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2953. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Un livre sur l’amour, et celui de Stendhal aussi bien que la vita nuova, répond donc à une cristallisation esthétique, et l’effet de cette cristallisation esthétique est de donner le sentiment authentique et présent de la cristallisation amoureuse.

2954. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

C’est à elle que Louis XIV dut les principales qualités de son âme ; cette droiture, ennemie de la dissimulation, et qui ne sut presque jamais s’abaisser à un déguisement ; cet amour de la gloire qui, en élevant ses sentiments, lui donnait de la dignité à ses propres yeux, et lui faisait toujours sentir le besoin de s’estimer ; cette application qui, dans sa jeunesse même, fut toujours prête à immoler le plaisir au travail ; cette volonté qui savait donner une impulsion forte à toutes les volontés, et qui entraînait tout ; cette dignité du commandement qui, sans qu’on sache trop pourquoi, met tant de distance entre un homme et un homme, et au lieu d’une obéissance raisonnée, produit une obéissance d’instinct, vingt fois plus forte que celle de réflexion ; ce désir de supériorité qu’il étendait de lui à sa nation, parce qu’il regardait sa nation comme partie de lui-même, et qui le portait à tout perfectionner ; le goût des arts et des lettres, parce que les lettres et les arts servaient, pour ainsi dire, de décoration à tout cet édifice de grandeur ; enfin, la constance et la fermeté intrépide dans le malheur, qui, ne pouvant diriger les événements, en triomphait du moins, et prouva à l’Europe qu’il avait dans son âme une partie de la grandeur qu’on avait cru jusqu’alors n’être qu’autour de lui.

2955. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

» Malgré la mobilité des plis des draps et des couvertures, un lit révèle les sentiments de ceux qui l’habitent. […] Supprimez leurs différences artificielles, le sentiment de l’héroïsme est l’atmosphère commune où baignent leurs créations. […] Quant au roman, il avait devancé le théâtre ; et, de toutes les branches de l’art, aucune n’a été plus hardiment révolutionnaire. — Révolutionnaire avec George Sand dans l’analyse des sentiments ; avec Balzac dans la peinture des mœurs ; avec le réalisme, — ce réalisme encore si mal défini — qui reprend à nouveau l’œuvre de Balzac, et la complète par le détail. […] Mais qu’un jeune homme, que les ans accumulés n’ont pas atteint et convaincu d’impuissance, obéisse, en traduisant en jugements ses impressions de lecture, à un sentiment de rancune ou de partialité jalouse, — voilà ce que nous déclarons impossible ; ou, si cela était, s’il se pouvait qu’un pareil homme existât, il nous semblerait tout à la fois bien misérable et bien à plaindre, car il aurait perdu, vieux avant l’âge, son meilleur titre et son plus beau privilège, la jeunesse et la sincérité, — qui est l’âme même de la jeunesse. […] Comme les œuvres de Rousseau en France, Werther en Allemagne eut l’importance d’une découverte et d’une révélation. — À la prostration des vertus civiques, à la dégénérescence des cœurs, Goethe opposait le sentiment de la nature, l’exaltation de la liberté individuelle, la glorification du devoir. — C’était comme une porte grandiose s’ouvrant tout à coup sur les chastes pays de l’idéal.

2956. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Il a un sentiment très-vif et très-juste de la situation actuelle des questions, et l’on sent qu’il n’est pas disposé à se laisser renfermer à tout jamais dans un cercle infranchissable d’opinions convenues. […] Ainsi nous avons bien tous un vague sentiment qu’il s’élève aujourd’hui une philosophie nouvelle, assez semblable à celle du xviiie  siècle ; mais la nuance précise et fine qui caractérise cette philosophie et les nuances qui en distinguent les différentes branches échappent à beaucoup d’esprits peu familiers avec ces questions. […] L’humanité ne reste jamais deux instants de suite la même, elle est essentiellement mobile, et cette mobilité infinie d’états, déterminant une semblable mobilité de sensations, de sentiments, d’impulsions do toute nature, donne naissance aux croyances, aux doctrines, aux systèmes qui changent indéfiniment aussi, comme la substance dont ils sont les accidents. […] Si cette école est fidèle à ses principes, si elle veut se dégager de toute hypothèse, elle dira : âme est un mot qui désigne la cause inconnue et hypothétique des phénomènes de pensée, de sentiment et de volonté.

