/ 1550
1462. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

* * * — Quelquefois une dernière innocence reste à la femme perdue : le rire.

1463. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Il parle d’un rire ironique qui les a poursuivis, une partie d’une nuit, et qui, après lui avoir inspiré une grande terreur, l’a jeté dans une colère qui l’a fait se précipiter dans un fourré d’épines, sans pouvoir rien découvrir.

1464. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Mais dans l’œuvre complexe de Heine, toute la poésie, l’émotion, le côté grave et passionnel est ou allemand, ou orignal, imprégné de romantisme, de simplicité populaire, ou perverti par une sensibilité maladive, nerveuse, surtendue, ayant les frémissements, les rires et les larmes subits de certaines névroses.

1465. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Maintenant avec des quolibets et des bouffonneries on s’en va prêcher, et, pourvu qu’on fasse rire, le capuchon s’enfle, et on n’en demande pas davantage !

1466. (1926) L’esprit contre la raison

Déjà voici venir le temps où nul n’osera sans rire se justifier par des raisons formelles et c’est ainsi que le professeur Curtius, dans un récent article sur Louis Aragon, a pu le louer d’« avoir vaincu la beauté, ce prétexte, par l’authentique poésie »by.

1467. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Colnet tirait la rie de son talent des passions contemporaines ; qui pourrait le lire aujourd’hui ?

1468. (1903) La renaissance classique pp. -

Ils savent aussi que l’individu séparé de la race n’est rien, que l’aristocratie privée du sol qui la nourrit, de la richesse et de la puissance matérielle qui la soutiennent, n’est qu’un vain mot, et ils se riront des Jean sans Terre de nos prétendues « aristocraties intellectuelles ».

1469. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

. — Non seulement Arioste, mais n’importe qui, pourvu qu’il soit amusant ; un burlesque même, si sa fantaisie a du montant : Un fou du moins fait rire et peut nous égayer ; Mais un froid écrivain ne sait rien qu’ennuyer : J’aime mieux Bergerac et sa burlesque audace, Que ces vers où Motin se morfond et nous glace. […] Très bonne, charitable d’instinct et comme de nécessité innée, voyant la bienvenue lui rire dans tous les yeux ; se sentant un peu la reine de son quartier où tous les enfants l’adorent, ce qui lui donne toutes les mamans et les papas par-dessus le marché ; se sentant reine à son atelier, où les petites ouvrières, les unes bonnes, les autres méchantes, toutes un peu artistes, reconnaissent, même jalouses, la supériorité du talent. […] On a beaucoup ri des formules de La Harpe : « Écrivain de premier rang dans un genre de second ordre ; écrivain secondaire dans un genre supérieur ; écrivain supérieur dans un genre secondaire, etc. » L’erreur ici est, en effet, de se perdre dans des classifications minutieuses ; mais le fond des choses est vrai, et il faut tenir compte de la hiérarchie des genres, surtout à une époque où le mépris, sincère ou concerté, de cette hiérarchie a souvent servi d’excuse aux demi-talents. […] Un jour que Sarcey voulait faire entrer Weiss dans le journal et qu’About, qui n’aimait pas Weiss, on n’a jamais su pourquoi, s’y refusait sous le prétexte que Weiss n’était pas dans la ligne du journal, Sarcey éclata d’un rire énorme et levant au ciel ses bras courts : « La ligne du journal !  […] Assez sottement, à mon avis, une grande partie de la Chambre de 1874 rit de tout son cœur de ce mot de Beulé : « Nous possédons le système parlementaire dans toute sa beauté » ; et toute la France suivit, ou à peu près.

1470. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Habituellement, quand nous passions près d’une jeune fille un peu agréable, il se retournait, la regardait de nouveau fixement avec son lorgnon, et, quand il s’apercevait que je l’avais remarqué, se mettait à rire ou à ricaner. […] Repas idéaliste, vraiment digne du convive, qui est Jésus. — Ceux qui riraient de cette idée sont libres de supposer que le repas est fini, ou n’est pas encore commencé.

