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1004. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

La république développant nécessairement des passions plus fortes, l’art de peindre doit s’accroître en même temps que les sujets s’agrandissent ; mais par un bizarre contraste, c’est surtout dans le genre licencieux et frivole qu’on a voulu profiter de la liberté que l’on croyait avoir acquise en littérature. […] Ce tribunal exercerait aussi son influence sur la littérature ; les écrivains sauraient ou retrouver un goût, un esprit national, et pourraient travailler à le peindre et à l’agrandir.

1005. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Buffon parcourt du regard de l’esprit les quatre parties du monde ; il en divise les populations en quatre races principales, dont il peint les traits caractéristiques, notant les dégradations et les nuances par où elles se touchent, et, dans certaines populations de transition, se mêlent et se confondent. […] La terre n’est pas seulement un fond de mer ; il y voit la double action de l’eau et du feu ; il y voit, c’est le mot ; à la façon dont Buffon peint ce que d’autres ont découvert, il a l’air de le découvrir.

1006. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

L’homme qui a pu répéter avec une conviction dolente un tel rabâchage de disciple, d’enfant et de faible, était vraiment fait pour nous peindre, en se regardant, une de ces méprisables âmes à la suite. […] Et « les cartes de tarot » et « la princesse peinte par Pisanello » et « le piédestal d’argent du haut crucifix de Verrocchio » et, en un mot, « tous les objets du musée, alors comme aujourd’hui, entouraient leur maître ».

1007. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Quand vous avez à parler d’un auteur, commencez par le lire vous-même attentivement, notez les endroits caractéristiques, prenez bien vos points, et venez ensuite lire et dérouler des pages habilement rapprochées de cet auteur, qui va ainsi, moyennant une très légère intervention de votre part, se traduire et se peindre lui-même dans l’esprit de vos auditeurs. […] Une parfaite bienséance règne dans la salle avant l’arrivée du lecteur : dès qu’il est arrivé, le plus profond silence s’établit, et les moindres impressions se peignent, soit par un silence encore plus attentif, soit par un frémissement très sensible, comme dans les auditoires les plus exercés.

1008. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Dans une épître à son ami La Fare, où il se peint au naturel avec ses qualités et ses défauts, Chaulieu se montre positif pourtant par un coin essentiel : Noyé dans les plaisirs, mais capable d’affaires, dit-il. […] Il peint avec énergie la jeunesse du Grand Siècle, celle qui ne sait plus plaisanter avec esprit, qui joue tout le jour avec fureur et qui s’enivre ouvertement ; il indique et assigne en moraliste et en politique les causes de ce changement général à la Cour.

1009. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Elle a la meilleure grâce et la plus belle taille que j’aie jamais vue, habillée à peindre et coiffée de même ; des yeux très vifs et très beaux, des paupières noires et admirables, le teint fort uni, blanc et rouge, comme on peut le désirer ; les plus beaux cheveux blonds que l’on puisse voir, et en grande quantité. […] On avait fait peindre la duchesse de Bourgogne en habit de dame de Saint-Cyr.

1010. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

C’étaient les deux comtes de Stolberg, nourris de la fleur grecque et de l’esprit chrétien, philosophes et littérateurs éminents ; Jacobi, philosophe aimable, d’un sentiment délicat et pur ; d’autres encore moins connus ici, enfin une société douce mais grave : « Nous avons rencontré, écrivait-il à Mallet du Pan en avril 1798, de l’instruction et des vertus. » Dans une autre lettre à ce même ami alors réfugié à Londres, il a peint lui-même l’état calme et reposé de son âme en ces années d’attente, de conversation nourrie et de réflexion communicative : Il n’y a rien de nouveau en France, lui écrivait-il (24 juin 1798.) […] Ces simples paroles qu’il a replacées depuis dans un discours public, mais dont on a ici la clef, nous rendent au vrai la définition des deux natures, et Portalis, sans y viser, s’y peignait fidèlement dans les derniers mots aussi bien que dans les suivants : La sagesse est l’heureux résultat de nos lumières naturelles et des leçons que nous recevons de l’expérience.

