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972. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Son île est à la fois un cimetière pour les mortels bienfaisants, un verger pour les arbrisseaux exotiques, une prairie artificielle, un prytanée, un rendez-vous de noces et festins pour les pauvres vertueux, un lieu d’asile inviolable pour les pères de famille endettés et pour tous les infortunés : que sais-je encore ? Quelqu’un qui entendait lire ce chapitre à haute voix (ce qui en rend plus sensibles les chimères), disait que cela lui faisait l’effet d’une orgie fénelonienne au clair de lune. […] Même lorsqu’il est le mieux traité et le plus choyé dans ses voyages à Paris, lorsque chacun le caresse et veut le retenir, Bernardin ne soupire pas moins après sa solitude champêtre ; il sent que la vie s’écoule, que ses dernières pages à achever le réclament, et il écrit alors naïvement à sa jeune femme : Je suis comme le scarabée du blé, vivant heureux au sein de sa famille à l’ombre des moissons ; mais, si un rayon du soleil levant vient faire briller l’émeraude et l’or de ses élytres, alors les enfants qui l’aperçoivent s’en emparent et l’enferment dans une petite cage, l’étouffent de gâteaux et de fleurs, croyant le rendre plus heureux par leurs caresses qu’il ne l’était au sein de la nature. […] Villemain, dans son rapport public du 19 août dernier, n’avait jugé à propos, par un coup de talent, de rendre un éclat inattendu à cette ancienne séance. […] Sur le soleil, entre autres énormités étonnantes, il vous dira sans sourciller, par exemple : S’il était permis à un être aussi borné que moi d’oser étendre ses spéculations sur un astre que je n’ai pas eu même le bonheur de voir dans le télescope, je dirais que sa matière doit être de l’or, d’abord parce que l’or est la plus pesante de toutes les matières que nous connaissons : ce qui convient au soleil placé au centre de notre univers… Cette lecture des Harmonies, si on la prolonge, est d’un effet singulier, et que je ne puis mieux rendre qu’en disant qu’il est efféminant et qu’il écœure.

973. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

» Il s’agissait pour Boileau de rendre désormais la poésie respectable aux Pascals eux-mêmes, et de n’y rien souffrir qu’un bon jugement réprouvât. […] Un des premiers soins de Boileau fut de le déloger de l’estime de Colbert, sous qui Chapelain était comme le premier commis des lettres, et de le rendre ridicule aux yeux de tous comme écrivain. […] Tout cela, récité par Boileau chez M. de Lamoignon, avec cet art de débit qui rendait au vif l’inspiration, parlait à l’œil, à l’oreille, et riait de tout point à l’esprit. […] Boileau finit par la vendre, mais ce ne fut que quand ses infirmités lui eurent rendu la vie plus difficile et la conversation tout à fait pénible. […] Les plus grands talents eux-mêmes auraient-ils rendu également tout ce qui forme désormais leur plus solide héritage de gloire ?

974. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Si une ville d’Italie pouvait se plaindre de De Brosses, ce serait Florence, à laquelle il rend d’ailleurs bien des hommages, mais pas autant peut-être qu’il lui en est dû : il était malade et avait légèrement la fièvre dans le séjour qu’il y fit. […] Croyez-vous que la curiosité des étrangers qui trouveraient ici réunies les principales choses qu’ils vont chercher de côté et d’autre à grands frais, ne rendrait pas au triple à l’État la dépense que lui auraient coûtée de tels monuments ? […] Dante, au contraire, lui est pénible et difficile ; il le trouve d’un sublime dur : « Il me paraît plein de gravité, d’énergie et d’images fortes, mais profondément tristes ; aussi je n’en lis guère, car il me rend l’âme toute sombre. » Le Moyen Âge répugne à de Brosses ; il lui refuse le nom d’antiquité ; il visite au retour, à la bibliothèque de Modène, le docte Muratori, avec ses quatre cheveux blancs et sa tête chauve, travaillant malgré le froid extrême, sans feu et nu-tête, dans cette galerie glaciale, au milieu d’un tas d’antiquités ou plutôt de vieilleries italiennes : « Car, en vérité, dit-il, je ne puis me résoudre à donner le nom d’antiquités à tout ce qui concerne ces vilains siècles d’ignorance… Sainte-Palaye, au contraire, s’extasiait de voir ensemble tant de paperasses du xe  siècle. » — Tous ces jugements se tiennent, on le sent, et s’accordent soit en littérature, soit en peinture ou en musique ; et celui qui aime tant l’Arioste pourra se déclarer de la sorte en faveur de Pergolèse : Parmi tous ces musiciens, mon auteur d’affection est Pergolèse. […] S’il y avait dans ce portrait quelque chose d’un peu moqueur et d’un peu léger pour de Brosses, celui-ci, sans y viser, l’aurait bien rendu à Diderot ; car, s’étant figuré d’abord, avant de le connaître, qu’il allait trouver en lui une furieuse tête métaphysique, il écrivait, après l’entrevue et au bout de quelques visites : C’est un gentil garçon, bien doux, bien aimable, grand philosophe, fort raisonneur, mais faiseur de digressions perpétuelles, Il m’en fit bien vingt-cinq hier, depuis neuf heures qu’il resta dans ma chambre jusqu’à une heure. […] Ce sentiment du beau et de l’antique, ou des merveilles pittoresques modernes, qui fait l’honneur de leur jugement, de Brosses ne se donne aucune peine pour l’avoir et pour l’exprimer : il l’a du premier bond et le rend par une promptitude heureuse.

975. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Elle goûtait fort, au début, ces divertissements scéniques où l’auteur, avec des petits airs indépendants, la flattait jusque dans ses ridicules et lui rendait, par ses complaisances, la pratique de la vertu si facile. […] C’est ainsi que l’autre soir, à la reprise de Maître Guérin, à la Comédie-Française, l’outrance vertueuse du colonel, la candeur exagérée de l’inventeur Desroncerets, le désintéressement infatigable de sa fille, avaient fini par énerver le public et le rendre fort indulgent pour les habiletés juridiques du notaire indélicat. On éprouvait un sentiment analogue à celui qui plisserait en un sourire sceptique le coin des lèvres des baigneuses de Trouville, auxquelles on ferait part des pudeurs de Virginie, préférant la mort par immersion à la souillure des mains d’un matelot, se dévouant pour l’arracher aux flots et la rendre à Paul. […] À Paris, la triste nouvelle ne s’étant répandue que vers quatre heures du soir, peu de personnes ont pu partir à temps pour se rendre à Croissy. […] Il se logea rue du Babuino, à deux Bas de la princesse de Sayn-Wittgenstein-Berlebourg, dont le salon était alors le rendez-vous des cardinaux, des prélats, de l’aristocratie et des voyageurs de distinction.

976. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Ces guinné ne sont pas toujours malfaisants, et rendent parfois service aux hommes, semblables en cela aux autres guinné. […] Le courage le désarme et le rend impuissant. […] La poudre magique qui rend intelligible le langage des bêtes (Le lièvre et le dioula). […] L’arme qui assure le pouvoir à son possesseur (sagaie de Binanmbé, fusil de Molo)97 Le bonnet qui rend invisible98 (Contes des Gow : Sanou Mandigné). […] — Je n’en ai pas, ai-je répondu — Mets des cailloux dans ta chéchia » Je l’ai fait et après quelques tours de passe-passe il me l’a rendue pleine de kolas.

977. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Mais, avant d’entamer cette question, il faut la déterminer, la circonscrire ; il faut la dégager d’une autre question qui la complique, et qui en rendrait la solution plus difficile. […] Cependant, à une époque plus rapprochée de nous, une femme justement célèbre, toute française par ses sentiments, ses affections et ses goûts, mais que les vicissitudes de sa destinée avaient rendue cosmopolite, rapporta d’une de ses plus longues excursions le système germanique, nous en apprit le nom en même temps que les principes, et nous révéla la fameuse distinction de classique et de romantique, qui divisait, à leur insu, toutes les littératures, et partageait la nôtre même, qui ne s’en serait jamais doutée. […] Nos malheurs nous ont rendus, sinon plus sensés, du moins plus sérieux ; nos âmes, longtemps froissées par le choc des événements extérieurs, aiment davantage à rentrer, en elles-mêmes, pour y trouver quelque repos ; la religion a repris tout son empire, et la morale tous ses droits, ou du moins on n’outrage plus impunément l’une ni l’autre. […] Un sujet de la Grèce antique, où l’homme de tous les lieux et de tous les siècles sera peint fidèlement, sous le costume rigoureusement observé de Mycènes, d’Argos ou de Sparte, réunira, pour des spectateurs modernes, les deux conditions qui constituent cette vérité : un sujet moderne pourra les enfreindre l’une ou l’autre, si les sentiments naturels sont faussement exprimés, ou les mœurs sociales inexactement rendues. […] Parce que l’âme se plaît à rêver, faut-il que les vers, pareils aux ruisseaux dont le murmure produit et entretient la rêverie, soient privés de sens, et ne rendent qu’un doux bruit ?

978. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

L’auteur des Mémoires eu chercha laborieusement la raison avec cet art des inductions et des interprétations qu’il possédait mieux que personne et qui le rend un historien si séduisant, si éblouissant et si dangereux, et il la trouva, nous dit-il, dans l’opposition et l’influence de Mme de Maintenon, la vieille fée, — de Mme de Maintenon, sa seconde haine ; la seconde raison de la popularité actuelle de son livre, et pour nous la seconde tache de ces admirables et adorables Mémoires, que nous voudrions effacer. […] Mme de Maintenon a gardé dans l’histoire un incognito sublime qui la rend très apte à l’insulte, et Saint-Simon n’a pas été chevaleresque. […] Saint-Simon a les mœurs extérieures de son temps, qui créa peut-être l’hypocrisie, cet hommage que le vice rend à la vertu, mais qui, ayant l’inconvénient, a les avantages, la dignité dans le langage et dans la conduite, la convenance, la gravité. […] À l’ambition qui le rendait injuste se joignait un défaut d’esprit, radical en lui, et que tout le prestige de sa plume est insuffisant à cacher ! […] Il s’y agit, dans ce volume, à peu près de la fin de tout pour Saint-Simon mûri et qui devait être apaisé (car ce qui rend l’ambition turbulente, c’est l’espérance), et aussi pour la monarchie, puisqu’il n’y a plus rien que Louis XV entre les Orgies du duc d’Orléans et la place de la Révolution.

979. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Se rendre à Paris constituait un voyage pour un habitant de Limoges, de Dijon, de Lyon ou même de Rouen. […] Nous avons maintenant des châteaux où l’on « vacance », des villas au bord de la mer, des rendez-vous de chasse qu’on habite en passant, mais nous n’avons plus, dans son logis qui demeure, ce tout petit bourgeois rural ou ce grand paysan que nos pères ont connu. […] Ils ont peint d’après nature, au contraire ; ils ont possédé, l’un et l’autre, la faculté géniale de voir et de rendre leur vision avec des mots, leurs types sont vrais et ils sont de la province. […] Ils ont donc décrit, admirablement d’ailleurs, des personnages odieux, ridicules ou amusants, ils ont flagellé des imbéciles ou des coquins, ils ont été poètes, et grands poètes si l’on veut, mais ils n’ont rendu qu’un aspect de la province et celui-là justement qui avait le moins besoin qu’on y insistât. […] Il y a des hommes et des femmes, en grand nombre, qui trouvent que le bonheur n’a pas de patrie nécessaire, que la joie et le souci d’une fortune à faire ou à augmenter, d’une famille à élever, d’une âme à ennoblir, d’une place à tenir dans l’amitié de quelques-uns et dans l’estime de tous, suffisent amplement à remplir les heures et à les rendre brèves.

980. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Mais la soumission qu’on lui rendait était volontaire et confiante ; on le trouvait digne de la suprématie qu’il réclamait ; on fléchissait sous sa dictature méritée et naturelle, comme sous une magistrature bienfaisante et légitime. […] Royer-Collard, vous allez rendre les Français révolutionnaires, — Je n’en sais rien. […] Elle le rendra présent quoique absent. […] Il y a donc des idées représentatives, c’est-à-dire douées de la propriété de suppléer les objets, d’offrir leur simulacre, de contenir la copie de leurs manières d’être, de rendre possibles en leur absence les opérations qu’on ferait en leur présence, de subir les opérations qu’on ferait sur eux. […] Pour rendre cette vérité sensible, prenons une idée sensible.

981. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Ce qui manquait si fort, nous le voyons, au premier grand poëte de Rome, ce qui glaçait pour lui l’enthousiasme lyrique, pouvons-nous le trouver dans d’autres génies du même temps, nourris au milieu des mêmes corruptions, et n’ayant pas peut-être cette mélancolie mêlée de pitié qui rend si éloquent même le scepticisme de Lucrèce ? […] En sera-t-il de même, quand Catulle voudra rendre quelques-uns des sentiments publics que Rome affectait encore, mais qui n’avaient plus racine dans les âmes, et surtout dans celle du poëte licencieux et voyageur ? […] » Dans d’autres occasions, Catulle nous rend l’image de cette poésie grecque mêlée si souvent aux fêtes de la vie privée, au luxe de la richesse. […] « À ses grands exploits rendra témoignage l’onde du Scamandre, qui va se verser dans l’Hellespont rapide, par une route rétrécie sous l’amas des cadavres dont le sang par sa main échauffera le lit du fleuve. […] La mère sacrilège, se prostituant à son fils trompé, n’a pas craint de rendre complices de son crime les dieux domestiques.

982. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Jamais la statistique n’avait encore été traitée de la sorte ni serrée d’aussi près, de manière à rendre tous les enseignements qu’elle contient, et rien que ce qu’elle contient. […] Le Play de son livre, à rendre ici quelque chose de l’impression plus vive qui m’est restée et à le faire sous une forme moins froide que celle que la statistique exige. […] Le Play a raconté le fait dans la première monographie de son livre (page 57), mais il s’est borné à le constater en peu de mots et avec sa précision ordinaire, en ne cherchant à rendre ni le mouvement ni le jeu de scène. […] Poussé par la force de l’induction, il revenait à regretter, à désirer de grands propriétaires, d’utiles patronages, des influences d’élite, en partie désintéressées ; il aspirait à nous rendre des mœurs, tant à la ville qu’aux champs.

983. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Ce qu’on sait mieux, c’est qu’à partir de cette rédaction sous Pisistrate, de nombreux travaux sont venus ordonner de plus en plus, resserrer, éclaircir et aussi polir dans le détail l’œuvre du poëte, en simplifier peut-être les contours, en faire mieux saillir le dessin, en rendre surtout plus nettes les épreuves et le texte même, jusqu’à ce qu’enfin l’œuvre soit sortie telle que nous la possédons, aussi parfaite et divine qu’on la pouvait désirer, des mains du plus grand des critiques, de celui dont le nom est devenu comme celui d’Homère un immortel symbole de perfection et de louange, — des mains d’Aristarque. […] Machiavel durant ses disgrâces n’abordait jamais cette lecture des Anciens qu’après s’être revêtu de ses plus beaux habits et s’être rendu comme plus digne de s’asseoir à la table de ces hôtes illustres de l’intelligence. […] ugène Bareste vient de donner une traduction en prose française dans laquelle il s’est efforcé de rendre la couleur plus exactement que Dugas-Montbel et ses prédécesseurs ne l’avaient fait. […] Il fait souvent remarquer dans des notes placées au bas des pages, le soin qu’il prend de rendre en détail ce que ses devanciers ont simplifié ou omis.

984. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Dioclétien peut quitter le trône, Charles II peut le conserver en paix ; l’un est un philosophe, l’autre est un Épicurien ; ils possèdent tous deux cette couronne, objet des vœux des ambitieux ; mais ils font du trône une condition privée, et leurs qualités, comme leurs défauts, les rendent absolument étrangers à l’ambition dont leur existence serait le but. […] L’âme qui s’y livre, se rend à jamais incapable de toute autre manière d’exister ; il faut brûler tous les vaisseaux qui pourraient ramener dans un séjour tranquille, et se placer entre la conquête et la mort. […] Le public a gagné contre lui, car les avantages qu’il possédait sont rendus à l’espoir de tous, et le triomphe de ses rivaux est la seule sensation vive que produise sa retraite. […] L’amant de la gloire a une conscience, c’est la fierté ; et quoique ce sentiment rende beaucoup moins indépendant que le dévouement à la vertu, il affranchit des autres, s’il ne donne pas de l’empire sur soi-même.

985. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

Nous croyons avoir, par-delà nos mots généraux, des idées générales ; nous distinguons l’idée du mot ; elle nous semble une action à part, dont le mot est seulement l’auxiliaire ; nous la comparons à l’image ; nous disons qu’elle fait le même office dans un autre domaine et nous rend présentes les choses générales, comme l’image nous rend présents les individus. […] Nous observons alors que cette idée ne ressemble en rien à cette image, sauf par son emploi ; comme l’image, elle rend présente une chose absente, voilà tout ; mais elle n’a pas d’autres propriétés ; elle n’est pas, comme l’image, un écho, l’écho d’un son, d’une odeur, d’une couleur, d’une impression musculaire, bref, la résurrection intérieure d’une sensation quelconque ; elle n’a rien de sensible, et nous ne la définissons qu’en niant d’elle toutes les qualités sensibles ; elle nous semble donc une pure action dénuée de toute qualité, sauf celle de rendre le myriagone présent en nous.

986. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

. — Diverses causes des faux raisonnements Ces procédés d’argumentation, et tous les raisonnements qu’on peut faire se ramènent à deux catégories : ou bien on passe d’un fait observé ou d’un groupe de faits à la loi qui en rend raison, ou bien on passe du principe évident aux conséquences nécessaires. […] Et l’on découvre, par l’étude des chefs-d’œuvre de Michel-Ange et de Rubens, deux artistes d’inspiration si différente, que cette altération a pour but de rendre sensible un caractère essentiel. […] C’est-à-dire qu’il faut se rendre toujours un compte rigoureux de la valeur des mots qu’on emploie, n’en perdre jamais de vue le sens précis, et prendre garde de conserver toujours la même étendue au même terme. Outre que cela assure l’exactitude des conséquences qu’on tire, cela mène à en tirer de plus fines et de plus lointaines, et rien peut-être n’a tant servi Pascal que celle attention à conserver toujours les définitions présentes à son esprit : il apercevait toujours, d’une vue claire et distincte, les choses sous les mois, qui lui rendaient ainsi plus qu’à nul autre.

987. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

À son degré supérieur, cet amour-là est « le grand amour », celui qui rend idiot et méchant, qui mène au meurtre ou au suicide, et qui n’est qu’une forme détournée et furieuse de l’égoïsme, une exaspération de l’instinct de propriété. […] non, et que cela lui rend l’aveu moins difficile. […] Même d’être incompréhensible, en quoi cela la rend-il sacrée ? […] Et le livre se termine par des méditations de l’idéalisme le plus émouvant sur « l’amour par-delà la mort », sur le culte rendu au défunt par la veuve « qui est son âme attardée » ; car il sied que la femme survive. « C’est à l’homme de mourir et à la femme de pleurer. » Tout cela est très beau.

988. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

L’arrogance des prêtres lui rendait les parvis du temple désagréables. […] Il se fit montrer l’effigie de la monnaie : « Rendez, dit-il, à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu 976. » Mot profond qui a décidé de l’avenir du christianisme ! […] Les pharisiens excluent les hommes du royaume de Dieu par leur casuistique méticuleuse, qui en rend l’entrée trop difficile et qui décourage les simples. […] Le contact des tombeaux rendait impur.

989. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Triboulet est difforme, Triboulet est malade, Triboulet est bouffon de cour, triple misère qui le rend méchant. […] C’est un homme sincère et modéré, qui a déjà livré plus d’un combat pour toute liberté et contre tout arbitraire, qui, en 1829, dans la dernière année de la restauration, a repoussé tout ce que le gouvernement d’alors lui offrait pour le dédommager de l’interdit lancé sur Marion de Lorme, et qui, un an plus tard, en 1830, la révolution de juillet étant faite, a refusé, malgré tous les conseils de son intérêt matériel, de laisser représenter cette même Marion de Lorme, tant qu’elle pourrait être une occasion d’attaque et d’insulte contre le roi tombé qui l’avait proscrite ; conduite bien simple sans doute, que tout homme d’honneur eut tenue à sa place, mais qui aurait peut-être dû le rendre inviolable désormais à toute censure, et à propos de laquelle il écrivait ceci en août 1831 : « Les succès de scandale cherché et d’allusions politiques ne lui sourient guère, il l’avoue. […] Qui lui rendra intacte et au point où elle en était cette troisième expérience si importante pour lui ? […] Qui lui rendra le public du lendemain, ce public ordinairement impartial, ce public sans amis et sans ennemis, ce public qui enseigne le poëte et que le poëte enseigne ?

990. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Il fait donc voyager un Provençal qui part de Marseille pour se rendre dans le Levant, écrit de tous les endroits où il a séjourné, & rend exactement compte à une Dame de tout ce qu’il y a d’intéressant à savoir sur la position des lieux, sur les singularités de la nature, sur les loix, sur les mœurs, les usages, la religion, le gouvernement, le commerce, les sciences, les arts, l’habillement, les édifices, les productions naturelles, &c. […] Il ne vit néanmoins qu’une partie de l’Europe ; mais l’étude des langues, & le soin qu’il prit de s’informer avec exactitude des mœurs & des coutumes des différens peuples, le rendirent peut-être plus habile dans la connoissance des pays étrangers, que s’il y eût voyagé lui-même. […] D’Italie il se rend en Allemagne, de-là en Hongrie & ensuite à Constantinople.

991. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Cette rareté de qualité rendait nécessaire celle de quantité. […] Mauclair, nous rendent sans doute un écho de sa conversation. […] Bergson a rendu capital cri métaphysique le problème de la durée. […] C’est ce que le positivisme à rendu par son beau sacrement de l’incorporation. […] Son culte à l’absolu, il le rendait sous la forme de ses scrupules.

992. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

Pour mieux fixer cette première altération dans nos rapports, je ne crois pouvoir rien faire de mieux que de mettre ici deux de mes lettres adressées à Béranger en 1834 et 1835, et qui m’ont été rendues par MM. […] Piccolos, Grec de mérite, avec qui j’ai été vous visiter à la Force en 1829, a traduit grand nombre de vos chansons en grec moderne (il est à Bucharest actuellement, où il a rendu de grands services comme médecin et dans l’instruction publique) ; il voudrait publier son recueil de traductions avec toutes les notes d’un érudit minutieux. […] J’ai rendu une dernière justice à cet homme excellent et supérieur malgré ses défauts, à propos de sa Correspondance(voir les Nouveaux Lundis, tome I).

993. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Si nous descendions aux détails, nous aurions à examiner ici les sources de la mendicité, les causes qui l’ont produite et consacrée en quelque sorte chez les peuples modernes, les raisons qui doivent la faire disparaître à présent : nous aurions encore à jeter un coup d’œil sur le régime de hôpitaux, sur la nécessité ou nous sommes peut-être, dans l’état actuel de la civilisation, d’introduire de grands changements dans l’administration générale des secours aux indigents ; nous aurions enfin à pénétrer dans l’intérieur de nos manufactures pour voir comment il serait possible de conserver la santé de nos ouvriers, de relever en eux l’intelligence et le sentiment moral affaiblis par un travail trop mécanique, de les rendre à l’intensité des affections de famille, de leur donner la prévoyance de l’avenir : mais ce ne serait point véritablement de mon sujet, puisque je dois m’abstenir d’appliquer mes observations à aucun objet en particulier. […] Ainsi le commerce nous rend citoyens de tous les pays : et le dogme de la confraternité de tous les hommes qui habitent la terre nous est enseigné par le besoin que nous avons les uns des autres. […] Non, l’homme, tant qu’il est sur la terre, est fait pour tout mettre en commun avec ses semblables ; songez donc à perfectionner l’homme plutôt qu’à le rendre heureux, car vous n’y parviendriez pas.

994. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Des voiles qu’il soulève, il rend sa nuit plus noire : Aussitôt qu’il s’éclaire, il désapprend à croire. […] Pour contenir les os de tout ce qui fut nous, Vous trouvez trop étroit le lieu du rendez-vous, Où, pasteur justicier, le Vent de Dieu vous mène ! […] que direz-vous donc de la mémoire humaine, Immense Josaphat, où les siècles mêlés S’assemblent en congrès, dès qu’ils sont appelés ; Et non pas seulement les hommes ou leur cendre, Mais où viennent aussi se grouper et se rendre Les empires défunts, les forêts, les cités, Et des fleuves taris les Ilots ressuscités, Et des océans morts les flottes vagabondes, Et non pas seulement la terre, mais les mondes ?

995. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

L’obscurité de la terre se dissipe sous le dard enflammé du soleil ; et la couleur est rendue aux objets, avec la lumière de l’astre étincelant. […] que tu me rendes l’image que je te livre. […] soit qu’elle rappelle un fait véritable, soit qu’elle atteste une croyance populaire que tant de vertu avait rendue vraisemblable.

996. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

moins encore ; c’est de le filtrer plutôt, de le rendre plus net et plus pur en son fond même, pendant que le travail de la forme l’éclaircit. […] Il est bien vrai que cette dure nécessité n’est guère faite pour rendre les classiques chers à la jeunesse. […] Les « qualités de vulgarité » qui rendent une oeuvre populaire se retrouvent, selon. […] Et voilà l’explication la plus simple du mystère qui nous rendait rêveurs : comment les gros ouvrages « de fond » disparaissent-ils ? […] L’œuvre grandit, je t’étends toujours et la rends de plus en plus distincte ; et la composition finit par être tout entière achevée dans ma tête, bien qu’elle soit longue.

997. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. de Latena : Étude de l’homme »

C’est une citadelle qui a courageusement repoussé les assauts, et que la famine force enfin de se rendre. » « Une femme nous semble un peu moins jolie quand nous avons entendu contester sa beauté. » Je ne sais si l’auteur a raison de refuser aux femmes la faculté d’être amies entre elles ; il ne la leur refuse du reste que dans leur première jeunesse et quand une autre sorte de passion plus vive est en jeu. […] Celle d’un homme et d’une femme ne cesse guère d’être attentive et empressée ; le sexe y conserve une partie de son influence… » La douceur de l’âge moins ardent, la vie égale et encore sensible d’une maturité apaisée est très-bien rendue par M. de Latena : « Entre quarante et cinquante ans, le soleil de la vie commence à descendre vers l’horizon, et tous les objets récemment éclairés d’une lumière éclatante prennent des teintes obscurcies qui font présager la nuit.

998. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 303-308

Toujours guidé par des lumieres sûres & un jugement sain, il a subjugué les matieres, afin de les rendre plus sensibles. […] On ne doit pas négliger de parler de son Traité du choix & de la méthode des Etudes, où il décrit la marche convenable à chaque Science en particulier ; ni de son Livre des Devoirs des Maîtres & des Domestiques, où une philosophie chrétienne prescrit aux un des regles de conduite conformes à l’ordre & à l’humanité, & aux autres des leçons propres à régler leur dépendance & à rendre leur sort plus heureux.

999. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Homère, et le grammairien Thestorides. » pp. 2-6

Homère s’étoit rendu à Phocée, après avoir parcouru la plus grande partie de la Grèce, récitant de ville en ville ses ouvrages, & trouvant, selon quelques-uns, par ce moyen, celui de subsister. […] On reconnut Homère à son talent de rendre la nature avec une noble simplicité ; à sa poësie vive, pleine de force, d’harmonie & d’images ; à son érudition agréable, lorsqu’il décrit l’art de la guerre, les mœurs & les coutumes des peuples différens, les loix & la religion des Grecs, le caractère & le génie de leurs chefs, la situation des villes & des pays.

1000. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Julliart » pp. 176-177

Et vous ne songez pas que ces arbres doivent être touchés fortement, qu’il y a une certaine poésie à les imaginer selon la nature du sujet, sveltes et élégans, ou brisés, rompus, gercés, caducs, hideux ; qu’ici pressés et touffus, il faut que la masse en soit grande et belle ; que là rares et séparés, il faut que l’air et la lumière circulent entre leurs branches et leurs troncs ; que cette terrasse veut être chaudement peinte ; que ces eaux imitant la limpidité des eaux naturelles, doivent me montrer comme dans une glace l’image affaiblie de la scène environnante ; que la lumière doit trembler à leur surface ; qu’elles doivent écumer et blanchir à la rencontre des obstacles ; qu’il faut savoir rendre cette écume ; donner aux montagnes un aspect imposant ; les entr’ouvrir, en suspendre la cime ruineuse au-dessus de ma tête, y creuser des cavernes, les dépouiller dans cet endroit, dans cet autre les revêtir de mousse, hérisser leur sommet d’arbustes, y pratiquer des inégalités poétiques ; me rappeller par elles les ravages du temps, l’instabilité des choses, et la vétusté du monde ; que l’effet de vos lumières doit être piquant ; que les campagnes non bornées doivent, en se dégradant, s’étendre jusqu’où l’horizon confine avec le ciel, et l’horizon s’enfoncer à une distance infinie ; que les campagnes bornées ont aussi leur magie ; que les ruines doivent être solennelles, les fabriques déceler une imagination pittoresque et féconde ; les figures intéresser, les animaux être vrais ; et que chacune de ces choses n’est rien, si l’ensemble n’est enchanteur ; si composé de plusieurs sites épars et charmans dans la nature, il ne m’offre une vue romanesque telle qu’il y en a peut-être une possible sur la terre. Vous ne savez pas qu’un paysage est plat ou sublime ; qu’un paysage où l’intelligence de la lumière n’est pas supérieure est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage faible de couleur, et par conséquent sans effet, est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage qui ne dit rien à mon âme, qui n’est pas dans les détails de la plus grande force, d’une vérité surprenante, est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage où les animaux et les autres figures sont maltraités, est un très-mauvais tableau, si le reste poussé au plus haut degré de perfection, ne rachète ces défauts ; qu’il faut y avoir égard pour la lumière, la couleur, les objets, les ciels, au moment du jour, au temps de la saison ; qu’il faut s’entendre à peindre des ciels, à charger ces ciels de nuages tantôt épais, tantôt légers ; à couvrir l’atmosphère de brouillards, à y perdre les objets, à teindre sa masse de la lumière du soleil ; à rendre tous les incidens de la nature, toutes les scènes champêtres, à susciter un orage, à inonder une campagne, à déraciner les arbres, à montrer la chaumière, le troupeau, et le berger entraînés par les eaux ; à imaginer les scènes de commisération analogues à ce ravage ; à montrer les pertes, les périls, les secours sous des formes intéressantes et pathétiques.