1471. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

On honore son âme encore en fuyant tous les excès et, sans aller plus loin, l’excès dans la joie et la douleur, l’excès dans le rire et dans les larmes. […] Il dit au public : Vous voulez rire. […] Vous voulez rire. […] Seulement, je vous connais, vous voudrez rire moralement. […] Et voulant rire, c’est la laideur morale que vous chercherez en même temps.

1472. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Le seul qui rie encore à mon cœur oppressé, C’est de m’ensevelir au fond d’une chartreuse, Dans une solitude inabordable, affreuse ; Loin, bien loin, tout là-bas, dans quelque Sierra Bien sauvage, où jamais voix d’homme ne vibra, Dans la forêt de pins, parmi les âpres roches Où n’arrive pas même un bruit lointain de cloches ; Dans quelque Thébaïde, aux lieux les moins hantés, Comme en cherchaient les Saints pour leurs austérités50. […] Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris ; J’unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ; Je hais le mouvement qui déplace les lignes ; Et jamais je ne pleure, et jamais je ne ris 89. […] Étant donné que le rire a pour origine une disproportion brusque, il naît ici, comme dans toute comédie d’observation, de l’écart violent entre le spectacle de la réalité que présente l’écrivain, et le sentiment de l’idéal que nous portons inné dans nos âmes.

1473. (1930) Le roman français pp. 1-197

Nous ne nous rappelons plus guère, de cette époque de la Restauration, que les poètes et les dramaturges, parce que la renaissance littéraire s’étendit alors à tous les genres, et que le drame romantique, la poésie romantique, éclatent de mérites que n’eurent pas fréquemment sous la Restauration tant de romans déjà « romantiques », mais d’ordinaire d’une tonalité « troubadour », ou bien au contraire fort noirs — tel le Han d’Islande de Hugo, ce Han qui boit dans un crâne humain « le sang des hommes et l’eau des mers », trait qui me fait aujourd’hui pouffer de rire, malgré l’admiration que je professe pour le géant du romantisme. […] C’est l’amour, qui rend visite À la pauvreté qui rit. […] Nono est ivrogne, paillard, magnifique et misérable, il fait le mal, il fait le bien, il pleure, il rit… c’est un Bourguignon, et l’on dirait d’un paysan russe.

1474. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

» « Ce que vous dites du pouvoir de la dot et de l’inutilité de la parure m’a fait rire, tout comme si je n’y avais point d’intérêt et comme si je n’avais rien de commun avec ces demoiselles qui perdent leurs peines et leur temps, sans s’attirer autre chose que de stériles douceurs.

1475. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

La naïveté prêta à rire.

1476. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

C’est ainsi qu’un masque provoque le rire dans celui qui le voit, sans que d’ailleurs ce soit un signe de souffrance.

1477. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

L’âme d’un titi supérieur sonne dans son rire, dont il est impossible de ne pas aimer le joli timbre légèrement nasillard.

1478. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Quant au style, on ne s’occupe pas de cela chez ce public ingénu, bon diable, facile à émouvoir et qui, se livrant de grand cœur, ne compte pas plus ses larmes que ses rires.

1479. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

… La ville jurera qu’il a trompé par des paroles magiques la jeune fille sans défense ; tous les fats en riront, et diront que les savants ne valent pas mieux que les autres hommes… Quel soin paternel de cette jeune fille ; cinq mille guinées dans sa bourse, le docteur aurait pu imaginer pis38. » En 1714, la mère de Miss Vanhomrigh mourut ; elle accourut en Irlande avec sa sœur, et le supplice mérité de Swift commença.

1480. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Il l’écrasait, ce rude combattant, mais avec la gaieté du combat, avec les deux rires du Gaulois et du Gascon qu’il tenait de sa double race.

1481. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

N’est-il pas profondément burlesque en un mot, d’entendre les admirateurs de l’homme néfaste parler, sans rire, de patrie et de nationalisme ?