1011. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Dans le premier sujet, plein d’actions coupées et de guerres, il a trouvé des caractères comme il les aime, il a exhumé et peint quelques-uns des défenseurs énergiques des nationalités italiennes : dans le second sujet, où il fallait entrer dans le Sénat et descendre dans le Forum, il a rencontré, en première ligne, le personnage de Cicéron, et c’est ici que, repoussé par le dégoût des lieux communs, il n’a pas rendu assez de justice à cet homme dont on a dit magnifiquement qu’il était le « seul génie que le peuple romain ait eu d’égal à son empire ». […] Pour peindre la douceur de l’habitude, par exemple, M. de Musset dira : Les amants qui ne se voient qu’à de longs intervalles ne sont jamais sûrs de s’entendre ; ils se préparent à être heureux, ils veulent se convaincre mutuellement qu’ils le sont, et ils cherchent ce qui est introuvable, c’est-à-dire des mots pour exprimer ce qu’ils sentent.

1012. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Cette anecdote nous peint assez bien, d’une part, les sentiments naturels de La Fontaine, et de l’autre, sa facilité dans la discussion ; quand il avait exprimé en poésie ce qu’il pensait, ce qu’il avait de plus cher, il se souciait assez peu de le maintenir en prose devant les gens qui voulaient le contredire. […] Évidemment, La Fontaine ne se met à conter et à peindre que quand il a vu.

1013. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Enfin, quand il peint la manière de travailler des hommes de génie, il ne les voit que sur le trépied : tout est pour lui élan, transport, effusion, intuitions prophétiques. […] Quant aux bizarreries réelles des hommes supérieurs, il faut d’abord s’assurer si elles sont spontanées et naturelles, ou si elles ne sont pas reflet d’une sorte de charlatanisme très-ordinaire chez les grands hommes : « Girodet, dit-on, se levait au milieu de la nuit, faisait allumer des lustres dans son atelier, plaçait sur sa tête un énorme chapeau couvert de bougies, et dans ce costume il peignait des heures entières. » J’ai peine à croire que ce soit là autre chose qu’une plaisanterie : en tout cas, c’est une bizarrerie tellement arrangée et si peu naturelle que je n’y puis voir qu’une mystification du bourgeois.

1014. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Et Chasles se rajeunissait, s’arrangeait, s’adonisait, se peignait, comme Roqueplan, un beau sarcastique de son temps, que sa nièce, digne d’un tel oncle, par piété pour ses élégances défuntes, qu’elle aurait voulues immortelles ! […] Sainte-Beuve, avec la demi-lune rousse de sa tête, pelée comme le derrière d’un renard attaqué d’alopécie, son teint hortensia, son oreille rouge comme celle de Tartuffe et prête à chaque instant à monter au violet de la colère, le tout recouvert du vieux foulard qu’il étendait là-dessus quand il rentrait, échauffé, de l’Académie, et le beau Scaramouche de Chasles, à la face pâle, aux yeux italiens, aux moustaches callotiques, longues, peintes, relevées, qui ne devinrent que le plus tard possible la barbe blanche sans transition de gris qui apparut soudainement, comme celle d’un alchimiste, un jour, à son cours, et fut pour les femmes qui y venaient le coup de pistolet de la surprise.

1015. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Michelet est souvent bien chatoyant et bien éblouissant par la couleur, et c’est même son plus grand mérite, mais quand il peindrait le poisson comme Rubens dans sa Pêche miraculeuse, je ne puis croire qu’il raccommodât l’imagination avec le sujet qu’il a pris. […] Il y tombe jusqu’aux onomatopées, pour y peindre ou y faire entendre ce qu’il veut exprimer.

1016. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

L’ode chante l’éternité, l’épopée solennise l’histoire, le drame peint la vie… L’ode vit de l’idéal, l’épopée du grandiose, le drame du réel. […] La société, en effet, commence par chanter ce qu’elle rêve, puis raconte ce qu’elle fait, et enfin se met à peindre ce qu’elle pense… Une observation importante : nous n’avons aucunement prétendu assigner aux trois époques de la poésie un domaine exclusif, mais seulement fixer leur caractère dominant.

