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1336. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

En considérant l’insuffisance de son objet, on serait tenté d’en douter ; mais en observant la violence des mouvements qu’elle inspire, on y reconnaît tous les caractères des passions, et l’on retrouve tous les malheurs qu’elles entraînent, dans la dépendance servile où ce sentiment vous met du cercle qui vous entoure. […] Sa conversation est composée de parenthèses, principal objet de toutes ses phrases ; il voudrait laisser échapper ce qu’il a le plus grand besoin de dire ; il essaye de se montrer fatigué de tout ce qu’il envie ; pour se faire croire à son aise, il tombe dans les manières familières ; il s’y confirme, parce que personne ne compte assez avec lui pour les repousser, et tout ce dont il est flatté dans le monde est un composé du peu d’importance qu’on met à lui, et du soin qu’on a de ménager ses ridicules pour ne pas perdre le plaisir de s’en moquer. […] La vanité des hommes supérieurs les fait prétendre aux succès auxquels ils ont le moins de droit ; cette petitesse des grands génies se retrouve sans cesse dans l’histoire ; on voit des écrivains célèbres ne mettre de prix qu’à leurs faibles succès dans les affaires publiques ; des guerriers, des ministres courageux et fermes, être avant tous flattés de la louange accordée à leurs médiocres écrits ; des hommes, qui ont de grandes qualités, ambitionner de petits avantages : enfin, comme il faut que l’imagination allume toutes les passions, la vanité est bien plus active sur les succès dont on doute, sur les facultés dont on ne se croit pas sûr ; l’émulation excite nos qualités véritables ; la vanité se place en avant de tout ce qui nous manque ; la vanité souvent ne détruit pas la fierté ; et comme rien n’est si esclave que la vanité, et si indépendant, au contraire, que la véritable fierté, il n’est pas de supplice plus cruel, que la réunion de ces deux sentiments dans le même caractère. […] Eh bien, à côté du tableau de ce bal, où les prétentions les plus frivoles ont mis la vanité dans tout son jour, c’est dans le plus grand événement qui ait agité l’espèce humaine, c’est dans la révolution de France qu’il faut en observer le développement complet : ce sentiment, si borné dans son but, si petit dans son mobile, qu’on pouvait hésiter à lui donner une place parmi les passions ; ce sentiment a été l’une des causes du plus grand choc qui ait ébranlé l’univers. […] C’est une importante question qu’il faut soumettre aux philosophes et aux publicistes, de savoir si la vanité sert ou nuit au maintien de la liberté dans une grande nation ; elle met d’abord certainement un véritable obstacle à l’établissement d’un gouvernement nouveau ; il suffit qu’une constitution ait été faite par tels hommes, pour que tels autres ne veuillent pas l’adopter ; il faut, comme après la session de l’assemblée constituante, éloigner les fondateurs pour faire adopter les institutions, et cependant les institutions périssent, si elles ne sont pas défendues par leurs auteurs.

1337. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

La direction de l’esprit public n’appartenait plus à la littérature, qui demandait à la critique les moyens de se mettre en harmonie avec les besoins nouveaux des intelligences. La première partie du siècle appartient à Villemain854, qui met à l’épreuve les idées de Mme de Staël, et aux théoriciens du romantisme, qui, plus ou moins confusément, expliquent ou justifient la révolution accomplie dans les œuvres. […] Puis, la théorie explique Pradon et Racine : elle explique même, je le veux bien, pourquoi Racine, helléniste, janséniste, a mis dans son œuvre ce que Pradon, ignorant et galant, ne mettait pas dans la sienne ; mais la différence d’intensité, d’énergie dans les esprits, de beauté dans les ouvrages, d’où vient-elle ? […] Il a fait la critique de lui-même, dans ce roman de Dominique (1863) qui est, en dehors de toutes les écoles, une des œuvres excellentes du roman contemporain : dans une forme impersonnelle, avec une délicate psychologie, il a mis les doutes, les amertumes, le renoncement final de l’homme qui a essayé de créer et qui a jugé sa création médiocre.

1338. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

»… Et, pour abréger, Alexandre, vexé de l’indifférence de Sutor, met le feu à Persépolis : Le grand roi se vengeait d’un cordonnier coupable De ne l’avoir pas regardé ! […] Ailleurs nous rencontrons des amants qui « égrènent le rosaire d’or que l’amour mit pour l’homme au cou de la femme ». […] Marions-nous, et nos deux ombres se consoleront, et, dans neuf mois, de nos deux ombres il en sortira une troisième, et ainsi de suite ; et, à ce compte, quand nous serons douze, nous serons vingt-quatre, toute une armée pour mettre la peur en déroute. » J’y songeais, dis-je, ô ma Lucy ! […] La Terre met son corset, et ses roses le font craquer, etc. […] La Mort, qui passe, fait de l’esprit et les met d’accord  Mais voici le « comble ».