1482. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Par exemple, l’enfant rit, mais sans volonté, s’il est joyeux ; mais s’il voit les autres rire ou pleurer, il ne considère pas tout d’abord cela comme un signe de joie ou de tristesse. […] On a soutenu quelquefois cependant qu’il y avait des signes naturels au sens propre du mot ; on a dit que le rire et les pleurs par exemple étaient bien considérés par les enfants comme des signes, et qu’ils les tiendraient pour tels quand bien même l’expérience n’interviendrait pas. […] Mais même sans faire intervenir l’hérédité, l’instinct d’imitation ne suffit-il pas à expliquer pourquoi un enfant rit en voyant rire, pleure en voyant pleurer ?

1483. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Il faut l’admirer d’avoir su ne pas rire quand la philosophie, la science, le désir de savoir, la curiosité du vrai, recevaient des coups de bâton sur les tréteaux. […] Et si le poète pouvait cacher ses larmes et se mettre à rire, je vous assure que son livre serait le plus sublime et le plus terrible qu’on ait fait. » Voilà, peut-être, l’idée primitive de Bouvard, mais d’un Bouvard qui eût été en expansion et en romantisme ce que le vrai Bouvard est en dépouillement et en sécheresse. […] Quels rires cependant si c’était dans Thomas que l’on découvrit cette étonnante périphrase, et comme on aurait raison !  […] Daudet nous apporte sur cette prétérition des remarques fort intéressantes et justes : « D’un petit épisode, il faisait jaillir un enseignement général, sans appuyer, complétant sa démonstration d’un sourire, ou d’un rire léger, qui lui plissait le coin de l’œil, demandant à celui-ci et celui-là une explication complémentaire, prenant à témoin sa femme, la servante, son interlocuteur, un personnage légendaire et historique, et demeurant grand amateur de précision… L’homme du Midi a horreur du vague, et quand il aborde le mystère, il le fait méticuleusement. […] Daudet, paraît-il, éclata d’un grand rire olympico-rabelaisien, et le tint avec raison pour fou.

1484. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

     Ainsi donc, mon enfant, voilà ce grand secret Dont tout autre qu’un père en l’écoutant rirait ; Voilà par quel honteux et ridicule piège L’Esprit trompeur poussait vos pas au sacrilège….. […] » Les monstres à ces mots poussent un affreux rire : D’une convulsion du coeur la mère expire, Et les bourreaux, traînant le vivant et les morts Vers l’antre des lions, leur jettent les trois corps.

1485. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Le Français n’est plus ce peuple qui cherchait à rire et à s’amuser de tout5. » Il faut se réfugier à Paris pour être à peu près libre de rester tranquille et à peu près libre d’être gai. […] La raison en est qu’« Alceste, n’osant dire à Oronte que son sonnet est mauvais, présente précisément au public le portrait détaillé d’une chose qu’il n’a jamais vue, et ne verra jamais. » — Voilà qui étonne. — Il comparera Molière à Aristophane et fera remarquer le rire de Molière, « ce rire amer et imbibé de satire », pour montrer combien le rire d’Aristophane est sans amertume et dénué de toute satire : « Aristophane fait rire une société de gens légers et aimables qui cherchaient le bonheur par tous les chemins. » — Toutes les impressions sont possibles en choses de littérature et d’art ; mais celles qui sont si particulières surprennent pourtant un instant, et il a dû se rencontrer des lecteurs qui se sont demandé si Stendhal avait lu Aristophane et Molière, et, à supposer qu’il en eût lu un, quel était celui des deux qu’il n’avait pas lu. — Il nous dira que c’est la civilisation de salon qui a fait naître l’abbé Delille, et c’est une opinion probable ; mais il ajoutera que « c’est, plus tard, la méfiance et la solitude comparative qui ont fait naître les odes de Béranger. » Il n’est pas banal, au moins, de trouver dans les odes de Béranger des traces et des effets de la solitude comparative. […] On peut ne pas l’aimer, on peut rire de lui.