1017. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Madame de Sévigné, dans ses lettres, s’égaye souvent à ses dépens, et fait plus d’une fois allusion à une réponse dans laquelle il s’est peint tout entier. […] On aurait eu bien de la peine à le peindre dans les convulsions que la gloire lui causait : les transports de la joie qu’il ressentait faisaient trop souvent changer son visage. […] » Le trait peint son cœur, l’exclamation son génie. […] Cet écrit portait le nom, véritable ou supposé, d’un sieur de Rochemont, qui appelait sur Molière et le glaive de la justice temporelle et la foudre de la justice spirituelle, comme sur un athée, un monstre qui s’était peint, mais avec des traits adoucis, dans le principal rôle de sa pièce. […] C’est peut-être ici l’occasion de peindre les rapports de Molière avec les hommes qu’il jugeait dignes de son amitié.

1018. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

L’auteur, pour peu qu’il s’apaise un jour et qu’il rencontre les conditions d’existence et de développement dont il est digne, me paraît des plus capables de cultiver avec succès la poésie domestique et de peindre avec une douce émotion les scènes de la vie intime : car si Mme Blanchecotte (ce qui est, je crois, son nom) a de la Sapho par quelques-uns de ses cris, elle aurait encore plus volontiers dans sa richesse d’affections quelque chose de mistriss Felicia Hemans, et tout annonce chez elle l’abondance des sentiments naturels qui ne demandent qu’à s’épancher avec suite et mélodie.

1019. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

Après tout ce qui a été écrit et peint ou colorié sur ces sujets, il n’y a plus qu’une grande exactitude et une scrupuleuse recherche du vrai qui puisse attacher encore.

1020. (1874) Premiers lundis. Tome I « Dumouriez et la Révolution française, par M. Ledieu. »

On le peignit, dans les gazettes, comme un conspirateur.

1021. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Il y a peint aussi en traits fidèles et ineffaçables des mœurs inconnues à l’Europe, et que l’Amérique elle-même voit fuir et disparaître chaque jour.

1022. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

Un Espagnol, Tirso de Molina, veut peindre l’égarement du libertin qui se damne en comptant trop sur les délais de la justice divine : il crée d’après une vieille légende le type de don Juan, qui donne le jour présent au plaisir, pensant toujours avoir plus tard le temps de se repentir.

1023. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

On essaie le corps, il est à peindre ; le roi arrive.

1024. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

Exprimer l’humanité dans une espèce d’œuvre cyclique ; la peindre successivement et simultanément sous tous ses aspects, histoire, fable, philosophie, religion, science, lesquels se résument en un seul et immense mouvement d’ascension vers la lumière ; faire apparaître, dans une sorte de miroir sombre et clair ― que l’interruption naturelle des travaux terrestres brisera probablement avant qu’il ait la dimension rêvée par l’auteur ― cette grande figure une et multiple, lugubre et rayonnante, fatale et sacrée, l’Homme ; voilà de quelle pensée, de quelle ambition, si l’on veut, est sortie la Légende des Siècles.

1025. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

On le peint encore né fier, moqueur & dédaigneux.

1026. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 34, du motif qui fait lire les poësies : que l’on ne cherche pas l’instruction comme dans d’autres livres » pp. 288-295

Je veux dire qu’elles surprennent et qu’elles ébloüissent l’imagination, mais qu’elles n’y peignent pas distinctement des images propres à nous interesser.

1027. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 4, objection contre la proposition précedente, et réponse à l’objection » pp. 35-43

Les génies qui demeurent ensevelis toute leur vie, je l’ai déja dit, sont des génies foibles ; ce sont de ces hommes qui n’auroient jamais songé à peindre ni à composer, si l’on ne leur avoit pas dit de travailler ; de ces hommes qui ne chercheroient jamais l’art d’eux-mêmes, mais ausquels il faut l’indiquer.

1028. (1911) Études pp. 9-261

On sent qu’elles ont été peintes dans une bondissante immobilité et d’une âme que l’excès de son transport rendait timide. […] Matisse peint à part des choses ; non pas sans les regarder, mais en se retirant d’elles à quelques pas. […] Je le vois tel qu’il s’est peint. […] Cependant il semble qu’à peindre ces confusions Ravel ne réussisse si bien que parce qu’il y utilise un défaut. […] Il entreprend d’animer des êtres différents de lui, de les peindre hors de lui avec leurs passions et leur cœur séparés.

