un exil armé, menaçant, toujours prêt à être le rebondissement de ces Dieux Termes de la Royauté qu’on avait jetés par-dessus la frontière qu’ils avaient si longtemps gardée, et qui s’opiniâtraient à revenir… Mais de rois prenant leur parti de la chose, vivant tranquillement dans l’exil, s’y engraissant, chanoines royaux de cet exil, ou s’y dégraissant de leurs majestés, on n’en avait pas vu.

1519. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

J’aurai, parmi les catholiques, ceux qui aiment la France et l’honneur. » Givry entre sur cette conclusion, ajoute d’Aubigné, et avec son agréable façon prit la jambe du roi, et puis sa main, dit tout haut : « Je viens de voir la fleur de votre brave noblesse, Sire, qui réservent à pleurer leur roi mort quand ils l’auront vengé ; ils attendent avec impatience les commandements absolus du vivant : vous êtes le roi des braves, et ne serez abandonné que des poltrons. » Cette brusque arrivée et la nouvelle que les Suisses venaient prêter leur serment mirent fin aux fâcheuses paroles, et Henri IV, coupant court à ceux qui hésitaient, n’eut plus qu’à faire acte de roi de France.

1520. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Retranché pour tous derrière l’étiquette, ne vivant familièrement qu’avec son favori (alors M. de Blacas), Louis XVIII forme un ministère où des hommes d’esprit, et quelques-uns des plus habiles, se trouvent joints à d’autres des plus incapables et des plus malencontreux ; le tout sans lien, le suranné côte à côte avec le neuf ; de plus, sans aucune impulsion d’en haut, sans aucune direction d’ensemble.

1521. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Dans la pièce xxxiii, sur une vue d’église le soir, il montre l’orgue silencieux : La main n’était plus là qui, vivante et jetant Le bruit par tous les pores, Tout à l’heure pressait le clavier palpitant Plein de notes sonores, Et les faisait jaillir sous son doigt souverain Qui se crispe et s’allonge, Et ruisseler le long des grands tubes d’airain Comme l’eau d’une éponge.

1522. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Mais l’histoire, mais les Vies de Plutarque, que Shakespeare paraît avoir lues avec le plus grand soin, ne sont point une étude purement littéraire ; on peut y observer l’homme presque comme vivant.

1523. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Le magnifique fleuve déploie le cortège de ses eaux bleues entre deux rangées de montagnes aussi nobles que lui ; leurs cimes s’allongent par étages jusqu’au bout de l’horizon dont la ceinture lumineuse les accueille et les relie ; le soleil pose une splendeur sereine sur leurs vieux flancs tailladés, sur leur dôme de forêts toujours vivantes ; le soir, ces grandes images flottent dans des ondulations d’or et de pourpre, et le fleuve couché dans la brume ressemble à un roi heureux et pacifique qui, avant de s’endormir, rassemble autour de lui les plis dorés de son manteau.

1524. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

André Chénier André Chénier618 ne fut connu de son vivant que par quelques odes et dithyrambes qui le classent à côté de Lebrun : son lyrisme est une éloquence vigoureuse, travaillée, non exempte d’emphase et de rhétorique.

1525. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Paul Bourget Sa poésie est, pour qui s’y abandonne, l’une des plus passionnées et des plus vivantes.

1526. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Mais un âne vivant vaut mieux, non seulement qu’un lion mort, mais même qu’un lion à naître, éventuel et douteux… Et jusqu’à ce qu’un mien livre ait prouvé le contraire, je n’ai pas le droit de ne pas reconnaître qu’Oscar Méténier, par exemple, dont cependant l’écriture est hâtive et la pensée de court vol, vaut mieux que moi-même.

1527. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Il détruira ses manuscrits4, sera pris d’une rage de dépouiller sa personnalité, de se rayer du nombre des vivants, d’abolir jusqu’à la mémoire de son nom.

1528. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Si, en effet, on a reconnu dans les écrits d’un homme un style éclatant, riche en comparaisons et en métaphores, une grande fertilité de combinaisons dramatiques, une habileté remarquable à dresser en pied un être vivant ou à brosser un paysage à grands traits, déclarer après cela que cet homme est doué d’une forte imagination, c’est au fond répéter la même chose en d’autres termes.

1529. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

J’ai les bras raccourcis aussi bien que les jambes, et les doigts aussi bien que les bras ; enfin je suis un raccourci de la misère humaine. » Qui sait si cette apparence simiesque ne fut pas une des causes qui déterminèrent le succès de Scarron, si elle ne contribua pas à faire de lui la vivante expression du goût littéraire contemporain ?

1530. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Les femmes vivant séparées des hommes ont leurs conversations sans doute : c’est pour ces conversai ions qu’ont été inventés les mois de caquetage, de cailletage, de commérage.

1531. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

bien de vivants exemples, autour de nous, la confirmeraient.

1532. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Le danger permanent de leur art est ici : qu’ils préfèrent la vivante matière de cet art à cet art même !

1533. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

La contemplation du passé dans les monuments qui meurent, le calcul de l’avenir dans les résultantes probables des faits vivants, plaisaient à son instinct d’antiquaire et à son instinct de songeur.

1534. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Si cette pâle multitude de vivants, en présence de l’inconnu, a à s’étonner et à s’effrayer de quelque chose, ce n’est pas de voir sécher la sève génératrice et les naissances se stériliser ; c’est, ô Dieu, du déchaînement éternel des prodiges.

1535. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

D’ailleurs, s’il goûtait peu la philosophie savante, il portait en lui-même une philosophie naturelle, non systématique, mais toute vivante, et partout présente dans ses écrits, la philosophie de l’âme, de la dignité humaine, de la liberté.

1536. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Gasquet nous montrent ce que sera ce théâtre historique, idéaliste, idéologique, vivant conflit de sentiments éternels, différent néanmoins du théâtre classique.

1537. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

On croit voir cette ville, jadis si commerçante et si peuplée, debout encore avec ses tours et ses édifices, tandis qu’aucun être vivant ne se promène dans ses rues solitaires, ou ne passe sous ses portes désertes.

1538. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Je ne parle pas ici de ceux qui, vivant de la critique, y trouvent une incontestable utilité : Je sais qu’un noble esprit peut, sans honte et sans crime, Tirer de son travail un profit légitime ; mais je voudrais savoir si elle rend quelque service au public, si elle l’élève vers l’art, comme elle le prétend.

1539. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Ayez vécu au milieu de ces mœurs si différentes des nôtres, et assisté à ces festins de rois, d’écuyers et d’athlètes, soyez-vous enfin rendu familière l’histoire domestique de ces temps : alors toutes les allusions seront vivantes, et vous saurez que Pindare n’est pas seulement le chantre de la gloire, mais le chantre de l’ivresse même de la gloire.

1540. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

L’amas produit la cohérence, et voilà pourquoi on les croit debout et solides quand ils ne sont plus que des cadavres rongés, n’ayant plus assez de poids pour tomber d’eux-mêmes, et devant se répandre comme un liquide, au lieu de crouler comme une chose qui se tient encore, quand un peuple vivant — un peuple quelconque — les poussera de sa robuste main !

1541. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Ils se rappellent le sort de Balzac, brouillé avec Buloz et attaqué par lui, non de son vivant, mais dès qu’il a été mort, par la main d’un avocat général que Buloz, toujours heureux, avait déterré pour cette besogne !

1542. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

La Fortune, qui pour lui, de son vivant, brisa sa roue, s’acharne à rester assise sur le marbre de son tombeau.

1543. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Grâce à Dieu, sa santé se raffermit, dit-on, et, comme les malades qui se retrouvent vivants quand ils ont fait leur testament, Banville, plus poète et mieux portant que jamais, fera mentir le titre de son volume actuel en publiant d’autres ouvrages.

1544. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Journalistes, chroniqueurs, tous les jaseurs de la publicité en ont déjà parlé, et vont continuer d’en parler pendant bien deux jours, de cet homme si peu fait pour être populaire, et dont ils ne disaient guères mot de son vivant.

1545. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Il s’en faut beaucoup que notre Montesquieu, dont le nom est aujourd’hui si cher à l’Europe entière, et qui influe sur la législation, de Londres à Pétersbourg, ait reçu, de son vivant, la vingtième partie de ces honneurs.

1546. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

C’est ce que font précisément les enfants (axiome 37), lorsqu’ils prennent dans leurs jeux des choses inanimées et qu’ils leur parlent comme à des personnes vivantes.

1547. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Parfois, Parmi les condamnés qu’emprisonne la terre, Il arrive du ciel un vivant volontaire. […] L’étude prolongée du cadavre humain avait donné au sculpteur le désir de représenter l’animal vivant. […] Doué d’une rare sensibilité de compréhension, d’une imagination de poète, il excelle à saisir dans l’invisible les ombres gaies ou tristes qui s’y sont réfugiées, à les pétrir comme ferait un statuaire de sa glaise, jusqu’à ce qu’elles aient repris corps, et nous les montre marchantes, souriantes, pleurantes, vivantes de la vie qu’il vient de leur redonner. […] « Toute une fantasmagorie d’êtres vivants et légers se lève dans l’or de la clarté et dans le bleu de l’ombre. […] Aucun détail de sa vie ne nous est caché et l’on croirait plutôt avoir affaire en sa personne à quelque petit rentier vivant dans l’horizon borné du Marais qu’au savant traducteur des Métamorphoses d’Ovide, luxueusement éditées par Didot avec les gravures de Monsiau, Lebarbier et Moreau.

1548. (1923) Nouvelles études et autres figures

Je ne connais rien de plus dégoûtant et de plus impressionnant que cette vision d’idiots lugubres, d’hydrocéphales d’argent qui vivant un siècle en état d’enfance et qui meurent au seuil de la jeunesse. […] Sa poésie vient d’abord de ce qu’il substitue toujours à l’idée abstraite l’image vivante, et cela le plus naturellement du monde. […] Personne comme lui ne l’a simplifiée, raccourcie, pétrie et repétrie pour la refaire, incomplète et cependant vivante, et sans qu’elle perdît rien de son caractère. […] Dupont-Ferrier, dont la partie la plus pittoresque, la plus vivante est celle où il nous raconte la croissance, l’apogée et la ruine du Collège des Jésuites. […] Et il est supérieur à Juvénal en ce qu’il s’attaque à des vivants.

1549. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Il n’y a pas un trait de vérité concrète et vivante dans le portrait de la lieutenante criminelle Tardieu ; Onuphre et Cydias sont des généralisations vagues ; Néron est le tyran de lieu commun, Joad le prêtre en général, et Phèdre l’adultère par abstraction. […] Comment donc avoir quelque considération pour ces dépôts de traditions qui sont les religions ; pour ces écoles du respect envers le passé qui sont les religions ; pour ces chaînes vivantes par quoi les générations se relient les unes aux autres et se sentent dépendantes les unes des autres qui sont les religions ? […] a-t-on dit, un genre est donc un être vivant, réel, qui existe par lui-même, et qui a, non seulement son histoire, que nous lui faisons, mais sa vie propre, par lui-même, en lui-même ? […] Le considérer comme un être vivant n’est donc ni un mythe ni une métaphore, c’est une simple abréviation. […] Ils fondèrent d’abord un journal ; car on fait ce qu’on peut pour commencer ; et ce journal fut très vivant, très bien conduit, très bien fait pour le temps et très littéraire.

1550. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Il restait chaque année peu de jours à Paris, vivant retiré dans sa terre de Barante, en Auvergne, où il était né et où il voulait mourir. […] Et cette poésie est vivante, associée à la vie des hommes. […] Shakespeare avait un autre génie et sa Cléopâtre est vivante. […] Il m’apportait son livre sur les poètes vivants, un mince petit livre écrit avec finesse, peut-être trop sèchement, et conçu sans grand effort critique. […] Je n’en savais qu’une seule qui eût cette rusticité vivante.

1551. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

On connaissait l’homme, le poète, le personnage vivant, par Racan et par les contemporains qui en ont écrit, qui avaient recueilli ses mots, ses apophtegmes : maintenant on a découvert les contrats de mariage, les actes mortuaires, les procès, etc. ; tout cela se complète ; la jeunesse pourtant n’y brille pas. […] Cette Ode, chez Pindare, on sait ce qu’elle était : elle était vivante, elle était chantée, dansée presque ; elle était montée comme un intermède, comme un ballet, comme une récitation de fête et d’opéra ; elle avait son à-propos heureux et son action vive dans ce qui nous semble précisément aujourd’hui des digressions et des hors-d’œuvre, dans ces louanges des cités, des familles, de tout ce qui était là présent ; en un mot, elle avait toutes ses raisons d’être. […] Les amateurs de tableaux en mettent toujours dans leur cabinet ; il faut qu’un connaisseur en livres en mette dans sa bibliothèque. » Malherbe serait un de ces bustes les plus caractérisés et les plus vivants de vieillards poëtes, un des jeunes et des moins cassés parmi ces antiques.

1552. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Dans l’ordre matériel, le miroir doit se borner, en effet, à réfléchir et à reproduire avec une fidélité neutre les objets ; mais, dans l’ordre intellectuel et moral, le miroir, qui est l’âme vivante de l’homme, doit non seulement reproduire, il doit penser, il doit sentir, il doit juger ce qu’il reproduit. […] C’est là la magie de la vérité dans l’écrivain qui sait la retirer vivante des documents compulsés par la patience. […] Mais, en général, les hommes et les femmes, cette partie vivante et intrinsèque de l’histoire, sont la partie faible de ce long récit.

1553. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Malheur et mépris aux esprits progressifs qui s’améliorent, qui se rectifient, qui se corrigent eux-mêmes en vivant ! […] Il n’avait rien appris en vivant, il mourait sans emporter ou sans laisser après lui sur la terre le moindre profit de la vie : théorie de l’immobilité qui fait de l’homme immuable la créature du temps perdu. […] XI Il est donc non-seulement permis de changer en vivant, mais c’est un devoir de conscience.

1554. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Il fait ensuite prendre les armes à tous les habitants d’Ecbatane, jeunes et vieux, restés dans la ville, les mène contre les Perses, livre une bataille, la perd, et tombe vivant au pouvoir de l’ennemi : son armée y fut entièrement détruite. […] Le cinquième, comme ils ne s’éloignaient pas, il crut qu’ils ne s’obstinaient à demeurer que par une sorte de folie, et, s’irritant de ce qui lui paraissait un excès d’impudence, il envoya contre eux les Mèdes et les Cissiens, leur ordonnant de les faire tous prisonniers et de les lui amener vivants. […] Indépendamment de ceux qui succombèrent sous le fer des Grecs, comme il y avait derrière les rangs des barbares des chefs de peloton armés de fouets, sans cesse occupés à pousser à grands coups les soldats en avant, beaucoup d’entre eux, ainsi pressés, tombèrent dans la mer et s’y noyèrent ; d’autres, et en plus grand nombre encore, furent, sans qu’on y fît aucune attention, écrasés tout vivants sous les pieds de la foule des leurs, qui se succédaient sans interruption.

1555. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Dans Mariage bourgeois, Piégois, directeur de Casino, — ou tenancier de tripot, comme il s’appelle lui-même, — est un type singulièrement vivant de forban cordial et de canaille bon enfant, et qui mérite de rester dans la mémoire tout autant que le visionnaire Brignol, de Brignol et sa fille. […] Porel d’une mise en scène vivante et ingénieuse, et à M.  […] … Son ventre faisait envie aux pauvres… Sa face réjouie, son triple menton, ses mains potelées étaient pour chacun un vivant enseignement social… » Et chaque conseiller exalte à son tour le défunt en strophes et antistrophes harmonieusement balancées.

1556. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Dans le cœur d’Andromaque, l’amour pour son fils se confond avec l’amour encore vivant qu’elle garde à Hector. […] Deux autres sortes d’amour qui touchent à l’amour maternel par le dévouement, l’amour de la mère adoptive, dans le rôle de Josabeth, l’amour pour la patrie, dans le rôle d’Esther, sont peints avec la même vérité et personnifiés dans des types non moins vivants. […] L’histoire a-t-elle des héros plus vivants que Joad et Acomat ?

1557. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Si la confusion est plus grande que jamais, les efforts qu’on fait pour en sortir prouvent qu’à l’heure présente le naturalisme est vivant, encore qu’il n’ait pas de nom bien défini. […] L’attitude de l’acteur, ce modèle vivant, fait songer Diderot à la plastique, à l’anatomie, à la technique des couleurs, qui lui suggèrent aussitôt de nouvelles réflexions. […] Si sévère que soit Diderot pour les artistes qui ne recourent pas sans cesse au modèle vivant, il est plus impitoyable encore pour ceux qui n’imitent pas assez le coloris de la nature. […] Ainsi, au sein de leurs travaux comme au sein de leurs plaisirs, les hommes recevront partout la leçon pratique et vivante du réalisme enseignant. […] Voulez-vous voir des frères qui aiment en frères, des enfants qui sont bien des enfants, des familles vivant véritablement de l’existence du monde et du ménage, vous recourrez à Tolstoï.

1558. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Je vous aurais fait comme toucher du doigt les transformations d’un genre littéraire à travers les âges, les moments de son évolution, analogue, sinon tout à fait semblable à celle d’un organisme vivant. […] Ou, si j’osais enfin toucher à des temps plus voisins de nous, combien ne sont-elles pas toujours vivantes et toujours actuelles, du fond de son passé, les leçons de courage et de vertu civique enveloppées dans les vers du vieux poète15 ! […] Depuis Ronsard jusqu’à Corneille, le poète s’était comme enfermé dans son art, dédaigneux du vulgaire, séparé de la foule, ne fréquentant qu’en haut, pour ainsi dire, ou qu’avec ses pareils, et ne vivant pas, si vous voulez, tout à fait en dehors, mais comme en marge de la société. […] Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, c’est une succession d’attitudes, de « poses », ou de tableaux vivants. […] Et puis, sachons-lui gré, en se faisant faire prisonnier en Alger, d’avoir ainsi justifié, par un exemple vivant, la vérité des moins bons dénouements de Molière.

1559. (1908) Après le naturalisme

Elle sera aussitôt après celui-ci, sans déviation, la forme que prendra la Littérature vivante et féconde, évoluant depuis les origines de l’esprit, parallèlement à celui-ci. […] Cependant, cette vérité que nous voyons par elle-même si évidente, participe encore d’une réalité plus théorique que vivante et nous la devons davantage aux spéculations des essayistes, des fondateurs de la philosophie de l’art, qu’à l’observation directe des faits ou plutôt des résultats obtenus. […] Pour entrer dans un livre ou une pièce, les données de la science doivent subir une transformation, prendre la forme vivante anthropocentrique apte à réaliser de la vie immédiate. […] Hommes vivants, d’une nature semblable à la nôtre, c’est par la résonnance qu’ils créeront en nous, qu’ils nous modifieront.

1560. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Le style littéraire émoussait la vérité dramatique ; la vérité dramatique gâtait le style littéraire ; l’œuvre n’était ni assez vivante ni assez bien écrite ; l’auteur n’était ni assez poëte ni assez orateur : il n’avait ni la fougue et l’imagination de Shakspeare ni la politesse et l’art de Racine729. […] V Arrêtons-nous pourtant un instant encore, et cherchons si, parmi tant de rameaux avortés et tordus, la vieille souche théâtrale, livrée par hasard à elle-même, ne produira pas sur un point quelque jet vivant et sain. […] Busby, son ancien maître, avec une gravité et une noblesse très-grandes, le priant sans s’humilier, le désapprouvant sans l’offenser, d’un style contenu et fier qui fait plaisir, lui redemandant ses bonnes grâces, sinon comme une dette envers le père, du moins comme un don pour l’enfant, et ajoutant à la fin : « Je mérite pourtant quelque chose, ne serait-ce que pour avoir vaincu mon cœur jusqu’à prier761. » On le trouve bon père avec ses enfants, libéral envers son fermier, généreux même. « On a écrit, dit-il, plus de libelles contre moi que contre presque aucun homme vivant, et j’aurais eu le droit de défendre mon innocence. […] Sous Spencer et Shakspeare, les mots vivants comme des cris ou comme une musique faisaient voir l’inspiration intérieure qui les lançait.

1561. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

On y parle de peuplades allemandes encore païennes vivant parallèlement et spontanément à côté des peuplades déjà converties. […] Le jeune Sîfrit reçoit l’investiture du domaine paternel ; mais tant que son père et sa mère sont vivants, il se refuse par piété filiale à ceindre la couronne. […] depuis ce moment elle ne le vit plus jamais vivant. […] Kriemhilt ne vit plus jamais son époux vivant.

1562. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Par le même caprice qui fait que Paris, tout en vivant de la cour et du luxe, est une ville socialiste, que Paris, qui passe son temps à persifler toute croyance et toute vertu, est intraitable, fanatique, badaud, quand il s’agit de sa chimère de république. […] Un pays n’est pas la simple addition des individus qui le composent ; c’est une âme, une conscience, une personne, une résultante vivante. […] Un sénat comme celui de Rome et de Venise remplit très bien le même office ; les institutions religieuses, sociales, pédagogiques, gymnastiques des Grecs y suffisaient parfaitement ; le prince électif à vie a même soutenu des états sociaux assez forts ; mais ce qui ne s’est jamais vu, c’est le rêve de nos démocrates, une maison de sable, une nation sans institutions traditionnelles, sans corps charge de faire la continuité de la conscience nationale, une nation fondée sur ce déplorable principe qu’une génération n’engage pas la génération suivante, si bien qu’il n’y a nulle chaîne des morts aux vivants, nulle sûreté pour l’avenir. […] Sous la Restauration, l’esprit public était très vivant encore ; la société noble songeait à autre chose que jouir et s’enrichir.

1563. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

De cet épuisement subit il est résulté que notre époque si vivante, si intelligente, si passionnée pour les œuvres de l’imagination ne sait plus à qui porter des couronnes, et que, malgré les vociférations tumultueuses du roman de journal, l’arène littéraire est à peu près vide de combattants. […] Mettez dans ces œuvres d’une forme si pure, d’une fantaisie si vraie, d’une fraîcheur si ravissante, d’autres hommes plus vivants et plus généreux, et de suite vous verrez comme tout y prendra du charme. […] Ce sont là des costumes grecs, mais sur des corps vivants ; quant à cette inerte enluminure de Fortunio, elle n’appartient guère aux plus nobles travaux de l’esprit que les prospectus de M.  […] « N’offense pas, dit l’écrivain au monarque, n’offense pas les poètes vivants ; ils ont en main des flammes et des armes plus terribles que la foudre que Jupiter a reçue d’eux.

1564. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Sue, qui est fort pâle et dont l’œil sait être mélancolique, s’en va faire du problème vivant dans les salons où le portent ses hauts talons de chaussure. […] Mort ou vivant, M.  […] Je crois bien aussi qu’avec les dernières lignes de cette lettre, je signerai ma démission de feuilletoniste de l’Indépendant, car décidément, je renonce à quelques folles idées de littérature que j’avais eues en vivant dans cet air ambiant de Paris ; même je renonce, je crois, à ce roman dont je vous ai envoyé le titre, et pour lequel j’aurais fait avec M.  […] Dumas éprouvait pour Madame Mélanie Waldor) est une création individuelle, une sorte d’exception dont l’acteur avec ses goûts, ses penchants, ses passions et toute sa fougue de jeune poète, semblait la personnification vivante ; à le voir, à l’entendre alors, on ne pouvait pas douter que M.  […] Ce que je vous dis là, mon cher Monsieur, est ce qu’on apprend à préjuger en vivant ici, en recueillant des mots inconsidérément prononcés, en étudiant un peu la marche des idées nouvelles qui portent chaque jour le pouvoir gouvernemental de la France aux mains des hommes de plume.

1565. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Ils semblent si peu appartenir aux âges modernes, qu’ils impriment, dès leur vivant même, je ne sais quoi d’auguste et d’antique à tout ce qu’ils osent exécuter. […] Mais elle voit Hector toujours vivant sous cette tombe qu’elle embrasse ; elle le croit dans l’Élysée, d’où reviennent quelquefois les ombres heureuses. […] Le grand peintre Homère est plein de ces belles fables qui sont des emblèmes vivants de la nature ou des passions humaines : telle est la ceinture de Vénus, la chaîne où Jupiter suspend les hommes et les dieux, etc. ; tel est, dans un autre genre, le tableau du Xanthe et du Simoïs personnifiés, et déchaînant tous leurs flots contre Achille, pour défendre les murs de Troie. […] Que peut avoir de commun avec cet esprit unique et universel, un barde, relégué dans les rochers d’un pays sauvage, vivant au milieu d’un peuple étranger même à l’agriculture, ne voyant autour de lui que de la neige et des tempêtes, et ne connaissant d’autres monuments que les pierres élevées de loin en loin sur les tombeaux de ses ancêtres ? […] Quelle institution dans les villages romains pouvait ressembler à celle de ce bon curé, qui veille entre le temple du Dieu vivant et la demeure des morts ?

1566. (1913) Poètes et critiques

Je me demande même où l’on peut voir apparaître, à cette heure, un vers français plus sain, plus vaillant, plus vivant, plus chantant, plus épanoui. […] Le Directeur de l’Enseignement primaire ouvrit au poète les portes des écoles normales d’instituteurs et d’institutrices, et, à la suite du poète, entra, dans ces demeures un peu froides, un enseignement élevé et vivant, dont cette jeunesse, ardente à l’étude et au bien, fut réellement enivrée. […] Ce sont eux qui, dans ce jour de commémoration, venus de toute part et rassemblés pieusement auprès de cette image expressive et durable, semblent donner à ces deux vers d’André Chénier leur signification la plus profonde : Morts et vivants, il est encore pour nous unir Un commerce d’amour et de doux souvenir. […] Vous pourriez m’instruire à ce sujet ; plus d’un d’entre vous aurait le droit de se tourner vers le buste vivant que nous inaugurons, et de lui adresser les mêmes mots de bienvenue, que le personnage du chœur à Perdican, dans la pièce d’Alfred de Musset : « Vous ressemblez à un enfant que nous avons beaucoup aimé. » Toutefois, dans cette adolescence exemplaire, qu’un des amis les plus intimes de Jouffret, M.  […] Après l’assassinat de son père, après l’exécution de sa mère et de son frère, échappée comme par miracle au même sort, elle se retrouve, vivante encore — si c’était vivre — dans une masure de village, cachée, protégée et servie par d’anciens domestiques de son père, chez de pauvres gens qui l’ont recueillie.

1567. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Ce n’est pas que je ne reconnusse bien que l’orgueil avoit été le principe de tous mes égarements, mais je ne le croyois pas si vivant qu’il est, ne lui attribuant pas tous les péchés que je commettois ; et cependant je vois bien qu’ils tiroient tous leur origine de ce principe-là. » Elle reconnaît à présent que, du temps même de ses égarements les plus criminels, le plaisir qui la touchait était celui de l’esprit, celui qui tient à l’amour-propre, les autres naturellement ne l’attirant pas. […] Car j’étois morte, comme la mort, à tout ce qui n’étoit pas dans ma tête, et toute vivante aux moindres parcelles des choses qui me touchoient.

1568. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Bernardin refit en quelque sorte le livre de Fénelon, en profitant des observations amassées dans l’intervalle, et en s’arrêtant avec plus de complaisance sur la nature, cette œuvre vivante et cette ouvrière de Dieu60. […] Mais, à part ce portrait un peu complaisant de lui-même, je ne crois pas qu’il y en ait d’autre dans Paul et Virginie  ; ces êtres si vivants sont sortis tout entiers de la création du peintre.