1486. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Né à Martigues, au bord d’un fjord, lui disait pour rire notre ami commun Frédéric Amouretti, mais dans cette Provence qui ressemble physiquement à la Grèce et fut de bonne heure colonisée par Phocée, puis par Rome, il n’a eu qu’à se laisser porter et son régionalisme a favorisé sa raison, mais l’a un peu limitée aussi et l’a rendu parfois injuste pour d’autres, moins bien nés à son goût. […] Les analphabets ignorent l’existence de ce subjonctif : les primaires la connaissent, mais en rient, et croient que les partisans du bon langage en abusent à tout bout de champ… Et Mme de Noailles ayant cité Jean-Jacques Rousseau, je ne lui ai pas demandé : « L’avez-vous bien lu ?  […] Je n’ai entendu personne la comparer à un croissant de lune, et n’ai donc pu en rire. […] Vous voulez rire.

1487. (1898) Essai sur Goethe

Il a (seulement parce que la demoiselle l’aime ainsi) adopté des porte-mains et des manières telles qu’on ne peut le regarder sans rire, et une démarche insupportable. […] On dirait, si j’ose employer cette image, qu’il possède un jardin pour rire et l’autre pour pleurer : il se transporte de l’un dans l’autre avec désinvolture et facilité, comme si c’était la chose la plus simple de passer ainsi de la douleur à l’insouciance, du mal d’aimer à la joie de vivre. […] Il y a là une contradiction dont nous ne pouvons admettre les termes ; et, derrière les déclarations des lettres à Wilhelm, nous entendons résonner le rire un peu gros des jeunes diplomates, amis de Goethe et du pauvre Jérusalem, autour de leur table d’hôte dont ils faisaient une Table Ronde, ou les propos galants qui s’échangeaient à Ehrenbreitstein entre l’aimable voyageur revenu de Wetzlar et la fille de Mme de La Roche, sous l’œil complaisant d’une mère spirituelle, romanesque, dépourvue de tout préjugé.

1488. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

À l’époque de nos agitations et de nos anxiétés politiques (on doit les supposer finies), j’ai eu la naïveté de l’inviter gravement et périodiquement à écrire la comédie ou la satire des mœurs républicaines et des excès démagogiques : M. de Musset a dû bien rire de mes articles, s’il les a lus. […] … L’hypocrite qu’il est nous a tous attrapés Il possédait si bien la langue des affaires, Était si positif, riait tant des chimères, Traitait la poésie avec tant de mépris, Que j’ai cru qu’il serait le meilleur des maris ! […] Mercier est si drôle en cet endroit, cette boutade répond si bien à l’ensemble du personnage, qu’on rit aux éclats et que l’on accepte cette petite vengeance de poëte. […] Un article par semaine, pendant vingt-trois ans, cela fait onze cent quatre-vingt-seize articles de quinze colonnes chaque, c’est-à-dire ayant chacun l’étendue d’un dixième de gros volume ; total, cent dix-neuf gros volumes, écrits en se jouant, au vol de la plume, sans fatiguer un moment ni ses lecteurs ni même lui, sans préjudice d’ouvrages de plus longue haleine, d’histoires écrites avec le même bonheur et le même amour, de récits tour à tour sérieux et fantasques, depuis l’Âne mort, cette légende moqueuse et triste, faite avec les larmes de notre siècle, jusqu’aux Gaietés champêtres, cette légende mélancolique et railleuse, faite avec le rire du siècle dernier.

1489. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Là-dessus elle se mit à rire et lui dit qu’elle le ferait.

1490. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

s’écriait-il, je ris des reproches qu’ils peuvent me faire : mais j’évite de descendre en moi-même, car c’est là que je suis leur égal, et peut-être leur inférieur.

1491. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Le roi de Hanovre, qui est aveugle, entend le rire de l’enfant, se le fait amener, le prend dans ses bras, puis soudain, à un mot dit par son aide de camp, le laisse brusquement retomber à terre.