1339. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Il me semble que nous mettons ordinairement un peu de nous dans l’idée que nous nous faisons de don Juan : celui de M.  […] Mais c’est là le contraire de l’entraînement d’un « tempérament », et la vanité, chose toute cérébrale, n’a rien à voir avec l’émotion primesautière de don Juan, quand son regard se croise avec celui d’une femme, qu’il voit désormais seule là où il s’est rencontré avec elle… Ne faisons pas à l’amoureux l’injure de mettre de la vanité dans ce besoin de plaire, de connaître et de posséder, que nous flairons en lui à première vue, odor d’amore. […] Il me paraît que don Juan… (mais oubliez ce que je disais tout à l’heure et croyez que je ne mets rien là de mon propre rêve), il me paraît que don Juan, à le considérer dans Tirso de Molina et dans Molière, sinon dans Byron et dans Mozart, est surtout un grand artiste et un grand orgueilleux. […] Cette franc-maçonnerie établit qu’une jeune fille qui donne son cœur pour un bouquet de roses est perdue, tandis qu’une femme mariée qui le donne par caprice — ou pour un bracelet, comme les lionnes pauvres dont le monde honnête est plein  n’est pas compromise, pourvu qu’elle y mette un peu d’hypocrisie, etc. […] Sous leur bienfaisante influence, les hommes mettraient un peu de sentiment, d’imagination, de douceur et de pitié dans l’organisation de la société et dans le gouvernement des affaires publiques.

1340. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Le premier homme qui aime une femme met en elle sa marque pour toujours. — Mais, au surplus, l’avancement moral de la femme et de l’homme étant à la fois le but de la vie et l’œuvre de l’amour, il est clair que la meilleure condition de cet avancement, et la plus souhaitable, c’est d’être l’œuvre d’un seul amour et qui dure autant que la vie même. — Bien différent de nos plus récents moralistes, Michelet n’a pas l’ombre de complaisance pour le libertinage, ni pour l’adultère, ni pour cette espèce « de divorce dans le mariage qui est, dit-il, l’état d’aujourd’hui (1858). » Les mauvaises mœurs ne lui inspirent aucune curiosité spéculative. […] Il estimerait que l’abus des sports communique aux mouvements de cette vierge quelque chose de trop net et de trop hardi, sans rien d’enveloppé ni d’hésitant, et rapproche trop son air, sa marche, ses gestes, de ceux des garçons. — Ne vous y trompez pas, la jeune fille que Michelet met dans les bras du jeune mari, c’est l’ingénue, la jeune fille timide, rougissante, ignorante d’elle-même, mystérieuse, inachevée ; oui, l’ingénue de Scribe, l’Ingénue nationale ! […] Qu’elle pense par à peu près ; qu’elle soit peu apte aux idées générales ; qu’elle n’ait point la notion du juste ; qu’elle ne puisse, toute seule, résister au mal, — vous croyez peut-être que tout cela, mis ensemble, signifie que la femme est inférieure à l’homme ? […] Il faut se mettre à genoux avant d’oser y regarder… Je ne connais pas l’étonnant artiste. […] Et il a raison ; évidemment il a raison… Mais tout de même il y met trop de piété !

1341. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Le roi revient, ordonne d’amener devant lui ceux qui n’ont pas voulu qu’il règne sur eux, et les fait mettre tous à mort 1039. […] Ce sentiment peu affectueux, qui semblait mettre quelque chose au-dessus de lui, mécontenta Jésus. […] Par un travers fort ordinaire dans les fonctions actives, il en sera venu à mettre les intérêts de la caisse au-dessus de l’œuvre même à laquelle elle était destinée. […] Le pain et le vin, mis en rapport avec la mort elle-même, furent ainsi l’image du Testament nouveau que Jésus avait scellé de ses souffrances, la commémoration du sacrifice du Christ jusqu’à son avènement 1079. […] Cela se comprendrait d’autant moins que Jean met une sorte d’affectation à relever les circonstances qui lui sont personnelles ou dont il a été le seul témoin (XIII, 23 et suiv. ; XVIII, 15 et suiv. ; XIX, 26 et suiv., 35 ; XX, 2 et suiv. ; XXI, 20 et suiv.).