1029. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Impossible de mieux peindre rien qu’avec des mots. […] Il faut ajouter que, malgré l’intérêt réel qu’a su lui donner le romancier, c’est surtout par une suite de tableaux peints d’après nature que vaut l’ouvrage. […] Je ne puis insister davantage sur ces pages si intéressantes, sur ces tableaux peints avec une grande intensité de coloris. […] Il m’a fait venir et m’a dit : « Tu vas peindre ces poteaux en vert !  […] C’est ainsi que le peintre cherche à écrire avec son pinceau, l’écrivain à peindre avec sa plume, et le compositeur, pour ne pas rester en arrière, à écrire et à peindre à la fois.

1030. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Chacun tient aujourd’hui toute prête une théorie à l’appui de sa façon d’écrire et de peindre l’univers. […] C’est pour peindre M.  […] Ne lui parlez pas de peindre ce qui passe, ces changements extérieurs, cette incessante mobilité d’aspect de l’immuable humanité. […] Plusieurs s’imagineraient que je veux dire par là qu’il faut y peindre les mœurs antiques. […] Veut-il peindre la solitude de l’âme privée de sa croyance en un Dieu consolateur ?

1031. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

Il voulait, de plus, mettre cette passion en contraste et aux prises, à la fin, avec le calme de la religion, — de la religion qui, telle qu’il fallait peindre, devenait une nouveauté aussi, une résurrection et comme une découverte.

1032. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

Mais ils n’ont pas peint leur souffrance en traits impérissables : c’est la faute de leur esprit et non pas de leur cœur.

1033. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Un grand voyageur de commerce »

Par exemple, il vient de nous peindre des peuplades qui ont des « physionomies répulsives et dégradées à l’excès ».

1034. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

Tandis que la tradition burlesque régnait presque souverainement sur la scène italienne, et que les types, inventés une fois pour toutes, y reproduisaient chaque ridicule dans son expression générale, nos bouffons ne perdaient pas l’habitude de regarder autour d’eux, de peindre sur le vif un caractère particulier, de saisir l’actualité au passage, d’exercer enfin l’esprit observateur et satirique propre à la nation.

1035. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

On les voit sur des vases peints, flagellant Sysiphe, enchaînant Thésée, et tournant la roue flamboyante sur laquelle Ixion est écartelé.

1036. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

Peut-on peindre mieux l’effet de la prévention ?

1037. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

Ces expressions : Non vultus, non color unus, peignent excellemment le trouble de la prophétesse.

1038. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

Et ce travail, que nous avons vu se poursuivre, ce travail critique de la libre pensée appliqué à l’histoire, a tellement mordu sur nous tous, esprits contemporains, que nous ne lisons plus aujourd’hui nos anciens historiographes déconsidérés et que nous ignorons profondément les mérites de ces hommes, à qui nous serons obligés d’aller redemander quelque jour la vraie trame de l’histoire, disparue sous les festons dont on l’a brodée et les couleurs menteuses dont on l’a peinte.

1039. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Une imagination qui a quelquefois l’éclat de celle d’Homère, des expressions de génie, de la force quand il peint, de la précision toutes les fois qu’il est sans images ; assez d’étendue dans ses tableaux, et surtout la plus grande richesse dans ses couleurs ; voilà ses beautés.

1040. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Si l’homme avait jamais été tel que le peint Rousseau à l’origine, il fut demeuré éternellement stupide. […] Nous avons essayé de le peindre. […] Il y a quelque chose d’écœurant, à peindre la passion satisfaite comme une plénitude de délices. […] Ils ne les peignent que contrariées ; elles ne sont belles qu’ainsi. […] Mais ce qu’elle a peint se situe de soi-même dans ce monde-là.