1569. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Rousseau, dans son Contrat social et dans ses Plans de constitution pour la Pologne ; L’abbé de Saint-Pierre, dans sa Paix universelle ; Robespierre et Saint-Just, dans leur système d’égalité et de nivellement démocratique à tout prix, qui auraient décapité la société jusqu’à la dernière unité vivante, pour que l’un ne dépassât pas l’autre d’une faculté, d’une obole ou d’un cheveu ; Babeuf, dans sa communauté des biens ; Saint-Simon, de nos jours, dans sa proportion algébrique entre les aptitudes et les fonctions ; Fourrier, dans son cauchemar d’industrie, réduisant toute la société physique et morale à une association en commandite dont Dieu est le commanditaire, et promettant à l’homme jusqu’à des organes naturels de plus, pour jouir de félicites plus matérielles ; Cabet, dans son Icarie indéfinissable, chaos d’une tête vague, qui ne savait pas même rêver beau ; Tel autre, dans son égalité des salaires, charité idéale inspirée de l’Évangile sans doute, mais qui deviendrait la souveraine injustice envers le travail et le talent, et la prime réservée à l’oisiveté et aux vices, système des frelons qui pillent la ruche ; Tel autre, enfin, dans ses sentences de philosophie suicide, expropriant la famille, cette unité triple, qui enfante, nourrit, moralise et perpétue seule l’humanité, pour assouvir l’individu qui la tue : maximes folles, mais comminatoires, qui firent écrouler d’effroi toute démocratie progressive devant la démagogie des idées ; sophiste néfaste, mille fois plus funeste à la République que tous les poètes chassés de la République par Platon : Voilà ce qu’on entend par utopiste : ce sont les sophistes de la politique. […] société sans ancêtres, société sans postérité, société sans propriété, société où la terre, qui a besoin elle-même de l’amour de son propriétaire pour être féconde, ne serait cultivée que par ordre des magistrats pour produire juste ce qui est nécessaire à la consommation du chiffre des hommes vivants, et dont les fruits mercenaires seraient distribués par rations égales à des râteliers du troupeau humain !

1570. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Depuis huit ou neuf ans que je la connais, vivant presque toujours auprès d’elle, m’attachant à elle chaque jour davantage, je me suis fait de cette société une partie nécessaire de mon existence : l’ennui, la tristesse, le découragement m’accablent dès que je suis loin d’elle. […] Voilà mon jugement : le vrai coupable de cette inconvenance fut le républicain Alfieri, conseiller et compagnon de cette reine, et vivant de l’inconvenance commise sous ses auspices par la royauté.

1571. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

L’existence révélée par la pensée plus sûrement que par la vie physique ; la raison juge du vrai et du faux ; l’évidence, signe infaillible du vrai ; l’âme vivant d’une vie à part, et concevant spontanément l’idée de l’infini ; Dieu, se révélant comme l’objet qui répond à cette idée : que peut revendiquer le philosophe, dans ces vérités capitales, qui n’appartienne également au poète, au moraliste, à l’historien ? […] Racine en avait recueilli et comme respiré la tradition vivante dans son commerce avec Port-Royal ; et si ses personnages raisonnent moins et pensent plus que ceux de Corneille, j’y vois un fruit de cette doctrine qui avait changé la définition de la logique, et remplacé l’art de raisonner par l’art de penser.

1572. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Elle s’est acharnée à rendre rigides des conceptions qui devaient rester vivantes et souples. […] L’homme est une contradiction vivante par la lutte de ses éléments, la société est plus contradictoire encore.

1573. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

De la petite ville la plus obscure de la province la plus perdue, je fus jeté, sans préparation, dans le milieu parisien le plus vivant. […] Le fond de ma blessure était le souvenir trop vivant de ma mère.

1574. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

L’Abrégé de leur Vie, que je mets sous les yeux de Votre Altesse Royale, a été composé pour être inséré dans la Galerie des Personnes célebres actuellement vivantes chez toutes les Nations. […] Il n'est point de Tribunal qui ne condamnât, au moins à une réparation solennelle, un Homme qui, sans avoir à se plaindre de moi, n'a pas craint de violer le droit des Gens & toutes les bienséances, en publiant sous mon nom & sans ma participation, des papiers dont les trois quarts & demi ne sont ni signés, ni avoués ; & qui a osé m'accuser publiquement sans se faire connoître, & sans apporter une seule preuve irréfragable d'avoir usurpé à un de mes anciens Amis, qui ne vit plus, une propriété que cet Ami ne m'avoit point disputée de son vivant, quoique je l'eusse publiquement défié, plus de trois ans avant sa mort, de soutenir qu'il y eût le moindre droit.

1575. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Ces pages, où il entre évidemment plus de Bossuet que de l’abbé Le Dieu, sont égales, sinon supérieures, à tout ce que l’abbé Maury a dit de mieux sur la rhétorique du genre ; et elles vont se joindre, dans une bibliothèque raisonnée et bien composée, à ce qu’on lit de plus vivant dans les grandes parties du De oratore de Cicéron, et aux Dialogues de Fénelon sur l’éloquence.

1576. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Dans notre temps, où ce qu’on appelait autrefois le sens commun est si peu d’usage en littérature et se trouve le plus souvent remplacé par le caprice, M. de Sacy en est un des derniers représentants utiles ; je ne sais même si l’on trouverait aujourd’hui personne qui le représentât aussi nettement et aussi distinctement que lui, qui en offrît un exemplaire vivant aussi authentique et aussi sensible.

1577. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Scherer cependant avait un avantage dont il a largement profité : il a parlé des vivants sans être gêné par leur présence et leur voisinage.

1578. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Sans y mettre tant de façons, revoyons-la un moment, vivante et dans sa fleur, sous ce règne de Louis XVI, pendant les dix heureuses années qui précédèrent la plus terrible des révolutions.

1579. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Cet état de société plus élémentaire et dès longtemps aboli dans notre Occident, reparaissant aux yeux de l’observateur à l’état actuel et pratique, lui commentait d’une manière vivante, lui expliquait le passé, comme en géologie on s’explique mieux les couches, partout ailleurs ensevelies, en les retrouvant à la surface et non encore recouvertes, telles qu’elles parurent autrefois dans leur règne et à leur véritable époque, en pleine lumière et sous le soleil.

1580. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Mme Tastu, dans une belle pièce de son dernier recueil (le Temps), montre les mortels partagés en trois classes : les uns, ne vivant qu’au jour le jour, dans le présent ; les autres tout entiers à l’avenir et dans l’ambition des espérances ; les autres, enfin, tout à l’amour du passé et à la mélancolie du souvenir.

1581. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Aussi, en les abordant, en écoutant cette grande voix du passé par la bouche du chantre que la Muse s’est choisi, on n’a à gagner en toute sécurité qu’un je ne sais quoi de grandeur morale, une impulsion élevée de sentiments et de langage, un accès de retour vers le culte de ces pensées trop désertées qui restaurent et honorent l’humaine nature : c’est là, après tout, et la part faite aux circonstances éphémères, ce qu’il convient d’extraire des œuvres durables, et l’âme vivante qu’il y faut respirer.

1582. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Et ce plaisir, c’était le spectacle de l’individu vivant.

1583. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Je n’ai voulu vous remettre sous les yeux que le côté le plus intéressant de cette mobile et vivante figure de journaliste.

1584. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Et je crois, je veux croire qu’aujourd’hui déjà cette idée d’une multitude en fête réunie dans un cirque pour voir déchirer et brûler, parmi d’affreux hurlements, des chairs vivantes, serait intolérable et presque inconcevable à une assez imposante minorité d’âmes douces.

1585. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Lamartine eut, de son vivant, beaucoup d’imitateurs.

1586. (1842) Essai sur Adolphe

Or, pour réaliser ce vœu d’Adolphe, pour étancher la soif de cette vanité qui le dévore, une femme belle et jeune, vivant dans le secret de la famille, élevée dans les doctrines de l’obéissance et du devoir, épargnée de la calomnie, nourrie dans un bonheur paisible, et défiant les tempêtes qu’elle ne prévoit pas, ne peut lutter avec Ellénore.

1587. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

C’était la bourgeoisie pharisienne, c’étaient les innombrables soferim ou scribes, vivant de la science des « traditions », qui prenaient l’alarme et qui étaient en réalité menacés dans leurs préjugés et leurs intérêts par la doctrine du maître nouveau.

1588. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Louer à tout moment sa mère comme une femme de génie, comme un modèle de sensibilité expressive et de beauté, prenez garde, c’est déjà un peu se louer soi-même, surtout quand toutes ces louanges vont à conclure qu’on est en personne tout son portrait vivant.

1589. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Bernard sur la physiologie du cœur dans ses Leçons sur les propriétés des tissus vivants.

1590. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Quoi qu’il en soit de ces vues théoriques, revendiquons pour Maine de Biran et pour le spiritualisme français de notre siècle l’honneur d’avoir apporté à la philosophie une idée vivante et nouvelle, l’idée de la personnalité humaine.

1591. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Jérusalem, par exemple, la Jérusalem du matin de la passion du Christ, apparaît non comme un Herculanum retrouvé, figé et conservé merveilleusement sous sa poussière, mais comme un Herculanum tout chaud, tout vivant, tout mouvant et tout éclatant sans la couche de poussière qu’il n’a pas eu besoin d’essuyer.

1592. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Même ceux-là qui, de leur vivant, méritaient le sifflet, ont la flûte.

1593. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Beyle, ou Stendhal (car les éditeurs lui ont conservé, à ce maniaque de pseudonymes, le nom de guerre sous lequel il a composé ses plus beaux ouvrages), fut un écrivain très peu connu de son vivant, qui a publié, de 1820 à 1841, les livres les plus spirituels.

1594. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Beyle ou Stendhal (car les éditeurs lui ont conservé, à ce maniaque de pseudonymes, le nom de guerre sous lequel il a écrit ses plus beaux ouvrages) fut un écrivain très-peu connu de son vivant, qui a publié, de 1820 à 1841, les livres les plus spirituels.

1595. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

J’ai recueilli dans cet ordre d’idées une opinion, que je considère comme infiniment précieuse et qu’il eût été cruel d’abandonner à l’oubli : c’est celle d’un directeur d’institution qui, dans un discours de distribution de prix, parlant de l’enseignement des langues vivantes, prétendait avec un bel accent de conviction patriotique, que leur étude était d’un mince intérêt pour la France, attendu qu’elle avait tout à perdre et rien à gagner en étudiant les œuvres étrangères !!

1596. (1864) Le roman contemporain

« L’intolérance profite du silence plus ou moins forcé de ses adversaires naturels, les philosophes et les gens de lettres, pour risquer tout, pour oser au jour, saper en secret… Si l’interdiction de la presse libre se prolonge beaucoup, et si nos contemporains s’endorment sous certaines influences cléricales, avant dix ans l’esprit persécuteur sera debout, et c’est alors qu’il faudra dire : La mort s’est levée, le spectre s’est roulé sur les vivants. […] Au moment où la révolution de 1848 se produisit en France, il y avait dans la littérature et dans la branche la plus vivante de la littérature, la presse, un jeune talent qui n’avait encore bégayé que ses premiers mots. […] On est en présence d’une personnalité vivante qui a sa physionomie propre ; Fernand ressemble aux jeunes gens ses pareils, sans cesser d’être lui-même. […] Je ne m’étonne pas que le roman de Fanny ait paru, ni même qu’il ait réussi, à une époque où l’on met les tableaux vivants sur le théâtre et où chaque exposition de peinture nous présente quelques-unes de ces toiles effrontées qui font rougir la pudeur publique, mais qui doivent plaire à bon nombre d’individus, puisqu’on y revient toujours. […] La peinture de la vie de bohème, peut-être plus brutalement exacte qu’elle ne l’est dans Mürger, une photographie impassible et implacable, qui ne choisit pas les traits du tableau vivant qui a posé devant la chambre obscure, mais qui les reproduit tous froidement, sans colère comme sans pitié.

1597. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Voici, sommairement, les principaux traits de ce joli manifeste révolutionnaire : Vivant, l’homme de génie excite l’envie ; mort, il est adoré. […] Albert de Broglie, le 20 août 1838, à propos du Wallenstein de Schiller : « On dit que cela n’est pas vivant, et on croit prononcer par là un arrêt de mort contre une tragédie. Il n’y a rien de moins vivant que la tragédie ancienne, et la tragédie ancienne est fort belle. […] C’est cette fausse théorie des êtres vivants qui nous a valu toutes les abominations de nos jours. […] Elle n’a point dit, dans ses proclamations, si elle la voulait coupée ou vivante.

1598. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Il est beau que le cri de l’espérance s’élève du fond d’un cercueil ; il est beau que le prêtre du Dieu vivant escorte la cendre de l’homme à son dernier asile ; c’est en quelque sorte l’immortalité qui marche à la tête de la mort. […] ……… Qu’il me soit permis d’employer uniquement pour Dieu et pour moi-même ce qui me reste de vie……… Là, oubliant les choses du monde, je passerai devant Dieu toutes les années de ma vie, dans l’amertume de mon âme. » Si Bossuet, vivant au milieu des pompes de Versailles, a su pourtant répandre dans ses écrits une sainte et majestueuse tristesse, c’est qu’il avait trouvé dans la religion toute une solitude ; c’est que son corps était dans le monde, et son esprit au désert ; c’est qu’il avait mis son cœur à l’abri, sous les voiles secrets du tabernacle ; c’est, comme il l’a dit lui-même de Marie-Thérèse d’Autriche, « qu’on le voyait courir aux autels, pour y goûter avec David un humble repos, et s’enfoncer dans son oratoire, où malgré le tumulte de la cour il trouvait le Carmel d’Elie, le désert de Jean, et la montagne si souvent témoin des gémissements de Jésus. » Le docteur Johnson, après avoir sévèrement critiqué les Nuits d’Young, finit par les comparer à un jardin chinois. […] Racine et La Bruyère furent presque méconnus de leur vivant ; Nous voyons Rollin, cet homme plein de goût et de savoir, balancer le mérite de Fléchier et de Bossuet, et faire assez comprendre qu’on donnait généralement la préférence au premier. […] Le sauvage qui avait élevé le mont du tombeau à son ami, la mère qui avait rendu à la terre son petit enfant, vinrent chaque année, à la chute des feuilles, le premier, répandre des larmes, la seconde, épancher son lait sur le gazon sacré ; tous les deux crurent que ces absents si regrettés, et toujours vivants dans leurs pensées, ne pouvaient avoir cessé d’être. […] M. de Laborde a été favorisé dans ses études ; il a examiné les monuments des arts chez un peuple noble et civilisé ; il les a vus dans cette belle Espagne, où du moins la foi et l’honneur sont restés lorsque la prospérité et la gloire ont disparu ; il n’a point été obligé de s’enfoncer dans ces pays jadis célèbres, où le cœur du voyageur est flétri à chaque pas, où les ruines vivantes détournent votre attention des ruines de marbre et de pierre.

1599. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Ce sont de libres associations, constituées par des dons et legs, et vivant de leurs propres revenus. […] Il évoque, en ses peintures vivantes, un Shakespeare effréné, un homme de la Renaissance, un génie violemment individualiste, rebelle à tous les obstacles, révolté contre tous les préjugés, prompt à tous les combats et attentif à tous les mirages de l’universelle fantasmagorie. […] Moi, j’aime mieux regarder ce qui est vivant. […] Ce sont des esprits très vivants, nullement timorés, fort attentifs au train des choses et bien capables d’entendre, du fond de leur cabinet, mieux que certains « modernistes » de profession, le flux et le reflux des idées modernes. […] Le chaud soleil a doré le marbre, et quand l’effigie victorieuse apparaît dans le ciel clair, on dirait qu’elle est vivante, qu’elle va se détacher de son socle et prendre son vol.

1600. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

S’il m’en coûte de livrer ainsi, toutes vivantes, au jugement sévère du lecteur, des pages d’un si consciencieux travail, je me serais reproché bien davantage, à l’égard d’un écrivain de si grand renom, une censure dépourvue de preuves. […] Au-delà du Sutledge, je voudrais vous montrer un peuple ; mais il y a là je ne sais combien de peuples qui diffèrent par les mœurs, par la religion, par le costume, les uns vivant des autres, les uns cruels et sauvages, les autres abâtardis, corrompus. […] Jusqu’ici tout va bien pour moi ; me voici revenu vivant et très vivant, je vous l’assure, de Cachemyr, dont les montagnes ne sont pas si hautes, ni la vallée si pittoresque, ni les femmes si belles, ni les hommes si fripons qu’on le dit.

1601. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

En effet, ce n’est plus assez qu’un portrait soit ressemblant, ou vivant ; on veut qu’il agisse, pour ainsi dire ; et qu’avec les traits de l’original il en rappelle les occupations, les habitudes, les entours, — la page héroïque ou mémorable de sa biographie. […] Ou, en d’autres termes encore, trouvons-nous ici quelque chose d’analogue à cette « différenciation progressive » qui, dans la nature vivante, fait passer la matière de l’homogène à l’hétérogène, et sortir constamment, si j’ose ainsi parler, le contraire du semblable ? […] Cependant, et pour deux bonnes raisons, je ne crois pas qu’il soit inutile de vous en signaler au passage l’intérêt toujours vivant et toujours actuel. […] Mais ses idées, devenues en quelque sorte anonymes, détachées pour ainsi dire de l’expression qu’il en avait donnée, vivant enfin par elles-mêmes, ont constitué une atmosphère nouvelle des esprits. […] Vous conviendriez avec moi que nous sommes en présence de l’un des tableaux les plus complets, les plus vivants qu’il y ait dans aucune littérature, et d’une création ou d’une invention d’art au-dessus de laquelle on ne pourrait mettre aucune histoire de Michelet, aucun roman de Balzac, et aucun drame de Hugo.

1602. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

J’ai apostrophé Saint-Évremond parce que, devant la justice également à ceux qui sont et à ceux qui ne sont plus, je parle aux morts comme s’ils étaient vivants, et aux vivants comme s’ils étaient morts. […] Nous louons les morts qui ne nous entendent pas ; nous ne disons rien aux vivants qui s’affligent à nos côtés. […] Ce qui suit est de tous les pays et de tous les temps. « Voyez la multitude des mères qui se désolent sur leurs enfants vivants : votre fils a échappé à la perversité de son siècle, et vous le regrettez !  […] On lit dans les Déclamations de Sénèque le père que, malgré l’usage des bûchers, on fouillait les viscères des morts pour y trouver les causes des infirmités des vivants. […] c’est un homme vivant ?

1603. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

SOUVENIR VIVANT. […] La prose est à nous, sa marche est libre ; il n’appartient qu’à nous de lui imprimer un caractère plus vivant. […] Les chants sur les mères sont nombreux, mères mortes d’enfants vivants ou mères vivantes d’enfants morts. […] Le seul usage qu’elle fasse d’un miracle vivant, c’est de le disséquer d’abord… » Eh oui ! […] De tels esprits n’ont pas un amour assez profond de l’humanité, ils détestent trop les vivants décidément et préfèrent les morts.

1604. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Édouard Rod, sans qu’il eut encore osé s’attaquer à la réalité vivante. […] Elle voulait être aimée, attendu que c’est le vœu de tout être vivant. […] On ne sait plus bien si on appartient encore au monde des vivants et si on n’est pas sorti du monde de la réalité. […] Le poète aperçoit dans les choses des visages qui le regardent ; il discerne des pleurs dans la pluie, des voix dans la nuit ; il entend le silence où quelqu’un est vivant. […] Il me sembla que tout le monde convoitait cette femme et jugeait facile de l’obtenir et avait la même image obscène fichée dans le cerveau. » Ne voilà-t-il pas une statue vivante de l’impudicité modelée en pleine chair ?

1605. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Cette coquetterie de costume, qu’on aurait pu prendre pour une affectation, n’était qu’un pieux sentiment filial, une relique vivante qui se renouvelait sur sa tête, et qui donnait à sa physionomie pensive et souriante quelque chose de la pudeur, de la grâce et de l’abandon de la femme. […] Ses cheveux étaient noirs, mais pressés d’un bandeau ; C’était une couronne ou peut-être un fardeau : L’or en était vivant comme ces feux mystiques Qui, tournoyants, brûlaient sur les trépieds antiques. […] « Je dis, moi, que quelques vers suffiraient à les faire reconnaître de leur vivant, si l’on savait y regarder.

1606. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Où donc ces jeunes yeux ont-ils pu voir ce qu’ils racontent aujourd’hui comme des daguerréotypes vivants ? […] Jamais la Bruyère ou Theophraste n’ont pétri de si vivantes couleurs sur leur palette. […] — Alors, il aurait été moins qu’un âne vivant, il aurait été un âne mort.

1607. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

XIV En perdant Aimé Martin et sa femme, je perdis ces amis de toutes les heures qui occupent, vivants ou morts, une place considérable dans l’existence ; c’étaient deux amours dans le même cœur ; qui aimait l’un aimait l’autre. […] C’est dans le sommeil de la mort que reposent pour jamais les maladies, les douleurs, les chagrins, les craintes, qui agitent sans cesse les malheureux vivants. […] Il n’y a pas dans l’Océan une seule goutte d’eau qui ne soit pleine d’êtres vivants qui ressortissent à nous ; et il n’existerait rien pour nous parmi tant d’astres qui roulent sur nos têtes !

1608. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Je vous tiens pour mon père ; vos fils sont mes frères, faites-moi votre héritier avec eux, je ferai en sorte qu’ils n’y perdent rien ; ou bien, si vous l’aimez mieux, faites bâtir de votre vivant quelque édifice pour la commodité et pour l’embellissement de la ville. » Abas le Grand avait des manières engageantes, qui le faisaient venir à bout de tout. […] ni qu’âme vivante y soit au guet. […] Sefie-Mirza est vivant et voyant, Dieu en est ma caution ; et, s’il n’en est pas ainsi, voilà ma tête.

1609. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

On les dirait nés après ces grandes rafles de vivants, au moyen âge, où des hommes naissaient inachevés, avec un œil ou quatre doigts, comme si la Nature, dans le grand coup de feu d’une fourniture, pressée de recréer et de livrer à heure fixe, bâclait de l’humanité. […] — n’est-ce pas le style du moyen âge, le sentiment de cet art, qu’on croirait par moments n’avoir eu pour modèle qu’un peuple de figures à demi formées et comme une race de vivants embryonnaires ? […] Et Renan, l’imaginative échauffée, et cherchant l’esquisse colorée d’un tout vivant, après de profondes fouilles dans son cerveau, et à la suite d’un long silence prometteur d’un accouchement de génie ; Renan, le plus sérieusement et le plus religieusement du monde, arrive à comparer, devant la table béante son Dieu à lui… deviner à quoi… à une huître et à son existence végétative… Oh !

1610. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

C’est lui qui sème à pleines mains dans l’air, dans l’eau, dans la terre, dans le feu, ces myriades d’êtres intermédiaires que nous retrouvons tout vivants dans les traditions populaires du moyen-âge ; c’est lui qui fait tourner dans l’ombre la ronde effrayante du sabbat, lui encore qui donne à Satan les cornes, les pieds de bouc, les ailes de chauve-souris. […] Disons mieux : tout cela mourra dans l’opération ; et c’est ainsi que les mutilateurs dogmatiques arrivent à leur résultat ordinaire : ce qui était vivant dans la chronique est mort dans la tragédie. […] Vous trouvez, par exemple, des hommes vivants qui vous répètent cette définition du goût échappée à Voltaire : « Le goût n’est autre chose pour la poésie que ce qu’il est pour les ajustements des femmes. » Ainsi, le goût, c’est la coquetterie.

1611. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

En s’appuyant tout uniment sur la Nature, sur la Nature éternelle et vivante, créatrice incessante de symboles, sans effort et nécessairement, l’artiste rencontrera et révélera ces sentiments. […] Chacune de ses œuvres est un véritable corps vivant, dans lequel chaque partie est un organe. […] C’est cette unité vivante qui est la grande force de l’art wagnérien, c’est elle qui explique la prodigieuse puissance d’expansion dont il est animé. […] Il est vraiment curieux que Nietzche ne se soit pas aperçu que la démonstration vivante de sa subtile et profonde analyse du tragique, c’était justement Wagner. […] La phrase l’emporte sur la page et en obscurcit le sens, la page devient vivante aux dépens du tout, le tout n’est plus un tout… La vie, la vibration et l’exubérance de la vie sont refoulées dans les plus petits organes, le reste est pauvre de vie.

1612. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Il les considérait comme des réalités vivantes et impérieuses, qu’on ne contrarie pas sans les blesser, qu’on ne brutalise pas sans les tuer. […] Mais, principalement, la réalité vivante qu’est un pareil livre ne se constitue pas ainsi. […] Tout cela, en fin de compte, se serait accordé en une belle synthèse, toute vivante et qu’on devine. […] Et, en les regardant, nous apercevons ceci ou cela ; mais nous ne voyons pas le principe vivant et profond qui assemble toutes ces contrariétés. […] Sur les reliures, les dessins ne sont pas exactement géométriques : un tremblement, une hésitation attestent « la main vivante et mobile de l’ouvrier ».

1613. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Il fut détaché vivant de la potence, éventré ; il vit ses entrailles jetées dans le feu ; puis il fut coupé en quartiers, et son cœur encore palpitant fut arraché et montré au peuple. […] Il tranche avec une main de chirurgien dans le cœur des croyances les plus vivantes. […] Ces provocations, ces façons de filles, le chassez-croisez des échanges et des surprises, le carnaval des rendez-vous et des soupers, l’impudence des scènes aventurées jusqu’aux démonstrations physiques, les chansons risquées, les gueulées 564 lancées et renvoyées parmi des tableaux vivants, toute cette orgie représentée remue les coureurs d’intrigues par l’endroit sensible. […] Il plaque violemment son plâtre sur la figure grimaçante et bourgeonnée de ses drôles pour nous porter sous les yeux le masque implacable où s’est collée au passage l’empreinte vivante de leur laideur. […] Il connaît l’homme et il en raisonne, mais en sentences si courtes, en portraits si vivants, en moqueries si piquantes, que sa philosophie est le meilleur des divertissements.

1614. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

quel biais prendre pour parler ici de tous les romanciers vivants ? […] I Voici pour le vivant. […] Il était pour une grande part dans la création de cette petite et si vivante toquée de Frou-Frou128. […] « Mme de Peyrebrune est un esprit vivant, dit M.  […] Chalon (mort maintenant) : « … Il y soufflait toujours, dans ce haut Saint-Majan, un vent terrible, qui vous avait une voix et des cris à croire qu’il était vivant.

1615. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Le point de départ comme le point d’arrivée de toutes ses pensées était la haine de la loi humaine ; cette haine qui, si elle n’est arrêtée dans son développement par quelque incident providentiel, devient, dans un temps donné, la haine de la société, puis la haine du genre humain, puis la haine de la création, et se traduit par un vague et incessant et brutal désir de nuire, n’importe à qui, à un être vivant quelconque. — Comme on voit, ce n’était pas sans raison que le passeport qualifiait Jean Valjean d’homme très dangereux. […] Il était là tout à l’heure, il était de l’équipage, il allait et venait sur le pont avec les autres, il avait sa part de respiration et de soleil, il était un vivant.

1616. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

La séve et le sang, toutes les formes du fait multiple, les actions et les idées, l’homme et l’humanité, les vivants et la vie, les solitudes, les villes, les religions, les diamants, les perles, les fumiers, les charniers, le flux et le reflux des êtres, le pas des allants et venants, tout cela est sur Shakespeare et dans Shakespeare, et, ce génie étant la terre, les morts en sortent. […] Ô bons et tendres amis, vous dont l’affection si délicieuse, pendant que vous viviez, me donna tant de douceurs ici-bas et qui voulûtes vous survivre encore après la séparation comme une immortelle providence du haut du ciel, il ne se passe pas de jour depuis qui ne soit adouci, ou attendri, ou consolé dans ce monde de larmes par votre vivante mémoire.

1617. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Considérés comme vivant dans une société qui doit être maintenue, ils ont des lois dans le rapport qu’ont ceux qui gouvernent avec ceux qui sont gouvernés ; et c’est le droit politique. […] (Quatre cents millions d’habitants vivant jusqu’ici sous une même loi.)

1618. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

L’image se développe, s’assimile tous les éléments qui peuvent la compléter, s’organise, devient une réalité vivante, qui reste le symbole d’une pensée profonde. […] Il a le don de rapetisser, d’enniaiser tous les grands sujets, quand il y touche : la religion, par son Dieu des bonnes gens, ami de la joie et tendre aux mauvais sujets, par son agaçante conception d’un christianisme de pacotille qui met à l’aise tous les instincts matériels, par ses curés bénisseurs et bons vivants dont la perfection suprême est de ne pas être des gêneurs ; — le patriotisme, par un chauvinisme de méchant aloi, par l’exploitation fastidieuse de la gloire napoléonienne, avilie, vulgarisée, réduite aux puériles légendes de la redingote grise et du petit caporal ; — l’amour, par une sentimentalité frelatée, un mélange de grivoiserie et d’attendrissement qui exclut à la fois l’intensité de la passion sensuelle et la hauteur du sentiment moral ; — la morale, par une étroite et basse conception de la vie, mesquine dans la vertu, mesquine dans la jouissance, bien aménagée en un confortable égoïsme sans excès et sans danger.