1342. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Je mets de ce nombre la Géographie moderne abrégée par l’Abbé Nicolle de la Croix, 1766. deux volumes in-12. […] La Géographie est une science si amusante qu’il n’est pas étonnant que dans ce siécle de la lexicomanie, on ait cherché à la mettre en Dictionnaire. […] Nous plaçons cette partie à la fin de ce Chapitre, quoiqu’elle eût dû naturellement être mise au commencement. […] Madame du Bocage a mis son voyage d’Italie en forme de Lettres. […] Tous les voyageurs ressemblent plus ou moins à cet Allemand, qui ayant été mal reçu dans une auberge de Blois par l’hôtesse qui étoit un peu trop blonde, mit sur son Album : N.

1343. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Or, si l’on commence par fragmenter ainsi le développement humain, on se met dans l’impossibilité d’en retrouver la suite. […] Aussi, pour l’infirmer, ne suffit-il pas de montrer qu’elle est mise en échec par quelques applications particulières de la méthode de concordance ou de différence ; ce serait attribuer à ce genre de preuves une autorité qu’il ne peut avoir en sociologie. […] Si, au contraire, l’on n’aperçoit entre ces faits aucun lien direct, surtout si l’hypothèse d’un tel lien contredit des lois déjà démontrées, on se mettra à la recherche d’un troisième phénomène dont les deux autres dépendent également ou qui ait pu servir d’intermédiaire entre eux. […] C’est ainsi qu’il leur arrive sans cesse de mettre sur le même plan les observations confuses et rapidement faites des voyageurs et les textes précis de l’histoire. […] Sans doute, il ne dédaignera pas les renseignements de l’ethnographie (il n’est pas de faits qui puissent être dédaignés par le savant), mais il les mettra à leur vraie place.

1344. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

J’attendis l’épuisement de tous ces compliments mortuaires… Platon mettait, avec une couronne, tous les poètes à la porte de sa république, ne croyant pas payer trop cher, au prix d’une couronne, l’avantage d’en être débarrassé. […] Nous chargeons le cercueil qui l’emporte d’une masse de fleurs qui ne se flétriront pas, car ce sont des fleurs de rhétorique, — des fleurs en papier, — et l’homme est si dupe de ses propres simagrées qu’on met à cela une espèce de générosité sentimentale. […] » C’est là une phrase comme les anciens professeurs de rhétorique en écrivent, sans se soucier de ce qu’il y a dedans ou de ce qu’ils croient mettre dedans. […] À l’heure de la vie où l’on est frivole et où l’homme tient à relever ses avantages extérieurs par les soins de la mise et les détails de la toilette, à une époque où tant de gens de lettres affectaient d’être des Beaux, parmi les de Musset, les Roger de Beauvoir, les Roqueplan, les Sue, qui furent des dandies, des gants jaunes, des furieux (un mot du jargon de la mode du temps), Janin, très à la mode par l’esprit et par le talent et très en vue, Jules Janin, qui n’était pas sans beauté alors, ne pensait point à la faire valoir, cette beauté, par les ressources que la mode offre à la coquetterie. […] Il se mit parmi les mendiants de la porte de ce palais.

1345. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Dargaud, lui, ne parchemine pas l’histoire, il la prend par ses mains de cadavre, la met debout, lui dit de marcher ! […] Et cette raison que je dirai, cette raison plus profonde que le talent, plus involontaire que la conviction dans l’auteur de l’Histoire de la Liberté religieuse, c’est son âme même, son instinct de cœur le plus vrai, c’est ce que les hommes et lui-même n’ont pas mis en lui et ce qui, pour cette raison, y est davantage ! […] Au xvie  siècle, si nous avions vécu, nous aurions certainement porté l’écharpe rouge des catholiques, et lui, la casaque blanche des protestants, s’il l’avait portée, s’il n’avait pas imité plutôt l’homme qu’il vénère le plus dans son histoire, ce Michel de l’Hôpital, qu’il met au-dessus de Coligny lui-même, le plus grand pourtant des protestants ! […] Ce sont là des idées modernes appliquées rétrospectivement et plus ou moins témérairement à l’histoire, Je ne sais pas si Michel de l’Hôpital eut conscience pleine et volonté entière de la liberté religieuse, telle que l’entendent et que la veulent les philosophes du xixe  siècle, par la seule raison qu’il rédigea le fameux Édit de tolérance qui fut, jusqu’à l’édit de Nantes, le manifeste sans cesse repris des protestants et le prétexte de leurs rébellions obstinées, mais ce que je crois savoir, c’est qu’on n’est pas au-dessus de tous les partis parce qu’on se met entre tous les partis, et ce que je sais certainement, c’est que le portrait de cet homme de juste-milieu, de cette espèce de La Fayette en toge au xvie  siècle a pris, sous le pinceau de M.  […] — et peut-être y mettra-t-elle fin, à cette admiration tout à la fois inconséquente et impie.