1492. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

De loin, je la crus seule, et, m’étant avancé vers elle, je vis qu’elle tenait Paul par le bras, enveloppé presque en entier sous la même couverture, riant l’un et l’autre d’être ensemble à l’abri… » Au théâtre, quand on a mis en opéra Paul et Virginie, il a fallu remplacer le jupon-parapluie, — qui eût fait de rire, — par une feuille de bananier.

1493. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Le seul prédécesseur dont il envierait sans rire les qualités proprement poétiques ne pourrait être que M. de Fontanes, d’autant que ce dernier écrivit en l’honneur des Pyrénées quelques vers auxquels un Béarnais se doit d’être sensible. […] D’un coude nonchalant, comme s’il allait pouffer, et rire au professeur, il amène alors sur sa bouche une main enfantine, et ses doigts écartés musèlent le récit ; puis, il se contente de sourire ; ses gestes ne sont plus qu’excuses, allusions, réticences : sans doute devait-il se prendre à quelque faux semblant, prononcer un jugement trop superficiel, et comme il déteste la tricherie, il a préféré s’abstenir.

1494. (1940) Quatre études pp. -154

Il était sentimental, au point de s’être épris de sa cousine, et puis de son autre cousine, comme les collégiens : des cousines riches, qui avaient bien ri de ce soupirant. […] Une larme sur un champ de rire, c’est le blason que porte mon humour.

1495. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

On pouvait rire un moment du libelle impuissant de l’avocat Moreau : Mémoire pour servir à l’histoire des Cacouacs, 1757, sans discerner d’ailleurs très nettement si l’on y riait de l’auteur ou de ceux qu’il attaquait.

1496. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

La jeunesse et la beauté contemplent avec une insatiable curiosité ces images de destruction et ces détails minutieux de la mort ; puis les plaisanteries bizarres, qui se mêlent au jeu des personnages, semblent de moment en moment soulager les spectateurs du poids qui les oppresse : de longs rires éclatent dans tous les rangs. […] Émotions puissantes, contrastes inattendus, terreur et pathétique poussés à l’excès, bouffonneries mêlées à l’horreur, et qui sont comme le rire sardonique d’un mourant : voilà les caractères du drame tragique de Shakspeare.

1497. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Plus de ris ni de jeux désormais ; une tristesse morne ; et voici qu’insensiblement, sur les restes de ce qui fut « la cour la plus galante de l’Europe », se tisse et s’étend le voile terne, opaque, et lugubre de l’ennui. […] Mais si la première s’est déterminée et, comme disait Aristote, a reconnu sa vraie nature dans les chefs-d’œuvre de Corneille, la seconde hésite entre deux ou trois directions ; — on sait où est la source des larmes ; — on ignore encore l’art de toucher celle du rire. — Thomas Corneille [1625 ; † 1709] cherche le succès dans la complication romanesque des aventures ; — Philippe Quinault [1635 ; † 1688], dans l’alliage d’un réalisme de détails qui sent son origine populaire ; — et d’une fadeur de galanterie qui fait prévoir ses opéras ; — Paul Scarron [1610 ; † 1660], dans ce que Molière appellera la turlupinade, ou dans l’énormité de la caricature, à moins que ce ne soit dans l’obscénité. — Tous les trois continuent d’ailleurs d’emprunter leurs modèles à l’Espagne. — Dom Japhet d’Arménie, 1652, est une adaptation d’une comédie de Moreto ; — Les Rivales, 1653, ne sont qu’une reprise des Pucelles de Rotrou, qui passent elles-mêmes pour être empruntées à Lope de Vega ; — Le Charme de la voix, 1653, est une imitation d’une comédie de Moreto. — Il semble que tous ces auteurs aient « des yeux pour ne point voir » et « des oreilles pour ne point entendre » ; — et c’est ce qui fait que tout ce théâtre n’a, en un certain sens, d’intérêt que pour les curieux. Il accoutume toutefois le public à dissocier les éléments de son plaisir pour l’éprouver plus vif et plus complet ; — et en effet ce n’est que dans le roman de Rabelais qu’on rit d’un œil en pleurant de l’autre. — On ne voudra bientôt plus du mélange des genres ; — et c’est un premier pas vers le naturel. — La langue aussi devient plus naturelle ; — elle s’assouplit, elle se diversifie ; — Thomas Corneille a de l’abondance ; Quinault de la fluidité ; Scarron souvent a de la verve ; — et, à ce propos, comparaison du comique de l’Écolier de Salamanque ou de Dom Japhet d’Arménie avec celui de Ruy Blas et de Tragaldabas. — Enfin il n’est pas jusqu’au goût du burlesque qui n’exige une certaine observation ; — s’il ne saurait y avoir de bonnes caricatures que celles dont on reconnaît la ressemblance avec leurs modèles.