1619. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Il assista à la bataille de Nancy, et il vit la fin de cette puissante maison de Bourgogne, dont la fortune, un moment éblouissante, ressemble si fort à la renommée de ses historiens et de ses poëtes, de leur vivant portés si haut et si enviés, aujourd’hui relégués, par lambeaux, dans des recueils où l’on compte mais où l’on ne pèse pas les noms. […] Le premier jugement porté sur leurs écrits si admirés de leur vivant leur a été mortel et cette incertitude de leurs idées et de leur langue, cette invention grossière et excessive dans les mots, qui paraît bien plus venir de la mémoire échauffée par l’érudition que d’un instinct sur et profond des analogies des deux langues, leur ont été comptées comme des fautes que ne rachètent pas leurs bonnes intentions.

1620. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Or, c’est cette sympathie, c’est le besoin, pour ses méditations, d’un sujet vivant, qui, peu à peu, dégoûtèrent Pascal de la science, à cause de sa stérilité pour le bonheur de l’homme. […] » Dans cette solitude de Port-Royal, au sein de fortes études théologiques et littéraires, il concentra toutes ses pensées sur ce sujet vivant, l’homme, dont il portait en lui toutes les grandeurs et toutes les misères : non pas l’homme tel que Montaigne le peint, arrivant par le doute universel à ne croire qu’à lui-même ; ni l’homme selon Descartes, qui se contente de savoir qu’il y a un Dieu, qu’il existe une âme distincte du corps, et qui s’arrange dans ce monde de façon à y vivre le plus agréablement et le plus longtemps possible ; mais l’homme tel que le christianisme l’a expliqué, l’homme dont Montaigne n’avait pas vu toute la grandeur, ni Descartes toute la petitesse.

1621. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Dans cette pièce admirable, ils déterminent leurs fonctions par l’idée même qu’ils se font de la langue française, « laquelle, disent-ils, plus parfaite déjà que pas une des langues vivantes, pourrait bien enfin succéder à la latine, comme la latine à la grecque, si on prenait plus de soin qu’on n’avait fait jusqu’ici de l’élocution, qui n’était pas, à la vérité, toute l’éloquence, mais qui en faisait une fort bonne et fort considérable partie. » Il ne s’agit donc pour eux que de l’empêcher de manquer à cette grande destinée, de l’épurer et non de la créer, et, comme ils le disent avec une naïveté énergique, de « la nettoyer des ordures qu’elle avait contractées, ou dans la bouche du peuple, ou dans la foule du palais et dans les impuretés de la chicane, ou par les mauvais usages des courtisans ignorants, ou par l’abus de ceux qui la corrompent en écrivant, ou par les mauvais prédicateurs53. » Ils se tiennent dans les bornes d’une institution réelle et pratique, n’outrant rien, ne s’exagérant pas leur autorité, n’entreprenant ni sur la liberté ni sur l’originalité des esprits. […] « Je ne veux pas, disait-il, en servant le public, nuire aux particuliers que j’honore. » S’il lui faut critiquer un vivant, il altère le passage où se trouve la faute, afin qu’on ne reconnaisse pas qui l’a faite.

1622. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Le conservatoire national de musique, lui aussi vivant aux frais de l’État, joue Wagner et les patriotes se gardent bien de souffler mot. […] Heureusement, mon ami Jauner, de Vienne, qui m’accompagnait, ne fut pas atteint, et moi-même j’en fus quitte pour une simple contusion : si les membres du Jockey-Club de Vienne, Wagnériens enragés, mais hommes de bonne éducation avant tout, ne m’avaient pas protégé contre cette foule imbécile, jamais je ne serais revenu vivant de ce petit voyage de désagrément.

1623. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

vivante image du pasteur de toutes les montagnes du monde, de quels siècles ne serait-elle pas contemporaine ?

1624. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Les Lettres de Mme de Sévigné ne furent point, comme bien l’on pense, publiées de son vivant ; mais elles avaient déjà de la réputation, elles couraient, on se les prêtait ; quelques-uns même de ses amis, comme Bussy-Rabutin, en avaient fait collection et copie.

1625. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

. — Que s’ils joignaient à la possession de ces hautes vérités mathématiques le sentiment et la science de la nature vivante, la conception et l’étude de cet ordre animé, universel, de cette fermentation et de cette végétation créatrice et continue où fourmille et s’élabore la vie, et qui, tout près de nous et quand la loi des cieux au loin est connue, recèle encore tant de mystères, ils seraient des savants plus complets peut-être qu’il ne s’en est vu jusqu’ici, quelque chose, j’imagine, comme un Newton joint à un Jussieu, à un Cuvier, à un Gœthe tout à fait naturaliste et non plus seulement amateur, à un Geoffroy Saint-Hilaire plus débrouillé que le nôtre et plus éclairci. — Que s’ils y ajoutaient encore, avec l’instinct et l’intelligence des hautes origines historiques, du génie des races et des langues, le sentiment littéraire et poétique dans toute sa sève et sa première fleur, le goût et la connaissance directe des puissantes œuvres de l’imagination humaine primitive, la lecture d’Homère ou des grands poèmes indiens (je montre exprès toutes les cimes), que leur manquerait-il enfin ?

1626. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

On aurait voulu que cette vigueur de pinceau, cette habileté à tout sonder, cette hardiesse à tout dire, il les eût transportées et appliquées à un autre sujet également actuel, également vivant, mais moins circonscrit, moins cantonné et resserré entre un petit nombre de personnages peu estimables ou peu aimables.

1627. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Images éternelles et vivantes !

1628. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Le comte de Clermont était un abus en personne, un abus vivant, et son énorme dot ecclésiastique, appliquée comme il le faisait, rendait dès lors cette existence amphibie plus bizarre que d’autres et d’un scandale plus criant.

1629. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Dans le beau siècle dont nous parlons, ce devoir rigoureux, cet avertissement attentif et salutaire se personnifiait dans une figure vivante, et s’appelait Boileau.

1630. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Il y a là, pour les noms qui survivent, un âge intermédiaire, ingrat, qui ne sollicite plus l’intérêt et appelle plutôt une sévérité injuste et extrême, à peu près comme, pour les vivants, cet espace assez maussade qui s’étend entre la première moitié de la vie et la vieillesse.

1631. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Un écoulement universel, une succession intarissable de météores qui ne flamboient que pour s’éteindre et se rallumer et s’éteindre encore sans trêve ni fin, tels sont les caractères du monde ; du moins, tels sont les caractères du monde au premier moment de la contemplation, lorsqu’il se réfléchit dans le petit météore vivant qui est nous-mêmes, et que, pour concevoir les choses, nous n’avons que nos perceptions multiples indéfiniment ajoutées bout à bout. — Mais il nous reste un autre moyen de comprendre les choses, et, à ce second point de vue qui complète le premier, le monde prend un aspect différent.

1632. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Il nous donnera une poésie lyrique, une littérature pittoresque, une histoire vivante.

1633. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Il est certain que l’homme sur la tombe duquel on pourra inscrire : « Il ne fit rien, sinon dire chaque lundi durant trente années que tel livre valait et que tel autre ne valait rien », il est certain que cet homme ne vaut même pas qu’on s’en irrite de son vivant.

1634. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Regardez aussi, si vous voulez, ces histoires macabres de morts vivants, d’êtres inanimés prenant une âme, d’ombres impalpables circulant autour de nous, comme vous en trouverez à foison dans les légendes du moyen âge ou, plus près de nous, chez Maupassant ou chez Rollinat.

1635. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Tant que l’être vivant n’a pas de conscience, il vit de la vie purement physiologique.

1636. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Une très-belle religieuse, appellée Béatrix, passa quinze ans dans le monde, vivant en courtisanne, sans que, dans le couvent, on s’apperçût de son absence scandaleuse, parce que la vierge, qu’elle avoit invoquée, ayant emprunté sa ressemblance, s’acquitta de tous ses emplois, jusqu’à celui de portière.

1637. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Ainsi vivant, rien n’est qui ne m’agrée, J’oy des oiseaux la musique sacrée, Quand au matin ils bénissent les cieux, Et le doux son des bruyantes fontaines Qui vont coulant de ces roches hautaines Pour arroser nos prés délicieux1.

1638. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Telle est la saillie du misantrope qui, rendant un compte serieux des raisons qui l’empêchent de s’établir à la cour, ajoute après une déduction des contraintes réelles et gênantes qu’on s’épargne en n’y vivant point.

1639. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

La poésie est une langue, et non point une forme d’une langue ; la poésie est universelle, et non point locale : c’est la parole vivante du genre humain.

1640. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

. — Sans doute ; et je crois que Pétrarque, vivant à Florence, serait tout autre.

1641. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Si on louait ainsi des hommes célèbres qui n’étaient plus, et dont quelques-uns même avaient vécu dans la pauvreté et dans l’exil, à plus forte raison devait-on louer Louis XIV, et vivant, et prince, et conquérant, et absolu.

1642. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Ainsi, cette rude poésie des vieux âges de Rome, quoique imitée en partie de la Grèce, était une voix vivante qui parlait aux âmes romaines, voix trop forte pour être soufferte, quand viendrait l’empire.

1643. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Si vous voulez citer un autre nom, ce sera celui de Cæsius Bassus, que nous avons connu naguère ; mais il est aujourd’hui bien dépassé par des génies encore vivants. » Flatteuse espérance, que les contemporains ne se refusent pas, qui vaut mieux que les détractions de l’envie, mais qui souvent ne trompe pas moins !

1644. (1842) Discours sur l’esprit positif

En un sujet quelconque, l’esprit positif conduit toujours à établir une exacte harmonie élémentaire entre les idées d’existence et les idées de mouvement, d’où résulte, plus spécialement, envers les corps vivants la corrélation permanente des idées d’organisation aux idées de vie, et ensuite, par une dernière spécialisation propre à l’organisme social, la solidarité continue des idées d’ordre avec les idées de progrès. […] Depuis que l’action réelle de l’Humanité sur le monde extérieur a commencé, chez les modernes, à s’organiser spontanément, elle exige la combinaison continue de deux classes distinctes très inégales en nombre, mais également indispensables : d’une part, les entrepreneurs proprement dits, toujours peu nombreux, qui, possédant les divers matériaux convenables, y compris l’argent et le crédit dirigent l’ensemble de chaque opération, en assumant dès lors la principale responsabilité des résultats quelconques ; d’une autre part, les opérateurs directs, vivant d’un salaire périodique et formant l’immense majorité des travailleurs, qui exécutent, dans une sorte d’intention abstraite, chacun des actes élémentaires, sans se préoccuper spécialement de leur concours final. […] Quant à la disposition, relative de ces deux études également fondamentales, tous les motifs essentiels, soit scientifiques, soit logiques, concourent à prescrire, dans l’éducation individuelle et dans l’évolution collective, de commencer. par la seconde, dont les phénomènes, plus simples et plus indépendants, à raison de leur généralité supérieure, comportent seuls d’abord une appréciation vraiment positive, tandis que leurs lois, directement relatives à l’existence universelle, exercent ensuite une influence nécessaire sur l’existence spéciale des corps vivants. […] Cette déplorable fluctuation, très sensible encore envers la science des corps vivants, caractérise aujourd’hui ce que contiennent de réel, au fond, les longues controverses, d’ailleurs si vaines à tout autre égard, entre le matérialisme et le spiritualisme, représentant d’une manière provisoire, sous des formes également vicieuses, les besoins, également graves, quoique malheureusement opposés jusqu’ici, de la réalité et de la dignité de nos spéculations, quelconques.

1645. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Si ma bonne étoile ne me l’avait fait rencontrer vivant et pontifiant, il m’aurait fallu l’inventer. […] On voit pourquoi, aussi antisentimental qu’il pût être, et encore plus paraître, aussi hostile qu’il fût à toute mysticité, il était précieux de ne pas l’écarter de ce débat : il est en effet une preuve vivante de ce que l’intellect est impuissant à détruire, même quand on pense aboutir, comme dans le cas du didactisme et de la poésie, à son triomphe. […] — pour vivant ce qui est mort, ce qui n’a jamais vécu ; adorateurs éperdus dans un temple vide. […] Dans le concret, poésie, raison, sentibilité, etc., etc., tout cela ne fait qu’un seul être vivant : le poème.

1646. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Il ne faut pas oublier d’ailleurs que Venise, au milieu du xviiie  siècle était une ville extrêmement vivante, que ses palais étaient neufs ou nettoyés et ne menaçaient pas ruine, et qu’elle n’avait donc pas alors ce charme de l’agonie et de la déliquescence, sur lequel nous avons appris à nous exciter. […] Et ainsi de suite. — (Rousseau établit ici une distinction, sur laquelle il reviendra très souvent, entre l’égoïsme de l’homme sauvage et solitaire, égoïsme utile et inoffensif, et l’amour-propre des hommes vivant en société, et qui est funeste.) […] — Wolmar paraît bien n’avoir jamais pu exister : mais Claire est assez vivante ; Saint-Preux est un des premiers types du héros romantique, faible, inquiet, plein de désirs et d’impuissance ; et Julie, sermonneuse, mais charmante, offre l’exemple, assez rare dans les romans, d’un personnage qui évolue, puisque c’est une jeune fille passionnée et déraisonnable, lentement transformée par sa fonction d’épouse et de mère. […] Lorsque les théologiens parlent des suites du péché originel ; lorsque les moralistes parlent des instincts égoïstes et de l’animalité qui est en nous ; et lorsque les uns déclarent la nature mauvaise, et lorsque les autres la jugent fort mêlée, il est bien évident qu’ils ne parlent pas de l’homme préhistorique, vivant (si toutefois il y a jamais vécu) dans un état d’isolement dont nous ne savons rien, mais, de l’homme vivant avec ses semblables, car c’est là seulement que nous pouvons observer la « nature ». […] Il est bien encore de croire que faire un homme, ce n’est pas fabriquer une machine, mais développer un être vivant.

1647. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

On les trouve toutes les deux dans le roman de Balzac, Les Chouans, déjà, l’un de ses premiers romans, mais surtout Une ténébreuse affaire, Un ménage de garçon, César Birotteau, La Cousine Bette sont quelques-unes des plus vivantes images qu’il y ait de l’époque révolutionnaire, de l’Empire, de la Restauration, du gouvernement de juillet. […] N’est-ce pas dommage, après cela, que le naturaliste qu’il avait été dans sa jeunesse ait trop souvent contrarié le moraliste ou le moralisateur qu’il a fait vœu d’être ; que son style, toujours vivant, mais brutal et banal à la fois, se sente jusqu’à son dernier jour des lieux ou des milieux qu’il avait autrefois fréquentés ; et que ses honnêtes femmes, et surtout ses raisonneurs, — qui les uns et les autres concluent mieux qu’ils ne raisonnent, — semblent prendre un plaisir inconscient et paradoxal à célébrer les « espérances de l’âme » dans le langage assez cru de sa Suzanne d’Ange ou de son Albertine de la Borde ? […]   C’est ce que j’essaierais de montrer, si je le pouvais ; je veux dire si, dans ce Manuel de l’histoire de la littérature française, je n’avais dû m’imposer la loi de n’apprécier personne de vivant. […] 3º Les Œuvres. — Chateaubriand ayant surveillé de son vivant la publication de ses Œuvres complètes, en 36 volumes, Paris, 1836-1839, Pourrat, — nous pourrions nous borner à relever le contenu de ces 36 volumes, si la distribution des matières n’y était vraiment trop arbitraire, et la chronologie trop peu respectée. […] 1º Ce sont, en premier lieu, des documents historiques ; — et, à ce propos, de l’admiration de Balzac pour Walter Scott [Cf. l’Avant-Propos de La Comédie humaine ; et la lettre du 20 janvier 1838, à Madame Hanska]. — C’est que les romans de l’auteur de Quentin Durward et d’Ivanhoé sont effectivement de vivantes résurrections du passé [Cf. 

1648. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

En un mot, ces grands individus me paraissent tenir au génie même de la poétique humanité, et en être la tradition vivante perpétuée, la personnification irrécusable. […] Laissons-nous aller de bonne foi aux choses qui nous prennent par les entrailles, et ne cherchons point de raisonnements pour nous empêcher d’avoir du plaisir. » Pour en finir avec cette négligence de littérateur que nous démontrons chez Molière, et qui contraste si fort avec son ardente prodigalité comme poëte et son zèle minutieux comme acteur et directeur, ajoutons qu’aucune édition complète de ses œuvres ne parut de son vivant ; ce fut La Grange, son camarade de troupe, qui recueillit et publia le tout en 1682, neuf ans après sa mort. […] Qu’une telle nature de poëte lyrique veuille créer des personnages vivants, un monde d’ambitieux, d’amants, de pères, etc. ; il arrivera que n’ayant pas en soi la mesure juste, la moyenne, en quelque sorte, de l’âme humaine, le poëte se méprendra sur toutes les proportions des caractères, et ne parviendra pas à les poser dans un rapport naturel de terreur et de pitié avec les impressions de tous.

1649. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Depuis que la mort de cet homme amusant faillit tuer leur journal, ce corps d’anciens critiques a été soutenu par le talent vivant de M.  […] Pédant assez mince de son vivant, car il ne savait pas le grec et peu le latin, et dans la littérature française ne se doutait pas de ce qui a précédé Boileau, il est devenu un père de l’église classique, voici comment. […] Je voudrais foudroyer les intolérants classiques ou romantiques, donner les principales idées d’après lesquelles, dans mon nouveau Cours de Littérature en seize volumes, je jugerai les morts et les vivants, etc.

1650. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Il est question de l’amusant « Dialogue des Vivants » entre Sarah Bernhardt et Renan, du distingué morceau sur le monde, par Hervieu, du philosophique morceau de Geffroy, intitulé : Les Deux Calendriers, etc., etc. […] À l’appui de cette thèse, quelqu’un contait, qu’il avait connu une distinguée et charmante fille, qui embarquée dans une troupe de tableaux vivants, devant donner des représentations à la Nouvelle-Orléans, avait fait naufrage, et était restée dix-huit jours sur un radeau. […] Il a fait vivant, ce rôle de la grande Adèle, par un tas d’attitudes de fille à soldat, par un monde de détails caractéristiques, que donne la fréquentation des pioupious.

1651. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

J’y allai, me retournant à la moitié des marches, pour jeter d’en haut un coup d’œil sur la salle d’en bas, où toutes les figurations de vivants sont représentées par l’art de ce temps, déjà dans la raideur et l’ankylose de la mort, de cette mort aimée, choyée, parée, momifiée, sauvée si élégamment de la pourriture et du ver, — et que dans cette salle, surmontent à droite et à gauche, dans leur étrangeté mystérieuse, les têtes de ces grandes déesses léontocéphales. […] Et copiant ce papyrus, j’avais comme le sentiment de m’être endormi dans l’escalier, de m’être assoupi dans un endroit public, et de faire un rêve, où la galopade de deux gamins en gros souliers, descendant les marches à cloche-pied, ou la bruyance simiesque d’une jeune négresse en joie, ou la dissertation, pleine de consonnes, d’archéologues tudesques, ou le regard par-dessus mon épaule d’un Égyptien d’aujourd’hui, coiffé du fez classique, ou l’opoponax odorant d’une cocotte, me frôlant de l’envolée du voile de son chapeau, ou enfin les bruits, les parfums, le contact des gens : toutes les émanations modernes de la vie vivante traversaient légèrement mon rêve dans le vieux passé, sans interrompre mon ensommeillement. […] Seulement les Égyptiens croyaient, professaient, que ce qu’il y avait d’immortellement vivant, dans le corps d’une femme ou d’un homme décédé, entrait dans un être naissant, et que lorsqu’il avait parcouru tous les animaux de la terre, de la mer, de l’air — ce qui durait 3 000 ans, — ce germe immortel rentrait dans un corps humain.

1652. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Que l’Aurore ne brille jamais à mes yeux et que tu ne me revoies plus existante parmi les vivants, si je préfère quelque chose à toi, ma sœur, ou à tes enfants qui sont comme mes frères, mes défenseurs naturels et du même âge que moi ! […] Elle se ressouvint de tout ce qu’il y a d’agréable parmi les vivants ; elle se souvint de ses compagnes du même âge qui faisaient sa joie, comme une jeune fille qu’elle était ; et le soleil lui parut plus doux à regarder qu’auparavant, à mesure en effet qu’elle se reprenait en idée à chaque chose.

1653. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

. — Analogie des autres corps vivants et du nôtre. — Cette analogie nous suggère par association l’idée d’un esprit semblable au nôtre. — Vérifications diverses, nombreuses et constantes de cette induction spontanée. […] Quand nous concevons tel homme vivant, Pierre, Paul, ou nous-mêmes, quelle idée y a-t-il en nous, et de quels éléments se compose cette idée ?

1654. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Si, de la matière organisée et vivante, nous arrivons à la matière minérale et brute, puis à la matière mécanique, nous voyons le groupe des caractères communs aux divers corps, d’une part, se réduire jusqu’à ne plus consister qu’en une ou deux qualités presque absolument simples, d’autre part, s’appliquer jusqu’à comprendre tous les corps imaginables et réels. — Ainsi les caractères généraux s’ordonnent par étages, les uns au-dessus des autres, et, à mesure qu’on trouve leur présence plus universelle, on trouve leur contenu moindre. […] D’autres caractères ou groupes de caractères, encore plus généraux, se rencontrent, sous le nom de propriétés chimiques et physiques des corps, non seulement dans le monde vivant, mais aussi dans le monde inorganique.

1655. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Le ministre anglais, qui tient dans sa main les brandons vivants de la guerre civile et des complots extrêmes dans le Vendéen Georges Cadoudal, dans Pichegru, et dans un certain nombre de jeunes émigrés impatients de remuer leur patrie, fût-ce avec la lame de leurs poignards, lance en France ces conjurés du désespoir. […] XXIII Le vingt et unième livre est une accumulation d’intérêt historique pressé dans l’espace d’une demi-année par les événements comme sous la plume de l’écrivain : création du royaume d’Italie, second couronnement à Milan ; coalition européenne contre l’ambition du nouveau César ; négociation entre la Russie, l’Angleterre et l’Autriche ; anxiété de Napoléon attendant en vain la concentration de ses flottes sous l’amiral Villeneuve ; sa fureur quand il voit tous ses plans déjoués par Villeneuve, qui a fait voile pour Cadix au lieu de se diriger sur la Manche ; le renversement subit de toutes les pensées et de tous les efforts de volonté de Napoléon, au moment de l’exécution si longtemps et si laborieusement préparée ; l’improvisation non moins subite de son plan d’invasion en Allemagne ; la marche de son armée en six colonnes, des bords de l’Océan aux sources du Danube, marche sans parallèle dans l’histoire par l’ordre, la précision, l’arrivée au but marqué à heure fixe ; l’investissement de l’armée autrichienne dans Ulm ; la reddition de toute l’armée du général Mack ; quatre-vingt mille ennemis anéantis en vingt jours ; pendant ce triomphe sur le continent, le plus grand revers maritime dont le monde moderne ait été témoin dans la bataille navale de Trafalgar ; toutes les pensées d’invasion de l’Angleterre par Napoléon englouties avec nos vaisseaux sous le canon de Nelson ; description vivante de ce combat naval ; mort de Nelson, qui paye de sa vie tant de gloire ; marche sur Vienne entre le Danube et les Alpes ; bataille d’Austerlitz livrée aux Russes ; aptitude unique de l’historien pour exposer homme à homme l’organisation des armées, et pour suivre pas à pas les plans et les marches d’une campagne ; feu de l’âme du général transvasé dans l’âme de l’écrivain ; scènes pittoresques du champ de bataille décrit sans autre éclat que la topographie exacte et que l’éclat sévère des armes sur la terre ou sur la neige des plaines ou des coteaux.

1656. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Ces modiques domaines, augmentés sans doute de quelques milliers de sesterces accumulés par son père et soustraits à la déprédation des triumvirs, étaient loin de suffire à un jeune homme de vingt-quatre ans qui ne voulait pas alors flatter les vainqueurs ; il restait fidèle à la république autant qu’on pouvait l’être en vivant sous la loi des héritiers de César ; il composait des satires mordantes dans lesquelles les vices et les ridicules des vainqueurs ou de leurs amis étaient livrés à la malignité du peuple romain. […] Virgile, fils d’un potier de Mantoue et né parmi les pasteurs et les laboureurs des collines du lac de Garde, composait des souvenirs de son enfance des tableaux vivants dans son âme, tableaux qui vivront autant que la nature ; sa supériorité didactique ne vient pas seulement du poète, elle vient du sujet.

1657. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Ils marchaient en silence sous ce fardeau sacré, et déjà les étoiles commençaient à pâlir dans le ciel, l’ombre à s’éclaircir sur la terre, quand ils rencontrent Zerbin, qui rentrait au camp des chrétiens après avoir employé le commencement de la nuit à la poursuite des Sarrasins… Cloridan, à l’aspect de Zerbin et de son groupe de guerriers, supplie Médor d’abandonner sa charge, lui représentant qu’il serait trop insensé de perdre deux vivants pour sauver un mort. […] Des scènes de bonheur sont les perspectives de la vie : vous en faites peindre sur les murs de vos villas et de vos palais ; ne craignez pas d’en peindre sur la toile vivante de l’imagination fraîche et chaste de la jeunesse.

1658. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Chasles, découvrit il y a quelques années cet homme des bois, Audubon, dans un salon de curiosités vivantes de Londres. […] Ils ne pouvaient s’associer à mes pensées, jouir de mon bonheur, ni savoir quelle volupté c’est pour moi d’observer de mes propres yeux les scènes vivantes de la nature.

1659. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Il passe de là à la contemplation de la fin de tout homme vivant : la mort ! […] Il y en a de deux espèces, me répondis-je bientôt : l’une morte et l’autre vivante ; l’une qui disserte et ne conclut pas, l’autre qui conclut sans disserter ; l’une qui dit oui et non, l’autre qui dit : Je n’en sais rien, mais je consulte mon cœur ignorant, et j’affirme sur la parole muette de ma conscience.

1660. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Le jour n’est pas loin où, avec un peu de franchise de part et d’autre et en levant les malentendus qui séparent les gens les mieux faits pour s’entendre, on reconnaîtra que le sens élevé des choses, la haute critique, le grand amour, l’art vraiment noble, le saint idéal de la morale ne sont possibles qu’à la condition de se poser dès le premier abord dans le divin, de déclarer tout ce qui est beau, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, également saint, également adorable ; de considérer tout ce qui est comme un seul ordre de choses, qui est la nature, comme la variété, l’efflorescence, la germination superficielle d’un fond identique et vivant. […] Il est temps que l’on s’accoutume à appeler sceptiques tous ceux qui ne croient point encore à la religion de l’esprit moderne et qui, s’attardant autour de systèmes usés, nient avec une haine aveugle les dogmes acquis du siècle vivant.

1661. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Par cela même, comme nous l’avons vu, toute sensation a nécessairement une intensité, car toute sensation est un effet produit sur l’appétit de l’être vivant, et cet effet, qui augmente ou diminue l’intensité de l’action interne, provoque une réaction plus ou moins intense ; nous ne pouvons donc pas, à propos de chaque sensation, manquer d’un sentiment quelconque d’intensité : passion plus ou moins intense et réaction plus ou moins intense. […] L’être vivant a donc, au fond de toutes ses perceptions, la perception essentielle de son organisme, et c’est sur ce fond de tableau sensitif, nullement intellectuel, que viendront se dessiner et se détacher les diverses sensations.