1041. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Si sa réputation était grande, ses œuvres lui rapportaient très peu et la caisse d’Elise s’épuisait toujours très vite ; et Elise, pour achever de les peindre, allait être mère. […] La petite pie-grièche est joliment peinte et le grand seigneur dilettante n’est point si mal campé sur ses talons rouges. […] Donc, si vous peignez une époque ordinaire, le personnage principal sera mené, pressé, roulé par cette époque, même si vous voulez le peindre au vrai ; il sera passif. […] Il semble pourtant qu’on est réaliste quand on peint le réel et quand on excelle à le peindre et quand on a la passion, ce n’est pas trop dire, de le peindre exactement et profondément. […] Il a peint monstres et héros pêle-mêle, comme tout tragique et avec une passion de réalité, même horrible, plus grande que beaucoup d’autres.

1042. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Je peins des rochers avec ma plume, dit l’un ; moi, des clochers ; moi, des corps d’animaux ; moi, des corps humains, disent d’autres. […] C’est peindre les hommes en tant que passifs, ce qu’ils sont en partie, en tant que choses, ce qu’ils ne laissent pas d’être. […] Et il pourra m’arriver, parce que je suis très entêté de vérité, de peindre un honnête homme un peu ridicule (Alceste). […] Elle doit lui rendre cet hommage de ne peindre comme ridicules que des hommes bas. […] Mais dès que l’on vous représente, vous, on vous peint par les côtés par où vous ressemblez à la nature et alors, encore, on peut n’avoir pas souci de moralité ; ou l’on vous peint en s’appliquant à ce qui vous distingue de la nature et alors, en ne cherchant que le beau, on trouve le bien et on ne peut pas ne pas le trouver.

1043. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Les plus piquantes pages du livre de M. de Lescure sont consacrées à peindre, d’après les témoignages contemporains, la scène et les acteurs qui furent l’objet de cette observation. […] Il y a ainsi dans une des salles du Palais-Rouge, à Gênes, une toile peinte par Van Dyck, et qui représente une marquise Paola Brignole Sale, devant laquelle il semble impossible que le visiteur n’éprouve pas cette sorte d’ensorcellement. […] Bardoux cite, comme pour son propre compte, ce mot d’un ami, le sensitif Joubert : « On n’aime pas impunément ces êtres fragiles qui semblent n’être retenus à la terre que par quelques liens prêts à se rompre. » Et il se reprend à peindre ce corps, souple et trop mince, où se réunissaient l’élégance d’une Florentine de la Renaissance et les grâces d’une patricienne de Paris. […] Avec Hugo, une rhétorique nouvelle était née, toute en couleurs et en formes, et qui avait poussé jusqu’à la virtuosité le talent de peindre par les mots. […] Le romancier qui se trouve en présence de cette vaste classe peut donc se proposer un double but : ou bien il tentera de saisir et de reproduire les ressemblances du groupe entier, ou bien il sera intéressé par l’originalité de tel ou tel membre du groupe, et il s’attachera de son mieux à peindre le personnage singulier dans son relief natif ou acquis.

1044. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Déjà, dans Lady Tartufe, elle avait peint la mère avec bonheur, avec vérité. […] Ce procédé est celui de plusieurs autres grands esprits qui ont horreur du développement, et dont la manière consiste à peindre à grands traits. […] Enchaîné au présent, il a peint les choses telles qu’elles sont, et non pas telles qu’elles doivent être. […] Il avait peint la famille, le ménage, l’intérieur, par cette puissance d’intuition qui lui faisait tout reconstruire, comme Cuvier, sur un fragment observé. […] Mais il sembla se brouiller avec la nature quand il eut perdu le don de la peindre, et il railla ceux qui la savouraient trop minutieusement selon lui.

1045. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Au commencement du troisième acte, Ulysse inconnu, et qui se donne pour un simple compagnon du héros, y parle ainsi indirectement de lui-même à son fils : Il se peignait souvent ces rivages chéris, Où l’attendaient en vain Pénélope et son fils. […] Lebrun n’eut pas de peine à se faire entendre, lorsque, protestant contre toute allusion misérable, il se retrancha dans la vérité de l’histoire et des mœurs qu’il voulait peindre. […] Lebrun le Parnasse, la Vallée d’Olympie, pièces faites sur les lieux mêmes ; le Vin d’Ithaque, le Ciel d’Athènes, pièces inspirées par le vif souvenir : je recommande surtout sa belle et digne poésie du Ciel d’Athènes : la sérénité qu’elle veut peindre s’y réfléchit.