2957. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Puis, après avoir tenté, non pas la fortune, ni même la chance, mais le Désennui, dans des voyages néanmoins occupés en des industries riches d’aspect et de ton (dents d’éléphants, poudre d’or), il mourut d’une opération manquée, retour du Hanar, à l’Hôpital de la Conception à Marseille, dans, assure l’éditeur autorisé des Poésies Complètes, les sentiments de la plus sincère piété. […] Je dus, comme tout le monde, me contenter de la lecture de Mes premières années de Paris et de Depuis qui ne sont que la réédition très augmentée et très modifiée des volumes de vers que j’avais en vain tant cherchés, et qui sont d’une bonne excentricité avec, par moments, des pages d’exquis sentiment... […] dans les récits de seul bon sens, de seul Bon Sens, dans les sortes d’apologues lumineux s’adressant à nos meilleurs sentiments de haine parfaite, perfecti odii, pour la soi-disant Bourgeoisie (je dis soi-disant Bourgeoisie, car au fond il y a de réelles bonnes et braves gens partout et les castes ont raison d’être) ; je veux parler des Phantasmes de M.  […] N’allèrent-ils pas en effet, alors qu’il ne s’agissait que d’art et de littérature, jusqu’à vouloir faire interdire Hernani, une pièce où tout n’est qu’héroïsme cornélien, dont tous les personnages, au fond, sont sympathiques dans la haute, sincère et logique expansion de leur passion jeune, loyale, si magnifiquement exprimée dans quelle belle langue nette et bien française ; où, si les sentiments sont naturellement, et de par le sujet, empruntés à l’Espagne, et rappelèrent dès lors plutôt l’inspiration castillane du Cid, le style agile et clair, la versification ferme et souple se réclament visiblement de la forme racinienne, et où rien, mais rien de rien n’évoque ou ne sous-entend l’influence de Shakespeare, dans tous les cas !

2958. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Après la guérison, le sujet conserve les sensations qu’un membre sain procure aux autres hommes, et fréquemment il reste pendant toute la vie un sentiment de formication et même de douleur, ayant en apparence son siège dans les parties extérieures, qui cependant n’existent plus. […] Je me suis convaincu, par des recherches suivies, que le sentiment dont il s’agit ne se perd jamais entièrement. Les amputés finissent par s’y habituer ; cependant, dès qu’ils y font attention, ils le voient aussitôt reparaître, et souvent ils sentent d’une manière très distincte leurs orteils, leurs doigts, la plante du pied, la main… Un homme amputé de la cuisse éprouva encore au bout de douze années le même sentiment que s’il eût possédé les orteils et la plante du pied.

2959. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Il cherchait une carrière qui lui permît de gagner quelque argent, en faisant deux heures de peinture par jour ; et il la trouvait cette carrière, à la suite d’une audition au théâtre, où on lui trouvait une belle voix et un sentiment musical, qui le faisaient engager. […] Et avec Daudet, nous disons, qu’il faudrait renouveler la pantomime, jeter à l’eau tous les gestes rondouillards, tous les gestes qui racontent, et ne garder que les gestes de sentiment, les gestes de passion, auxquels Margueritte mettrait les grandes lignes de sa pantomime, — et nous parlions d’une pantomime sur la peur, dont ses traits savent si éloquemment rendre l’expression. […] On n’a pas le sentiment d’une bataille absolument perdue, et moi j’oublie l’échec de la soirée, devant la satisfaction d’avoir vu finir la pièce.