1662. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Mais le dieu de l’abîme, son époux, la rend chaque année pour un temps aux lamentations de sa mère ; elle y reparaît en été au temps des moissons, saison où les âmes des morts s’occupent particulièrement des vivants, en leur assurant le blé ou le riz, leur nourriture sur la terre. […] Cette poésie indienne est vivante ; dans ses veines circule une sève ardente et riche, le feu créateur : ainsi se répand dans les feuilles et dans les fleurs du palmier de ces climats ce suc vigoureux qui fait végéter l’arbre, renouvelle sa tige, et se transforme en liqueur enivrante.

1663. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Combien d’animaux n’engendrent jamais, quoique vivant longtemps sous une réclusion peu sévère et dans leur pays natal ! […] J’ai possédé moi-même des individus vivants de presque toutes les races, je les ai croisés, j’en ai examiné les squelettes, et je suis arrivé à des conclusions semblables dont j’exposerai les bases dans un prochain ouvrage.

1664. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Il les faisait, le cœur saignant, quitte à les faire payer plus tard aux hommes ou à la destinée, courbé dans ses intrigues de cour comme un géant enchaîné sous une porte basse, descendant aux plus vils procédés avec une nature héroïque, amant réel ou joué des reines qui l’avaient en mépris, pourvoyeur de favoris afin de tenir mieux contre les pourvoyeuses de maîtresses, vivant avec ce roi ennuyé qui le détestait, comme on vit en tête-à-tête avec un tigre, quand on n’a pas de pistolets, mais acceptant tout cela, et ces indignités, et ces ravalements, et ces abaissements, et ces étouffements pour le service de son idée et de la France, et pour donner à un pays qui s’en allait à l’anarchie par toutes ses pentes, la solidité d’un État ! […] Partout, à chaque page de son histoire, c’est le même langage, c’est la même idée fixe, car l’idée fixe, on peut la retrouver aussi bien dans l’ivresse que dans la folie, c’est la même peur du Dieu personnel et vivant du catholicisme, de ce splendide revenant qui hante la raison de l’historien malgré lui, et qui, aperçu incessamment à travers le pâle fantôme du dieu philosophique, réduit toujours le même visionnaire au même effort et à la même convulsion de raisonnement pour le repousser.

1665. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

On y aura un tableau vivant et animé, non des faits d’une nation policée, puissante, belliqueuse, qui se borne à former des politiques, des héros, des conquérants, mais des actions d’un peuple savant, qui tendent à former des sages, des doctes, de bons citoyens, de fidèles sujets.

1666. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Ici se termine à peu près le récit d’Arago ; les dix ou douze pages qui suivent sont peu intéressantes ; il s’y donne le plaisir trop facile de lancer un dernier trait contre quelque uns de ses confrères encore vivants.

1667. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Il voit la nature toute fleurie, toute vivante sous ses plus riants emblèmes ; il rejoint plus directement les objets de sa piété aux images de la nature physique, aux vendanges, au printemps.

1668. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Nous qui sommes aujourd’hui témoins de la parfaite concorde et de l’union toute fraternelle qui règne entre la faculté de médecine, fille régénérée de l’ancienne, et l’Académie de médecine, digne héritière et représentation vivante de l’ancienne Société royale, nous aurions peine à comprendre l’excès de vivacité, d’injures et de calomnies qui se dépensa dans cette querelle entre ceux qu’on appelait les facultaires et les sociétaires (1776-1779).

1669. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Accroissons le plus possible le nombre de ces livres naturels, où des esprits et des cœurs vivants se montrent avec sincérité et apportent une expérience de plus dans le trésor de l’observation humaine.

1670. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Après la mort de Louis XIV, Mme de Maintenon, retirée à Saint-Cyr, et vivant dans le passé, lisait le journal manuscrit de Dangeau, et elle en disait à Mme de Caylus : « Je lis avec plaisir le journal de M. de Dangeau : j’y apprends bien des choses dont j’ai été témoin, mais que j’ai oubliées. » Et un autre jour, après avoir marqué le désir d’en faire prendre des extraits sur ce qui la concerne : Remerciez bien M. de Dangeau de la permission qu’il me donnera sur ses mémoires ; ils sont si agréables que j’ai tout lu : vous entendez ce que cela veut dire (cela veut dire qu’il y a des choses qu’on passe de temps en temps).

1671. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Et puis toutes les langues vivantes qu’on sait désormais et qu’on mêle, les sciences avec l’industrie dont le vocabulaire déborde et nous inonde, tant de produits exotiques, l’esthétique, l’hégélianisme, l’humanitarisme, toutes ces mers à boire, tout ce qu’on prend chaque jour, sans s’en apercevoir, avec le feuilleton du matin !

1672. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Il y a d’ailleurs de jolis traits, et délicats, dans ses récits ; son portrait de Mme de Sévigné est des plus vivants et des mieux caressés dans sa méchanceté ; il s’y est surpassé vraiment, et s’est armé de toutes ses perfidies contre un tel modèle.

1673. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Vivre par la pensée dans d’autres temps et s’y oublier à volonté, tandis que l’on continue dans l’heure présente de jouir insensiblement et par tous les sens de l’air, de la lumière, de la pureté du ciel, de la limpidité des eaux, de la majesté des horizons, de tous les bienfaits naturels qui sont encore la plus vraie jouissance pour des êtres vivants, que faut-il de plus à l’homme qui est sorti de l’âge des passions et en qui elles n’ont point laissé la lie de leur philtre empoisonneur ?

1674. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Lorsqu’on lui érigea de son vivant cette statue à laquelle il consentit sans l’avoir désirée, et qu’il aurait souhaité qu’on ne fît placer qu’après sa mort : « J’ai toujours pensé, écrivait-il à son vieil ami le président de Ruffey, qu’un homme sage doit plus craindre l’envie que faire cas de la gloire, et tout cela s’est fait sans qu’on m’ait consulté. » Cette statue, notez-le bien, lui fut érigée en manière de consolation et de dédommagement honorifique par ceux qui lui avaient fait un tort réel en obtenant sous main la survivance de sa charge d’intendant du Jardin du roi.

1675. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Cet homme que j’ai tant lu et (je puis dire) tant connu autrefois à force de le lire, je viens de l’approcher de nouveau, je viens de l’entendre ; la Correspondance qu’on publie me l’a rendu au complet, vivant, parlant, dans ses jets et ses éclairs, dans ses éruptions et ses effusions de chaque jour, et je me suis senti de nouveau sous le charme, sous l’ascendant.

1676. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Je le suppose sur le trône et vivant son cours de nature : vingt ans s’écoulent ; la génération dont est Diderot s’élève et grandit, et l’on est en présence de cette armée de jeunes savants désœuvrés et travailleurs, qui, à chaque recommandation, à chaque sommation de se disperser et de se ranger, répondent et s’écrient par la bouche ardente de leur chef : « Je ne veux rien être dans la société ; je ne veux être ni homme en place, ni médecin, ni homme de loi… je ne veux être que le serviteur et l’artisan de l’intelligence humaine ! 

1677. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Vous savez aussi bien que moi ces beaux vers : Felix qui potuit rerum cognoscere causas… Fortunatus et ille deos qui novit agrestes…, ce qu’un de mes amis et qui l’est aussi des Littré, des Renan, et même de Proudhon, je crois, s’est amusé à paraphraser ainsi, à votre intention et presque à votre usage ; et c’est à peu près de la sorte, j’imagine, du moins pour le sens, qu’un Virgile, ou un parfait Virgilien par l’esprit, s’il était venu de nos jours, aurait parlé : « Heureux le sage et le savant qui, vivant au sein de la nature, la comprend et l’embrasse dans son ensemble, dans son universalité ; qui se pose sans s’effrayer toutes ces questions, terribles seulement pour le vulgaire, de fin et de commencement, de destruction et de naissance, de mort et de vie ; qui sait les considérer en face, ces questions à jamais pendantes, sans les résoudre au sens étroit et en se contentant d’observer ; auquel il suffit, dans sa sérénité, de s’être dit une fois que “le mouvement plus que perpétuel de la nature, aidé de la perpétuité du temps, produit, amène à la longue tous les événements, toutes les combinaisons possibles ; que tout finalement s’opère, parce que, dans un temps suffisant et ici ou là, tout à la fin se rencontre, et que, dans la libre étendue des espaces et dans l’infinie succession des mouvements, toute matière est remuée, toute forme donnée, toute figure imprimée40” ; heureux le sage qui, curieux et calme, sans espérance ni crainte, en présence de cette scène immense et toujours nouvelle, observe, étudie et jouit !

1678. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Mais qu’âgé de cinquante ans environ, devant ces mêmes personnes vivantes, lui qui peut les rencontrer nez à nez à chaque instant, il vienne nous raconter des entretiens plus ou moins intimes, et non agréables pour tout le monde, qui auraient eu lieu à table entre deux ou plusieurs convives ; que, sous prétexte de débiter ses mécomptes, il se donne les airs de supériorité ; qu’il nous exhibe le menu de la carte, additionne les petits verres de curaçao qu’on a bus et qu’il a payés, n’oublie jamais de rappeler qu’il est gentilhomme et propriétaire, qu’il a eu affaire à des confrères besoigneux ; mais tout cela est d’un goût détestable, d’un fonds illibéral et presque vulgaire, que tout l’esprit de malice dans le détail et un vernis extérieur d’élégance ne sauraient racheter !

1679. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Les personnages mis en scène sont si bien venus et si vivants, ils sont nés sous une si heureuse étoile, ils sont d’une physionomie si originale et ont un caractère si marqué (y compris leurs deux montures, inséparables des deux maîtres), qu’on s’attache et qu’on s’affectionne à eux tout d’abord, indépendamment de la moralité finale que l’auteur prétend tirer de leurs actions.

1680. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Et reprenant de nouveau l’histoire de la Création et des époques primitives, tous ces récits dont Moïse est censé avoir recueilli les traditions, Bossuet nous montre le grand Ouvrier à l’œuvre, tantôt bienfaisant et clément, tantôt terrible et jaloux, toujours efficace, présent, vigilant, vivant : on n’en saurait prendre nulle part une idée plus forte, celle d’un Dieu qui tient le monde à chaque instant dans sa main, qui ne lui laisse pas le temps de s’engourdir, qui est toujours prêt à recommencer la création, à la retoucher, à secouer son monde.

1681. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Sa santé altérée et sa fin prochaine l’empêchèrent d’exécuter ce beau dessein ; mais il laissa à son fils des notes nombreuses, des souvenirs vivants, l’esprit même de la tradition.

1682. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Les diverses cours féodales grandes ou petites, l’importance prise par les villes, ont peu à peu centralisé ces divers patois, les ont fait passer à l’état de langue : mais cela n’empêche pas qu’il ne soit resté des traces de diversité presque à l’infini dans les montagnes, dans les campagnes ; les rudes vestiges sont encore vivants ; il y a des patois locaux qui sont restés à peu près ce qu’ils étaient à l’origine, qui ne sont jamais devenus des langues ; ces patois restés paysans n’ont pas éprouvé de malheurs, si vous le voulez, mais aussi ils n’ont pas eu de bonheur, ni de chance, comme on dit.

1683. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Pardonnez tout ce détail, monsieur, à un ami qui s’étend volontiers sur tout ce qui regarde un tel ami, dont ces restes vivants lui sont précieux. » Tel est notre tribut particulier d’informations, notre complément scrupuleux, minutieux, mais qui n’est certes pas sans prix sur les cinq derniers mois de la vie de Racine.

1684. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

   Marqué de sa terrible empreinte, Les vivants me verront comme un objet de deuil, Vain reste du trépas, tel qu’une lampe éteinte    Qui fume encor près d’un cercueil.

1685. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Cette première fois le jeune enfant l’obtint ; il vit son père tiré vivant du sein du massacre et ramené à l’hôtel Molé aux applaudissements du même peuple mobile qui, la veille, l’aurait insulté, et qui le lendemain le verra mourir.

1686. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Il y a une piquante épigramme de Martial où ce qu’il dit de ses Épigrammes mêmes peut s’appliquer aux élégies, à toute cette poésie vivante et vraie : « Tu crois, dit-il à un de ces estimables conseillers, que mes épigrammes n’ont rien de sérieux ; mais c’est le contraire ; celui-là véritablement n’est pas sérieux qui nous vient chanter pour la centième fois avec emphase le festin de Térée ou de Thyeste… C’est pourtant là ce qu’on loue, ce qu’on estime, me diras-tu, ce qu’on honore sur parole. — Oui, on le loue, mais moi, on me lit. » Nescis, crede mihi, quid sint epigrammata, Flacce, etc.

1687. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

La trame de faits qui constitue notre être est un district distinct dans l’ensemble des fonctions dites nerveuses, et cet ensemble lui-même est une province distincte dans l’animal vivant pris tout entier.

1688. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

La jeune veuve de ce mari vivant vécut ainsi plusieurs années chez sa mère.

1689. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Elle retombe après lui, dès son vivant, et ce sont les plus hautes parties, les plus utiles, qui devront être relevées et consolidées par Malherbe.

1690. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Les œuvres de Du Vair sont à cet égard significatives : après les sept discours du temps de la Ligue, d’une éloquence simple et vivante, elles n’enregistrent soudain, à partir de l’entrée du roi à Paris, que des harangues de cérémonie, des discours d’ouverture au Parlement de Provence ou aux Grands Jours de Marseille ; la royauté absolue a tué l’orateur qui était en Du Vair ; il ne reste qu’un magistrat ponctuel, grave et un peu pédant.

1691. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Mais il n’y a en somme qu’une œuvre de Marmontel qui appartienne aujourd’hui à ce que j’appellerais la littérature vivante : ce sont ces Mémoires si naïfs, où il nous décrit sa carrière de beau gars limousin lancé à travers la plus libre société qui fût jamais, où il promène avec un si parfait contentement de soi-même sa robuste médiocrité parmi les cercles les plus distingués de ce siècle intelligent : corps, esprit, moralité, tout est solide, massif, insuffisamment raffiné chez ce paysan parvenu de la littérature.

1692. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Caractère et esprit de Mme de Staël Mme de Staël636 appartient au xviiie  siècle, elle est le xviiie  siècle vivant, le xviiie  siècle tout entier : car les courants les plus traitres se rassemblent en elle sans s’affaiblir.

1693. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

III Rien de plus vivant que cette critique.

1694. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Les changements que fit La Rochefoucauld dans les cinq éditions des Maximes publiées de son vivant, sont comme la sanction de ce qu’il en a conservé.

1695. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Elle n’a point le sentiment de ce qui est primitif, de cette époque lointaine ou les sens et l’imagination prédominaient, et ou l’âme ne saisissait que les choses vivantes et concrètes29.

1696. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Après sa mort, et peut-être de son vivant, son portrait ornait la chambre de la fondatrice ; elle lisait et relisait ses billets dont elle faisait des recueils, et qu’elle gardait précieusement.

1697. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

un Homère avant tout, le père du monde classique, mais qui lui-même est encore moins certainement un individu simple et bien distinct que l’expression vaste et vivante d’une époque tout entière et d’une civilisation à demi barbare.

1698. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

C’est ce dernier Ducis qui nous intéresse avant tout, qui reste pour nous présent et vivant, et qui peut servir aujourd’hui à nous faire apprécier quelque chose de l’autre.

1699. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Il n’a pas assez d’imagination pour revenir, par une évocation heureuse, à la vérité historique vivante.

1700. (1903) Zola pp. 3-31

Comme chez les romantiques et comme chez Victor Hugo en particulier, les hommes étaient peu vivants et les choses, en revanche, prenaient une âme, devenaient des êtres mythologiques et monstrueux, que ce fût le parc du Paradou, l’alambic de l’Assommoir, l’escalier et la cour intérieure de Pot-Bouille, le grand magasin du Bonheur des Dames, le puits de mine de Germinal, la locomotive de la Bête humaine.

1701. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

De grâce, qu’on cesse de ne chercher dans le culte des morts qu’une occasion d’insulte pour les vivants, et de faire de la littérature une veuve inconsolable qui n’a plus qu’à geindre et à se lamenter dans le cimetière du passé.

1702. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Une des choses qui distinguent une pièce bien faite d’une pièce mal faite, une pièce vivante d’une pièce sans vie, c’est que la première, on la voit, et que la seconde, on ne la voit pas.

1703. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Je conçois très bien que toute cette littérature cadavérique, qui n’est pas une ironie, donne au cadavre vivant de tel vieux critique la peur désagréable d’être tout à fait un cadavre demain, et que cela influe légèrement sur son impartialité.

1704. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Rien enfin de tous ces affreux lieux communs qui traînent leurs haillons dans tous les livres de ces derniers vingt ans du xixe  siècle, rien de tout cela, mais une femme vraie et vivante, une femme prise au tas de la société dans laquelle nous avons le bonheur de vivre !

1705. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

C’est un Père de l’Église, très-connu et très-antique, élevé par la renommée et par le temps au-dessus de l’amour et de la haine ; et la postérité peut commencer pour lui de son vivant.

1706. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Ce problème, aujourd’hui glacé et comme pétrifié sous le latin de Boèce, avait été vivant jadis dans un autre monde.

1707. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Un autre temps et un autre génie devaient donner à l’Angleterre l’idée, ou du moins la forme artificielle, mais vivante encore, de l’enthousiasme lyrique.

1708. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Qu’on se représente Molière vivant, admis au milieu des cercles de la ville et entrant parmi les courtisans du roi : sa pénétration connue devait tenir en échec les petits et les grands. […] Qu’est-ce que Panurge, expert en tous cas, savant en toutes langues mortes et vivantes, ayant dents aiguës, ventre vide, gorge sèche, appétit strident, salmigondinant les prieurés et les bénéfices, mangeant son blé en herbe, et ne faisant que trois pas et un saut, du lit à la table ? […] Là, de risibles combats entre les oiseaux qui figurent les Spartiates sobres, vivant de peu, et dormant sans peur des intempéries, et entre les hommes figurant notre peuple qui a toutes les passions et toutes les manies de l’espèce humaine. […] Pourquoi le goût de Boileau met-il en question cette supériorité de Molière, et le traite-t-il moins bien de son vivant qu’il n’a fait après sa mort dans une belle épître à Racine ? […] L’un de nos auteurs vivants, dont on a justement loué la verve facile, le naturel et l’enjouement, en comparant ses pièces aux pièces les plus agréables du spirituel Dancourt, M. 

1709. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Le comte de Maistre profite de l’expérience qui vient d’être faite pour développer, sous toutes les formes, cette pensée que les constitutions de main d’homme ne constituent rien, et que c’est une prétention inacceptable que de vouloir renfermer des sociétés vivantes dans une formule arbitraire, dont le moule idéal n’existe que dans l’esprit des constituants. […] Il y a donc un grave danger à vouloir rédiger des idées a priori en constitution, et les philosophes sont plus impropres que d’autres à cette besogne, parce qu’ils ont des idées systématiques et une espèce d’idéalisme politique auquel ils veulent plier les réalités vivantes. […] On ne gouverne point avec des abstractions, mais avec les réalités vivantes. […] Je vois cette fille orpheline d’un père vivant. […] Ajoutez à cela qu’il y avait de secrètes et touchantes harmonies entre ce roi vieilli et valétudinaire qui revenait des terres de l’exil conduit par cette princesse de tant de vertus et de tant de souffrances, la seule de la famille de Louis XVI que le Temple eût rendue vivante, et cette nation épuisée et haletante qui avait besoin d’un régime doux et réparateur.

1710. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Dans cette maison, où nous avons été toujours deux, par moments, je me surprends à penser à lui, ainsi que s’il était vivant, ou du moins j’oublie qu’il est mort ; et il y a certains coups de sonnette, qui me remuent sur ma chaise, comme si la sonnette était agitée par les retours hâtés de Jules, jetant, dès la porte, à la domestique : « Où est Edmond ?  […] À Paris, dans toutes les rues et les boulevards nouveaux de la Chaussée-d’Antin, les trottoirs ne se voient plus, sous les masses grises de vivants qui les recouvrent : une première ligne de mobiles, en blouse blanche, assis les pieds dans le ruisseau, une seconde ligne adossée ou couchée contre les maisons. […] Dans les ruelles latérales, désertes et inanimées, les pigeons piétinent le pavé, sur lequel aucun vivant ne les dérange. […] Mercredi 12 octobre Par ces jours tragiques, en l’élévation du pouls et la griserie de tête, qu’amène le bruit grondant de la bataille continue, qui vous entoure de tous côtés, on a besoin de sortir de son être réel, de dépouiller l’individu inutile qu’on se sent, de mettre sa vie éveillée dans un rêve, de s’inventer chef de partisans, surprenant des convois, décimant l’ennemi, débloquant Paris, — vivant ainsi de longs moments, transporté dans une existence imaginative par une sorte d’hallucination du cerveau. […] Je passe entre des coins de champs bouleversés, des clôtures arrachées, des abatis de grands arbres, des amoncellements de pierres, entre des maisons sans portes ni fenêtres, où s’accroche encore le squelette d’un arbuste, à demi déraciné, entre les murs de rues entières, sans une lumière, sans un passant, sans un vivant.

1711. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Ensuite et surtout il faut observer que si, au xviiie siècle, féodalité et pouvoir ecclésiastique sont encore assez vivants pour qu’on les attaque, ont encore assez de poison pour qu’on les veuille tuer, la pire erreur serait, au xixe  siècle, de rester dans le même esprit et de continuer à se battre contre des forteresses qui ne sont plus que des ombres de moulins à vent. — Et c’est pourtant ce qu’on fait autour de nous. […] Les deux ou trois marchands de Paris peuvent donner à meilleur marché le drap, qui, du producteur au consommateur, n’aura pas passé par vingt intermédiaires vivant de son passage entre leurs mains. […] Lamennais est croyant comme il est vivant et veut croire comme il veut vivre, et même beaucoup plus. […] Chrétien individualiste, chrétien libre, fils de protestante du reste, et ayant beaucoup vécu, vivant encore de la vie morale de sa mère, il ne pouvait devenir que protestant. […] Cette puissance de locomotion à travers les époques, voilà un trait qui n’appartient qu’à lui et le sépare profondément de la nature vivante. » — Assurément ; mais dès lors quoi donc ?

1712. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Quant à M. de Vigny, dès cette époque et depuis, il ne me parut plus le même que ce poète que nous avions connu dans les dernières années de la Restauration, homme du monde, aimable, élevé, solitaire, vivant en dehors des petites passions du jour, et s’envolant à certaines heures dans sa voie lactée : le militaire et le gentilhomme avaient fait place à l’homme de lettres solennel qui se croyait investi à demeure d’un ministère sacré ; il avait en lui, je le répète, du pontife. […] Il se sent même, dans ce dernier, un feu et un mordant qui le rend bien autrement vivant que les deux autres.

1713. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Byron, tant discuté, tant attaqué et noirci de son vivant, et en réalité le plus grand des génies lyriques, reçut à Ravenne, en 1821, une de ces lettres de déclaration vraie et simple, qui le vengeait de tant d’ineptes insultes. […] Quelle démonstration plus vivante que ce genre de dévouement, d’amitié sûre et de confiance absolue qu’un écrivain et un poète sait inspirer à des cœurs lointains, à des êtres qu’il n’a jamais même entrevus et qui lui demeurent attachés jusqu’à la mort !

1714. (1929) Dialogues critiques

C’est plus vivant, plus imprévu. […] Pierre Grâce au ciel, Valéry est bien vivant… M. 

1715. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Les caractères spéciaux de chaque grand poète et de chaque grand théâtre, voilà la seule chose intéressante, vivante, réelle dans les études de la critique303 ; quant aux caractères généraux qui peuvent être communs à tous les théâtres et à tous les poètes, les prendre pour le grand objet de la critique littéraire, c’est, sous une apparence de profondeur philosophique, s’attacher à ce qui est insignifiant, vide et superficiel ; c’est poursuivre l’ombre pour le corps. […] Elle ne s’efforce pas de devenir un je ne sais quoi d’abstrait pensant et raisonnant, en qui l’esprit aurait consumé le cœur, et qui impassible et féroce devant les merveilles du génie de l’homme, au lieu de sentir comme une personne vivante, fonctionnerait comme une machine dialectique.

1716. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Ce que l’observation démêle au fond de l’être vivant en physiologie, ce sont des cellules de diverses sortes, capables de développement spontané, et modifiées dans la direction de leur développement par le concours ou l’antagonisme de leurs voisines. […] De même que le corps vivant est un polypier de cellules mutuellement dépendantes, de même l’esprit agissant est un polypier d’images mutuellement dépendantes, et l’unité, dans l’un comme dans l’autre, n’est qu’une harmonie et un effet.

1717. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

L’homme primitif, l’Aryen, le Grec, imprégnait de son âme les sources, les fleuves, les montagnes, les nuées, l’air, tous les aspects du ciel et du jour ; il voyait dans les êtres inanimés des vivants semblables à lui-même. […] Les astronomes et les physiciens déclarent que les êtres vivants, et, à plus forte raison, les êtres sentants, sont d’origine récente sur notre terre et en général dans notre système solaire. — Par conséquent, si la théorie de Bain et de Stuart Mill est vraie, avant l’apparition des êtres sentants, rien n’existait ; il n’y avait aucune chose réelle ou actuelle, mais seulement des possibilités de sensations, attendant pour se convertir en sensations l’apparition des êtres sentants.

1718. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Jamais, depuis Salvator Rosa, le peintre des brigands, brigand lui-même, on ne fit poser la nature vivante dans un si sauvage et si tragique atelier. […] Gérard parle une langue morte, Robert parle une langue vivante et vulgaire.

1719. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

III La description vivante que Schwab et M.  […] « Toi, mon seigneur vivant !

1720. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Ce n’était pas un homme de l’espèce de votre curé de Meudon : c’était un homme de bonne compagnie, d’une éducation achevée, d’une figure aussi belle et aussi noble que son génie ; vivant le matin dans sa bibliothèque, rêvant le jour dans les bois et dans les jardins des environs de Ferrare, récitant le soir aux dames et aux courtisans d’une cour oisive et élégante les charmantes badineries de sa plume, et nourrissant comme une foi terrestre, dans son cœur, un amour délicat et respectueux pour sa charmante veuve de Florence ; culte intime qui l’aurait empêché jamais de profaner dans la femme l’idole féminine dont il était l’adorateur. — Et pourquoi ne l’épousa-t-il pas ? […] comment êtes-vous resté vivant et immortel, et comme adhérent à ces vieilles pages jaunies, où je vous retrouve comme une fleur entre deux feuillets ?

1721. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Ayez une colombe, et n’importe laquelle, En vivant avec elle, en jouant avec elle,         Avec elle on devient oiseau. […] … Ce sont des solitaires de la littérature, des ermites du génie, des cénobites de la poésie ; vivant sur les hauteurs, et ne fréquentant que les sommets où ils conversent à voix basse et à cœur ouvert avec les esprits intimes de la terre.

1722. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Le père et les enfants, à chaque anniversaire du mariage ou de la mort, ornaient ce cadre unique, et pour ainsi dire vivant, de branches de myrte, d’immortelles, et de quelques grappes de houx tressées en couronnes. […] « C’est aussi de toute saison les insectes qui nous dévorent morts et vivants.

1723. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Les vivants sont animés par les morts. […] Louis Mandin Accueillons tout ce qu’il y a de bon et de vraiment vivant dans notre littérature, pour former la complexité de notre âme moderne !

1724. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Et que pouvaient savoir de l’homme vivant et sentant ces durs personnages en robe longue des parlements, de Port-Royal, de l’Oratoire, coupant l’homme en deux parties, le corps, l’âme, sans lieu ni passage entre les deux, se défendant par là d’étudier la vie dans sa parfaite naïveté 126 ? […] La vraie mythologie des modernes serait le christianisme dont les monuments sont encore vivants parmi nous.

1725. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Enfin le souvenir pur, indépendant sans doute en droit, ne se manifeste normalement que dans l’image colorée et vivante qui le révèle. […] L’erreur constante de l’associationnisme est de substituer à cette continuité de devenir, qui est la réalité vivante, une multiplicité discontinue d’éléments inertes et juxtaposés.

1726. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Avoir vu un grand homme régnant ou administrant, rien n’est tel pour l’historien que ce genre de démonstration vivante, même lorsque ensuite on passerait aux idées d’indépendance et de liberté.