1001. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — X. Service de nuit. »

La cause de cette convocation c’est que l’aide de camp en question : M. le lieutenant Fametal rendait impossible le bal qui avait lieu à N’Diago ce soir là. […] « — Ce n’est pas la peine de t’effrayer, Ahmadou, je me rends responsable de ce qui arrivera.

1002. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Et il ajoute : « En les renfermant en lui-même, il se les rendait cent fois plus cruelles. […] Il s’agit de rendre cette mélodramatique aventure naturelle, j’allais dire quotidienne. […] Second geste : il rend la liberté à la bête ; et son espingole, d’abord horizontale, se dirige vers la terre. […] C’était le motif qui rendait si précieuse à Dupré sa fonction de médecin du Dépôt. […] De là, dans les armées de ce type, cet esprit critique et qui rend plus délicat le rôle du chef, obéi, suivi, mais jugé.

1003. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Aussi bien Quincey est-il l’inventeur du poème en prose, que Baudelaire devait ensuite rendre célèbre chez nous. […] L’assassin s’était réfugié en Italie : il s’y rendit pour l’aller découvrir. […] Voyez combien toute tentative d’explication de ces dogmes chrétiens a eu pour effet de les rendre moins forts. […] Il s’est rendu dans les districts où le fléau sévissait, et voici trois mois qu’il n’en est pas sorti. […] C’est cela qui me rend si faible.

1004. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Il vient de Suisse et va rendre ses comptes à sa bande. […] Et rendait-il rigoureusement la nuance voulue ? […] Mis sur une autre piste, mes camarades se rendirent chez M.  […] Elle arrive à ses rendez-vous. […] Poursuivez-les : elles vont se rendre.

1005. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Ils ont vaguement conscience de leur lâcheté, et c’est là ce qui les rend hargneux. […] Cela suffit pour nous assurer une bonne conscience et nous rendre encore plus forts. […] … Comment arrives-tu à les rendre si radieux et si pénétrants ? […] Ce fut un déluge de verbiage et d’écrits à rendre fol. […] Rends-leur le salut : ils sont très sensibles aux marques de politesse.

1006. (1881) Le naturalisme au théatre

Peu à peu, les comptes rendus deviendront de simples bulletins. […] J’avoue que ce lyrisme à froid me rend malade. […] C’est lorsqu’on veut ménager le public qu’on se le rend hostile. […] Cela ne vaut pas un compte rendu. […] Cela rend la position de poète-soldat absolument inexpugnable.

1007. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Il faudra donc rendre la Savoie parce que tout le monde voudra qu’on la rende, et quand la C. […] ne voyez-vous pas comme tout s’achemine à vous rendre des zéros en chiffre ? […] et vos prêtres, pourquoi ne vous les rend-on pas ? […] Il n’aurait voulu que le rendre à jamais stable et visible, en le fondant sur le rocher. […] Chez lui, l’imagination et la couleur au sein d’une haute pensée rendent à jamais présents les éternels problèmes.

1008. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Paul Souday se rend vaguement compte que peut-être il y va de tout. […] D’où je conclus, non pas qu’il est désirable qu’un vers ne signifie rien, mais simplement que, ce qui rend un vers poétique, ce n’est pas le sens qu’il exprime. […] — sera précisément de rendre sensible aux épidermes les plus épais le passage du courant poétique. […] Vous entendez bien que ce qui lui rend les techniques suspectes, c’est l’ineffable, c’est la poésie qui tâchent de s’épanouir par elles. […] Seulement je ne crois pas que cette loi doive balayer l’antique mystère de la poésie, le rendre à la poussière des superstitions vaincues.

1009. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Il se rendit à la police. […] Les Génois refusèrent de les rendre, afin d’épuiser la génération à venir. […] Gœthe s’en rendait bien compte, lui qui avait passé tant d’années à étudier les métamorphoses des plantes. […] Elle ne l’a pas rendu jaloux. […] J’ai la certitude qu’il se rendait à la fin un compte trop exact de l’avortement de tous ses désirs.

1010. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Leurs successeurs leur rendront la pareille. […] Ce sont des aménités de moine qu’il rend à Mme Sand pour ses assistances de Clorinde. […] Son procédé, à la longue, m’a rendu ma pleine liberté. […] Son amour-propre comblé, quoiqu’il n’ait jamais été satisfait, ne le rendait pas alors aussi malheureux que depuis et le tenait constamment en haleine. […] Au vu de sa carte, je me promis bien de lui rendre sa visite, ce que je m’empressai de faire le lendemain matin à l’heure du déjeuner.

1011. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

c’est une justice à rendre au gouvernement représentatif ! […] Le premier miracle qu’opéra l’esprit français de Victor Jacquemont, ce fut de rendre les Anglais aimables. […] au souvenir que je garderai de ces lieux étranges, pas un souvenir ami ne viendra s’associer pour me les rendre chers !  […] Les Français ont quelque chose de plus encore, qui les rend considérables en Asie ; ils sont gais, ils sont frondeurs. […] La nuit lui rend ses droits d’époux ; mais tout le long du jour la princesse est libre, et nous avons vu qu’elle connaît le prix de sa liberté.