2960. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

VI, § 8], mais, en fait, constant, l’audition d’une voix secrète qui formule sans cesse en paroles nos conceptions et nos jugements ; comme d’ailleurs la plupart de nos sentiments et de nos volontés deviennent, en se faisant sentir à la conscience, des objets de la pensée, il est peu de faits, parmi ceux que nous croyons nôtres, qui iraient leurs correspondants dans la série des mots intérieurs ; les plus habituels, les plus faibles, les plus obscurs, font seuls exception ; la conscience est souvent plus riche que la parole2 ; mais la parole s’efforce toujours à l’exprimer ; dans cet effort, elle ne se repose jamais, et, si elle n’exprime pas tout, elle exprime toujours. […] III, § 11] — témoignent d’un sentiment confus de l’existence de la parole intérieure. […] Locke par les mêmes principes par lesquels ce philosophe démontre l’existence et l’immatérialité de Dieu (1747) et Défense du sentiment du P.

2961. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Or, du moment où les papes ont un gouvernement, ils ont des ministres ; et si au nombre de ces ministres ils ont le bonheur de trouver un homme supérieur, modéré, dévoué jusqu’à l’exil et jusqu’à la mort, comme Sully était censé l’être à Henri IV ; si ce rare phénix, né dans la prospérité, éprouvé par les vicissitudes du pouvoir et du temps, continue pendant vingt-cinq ans, au milieu des fortunes les plus diverses, en butte aux persécutions les plus acerbes et les plus odieuses, à partager dans le ministre, sans cause, les adversités de son maître ; si le souverain sensible et reconnaissant a payé de son amitié constante l’affection, sublime de son ministre, et si ce gouvernement de l’amitié a donné au monde le touchant exemple du sentiment dans les affaires, et montré aux peuples que la vertu privée complète la vertu publique dans le maître comme dans le serviteur ; pourquoi des écrivains honnêtes ne rendraient-ils pas justice et hommage à ce phénomène si rare dans l’histoire des gouvernements, et ne proclameraient-ils pas dans Pie VII et dans Consalvi le gouvernement de l’amitié ? […] Lorsque j’arrivai au pied de la colline, je ne puis exprimer les sentiments dont mon cœur fut agité à l’idée de revoir mon bienfaiteur et mon souverain, qui avait eu tant de bontés pour moi, et en pensant au misérable état dans lequel se trouvait réduit ce Pie VI que j’avais vu au comble des splendeurs.

2962. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Le Moyen Âge en France eut ses tableaux gracieux, d’une tendresse un peu enfantine, comme dans le roman d’Aucassin et Nicolette : en prose et dans un ordre plus sérieux, les récits du sire de Joinville éveillent le même sentiment de fraîcheur et d’enfance.

2963. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Quand Bossuet, plus tard, dans son oraison funèbre du prince, parlera avec tant de répulsion des discordes civiles et « de ces choses dont il voudrait pouvoir se taire éternellement », il rendra un sentiment bien réel et vif qui lui avait arraché dans le temps même ce cri de douleur et d’alarme.

2964. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Deux grosses passions avaient en lui subjugué toutes les autresi : l’une était celle de s’instruire, et l’autre de se distinguer… Vicq d’Azyr avait gardé, même au milieu de ses succès académiques, un vif sentiment de ces premiers cours qu’il avait professés dans sa jeunesse et dans lesquels il s’était épanoui tout entier : « C’est un bel art, disait-il, que celui de l’enseignement.

2965. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Un jour il est près d’entrer, pour une de ses cousines, dans de grands sentiments et dans le langoureux : « Un sot camarade que j’avais eu au collège, dit-il, et qui était un peu roman, acheva de me gâter ; nous prenions tous deux la générosité de travers. » Ce travers ne dura pas.

2966. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

On a publié depuis sa mort des poésies françaises de sa façon, presque toutes dirigées contre nous ; elles ne tournent que contre lui, tant elles décèlent une absence complète de goût et de sentiment français !

2967. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Il semble souvent employer son bon sens et son esprit séparément, et l’un au défaut de l’autre, plutôt que de se servir de l’un et de l’autre conjointement, pour mettre dans leur jour les sentiments du cœur qui font le poète.