1727. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Ce naturel, il l’avait de son vivant dans sa personne : aujourd’hui il ne semble pas toujours l’avoir dans son style qui n’est que de la conversation écrite, ni dans ses lettres même ou dans les mots qu’on cite de lui, dans ce qui ne vit plus.

1728. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Charles IX, âgé de douze ans, et ensuite de dix-huit à vingt, y est vivant et pris sur nature.

1729. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Les Sermons de Massillon n’étant pas imprimés de son vivant, il semble qu’il y ait ici un anachronisme : mais il se pouvait qu’il y eût quelques copies en circulation parmi les écoliers de Clermont, ou qu’une édition incomplète leur eût passé par les mains.

1730. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

On aurait ainsi, non pas précisément un document historique ajouté à tant d’autres, mais une grande chronique de mœurs, un ardent commérage de société par celle qu’on peut appeler le Gui Patin ou le Tallemant des Réaux de la fin du xviie  siècle et des premières années du xviiie  ; on aurait un livre vivant, spirituel et brutal, qui ferait pendant et vis-à-vis à Saint-Simon sur plus d’un point.

1731. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

D’ailleurs, nous n’avons pas toujours été riches, nous finirons comme nous avons commencé, en vivant de notre travail… » Quelques années après, ayant à parler, lors de la réception de M. 

1732. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Méconnaissant dans Homère, ou plutôt n’estimant point cette langue si abondante et si riche, qui est comme voisine de l’invention et encore toute vivante de la sensation même, il préférait nettement la nôtre : « J’oserai le dire à l’avantage de notre langue, je la regarde comme un tamis merveilleux qui laisse passer tout ce que les anciens ont de bon, et qui arrête tout ce qu’ils ont de mauvais. » Enfin, s’emparant d’un mot de Caton l’Ancien pour le compléter et le perfectionner à notre usage, il concluait en ces termes : Caton le Censeur connaissait parfaitement l’esprit général des Grecs, et combien ils donnaient au son des mots, lorsqu’il disait que la parole sortait aux Grecs des lèvres, et aux Romains du cœur ; à quoi j’ajouterais, pour achever le parallèle, qu’aux vrais modernes elle sort du fond de l’esprit et de la raison.

1733. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

S’il avait vécu à Paris, sa plume élégante et qui cherchait des sujets où s’employer, eût peut-être aspiré à l’histoire, l’histoire écrite en beau style et traitée comme on l’entendait alors : « Je me serais hasardé à composer une histoire de quelqu’un de nos rois. » Mais vivant en province, loin des secours et des riches dépôts, il finit par s’accommoder très bien de cet obstacle à un plus grand travail, et sauf quelques heures d’étude facile dans le cabinet, il passa une bonne partie de sa vie à l’ombre dans son jardin, au jeu, aux agréables propos et en légères collations.

1734. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Arrivé à ce terme de la discussion, il s’exécute, et convient à peu près qu’il n’a voulu faire qu’un agréable et assez instructif roman : Je me vois, monsieur, dit-il agréablement à Voltaire qui est censé toujours vivant, je me vois réduit à l’embarras des auteurs de romans qui, après avoir conduit leur prince ou leur héros jusqu’au dernier volume, ne savent plus comment s’en défaire, et finissent par le faire assassiner.

1735. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Et ce n’est que le centre et le pivot de la description ; il faut en suivre le détail et les circonstances chez l’auteur, sans oublier cette belle page sur l’absence totale de vie, sur la fuite ou l’anéantissement de tous êtres vivants dans ces mortelles solitudes dès cette époque de la saison : deux papillons seuls, non pas même des papillons de montagnes (ils sont trop avisés pour cela), mais de ceux des plaines, le Souci et le petit Nacré, aventuriers égarés on ne sait comment, avaient précédé les voyageurs jusqu’en ce vaste tombeau, « et l’un d’eux voletait encore autour de son compagnon naufragé dans le lac ».

1736. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Il était fils d’un minisire de Marans, qui est encore vivant ; il est de la religion de son père, (et) qui médite antre chose.

1737. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Vivant et régnant, il était apprécié à son prix, et dans toute l’étendue de ses qualités de souverain et de sauveur par tous les hommes patriotiques et sages.

1738. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Pourquoi traduire partout en un calcul sec et ne présenter qu’après dépouillement et analyse ce qui est souvent le fruit vivant, et non cueilli encore, de l’organisation humaine, variée à l’infini et portant ses rameaux jusque vers les cieux ?

1739. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Bossuet en particulier, qui aimait Santeul et qui avait raison de l’aimer (car celui-ci a tracé du grand évêque, en beaux vers, un portrait des plus vivants), Bossuet faisait le fâché ou l’était un peu, tandis que d’autres, l’abbé de Fénelon, l’abbé Fleury, Nicole, après avoir lu la pièce en question, se montraient plus indulgents.

1740. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Il s’est éloigné d’eux tant qu’il a pu, « prenant style à part, sens à part, œuvre à part. » Une louange donnée pour la forme à Marot mort, à Héroet, à Scève et à Mellin de Saint-Gelais vivants, ne contredit pas cette prétention qu’il a de marcher le seul et le premier par un sentier inconnu.

1741. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Il ne publia rien de son vivant ; il ne disposa rien pour l’avenir ; heureux de jouir à l’instant même, il mit une négligence de galant homme à assurer le sort futur de ses œuvres, et il sembla ne viser qu’à une gloire, à faire que ceux qui l’avaient connu et goûté dissent après lui : « Il n’y a eu, il n’y aura jamais qu’un Voiture. » La livrée qu’avait l’esprit en son temps, il la prit, il la donna aux autres en renchérissant, et se contentant de la marquer d’un tour unique qui était le sien.

1742. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Disons qu’un homme qui en 1688, vivant à côté de La Bruyère, invente de telles choses et les publie, n’est pas un auteur du grand siècle ; sa littérature, ingénieuse d’ailleurs, est une littérature d’avant et d’après.

1743. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

J’eusse bien plus estimé une louange de lui en ce métier, duquel il était le premier maître de son temps, que toutes celles de tous les capitaines qui restent vivants… Je veux donc séparer ma vie en deux, nommer celle que j’ai passée heureuse, puisqu’elle a servi Henri le Grand ; et celle que j’ai à vivre, malheureuse, et l’employer à regretter, pleurer, plaindre et soupirer.

1744. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

parmi tous ces personnages très réels et très vivants, il n’en est pas un seul qui puisse être supposé celui que l’auteur voudrait être ; aucun n’a été soigné par lui à d’autre fin que pour être décrit en toute précision et crudité, aucun n’a été ménagé comme on ménage un ami ; il s’est complètement abstenu, il n’y est que pour tout voir, tout montrer et tout dire ; mais dans aucun coin du roman on n’aperçoit même son profil.

1745. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

On se raconte des horreurs sur ce cardinal-tyran : « Il en était venu à tel point, lorsqu’il mourut, qu’il ne voulait plus voir le roi que le plus fort, et avait dans sa maison trois caves capables de tenir près de trois mille hommes. » M. le prince de Condé, toujours si plat envers celui qui règne et de qui il espère, lui qui avait un jour imploré à genoux comme un honneur l’alliance du cardinal vivant, s’élève maintenant tout haut, en plein Parlement, contre ce qui s’est fait « sous une puissance qui allait jusques à la tyrannie ».

1746. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Voilà déjà dix ans que la popularité de Béranger a commencé visiblement à décroître ; c’était encore de son vivant ; mais une popularité si haut montée ne pouvait décliner doucement et baisser petit à petit : il s’est bientôt déclaré, lui disparu, un entraînement en sens contraire ; et, comme, après une grande marée, on a eu sous les yeux un vaste reflux.

1747. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

— j’ai pensé souvent à ces deux noms, à ces deux jeunes hommes bien regrettables, si tôt enlevés, un peu trop vantés sans doute, mais qui, en vivant, eussent justifié une bonne partie des louanges ; et ces louanges anticipées ou exagérées s’expliquent naturellement par la mort, par l’impression d’une perte soudaine et sensible, et parce que, tous deux, ils sont tombés entre les bras de leurs amis qui sont tout un parti et tout un corps, — le corps universitaire, le parti religieux.

1748. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

M. de Custine, alors très jeune, mais de l’esprit le plus fin, le plus aiguisé, le plus tourné à l’observation de la société, et dans un premier enthousiasme qui admettait déjà quelque malice, a tracé en huit ou dix pages un portrait vivant.

1749. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

À peine, aux moments douteux, un frémissement léger (car toute foule est vivante) a-t-il averti le professeur qu’il vient d’effleurer une partie délicate et tendre de la conscience humaine et qu’il à à redoubler de délicatesse : et il est homme plus que personne à le sentir et à en tenir compte.

1750. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

De son vivant, il avait recueilli les plus flatteurs témoignages, et qui nous ont été conservés, — entre autres, de l’ancien évêque Huet, son ami particulier, dont il avait pris soin de rassembler les vers français épars, — de l’abbé Fraguier, qui, sur une découverte de ruines antiques faite autrefois près de Caen par M. 

1751. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Qu’il nous donne donc, sans trop tarder, sans trop se soucier de ce style où il est assez maître pour le détendre un peu, une œuvre forte, puissante, observée, bien vivante, ayant certes des qualités amères et fines de la première, marquée au coin de son originalité toujours et de sa nature (on ne lui demande pas de l’abdiquer), mais où il y ait au moins une veine qui agrée à tous, et ne fût-ce qu’un point consolant.

1752. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

L’historien, en général, lit et dépouille son Moniteur ou les journaux du temps, et il croit avoir tout fait ; mais il ne voyage pas assez, il ne consulte pas à sa source une tradition encore vivante et des traces qui fument encore.

1753. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

espères-tu qu’il te sera permis, moi vivant, moi ton père, d’avoir ta maîtresse en lieu et place de femme légitime ?

1754. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il y a des mots qui sont vivants comme des hommes, redoutables comme des conquérants, absolus comme des despotes, impitoyables comme le bourreau ; enfin il y a des mots qui pullulent, qui, une fois prononcés, sont aussitôt dans toutes les bouches… « Il est d’autres mots qui, pris dans une mauvaise acception, énervent, glacent, paralysent les plus forts, les plus ardents, les plus utiles, les plus éminents, tous ceux enfin sur qui ils tombent, mots plus funestes au pays qui ne les repousse pas que la perte d’une bataille ou d’une province… 70» Je ne demande rien de plus, et, cela dit et réservé, je conçois, j’admets volontiers que dans un pays aguerri au feu des discussions, chez un peuple de bon sens solide, raisonneur, calculateur, entendant ses intérêts, d’oreille peu chatouilleuse, qui ne prend pas la mouche à tout propos, une grande part de ce qui n’est qu’imaginaire dans le danger d’une presse libre disparaisse et s’évanouisse ; que les inconvénients puissent même s’y contre-balancer de manière à laisser prévaloir grandement les avantages.

1755. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Le premier Consul, avec son coup d’œil et sa parfaite connaissance des hommes, sut démêler dès le premier jour, dans les débris des anciens partis, tous les matériaux vivants, toutes les pierres ouvrières, si j’ose dire, qui pouvaient servir à l’œuvre de reconstruction sociale qu’il entreprenait.

1756. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Fille d’un roi électif et détrôné, ayant connu de bonne heure les vicissitudes extrêmes de la fortune, moins princesse que noble et pauvre demoiselle, elle était avec son père et sa mère au château de Wissembourg, profitant de l’hospitalité française à la frontière et vivant avec les siens d’une pension assez mal payée, lorsqu’on vint lui annoncer qu’il ne tenait qu’à elle d’être reine de France.

1757. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Mon savant n’a donc rien de menaçant, ni d’engageant, ni de contagieux ; il est même, pour peu qu’on le veuille, une preuve vivante à l’appui de l’insuffisance et des misères morales de la science.

1758. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Rome n’est pas une cité fermée, une cité étroite comme cette infinité de petits États rivaux et jaloux, indépendants et vivants d’eux-mêmes, qui animaient la Grèce et qui la perdirent.

1759. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Je n’ai jamais pu oublier, quand j’ai eu à parler de Joseph II, ce reste de tradition vivante, égarée et comme perdue si loin de sa source, mais vive et directe encore, qu’il m’a été donné de recueillir.

1760. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

La difficulté est surtout sensible lorsqu’on est soi-même contemporain, ou de ceux qui, nés au lendemain d’une grande époque, ont reçu des générations vivantes et passionnées pour ou contre le souffle embrasé, et qui ont été baignés dès le berceau dans l’un ou l’autre des deux courants contraires.

1761. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Je passai deux heures dans sa cabane, étonné, attendri du spectacle de cette ruine vivante.

1762. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Ces pages sont elles-mêmes une esquisse poétique et vivante de son intérieur de Saint-Point.

1763. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Les questions de goût et de bienséance prennent le pas sur la vérité des choses, et la communication est si bien fermée entre la réalité vivante et l’esprit français, que les formes nouvelles de l’art conçues théoriquement en vue d’une vérité plus grande n’arrivent pas à se réaliser dans des œuvres moins conventionnelles que celles qu’il s’agit de remplacer : je parle de la comédie larmoyante et du drame, qui prétendent se substituer à la tragédie.

1764. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Par là seulement elle redevient vivante.

1765. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Le sentiment incurable de la vanité des choses s’insinue dans ses plus vivantes peintures.

1766. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Dans les ouvrages en vers, les seules choses qui paraissent vivantes sont des idées générales.

1767. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

De cette comparaison sortent deux remarques fécondes : l’une, que la nature vivante paraît, en général, beaucoup moins grande et moins forte dans le nouveau monde que dans l’ancien ; l’autre, que les animaux du nouveau monde, comparés à ceux de l’ancien, forment comme une nature collatérale, comme un second règne animal, qui correspond presque partout au premier.

1768. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Ainsi, en ce qui concerne l’origine de la vie, on peut conclure qu’il y a toujours eu des êtres vivants, puisque le monde actuel nous montre toujours la vie sortant de la vie ; et on peut conclure aussi qu’il n’y en a pas toujours eu, puisque l’application des lois actuelles de la physique à l’état présent de notre globe nous enseigne qu’il y a eu un temps où ce globe était tellement chaud que la vie y était impossible.

1769. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Plus il se resserre dans la prison qu’il s’est faite, plus il cherche à se multiplier dans l’idée des autres et dans la sienne, à faire le vivant.

1770. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Mais voilà que, dans un banquet, quelqu’un des convives s’avise de chanter un des plus beaux chœurs d’Euripide, et aussitôt tous ces vainqueurs farouches se sentent le cœur brisé, et il leur parut que ce serait un crime d’exterminer une cité qui avait produit de tels hommes. » Voilà ce qu’on trouverait à chaque page dans Plutarque, et il fournirait, à lui seul, de quoi rendre vivante et sensible par des exemples toute l’Antiquité dont on aurait besoin.

1771. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Je ne réponds pas, et aucun lecteur circonspect ne saurait répondre de la vérité et de l’exactitude historique de la plupart des récits que nous offrent les Mémoires de Retz ; mais ce qui est évident et qui saute aux yeux, c’est quelque chose de supérieur pour nous à cette exactitude de détail, je veux dire la vérité morale, la fidélité humaine et vivante de l’ensemble.

1772. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Lorsque, dans son jardin d’Auteuil, je l’écoutais avec délices, il rendait vivant pour moi un de ces philosophes de la Grèce qui, sous de verts ombrages, instruisaient des disciples avides de les entendre. 

1773. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Un moment il parut pressentir le danger : se voyant observé et épié de près par Colbert, et ne pouvant espérer de tout justifier, il fit au roi une fausse confession ; il lui déclara qu’il s’était fait, du vivant du cardinal Mazarin, bien des choses sans que les ordres fussent en bonne forme, demandant absolution et sûreté pour le passé.

1774. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Mais le sujet était trop vivant et trop pathétique, il tenait de trop près aux sentiments qui se réveillaient alors dans tous les cœurs ; pour qu’un orateur comme Portalis n’en fît pas un texte de morale humaine et réconciliatrice.

1775. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Son buste (et je parle ici du marbre, tout en me souvenant de la personne vivante) m’a toujours frappé à la fois par une certaine bonhomie riante de physionomie, par ce qu’il y a de proéminent à la voûte du sourcil, et par la fuite du front.

1776. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Dans Molière, au fond du comique il y a un honnête homme qui n’est indifférent ni au bien ni au mal, ni au vice ni à la vertu, il y a même quelque peu un misanthrope : dans Regnard, au fond, il n’y a que le bon vivant et l’homme de plaisir le plus désintéressé et le plus libre, à qui la vie n’est qu’un pur carnaval.

1777. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Laissant aller sa pensée sur les espérances et les craintes, sur les perspectives de chance diverse, de bonheur ou de malheur, qui animent ou tempèrent les joies de la famille, il disait encore, en citant le mot d’un poète religieux (le docteur Watts) : Celui qui élève une nombreuse famille, tant qu’il est là vivant à la considérer, s’offre, il est vrai, comme un point de mire plus large au chagrin ; mais il a aussi plus d’étendue pour le plaisir.

1778. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Ils ont été déchirés vivants, déchiquetés morts.

1779. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Il y avait aussi ceux qu’on appelait les vivants : Jean Richepin, solide rhétoriqueur, doué de tant de verve et de goût, Théocrite des gueux, Don César de Bazan des bohèmes, dépenaillé d’or et de pourpre.

1780. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Comment La Bruyère peut-il écrire cela, Boileau vivant ?

1781. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

C’est la voix des ancêtres qui vient chaque jour rappeler aux vivants de quelle chair ils sont pétris, quel sang coule en eux, de quelles pensées ils sont les fils.

1782. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Elles n’eurent aucune influence sur l’évolution du théâtre ; elles sont au drame ce que les mannequins du musée Grévin sont à l’homme vivant.

1783. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Si vous voulez, transformez-la en qualité, pour la commodité du langage : vous direz alors qu’elle est une propriété du corps vivant.

1784. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Le naturaliste étudie l’antilope, le cygne, le crocodile, décrit tous les êtres vivants et n’en condamne aucun. […] Mais cette unité organique, vivante, qui admet dans son sein la diversité et la contradiction, est infiniment trop riche pour pouvoir être rendue par un substantif, même doublé d’une épithète. […] « Un logis plein de chiens et de chats, vivant entre eux comme cousins, et se brouillant pour un pot de potage, semble bien indigne d’un homme de goût.

1785. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Vous pouvez lire, si vous voulez, tout ce qu’on a écrit de Salons depuis que les siens inaugurèrent ce genre de critique, vous trouverez peut-être des descripteurs plus exacts, plus savants, plus forts en musées, ayant vu davantage et plus comparé ; vous trouverez des stylistes plus ou moins chauds, plus ou moins vivants ; mais lui, Diderot, c’est la vie ! […] Ils avaient tout à la fois l’exagération et le naturel d’un sentiment qui n’a pas été emporté par le xviiie  siècle : la seule chose qui nous reste de lui… Ils avaient la haine de l’Église, son exécration de plus en plus vivante, — mais qui, du reste, ne la fera pas mourir. […] Ils l’ont déterré, non pas comme les Bleus déterrèrent Charette, pour le refusiller et le retuer, et pour s’assurer qu’il était bien mort, tant il leur faisait peur, cet homme terrible, mais, eux, pour l’applaudir et l’encenser encore, et s’assurer que ses idées, à lui, Diderot, toujours vivantes, pouvaient se ramer avec le boulet de sa gloire et s’envoyer à leurs ennemis… Mais c’est là une erreur.

1786. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Si de vieux mots recouvrent quelquefois des idées toujours vivantes, sachons plutôt briser l’écorce ; et certes, comme nous le montrerons, c’en est ici le cas ou jamais. […] Et tandis que tous les autres prédicateurs s’efforcent d’ôter à Madeleine le vivant caractère d’une figure historique pour la réduire, dès le début du discours, à n’être que le modèle et le symbole, ou même l’allégorie de la pénitence, lui, s’efforce, au contraire, de préciser les traits, d’animer la personne, de lui donner une voix, un corps, et des sens. […] Marivaux est à la recherche de la nature et travaille d’après le modèle vivant. […] Car l’action est complète, puisque le peintre vous a mis sous les yeux un vivant témoignage de la diversité des impressions que produisit la parole divine quand elle fut prononcée pour la première fois, et qu’aussi bien elle n’a pas cessé de produire parmi les hommes. […] Il a mis devant ce qui était derrière, et du principal il a fait l’accessoire ; il a parlé de l’art de peindre absolument comme si l’art de peindre visait à provoquer l’émotion littéraire, et de l’art dramatique absolument comme si l’art dramatique était avant tout l’art d’« ordonner » des tableaux vivants.

1787. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

C’est pour cela que Shakspeare est étrange et puissant, obscur et créateur par-delà tous les poëtes de son siècle et de tous les siècles, le plus immodéré entre tous les violateurs du langage, le plus extraordinaire entre tous les fabricateurs d’âmes, le plus éloigné de la logique régulière et de la raison classique, le plus capable d’éveiller en nous un monde de formes, et de dresser en pied devant nous des personnages vivants. […] ) Voilà qui est mieux : Qu’ils se baisent entre eux, car ils s’aimaient bien de leur vivant. […] IV Sur ce fond commun se détache un peuple de figures vivantes et distinctes, éclairées d’une lumière intense, avec un relief saisissant. […] Il manie partout les passions effrénées qui les fondent, et il ne rencontre nulle part la loi morale qui les retient ; mais en même temps et par la même faculté il change les masques inanimés que les conventions de théâtre fabriquent sur un modèle toujours le même, en figures vivantes qui font illusion.

1788. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Ici, les choses ont plus de place que les sentiments ; la nature est plus vivante que l’homme. […] …… si Alfred de Musset éprouve le besoin d’adresser à l’ombre de Voltaire cette apostrophe violente, c’est apparemment qu’il sentait en lui encore vivante cette influence de Voltaire, et c’est qu’il pouvait bien protester contre elle ; mais il protestait d’autant plus qu’il la sentait en lui et qu’il n’arrivait pas à s’en débarrasser. […] Voilà le symbole à côté de l’idée ; voilà l’idée abstraite, traduite sous une tonne concrète, matérielle et vivante. […] la nature est vide et le soleil consume : Rien n’est vivant ici, rien n’est triste ou joyeux.

1789. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Il mourut à temps, vers 1553, au moment où ses audaces devenaient plus dangereuses, et où ses amis devenaient peut-être moins puissants, avant la publication du cinquième livre (quatrième de Pantagruel), que, du reste, il n’aurait probablement pas fait imprimer, lui vivant. […] Elles ont été prédites par David, nous dit-on à la fin : « Les hommes ont failli nous manger vivants… l’eau a failli nous engloutir… Notre âme a passé le torrent… Notre âme a été arrachée du filet des chasseurs. » Nous y voilà: l’anecdote a été faite pour le texte, et c’est pour cela qu’elle était si compliquée, et un peu gauche. […] C’est un style de dialogue, souple, vivant et marchant droit, relevant le mot qui tombe, lançant la réplique, croisant les interruptions et les aparte, le tout avec une précision, une netteté, une exactitude et une justesse suprêmes. […] Ce style est vivant. […] Il cause, il discute, il interpelle, il se parle à lui-même, quelquefois il crie ; mais il parle toujours, et c’est sa voix, alerte, sonore, joyeuse, puissante, quelquefois profonde, parfois empâtée, et l’on se demande pourquoi, toujours vivante, toujours personnelle et gardant son accent propre, que nous entendons.

1790. (1887) George Sand

D’ailleurs la passion est bien plus forte et bien plus vivante chez elle que l’idée, et, quand c’est un principe, vrai ou faux, qui l’inspire, il a fallu d’abord que ce principe cessât d’être une abstraction et devînt un sentiment. […] S’il n’y avait qu’une doctrine dans l’art, l’art périrait vite, faute de hardiesse et de tentatives nouvelles. » Balzac était une preuve vivante à l’appui de sa théorie. […] Ce qui importe, c’est l’exactitude de la peinture morale qu’elle nous a donnée, quel que soit l’exemplaire vivant où elle en a pris les traits. […] Il semble bien que c’était le plaisir d’écrire qui l’entraînait, presque sans préméditation, à jeter un peu confusément sur le papier ses rêves, ses tendresses, ses méditations et ses chimères, sous une forme concrète et vivante. […] Mais ce silence était actif ; elle absorbait chaque détail présent devant ses yeux, et l’emportait vivant dans sa vision interne, aussi nette que la perception même.

1791. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Ces disciples furent nombreux, même de son vivant. […] Quoiqu’il en soit, Senancour avait jeté d’abord trop peu d’éclat pour avoir, de son vivant, des disciples. […] Mais en prenant pour sujet de son œuvre ce type nouveau de la maladie du siècle, Mme de Krudener n’a pas suivi les inspirations du hasard ; elle a obéi à ses préférences intimes, et l’on peut en conclure qu’elle appartenait au même ordre d’esprits que celui dont elle a tracé un si vivant tableau. […] sans lui on ne pourrait plus sentir aucun enthousiasme pour quelque chose de vivant et de puissant. […] Dans la première pièce, il suppose que tous les morts d’un cimetière sont vivants dans leurs cercueils, et il se complaît à décrire les noires pensées, les rêves effrayants de ces malheureux qui survivent à leur destruction.

1792. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Il y a une progression continue de l’un à l’autre de ces quatre épisodes, le rapt d’Ismène et d’Antigone, à l’épisode II, étant une des dernières douleurs que le vieillard doit encore éprouver ; — la malédiction lancée par Œdipe à Polynice étant une douleur encore qu’il éprouve, et sa dernière intervention dans les affaires du monde des vivants, et enfin, en soi, beaucoup plus dramatique (un père vouant son fils à Némésis) que le simple drame presque matériel qui consiste en ce qu’un père est privé de la présence de ses filles. — Après quoi, il n’y a plus que la mort et l’apothéose à présenter dignement au public. […] Notez de plus que les Bretons, comme je vous en ai prévenus, ont été passionnés pour le théâtre, pour le théâtre réel, pour le théâtre vivant, avec scène, décoration, acteurs et même actrices. […] Le théâtre de la Montansier est en quelque sorte le symbole vivant, le symbole incarné du régime d’alors, avec son répertoire extrêmement leste, surtout avec son foyer, succursale des fameuses galeries du Palais-Royal, et les nymphes qui s’y exhibent sous les yeux de la jeunesse brillante d’alors et sous la surveillance indulgente et paternelle de M. le commisaire Robillard. […] A Pixérécourt s’ajouta Caignez avec le Jugement de Salomon (1802), la Pie voleuse (1815) la Forêt d’Hermanstadt (1805), les Corbeaux accusateurs (1817), la Morte vivante (1813), la Belle au Bois dormant (1822), etc., etc. […] Il est si bien tout en procédés que si Hugo pouvait être un moment soupçonné d’avoir eu, un moment dans sa vie, l’esprit d’ironie, on pourrait croire qu’Angelo n’est pas autre chose que la parodie du théâtre du boulevard de ce temps-là : portes secrètes, escaliers mystérieux, hommes qui marchent dans les murs, poisons, narcotiques, enterrée vivante, croix de ma mère (j’ai idée cependant qu’à cette date elle était presque neuve), « fais ta prière ! 

1793. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Ainsi un personnage très réel, très vivant, pris dans la rue, l’année même de la Ciguë, voilà ce qu’essayait d’attraper le jeune Augier. […] N’oubliez point que si cela n’est qu’une forme du théâtre, c’en est la forme peut-être la plus vivante. […] De là ce qu’il y a d’excessif souvent, de tendu dans ce théâtre ; mais aussi ce qu’il y a de vivant, de vibrant, d’énergique et de hardi. […] Assez maladroite, comme vous voyez, la pièce est cependant assez vivante et d’un relief assez puissant. […] Mme de Raguais existe ; elle est vivante ; elle est d’une vérité absolue dans ses qualités et dans ses défauts.