1012. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Il lui avait rendu des hommages décents, et même, par endroits, chaleureux. […] Rien ne rend méchant comme le malheur et l’ennui : voyez les prudes ! […] Ou les lui a-t-il rendues ? […] Edmond se rendit à Rouen pour assister aux obsèques. […] L’immensité du territoire russe rendait cette contrainte inefficace.

1013. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Son horreur du « moi » ne va donc qu’à rendre son moi plus imposant. […] Mais qu’est-ce donc qui l’avait rendue malade ? […] Rends-moi mon mari ! […] Vulcain, c’est le Travail humain épousant l’Idéal qui le sollicite et le rend fécond. […] Donc, Pelléas va partir, et il donne à Mélisande un dernier rendez-vous à la fontaine.

1014. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Mais, si parfaitement rendus que soient les espions auxquels nous avons à faire ici, ils ne tiennent pas lieu de tout ce qui manque au livre. […] Aujourd’hui c’est La Fontaine qui est mis à contribution et rendu trait pour trait. […] Nous avons rendu fidèlement l’impression produite sur nous par les poésies de M.  […] En le créant, le poète a fait un personnage hors de la nature, et il n’a pas réussi à le rendre acceptable, en dépit de cette toute-puissante volonté. […] Il ne trouve pas d’image qui en rende mieux l’idée qu’un caniche échappé des mains du tondeur avant la fin de sa toilette.

1015. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Les deux inséparables, Oreste et Pylade (comme on les appela depuis), se rendirent d’abord à Bâle, et de là en Souabe, à Tubingen, à Weimar. […] « Je désapprouve entièrement cette fausse direction donnée à la censure : c’est par là se rendre responsable de ce qu’on imprime. […] « Schlegel m’est rendu. […] Un service public à rendre à ses compatriotes lyonnais, un legs considérable à recueillir au profit des hôpitaux, l’obligea vers ce temps d’aller à Londres. […] Rendons-lui le plein et entier hommage qui lui est dû.

1016. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Mais la pièce marche, impossible de causer, on prend rendez-vous dans un cabinet particulier. […] Les rendez-vous d’Auteuil ressemblaient pour elle à des douches d’hiver. […] Jusqu’en ces derniers temps, c’était leur principal lieu de rendez-vous. […] — Vous m’aviez rendu ridicule, me dit-il sévèrement, nous voilà quittes ! […] Il a en lui tout ce qu’il faut pour se rendre utile partout et dans toutes les positions.

1017. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Il y rend des oracles. […] Cette difficulté de s’exprimer le rendait timide et l’empêchait de parler en public. […] C’est la haine du pédantisme qui a rendu Mazel folâtre  : « Que voulez-vous ? […] Il se rendait à une cérémonie de la Sorbonne ! […] J’ai trois rendez-vous pour ce soir.

1018. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Hérodote étoit d’Halicarnasse ; il voyagea pour s’instruire, & à son retour, il rendit des services importans à sa patrie. […] Il faut les mener à la vertu avec plus d’adresse ; & ils n’aiment guéres les livres qui les ennuyent pour les rendre sages. […] Un des plus grands défauts qu’on lui ait reproché, est d’avoir latinisé les noms propres d’une maniere qui les rend quelquefois inintelligibles. […] L’auteur étoit un apostat qui avoit quitté la France, & il ne perd aucune occasion de rendre sa patrie & sa religion odieuses. […] Lenglet, le rend énergique & concis.

1019. (1881) Le roman expérimental

Eh sans doute, nous y mêlerons toujours notre humanité, notre façon de rendre. […] On l’accusait de mal écrire, ce qui le rendait très malheureux. […] Émile Augier, ce qui le rend supérieur, c’est qu’il est plus humain que M.  […] Il lui faut rendre cela. […] Gianni, depuis longtemps, cherche un tour qui doit rendre leur nom célèbre.

1020. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVI » pp. 301-305

Sainte-Beuve et y règne comme une veine continue, en même temps que les qualités morales et affectueuses du poëte y sont rendues avec relief, avec émotion. […] Villemain, enfin rendu aux Lettres et applaudi par trois fois à son entrée, siégeait à côté de M.

1021. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Note. »

. — Mme Récamier se met en tête de me rendre amoureux d’elle. […] Rendez-vous qu’elle me donne, sous prétexte d’une affaire relative à Murat, 31 août.

1022. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XX » pp. 215-219

Le duc de Saint-Simon, dans une de ses notes sur les mémoires de Dangeau, sous la date du 10 mai 1690, reproche à madame de Montausier d’avoir accepté la place de dame d’honneur de la reine, dont la duchesse de Navailles avait été dépouillée pour avoir, dit Saint-Simon, fait murer une porte secrète par où le roi se rendait de nuit dans la chambre des filles de la reine. « On eut lieu, dit Saint-Simon, d’être surpris de ce qu’un élève de l’hôtel de Rambouillet, et pour ainsi dire l’hôtel de Rambouillet en personne, et la femme de l’austère Montausier, succédât à madame de Navailles si glorieusement chassée. » Le reproche d’avoir succédé à madame de Navailles, si glorieusement chassée pour avoir fermé au roi la porte des visites nocturnes, est absolument dénué de fondement, cette clôture, vraie ou supposée, n’a point été la cause de la disgrâce de madame de Navailles : ce fut l’imputation d’un fait qui, par sa gravité, était de nature à motiver la disgrâce et non à la rendre glorieuse.

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