2968. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

J’essaye de trier parmi les articles si distingués que j’ai sous la main : en voici un sur Xénophon ; c’est exquis de ton et vraiment attique ; — un autre sur le poète Lucrèce, tout animé d’un beau sentiment, et qui finit par une apostrophe éloquente : « Salut, Lettres chéries, douces et puissantes consolatrices, etc.

2969. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Toutes les âmes dignes d’être appelées des âmes ont en elles un sentiment dominant qui peut se représenter par un poète.

2970. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Et, comment, après quelque satisfaction incomplètement donnée au sentiment public et une première lune de miel à coup sûr, mais bien rapide et passagère, comment n’y aurait-il pas eu guerre profonde et irréconciliable en effet ?

2971. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Ne cherchez en effet dans cette production aucune trace d’un sentiment profond, élevé, aucune mâle et noble colère ; d’un bout à l’autre la personnalité règne, et rien que la personnalité ; on peut dire que cette plume crache la personnalité à tout propos.

2972. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

la pauvre Salammbô éprouve, à sa manière, le même sentiment de vague aspiration et d’accablant désir.

2973. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

C’est là un revirement soudain et une tergiversation de sentiments qui n’est nullement motivée.

2974. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

En s’adressant une telle question, il a le sentiment ou l’instinct des lois en histoire.

2975. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Le contraste des deux caractères, sous des sentiments religieux communs, va se prononcer bien nettement.

2976. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Mais ils se raidirent, suivirent la visite avec pourtant « un sentiment de la rotule dans les genoux et du froid dans la moelle des tibias. » 22.

2977. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

Le tronçon postérieur reste appuyé sur les quatre pattes, résiste aux impulsions par lesquelles on cherche à le renverser, se relève et reprend son équilibre si l’on force cette résistance, et, en même temps, témoigne, par la trépidation des élytres et des ailes, d’un vif sentiment de colère, comme il le faisait pendant l’intégrité de l’animal, quand on l’agaçait par des attouchements ou des menaces… On peut poursuivre l’expérience d’une façon plus parlante.

2978. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Tels sont sans doute aussi les beaux vers de Virgile et d’Homère ; ils offrent à la fois la pensée, l’image et le sentiment : ce sont de vrais polypes, vivants dans le tout, et vivants dans chaque partie ; et dans cette plénitude de poésie, il ne peut se trouver un mot qui n’ait une grande intention.

2979. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Et il ajoute, dans un sentiment excellent, qui trouve de lui-même l’expression simple : On ne peut attendre des belles-lettres d’autre récompense qu’un peu de consolation et d’espérance ; et si, par bonheur, les hommes et les esprits que j’aime se trouvent de moitié dans ma récompense, eh bien !

2980. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Ils sont convaincus de l’avortement fatal de l’effort humain, dénigrent ses succès nécessairement partiels, dénoncent toutes les institutions nationales, contestent la possibilité du progrès et aboutissent, quand ils formulent la théorie générale de leurs sentiments, aux anathèmes du catholicisme ou à ceux plus absolus et aussi peu fondés de Schopenhauer.

2981. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

., au moyen desquels on parvient à faire sortir le ridicule d’un vice quelconque, si le sujet est vraiment comique, ou à développer, divers sentiments du cœur, si le sujet n’est pas véritablement comique.

2982. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

C’est ce que n’ignore pas celui qui connaît la nature et qui a le sentiment du vrai : mais ce qu’il sent aussi, c’est que ces figures partagées, ces personnages indécis ne concourant qu’à moitié à l’effet général, il perd du côté de l’intérêt ce qu’il gagne du côté de la variété.

2983. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Albalat, j’ai eu tout d’abord un sentiment de méfiance, en me demandant s’il était vraiment possible d’enseigner l’art d’écrire, et surtout en vingt leçons… Mais quand j’ai ouvert ce volume, j’ai été vite détrompé ; et l’œuvre m’a tellement séduit dès les premières pages que j’en ai fait mon compagnon de vacances.