1794. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Ainsi, la langue latine était, en quelque sorte, de son vivant, exposée à mille altérations, qui tenaient à la perfection même de sa contexture primitive. […] Le latin était toujours la langue vivante de l’Église, et par cela seul il dominait les idiomes vulgaires ; par là aussi le latin dut être plus inviolable, plus lentement corruptible en Italie, que partout ailleurs. […] Le français fut étudié comme langue morte, et parlé comme langue familière et vivante. Frédéric, Walpole écrivaient le français avec invention, comme une langue vivante, et avec pureté, parce qu’ils l’avaient apprise littérairement. […] Image fidèle des préjugés et des passions du temps, cri de douleur des vaincus dans cette guerre désastreuse, la poésie des troubadours est un vivant commentaire de ces événements.

1795. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Mme de Staël en 1809, et du vivant du prince, a donné un choix de ses Lettres et de ses Pensées.

1796. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Vivant, il était de ces seconds qui paient de mine, d’autorité, et aussi d’argent comptant, et qui marchent en considération presque avec les premiers.

1797. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Je sentais, au contraire, reparaître présente et vivante cette idée formidable de la mort au sens chrétien, idée souverainement efficace si on la sait appliquer à toutes les misères et les vanités, à toutes les incertitudes de la vie : ce fondement solide et permanent de la morale chrétienne m’apparaissait à nu et se découvrait dans toute son étendue par l’austère exposition de Bourdaloue, et j’éprouvais que, dans le tissu serré et la continuité de son développement, il n’y a pas un instant de pause où l’on puisse respirer, tant un anneau succède à l’autre et tant ce n’est qu’une seule et même chaîne : « Il m’a souvent ôté la respiration, disait Mme de Sévigné, par l’extrême attention avec laquelle on est pendu à la force et à la justesse de ses discours, et je ne respirais que quand il lui plaisait de finir… » À peine s’il vous laissait le temps de s’écrier, comme cela arriva un jour au maréchal de Grammont en pleine église : « Morbleu !

1798. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

regarde de quel côté tu penches vivant. » La morale prochaine et directe de cet article sur La Fare, c’est qu’il ne faut pas se faire exprès toute sa doctrine et la porter du côté où l’on penche ; il faut qu’elle nous soit un contrepoids en effet, non un poids de plus ajouté à celui de notre tempérament, de nos sens et de nos secrètes faiblesses, comme si nous avions peur de ne pas tomber assez tôt.

1799. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Mais, regret ou non, il en faut prendre son parti, et, comme l’a dit il y a longtemps Euripide (c’est bien lui en effet qui l’a dit, et non pas un autre) : « Il n’y a pas à se fâcher contre les choses, car cela ne leur fait rien du tout50. » L’esprit des générations a donc changé, c’est un fait ; elles sont devenues peut-être plus capables d’une direction précise et appropriée ; elles en ont plus besoin aussi, et il me semble que la pensée qui a présidé à l’Instruction présente et qui s’y diversifie en nombreuses applications est de nature à convenir à ces générations nouvelles, à soutenir, à développer leur bon sens, leurs qualités intelligentes et solides, à tirer le meilleur parti de leur faculté de travail, à les préparer sans illusion, mais sans faiblesse, pour la société telle qu’elle est faite, pour le monde physique tel quelles ont à le connaître et à le posséder : — et tout cela en respectant le plus possible la partie délicate à côté de l’utile, et en laissant aussi debout que jamais ces antiques images du beau, impérissables et toujours vivantes pour qui sait les adorer.

1800. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Ceux même qui n’aimaient guère de son vivant le garde des sceaux d’Argenson l’apprécient mort et le classent au rang des meilleurs ministres, un des derniers de l'école de Louis XIV, et en même temps ils parlent de lui comme d’un homme qui, vu de près, était bon homme et d’excellente compagnie.

1801. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Parmi les hommes de lettres qui moururent à Berlin, il en est un assez peu estimé et dont les ouvrages sont dès longtemps au rebut : ne croyez pas que Frédéric les trouvât bons, mais il nous fait du personnage un portrait vivant et parlant, qui dit tout en quelques lignes : Nous avons perdu le pauvre La Mettrie (21 novembre 1751).

1802. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Gilbert, c’est d’éclairer d’un jour intérieur et certain un assez grand nombre de pages qui, jusqu’à présent, étaient restées inaperçues ou assez insignifiantes dans les œuvres de Vauvenargues, et de leur restituer le caractère biographique et personnel qu’elles ont, et qui désormais les rendra vivantes.

1803. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

alliance étroite et bien rare, chez un savant du xvie  siècle et un homme de la Renaissance, de ce culte des lettres profanes avec le culte du Dieu toujours présent et vivant !

1804. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Mais, comme phénomène non moins mémorable, il remarque que « dans les diverses classes et jusque dans les rangs les plus élevés de l’ordre social, des hommes se sont produits qui en ont rassemblé en eux tous les traits caractéristiques, au point d’identifier leur nom avec l’idée même de ces rangs et de ces classes, et d’en paraître comme la personnification vivante. » Et il cite pour exemple Louis XIV, que la Nature créa, dit-il, l’homme souverain par excellence, le type des monarques, le roi le plus vraiment roi qui ait jamais porté la couronne.

1805. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Il manquera toujours à mon âme une énergie dont elle a le soupçon, tant que je n’aurai pas vu Shakespeare vivant et animé sur votre théâtre.

1806. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Pour l’un, c’est la littérature morale et haute, sévère et abstraite, ce qu’il appelle l’esprit pur, qui lui fait illusion ; pour l’autre, c’est la littérature négligente, aimable et facile, la seule joyeuse et vraiment heureuse ; pour un autre, c’est la marotte d’une noble cause dont il se figure être la personnification vivante et le représentant tout chevaleresque.

1807. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Les jugements ou définitions pittoresques que Gautier a donnés de tant de peintres d’hier, hommes de mérite dans les seconds, et de Léopold Robert, et du loyal Schnetz, « qui est un Léopold Robert historique, visant moins haut et plus sain », et de tous les jeunes modernes que nous savons, de ceux du jour si vivants et si présents, Gérome, Hébert, Fromentin…, tous ces jugements-portraits sont aussi vrais que distingués de couleur et de ton.

1808. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Avec moins d’expérience et un sentiment plus haut du devoir, j’aurais peut-être tenté de le réformer ; mais, dans la pratique, j’ai reconnu que le mal est vivant, que les abus sont des hommes, et se comptent par milliers.

1809. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Bosc avait eu d’abord à prendre garde de blesser bien des vivants qui n’étaient pas du groupe pur des Girondins et qui appartenaient à d’autres fractions moins tranchées de la Convention.

1810. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Elle n’était ni une pédante, ni une précieuse et un bas bleu, pas le moins du monde ; et bien qu’il y ait dans ce qu’elle a écrit et ce qu’on a sous les yeux des pages qui, à distance et avec un peu de mauvaise volonté, permettraient de juger d’elle autrement, je reste persuadé et je soutiens que ces taches ou ces roideurs ne sont pas essentielles, qu’elles n’allaient pas en elle jusqu’à affecter et gâter la femme vivante ; c’est de la littérature écrite imitée, un pli de la mode, rien de plus.

1811. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Vivant dans un pays de grande nature, elle a su regarder et elle a osé rendre : elle est paysagiste d’abord, et, selon moi, c’est ce qu’elle est le mieux.

1812. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Il résultait de là, selon Wolf, que les poëmes d’Homère, tels qu’ils existaient d’abord à l’état homérique primitif, étaient et devaient être tout ce qu’il y a de plus différent des poëmes d’un Apollonius de Rhodes, d’un Virgile, d’un Milton, de tout autre poëte épique destiné à être lu ; qu’ils flottaient épars, comme des membres vivants, dans une atmosphère créatrice et imprégnée de germes de poésie ; mais que, tels que nous les avons et les lisons aujourd’hui, ils ne datent guère que de l’époque de Solon et surtout de Pisistrate, lorsque, le souffle général venant à cesser et l’écriture étant en usage, on sentit le besoin de recueillir cette richesse publique, cet héritage des temps légendaires, d’en faire en quelque sorte l’inventaire total et d’y mettre un ordre, un lien, avant qu’ils eussent couru les chances de se perdre et de se dissiper.

1813. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

La pleine et vivante vérité est dans cette combinaison délicate et cet assemblage.

1814. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Pourquoi en histoire littéraire, chose plus vivante, plus mobile, plus capricieuse, n’aurait-on pas le même droit de fantaisie ?

1815. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

.), se dirigeant tout à fait sur la Passion de Jésus-Christ, et comme éclairée alors de faveurs singulières, amenait tant de tableaux exacts, vivants, qui la reproduisaient dans des détails infinis.

1816. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Si on recherche avec curiosité les traditions locales, les vieux noëls en patois, les vestiges d’une culture ou d’une inspiration ancienne, il faut noter aussi ce qui est vivant, le poëte plein de vigueur qui, dans le moindre rang social où il se tient, enrichit tout d’un coup de compositions franches, originales, suivies, son patois harmonieux encore, débris d’une langue illustre, mais enfin un patois qu’on croyait déshérité désormais de toute littérature.

1817. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Gautier a trouvé moyen de rassembler dans l’article Saint-Amant, pour les rattacher à ce poëte bon vivant et comme pour lui faire cortége, m’a rappelé encore que c’est vraiment trop pour une mascarade.

1818. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Adèle de Sénange en effet, dans l’ordre des conceptions romanesques qui ont atteint à la réalité vivante, est bien sœur de Valérie, comme elle l’est aussi de Virginie, de mademoiselle de Clermont, de la princesse de Clèves, comme Eugène de Rothelin est un noble frère d’Adolphe, d’Édouard, du Lépreux, de ce chevalier des Grieux si fragile et si pardonné : je laisse à part le grand René dans sa solitude et sa prédominance.

1819. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Citons cette page, que nous avons lue tant de fois nous-même vivante sur les pavés de nos places publiques : « Les dispositions dans le camp n’étaient déjà plus douteuses, et la passion en faveur d’Othon était déjà si furieuse que les soldats, non contents de le couvrir de leurs corps et de leurs armes, le portent, au milieu des aigles des légions, sur un tertre où s’élevait, quelques moments avant, la statue d’or de Galba, et l’entourent de leurs étendards.

1820. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Quand l’enfant de cet homme Eut reçu pour hochet la couronne de Rome ; Lorsqu’on l’eut revêtu d’un nom qui retentit ; Lorsqu’on eut bien montré son front royal qui tremble Au peuple émerveillé qu’on puisse tout ensemble           Être si grand et si petit ; Quand son père eut pour lui gagné bien des batailles, Lorsqu’il eut épaissi de vivantes murailles Autour du nouveau-né riant sur son chevet ; Quand ce grand ouvrier, qui savait comme on fonde, Eut, à coups de cognée, à peu près fait le monde           Selon le songe qu’il rêvait ; Quand tout fut préparé par les mains paternelles Pour doter l’humble enfant des splendeurs éternelles ; Lorsqu’on eut de sa vie assuré les relais ; Quand, pour loger un jour ce maître héréditaire, On eût enraciné bien avant dans la terre           Les pieds de marbre des palais ; Lorsqu’on eut pour sa soif posé devant la France Un vase tout rempli du vin de l’espérance ; Avant qu’il eût goûté de ce poison doré, Avant que de sa lèvre il eût touché la coupe, Un cosaque survint qui prit l’enfant en croupe,           Et l’emporta tout effaré.

1821. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Là, en effet, on se trouvait affranchi malgré soi du joug de l’antiquité, et, comme je l’ai déjà remarqué à propos de la poésie lyrique, l’actualité vivante des sujets ou des sentiments, les passions du temps, surtout le fanatisme ou bien l’enthousiasme religieux, mettaient dans les œuvres un principe de sincérité qui les élevait.

1822. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Selon cette conception, le drame, ce sont des Greuze mis en tableaux vivants.

1823. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

En certains endroits, un accent personnel se laisse sentir, et certain appel à la mort, certaine effusion de pitié sur les vivants, nous découvrent l’âme douloureuse du poète.

1824. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Tout le monde s’ennuyait à fond et presque franchement  La franchise et le besoin de vérité, qui sont l’honneur et font l’ennui de notre époque, condamnent à une mort prochaine les débris à peine vivants de la société.

1825. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

* * * Un homme qui nourrit en lui une grande idée qu’il veut produire et rendre vivante, est par cela même à l’abri des poisons et des peines de la vie ; de même que les femmes grosses, que leur fruit préserve des maladies contagieuses.

1826. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Celles-ci paraissent bien être en effet une « machinerie », une combinaison de mensonges de groupe dont l’origine doit être cherchée en partie dans des mensonges individuels qui se sont propagés et généralisés dans le groupe ; en partie dans le besoin naturel qu’ont les hommes vivant en société de se fabriquer des mensonges sociaux et de se duper les uns les autres.

1827. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Giboyer se sent renaître dans ce noble enfant, avec la joie d’un paria qui, assistant vivant à sa métempsycose, se verrait, du fond de son abjection, revivre sous la forme d’un être sacré.

1828. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Si simple que soit le style de Pascal, et quoiqu’on ait eu raison de dire que, « rapide comme la pensée, il nous la montre si naturelle et si vivante, qu’il semble former avec elle un tout indestructible et nécessaire », ce style, dès qu’il se déploie, a des développements, des formes, du nombre, tout un art dont le secret n’est pas celui du héros qui court à sa conquête.

1829. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Les sermons de Bossuet ne sont appréciés que depuis qu’on les a imprimés, et, de son vivant, ils étaient comme perdus dans le reste de sa gloire.

1830. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

L’homme d’État se charge de traiter le malade encore vivant.

1831. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

La véritable poésie épique, pour être vivante, a besoin de reposer sur des racines populaires et d’y puiser sa sève, sans quoi elle ne produit que des œuvres de cabinet, belles peut-être, mais toujours un peu froides.

1832. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

C’est ainsi qu’il vieillissait dans sa retraite de Passy, solitaire, au milieu de ses livres, ne causant guère avec les vivants que plume en main, critique intègre, instruit, digne d’estime, même quand il s’est trompé.

1833. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Chacun fait l’entendu, comme s’il était immortel ; le monde n’est qu’une cohue de gens vivants, faibles, faux et prêts à pourrir ; la plus éclatante fortune n’est qu’un songe flatteur.

1834. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Cet honneur-là, Mme du Châtelet, de son vivant, l’aurait payé un peu cher, si elle avait été sensible aux railleries et aux épigrammes.

1835. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Rousseau n’a rien de comparable au premier abord, mais il est plus vrai au fond, plus réel, plus vivant.

1836. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Il s’attache à montrer que cet amour-propre, auquel on a affecté de tout réduire, n’existe pas à ce point de raffinement dans tous les hommes, n’y existe que comme un amour général de nous-même qui est inséparable de toute nature vivante et qui ne peut lui être imputé à vice : Il y a des semences de bonté et de justice dans le cœur de l’homme.

1837. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Les Mémoires de Brandebourg sont la seule partie qui ait paru de son vivant.

1838. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Quoique je sois venu trop tôt, je ne le regrette pas : j’ai vu Voltaire ; et, si je ne le vois plus, je le lis et il m’écrit. » À de tels accents on devinerait, quand il ne le dirait pas, la passion qui était encore la plus profonde et la plus fondamentale chez Frédéric, celle que Voltaire vivant personnifiait à ses yeux : « Ma dernière passion sera celle des lettres ! 

1839. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Telle était en abrégé la théorie politique de Pasquier et celle des parlementaires, théorie plus justifiable en fait qu’en logique, et qui eut sa pratique vivante au xvie  siècle.

1840. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Pour se compléter l’idée de Mme de Maintenon, il convient, en les lisant, d’y ajouter un certain enjouement de raison, une certaine grâce vivante qu’elle eut jusqu’à la fin, même dans son austérité ; qui tenait à sa personne, à son désir de plaire en présence des gens, mais qui n’allait pas jusqu’à se fixer par écrit.

1841. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Avec tous ses défauts et toutes ses imperfections de nature, donnant en mourant la main à Chateaubriand, à Fontanes, à tout ce jeune groupe littéraire en qui était alors l’avenir, il transmit le flambeau vivant de la tradition, et il justifia le premier pronostic de Voltaire à son égard : « Quelque chose qui arrive, je vous regarde comme le restaurateur des belles-lettres. » C’est le mot magnifique, mais juste après tout (si l’on considère l’ensemble du rôle et de l’influence), qu’il faudrait graver sur son tombeau.

1842. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Mais ce n’était là qu’une théorie qui restait stérile entre leurs mains, et qui ne pouvait devenir florissante et vivante qu’à l’aide du génie d’un Milton ou de l’art d’un Chateaubriand.

1843. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Le récit de la joie causée à Marly par la nouvelle de la victoire d’Almanza est à lui seul un vivant tableau.

1844. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Je demeurais comme une bête, sans mouvement, ne me croyant pas permis d’avoir une autre conduite, à l’agonie de ce cher maître, que celle que j’avais eue de son vivant.

1845. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Elle y peint avec assez de naïveté et avec beaucoup d’entrain les mœurs de la société dans sa jeunesse, ce pêle-mêle de grandes dames déchues, de veuves d’émigrés vivants, de fournisseurs enrichis, de jacobins à demi convertis, dont quelques-uns avaient du bon, et à qui l’on se voyait obligé d’avoir de la reconnaissance : En vérité, il y a de quoi dégoûter d’une vertu qui peut se trouver au milieu de tant de vices, et il me semble qu’on ne lui doit pas plus de respect qu’à une honnête femme qu’on rencontrerait dans un mauvais lieu. — Soit ; mais c’est encore une bonne fortune assez rare pour qu’on en profile sans ingratitude.

1846. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Même lorsqu’il est le mieux traité et le plus choyé dans ses voyages à Paris, lorsque chacun le caresse et veut le retenir, Bernardin ne soupire pas moins après sa solitude champêtre ; il sent que la vie s’écoule, que ses dernières pages à achever le réclament, et il écrit alors naïvement à sa jeune femme : Je suis comme le scarabée du blé, vivant heureux au sein de sa famille à l’ombre des moissons ; mais, si un rayon du soleil levant vient faire briller l’émeraude et l’or de ses élytres, alors les enfants qui l’aperçoivent s’en emparent et l’enferment dans une petite cage, l’étouffent de gâteaux et de fleurs, croyant le rendre plus heureux par leurs caresses qu’il ne l’était au sein de la nature.

1847. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

À mesure qu’elle avance dans le pays, elle s’aperçoit pourtant de l’absence du maître ; ce royaume est « comme un corps sans chef, vivant pour vous recouvrer, et mourant pour vous sentir loin ».

1848. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Je parlerai de quelques autres amitiés de Frédéric qui ont laissé un vivant témoignage d’elles-mêmes dans sa correspondance, à commencer par son étroite et tendre liaison avec Jordan.

1849. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Les plaisirs mêmes de la vie organique produisent un sentiment de vitalité profonde qui, contrairement au préjugé, est déjà esthétique : aussi les sensations organiques sont-elles, pour l’artiste, un élément essentiel de la vraie et vivante beauté ; tout ce qui ne retentit pas jusqu’à cette profondeur n’est encore qu’un art de surface46.

1850. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Voici un homme qui remplit le monde de son nom, dont les livres se vendent à cent mille, qui a peut-être de tous les auteurs fait le plus gros bruit de son vivant, eh bien, par cet état maladif, par la tendance hypocondriaque de son esprit, il est plus malheureux, il est plus désolé, il est plus noir, que le plus déshérité des fruits secs.

1851. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

. — La Bohême travailleuse, complètement absorbée dans sa tâche ; celle qu’on trouve échelonnée, la tête entre ses mains, le long des tables de la bibliothèque Sainte-Geneviève, où elle use ses coudes luisants ; — La Bohême silencieuse et recueillie, fuyant les réunions aux expansions bruyantes ; la Bohême vivant par le cerveau et guère par le cœur, n’ayant pas de maîtresses, — peut-être par sagesse et par principes, mais peut-être aussi parce que le sens de l’amour lui manque ; ne se passant aucune faiblesse, mais impitoyable encore pour celles d’autrui.

1852. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Quelques-uns d’entre eux, les plus vivants et les mieux doués, se sont rappelés le mot anti-critique de Diderot, cet homme d’à-côté, cette cruche de verve bouillonnante renversée : « qu’une œuvre à juger n’était jamais qu’un prétexte pour produire », et ils ont fait ce que j’appelle de la poésie en critique, créant, à leur manière, au lieu de juger, et jouant sur la sensation et sur la langue, comme Paganini sur son violon, des motifs parfois merveilleux.

1853. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

on ne retrouve, à l’état de revenant sorti de la tombe, que ce grand maigre, planté assez sinistrement sur ses échalas, que nous avons connu vivant, dans sa sécheresse de parchemin et de papyrus et sa face pâle de cheval de l’Apocalypse (qui était une rosse), et auquel il s’est lui-même comparé.

1854. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Les quelques pages sur la Russie, rapprochées de plusieurs autres pages de la Correspondance diplomatique, vont faire de cette tête de bronze un esprit immortellement vivant, qui ne s’est pas mis lui-même en dehors du mouvement de l’Histoire dans ces ténèbres de l’abstraction qui sont parfois éblouissantes.

1855. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

C’est là, en effet, l’avancement d’hoirie infernale que tout coupable a de son vivant dans la poitrine.

1856. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Mais voulez-vous la Bretagne elle-même, tout entière, vivante ?

1857. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Richepin est un vivant paysagiste, il y a d’autres gueux que les siens !

1858. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

II Comment donc se fait-il qu’après lui la psychologie soit morte, et que de son vivant même elle ait paru radoter et languir ?

1859. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

qui, du milieu des astres circulant au ciel, peuples la mer chargée de vaisseaux et la terre couverte de moissons ; car c’est par toi que toute race vivante est conçue, et visite en naissant la lumière du jour : ô déesse !

1860. (1899) Arabesques pp. 1-223

Shakespeare a dû être rejeté depuis comme entaché de barbarie anglaise, car les romans tiennent pour barbares toutes les littératures vivantes autres que la leur et celle de leurs ascendants élus. […] Alors seulement la loi d’amour agirait, on verrait la solidarité humaine qui est, entre les hommes, la forme vivante de l’attraction universelle, prendre toute sa puissance, les rapprocher, les unir en une famille, étroite » (p. 220). […] Dans nos gourdes bouillonne une boisson vivante, Nous portons dans nos sacs des semences de dieux. […] La Justice n’habite pas un paradis chimérique où monteraient la rejoindre, après leur mort, ceux qui, de leur vivant, l’attestèrent. […] Nous en portons, au fond de nous, le sentiment, nous les considérons comme des biens souhaitables, mais fort peu osent chercher les moyens d’en faire des réalités vivantes.

1861. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Sa vision est souvent complexe, embrouillée, baignée de mystère, comme la réalité vivante. […] Cette jolie paresseuse, qui, naguère, pour l’heure de midi, n’avait pas toujours fini d’enfiler la seconde manche d’un des peignoirs jonquilles ou roses, à travers quoi rayonnaient, çà et là, des clartés de marbre vivantes ; ayant passé son temps à se lever à demi, à se recoucher de moitié, à lire sur une chaise longue, à se suggérer une obligation de comptes domestiques ou quelque devoir d’écrire pour retarder le moment où sa femme de chambre voudrait la coiffer ou lui lacer le corset : maintenant, tous les jours, à dix heures trois quarts, elle était habillée, prête (ce qui, de la part d’une femme, est un résultat de longtemps postérieur à celui d’être habillée, sans que les plus fins aient jamais su découvrir pourquoi). […] Il avait pâli à ce contact si intime, si vivant, si voluptueux.

1862. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Ce sont les débris d’un corps vivant qui semblent s’appeler, se rechercher, mais qui, dans le fait, restent isolés et sans vie. […] Nous substituons Dieu au bien, parce qu’il n’est pas dans l’ordre des choses d’être obligé envers une idée ; parce que la substance vivante de l’idée, l’être qui porte l’idée comme une qualité, venant à disparaître, toute sanction de cette idée, toute garantie disparaît en même temps ; parce que si la substance de cette idée n’est pas hors de notre moi, elle est notre moi lui-même ; et que, la source du bien étant adorable, dans toute la force du terme, il en résulte clairement qu’il n’y a pas de milieu entre nous adorer nous-mêmes et adorer Dieu. […] Et l’on ne monte à Dieu que par l’amour ; et l’on n’aime le Dieu vivant et saint qu’autant qu’on le connaît, et nous ne le connaissons qu’autant qu’il nous a été montré, et lui seul peut se montrer à nous. […] » Ces traces de l’union première de la créature avec le Créateur ne se montrent, il est vrai, que chez un petit nombre d’individus, vivant d’espérance, sanctifiant leur cœur dans le commerce spirituel du monde invisible, et ces étincelles rares allaient elles-mêmes diminuant et s’affaiblissant. […] Ses Mémoires, dont une indiscrétion fit paraître la plus grande partie de son vivant, expliquent pour une bonne part ses Maximes.

1863. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Mais le rusé prince danois, tandis que ses compagnons dormoient, ayant visité le paquet et connu la trahison de son oncle et la méchanceté des courtisans qui le conduisoient à la boucherie, rasa les lettres mentionnant sa mort, et au lieu y grava et cisela un commandement à l’Anglois de faire pendre et étrangler ses compagnons… « Vivant son père, Amleth avoit été endoctriné en cette science avec laquelle le malin esprit abuse les hommes, et avertissoit le prince des choses déjà passées. […] Cet esprit rêveur, toujours occupé à s’interroger lui-même, ce trouble d’une conscience sévère aux premiers avertissements d’un devoir encore douteux, cette fermeté calme et sans incertitude dès que le devoir est certain, cette sensibilité profonde et presque douloureuse, toujours contenue dans la rigueur des plus austères principes, cette douceur d’âme qui ne disparaît pas un seul instant au milieu des plus cruels offices de la vertu, ce caractère de Brutus enfin, tel que l’idée nous en est à tous présente, marche vivant et toujours semblable à lui-même à travers les différentes scènes de la vie où nous le rencontrons, et où nous ne pouvons douter qu’il n’ait paru sous les traits que lui donne le poëte. […] C’est Othello, Cassio, Jago, Desdémona, êtres réels et vivants, qui ne ressemblent à aucun autre, qui se présentent en chair et en os devant le spectateur, enlacés tous dans les liens d’une situation commune, emportés tous par le même événement, mais ayant chacun sa nature personnelle, sa physionomie distincte, concourant chacun à l’effet général par des idées, des sentiments, des actes qui lui sont propres et qui découlent de son individualité. […] Oubliez les événements, sortez du drame ; tous ces personnages demeureront réels, animés, distincts ; ils sont vivants par eux-mêmes, leur existence ne s’évanouira point avec leur situation. […] Quatorze de ses pièces seulement avaient été imprimées de son vivant, et les trois parties de Henri VI n’étaient pas du nombre ; elles parurent en 1623, dans l’état où on les donne aujourd’hui, et toutes trois attribuées à Shakspeare, quoique déjà, à ce qu’il paraît, une espèce de tradition lui disputât la première.

1864. (1813) Réflexions sur le suicide

Saint Paul dit : —  Celui qui passe sa vie dans les délices est mort en vivant. […] Ne voit-on pas souvent le spectacle du supplice de Mezence renouvelé par l’union d’une âme encore vivante et d’un corps détruit, ennemis inséparables ?

1865. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Ce travail est tel que, si, dans cinq ou six siècles, un homme d’État ou un homme de guerre à venir veut se rendre compte, sans erreur et sans effort, de la formation d’une armée au dix-neuvième siècle, il n’aura qu’à ouvrir l’Histoire du Consulat et de l’Empire, et l’armée moderne lui apparaîtra tout entière, recrutée, vêtue, armée, montée, hiérarchisée, disciplinée, commandée, vivant et combattant, comme ces modèles d’anatomie que l’on dévoile dans les musées pour découvrir aux initiés de la science les mystères de la structure humaine. […] « Durant cette scène de confusion, un tronçon détaché de cette vaste ligne d’infanterie s’était avancé jusqu’au cimetière même. » La garde se précipite et sauve son empereur ; le champ de bataille, à la fin de cette courte journée d’hiver, reste indivis entre les vivants et les morts.