1346. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

« Et que mettrez-vous en place de la monarchie légitime ?  […] disait-il à Junot en voyant passer ceux qu’il allait combattre, si ces gaillards-là me mettaient à leur tête, comme je ferais sauter les représentants !  […] Il est mis à la tête d’une armée dès le commencement de 92. […] A cette nouvelle, il met son armée en insurrection, mais en insurrection passive ; il proclame et il attend ; mais il attend vainement. […] en philosophie Locke en est, Descartes lui-même n’en sort pas : j’y mets André Chénier en poésie.

1347. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

La seule ressource de l’écrivain est d’employer des mots qui mettent les choses devant les yeux. […] De toutes les lois qui furent jamais portées par un parlement, l’Acte de Tolérance est peut-être celle qui met le mieux en lumière les vices particuliers et l’excellence particulière de la législation anglaise. […] Mais un journal qu’on parcourt dans un café, une revue qu’on feuillette dans un salon, le soir avant de se mettre à table, ont besoin d’attirer les yeux, de vaincre la distraction, de conquérir leurs lecteurs. […] Heureusement pour nous, il redevient enfin narrateur ; les menus détails qu’il choisit alors fixent l’attention et mettent la scène sous les yeux. […] Glenlyon et ses hommes étaient tous debout, et semblaient mettre leurs armes en état pour une action.

1348. (1904) Zangwill pp. 7-90

On pourra vous parler en moraliste et vous dire : “Mettez à profit l’exemple de ces insectes si laborieux.” […] Ceux-ci n’iront pas. à leur exemple, s’emplir de viandes et de boissons brûlantes pour inonder leurs veines par un afflux soudain de sang grossier, pour porter dans leur cerveau la stupeur ou la violence ; on les voit à la porte de leur chaumière, qui mangent debout un peu de pain et leur soupe ; leur vin ne met dans leurs têtes que la vivacité et la belle humeur. […] Un second lui succède, et se met en posture, Mais en vain. […] L’impôt mis sur ces terres les purifie seul un peu, en les faisant servir à un but supérieur. […] Celui qui n’a fait aucun sacrifice au bien, au vrai retrouvera ce jour-là l’équivalent exact de sa mise, c’est-à-dire le néant.

1349. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Shakespeare ne met pas un mauvais sujet sur la scène, sans l’enrichir généreusement de toutes les grâces de l’imagination poétique, de la raison solide et de l’esprit. […] Partout il met en scène non son objet, mais les grâces un peu lourdes de sa propre personne, cherchant à étonner le lecteur par des rapprochements inouïs de choses et d’idées, sans lien naturel ni rapport déchiffrable. […] À quoi bon mettre constamment en regard de la sottise la sagesse, et à côté du vice la vertu ? […] Retranché dam sa sagesse intolérante, fort et confiant dam la vérité de ses principes et dam son amour pour la vertu, l’on se met en opposition violente avec la corruption du temps. […] Ainsi Aristophane, dans les Parabases, se met en rapport de différentes façons avec le public athénien.

1350. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Goethe me regarda et nous nous mîmes à rire. […] Que diriez-vous, si nous descendions et si je vous mettais à la main un vrai arc de Baschkir ? […] S’il n’a pas dans la chambre assez de force pour muer, qu’on le mette à l’air frais, il muera très bien. […] Le jour suivant, on m’apporta deux jeunes rossignols déjà sortis du nid, que je mis aussi avec la fauvette et qui furent adoptés et nourris par elle. Après quelques jours, je mis aussi quelques petits meuniers, presque prêts à voler, et enfin un nid de cinq jeunes moines.

1351. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Où les autres peuples mettent leur hypocrisie, nous mettons notre fanfaronnade, et où ils mettent leur pudeur, nous mettons notre ostentation. […] Mais pourquoi avons-nous mis notre vanité en ceci et non ailleurs ? […] Il fut renversé avant d’avoir commencé de mettre ce projet à exécution. […] Le député ne peut même mettre en coupe réglée que cela d’une façon sérieuse et lucrative. […] J’y mettrai ordre.

1352. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Remarquez le terme dont il se sert pour résumer les motifs qui lui mettent la plume en main. […] C’est qu’aussi bien cette étude mettait en jeu sa double faculté de moraliste et d’auteur dramatique. […] Il n’a mis dans ses livres que son pittoresque sans sa gaieté. […] Mettre cette idée en vers, qu’est-ce alors, sinon un jeu de difficulté vaincue ? […] Un rôle plus important la met en vedette.