1046. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Enfin, dans le brillant concours de nos conteurs ou dialoguistes mondains, dans cette lutte à qui nous offrira, sous prétexte de morale ou même sans prétexte, les plus surprenants tableaux de mauvaises mœurs dites élégantes, je crois démêler, chez Henri Lavedan, une peur d’être dépassé, une ardeur de frapper plus fort que les autres et de peindre plus cru, une excitation et comme une ébriété de pinceau. […] Il aime, il peint avec une émotion vraie et un charme rare les vieux prêtres, les « bonnes dames », les vieilles demoiselles pieuses, les jeunes filles innocentes, les mœurs terriennes, les antiques foyers, les vies modestes, dévouées, secrètement héroïques… Parce que le père Labosse, au milieu de ses gambades, n’a point cessé d’être « bien pensant », qu’il a gardé le respect des choses essentielles et que, docile au fond et enfantin, il n’a jamais commis « le péché de l’esprit », Henri Lavedan, bon psychologue en même temps que bon interprète de la miséricorde divine, accorde à ce polichinelle une mort comiquement orthodoxe et touchante… Sur quoi, je me pose cette question : — Tandis qu’il absolvait son vieux marcheur, qui sait s’il n’y avait pas, chez Lavedan, cette arrière pensée que Dieu lui appliquerait à lui-même, pour des péchés plus fins, le bénéfice de bons sentiments plus réfléchis, mais analogues ? […] C’est pour nous peindre une après-dînée, à Biarritz, dans la villa impériale.

1047. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

La jalousie des privilèges aristocratiques, l’orgueil du sénat, sont bien peints dans Valérius, et la femme de Servilius, Valérie, intéresse par ses combats entre sa tendresse pour son mari et son devoir envers son père. […] « Une des premières règles, dit Voltaire, est de peindre les héros connus tels qu’ils sont ou plutôt tels que le public les imagine47. » C’est en vertu de cette règle que nous refusons de reconnaître Mahomet, Cicéron, César, aux portraits défigurés que Voltaire en a tracés. […] Il avait l’imagination qui peint non celle qui crée ; il avait la sensibilité des âmes affectueuses, non celle qui révèle aux maîtres du théâtre la profondeur ou la violence des passions qu’ils n’ont pas connues.

1048. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

J’en ai vu de pareilles peintes dans un tableau qui enlevaient le repas de Phinée. […] Mais le vote de Pallas, comptant double, départage les juges, Oreste est absous : la déesse avait posé cette règle avant le scrutin. — Secours compatissant que reproduit, sous une autre forme, une belle image égyptienne, peinte sur la boîte d’une momie du Louvre. […] Seulement les magistrats du théâtre les faisaient remanier au goût du jour, par des poètes en vogue : on rognait les ongles du lion et on peignait sa crinière, avant de le relancer dans l’arène.

1049. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

C’est tout à fait une jouissance de la nature que vient nous peindre La Fontaine. […] Il est revenu au naturel comme eux, et j’ai deux ou trois fois insisté là-dessus ; il a considéré l’homme, il l’a peint, il l’a décrit, avec précision, avec netteté, avec malice ; enfin, il a été comme eux, bien entendu, il a été un réaliste psychologue, un peu ; mais il a été d’un réalisme beaucoup plus large et beaucoup plus étendu. […] C’est la nature entière qu’il a voulu peindre.

1050. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Il s’est peint, au reste, au vrai et sans flatterie dans son Journal, à cet âge de vingt-cinq ans (mai 1762) : honnête de caractère, vertueux même, incapable d’une action basse, et formé peut-être pour les généreuses ; mais fier, roide, ayant à faire pour être agréable en société ; travaillant sur lui-même avec constance. […] Suard, qui aimait si peu et à voir et à faire surtout des caricatures, peignait souvent M. 

