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342. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

De remplacer le plus fécond, le plus inventif, le plus adroit et le plus heureux des auteurs et arrangeurs dramatiques de ce temps ; de celui qui, pendant quarante ans, n’a cessé d’alimenter tous les théâtres et de desservir toutes les scènes ; qui est mort sur le champ de bataille, pour ainsi dire, en plein travail, au moment où, une idée en tête, il courait au galop chez un collaborateur. […] Quand il a voulu aborder la haute scène, où quelquefois il a très joliment réussi, ses défauts d’observation directe pourtant se sont fait sentir ; et trop souvent vers la fin, sur la scène de la Comédie-Française, ses personnages n’étaient plus que des ressorts habillés en rois ou en reines, en ministres, etc. […] Mazères semble avoir pour lui l’ancienneté des titres, leur parfaite convenance dans la circonstance présente, une collaboration heureuse avec des maîtres illustres de la scène, et, en son propre et seul nom, des pièces agréables, dont une, faite de verve, le Jeune Mari, est restée au répertoire ; ce qui était fort compté en d’autres temps. […] Gozlan est un homme d’esprit dans la force du terme ; il a d’heureux mots, comme on en cite d’autrefois : il a des fantaisies qui réussissent à la scène, des nouvelles dont l’idée est piquante.

343. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Rien n’est plus largement présenté, plus clair, plus circonstancié que cette bataille de Froissart, mieux suivi dans les moindres épisodes en même temps que nettement posé dans l’ensemble, et couronné par une scène tout héroïque. […] La scène du matin entre le roi et le duc nous est rendue au vif. […] Pour juste pendant à la scène de Péronne, il y aurait à montrer une scène de paravent extrêmement comique, qui amène la perte du connétable de Saint-Pol. […] On a là une scène de comédie qui rappelle celle du Tartuffe, quand Elmire, pour convaincre son mari, l’a caché sous la table.

344. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Que ceux qui connaissent les charmes de l’amitié se peignent le réveil de Gessner, sa surprise, et leurs embrassements ; que l’on se représente enfin, au milieu d’un désert, cette scène touchante et si digne d’avoir des admirateurs ! Et moi je demande comment il est possible de savoir si bien ce qui se passa sur le visage de Haller regardant son ami avec complaisance, dans une scène qui n’eut pas de témoin, puisque Gessner d’abord n’y figurait qu’endormi ; et Haller était sans doute trop occupé de son ami pour songer à sa propre attitude. […] Il y en a un peu dans cette scène des Alpes entre les deux amis, telle que nous l’a montrée Vicq d’Azyr. […] Il y a cependant des parties fines, des anecdotes très bien contées, de petites scènes d’un effet dramatique. […] » Ôtez ce mot de comédie qui aurait l’air désobligeant, cela n’est-il pas vrai de tous ceux qui ont un rôle et qui sont en scène, et qui devraient sembler y être le moins possible, des professeurs, des orateurs politiques, des orateurs littéraires, et même des savants ?

345. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Et l’on exécute, à Paris, devant l’auditoire le plus étonnement varié, des scènes de Parsifal qui n’ont été osées qu’à Bayreuth. […] Lorsqu’il refondit ce poème dans celui aujourd’hui nommé la Gœtterdaemmerung, les passages se rapportant aux événement antérieurs durent être biffés, et furent remplacés par les scènes des Nornes (qui, dans la première version, annonçaient, banalement, que Siegfried « accomplirait ce que joyeusement il avait commencé »), du monologue de Hagen, de Waltraute ; de même quelques-uns des chœurs disparurent ; deux ou trois scènes furent transformées du tout au tout, — celle d’Alberich et de Hagen, les paroles de Siegfried mourant, la scène finale de Brünnhilde. […] Dans les seules scènes se rapportant directement à Wotan, la parole apparaît de nouveau et évoque, devant nous, la vision du dieu : ce sont les passages écrits après les autres parties du Ring, et intercalés dans le texte de la Mort de Siegfried. […] Ce propos d’ailleurs était indispensable avant la scène qui finit l’opéra, et qui se range parmi les plus étonnantes productions du génie de Wagner. Nous voulons parler de la scène où Tannhaeuser est reconnu par Wolfram, et lui fait le récit de son pèlerinageah.

346. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Il se dit pourtant qu’il fallait aborder la haute scène et le grand genre pour montrer ce dont il était capable. […] Cela rappelle, dans un autre genre, certaine scène du Saint-Genest de Botrou. […] Il y a telle scène, Grimm nous l’assure et paraît le tenir de bon lieu, qu’on lui fit recommencer vingt fois ; le miracle est qu’il y consentit. […] Une fois, à Fontainebleau, quand la Cour y était dans l’automne de 1732, Piron rencontra Voltaire ; c’est toute une petite scène de comédie encore. […] Le poëme du Cheval de bronze a donné lieu à la scène du monde la plus comique entre Binbin et ce héros.

347. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Il fallait une imagination comme la sienne, déréglée, excessive, capable d’idées fixes, pour mettre en scène les maladies de la raison. […] C’est bien pis lorsqu’elle fabrique le pudding ; il y a là une scène entière, dramatique et lyrique, avec exclamations, protase, péripéties, aussi complète qu’une tragédie grecque. […] C’est celui qui est contre vous qui a la goutte. » Il entre en scène par cette attention : vous jugez du reste. […] Il offre innocemment en spectacle, lorsqu’on vient le voir, de charmantes scènes d’intérieur ; il étale le cœur d’un père, les sentiments d’un époux, la bienveillance d’un bon maître. […] David Copperfield, scène du docteur et de sa femme.

348. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Hernani est une tragédie dont la scène voyage en plusieurs endroits. […] On n’avait encore rien vu à la scène, on n’y a rien vu depuis qui fût d’un coloris si riche et si chaud. […] De même, dans son théâtre, des scènes entières ne sont que des prouesses de développement verbal. […] Il a essayé sans succès à la scène d’un composé mi-partie de lyrisme et mi-partie de drame, tandis que Musset réalisait le type d’une comédie toute lyrique imaginée loin de la scène en dehors de son optique et de ses conventions. […] Les cultes voluptueux de l’antiquité s’accompagnaient de scènes sanglantes.

349. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Pierre » pp. 200-201

  Une scène du Massacre des Innocents. […] Quand on ne montre qu’un seul incident d’une scène immense, il faut qu’il soit sublime, et qu’il dise ex ungue leonem.

350. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

C’est vraiment de par lui, au théâtre, une très intelligente et très littéraire mise en scène de l’intime et de l’abscons des passions. […] Je vais voir un moment Léonide dans sa loge, je la trouve d’une amabilité cassante, qui n’est pas celle des premiers jours, et quelques instants après elle fait une scène à la Folie du bal masqué, dont les grelots lui ont attaqué le système nerveux. […] Et à l’appui de cette assertion, il me citait des scènes qu’il avait eues avec son ami Delpit, qui est malade un peu à la façon de Daudet. […] À propos de la scène de Mme Bourjot avec le jeune Mauperin, que Céard a cherché à escamoter avec de la non-accentuation et de la célérité, Porel énonce qu’au théâtre, les scènes empoignables, lorsqu’elles sont écourtées, sont toujours dangereuses, que l’auteur n’a pas le temps ni la place d’y défendre ses idées, et que ces scènes, au lieu d’être abrégées, brûlées, doivent au contraire être développées bravement, carrément. […] Puis la grande scène de rupture, sur laquelle nous comptions tant pour l’enlèvement de la pièce, accueillie froidement, et sa froideur déteignant sur le cinquième acte.

351. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Ferdinand Denis Scènes de la nature sous les tropiques de leur influence sur la poésie, suivies de Camoëns et de José Indio 18 décembre 1824. […] C’est donc rendre service aux poètes, c’est ouvrir de nouvelles sources à leurs inspirations, que de leur mettre sous les yeux quelques scènes des tropiques envisagées sous cet aspect, et de leur montrer en même temps comme exemple la couleur particulière qu’elles répandent sur la poésie des indigènes. […] L’auteur a donc voulu, ce me semble, démontrer en sa personne l’influence complète des scènes de la nature sur le génie.

352. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

Sur les ailes, mêlées particulières dérobées par le feu, la poussière et la fumée, et s’enfonçant en s’éteignant dans la profondeur du tableau, donnant à la scène de l’étendue et de la vigueur à la masse principale. […] Le côté gauche de cette scène champêtre est fermé par deux grands arbres qui s’élèvent en s’inclinant vers la gauche, d’entre de la rocaille et des quartiers de pierres brutes ; ces deux arbres peints avec vigueur sont encore très-poétiques. […] Quand on a une fois avoué que le soleil du peintre n’est pas celui de l’univers et ne saurait l’être, ne s’est-on pas engagé dans un autre aveu dont il s’ensuit une infinité de conséquences, la première de ne pas demander à l’art au-delà de ses ressources, la seconde de prononcer avec une extrême circonspection de toute scène où tout est d’accord ?

353. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Qu’importe qu’elle n’ait fait encore que trois ou quatre apparitions sur la scène ? […] Alexandre Dumas fils, cassant brusquement le fil de toutes les traditions, a renouvelé le théâtre et changé les conditions de la scène. […] pour la scène ! […] Au reste, la spirituelle comédienne se dédommage, assure-t-on, dans l’intimité, des contraintes de la scène. […] Caliban vient d’entrer en scène, dit-il quelque part dans sa préface, au poète le rôle de Prospero.

354. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [« Pages extraites d’un cahier de notes et anecdotes »] » pp. 439-440

Tout à coup on vient apprendre à Mme de Staël et à lui que sa femme s’est empoisonnée ; Mme de Staël y court et trouve une femme sur son canapé, qui se croit empoisonnée plus qu’elle ne l’est : scène ridicule. — Les scènes que Mme de Staël n’épargnait pas vers ce temps à Benjamin Constant, la honte qu’elle lui faisait de ce mariage, l’idée qu’elle supposait à l’Europe et à l’univers lorsqu’on apprendrait cet éclatant divorce de leurs célèbres personnalités, tout cela était tel et agissait si fort sur la tête nerveuse de Benjamin Constant, qu’il y avait des moments où il s’estimait un monstre aux yeux de la terre : « Quand je rentre dans Paris, disait-il sérieusement, je lève les glaces de ma voiture, de peur d’être montré au doigt. » Mais le scepticisme reprenait vite le dessus. — Cependant Mme de Staël avait bien ses distractions aussi, son cercle d’adorateurs, M. de Schlegel, M. de Sabran, M. de Barante… ; elle aimait beaucoup ce dernier, dont elle avait mis quelques traits et quelques situations dans Oswald ; mais il dérivait un peu vers Mme Récamier… En mourant, elle ne témoigna aucun retour vif à Benjamin Constant qu’elle voyait pourtant tous les jours.

355. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Table »

Brünnhilde, scène finale de l’Anneau du Nibelung (traduite par Édouard Dujardin). […] L’Or du Rhein, traduction française littérale de la première scène, par Edouard Dujardin et Houston Stewart Chamberlain, précédée d’une note.

356. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Ollivier » pp. 299-300

Scènes atroces et personnages de sang-froid. […] Ce sont les incidents singuliers et pathétiques qu’entraîne une pareille scène, qu’il faut savoir imaginer, c’est l’art de montrer la fureur et d’exciter la compassion, qu’il faut avoir.

357. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

L’ancienne comédie prenait des sujets véritables pour les mettre sur la scène, tels qu’ils étaient ; ainsi ce misérable Aristophane joua Socrate sur le théâtre, et prépara la ruine du plus vertueux des Grecs. […] La tragédie, bien différente dans son objet, met sur la scène les haines, les fureurs, les ressentiments, les vengeances héroïques, toutes passions des natures sublimes.

358. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Et chaque incident augmente l’intérêt ; chaque épisode agrandit la scène. […] Mais des scènes de cabaret ! […] Est-ce là une scène de roman ? […] Cette scène, que nous allons citer tout entière, scène de lutte sourde et contenue entre des passions également implacables, est la plus dramatique du livre. […] Freytag se déploie avec éclat dans cette scène.

359. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Des détails puérils ou orduriers déparent et salissent ces belles sérénités de la première scène. […] Son voyage à Fribourg avec une jeune servante de madame de Warens, qu’il reconduit dans sa famille, est une autre scène de ce genre naïf comme une pastorale d’Helvétie. […] Dans une de ces scènes amenée par la résistance du ministre aux ridicules prétentions de Rousseau, M. de Montaigu s’emporte et chasse brusquement Rousseau de sa présence et de son palais. […] Sa musique naïve et semi-italienne le révèle aux théâtres de société ; il tente de s’élever jusqu’à la scène de l’Opéra ; ses comédies, ses poésies, ses romances, lui créent une demi-renommée de salon. […] Là une jeune fille, séduite et prêtée par son séducteur à ses convives, sert de victime à la lubricité de Grimm et de Rousseau ; scène odieuse dont la confession même aggrave l’immoralité.

360. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Un pont jetté du côté droit au côté gauche de la scène, et coupant en deux toute la composition, laisse en devant un assez grand espace, et dans la profondeur du tableau, au loin, un beaucoup plus grand encore. […] Vers les bords de ce bassin, sur le fond, femme avec une cruche à la main, une corbeille de linges mouillés sur sa tête et s’en allant vers une arcade qui s’ouvre sur la scène et l’éclaire. […] Est-ce là une scène souterraine ? […] C’est que votre imagination n’étant plus captivée par cet obstacle, elle vous suggérera une infinité de scènes intéressantes. […] Il prépare bien le lieu, mais il ne trouve pas le sujet de la scène.

361. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Les sept colonnes gigantesques du grand temple, portant encore majestueusement leur riche et colossal entablement, dominaient toute cette scène et se perdaient dans le ciel bleu du désert, comme un autel aérien pour les sacrifices des géants. […] C’était un beau vieillard aux cheveux et à la barbe d’argent, à la physionomie grave et douce, à la parole noble, suave et cadencée, tout-à-fait semblable à l’idée du prêtre dans le poème ou dans le roman, et digne en tout de montrer sa figure de paix, de résignation et de charité dans cette scène solennelle de ruines et de méditation. […] Ce spectacle nous saisit tellement d’abord que nous n’arrêtâmes nos regards sur aucun détail de la vallée ; mais quand le premier éblouissement fut passé et que notre œil put percer à travers la vapeur flottante du soir et des eaux, une scène d’une autre nature se déroula peu à peu devant nous. […] Partout où l’œil tombait, il voyait la vallée, la montagne, les précipices s’animer pour ainsi dire sous son regard, et une scène de vie, de prière, de contemplation, se détacher de ces masses éternelles, ou s’y mêler pour les consacrer. […] Elle ne sera plus épique ; l’homme a trop vécu, trop réfléchi pour se laisser amuser, intéresser par les longs écrits de l’épopée, et l’expérience a détruit sa foi aux merveilles dont le poème épique enchantait sa crédulité ; elle ne sera plus dramatique ; parce que la scène de la vie réelle a, dans nos temps de liberté et d’action politique, un intérêt plus pressant, plus réel et plus intime que la scène du théâtre ; parce que les classes élevées de la société ne vont plus au théâtre pour être émues, mais pour juger ; parce que la société est devenue critique de naïve qu’elle était.

362. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

De cette pension Nittis se rappelait une scène qui lui avait fait grand-peur. […] Il y aura dans ce livre une scène de rupture de la plus féroce beauté. […] Il y a pour moi, dans cette pièce, des vraies scènes d’un théâtre moderne, seulement, parfois abîmées par les expressions littéraires en retard, de Delair. […] On parle de l’admirable scène d’ivresse de Dieudonné. Daudet dit que c’est lui, qui lui a donné le la de sa pocharderie royale, en le poussant à jouer la scène, sans flageoler, sans tituber, et seulement avec l’empâtement de la parole.

363. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Qu’il s’agisse d’ailleurs d’une anecdote ou d’une scène, presque toutes les pièces contiennent au début ou à la fin un contraste dissonant entre deux aspects antagonistes. […] Hugo, dont nous avons déjà passé les approches, à examiner non plus les paroles, mais leur sens, non la rhétorique mais la matière même qu’elle ouvre, non la loi des développements mais la nature des idées développées, le caractère commun et saillant des scènes, des portraits, des événements et des conceptions, qui donnent lieu à déployer des répétitions, des images et des antithèses. […] Les plus simples scènes champêtres, une vache paissant dans un pré, des enfants qui jouent, un chêne dans une clairière, une fleur au bord d’un chemin, prennent sous ses puissantes mains de pétrisseur de verbe, une grandeur calme et menaçante, un aspect fatidique et géant, qui émeut intimement. […] La marche de Gwynplaine dans le palais somptueux et muet de Lord Clancharlie paraît quelque chose de hagard et d’énorme ; la scène est montrueuse où Josiane, en sa lascive demi-nudité, colle ses lèvres junoniennes à la face tailladée de son hideux amant, et le regarde « fatale », avec ses yeux d’Aldébaran, rayon visuel mixte, ayant on ne sait quoi de louche et de sidéral. […] Victor Hugo sait faire du sublime, son génie atteint de plus hauts sommets encore dans toutes les scènes auxquelles se mêle un élément de mytère.

364. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

L’occasion avait vingt fois dû naître, pour elle, qui l’outrageait et qui l’oubliait, de s’en réclamer, et les scènes que l’intervention du mari amène avaient dû être pressenties et gâter déjà leur bonheur. […] La scène où l’amant voit, du balcon où il s’est glissé à plat ventre pour espionner sa maîtresse, l’infidélité de cette femme, est d’une netteté de détails redoutablement troublante. Ce n’est pas nous qui reprochons à l’auteur le cru de cette scène, qui est une leçon, et qui est affilée sur tous les côtés comme une arme à plusieurs tranchants, et qui doit faire plusieurs blessures d’un seul coup. Mais nous ne craindrons pas de lui reprocher d’avoir donné au personnage de Fanny quelque chose d’entraîné et de physiquement involontaire dans cette scène, qui serait odieuse, si, pour l’amant, elle n’était pas un supplice. […] A tout bout de champ, et dans presque toutes les scènes où le romancier a l’éclair du talent, elle jaillit sous ses pieds, et lui éteint son éclair sous son éclaboussure de fange.

365. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Toute cette scène de l’amenée du noble vaincu, de la cohue et du touillement qui se passe autour de sa personne est bien naturellement racontée ; on y assiste, on se sent dans la foule et en danger d’étouffer avec lui. […] Cela fait encore une belle scène, qui bientôt après retrouve son pendant par celle du prince de Galles, qui ne veut pas être en reste de générosité avec messire Jacques, et qui, laissant ce don aux écuyers, lui octroie à lui-même en sus six cents marcs. […] Mais la scène du souper surpasse tout et achève d’imprimer à cette journée son entier caractère de noblesse chevaleresque, et au tableau qui nous est retracé toute sa grandeur, j’ai presque dit sa sublimité. […] À cette admirable scène, les réflexions, les sentiments se pressent : notons-en seulement quelques-uns. […] On a comparé cette scène à celle de Paul-Émile et de Persée, et M. 

366. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

La scène est plus qu’homérique, elle est patriarcale et sacerdotale à la fois. […] Cette scène des premiers exploits de l’enfant poète surgit devant moi comme une pastorale de Théocrite. […] Quelle scène pastorale, quelle scène héroïque et quelle vérité ! […] Quelle scène pathétique que cette double amitié entre laquelle s’interpose vainement la compétition d’un royaume ! […] Nous avons vu de nos yeux des scènes presque aussi pittoresques, aussi patriarcales, entre les Arabes de notre caravane et les femmes du pays, dans le sentier entre la mer et les bois, sur les flancs de cette même montagne.

367. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Parlant encore de la scène où Jean Valjean, pour sauver un accusé innocent, va se livrer à la justice et paraît en cour d’assises, il disait encore : « La scène est d’une extraordinaire beauté. […] Pour peindre la fille de la malheureuse Fantine, abandonnée, livrée à un couple affreux d’aubergistes de campagne qui la maltraitent, il met presque autant de pages que pour raconter Waterloo ; il accumule des détails et des scènes d’une puérilité admirable et profonde. […] Pour m’en tenir aux Anglais, il est remarquable que leurs romanciers, à la différence des écrivains français, ne s’attachent pas, en général, à l’étude d’un cas de psychologie passionnelle, d’un scrupule, d’un doute, d’une situation intéressante sans doute, mais exceptionnelle, soit en elle-même, soit par la qualité des personnages qu’elle met en scène. […] Tandis que nous écrivons, par une sorte d’instinct théâtral et de tradition, des chapitres qui gravitent tous autour d’une scène principale, un peu comme les actes d’une pièce dramatique ; tandis que nous faisons un livre très un et très serré, destiné à être lu sans arrêt, eux, ils écrivent une sorte de journal intime ; ils superposent les détails, sagement, posément, avec l’amour de l’heure présente qui ne connaît pas l’avenir, sans la même hâte vers le but, et ils songent aux misses qui parcourront vingt pages avant une course à cheval, au chasseur de renard qui revient au logis et qui a besoin d’une petite dose de lecture pour calmer la fièvre de ses veines, au commerçant de la Cité, à l’ouvrier anglais, libres avant le coucher du soleil, et qui prendront le livre et le poseront bientôt sur le coin du dressoir, heureux d’avoir trouvé l’occasion d’une larme ou d’un sourire qui n’étaient pas permis dans le travail du jour. […] Il les fatigue bientôt, soit que les lecteurs, comme il arrive, connaissent mieux le monde que celui qui prétend le mettre en scène ; soit qu’ils aient, de la vanité de leur vie, plus de dégoût que l’écrivain n’en affecte ; soit qu’ils sachent, encore mieux que lui, que ce qui résiste à tant d’attaques, je veux dire le raffinement de l’esprit et des mœurs, a toujours eu un fond de solidité et une raison de durer.

368. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Comme beauté et grandeur de dessin, j’admire, dans cette effrayante série de malfaiteurs qui s’intitule le Chemin de Toulon, la scène des deux bandits qui, dans un site aussi âpre et aussi dépouillé que celui des gorges d’Ollioules, se prennent de querelle et ont ensemble des mots. Il y a la scène d’avant et la scène d’après. […] Parmi les sujets que vient de reproduire excellemment la photographie, je ne puis m’empêcher de signaler encore, pour le dessin comme pour le sentiment, cette scène de l’homme du peuple, de l’ouvrier faisant choix d’une épouse, lui posant la main sur l’épaule, et dans un langage grossier, que la légende a rendu au naturel, lui déclarant une affection grave pourtant et des plus sérieuses : l’attitude et le visage de cette femme debout, les yeux baissés, acceptant avec simplicité une vie commune qui lui sera rude, ont un véritable caractère de chasteté. […] Pour voir et pour rendre tant de scènes et de figures, comment s’y prend Gavarni ?

369. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Pétrone, du milieu des scènes qu’il décrit, ne regrette-t-il pas quelque part ce qu’il appelle oratio pudica, le style pudique et qui ne s’abandonne pas à la fluidité de tous les mouvements ? […] Quelques scènes élevées, pathétiques, arrachent une larme ; mais les scènes atroces dominent ; la sève de l’impur déborde ; ces infâmes Marneffe infectent tout. […] Ceci soit dit avec toutes les réserves convenables pour tant de situations et de scènes charmantes et naturelles. […] Dumas, tout le monde sait sa verve prodigieuse, son entrain facile, son bonheur de mise en scène, son dialogue spirituel et toujours en mouvement, ce récit léger qui court sans cesse et qui sait enlever l’obstacle et l’espace sans jamais faiblir.

370. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Roederer s’est beaucoup essayé dans le genre des scènes historiques ; il a tâché d’en reproduire du xvie  siècle et du temps de la Ligue ; il a voulu, à l’exemple du président Hénault (lequel lui-même se ressouvenait de Shakespeare), représenter et nous rendre l’histoire en action, nous montrer les personnages avec leurs mœurs, leur ton de tous les jours et dans la familiarité. […] Roederer, poussé par son goût pour la vérité nue et la réalité, a mieux fait pourtant : il a copié aussi des scènes qu’il avait sous les yeux, de vraies conversations de son temps, toutes naturelles, toutes vives. Et quelle scène historique, refaite après coup, vaudrait le récit suivant que nous donnons dans toute sa simplicité et dans son premier jet sincère ? […] De toutes les scènes historiques qui se font simples et familières avec art, et qu’ont tant recherchées les vrais romantiques de notre âge, il n’en est certes point qui équivaille à celle-ci, prise sur le fait comme elle est et saisie au vol, ni qui rende mieux témoignage de la physionomie militaire de l’époque et des hommes : c’est là du naïf et du piquant en nature.

371. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

La dernière scène du Vecchio geloso revient sur l’aventure dont Pantalon a été la victime, et en tire le dénouement par un moyen des plus singuliers et des plus hardis : « Pasqualina fuggendo da Gratiano il quai la vuole abbracciare, Burattino si pone in mezzo ; Pasqualina racconta come Gratiano gli ha tolto l’honore per forza ; Gratiano si scusa con dir’ d’esser stato tradito e che non puo parlare per all’hora, ma che ne fara vendetta. […] La scène se passe à Constantinople. […] Le premier est composé en l’honneur de Saint-Genest, qui devait bientôt être plus dignement célébré par la tragi-comédie de Rotrou : « Tandis que Genest, sur la scène antique, mêle à la cythare d’or les accents des théâtres d’Orphée, les hommes attentifs semblent de marbre, et toutes les sirènes se taisent comme endormies. […] Tout dans le début était infernal ; tout est divin dans le dénouement. » Le second sonnet est adressé à Saint-Sylvain, autre comédien converti : « Scènes, quittez vos antiques honneurs !

372. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Ce rôle actif du Tombeau attendant et réclamant ses victimes s’accuse dans les Choéphores, dès la première scène : Oreste, rentré dans Argos, va droit à lui, pour prendre ses ordres et l’avertir qu’il est prêt : — « Me voici, Père, je l’appelle, afin que tu m’entendes et que tu m’exauces. » — Plus tard, il lui dira : « Ô toi, qui es un dieu sous la terre !  […] Elle passe sur la scène, pleurant son nourrisson avec de doux radotages. […] Si le petit Oreste souille une scène de l’Orestie, le petit Achille salit une page de l’Iliade. […] Le parricide se consomme, et ici encore le talion répète la mise en scène du premier crime.

373. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Jouslin de Lassalle, directeur de la scène au Théâtre-Français, le billet suivant, dont il conserve précieusement l’original : « Il est dix heures et demie, et je reçois à l’instant l’ordre 10 de suspendre les représentations du Roi s’amuse. […] Mais depuis quand n’est-il plus permis à un roi de courtiser sur la scène une servante d’auberge ? […] L’auteur accepte pour juges de la sévérité austère de son style les personnes mêmes qui s’effarouchent de la nourrice de Juliette et du père d’Ophélia, de Beaumarchais et de Regnard, de l’École des Femmes et d’Amphitryon, de Dandin et de Sganarelle, et de la grande scène du Tartuffe, du Tartuffe accusé aussi d’immoralité dans son temps ! […] La confiance de l’auteur dans le résultat de la lecture est telle, qu’il croit à peine nécessaire de faire remarquer que sa pièce est imprimée telle qu’il l’a faite, et non telle qu’on l’a jouée, c’est-à-dire qu’elle contient un assez grand nombre de détails que le livre imprimé comporte, et qu’il avait retranchés pour les susceptibilités de la scène.

374. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

Rien que ses propres phrases textuelles ne saurait rendre l’idée qu’elle avait du roi ; il est bon d’en citer quelque chose ici comme digne préparation à la scène finale qui eut lieu trente ans plus tard. […] Qu’on relise les surprenantes et incomparables pages de Saint-Simon où revivent les scènes si contrastées de la mort du grand Dauphin : les princes avaient parfois de tels historiographes à leur Cour sans s’en douter. […] La scène où l’on réveille Louis XVI est le contre-coup fatal de celles où, quinze ans auparavant, on suivait la fin honteuse de Louis XV.

375. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Il fit un jour une scène à Gautherot, qu’il rencontra professant ses doctrines républicaines dans un café. […] Alors cette scène se terminait par des rires inextinguibles auxquels Maurice lui-même prenait largement part. […] Mais aussitôt que les principes républicains prévalurent, le désir de représenter des scènes contemporaines s’empara de son esprit. […] Guérin exposa la scène de Marcus Sextus revenant d’exil, trouvant sa femme morte et sa fille plongée dans la douleur. […] Moi, je veux donner à cette scène quelque chose de plus grave, de plus réfléchi, de plus religieux.

376. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

voilà le troisième acte, presque emboîté de suite, et le dramatique de la scène tué par les rires. […] les royaux bourdaloues de Sèvres, en bleu lapis, autour d’un médaillon représentant une scène de Watteau, dans un encadrement de feuillage d’or, aux puissants reliefs de l’or de Vincennes. […] C’est la mise en train de la cuisine pour prendre avec le magnésium des photographies des principales scènes de la pièce. […] La scène est aussitôt répétée entre Sizos et Colombey, dans le cabinet de Koning, tandis que Villeray va porter les changements du dernier tableau à Duflos, très enrhumé, qui ne se lèvera de son lit, que pour la représentation. […] La scène d’amour conjugal qui remplit l’acte, scène un peu artificielle, joué par l’actrice artificielle qu’est Sizos, n’a pas d’action sur le public.

377. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nerval, Gérard de (1808-1855) »

. — Scènes de la vie orientale (1848-1850). — Les Monténégrins, opéra-comique en 3 actes, en collaboration avec M.  […] Méry et Bernard Lopez (1852). — Contes et facéties (1852). — Lorély, souvenirs d’Allemagne, contenant : Lorély ou Loreley ; la Fée du Rhin ; À Jules Janin ; Sensations d’un voyageur enthousiaste ; Souvenirs de Thuringe ; Scènes de la vie allemande ; Léo Burckart ; Rhin et Flandre (1852). — Les Illuminés ou les Précurseurs du socialisme (1852). — Petits châteaux de Bohême, prose et poésies (1853). — Les Filles du feu (1854). — Promenade autour de Paris (1855). — Misanthropie et repentir, drame en 5 actes, en prose, de Kotzebue, traduction (1855). — La Bohême galante (1856). — Le Marquis de Fayolle, avec M. 

378. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 296-302

Personne ne possédoit mieux les Auteurs Grecs & Latins ; & ne s’est plus appliqué à les commenter, à les éclaircir, & à les faire paroître sur la Scène avec tout le cortége d’une Edition travaillée avec soin. […] La Fable en est romanesque ; point de vraisemblance dans les incidens, des situations forcées, des caracteres peu prononcés ou peu soutenus, des Scènes assez théatrales, des mouvemens très-pathétiques, un style assez noble & quelquefois élégant, voilà ce qu’elle offre à la critique & à l’éloge.

379. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Dumas, mon ami, à diriger la répétition du Gladiateur, et à faire à la mise en scène tel changement qu’il jugera convenable. […] Quant à celui-là, il n’y avait pas une seule entrée ni une seule sortie arrêtée, et trois ou quatre répétitions étaient absolument nécessaires pour compléter sa mise en scène. […] Puis vinrent les Scènes historiques. […] Dumas n’inondent la scène, M.  […] Buloz : d’abord, cette scène n’a été burlesque que parce que vous n’avez pas voulu la prendre au sérieux ; ensuite, elle a atteint encore un autre que moi ; elle a atteint M. 

380. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

tenez pour certain que vous ne serez rien de tout ce que vous prétendez être, que vos récits seront forcés, vos scènes exagérées, et vos portraits de pures académies. […] Il y a là des scènes de haut comique qui donnent au lecteur la comédie de l’ambition sur une scène encore trempée de sang. […] C’est évidemment, selon nous, un jeu de scène pour intéresser le drame. […] Thiers, dans une rapide revue de l’Europe passée par un esprit juste et fin, dévoile la scène diplomatique et militaire où son héros va bientôt agir. […] Le régicide par assassinat, l’assassinat politique dénouant le nœud compliqué de la situation de l’Europe, y sont des scènes d’intérieur et des scènes diplomatiques dans lesquelles le pinceau de l’historien n’a ni tremblé ni pâli.

381. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Prenons un exemple : un romancier nous fait assister à une scène très touchante se passant sur le marche-pied d’un omnibus arrêté dans la rue devant une boutique de rôtisseur ou de marchand de vin. […] Il faut donc que le peintre ait le talent d’envelopper d’ombre tout ce qui n’est pas l’intérêt de la scène. […] On se rappelle la scène de la fontaine, une des plus chastes, des plus poétiques et pourtant des plus osées de la littérature moderne antérieure à Zola. Cette scène parut au salon de Mme Necker aussi réaliste, assurément, que le parut il y a trente ans la scène du fiacre de Mme Bovary ou celle de Salammbô et du python. […] Tous ces objets, tantôt distincts et vivement éclairés, tantôt confus et plongés dans une demi-ombre, selon la couleur et le mouvement des feux, offraient une scène des Mille et une nuits.

382. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Ce sont des hommes doux, bien meilleurs que moi, et qui ont coutume de découvrir, chaque saison, dans les pièces qui leur sont soumises, une bonne douzaine de « scènes supérieures » et de « scènes de premier ordre. » J’estime tout naturel que vous ayez plus de confiance en eux qu’en moi et que vous mettiez leur jugement fort au-dessus du mien ; mais enfin c’est le mien, et non le leur, que vous me demandiez, quand, avec l’espoir effréné que je vous trouverais du génie, vous m’avez convié à la représentation de votre drame et m’en avez même envoyé la brochure. […] Le public, s’il en a le courage, lira votre « belle scène » et le commentaire élogieux que vous en faites.

383. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Francisque Sarcey Telle est La Princesse lointaine, dont le premier et le dernier acte ont plu par le pittoresque de la mise en scène, dont le second et le troisième ont fatigué par leur longueur et leur subtilité. […] Henry Bauër Hier, sur la scène de la Porte-Saint-Martin, devant le public transporté d’enthousiasme, un grand poète héroï-comique a pris sa place dans la littérature dramatique contemporaine, et cette place n’est pas seulement l’une des premières parmi les princes du verbe lyrique, sentimental et fantaisiste, c’est la première. […] La pièce abonde en morceaux de bravoure, en motifs spirituellement traités, en tirades brillantés ; mais tout y est en scène ; nous avons mis la main sur un auteur dramatique, sur un homme qui a le don.

384. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Il ne doutait pas que ce ne fut un moyen de plaire au roi et à madame de Montespan : en conséquence, le 11 mars 1672, il remit sur la scène, sous le nom de Femmes savantes, les prudes bourgeoises et beaux esprits qu’il avait si joyeusement travestis en 1669, sous le nom de Précieuses ridicules. […] Mais le ridicule d’étaler de la science ne pouvait être assez général pour être connu du public, pour le blesser et lui causer du plaisir sur la scène. […] Le besoin de vengeance pour la cour et pour lui-même, et de précaution contre des malveillances au moins incommodes, se montrent fort à découvert dans des scènes où paraissent les deux savants et surtout dans celle où Clitandre, homme de la cour, les traite avec le plus insultant mépris.

385. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Didier nous a modulé les derniers marivaudages, la comtesse ordonne à ces messieurs de raconter chacun son histoire, sous l’expresse condition cependant que cette histoire sera une histoire italienne, ayant sa scène en Italie. […] Après Balzac, qu’il faudra citer ici bien longtemps et pour tant de choses, après Balzac, qui, lui aussi, a fait entrer, et Dieu sait avec quelle habileté, quel tact, quelle soudaineté préparée, quelle science de composition supérieure, des récits, des romans entiers dans des conversations, il n’est plus permis de s’en tenir à des rubriques aussi lâchées, à des artifices de mise en scène aussi élémentaires et aussi usés que les rubriques et les artifices de M.  […] Didier ne sont d’Italie que parce que la scène de ces amours se passe en Italie, mais quelle Italie ?

386. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

La terreur visible de la scène n’a certes jamais été au-delà. […] On comprend bien qu’Eschyle ne faisait point paraître Io changée en bête sur la scène. […] Son premier exploit, si délicieusement raconté par l’Hymne Homérique, met en scène le double phénomène qu’il personnifie. […] Pour scène, une montagne à pic dressée entre l’Europe et l’Asie. […] Leur couronnement était l’arc-en-ciel d’un accord sublime entre les passions et les haines en lutte sur les premiers plans de la scène.

387. (1887) George Sand

que de finesse et de grâce dans la scène où Lélio se trouve pour la première fois en tête-à-tête avec la jeune Alezia ! […] Quelle scène ! […] La pensée du lecteur reconstruit avec facilité les grandes scènes qu’a décrites son ample et souple pinceau. […] Le théâtre et le roman, qui ne diffère du théâtre que par le développement de l’action concentrée sur la scène intérieure. […] Il ne s’agit pas de mettre sa personne en scène.

388. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

» Ce peintre était un réformé, depuis réfugié ; elle a très bien raconté cette petite scène touchante. […] mais, si ce que je crains arrivait, ce serait pour moi le plus grand malheur. » Elle raconte les dernières scènes d’adieu avec un véritable et visible attendrissement. […] Madame, se croyant sûre d’elle-même, protesta de son innocence : Mme de Maintenon, avec un grand sang-froid, la laissa dire jusqu’au bout, puis tira de sa poche une lettre, comme Madame en écrivait journellement, adressée à sa tante l’électrice de Hanovre, et dans laquelle il était parlé en termes outrageants du commerce du roi et de Mme de Maintenon : « On peut penser si, à cet aspect et à cette lecture, Madame pensa mourir sur l’heure. » Ce n’était là que la première partie de la scène si admirablement décrite par Saint-Simon, de cette espèce de duel entre les deux femmes. […] C’est peu après cette scène, et durant le temps très court de cette amitié ainsi renouée, que Madame écrivit à Mme de Maintenon deux lettres18 dont voici la première, datée du 15 juin ; la scène était du 11 : Ce mercredi, 15 de juin, à onze heures du matin.

389. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Par un art nouveau, que le poëte créait comme ses acteurs et son théâtre, par un secret qui n’est qu’à lui, son hymne est un drame, son accent inspiré passe à ses personnages ; et vous avez à la fois sous les yeux le délire de l’enthousiasme et l’action vraie de la scène. […] Comment, dirons-nous, si le grand poëte lyrique, né sur ce territoire thébain, qui a tant fourni à l’horreur tragique, avait composé lui-même ce grand nombre de tragédies, comment, si Pindare avait été l’émule d’Eschyle, avait mis comme lui sur la scène des chœurs de Danaïdes ou de captives persanes, pas un souvenir anecdotique n’en serait-il resté ? […] Si on songe, d’ailleurs, à cette orchestique, ou danse mêlée de chants, qui formait une des représentations de la scène antique, et si d’autre part on remarque, dans la liste non contestée des chants du poëte thébain, un ordre de poésies lié, sous le nom d’Hyporchèmes, aux danses religieuses et guerrières, on concevra sans peine que, dans la critique indigeste de Suidas, ce titre ait pu se confondre avec l’idée du drame orchestique, et que la mention en ait ainsi créé, par double emploi, un théâtre de Pindare dont l’antiquité n’avait pas ouï parler. […] Rien de plus terrible que cette contagion de deux douleurs s’accroissant l’une l’autre et formant la scène finale de la tragédie des Perses : « Hélas, ô roi119 ! […] sujet de larmes à la nation, je suis né pour le mal de la patrie… » Et ces cris de détresse, ces échos de mutuelle douleur, se continuent, s’entrechoquent, durant une longue scène.

390. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Un vrai poète homérique en ce temps-ci ; un poète né, comme les hommes de Deucalion, d’un caillou de la Crau ; un poète primitif dans notre âge de décadence ; un poète grec à Avignon ; un poète qui crée une langue d’un idiome comme Pétrarque a créé l’italien ; un poète qui d’un patois vulgaire fait un langage classique d’images et d’harmonie ravissant l’imagination et l’oreille ; un poète qui joue sur la guimbarde de son village des symphonies de Mozart et de Beethoven ; un poète de vingt-cinq ans qui, du premier jet, laisse couler de sa veine, à flots purs et mélodieux, une épopée agreste où les scènes descriptives de l’Odyssée d’Homère et les scènes innocemment passionnées du Daphnis et Chloé de Longus, mêlées aux saintetés et aux tristesses du christianisme, sont chantées avec la grâce de Longus et avec la majestueuse simplicité de l’aveugle de Chio, est-ce là un miracle ? […] Puis il décrit ainsi le lieu de la scène, description fidèle comme si elle était reflétée dans les eaux du Rhône qui coule sous la berge du pauvre vannier parmi les osiers. […] » Les chants d’Herminie et de Clorinde, dans la Jérusalem délivrée, n’ont pas de scènes plus pathétiques que ce retour du pauvre vannier entre les bras de sa fiancée en larmes. […] Ici la scène amoureuse devient une scène des traditions superstitieuses du peuple de Provence. […] Raymond refuse sa fille au vannier, à table, dans une scène de caractère digne de la plus haute comédie ; scène où le pathétique se mêle au comique, dans un entretien qu’avouerait Molière.

391. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

N’eût-il eu que ces deux scènes, Dante mériterait d’être nommé à côté d’eux. […] Il n’y a pas de sujet, pas d’unité, pas de composition ; c’est une revue, c’est une épopée à tiroir, pour me servir d’une expression de la scène. Il y a des scènes et point de drame. Mais quels exordes ravissants à toutes ces scènes ! […] Les olympes et les enfers d’Homère, de Virgile, de Milton, de Fénelon, n’ont ni une plus belle scène, ni une rencontre plus pathétique, ni un plus divin langage.

392. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

On y rencontre de bonnes scènes. […] Hélène de Sparte, acte II, scène I. […] Idem, acte II, scène IV. […] Idem, acte IV, scène II. […] Idem, acte V, scène I.

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