1353. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Sur tous les ouvrages nouveaux, venus de Paris à cette date, Sismondi est informé autant que personne ; il se tient au courant et il nous y met. […] Dupont (de Nemours) qui en a bien soixante-quinze, et dont la vivacité, la chaleur, l’éloquence ne trouvent point de rivaux dans la génération actuelle ; avec les deux Suard (mari et femme), que je ne mets pas au même rang, quoique l’esprit de l’un, tout au moins, soit fort aimable. […] Mais Jessie fait ce que font toutes les femmes, et bien des hommes aussi : elle commence par mettre dans sa religion tout ce qu’il y a de mieux dans une belle âme comme la sienne ; puis elle croit que c’est le caractère de la religion en général, et que toutes les religions y participent. […] Il eût voulu ne rien brusquer, enrayer plutôt qu’accélérer cette marche effrénée du progrès qui se lance à toute vapeur dans toutes les voies sans souci de ce qu’il rencontre, et donner aux générations présentes le temps de reprendre haleine, de se mettre au pas ou de s’écouler insensiblement à la veille des applications nouvelles. […] Il se mettait au travail à six heures du matin, travaillait jusqu’à midi ; le reste du jour se passait en visites et dans le monde.

1354. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

La Ville elle-même, Paris où tout s’adoucit volontiers et où les femmes aussi donnent le ton, venait à sa manière en aide à la Cour (sauf quelques cas revêches) pour mettre dans la langue plus de facilité usuelle et de coulant. […] Malherbe, qui a si bien montré dans ses vers « le pouvoir d’un mot mis en sa place », n’a pas le même soin dans sa prose, et il n’a jamais connu la netteté du style, soit pour la situation des mots, soit pour la forme et la mesure des périodes. […] Nous connaissons à Paris de ces escaliers trop hauts où l’on met du moins des chaises sur le palier à chaque étage, pour permettre de s’asseoir et de respirer un peu. […] Ce sont de vieux portraits de famille qui se décrochent, descendent du grenier avec leurs toiles d’araignée et se mettent à parler à tort et à travers. […] Il faudra bien pourtant qu’on y vienne et qu’on s’y mette : on ne saurait éluder indéfiniment.

1355. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

On le mit de bonne heure aux Jésuites de la ville, et il y fit de rapides progrès. […] Du plus loin qu’il m’aperçut, il laissa son ouvrage, il s’avança sur sa porte et se mit à pleurer. […] Il mit vingt-cinq ans à l’exécuter. […] Demandez à l’abbé Raynal, qui serait sur la ligne de M. de La Harpe, s’il avait un peu moins d’abondance et un peu plus de goût ; au digne, au sage et honnête Thomas enfin, qui, à l’opposé du même M. de La Harpe, met tout en montagnes, comme l’autre met tout en plaines, et qui, en écrivant sur les femmes, a trouvé moyen de composer un si bon, un si estimable livre, mais un livre qui n’a pas de sexe. […] Mais, nonobstant ces avertissements, ces misérables, sans songer à chercher le sentier heureux, sans s’en informer, et comme s’ils le connoissoient parfaitement, se mettent hardiment en chemin.

1356. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Leur seule conquête a été critique, c’est-à-dire psychologique197. » Déplorer l’usurpation de la science sur la métaphysique, dans la recherche du vrai, et préférer la dernière, c’est ressembler à un homme qui, voulant aller en Amérique, et trouvant le voyage à pied plus poétique que la vapeur, se mettrait à marcher résolument, sans souci de l’Atlantique qui l’en sépare. […] Le métaphysicien est un marchand qui spécule hardiment, mais sans un capital convertible qui le mette en état de tenir ses engagements. […] Lewes admire vivement ce philosophe, qu’il appelle « le plus grand des métaphysiciens modernes. » Il lui sait gré surtout d’avoir mis à nu le néant de l’ontologie, d’avoir montré avec plus de netteté et de rigueur qu’aucun autre avant lui, que la connaissance humaine est relative ; mais sur le point qui nous occupe, sur la nature des lois ou formes de la pensée, il s’en sépare. […] Cousin est digne du respect qui s’est attaché à son nom, à part l’usage plus que suspect qu’il a fait des travaux d’élèves et d’auxiliaires, sans l’avouer. » Son activité sans relâche le conduisit de Reid à Kant, de Kant aux Alexandrins ; il édita Proclus et l’aurait mis sur le trône de la philosophie, si le public y avait consenti. […] On oublia le progrès des siècles, et les méthodes des scolastiques furent de nouveau mises en vogue.