1498. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Mais on se rit de lui, et ce besoin d’aimer que l’on a méconnu, il le renferme au fond de son cœur jusqu’à ce que paraisse Dorothée. […] Et ce vieux recteur de collège, à la figure sardonique, qui lui enseigne l’hébreu, homme terrible et redouté, railleur sanglant, habile à éveiller les contradictions dans l’esprit de ses auditeurs, aimant à se jouer d’eux, réservé dans ce qu’il dit, audacieux dans ce qu’il laisse entendre, toussant plutôt que riant, depuis plus de cinquante années, d’un petit rire sec et creux qui pénètre et qui glace : l’écolier, tout en lisant la Bible, le regarde du coin-de l’œil d’une façon étrange ; il ne l’oubliera jamais ; il en fera Méphistophélès. […] On pleure, on rit, on s’embrasse, et comme c’est l’usage au Théâtre-Italien, tout finit par des chansons.

1499. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Seigneur, dès ce jour, sans sortir de l’Epire, Du matin jusqu’au soir qui vous défend de rire ?

1500. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

De retour, presque aussitôt un dîner de quarante-huit couverts, disposé d’une manière charmante, dans deux pièces, où deux grandes tables, fleuries de fleurs d’amandiers, forment un T, et où la table des vieux, a pour tête la table des jeunes, au milieu de laquelle apparaît la mariée, toute jolie avec son clair visage et son rire sonore, — tout le dîner, égayé, animé, fouetté, par des violons tsiganes faisant rage, et dont les chabraques rouges promènent leurs musiques nerveuses derrière le dos des convives.

1501. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

— Le Rire.

1502. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Il y a des gens qui, confondant l’argent qu’on gagne avec l’argent qu’on mendie ou qu’on extorque, m’accusent d’être un homme d’argent : ces gens-là me font bien rire.

1503. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

De près, et quand elles ne sont plus dans l’exercice de leurs solennelles fonctions, elles sont gaies à la façon de tout petits enfants, et leur rire est plein d’innocence et de gentillesse. […] Et, clignant de petits yeux pleins de malice, étouffant de rire, toute cramoisie de la bonne farce qu’elle faisait à sa mère, elle lui posa cette question dont je vous prie d’admirer l’étonnante fantaisie et le tour déjà tintamarresque et chat-noiriste : — Si j’ai cinq-z-yeux et que tu m’en creuves six, combien qu’i’ m’en reste ?

1504. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

On y rencontre, à chaque pas, des douleurs lancinantes, des bâtiments, des mélancolies immarcessibles, des blandices éthérées, d’inépuisables exhalations remuant au fond du cœur les roses en bouton que la pudeur y écrase, de quoi défrayer toute une veine gauloise et bouffonne, si nous savions rire encore, ou du moins rire des choses risibles. […] L’arbre où j’ai, l’autre automne, écrit une devise, La redit pour son compte, et croit qu’il l’improvise ; Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur, Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en cœur. […] Tel est, après cent ans, le bizarre et dissolvant prestige de ce diable d’homme, qu’il interdit, même à ceux qui le combattent, le feu, la passion et l’éloquence, qu’on croit toujours, si l’on s’échauffe, voir ses lèvres de glace relever leur arc impitoyable pour rire à la fois de son antagoniste et de lui-même.