2984. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Le corps ne se sent plus soulevé par l’objet aperçu, et comme c’est dans cette suggestion d’activité que consiste le sentiment de l’actualité, l’objet représenté n’apparaît plus comme actuel : c’est ce qu’on exprime en disant qu’il n’est plus présent.

2985. (1887) La banqueroute du naturalisme

Le tonnerre de Dieu d’un charretier, — si l’on me permet de donner un exemple, — est à peu près l’équivalent du sacrebleu d’un petit bourgeois ; et devers Belleville ou Montmartre, on dit d’un ami qu’il est f… avec le même sentiment de commisération que l’on dit en un autre endroit « qu’il n’en échappera pas. » Et c’est bien plus qu’une distinction de rhétorique, c’est une nuance de psychologie, si l’on considère, après le pouvoir propre, la valeur relative des mots.

2986. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Cousin ; vous mesurerez la distance qui sépare un psychologue peintre et amateur de sentiments, et un érudit chercheur et amateur de textes.

2987. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Disons cependant que cette imitation si aventureuse du poëte thébain s’est parfois rencontrée, chez Young, avec un sentiment vrai et un sujet inspirateur : témoin l’ode sur l’Océan, où respire l’orgueil de l’Angleterre et la prophétie de sa grandeur.

2988. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Les vers sont beaux et pittoresques, mais toutes ces fantasmagories sont refroidissantes pour le sentiment, fussent-elles dans Shakespeare ou dans Goethe : les fantômes n’ont pas de cœur. […] Quant à nous, si nous étions riche, si nous étions ministre de l’instruction publique, ou si nous étions seulement membre influent d’une de ces associations qui se donnent charitablement la mission de répandre ce qu’on appelle les bons livres dans les mansardes et dans les chaumières, nous ferions imprimer à six millions d’exemplaires le petit poème épique dont nous venons de donner dans cet Entretien une si brève et si imparfaite analyse, et nous l’enverrions gratuitement, par une nuée de facteurs ruraux, à toutes les portes où il y a une mère de famille, un fils, un vieillard, un enfant capable d’épeler ce catéchisme de sentiment, de poésie et de vertu, que le paysan de Maillane vient de donner à la Provence, à la France et bientôt à l’Europe.

2989. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Quand le vent de Libecio agitait les vagues, on voyait frissonner la mer et courir l’écume avec ce sentiment de gaieté et d’immortalité que donne au regard cette surabondante vie et cette renaissante jeunesse des éléments qui semblent vivre et qui vivent en effet d’une nouvelle vie tous les matins. […] Quel homme, à qui le sentiment sied aussi bien que le badinage !

2990. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Je n’ai jamais feuilleté sans mépris et sans regret les écrivains qui, en décrivant les corps, ne voient dans la machine animale que le mécanisme, et proclament l’athéisme, non de Dieu, mais des sentiments et des idées ; j’ai toujours fait des vœux ardents pour que la Providence fit naître enfin un génie contemplateur, un prophète du monde animé qui nous révélât l’harmonie divine dans l’âme comme dans les organes des animaux. […] C’est là qu’il puise ce sentiment étrange et noble qui se nomme le respect de soi, gage assuré du respect que lui devront et que lui donneront ses semblables et qu’il leur rendra.

2991. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Le mérite de ce roman, c’est la vérité vraie des sentiments et des situations, c’est, si vous voulez, la naïveté de la vie. […] » C’est tout ce que je me rappelle, car aussitôt après je perdis tout sentiment.

2992. (1926) L’esprit contre la raison

De son temps, sans doute n’était-il pas encore de mode de parler d’acte gratuit, mais son exemple déjà nous vaut de savoir que, pour qui veut s’affirmer, rien ne saurait distraire sa pensée de la mort, des sentiments ou des gestes qui la donnent. […] Il n’a pas suffi à notre génération d’apprendre par sa propre expérience comment les plus belles choses et les plus antiques, et les plus formidables et les mieux ordonnées sont périssables par accident ; elle a vu, dans l’ordre de la pensée, du sens commun, et du sentiment, se produire des phénomènes extraordinaires, des réalisations brusques de paradoxes, des déceptions brutales de l’évidence.