1357. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Là-dessus, grands éloges des sauvages mis en opposition avec les civilisés : Voilà donc les mortels parmi nous avilis ! […] Il y travaillait, dit-on, depuis quinze ans ; ce serait beaucoup d’y avoir mis six mois. […] Par exemple : La nature, en nous accablant de tant de misère et en nous donnant un attachement invincible pour la vie, semble en avoir agi avec l’homme comme un incendiaire qui mettrait le feu à notre maison, après avoir posé des sentinelles à notre porte. […] Ce M. de Lassay, c’est Chamfort qui le met en avant pour exprimer sa propre pensée. […] Un homme qui, comme lui, avait débuté par des prix d’académie, qui en avait fait sa carrière, qui avait toujours eu l’Académie en vue, qui avait mis en jeu tous ses amis, même ses amis de cour, jusqu’à ce qu’il y eût été admis, cet homme devait être le dernier à prendre la plume pour dénoncer publiquement les abus et pour solliciter la destruction du corps dont il était membre.

1358. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Comme peintre, il faut mettre M.  […] Tête de linotte qui se trompa sur tout, sur les événements et les hommes, elle se mettait cyniquement à l’enjeu, et, malgré cette beauté qui a donné de si étrange sorte dans la vue de M.  […] Sous le règne de ce jeune Mélancolique, aussi farouche que le faon malade dans les bois, les femmes, longtemps blessées du sans-gêne qu’après les guerres civiles on s’était permis avec elles, se mirent à réagir contre les mœurs de mousquetaire, autorisées, par l’exemple du grand Henri, cette espèce de Louis XV-Rabelais, et pour cela elles se firent précieuses et dévotes. […] La première fois qu’il aperçut Marie de Hautefort, ce fut au sermon, parmi les filles de la reine, assises par terre à ses pieds, selon l’étiquette, et, touché de sa mine discrète, il lui envoya, pour s’asseoir, le coussin de velours fleurdelisé qu’il avait mis sous ses genoux. […] « Posons la plume, dit-il, et mettons fin à ces peintures d’une société à jamais évanouie et de femmes que l’œil des hommes ne reverra plus.

1359. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Et il se mit à une autre tâche. […] Même, il a mis, à ce dénigrement, de la malveillance. […] Elle se met à parler d’autre chose : c’est le dernier renoncement. […] De retour à Paris, il se mit à son Arlequin. […] Chacun le sait et chacun le proclame ; qui n’en mettrait au feu sa main ?

1360. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

En vain l’on dirait qu’elle n’y mettait pas grande importance, politiquement parlant ; que dans cette suite de favoris venant à la file, dont on sait les noms et le numéro d’ordre, depuis Soltikoff, depuis Orlof jusqu’à Zoubof, elle sut garder pour ministres investis de sa confiance les serviteurs habiles, fussent-ils même disgraciés à ses yeux à titre d’amants, et qu’elle ne prit, entre ceux-ci, pour serviteurs de l’État, que ceux qui en étaient réellement capables. […] Diderot, dans sa fougue, s’est avisé un jour de la définir : « L’âme de Brutus avec les charmes de Cléopâtre. » Mettons César au lieu de Brutus qui est ridicule. […] Savez-vous que c’est lui qui m’a mise à la mode ? […] On dit qu’à la Révolution, elle fit retirer le buste de Voltaire qui était dans sa galerie, et qu’on le mit à quelque autre endroit moins en vue.

1361. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Depuis qu’évincé de la politique au 2 décembre, sorti pauvre des affaires industrielles où il s’était engagé, atteint de plus de la plus triste des infirmités qu’il tâcha longtemps de se dissimuler à lui-même, M. d’Alton-Shée s’est tourné vers les lettres et s’est mis à écrire, il avait d’abord pensé au théâtre. […] C’est seulement dans l’autre partie, signée de son nom, publiée d’abord dans la Revue moderne avant d’être recueillie en volume, qu’il a mis ses opinions plus sérieuses sur les choses et sur les hommes politiques. […] On le met au collège Henri IV. […] L’amitié de sa sœur, son aînée de sept ans, Mme Jaubert, une des plus aimables et des plus spirituelles femmes de son temps, contribuait pourtant à l’adoucir un peu, à lui donner quelques lumières sur le monde et à le mettre en rapport avec quelques-uns des esprits distingués qui fréquentaient son salon.