1505. (1914) Une année de critique

Tournoiement de la belle ronde ; Pour faire autour de moi la ronde Les choses se donnent la main ; Je règne sur tous les chemins, Tout est à moi et tout me rit. […] Non certes, il ne rit pas.

1506. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

L’humour consiste à dire d’un ton solennel des choses extrêmement comiques, et à garder le style noble et la phrase ample, au moment même où l’on fait rire tous ses auditeurs.

1507. (1904) Zangwill pp. 7-90

Qui répondra de demain ; comme dit ce gigantesque Hugo, si éternel toutes les fois qu’il n’essaie pas d’avoir une idée à lui : Non, si puissant qu’on soit, non, qu’on rie ou qu’on pleure Nul ne te fait parler, nul ne peut avant l’heure              Ouvrir ta froide main, Ô fantôme muet, ô notre ombre, ô notre hôte, Spectre toujours masqué qui nous suit côte à côte,              Et qu’on nomme demain !

1508. (1903) Le problème de l’avenir latin

Seule notre infatuation, si elle devait durer jusqu’au dernier jour, pourrait légitimement provoquer le rire et le mépris : apprenons donc, pour échapper au ridicule, la modestie et la discrétion. […] L’eau rit, ‌ Manger est bon.

1509. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Plutarque à présent me fait crever de rire : je ne crois plus aux grands hommes. » À plus forte raison ne croira-t-il ni à l’auguste maison des Bourbons, ni aux curés, ni aux ministres, ni à M. le Maire. […] Il écrivit sa Chute d’un Ange avec la Fin de Satan et Dieu, il devint le poète épique de la Légende des siècles, reprit les Misères pour en tirer les dix volumes des Misérables, se divertit dans les Chansons des rues et des bois en répandant parmi les étoiles les gaillardises de Béranger, écrivit le roman de l’Océan avec les Travailleurs de la mer, le conte fantastique démesuré de l’Homme qui rit, se fit une vie puissante, prestigieuse, de prophète dans une île où se mêlaient les images de Patmos, de Sainte-Hélène, du Grand Bey. […] Les apostrophes de Milton, de Saint-Vallier, de Ruy Blas, le monologue de Charles-Quint, les Quatre Jours d’Elciis, le Satyre devant l’assemblée des Dieux, ou l’Homme qui Rit devant celle des pairs d’Angleterre, voilà l’attitude à laquelle le ramène invinciblement son mouvement naturel.

1510. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

L’excellent curé, comme l’incomparable chevalier de la Manche, est trop souvent battu ; le rire qu’il provoque est trop souvent troublé par la compassion qu’il excite. […] Il fait l’autopsie de ses moindres souhaits ; il promène le scalpel dans ses moindres ambitions, et il rit quand la fibre de ses vœux se déchire sous le tranchant de sa parole.

1511. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Jusque-là l’attention, la satisfaction même de l’auditoire se soutint74 ; mais lorsqu’il en vint au bon jugement et à la profonde politique du prince, personne ne put s’empêcher de rire ; cependant le discours était de Sénèque, qui y avait mis beaucoup d’art.

1512. (1927) Approximations. Deuxième série

Lorsque, dans ses plus beaux atours, le fier Avril bigarré Infuse en chaque chose un esprit de jeunesse, Alors le pesant Saturne gambade et rit avec luias, est-il dit dans les Sonnets. […] On pouvait enfin tout dire et tout faire, rire de ces lieux communs, bien râpés, bien usagés, dont on avait tiré un si beau rendement. […] Vous pouvez le nier (le dogme du péché originel) avec des mots, avec des rires : mais le soir, au moment de se coucher, l’homme fatigué regarde sa journée et il voit un manque en toutes ses actions, un vide entre ce qu’il a fait et ce qu’il avait résolu de faire.

/ 1550