1051. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

J’ai supporté avec le courage d’un stoïcien la captivité pendant les six mois brumeux, neigeux et pluvieux, qui ont passé sur ma tête en prison : ce même courage ne m’a point abandonné, mais à mon insu, et malgré moi, ma pensée me quitte à tout moment ; et, quand je la retrouve, c’est au milieu des jardins et des campagnes dont je ne jouis pas, moi qui m’étais tant promis d’en jouir ; et, pour m’entretenir encore dans cette disposition d’âme, moitié pénible, moitié agréable, le hasard a fait que ce moment de l’année se rencontre avec la traduction de cette partie de L’Été où Thomson, avec un charme inexprimable, une mélancolie philosophique, peint les délices de la promenade… Il traduisait donc Thomson sous les verrous ; il regrettait de ne pouvoir suivre le cours de botanique et les herborisations de Desfontaines ; il donnait à sa fille, âgée de dix-huit ans, distinguée par l’esprit et le savoir, de bons conseils de tout genre. […] Il a, pour peindre les soins et les vaines agitations des hommes, des images dignes de Lucrèce, mais d’un Lucrèce chrétien : Si nous ouvrons la carte où se déploie le plan étendu du Tout Puissant, nous trouvons une toute petite île, cette vie humaine : l’espace inconnu de l’éternité l’environne et la limite de toutes parts ; la foule empressée explore et fouille chaque crique et chaque rocher du dangereux rivage, y ramasse avec soin tout ce qui lui paraît exceller aux yeux, quelques-uns de brillants cailloux, d’autres des algues et des coquillages ; ainsi chargés, ils rêvent qu’ils sont riches et grands, et le plus heureux est celui qui gémit sous sa charge.

1052. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Un des amis de ce dernier et qui paraît avoir été un homme des plus distingués, bien qu’il n’ait guère laissé de souvenir, le marquis de Saint-Georges, un sage, un homme de goût, un philosophe pratique comme il y en avait alors à Paris, comme il y en a peut-être encore, qui lisait ces lettres de Vauvenargues et les prisait infiniment, y trouvait, disait-il, de l’esprit partout, mais des endroits faux, trop de métaphysique, et ajoutait : « Il parle par théorie, on le voit. » C’est possible ; mais les lettres sont vraies pour nous en ce qu’elles nous peignent celui même qui les écrit, et c’est ce caractère surtout qui nous est intéressant aujourd’hui à connaître. […] Il y arrive, à l’éloquence, dans sa lettre du 22 mars 1740, non sans avoir passé par quelques lenteurs ; car il résume assez longuement les espèces de conférences morales qu’il tient avec le chevalier : ces conversations pour former un parfait honnête homme sont un peu sermon pour nous, comme elles l’étaient probablement pour son impatient élève ; puis tout à coup, à propos des lectures qu’il lui voudrait voir faire, entre autres celle des Vies de Plutarque, il s’enflamme et se laisse emporter : C’est une lecture touchante, j’en étais fou à son âge ; le génie et la vertu ne sont nulle part mieux peints ; l’on y peut prendre une teinture de l’histoire de la Grèce, et même de celle de Rome.

1053. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Flousset aurait beaucoup le talent d’écrire et de peindre, d’être éloquent, comme on dit, dans le cas où il marcherait tout seul et où il aurait à composer, pour son compte, quelque morceau de sa propre étoffe ; mais aujourd’hui il ne nous donne pas le temps d’y songer : dans ce long travail d’analyse, d’extrait, de résumé et d’assemblage, il a fait preuve partout d’un excellent jugement, d’un goût sobre, d’un choix sévère, d’une fermeté de pensée et d’expression qui inspire toute confiance. […] Ils échangent leurs cadeaux d’amitié : Vauban aura le portrait de Louvois, peint par Mignard ; Louvois recevra de Vauban « un Plan de Lille bien rectifié, avec la description de tout son paysage à la portée du canon à la ronde, où toutes choses, jusqu’au moindre fossé, sont mises dans leur place juste, et où il ne manque pas la moindre chose du monde » ; présent sévère et de main de maître aussi.

1054. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Gautier a appliqué ici aux tableaux peints le même procédé qu’il a suivi à l’égard des tableaux naturels et des climats : la soumission absolue à l’objet. […] Il peut arriver en certains cas que l’habitude de peindre donne le change non-seulement à la critique, mais encore au sujet.

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