1362. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Je pourrais faire voir cette unité dans Othello ou dans Macbeth : j’aime mieux la rendre sensible dans une des pièces où l’on s’attendrait le moins à la trouver, dans un de ces drames que sa fantaisie découpait dans les vieilles chroniques, et où il ne semblait guère songer à mettre un autre ordre que l’ordre historique des événements : dans Richard III. […] Il arrête le lecteur en un endroit, et vingt fois lui met sous les yeux la même idée, diversement drapée et colorée : puis, d’un brusque saut, il se transporte dans une autre, où il nous arrêtera de même. […] On les tâte de tous les côtés, on commence plusieurs fois ; cela ne va pas, on tire un fil, puis un autre, jusqu’à ce qu’on ait mis la main sur celui qui déroulera tout après lui. Pascal, qui a fait une si profonde réflexion sur le travail de l’écrivain, et qui, là comme en toute chose, a vu plus nettement et plus loin que personne, a remarqué la peine que donne cette recherche nécessaire : « La dernière chose qu’on trouve en faisant un ouvrage est de savoir celle qu’il faut mettre la première. » Et soit qu’on ait parlé, ou entendu les autres parler, n’a-t-on pas pu remarquer souvent comme il est difficile de finir ?

1363. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Car la suppression du christianisme, d’un idéal religieux qui fournit une règle de vie avec une espérance de bonheur ultra-terrestre, mais infini, cette suppression seule explique la fureur de zèle humanitaire avec laquelle les philosophes veulent refaire la société pour mettre dans cette vie toute la justice et tout le bonheur. […] Il fallait aussi, pour mettre de la suite dans l’attaque, et pour gagner l’esprit du peuple, un amour scientifique du vrai, un enthousiaste dévouement à la raison, qui faisait défaut à ces mondains blasés. […] Il lui arrive de mettre trop de rubans et de pompons à son style, et de tourner l’astronomie en madrigaux ; si la science en est un peu rabaissée, la conquête des salons valait bien quelques sacrifices, et ce n’était pas trop l’acheter que de quelques fadeurs. […] Elle prit le dogme corps à corps, elle essaya d’y mettre en évidence toutes les marques de l’invention humaine et d’y rendre inutile l’hypothèse d’une action divine.

1364. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Édouard Rod « Pourquoi avez-vous été créé et mis au monde ? demande le catéchisme romain  J’ai été créé et mis au monde pour aimer Dieu, le servir et, par là, mériter la vie éternelle. » M.  […] Est-ce que cela ne le met pas, du coup, au rang des plus rares privilégiés de la vie ? […] Il fait un autre effort : il prend dans sa maison, comme petite bonne, une orpheline assez mal élevée, qu’il est bientôt obligé de mettre à la porte.

1365. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

Les visiter n’est point une fatigue : les magasins sont dans le centre, qui les organisent ; les toiles sont en petit nombre, en bon jour, dans des salles aérées ; en même temps l’effort réalisé d’un peintre durant un certain nombre d’années est mis sous les yeux du curieux, qui peut suivre et comprendre l’évolution de l’artiste. […] Seulement le décor mural serait plus ingénument bariolé. — Et après ce double Vernissage, sauvé parce que Paris n’a pas d’autre fête entre l’Hippique et le Derby, on mettrait la clef sous la porte du Salon. » Je ne contresignerai pas l’excentrique proposition que me recommande Chincholle, avec son dilettantisme aigu. […] Supprimer les Salons, les négliger, les faire tomber en désuétude, c’est mettre les peintres dans la triste position sociale des musiciens. « Se faire connaître », on sait, pour un musicien, c’est exactement impossible, sauf fortune ou bonne fortune. […] — Maintenant, si vous préférez le chasseur entreprenant, mettons que je n’ai rien dit.

1366. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

La princesse Parthénie madame de Sablé) avait le goût aussi délicat que l’esprit ; rien n’égalait la magnificence des festins qu’elle faisait : tous les mets en étaient exquis, et sa propreté a été au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. C’est de leur temps que l’écriture a été mise en usage. […] Mais bientôt, à cette effervescence ou à cette légèreté que la mode favorisait, succéda une de ces passions qui placent les femmes hors des lois générales, sans les mettre au-dessus. […] car pour ceux du roi, je ne m’en mets pas autrement en peine.