2993. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

La chaleur point à travers les pores de ces deux figures (oui, messieurs de l’académie, je persiste) ; c’est à mon sens, et au sentiment de Le Moine, le plus beau faire imaginable. […] C’est un enfant de bois ; il ignore le sentiment de la nature.

2994. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Car ce n’était pas seulement l’étiquette qui se révoltait chez Madame quand elle faisait à sa petite-fille la duchesse de Berry cette leçon qu’on a vue sur son déshabillé, c’était un autre sentiment encore et plus respectable.

2995. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Ici Fénelon, parlant à un jeune homme, y mêle un ton d’affection plus gracieux, plus paternel ; ces lettres au vidame d’Amiens, lues à leur date à travers les autres, sont d’un effet aimable : l’énergie et quelque ton de sévérité s’y tempèrent aussitôt d’un sentiment de tendresse que l’ami du père reporte sur les enfants.

2996. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Le sentiment buffonien y est célébré dans un style, dans une langue qui ressemble le moins à celle de Buffon : en voici une phrase prise au hasard : « Au point de vue où nous apparaît notre immortel Buffon, si admirable et si profond à la fois, nous voyons ce génie sublime lancer l’esprit humain dans des généralisations inspirées par des divinations synthétiques… » Le respect seul m’empêche de multiplier ces citations.

2997. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Autrefois confident de l’inclination de Madame (Henriette d’Angleterre) pour Louis XIV, c’était lui qu’elle avait chargé d’engager secrètement Corneille et Racine à traiter le sujet de Bérénice dans lequel elle retrouvait quelque chose de sa situation, et où elle espérait voir exprimés quelques-uns de ses sentiments.

2998. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

C’est ainsi que dans la démonstration de la première vérité, qui est l’existence de Dieu, avec les attributs principaux qui en achèvent l’idée, Charron, au lieu de s’appuyer sur le sens commun, sur le sentiment général humain si d’accord avec cette croyance, insiste bien plutôt d’abord sur les difficultés et les impossibilités de concevoir dans sa grandeur propre cette idée infinie ; il dit avant Pascal, et en termes encore plus formels, qu’il y a une sorte de négation absolue non seulement du Dieu-Providence, mais de la cause première, qui ne se peut loger « que dans une âme extrêmement forte et hardie » ; il est vrai qu’il ajoute aussitôt : en une âme « forcenée et maniaque ».

2999. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

C’est un reste d’école chez lui : il ne devine pas assez qu’un moment approche où il y aura accession ouverte et libre de tous les esprits sur quantité de questions, et que le philosophe et le vrai sage sera tenu, dans ses solutions, de compter de plus en plus avec le sentiment de ce grand nombre dont on fait partie soi-même, et avec cette philosophie irréfléchie, mais nécessaire, qui résulte de l’humaine et commune nature.

3000. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Le Tourneux) a parlé de la prière de Jésus-Christ dans le Jardin des oliviers a répandu des doutes sur ses sentiments à l’égard de la divinité du sauveur des hommes. « Ainsi voilà M. 

3001. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

C’est là, sous la tente, qu’il écrivit ce premier discours, en se livrant cette fois à l’émotion de ses sentiments, et en raisonnant aussi sur la situation extraordinaire qui s’ouvrait à l’improviste : « Si jamais j’ai eu sujet de joindre mes regrets avec ceux de la France, c’est à la mort malheureuse de Henri le Grand, pleine de tristesse et d’accidents funeste ?

3002. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

J’ai cru devoir prévenir les Espagnols en ma faveur, ou au moins savoir leur sentiment sur une chose qui les regarde principalement.

3003. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Sa mort si brusque, précédée et accompagnée de circonstances particulièrement touchantes, excita un sentiment de regret universel.

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