1866. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Le Tasse était trop sacré pour être traité en fou, il était trop fou pour être traité en criminel, il était trop malheureux pour être jeté sans pitié à ces gémonies des vivants, parmi les balayures du monde. […] Ce Mosti était un de ces vils envieux de la gloire vivante, qui ne pardonnent pas à un de leurs contemporains de rivaliser avec les grands hommes ensevelis et consacrés dans leur gloire acquise.

1867. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Avec vos goûts d’archer vous êtes arrivé à de très jolies connaissances, et à des connaissances vivantes, à celles que l’on n’obtient que par des moyens pratiques. […] Cette espèce ne se trouve point sur l’Ettersberg, qui est trop vivant et trop près des habitations ; elle ne va pas d’ailleurs non plus sur les buissons.

1868. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Ce n’est pas ce groupe digne de Polyclès, noyé dans la lumière et les morbidesses du Corrège, et dont le monde, tant que le sentiment de l’idéal vivra en lui, retiendra dans sa mémoire charmée les trois immortelles attitudes, les trois inoubliables gestes : — le baiser donné par Roméo à Juliette et rendu par Juliette à Roméo avec la fougue naïve de l’amour vrai et l’intrépidité de l’innocence ; — l’adieu au balcon dans l’air auroral, empli des joyeux cris de l’alouette qui ne sont plus les chants du rossignol ; — et enfin l’entrelacement, sur le marbre du même mausolée, de ces deux êtres si vivants, devenus par la mort deux pâles statues ! […] Pour ne citer qu’un seul exemple du sans-souci habituel de Shakespeare pour le terre à terre et la fidélité de l’Histoire, Coriolan, dans le drame de ce nom, n’est pas le Romain de Tite-Live ; mais, quel qu’il soit, c’est un homme, une colère, une vengeance, une force vivante qui emporte tout dans son tourbillon, puis qui se fond tout à coup dans d’inexprimables tendresses ; et c’est bien autrement beau que si c’était romain, cela !

1869. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

L’un parle une langue humaine et vivante, le second s’exprime d’une manière artificielle et ampoulée. […] Du lourd amas de ses œuvres, que demeure-t-il pour nous de vivant, d’humain, de véridique, d’éternel, de sincère ou de grand ?

1870. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Mais il n’en faudrait pas davantage pour convertir en réalité vivante et agissante une croyance à l’au-delà qui semble se rencontrer chez la plupart des hommes, mais qui reste le plus souvent verbale, abstraite, inefficace. […] Nous disons « à peu près », parce qu’il faut tenir compte des variations que l’être vivant exécute, en quelque sorte, sur le thème fourni par ses progéniteurs.

1871. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

[NdA] « Dans sa jeunesse, l’abbé de Bernis avait langui dans la misère, ne vivant que du produit du travail qu’il faisait pour un libraire dont la femme lui était chère, et recevant quelquefois de ses amis ou de ses amies de quoi payer son fiacre. » (Tiré d’une notice manuscrite qui est en tête du Recueil des lettres de Bernis à Choiseul, dont il sera parlé ci-après.)

1872. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Pendant une peste ou maladie contagieuse qui avait régné dans le pays de Rosny en 1586, il était venu la visiter, la tranquilliser ; il l’avait trouvée enfuie du château, réfugiée dans celui d’une tante, avec trois ou quatre de ses gens ; et là, s’étant enfermé avec elle, et n’ayant lui-même pour tout monde avec lui qu’un de ses gentilshommes, un secrétaire, un page et un valet de chambre, il demeura tout un mois en compagnie de sa douce moitié, sans être visité de créature vivante, tant chacun fuyait la maison comme pestiférée : Et néanmoins, écrivent les secrétaires, à ce que nous vous avons souvent ouï dire depuis, vous n’avez jamais fait une vie si douce ni moins ennuyeuse que cette solitude, où vous passiez le temps à tracer des plans des maisons et cartes du pays ; à faire des extraits de livres ; à labourer, planter et greffer en un jardin qu’il y avait léans ; à faire la pipée dans le parc, à tirer de l’arquebuse à quantité d’oiseaux, lièvres et lapins qu’il y avait en icelui, à cueillir vos salades, les herbes de vos potages, et des champignons, columelles et diablettes que vous accommodiez vous-même, mettant d’ordinaire la main à la cuisine, faute de cuisiniers ; à jouer aux cartes, aux dames, aux échecs et aux quilles… Et n’allons pas oublier le dernier trait que notre fausse délicatesse supprimerait et qui sent son vieux temps : « à caresser madame votre femme, qui était très belle et avait un des plus gentils esprits qu’il était possible de voir ».

1873. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Mme de Maintenon est sortie tout à fait à son honneur de cette étude précise et nouvelle ; on peut même dire que sa cause est désormais gagnée : elle nous apparaît en définitive comme une de ces personnes rares et heureuses, qui sont arrivées, dans un sens, à la perfection de leur nature, et qui ont réussi un jour à la produire, à la modeler dans une œuvre vivante qui a eu son cours, et à laquelle est resté attaché leur nom.

1874. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Le ciel au-dessus était ouvert, peuplé en chaque point de figures vivantes, de patrons attentifs et manifestes, d’une invocation directe, et faciles à intéresser ; le plus intrépide guerrier marchait dans ce mélange habituel de crainte et de confiance comme un tout petit enfant.

1875. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

C’est la dernière citation que je veuille faire de Cowper : ne perdons rien de cette peinture perlée et finie, et toutefois si vivante et si naturelle.

1876. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

et, bien qu’ils ne fussent plus qu’ombres d’hommes vivants, essayant d’obtenir par leurs députés un traité général appelé traité de paix et non un simple pardon, et d’y faire comprendre Mme de Rohan.

1877. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Née et vivant dans la haute société, elle s’y fit de bonne heure son coin de retraite à elle ; elle ne fut, en aucun temps, mondaine, et dans sa vieillesse, jetant un regard en arrière, elle pouvait dire : « Le temps d’être dans le monde n’est jamais venu pour moi, mais en revanche celui de m’y montrer est absolument passé. » Sérieuse, instruite, ayant du temps à donner à la lecture, Mme de Créqui encore jeune désira voir les littérateurs célèbres de son temps et se former dans leur familiarité.

1878. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

L’abbé Le Dieu, qui les déteste, tout en vivant chez eux et en étant assez bien traité par eux, nous livre ces secrets de ménage : Vendredi dernier, 1er février (1704), il (l’abbé Bossuet) paya le carnaval à tous les valets de chambre et à leurs femmes en leur donnant de quoi aller à l’Opéra ; et samedi, fête de la Purification, à dîner, en pleine table : « Qu’est-ce donc que j’apprends ?

1879. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Car notez que Louis XIV avait opéré une centralisation qui n’était complète que de son vivant et grâce à son prestige personnel ; mais, sous des souverains apathiques ou faibles, on retombait après lui dans la confusion d’un régime mal défini, à demi centralisé, trop ou trop peu : il fallait aller plus loin et poursuivre, ou revenir en deçà.

1880. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Avec ces défauts que j’indique à peine et avec ces limites en divers sens, Maupertuis, de son vivant et quand il était là pour payer de sa personne, n’était pas moins un homme très distingué, très propre à plus d’un emploi, et lorsque Frédéric eut conçu le projet de régénérer son Académie de Berlin, il fut l’un des premiers à qui il s’adressa, le seul même qu’il réussit complètement à s’acquérir.

1881. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

— Marolles vérifie, à la lettre, ce qu’Horace a dit, à la fin de son Art poétique, et que des critiques, gens de goût, ont trouvé un peu, exagéré : Ut mala quem scabies, aut morbus regius urget, Aut fanaticus error et iracunda Diana, Vesanum tetigisse timent fugiuntque poetam Qui sapiunt… Il en est le vivant commentaire, avec cette seule différence qu’il n’est pas un fou furieux qui poursuit de ses vers les passants dans la rue, mais un fou débile, atteint d’une des variétés du delirium senile, opiniâtre de politesse, qui désole et afflige les gens de ses envois et cadeaux à domicile.

1882. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Non, je ne crains pas de mécomptes avec vous, et ma reconnaissance seule peut égaler la parfaite sécurité que vous m’inspirez. » L’amitié épurée, exaltée, entre ces deux jeunes personnes vivant dans le grand monde artificiel de Pétersbourg et y réfléchissant chacune à sa manière les mystiques influences qui traversaient alors le ciel d’Alexandre, me fait l’effet de ces parfums légèrement enivrants et qui entêtent, exhalés par deux plantes rares nourries en serre chaude et trop poussées.

1883. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Mais la meilleure manière de les réhabiliter, la seule qui ne trompe point, c’est d’être soi-même d’autant plus honnête homme, d’autant plus humain, irrépréhensible et pur dans sa vie ; c’est d’être, aux yeux de ceux qui nous entourent, une réparation vivante à l’endroit surtout où le crime paternel a éclaté, et de forcer en sa personne l’estime qu’on entreprendrait vainement de faire remonter plus haut.

1884. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Je crois, au contraire, que, quand on le peut, et quand le modèle a posé suffisamment devant vous, il faut faire les portraits le plus ressemblants possible, le plus étudiés et réellement vivants, y mettre les verrues, les signes au visage, tout ce qui caractérise une physionomie au naturel, et faire partout sentir le nu et les chairs sous les draperies, sous le pli même et le faste du manteau.

1885. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Il en est d’elles comme de ces pastels de Latour dont le temps a enlevé la poussière d’un coup de son aile, et de qui Diderot disait dans sa prophétie ; Memento quia pulvis es… On les voyait, ces vivants et parlants portraits, on ne voyait qu’eux, et puis, un matin, on regarde et l’on ne voit plus rien.

1886. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Il dut suppléer à ce qu’on lui cachait, et se pourvoir ailleurs auprès des nombreux témoins vivants dont il était environné.

1887. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Ou encore, un souvenir obstiné lui crie : Quand il pâlit un soir, et que sa voix tremblante S’éteignit tout à coup dans un mot commencé ; Quand ses yeux, soulevant leur paupière brûlante, Me blessèrent d’un mal dont je le crus blessé ; Quand ses traits plus touchants, éclairés d’une flamme Qui ne s’éteint jamais, S’imprimèrent vivants dans le fond de mon âme, Il n aimait pas, j’aimais !

1888. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Confiné et, pour tout dire, confit dans les solennités provinciales, dans la coterie littéraire du lieu et dans les admirations bourgeoises, il put encore avoir de bons, d’aimables instants en petit comité, entre le digne évêque M. de la Motte, qui le dirigeait, et MM. de Chauvelin, gens d’esprit, dont l’un était intendant de Picardie ; mais il ne retrouva plus désormais, il ne posséda plus son talent ; il eût été incapable, à sa manière, d’un grand et vivant réveil, comme en eut Racine.

1889. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Que si l’on a affaire à un homme politique, à l’un de ceux qui ont professé hautement la science sociale, et qui, de leur vivant, ont joui tant bien que mal des honneurs et du renom de grand citoyen, oh !

1890. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

On s’épand trop aujourd’hui en écrivant comme en vivant ; le cœur ni l’esprit n’y suffisent plus.

1891. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Et quand le maître, quelques temps après, ouvrit le coffre, il le trouva vivant et tout entouré des suaves rayons.

1892. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Paul Bourget nous explique pourquoi l’héroïne du Deuxième Amour se refuse à une nouvelle expérience, ou de quel amour de pur adolescent Hubert Liauran aime Mme de Sauves, et comment, par un renversement délicieux des rôles, Thérèse le traite comme si c’était lui qui se donnait (Cruelle énigme), ou comment, dans Crime d’amour, la franchise et l’innocence d’Hélène Chazel tournent contre elle et ne font qu’irriter la défiance d’Armand de Querne, ou par quelle logique sentimentale Hélène en vient à se souiller pour se venger de l’homme qui ne l’a pas crue et pour qu’il la croie enfin… ; toutes ces pages — et combien d’autres   sont des exemplaires accomplis de psychologie vivante.

1893. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Mais l’Art par la représentation symbolique en montre l’union vivante.

1894. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

La fermentation vous mène aux maladies, qui sont en quelque sorte la fermentation de l’être vivant ; de la cristallographie vous êtes conduit à la médecine ; vous arrivez à voir que les maladies transmissibles tiennent le plus souvent à des développements irréguliers d’êtres étrangers à l’organisme, qui le troublent ou le détruisent.

1895. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Elle est de celles qui, vivantes, ont eu le charme, et, ce qui n’est donné qu’à bien peu, le je ne sais quoi du charme a survécu : il continue d’opérer après elle.

1896. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Le consul, qui fit placer la statue de Barnave à côté de celle de Vergniaud dans le grand escalier du palais du Sénat, lui en aurait fait monter, vivant, les degrés.

1897. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Elle justifie ce qu’a remarqué si bien Byron : l’amour de Rousseau n’était pour aucune femme vivante, ni pour une de ces beautés d’autrefois, que ressuscitent les rêves du poète.

1898. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Ce qui reste, c’est l’ensemble des mœurs, c’est le fond du tableau, et rien ne paraît plus vrai ni plus vivant.

1899. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Pour elle, tout en vivant avec les philosophes, elle allait à la messe, comme on va en bonne fortune, et elle avait sa tribune à l’église des Capucins, comme d’autres auraient eu leur petite maison.

1900. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Ce n’est pas qu’une critique sévère et précise, une critique d’un goût simple ne pût relever dans ce brillant et vivant morceau bien des inexactitudes et des infractions au ton vrai du sujet.

1901. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Vivant dans le commerce des hommes du meilleur temps et de la meilleure langue, il était allé, à cet égard, se perfectionnant lui-même.

1902. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

[NdA] Les Salons de Diderot ne parurent point de son vivant, et ils n’ont été imprimés pour la première fois que dans la collection de ses Œuvres donnée par Naigeon (1798) ; mais ils étaient connus dans la société, et il en circulait des copies, comme on le voit par la lettre de Mme Necker.

1903. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Ces proverbes sans doute pourront eux-mêmes avoir besoin, sur quelques points, de commentaire, mais surtout ils seront eux-mêmes un commentaire vivant et une explication animée des prétentions et des travers d’une époque : c’est là ce que j’appelle les vignettes amusantes et vraies de l’histoire.

1904. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Elle revint à son quartier du Marais, et là, entourée d’amis, vivant à sa guise, mais avertie par l’air du dehors et par l’influence régnante de Louis XIV, elle rangea sa vie, elle la réduisit petit à petit sur le pied véritablement honorable où on la vit finir, et qui a pu faire dire au sévère Saint-Simon : Ninon eut des amis illustres de toutes les sortes, et eut tant d’esprit qu’elle se les conserva tous, et qu’elle les tint unis entre eux, ou pour le moins sans le moindre bruit.

1905. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Quoique étranger et républicain, j’ai acquis, au prix de quatre ans écoulés sans que je fusse assuré en me couchant de me réveiller libre ou vivant le lendemain, au prix de trois décrets de prise de corps, de cent et quinze dénonciations, de deux scellés, de quatre assauts civiques dans ma maison, et de la confiscation de toutes mes propriétés en France, j’ai acquis, dis-je, les droits d’un royaliste ; et comme, à ce titre, il ne me reste plus à gagner que la guillotine, je pense que personne ne sera tenté de me le disputer.

1906. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Retz, qui, pour nous aujourd’hui, parce que nous savons sa vie et ses confessions, paraît un ecclésiastique des plus scandaleux, ne semblait pas tel de son vivant à ceux de son corps et à son troupeau.

1907. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Elle était agréable dans la société, honnête, douce et facile ; vivant, avec ceux qui avaient l’honneur de l’approcher, sans nulle façon.

1908. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Il n’apprit pas les langues vivantes, et il le regrette.

1909. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Né sous un gouvernement doux, vivant dans une société éclairée où le souvenir des factions était lointain, et où le despotisme qui les avait réprimées n’était plus présent ou du moins sensible, il accommoda légèrement l’humanité à son désir.

1910. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Grimm, vivant dans le monde, échappa à cette difficulté moyennant le secret de sa Correspondance ; mais, si la publicité est un écueil presque insurmontable pour la critique franche des contemporains, le secret est un piège qui tente à bien des témérités et à bien des médisances.

1911. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Necker se trouve être tour à tour un tableau vivant, un ange, une substance chimique, un lion, un chasseur, une vestale, un Apollon, un pont majestueux, un chien d’Albanie, une montagne volcanique, une colonne de feu, un nuage, une glace, un foyer, une mine, l’animal qui donne le corail, un des génies des Arabes, etc.

1912. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Plus je me suis approché de la source en interrogeant ceux qui l’ont connu et aimé, mieux j’ai pu m’assurer des qualités morales et des vertus de famille dont il a laissé en eux le vivant souvenir.

1913. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Et il n’est pas vrai de dire, avec Descartes, que cette puissance n’est rien ; car il ne s’agit pas ici d’une puissance abstraite et nue comme celle de l’école : il s’agit d’une puissance vivante et concrète qui a toujours conscience de déborder sa réalisation actuelle.

1914. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Il fut l’ami de Condell et de Hemynge, ses camarades de son vivant, ses éditeurs après sa mort.

1915. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Boileau n’est pas, comme on l’a cru, un poëte de cour ou un poëte académique : c’est un poëte vrai, plus fort qu’élégant, plus mâle que délicat, c’est une raison vivante, un cœur sans molle tendresse, mais plein d’ardeur pour la vertu, c’est une âme d’honnête homme.

1916. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Tout à coup on ne le vit plus parce que Dieu l’avait pris. » Et encore : « Pour moi, je sais que mon Rédempteur est vivant et qu’il me ressuscitera de la terre, et que lorsque ma chair aura été détruite, je verrai Dieu.

1917. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

La nature brisa encore cette création, comme elle avait fait des autres, et d’essai en essai, allant du plus imparfait au plus parfait, elle arriva à cette dernière création qui mit pour la première fois l’homme sur la terre… Pourquoi le jour ne viendrait-il pas aussi où notre race sera effacée et où nos ossements déterrés ne sembleront aux espèces vivantes que des ébauches grossières d’une nature qui s’efface ?

1918. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Qui pourrait dire quelles sont les joies de la paix suprême, là où s’élèvent des palais de vivantes escarboucles, des toits resplendissants de lames d’or, des salles rayonnantes ?

1919. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Puissé-je écrire jamais comme on essuyait les meubles, la mée, le buffet, le lit, (il n’y avait même pas d’horloge), puissé-je avoir jamais cette impression de victoire et de calme, cette certitude, cette plénitude, cette solitude, cette impression de possession définitivement, irrévocablement acquise, au moins pour un jour, puissé-je devant une phrase fouillée comme un buffet avoir cette vivante, cette laborieuse, cette ouvrière certitude, être sûr qu’au plus creux des fines, des délicates, des droites, des robustes moulures, pas plus qu’au plat le plus plan, au plat du plus large plan, au plus beau plat de bois luisant, au plus beau panneau, être plus que mathématiquement sûr qu’il ne reste pas pour aujourd’hui un grain de la poussière d’hier, sur le bois luisant, sur le noyer ciré d’avoir été ciré, d’avoir été frotté tant de fois tant de jours que derechef il ne reste pas un atome de poussière. […] a quitté ma couche pour la vôtre : Et nous sommes encor tout mêlés l’un à l’autre, Elle à demi vivante et moi mort à demi. […] Il y fallait en effet, premièrement un païen, deuxièmement un grand païen, et troisièmement que ce païen et que ce grand païen, venu après Jésus, vivant plus ou moins dans un monde chrétien, se croyant peut-être lui-même plus ou moins sincèrement plus ou moins chrétien, eût l’idée, reçût la vocation, témoin de l’extérieur, témoin extrinsèque, de considérer, de contempler, comme païen, l’un des mystères centraux du mystère chrétien. […] Les droits d’un peuple entier conquis par tant de guerres, Vous les avez tirés tout vivants du linceul. […] Aussi le poète Eschyle ne fit point de difficulté d’introduire dans une tragédie la mère de Xerxès, qui étoit peut-être encore vivante, et de faire représenter sur le théâtre d’Athènes la désolation de la cour de Perse après la déroute de ce prince.

1920. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Le panthéisme, d’un autre côté, en supprimant la personnalité divine, est aussi loin qu’il se peut du Dieu vivant des religions anciennes. […] Témoignages vivants de la nature transcendante de l’homme, les saints sont ainsi la pierre angulaire du monde et te fondement de nos espérances. […] Vivant, il se plaignait de rester ignoré et incompris ; mort, son nom a volé dans toutes les bouches, mais on ne l’a pas compris davantage. […] Nous savons que la vivante matière impondérable, qu’il prétend manipuler librement, échappe à ses mains trop grossières. […] L’histoire alors lui est apparue : non pas l’histoire morte, telle qu’on la trouve dans les archives du passé, mais l’histoire présente, vivante, dont on peut suivre de ses yeux les spectacles, dont on sent le mouvement dans ses propres veines.

1921. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Je regrette qu’il ait négligé l’occasion de fondre tous les renseignements dont foisonne sa mémoire, en une peinture plus vivante, plus intime, où apparaîtraient ces petits nobles d’Ajaccio, réduits à la simplicité par les conditions médiocres de leur fortune, mais très orgueilleux de leurs origines, jaloux de leurs prérogatives, hantés par je ne sais quel rêve impérieux. […] La crainte des autorités est le commencement de la sagesse mercantile… C’est ainsi que l’usine, avec ses hautes cheminées, ses turbines en émoi et le va-et-vient, l’activité intense de ses ateliers, s’interpose, comme une personne vivante, entre la France et cet Alsacien hésitant. […] En tout cas, de cette longue intimité avec le monde extérieur, de ce contact avec les terres vivantes et avec les terres mortes, M.  […] Un bonze déclara que l’union projetée avait reçu l’approbation non seulement de tous les parents vivants, mais encore de tous les ancêtres morts et enterrés. […] Mais il y a des réalités qui associent, à travers les océans, toutes les portions de l’humanité vivante : ce sont les larmes des femmes, la plainte ingénue des enfants, toute la douleur éparse, à travers l’infini, dans l’innombrable diversité des cœurs unis par la souffrance.

1922. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Si l’on dressait la liste de tous les auteurs ayant joui d’une grande réputation de leur vivant et ayant remporté de très vifs succès au théâtre, on pourrait constater qu’il en est quelques-uns dont les noms ont disparu de la mémoire des hommes, et que la plupart ne nous sont aujourd’hui connus que par les titres de pièces qu’on ne lit plus. […] Au moment où Joad s’écrie : Soldats du Dieu vivant, défendez votre roi, le fond du théâtre s’ouvre. […] Le moment approche où il n’y aura plus un seul théâtre de province vivant de sa vie propre. […] En effet, l’école réaliste trouvera dans l’observation des réalités vivantes plus d’éléments de drames et de comédies, que de drames tout composés et de comédies toutes faites. […] Les pièces tournent chaque jour davantage à des exhibitions de tableaux vivants et animés, art inférieur, sensualiste et matérialiste, mais surtout très borné et qui ne peut fournir une longue carrière.

1923. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Nicanor vivant, Rodogune c’est deux femmes qui se disputent un homme. […] Deux choses ont appelé sur Augier et Dumas l’attention de leurs contemporains, et c’est-à-dire qu’ils savaient dresser un personnage vraiment vivant devant nos yeux, et peindre avec vivacité certains côtés des mœurs de leur siècle. […] Et le journal qu’il a fondé, le Mercure, est resté vivant après lui, et non seulement est resté vivant, mais est devenu pour plus d’un siècle une institution nationale. […] Et si quelques acteurs ne s’étaient heureusement corrigés de ces défauts, la tragédie ne serait bientôt parmi nous qu’une suite de conversations galantes, froidement récitées. » Mais pour ce qui est de la pantomime, il l’a toujours voulue énergique, accusée, vivante, entraînante. […] Ce n’est que depuis quelques années que les acteurs ont enfin hasardé d’être ce qu’ils doivent être, des peintures vivantes. » — On voit bien maintenant quel était l’idéal même de Voltaire en matière d’art théâtral : une déclamation poétique avec une mimique approchant de celle qui est en usage dans nos mélodrames.

1924. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Le savant et spirituel helléniste, le Swift de l’érudition, et le Lucien du pamphlet politique avait cela de singulier, parmi les érudits, qu’il connaissait à fond tous les tours et tous les détours de notre langue, qu’il l’avait, pour ainsi dire, apprise par cœur, comme une langue morte, et la savait d’instinct, comme une langue vivante : mais cette connaissance profonde, et si rare de nos jours, lui avait donné le goût du vieux langage, des formes surannées, des idiotismes. […] Son père, vivant à la campagne, sans autre occupation que l’étude des lettres, conservait d’honorables liaisons avec les premiers citoyens de la république. […] Ainsi, et les adroits ménagements d’Octave, et les restes encore vivants des anciennes mœurs, et l’admiration accordée au génie, tout allégea d’abord le poids de la dictature. […] Ses images ne semblent pas saisies d’original sur le modèle vivant de la nature, pour être ensuite élevées par l’imagination jusqu’à l’idéal : il décrit d’après les livres. […] De son vivant, et dans une vie courte, il a eu l’honneur refusé longtemps aux plus grands poètes de son pays, celui d’être compris, admiré, traduit, imité chez tous les peuples civilisés.

1925. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Il y était dit que cette espèce de consultation et de clinique gratuite devait se tenir tous les samedis à l’issue de la messe qui se célébrait chaque semaine en la chapelle de la Faculté, et après laquelle on réciterait désormais les Litanies de la Vierge et l’on invoquerait particulièrement les saints et saintes qui de leur vivant, par profession ou par charité, avaient exercé et pratiqué la médecine.

1926. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

C’est alors que, retiré absolument des affaires, au seuil d’une robuste vieillesse, vivant de préférence en sa charmante habitation du Bois-Roussel (dans l’Orne), au milieu des libertés champêtres ou des joies de la famille, il se livra à ses goûts d’étude et de société combinés, et à la composition d’ouvrages moitié littéraires, moitié historiques, où il se développa avec une originalité entière.

1927. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Entre ces érudits modestes qui s’ensevelissent dans les fondations d’un vieux règne et dans les monuments d’un siècle où ils deviennent ensuite d’indispensables guides (comme l’abbé Le Grand), entre ces peintres éclatants et fougueux qui mettent toute leur époque en pleine lumière et qui la retournent plus vivante à tous les regards (comme Saint-Simon), Duclos n’a suivi qu’une voie moyenne, conforme sans doute à la nature de son esprit, mais qu’il n’a rien fait pour élargir, pour décorer chemin faisant, pour marquer fortement à son empreinte et diriger vers quelque but immortel ou simplement durable : l’abbé Le Grand le surpasse dans un sens, comme dans l’autre Saint-Simon le couvre et l’efface, et comme le domine Montesquieu.

1928. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Celui-ci vivant et les défendant, l’entreprise paraissait difficile, même téméraire.

1929. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Un des raits qu’on cite de lui est que, lorsqu’on lui apporte des lièvres pris en chasse, ou d’autres animaux semblables, son plaisir est de les voir rôtir vivants.

1930. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

voici la définition d’un bal : « Un bal, c’est une corbeille de rubans et de gazes, confusément pleine de fleurs fraîches, de fleurs fanées et de fleurs artificielles, parmi lesquelles, à la lumière des bougies, se joue un essaim de papillons noirs. » Il y a là toute une aquarelle vivante, claire, légère, comme il les sait faire, et tachetée de noir par places avec caprice et agrément.

1931. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

 Toutes les considérations, disait-il encore, que l’on peut me représenter là-dessus me sont connues ; mais, en vérité, elles regardent plutôt les successeurs que les vivants. » Il resta donc ce qu’il était, célibataire et philosophe, « génie libre et sans façon ».

1932. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Les œuvres et productions de l’esprit, quand elles n’éclatent point au théâtre par de grandes et vivantes créations, quand elles se tiennent plus près de la pensée et dans les régions intermédiaires, sont d’une appréciation infiniment plus discrète et plus voilée, plus incertaine et plus douteuse aussi dans ses nuances, et elles exigent, pour être senties convenablement, des esprits plus avertis de longue main et plus préparés.

