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686. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Thiers d’avoir présenté les choses dans une liaison si parfaite, dans un ordre de génération en apparence si fatal et inévitable, c’est lui reprocher d’avoir éclairci ce qui était obscur, démêlé ce qui était confus, d’avoir en un mot dissipé l’anarchie prétendue de son sujet, qui n’était que celle de nos souvenirs.

687. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Réception à l’Académie Française »

Voix sonore et retentissante, timbre éclatant et pur, geste simple ; puis une parole facile, abondante, harmonieuse ; une manière de style étrangère à toute affectation, à toute enflure ; un laisser-aller plein de ressources ; un art heureux de diriger, de détourner sa pensée, de la lancer chemin faisant dans les questions, et de l’arrêter toujours à propos ; un penchant à s’étendre sur les moralités consolantes quand il y a jour, et, sitôt qu’on arrive aux hommes, un parfait mélange de discrétion et de loyauté, voilà ce qui nous a surtout frappé dans l’éloquent discours de M. de Lamartine.

688. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Chez tous nos grands écrivains, dans leurs œuvres les plus parfaites, les figures ont bien ce caractère.

689. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Les Nouvelles de Prosper Mérimée sont toujours bonnes à lire, puisqu’elles sont parfaites, mais, à vingt ans, elles paraissent un peu sèches.

690. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

Tous les travaux des champs y seront décrits, et le Manuel du parfait laboureur y passera tout entier.

691. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Remy de Gourmont Ce poème de vingt-huit feuillets (Domaine de fée) est sans doute le plus délicieux livret de vers d’amour qui nous fut donné depuis les Fêtes galantes et, avec les Chansons d’amant, les seuls vers peut-être de ces dernières années où le sentiment ose s’avouer en toute candeur, avec, la grâce parfaite et touchante de la divine sincérité.

692. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Chacun de ses vers, dans son intention, devait être à la fois une image plastique, l’expression d’une pensée, l’énoncé d’un sentiment et un symbole philosophique ; il devait encore être une mélodie et aussi un fragment de la mélodie totale du poème ; soumis avec cela aux règles de la prosodie la plus stricte, de manière à former un parfait ensemble, et comme la transfiguration artistique d’un état d’âme complet.

693. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

Mais le goût du parfait et du rare ne doit pas rétrécir notre compréhension.

694. (1890) L’avenir de la science « XIV »

La science n’existant qu’à la condition de la plus parfaite liberté, le patronage que lui doit l’État ne confère à l’État aucun droit de la contrôler ou de la réglementer, pas plus que la subvention accordée aux cultes ne donne droit à l’État de faire des articles de foi.

695. (1890) L’avenir de la science « XX »

De là la plus parfaite spontanéité dans le développement des caractères.

696. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VIII »

Que de mots, que de locutions d’une pureté de son admirable : étrace, étambot, misaine, hauban, bouline, hune, beaupré, artimon, amarres, amures, laisser en pantenne, haler en douceur ; voici deux lignes de vraie langue marine83 : « On cargue la brigantine, on assure les écoutes de gui ; une caliourne venant du capelage d’artimon est frappée sur une herse en filin… » Très peu de mots marins appartiennent au français d’origine ; ils ont été empruntés aux langues germaniques et scandinaves, au provençal, à l’italien ; mais leur naturalisation est parfaite, et presque tous peuvent servir de modèle pour le traitement auquel une langue jalouse de son intégrité doit soumettre les mots étrangers.

697. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

« L’amour de Dieu est généreux, il pousse les âmes à de grandes actions, et les excite à désirer ce qu’il y a de plus parfait.

698. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Il y avait un homme qui, à douze ans, avec des barres et des ronds, avait créé les mathématiques ; qui, à seize, avait fait le plus savant traité des coniques qu’on eût vu depuis l’antiquité ; qui, à dix-neuf, réduisit en machine une science qui existe tout entière dans l’entendement ; qui, à vingt-trois, démontra les phénomènes de la pesanteur de l’air, et détruisit une des grandes erreurs de l’ancienne physique ; qui, à cet âge où les autres hommes commencent à peine de naître, ayant achevé de parcourir le cercle des sciences humaines, s’aperçut de leur néant, et tourna ses pensées vers la religion ; qui, depuis ce moment jusqu’à sa mort, arrivée dans sa trente-neuvième année, toujours infirme et souffrant, fixa la langue que parlèrent Bossuet et Racine, donna le modèle de la plus parfaite plaisanterie, comme du raisonnement le plus fort ; enfin qui, dans les courts intervalles de ses maux, résolut, par abstraction, un des plus hauts problèmes de géométrie, et jeta sur le papier des pensées qui tiennent autant du Dieu que de l’homme : cet effrayant génie se nommait Blaise Pascal.

699. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

Ses ouvrages auraient pris cette teinte morale, sans laquelle rien n’est parfait ; on y trouverait aussi ces souvenirs du vieux temps, dont l’absence y forme un si grand vide.

700. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

Il faut avouer que tout cela est d’une convenance parfaite avec la scène qui se passe, et avec le lieu et les personnages.

701. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Il y a là de quoi désespérer tous les grands artistes et leur inspirer le plus parfait mépris pour le jugement du public.

702. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Accepter les lois de la nature, c’est parfait.

703. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

De là devrait résulter cette conséquence que notre intelligence, au sens étroit du mot, est destinée à assurer l’insertion parfaite de notre corps dans son milieu, à se représenter les rapports des choses extérieures entre elles, enfin à penser la matière.

704. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Lord Chesterfield écrivait, en janvier 1750, à son fils, qu’il voulait former au parfait bon ton, et dont l’étoffe était si rebelle : Lorsque vous voyez qu’un homme est universellement reconnu pour agréable, bien élevé, aimable, en un mot pour un parfait gentilhomme, tel, par exemple, que le duc de Nivernais, examinez-le, suivez-le avec soin, remarquez de quel air il s’adresse à ses supérieurs, sur quel ton il est avec ses égaux et comment il traite ses inférieurs. […] Le billet est trop joli pour ne pas être cité : 29 pluviôse an vi. — Ménagez-vous, je vous en conjure, mon cher voisin, et faites trêve au travail jusqu’à votre parfait rétablissement.

705. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Cette raison grave, cette conscience parfaite, ne traçait autour d’elle aucun cercle factice pour s’y enfermer. […] L’application des principes varie si souvent, les règles sont sujettes à tant d’exceptions, qu’un traité de ce genre ne saurait être trop court, parce qu’on ne peut le faire assez long ni le composer d’idées assez générales pour qu’il soit susceptible de s’adapter à toutes les conditions particulières. » Sous forme de lettres d’une belle-mère à son gendre (thermidor an XIII), elle avait parlé du plus ou moins de convenance de l’éducation publique pour les femmes, et s’était prononcée contre, avec un sens parfait, mais avec beaucoup de gaieté aussi ou plutôt de piquant, et de son ton le plus dégagé d’alors. […] Mme Guizot aimait à raconter que quand, jeune fille, elle essaya ce premier roman, elle s’étudia, pour qu’il réussît, à imiter certains traits de l’esprit du temps, quelques-uns même dont son innocence parfaite soupçonnait au plus la valeur.

706. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

XVII Ce besoin divin de la souveraineté administrée par des gouvernements plus ou moins parfaits, est le travail le plus persévérant de l’humanité, ce qu’on appelle la civilisation, ou le perfectionnement des conditions sociales, le progrès ; travail pénible, lent, quelquefois heureux, souvent déçu, plein d’illusions, d’utopies, de déceptions, de révolutions ou de contre-révolutions, selon que les peuples et leurs législateurs s’éloignent ou se rapprochent davantage dans leurs lois précaires des lois non écrites de la nature sociale révélées par Dieu lui-même à l’humanité. […] Les lois sont des règlements obligatoires promulgués par les gouvernements pour faire vivre les sociétés nationales en ordre plus ou moins durable, en justice plus ou moins parfaite, en moralité plus ou moins sainte entre eux. […] C’est ce qu’on a appelé avec parfaite raison l’égalité devant Dieu et devant la loi.

707. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Elle est seulement plus récente, étant un art d’émotions affinées ; et elle a produit des œuvres d’une beauté moins parfaite. […] Je n’y ai point trouvé une seule œuvre entièrement belle, capable d’être un exemple parfait à cette théorie de la peinture wagnérienne. […] Et le maître parfait de la peinture moderne, M. 

708. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Devant le Dieu parfait, que sont les qualités et les vertus de ces pauvres êtres dont il est l’inimitable idéal ? […] Nature, âme et esprit, mouvement, instinct, volonté et pensée, fatalité et providence, ne sont plus que des expressions diverses d’une même essence et d’une même loi : là encore unité parfaite dans le principe, nulle solution de continuité dans la série des formes qui le manifestent. […] C’est donc avec une parfaite vérité que le plus mystique des Évangiles a pu dire : « Je suis un avec mon Père ».

709. (1929) La société des grands esprits

Mais, loin de s’opposer, ces deux pensées s’accordent et s’enchaînent avec une logique parfaite. […] Ce n’était pas un savant sans mérite : son expédition géodésique en Laponie avait démontré que la terre n’est pas une sphère parfaite, et s’aplatit légèrement au pôle. […] S’il n’y a plus de raison universelle ni de beauté parfaite, chaque race et bientôt chaque individu se fait centre. […] » Il les considère de toute évidence comme de parfaits idiots, et il entend bien assener à Flaubert une ruade mortelle en l’assimilant à ses deux bonshommes. […] Il explique en outre, que c’est le vague et l’obscurité qui dénotent un travail insuffisant, tandis qu’on n’arrive que par une étude approfondie à la clarté parfaite.

710. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Le parfait seul est éternel. […] Racine est parfait dans son domaine, avec un horizon un peu étroit. […] « Mon corps parfait », comme elle dit avec modestie, appartiendra donc à Pâris. […] Mais je crains que Maeterlinck, assurément curieux, ne le soit pas avec un parfait désintéressement intellectuel. […] Rosny et Jules Romains, lesquels ont d’ailleurs beaucoup de talent, mais moins pur et moins parfait.

711. (1897) Aspects pp. -215

Mais je veux dire la joie parfaite que je ressentis à composer la Forêt bruissante. […] Il y flotte des souvenirs et des regrets — et pourtant c’est d’une parfaite simplicité. […] Et il possède une parfaite science du métier. […] Abadie tient dans ces strophes d’une si parfaite allure. […] Maintes phrases donnent le frisson de la beauté parfaite.

712. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Mais cette atmosphère, on doit la créer soi-même ; il est prudent de « faire bon visage aux à peu près », d’en jouir comme de bonheurs parfaits et même souvent de bâtir la maison de bonheur sans autres matériaux que des rêves. […] Peut-être même serait-il intéressant, s’il était un moins parfait disciple. […] Mais les profondes joies de la femme sont des joies de disciple : elles consistent à suivre, à obéir, à calquer, à s’efforcer d’être parfaite comme le Dieu est parfait. […] Mais elle trouve plus facile de pasticher son mari, romancier inepte qui essaye de faire du Cladel, ramasseur de bouts d’anecdotes, plat conférencier qui trouve du génie à la moindre amazone et enseigne aux dames du monde à faire des bonnets de coton avec leurs bas hors d’usage, — jadis le plus parfait imbécile du monde politique, aujourd’hui le plus parfait imbécile du journalisme. […] C’est un bon professeur ou un parfait clergyman qu’il est juste de respecter et prudent d’éviter.

713. (1900) Molière pp. -283

Et enfin l’auteur de Dom Juan converti en chrétien, et en chrétien plus parfait que Bossuet, c’est un peu fort ! […] En un mot, si ce n’est pas la pièce la plus parfaite, c’est du moins la plus grandiose de Molière. […] Dans ce point de vue élargi, je n’ai pu trouver chez lui tout parfait ; ces réserves, qu’on a taxées d’esprit chagrin à son égard, je persiste à les faire ; je les fais à l’honneur des temps plus policés, plus libres, plus humains, qui sont venus. […] Je ne le fais point plus doux qu’il n’est ; je ne revendique point pour lui le privilège du désintéressement et de l’innocence parfaite ; dans l’histoire de nos erreurs et de nos fautes, il a sa part, je ne la diminue point. […] Aussi serait-ce traiter trop légèrement une société, de lui dire : « Ton théâtre est plein de Scapin, de Géronte, de Sganarelle et de Diafoirus ; tu n’es toi-même qu’une bande de Diafoirus, de Sganarelle, de Géronte et de Scapin, qui réalisent tous également la parfaite fourberie, l’imbécillité parfaite et le parfait pédantisme. » Mais ce n’est pas toutefois lui faire tort, de juger de la délicatesse de son sentiment moral par les mœurs qu’elle supporte au théâtre.

714. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Sophocle, tout fécond qu’il semble avoir été, tout humain qu’il se montra dans l’expression harmonieuse des sentiments et des douleurs, Sophocle demeure si parfait de contours, si sacré, pour ainsi dire, de forme et d’attitude, qu’on ne peut guère le déplacer en idée de son piédestal purement grec. Les fameux comiques nous manquent, et l’on n’a que le nom de Ménandre, qui fut peut-être le plus parfait dans la famille des génies dont nous parlons ; car chez Aristophane la fantaisie merveilleuse, si athénienne, si charmante, nuit pourtant à l’universalité. […] Or, maintenant, entre ces deux points extrêmes du Malade imaginaire ou de Pourceaugnac et du Barbouillé, du Cocu imaginaire, par exemple, qu’on place successivement la charmante naïveté (expression de Boileau) de l’École des Femmes, de l’École des Maris, l’excellent et profond caractère de l’Avare, tant de personnages vrais, réels, ressemblant à beaucoup, et non copiés pourtant, mais trouvés, le sens docte, grave et mordant du Misanthrope, le Tartufe qui réunit tous les mérites par la gravité du ton encore, par l’importance du vice attaqué et le pressant des situations, les Femmes savantes enfin, le plus parfait style de comédie en vers, le troisième et dernier coup porté par Molière aux critiques de l’École des Femmes, à cette race des prudes et précieuses ; qu’on marque ces divers points, et l’on aura toute l’échelle comique imaginable. […] Pour vous répondre donc sur la connoissance parfaite que vous dites que j’ai du cœur de l’homme par les portraits que j’en expose tous les jours, je demeurerai d’accord que je me suis étudié autant que j’ai pu à connoître leur foible ; mais si ma science m’a appris qu’on pouvoit fuir le péril, mon expérience ne m’a que trop fait voir qu’il est impossible de l’éviter ; j’en juge tous les jours par moi-même. […] Mais dans le tragique aussi, sa direction, si ce n’est son exécution, était parfaite.

715. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Ainsi, ce que je propose est plutôt une vue pour rendre un dictionnaire parfaitement complet, qu’un projet dont on puisse espérer la parfaite exécution. […] Tels sont les principaux objets qui doivent entrer dans un dictionnaire de langue, lorsqu’on voudra le rendre le plus complet et le plus parfait qu’il sera possible. […] Ouvrez le traité de Cicéron intitulé Orator, et dans lequel il s’est proposé de former ou plutôt de peindre un orateur parfait ; vous verrez non seulement que la partie de l’élocution est celle à laquelle il s’attache principalement, mais que de toutes les qualités de l’élocution, l’harmonie qui résulte du choix et de l’arrangement des mots est celle dont il est le plus occupé. […] Ils appelaient eloquens celui qui joignait à la qualité de disertus la connaissance de la philosophie et des lois ; ce qui formait, selon eux, le parfait orateur. […] Je crois donc qu’on ne traduirait pas exactement ce dernier passage, en faisant dire à Marc-Antoine qu’il avait vu bien des hommes diserts, et aucun d’éloquent ; mais qu’on doit traduire, du moins en cet endroit, qu’il avait vu beaucoup d’hommes doués du talent de la parole, et aucun de l’éloquence parfaite, omninò.

716. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Molé, dont le jugement excellent en toute matière était parfait dans ces choses littéraires qui touchent à la société, me disait un jour en parlant de M. de Meilhan : « Il a bien connu les mœurs de son temps, mais il en avait les vices. » J’ajouterai qu’il n’avait pas seulement les idées de son temps, il les dépassait souvent et les bravait par sa hardiesse d’esprit ; il devançait sur bien des points celles du nôtre. […] Il faut voir comme, dans les prétendus Mémoires d’Anne de Gonzague, elle goûte l’épisode romanesque de la comtesse de Moret que M. de Meilhan avait ajouté à la seconde édition ; elle y revient sans cesse : cette vie à deux, toute d’union, d’amitié et de sacrifice, au milieu de la forêt des Ardennes, dans une profonde solitude, lui paraît réaliser l’idéal du parfait bonheur et lui arrache des larmes : « Quel dommage, s’écrie-t-elle, que ce ne soient là que des songes ! 

717. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Saint-Simon lui reproche d’y être rentré avec ses coffres pleins, et il fait en même temps un grand éloge de Marcin, « lequel fut, dit-il, parfaitement d’accord en tout avec l’électeur, et au gré des troupes et des officiers généraux, et très éloigné de brigandage. » Si Marcin eut des qualités ou même des vertus, on ne prétend pas les lui ôter ; mais de cet esprit complaisant, de ce si parfait accord avec l’électeur, ainsi que de la condescendance de M. de Tallard, il résulta en définitive le désastre du second Hochstett et la perte totale de l’armée française. […] Or cette intention, c’est avant tout que la frontière soit couverte, que, placé entre Villeroy qui commande en Flandre et Martin qui est en Alsace, Villars, qui tient le centre à Metz et à Thionville, veille de tous côtés, fortifie au besoin les autres généraux s’ils sont menacés, soit secouru d’eux s’il leur fait appel, et que ce parfait concert défensif déjoue les manœuvres combinées des adversaires.

718. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

C’est ce mérite de la particularité et d’une sincérité parfaite que j’ai trouvé dans les deux volumes que je viens de lire, et qui me les a rendus intéressants après tant d’autres qui se sont publiés et qui se publieront encore sur cette grande époque de l’Empire. […] Necker ne prévoyait point l’expédition d’Égypte ; mais il vit un jeune officier qui lui parut plus sérieux et plus réfléchi que beaucoup d’autres, et il voulut lui procurer une lecture solide, qui montrait, dans un parfait exemple, comment on peut tirer profit de ses observations en tout voyage.

719. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Il est ainsi arrivé à des jugements sur son auteur qui ne sont point d’une parfaite exactitude : il nous dira, par exemple, que ses écrits n’ont rien perdu aujourd’hui de leur fraîcheur, tandis que cette fraîcheur, ils ne l’eurent pas même en naissant. […] Cela eût été plus profitable, plus pratique, mais aussi d’une analyse plus délicate et plus difficile, que de venir nous proposer ce publiciste distingué, tout simplement comme le parfait professeur de toutes les vérités politiques, comme le promulgateur et le prophète complet des institutions futures.

720. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

C’est ce que je te recommande, moi, Priape, le gardien des ports, pour que tu ailles partout où le commerce t’appelle. » Léonidas n’eut pas seulement affaire aux pauvres gens et à ceux du commun ; nul n’a exprimé mieux que lui la délicatesse de cœur et d’esprit du parfait galant homme ; lisez plutôt cette Épitaphe d’Aristocratès, de l’homme aimable par excellence : « Ô Tombeau, de quel mortel tu couvres ici les ossements dans ta nuit ! […] Reinhold Dezeimeris. — Et puis, tout n’est point parfait du premier coup.

721. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

On remarquera cependant qu’il ne tint pas avec une égale fidélité toutes les parties de la formule proférée par le général son parrain ; et sur l’article des mœurs entre autres, le comte de Saxe ne parut jamais se douter qu’il dût y avoir un Scipion ou un chevalier Bavard dans le parfait capitaine. […] Mais il est impossible que dans les dictées d’un homme de guerre d’une vocation aussi décidée il n’y ait pas de bonnes et fines remarques de détail (comme chez Montluc en son temps), des observations pratiques utiles au métier et d’autres qui touchent au moral de l’art et qui sont supérieures : Mes Rêveries en sont semées ; Napoléon, en les lisant, y a fait les deux parts10 ; et le comte Vitzthum a raison d’y signaler, à son tour, de bonnes et même de tout à fait belles pages : ainsi l’exposé de la bataille de Pultava, ainsi un curieux récit de l’affaire de Denain au point de vue du prince Eugène11 ; ainsi des réflexions sur la défaite de Malplaquet, sur la déroute de Ramillies ; de singulières anecdotes sur des paniques d’hommes et de chevaux même après la victoire gagnée, racontées à l’auteur par Villars ; mais surtout un admirable endroit sur l’idée du parfait général d’armée que le comte de Saxe avait vu à peu près réalisé en la personne du prince Eugène.

722. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Un homme, un homme seul au xviiie siècle, nous semble recueillir en lui, amonceler dans son sein et n’exhaler qu’avec mystère tout ce qui tarissait ailleurs de pieux, de lucide et de doux, tout ce qui s’aigrissait au souffle du siècle dans de bien nobles âmes ; humilité, sincérité parfaite, goût de silence et de solitude, inextinguibles élancements de prière et de désir, encens perpétuel, harpe voilée, lampe du sanctuaire, c’était là le secret de son être, à lui ; cette nature mystique, ornée des dons les plus subtils, éveille l’idée des plus saints emblèmes. […] Lamartine a peu écrit en prose : pourtant son discours de réception à l’Académie française, sa brochure de la Politique rationnelle, un charmant morceau sur les Devoirs civils du Curé, un discours à l’Académie de Mâcon, indiquent assez son aisance parfaite en ce genre, et avec quelle simplicité de bon sens jointe à la grâce et à l’inséparable mélodie sa pensée se déroule sous une forme à la fois plus libre et plus sévère.

723. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Il en est de la poésie amoureuse comme de Vénus quand elle se montre aux yeux d’Énée, naufragé près de Carthage et à la veille de voir Didon : elle prend les traits d’une mortelle, d’une simple chasseresse ; elle ressemble à une jeune fille de Sparte, et s’exprime sans art d’abord, avec un naturel parfait. […] J’ai trouvé sur ces bords des amitiés parfaites : Mécène m’accueillit dans ses belles retraites ; Et sous les bananiers, à mes regrets si chers, La fille des Césars150 m’a récité mes vers.

724. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Le concert des deux auteurs, en un mot, avait été si parfait, que rien n’avertissait qu’il y en eût un et que toute idée d’auteur disparaissait. […] Joinville est simple, naïf, candide ; sa parole lui échappe, colorée de fraîcheur, et sent encore son enfance ; il s’étonne de tout avec une bonne foi parfaite ; les choses du monde sont nées pour lui seulement du jour où il les voit.

725. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Si le bien qu’on aimait est connu pour faux, ou si on reçoit la notion d’un bien supérieur, l’âme déplacera son amour du moins parfait au plus parfait.

726. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Mais est-ce ma faute si le plus aristocratique des romanciers est aussi un peintre de femmes des plus audacieux, je dirais presque des plus brutaux, en dépit de la parfaite politesse et des grâces de sa forme ? […] Je persiste à préférer ses premiers romans, que je trouve plus harmonieux et plus parfaits dans leur genre ; mais quelles combinaisons surprenantes dans les derniers !

727. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Il est la plus parfaite, et la plus complète figuration de l’Idée. […] Ne vous méprenez pas, et ne pensez pas que je veuille dire que tout soit parfait dans le Symbolisme.

728. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

. — Quand on regarde de haut l’histoire religieuse de la France, on s’aperçoit bien vite de deux grands faits qui s’en dégagent : l’un, c’est que du moyen âge à nos jours l’Église catholique perd peu à peu sa puissance, ses privilèges, son autorité sur les esprits ; l’autre, c’est qu’elle passe par des alternatives de grandeur et de décadence qui se succèdent avec une parfaite régularité. […] Le quiétisme consiste à s’anéantir en Dieu, à chercher le parfait repos dans l’extase, à s’enivrer, pour ainsi dire, de la contemplation des mystères, à endormir la volonté dans ce qu’il appelle le pur amour.

729. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Mademoiselle imagine donc, en une prairie, près d’une forêt, en vue de la mer, une société des deux sexes, toute composée de gens aimables et parfaits, délicats et simples, qui gardent les moutons les jours de soleil et pour leur plaisir, qui se visitent le reste du temps d’un ermitage à l’autre, en chaise, en calèche, en carrosse ; qui jouent du luth et du clavecin, lisent les vers et les ouvrages nouveaux ; qui unissent les avantages de la vie civilisée et les facilités de la vie champêtre, sans oublier les vertus de la vie chrétienne ; qui, tous célibataires ou veufs, polis sans galanterie ou du moins sans amour, vivent honnêtement entre eux, et n’ont nul besoin de recourir au remède vulgaire du mariage. […] Elle l’avait établi, comme malgré lui, son conseiller, son confident : elle voulait se marier, lui disait-elle, se marier décidément en France, faire la fortune de quelqu’un qui le méritât, et vivre avec cet honnête homme et cet ami dans une estime parfaite, avec douceur et tranquillité.

730. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Le sentiment, en elle, était parfait ; mais, dans sa tête, la pensée était souvent confuse et vague. […] Peignant le bonheur de deux époux fidèles, et celui du père en particulier qui, se revoyant tout vivant dans les traits de ses enfants, y lit la pudicité de son épouse, la vérité de son émotion la fait arriver à l’expression parfaite et au coloris : Quelquefois même, un époux tendrement aimé se voit seul tout entier dans les traits de ses enfants.

731. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Il assigne à Bourdaloue son vrai rang pour l’admirable ordonnance des plans, pour la « belle et constante unité » des sujets, pour la parfaite et chrétienne justesse des développements toujours en vue de la sanctification de son auditoire. […] Mais, tandis que le traité du cardinal Maury nous recommande ces choses excellentes, faut-il donc que sa vie et son exemple nous répètent encore plus haut que, pour être éloquent jusqu’au bout, pour l’être de près comme de loin, pour avoir autorité, même avec un talent moindre, pour se faire écouter dans ce qu’on dit de grand, d’éclatant ou même de simplement utile, il n’est rien de tel que de mettre en parfait accord l’homme et l’orateur, l’homme et l’auteur, et, si vous préférez à tout la parole de Bourdaloue, d’y joindre ce qui en est le principe et la source première, je veux dire les mœurs de Bourdaloue !

732. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

On a ses lettres ; elles sont délicates, discrètes, tendres, parfaites de tout point ; et c’est l’une des plus pures et des plus rares figures de femmes sous la Régence, que cette épouse presque vierge et sitôt veuve, modeste, sacrifiée, résignée, et aussi longtemps dévouée qu’il y eut moyen à l’honneur et aux intérêts de cet aimable mauvais sujet, qui court d’aventure en aventure et ne lui répond pas. — Mme de Bonneval mérite d’être placée à côté de Mlle Aïssé, parmi les plus gracieuses exceptions de cette époque de désordre et de licence. […] Ainsi, ne pouvant changer mon cœur, il faut se conformer à vos maximes, qui sont peut-être d’aimer, en gardant un parfait silence.

733. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Elle la gronde « d’avoir de la curiosité et de ne s’entretenir qu’avec de jeunes dames, de se laisser aller à des propos inconséquents, de manquer de goût pour les occupations solides »… Je le demande en conscience aux lecteurs sans passion politique, s’il existait pour la jolie femme la plus humainement parfaite du monde, de seize à vingt-cinq ans, un procès-verbal, jour par jour, de toutes les grogneries des vieux parents à propos de sa toilette, de son amour de la danse, de sa naturelle envie de s’amuser et de plaire, le dossier accusateur de cette jolie femme ne serait-il point aussi volumineux que celui de Marie-Antoinette ? […] L’authenticité était donc établie et parfaite : c’étaient vingt-deux lettres inédites de Sophie à M. et à Mme Bélanger, sauvées et retrouvées.

734. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Mais cela n’importe pas, puisque précisément elles ont été choisies pour donner l’impression d’un cerveau anonyme et du parfait servilisme intellectuel. […] Je relève dans les quinze premières lignes du feuilleton d’un homme qui, toutes les semaines, se fait le juge de la littérature, ces expressions : « Un gouvernement sans gloire et une paix sans dignité. — Se consolaient de leur misère présente en songeant aux splendeurs du passé — Effort surhumain — Univers émerveillé — la magnificence de ces souvenirs — vulgarité régnante — chambre servile. etc », C’est l’union parfaite du cliché et du lieu commun, — d’où l’impression inattendue de convenance et de correction.

735. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Que les hautes fortunes n’ont jamais couronné les parfaits appareils de mécanismes. […] La seule parfaite. […] Car elle n’est pas seulement parfaite : elle est parfaite de toute part, elle est féconde de toute race, elle donne de toute main. […] À une connaissance parfaite il faut qu’il ajoute. […] N’est-il pas le symbole et le manuel du parfait vertueux.

736. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

C’est ainsi que furent composées les Stances, son plus parfait ouvrage. […] Charles Guérin a écrit quelques œuvres de forme parfaite et de sensibilité profonde. […] Emile Faguet fut l’homme de la vocation parfaite et qui a rempli exactement toutes les conditions du métier pour lequel il était né. […] Type de bourgeois poétique parfait, Sully-Prudhomme était un être exquis… et redoutable. […] Albalat traite avec une science parfaite et des arguments nouveaux et révolutionnaires.‌

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