1933. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Les aides de camp ne s’en plaignaient pas ; ils se trouvaient plus à leur aise en vivant ensemble, et se livraient sans contrainte à la gaieté qui caractérise la jeunesse, la jeunesse française, la jeunesse militaire.

1934. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Quoi de plus honorable, de plus digne d’intérêt que le travail assidu (fût-il un peu hâtif et lâché) d’un écrivain pauvre, vivant par là et soutenant les siens ?

1935. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

En tout genre, les personnages célèbres morts ne sont-ils pas des marionnettes aux mains des vivants ?

1936. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Le grand exemple présent de Walter Scott venait apporter des preuves vivantes à l’appui de cette manière, en dehors, il est vrai, du cercle régulier de l’histoire, mais si prés qu’il semblait qu’il n’y eût qu’un pas à faire pour y rentrer.

1937. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Joubert de son vivant n’a jamais écrit d’ouvrage, ou du moins rien achevé : « Pas encore, disait-il quand on le pressait de produire, pas encore, il me faut une longue paix. » La paix était venue, ce semble, et alors il disait : « Le Ciel n’avait donné de la force à mon esprit que pour un temps, et le temps est passé. » Ainsi, pour lui, pas de milieu : il n’était pas temps encore, ou il n’était déjà plus temps.

1938. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Mais on est heureux lorsqu’à travers cette variété d’emplois et de talents on arrive de tous les côtés, on revient par tous les chemins au moraliste et à l’homme, à une physionomie distincte et vivante qu’on reconnaît d’abord et qui sourit.

1939. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

En pleurant le prince mort, je m’alarme pour les vivants.

1940. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

C’est là ce qui appartenait en propre à Molière, et c’est beaucoup, puisque c’est ce qu’il y a de plus vivant et pour ainsi dire de plus immortel.

1941. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Les traits qu’il a réunis et groupés dans une personnification vivante, nous les avons vus éparpillés sur un certain nombre d’originaux dont son art a fait un type.

1942. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Ce n’était pas assez que, vivant, ce vieillard cupide ait corrompu le goût public avec ses extravagances littéraires.

1943. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Elle ne meurt point ; elle dort et ce sont des sommeils de Belle-au-Bois-dormant d’où elle renaît, chaque fois plus vivante.

1944. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Remercions madame Gros d’avoir fait revivre dans notre âge, devenu étranger aux grands secrets de l’âme, les merveilles de conversion qui semblaient réservées aux temps où la grâce vivante se promenait sur la terre avec ses trésors d’indulgence et de pardon.

1945. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Il y a ici une question littéraire qui n’a jamais été touchée qu’à peine, tant il a été convenu d’emblée et d’acclamation que Béranger était classique comme Horace, et le seul classique des poètes vivants.

1946. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Le prince de Broglie ne manque pas, à la première occasion, de lui faire passer les deux ouvrages, « au moyen de quoi j’espère, ajoute-t-il gaiement, que si, de mon vivant, les colonies espagnoles se révoltent contre leur souverain, je pourrai me vanter d’y avoir contribué ».

1947. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Cette pétulance gesticulante qui paraissait d’abord si curieuse à Paris, et qui le distinguait aussitôt, était vulgaire dans la rue de Tolède et aux environs ; Galiani manquait d’écouteurs et de cercle à lui tout seul : « Paris, s’écriait-il souvent avec l’accent du désespoir après l’avoir quitté, Paris est le seul pays où l’on m’écoutait. » Une fois retiré dans sa patrie, cette patrie qu’il aime pourtant, et dont il est une des curiosités vivantes, il se meurt de paroles rentrées et non écoutées.

1948. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Elle se consola d’abord en vivant à Paris dans la compagnie des gens d’esprit qui s’y trouvaient ; elle y connut La Fare, qui fit pour elle ses plus jolis vers.

1949. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

— qui se rapportaient à la manière trop habituelle et très incomplète dont l’abbé Genest, en ses jours de distraction, attachait le vêtement que les Anglais n’osent nommer ; ce sont des plaisanteries de nature à n’avoir place que dans Le Lutrin vivant.

1950. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Or, tout cela est inexact et contraire à la vérité, puisque c’est Vauvenargues lui-même qui, dans la première édition faite sous ses yeux et publiée de son vivant, fit insérer ces deux morceaux.

1951. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Les personnes de Provins qui ont le plus connu et le mieux aimé Moreau de son vivant, ont paru me savoir gré de ce sentiment à la fois de réserve et de sympathie.

1952. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

De plus, presque tous les personnages qui figuraient dans les romans de Mlle de Scudéry étaient des vivants et des contemporains dont on savait les noms, dont on reconnaissait les portraits et les caractères, depuis le Grand Cyrus dans lequel on voulait voir le Grand Condé, jusqu’à Doralise qui était Mlle Robineau.

1953. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Je vois cette fille orpheline d’un père vivant.

1954. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Ses petits écrits parurent de son vivant et d’abord sans sa participation, bien que, par le soin extrême de rédaction qu’elle y avait mis, elle semble avoir eu en vue le public.

1955. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Voilà donc Marmontel comme nous avons tous été, logé rue des Maçons-Sorbonne, et ensuite petite rue du Paon, allant au café Procope, vivant à crédit, en quête d’un libraire, composant une belle tragédie pour l’hiver prochain et rédigeant, en attendant, avec un ami, un petit journal (L’Observateur).

1956. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Ils ont renversé des États pour les régénérer, et disséqué des hommes vivants pour les mieux connaître… En écrivant ces pages éloquentes et enflammées (et il y en a quatre-vingts de suite sur ce ton-là), Rivarol se souvenait évidemment de ces hommes avec qui il avait passé tant d’années et dont il connaissait le fort et le faible, des Chamfort, des Condorcet, des Garat.

1957. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Il combina ces qualités diverses et les réalisa dans des personnages vivants, dans un seul surtout qu’il anima et doua d’une vie puissante et d’une fertilité de ressources inépuisable.

1958. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Pourtant ce fut lui qui, à la fin, rencontra cette mesure si délicate et si rare, qui l’introduisit, qui la montra possible par ses écrits, qui l’offrit vivante dans sa personne, et qui, sur la pente nouvelle où l’Université, bon gré mal gré, se trouvait conduite, l’inclina doucement aux réformes utiles, lui ménageant un dernier âge fécond encore et prospère.

1959. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Cosnac causait beaucoup et bien, et trop ; il racontait son passé avec plaisir, avec délices, avec variantes, et il s’en était formé de son vivant comme une légende que lui-même entretenait.

1960. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Le peintre ému se reconnaît pourtant dès les premières lignes ; les descriptions ne sont pas sèches ; le paysage n’est là que pour se mettre en rapport avec les personnages vivants : « Un paysage, dit-il, est le fond du tableau de la vie humaine. » Avant de s’embarquer à Lorient, et sans avoir encore quitté le port, en s’y promenant et en nous y montrant le marché aux poissons avec tout ce qui s’y remue de fraîche marée, l’auteur nous rend une petite toile hollandaise ; en nous peignant avec vérité le retour des pêcheurs par un gros temps, il y mêle le côté sensible dont il abusera : « C’est donc parmi les gens de peine que l’on trouve encore quelques vertus. » On reconnaît le petit couplet philosophique qui commence, mais il ne le prolonge pas trop, et cela ne va pas encore jusqu’au sermon56.

1961. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Le style le plus décharné est parfois vivant ; une goutte d’eau ressuscite le rotifère desséché  ; une lueur d’imagination restitue aux mots glacés leur valeur émotionnelle.

1962. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Lorsque la langue latine étoit une langue vivante, ceux qui vouloient faire des vers en cette langue connoissoient déja par l’usage la quantité : c’est-à-dire, la longueur ou la brieveté des syllabes.

1963. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Ainsi toutes les générations humaines ; ainsi tous les peuples de tous les âges et de tous les lieux ; ainsi les vivants et les morts sont unis entre eux et avec Dieu par la parole.

1964. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

La vérité n’en doit pas moins être dite, pour des raisons supérieures, soit qu’elle blesse les partis toujours vivants, soit qu’elle contrarie les opinions faites ou même qu’elle paraisse trop piquante pour être admise.

1965. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

On les rencontre dans son histoire : saint Aignan, saint Germain, saint Loup, sainte Geneviève, saint Léon, furent les intuitions vivantes de leur époque.

1966. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Il y est toujours, cet accent d’une réalité qui palpite, et qui, en somme, n’a perdu que de son intensité, tandis qu’au contraire l’Augustin vrai que je cherche, l’Augustin dans lequel le poète veut fondre le René pour en faire un type inattendu, une autre création poétique vivante, je ne le vois pas.

1967. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

que les poussières, Couches d’humus des cimetières, Soient encor des êtres vivants !

1968. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Combien de fois un sentiment une fois créé, vivant et agissant, ne modifie-t-il pas la forme sociale qui a participé à sa création ?

1969. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

C’est devant le peuple que Tibérius Gracchus s’écriait : « Les bêtes féroces ont un antre où elles peuvent se réfugier et trouver un asile ; mais vous, citoyens romains, vous maîtres d’une partie du monde, vous n’avez pas un toit où vous puissiez reposer ; vous n’avez ni un foyer, ni un asile, ni un tombeau. » C’est devant le peuple que l’orateur d’Athènes s’écriait : « Vous vous informez si Philippe est vivant, ou si Philippe est mort ; eh !

1970. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Les propriétaires du Journal des Débats se rappelèrent le talent qu’il avait montré à cette époque ; ils connaissaient sa vaste érudition, et surtout les qualités de son esprit tour à tour sévère et malin, austère et plaisant ; ils savaient qu’il maniait avec dextérité les armes de la censure et de la raillerie, qu’il ne ferait grâce à aucun défaut, qu’il n’épargnerait aucun ridicule, qu’il était en état de lutter avec les meilleurs critiques de l’époque ; qu’il possédait en littérature des principes fixes, invariables, qu’il ne craindrait pas d’attaquer l’amour-propre des auteurs vivants, et surtout qu’il se trouvait dégagé par sa position sociale de ces méticuleuses considérations, de ces ménagements puérils qui retiennent les traits de la critique dans le cercle étroit des petits intérêts particuliers, et ne leur permettent jamais de dépasser cet horizon borné. […] Voici un autre principe du même philosophe, qui ne me paraît pas plus juste : « Un vivant, dit d’Alembert, qui critique un mort en possession de l’estime publique, doit avoir raison et demie pour parler, et se taire quand il n’a que raison : voyez comme on a reçu les pauvres gens qui ont relevé les sottises d’Homère ; ils avaient pourtant au moins raison et demie, ces pauvres diables-là !  […] Corneille était un homme simple, modeste, plein de défiance de lui-même, sans ambition, sans intrigue, vivant dans la retraite, au sein de la pauvreté ; il n’avait point d’autres prôneurs, d’autres partisans que ses chefs-d’œuvre ; il avouait ses fautes avec une noble candeur ; il se jugeait sévèrement lui-même. […] et moi je le vois partout ; il plane sur le théâtre ; son nom retentit dans toutes les scènes ; Pompée est l’âme de toute l’action ; partout il est dignement représenté par sa veuve ; tout se rapporte à Pompée ; partout c’est Pompée honoré, Pompée vengé par son rival : s’il était vivant et présent, on ne le verrait pas mieux.

1971. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

D’autres poètes, arrivés longtemps après lui, ont déjà fait la leur : ils se sont enivrés de l’encens du fanatisme ; la flatterie les a déifiés de leur vivant ; ils ont reçu une gloire de la même nature que leur mérite : Receperunt mercedem suam, vani, vanam. […] Il y a beaucoup de finesse dans cette observation ; il n’est pas dans la nature qu’une mère préfère un époux mort à un fils vivant ; mais la fidélité aux cendres d’un mari est si touchante dans une jeune veuve ! […] Junie, que Tacite appelle Junia Calvina, n’était point, comme l’auteur la suppose, une jeune fille douce, modeste et timide, vivant dans la retraite, fuyant le monde et la cour. […] La Phèdre de Racine est une Phèdre française ; accablée de honte et de remords tant qu’elle croit son époux vivant, elle prend courage dès qu’elle s’imagine être veuve ; alors elle parle et fait sa déclaration. […] Cette coquetterie raffinée et savante, dont elle explique les mystères avec tant d’éloquence, était inconnue aux femmes de la Grèce, et même leur eût été fort inutile, puisque, vivant séparées des hommes, elles n’auraient pu trouver d’occasion d’exercer cette science sublime.

1972. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

« Que voulez-vous, dit ce bon vivant, c’est ma vocation, et ce n’est pas péché pour un homme que de suivre sa vocation61. […] Mais ce n’est pas avec des sentences morales qu’il est possible d’égayer une comédie ; ce n’est pas avec de longs plaidoyers sur la corruption du monde que l’on peut animer un drame et le rendre vivant.

1973. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Chacun de vos personnages sera un vice, une vertu, un ridicule incarné, et la passion que vous lui prêterez sera si fréquente, si invariable, si absorbante, qu’il ne ressemblera plus à un homme vivant, mais à une abstraction habillée en homme. […] Il sera une satire vivante de l’hypocrisie, et rien de plus.

1974. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

tu préserveras de la rage de ce brigand tes autels, ces murs et la vie de tous nos citoyens ; et tous ces ennemis de Rome, ces déprédateurs de l’Italie, ces scélérats liés entre eux par les mêmes forfaits, seront aussi, vivants et morts, réunis à jamais par les supplices. » VIII Nous ne donnerons aujourd’hui que cet éclair de l’éloquence parlée de Cicéron. […] Il est vrai que, averti par l’ancien proverbe, je pense toujours aux vivants ; mais, quand je voudrais oublier Épicure, comment le pourrais-je, lui dont nos amis ont le portrait, non seulement reproduit à grands traits par la peinture, mais encore gravé sur leurs coupes et sur leurs bagues ?

1975. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Il tint un instant, à la hauteur de sa poitrine, la patène contenant l’hostie, qu’il offrit à Dieu, pour lui, pour les assistants, pour tous les fidèles vivants on morts. […] Ce qui avait provoqué ce brillant honneur, c’est qu’Ar…in avait mangé une salade de hannetons vivants et mordu dans un chat crevé »6.

1976. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Et un être vivant qui se contenterait de vivre n’aurait pas besoin d’autre chose. […] Où est en effet la commune mesure, où est le point de contact entre l’image sèche, inerte, isolée, et la réalité vivante du mot qui s’organise avec la phrase ?

1977. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Ces noms d’amants, non pas gravés, cette fois, sur les écorces de quelque hêtre, mais inscrits aux parois des ruines éternelles, s’associent à la grave histoire, et deviennent une partie vivante de son immortalité. […] Mme de Staël avait horreur de l’âge et de l’idée d’y arriver ; un jour qu’elle ne dissimulait pas ce sentiment devant Mme Suard, celle-ci lui disait : « Allons donc, vous prendrez votre parti, vous serez une très-aimable vieille. » Mais elle frémissait à cette pensée ; le mot de jeunesse avait un charme musical à son oreille ; elle se plaisait à en clore ses phrases, et ces simples mots, Nous étions jeunes alors, remplissaient ses yeux de larmes : « Ne voit-on pas souvent, s’écriait-elle (Essai sur le Suicide), le spectacle du supplice de Mézence renouvelé par l’union d’une âme encore vivante et d’un corps détruit, ennemis inséparables ? […] on la croirait mourante ; Et, parmi ces tombeaux, moi donc suis-je vivant ?

1978. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Alexandre fut tellement frappé de l’éclat du caractere d’Achille, qu’il se le proposa tout entier pour modéle ; et parce que ce héros après avoir tué Hector, le traîna indignement sur la poussiere : Alexandre crut encherir sur sa gloire, en traînant de même encore tout vivant, le gouverneur d’une place qu’il venoit de prendre. […] Du moins n’y a-t-il personne en état de faire là-dessus, une estimation juste des langues vivantes et des langues mortes ; et d’ailleurs, en quelque langue que ce soit, quand on exprime une chose de la maniere la plus précise qu’elle se puisse dire, l’esprit ne compte point les mots, et il est également content du plus ou du moins, pourvû qu’il ne sente que le nécessaire. […] J’avoue donc que le bouclier d’Achille m’a paru défectueux par plus d’un endroit ; les objets que Vulcain y représente n’ont aucun rapport au poëme, et ils ne conviennent ni à Achille pour qui on le fait, ni à Thétis qui le demande, ni à Vulcain même qui en est l’ouvrier ; les objets y sont tellement multipliés, qu’à peine imagine-t-on que le bouclier les pût contenir distinctement ; les figures représentées agissent et changent de situation, comme si elles étoient vivantes, ce qui fait un prodige puérile.

1979. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Le Dante, supposé vivant, a l’horrible teinte des lieux ; Virgile, couronné d’un sombre laurier, a les couleurs de la mort. […] Une portion de l’empire restait, où Rembrandt seul avait fait quelques excursions, — le drame, — le drame naturel et vivant, le drame terrible et mélancolique, exprimé souvent par la couleur, mais toujours par le geste. […] Chaque individu est une harmonie ; car il vous est maintes fois arrivé de vous retourner à un son de voix connu, et d’être frappé d’étonnement devant une créature inconnue, souvenir vivant d’une autre créature douée de gestes et d’une voix analogues.

1980. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Tantôt, emporté par un désir impétueux, il se précipite dans ces espaces mornes de l’Abstraction où ne règne nulle clarté vivante. […] Je sais que mes frères de lutte et moi nous mourrons sans réaliser notre rêve, que, de mon vivant, j’aurai à subir tous les déboires : la haine des inactifs, l’envie des faibles „et les attaques des médiocres. […] Précieuse vertu, cher ami, force qu’il me plaît de trouver toujours vivante en toi malgré les rires et les grognements envieux des impuissants et des égoïstes imbéciles que tu flagelles… Mais allons souper : ma femme doit nous attendre. […] Splendide, le soleil étale une vague d’or vivant jusqu’au fond de la chambre.

1981. (1864) Études sur Shakespeare

Cependant ces hommes sont nés pour sentir des joies plus nobles et plus vives ; en eux reposent des facultés que la monotonie de leur existence laisse s’endormir dans l’inaction : qu’une voix puissante les réveille ; qu’un récit animé, un spectacle vivant viennent provoquer ces imaginations paresseuses, ces sensibilités engourdies, et elles se livreront à une activité qu’elles ne savaient pas se donner elles-mêmes, mais qu’elles recevront avec transport ; et alors naîtront, sans le concours de la multitude, mais en sa présence et pour elle, de nouveaux jeux, de nouveaux plaisirs qui deviendront bientôt des besoins. […] Dans la première classe se rangent la plupart de ses comédies ; la seconde comprend toutes ses tragédies, scènes immenses et vivantes où toutes choses apparaissent sous leur forme solide, pour ainsi dire, et à la place qu’elles occupent dans une civilisation orageuse et compliquée ; là, le comique intervient aussi souvent que son caractère de réalité lui donne le droit d’y entrer et l’avantage de s’y montrer à propos. […] En 1623, Hemynge et Condell avaient publié la première édition complète de ses pièces, dont treize seulement avaient été imprimées de son vivant. […] Dans Jules-César, la scène s’ouvre par le tableau vivant des mouvements et des sentiments populaires : quelle exposition, quel entretien feraient aussi bien connaître le genre de séduction qu’exerce sur les Romains le dictateur, le genre de danger que court la liberté, et l’erreur ainsi que le péril des républicains qui se flattent de la rétablir par la mort de César ?

1982. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

. — Les Œuvres de Gresset se composent : 1º De ses Poèmes, comprenant Ver-Vert, Le Carême inpromptu, Le Lutrin vivant, La Chartreuse, des Épîtres, des Odes ; — et une assez faible traduction en vers des Églogues de Virgile. […] L’Influence de Rousseau ; — et que de son vivant il a fait bien plus de bruit qu’il n’a exercé d’action ; — comme si l’intérêt passionné qu’on prenait à son personnage ; — à la singularité de sa fortune ; — et au charme réel qu’il savait bien laisser voir quand il le voulait ; — eût détourné l’attention du fond de ses idées ; — ou en eût masqué l’importance. — Une autre raison en est que l’on ne l’a tout à fait connu qu’après la publication de ses Confessions ; — qui n’ont commencé de paraître qu’après sa mort ; — et dont le caractère unique a éclairé d’une lumière inattendue son œuvre tout entière. — Les Confessions sont-elles l’œuvre d’un esprit sain ? […] Disons mieux, et si l’on met à part quelques Correspondances de femmes, ou plutôt les seules Lettres de Mme de Sévigné, la Correspondance de Voltaire est un monument unique dans notre littérature ; et, de son œuvre entière, la partie la plus vivante. […] Importance littéraire du rôle de Bernardin de Saint-Pierre ; — et qu’il représente éminemment trois choses : — les commencements de l’exotisme dans la littérature descriptive ; — la réaction du sentiment contre les abus du rationalisme ; — et la transformation du style algébrique en style concret, vivant et coloré. — Ses Relations de voyage ; — et comment elles élargissent l’horizon entrouvert par Rousseau dans sa Nouvelle Héloïse. — Les descriptions du Voyage à l’Île de France, 1773, et celles des Jardins de l’abbé Delille, 1782. — Opposition des deux manières ; et comment Bernardin de Saint-Pierre achève et complète Buffon. — Si le principal mérite de Paul et Virginie n’est pas dans la nouveauté du décor ; — et que resterait-il de l’idylle un peu niaise de la quinzième année, — si l’on en ôtait la séduction et le charme des paysages qui l’encadrent ?

1983. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

vit dans les bois de myrtes errer les apparences de ceux qu’un amour malheureux a tourmentés vivants, et qui, ayant conservé jusque dans la mort leurs tendres soucis, lavent en vain dans le Styx leur cruelle blessure. […] Le poète l’a célébrée, sans fatigue, vivante et morte. […] Madeleine des Roches semblait la sœur aînée de sa fille Catherine, qui était son portrait vivant pour les avantages du corps et de l’esprit. […] Rapin, Passerat, Pierre Pithou, Scévole de Sainte-Marthe, Joseph Scaliger, Odet Turnèbe, prirent part au divertissement ; je ne sais par quel hasard le président Pibrac n’en fut pas ; quelques-uns, pour varier la fête, joignirent aux vers français et latins des vers espagnols, italiens et grecs. » Un témoin du fait mémorable, le célèbre jurisconsulte Étienne Pasquier lui-même, en a tracé un tableau autrement vivant et significatif que celui du critique : « M’estant transporté, dit Estienne Pasquier, en la ville de Poitiers, pour me trouver aux Grands-Jours qui se devoient tenir sous la bannière de M. le président de Harlay. je voulus visiter mes Dames des Roches, mère et fille, et après avoir longuement gouverné la fille, l’une des plus belles et sages de notre France, j’aperceu une puce qui s’estoit parquée au beau milieu de son sein ; au moyen de quoy, par forme de risée, je luy dy que vrayement j’estimois cette puce très prudente et très hardie : prudente d’avoir sceu, entre toutes les parties de son corps, choisir cette belle place pour se rafraîchir ; mais très hardie de s’estre mise en si beau jour, parce que, jalouz de son heur, peu s’en falloit que je ne meisse la main sur elle, en délibération de luy faire un mauvais tour, et bien lui prenoit qu’elle estoit en lieu de franchise. […] « C’est qu’avec beaucoup d’imagination, remarque-t-il, il est naturellement peu coloriste, et qu’il a besoin, pour arriver à une expression vivante, d’évoquer, comme par un soubresaut galvanique, les êtres de l’ancienne mythologie.

1984. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

— On sait d’autre part qu’à Metz, la seule ville de France où les juifs eussent un état légal, leur misérable condition avait éclaté aux yeux de Bossuet, tout jeune encore, comme une preuve vivante de la Providence de Dieu. […] Assemblons-nous, Chrétiens, pour combattre les ennemis du Dieu vivant ; renversons les remparts de ces nouveaux Samaritains. […] Nous ne sommes assurés ni que les corps célestes « s’attirent », ni que les formes vivantes « évoluent » et se changent les unes aux autres ; mais il nous suffit, pour le croire, que l’évolution et l’attraction nous expliquant plus de faits qu’aucune autre théorie qu’on leur puisse opposer. […] Le portrait serait moins vivant. […] En 1685, dans la France de Louis XIV, les protestants, écartés des tentations par les mêmes mesures qui les éloignaient des emplois, se dressaient comme un enseignement vivant, par l’ardeur de leur foi, par leur constante préoccupation « du salut », par leur éloignement des plaisirs faciles, par la dignité de leurs mœurs, par la raideur même enfin et la fierté de leur attitude.

1985. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Il a dû écrire, non plus dans le latin un peu mort qu’employait l’Église au moyen âge, mais dans le langage vivant, destiné aux générations nouvelles, dans cette langue appelée peut-être à décomposer un jour toutes les autres, et qui déjà est acceptée, d’un bout de l’Europe à l’autre, comme la langue de la diplomatie et des affaires. […] Les draperies marquent sans recherche les différentes parties du corps ; on sent qu’un être vivant est dessous. […] Ce ne serait ni un système abstrait, ni des faits isolés, mais un système vivant, la légitime alliance de l’idéal et du réel, quelque chose enfin de raisonnable. […] Ainsi l’histoire n’est pas seulement une géométrie sublime, c’est une géométrie vivante, un tout organique dont les divers membres sont des touts qui ont leur vie à part, et qui en même temps se pénètrent si intimement qu’ils conspirent ensemble à l’unité de la vie générale. […] Notre philosophie n’est point une philosophie mélancolique et fanatique, qui, préoccupée de quelques idées exclusives, entreprend de tout réformer sur elles : non, c’est une philosophie essentiellement optimiste, dont l’effort est de tout comprendre ; son unité n’est pas une unité systématique et artificielle, c’est une harmonie, l’harmonie vivante de toutes les vérités, même lorsqu’elles paraissent opposées.

1986. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Quand on personnifie l’idéal, qu’on en fait un être vivant et conscient, la tendance à l’idéal devient le sentiment religieux. […] Pour faire une œuvre une vivante il faut se passionner pour elle : artistes, écrivains ne réussissent qu’en se passionnant pour leur objet. […] Tout dans la nature est vivant, est animé. […] La matière est une abstraction : On remarquera que les animaux n’ont aucun moyen de se représenter un être non vivant ; ils ne connaissent qu’eux-mêmes et par eux tout le reste.

1987. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

que ses vers en langue vulgaire n’eussent de son vivant, aucune célébrité ; ce serait faire au goût de ses contemporains une injure gratuite. […] Cependant je n’aperçois, nulle part, la ferme volonté de présenter, sous une forme vivante, les idées formulées par la philosophie moderne. […] Or, dans les assemblées politiques, ceux qui attendent et se taisent sont estimés à l’égal des momies ; ce sont des morts qui regardent les vivants. […] Au lieu de chercher pour elles des images vivantes qui nous charment et nous captivent, il s’obstine à prodiguer les termes les plus prosaïques. […] Michelet un progrès manifeste ; c’est assurément la partie la plus vivante, la plus vraie, la plus nette, de ce long travail commencé depuis seize ans.

1988. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Il nous la rend dans ses lettres avec un peu de cahotement, mais sans ennui, et il en est un dernier produit des plus vivants.

1989. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Il est religieux et dévot, quoique mondain et bon vivant ; il s’agenouille devant une croix qu’il rencontre, et récite des Pater et des Ave pour les morts ; il félicite les chevaliers qu’il célèbre, et tire sujet de louange pour eux que Dieu leur ait accordé pleine connaissance et entière repentance à l’heure de la mort.

1990. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

En parlant ainsi, il avait raison de son vivant.

1991. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Ses auteurs à lui, parmi les vivants, c’est l’abbé Fleury dont il trouve les discours et dissertations admirables, et qui « a écrit », dit-il, « avec fidélité, sincérité, et dans une sublime simplicité » ; c’est le chancelier d’Aguesseau de qui il a l’honneur d’être estimé, dont les rappels et retours d’exil font la joie des honnêtes gens, et qui reste « grand homme » à ses yeux, malgré bien des faiblesses ; c’est Rollin dont il apprécie le Traité des Études, trop sévèrement et surtout trop sèchement critiqué par Gibert : « (7 mars 1727.) — M. 

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