1367. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Que l’on conduise ainsi Poe de la table où tout enfant son père adoptif l’exhibait récitant des vers, à cette taverne de Baltimore où il goûta l’ivresse qui le couchait le lendemain dans le ruisseau ; que l’on connaisse de Flaubert la famille de grands médecins dont il était issu, le pays calme et bas dans lequel il passa sa jeunesse, la fougue de son arrivée à Paris, ses voyages, son mal, le rétrécissement progressif de son esprit, le milieu de réalistes dans lequel s’étriquait ce romantique tardif : que de même on décrive la physionomie satanique et scurrile (sic) de Hoffmann, le pli de sa lèvre, l’agilité simiesque de tout son petit corps, ses grimaces et ses mines extatiques, son horreur pour tout le formalisme de la société, ses longues séances de nuit dans les restaurants, à boire du vin, et ce mal qui le mît comme Henri Heine tout recroquevillé dans un cercueil d’enfant ; que l’on compare les débuts militaires de Stendhal et de Tolstoï à leur fin, à l’existence de vieux beau de l’un, à l’abaissement volontaire de l’autre, aux travaux manuels et à la pauvreté grossière ; que l’on complète chacune de ces physionomies, qu’on en forme des séries rationnelles, on aura dressé en pied pour une période, pour un coin du monde littéraire, pour ce domaine tout entier, les figures intégrales du groupe d’hommes qui sont les types parfaits de l’humanité pensante et sentante. […] Pater et Vernon Lee, les romanciers archéologues tels que Flaubert, se sont servis pour décrire les milieux humains passés et disparus, sera ici mis à profit avec de plus importants résultats, puisque cette enquête par le dehors, par le visible, par ce dont l’histoire rend témoignage, aura été précédée et affirmée par des données probables ou sûres sur l’intérieur, sur le gros mécanisme mental de ces gens que l’on va dresser en pied dans leur chair et leur costume. Les contemporains, les auteurs de mémoires, les comiques et les moralistes du temps, les représentations graphiques, des tableaux aux caricatures, les mille faits épars de la vie de tous les jours, la reconstitution architecturale et géographique des lieux, des monuments et des villes, tous les départements de la vie publique, de la politique à la théologie, seront mis à contribution, fouillés en quête de détails typiques et significatifs ; ces notions sur le vêtement, la demeure, le séjour, sur les habitudes intimes et sociales, sur le type ethnique, sur les relations célestes et humaines, sur toute la vie en somme du groupe formé autour d’une œuvre ou autour d’une famille d’œuvres, groupe qui comprendra tantôt tout ce qui est notable d’une nation, tantôt toute une classe, tantôt enfin un nombre épars d’individus dont il faudra rechercher les points d’union, — seront dégagés, fondus ensemble, ordonnés, et plaqués enfin sur la sorte de squelette psychologique que l’on aura obtenu antérieurement par l’ordre de recherches que nous avons exposé au précèdent chapitré. […] Cette identification de « l’analyse » et de la mise à mort du réel, topos au moins aussi vieux que le Faust de Goethe, trouve une nouvelle expression à l’époque de la « décadence », décrite par exemple selon Bourget dans ses Essais de psychologie contemporaine comme un abus de « l’esprit d’analyse », inséparable de toutes ces « maladies de la volonté » (Ribot) caractérisées par le primat de « l’intelligence » sur « l’instinct ».

1368. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

C’est Leconte de Lisle qui l’y a mis. » Très bien. […] Mais puisqu’on ignore, puisqu’on ne peut savoir ce que c’est qu’Homère, comment M. de Gourmont sait-il que « Leconte de Lisle a mis dans sa traduction ce qui n’est pas dans Homère » ? […] L’archevêque Turpin tue 700 hommes ; Roland en tue 800, en met en fuite 40.000 ; ses 20.000 soldats en tuent 100.000 et Charlemagne arrête le soleil ! […] Nous l’avons dit, il n’y a et il ne peut y avoir qu’une méthode : transposer ce que l’on observe, mettre à profit les choses vues ; étudier surtout par quels procédés les grands auteurs ont réalisé cet effort ; s’assimiler enfin autant que possible leurs procédés de description vraie, pour les appliquer à vos peintures de convention.‌

1369. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

» son mari, elle le voit, elle le met partout, Edgar forever ! […] C’était une erreur, je le reconnais, d’avoir, pour mieux les analyser et mieux les goûter, l’un après l’autre, mis à part l’épouse et le bas-bleu, même par abstraction et pour une minute, et séparé ce que Dieu a si bien joint… et le ridicule aussi ! […] Entre l’arbre et l’écorce, il ne faut pas mettre le doigt, a dit le proverbe. […] En digne époux, il a voulu se mettre sous la même couverture que sa femme ; il a écrit, pour la présenter et la patronner, à la tête du livre de Mme Quinet, une de ces préfaces qu’elle aurait eu aussi bien que lui le talent de penser et d’écrire comme ça.

1370. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

C’est ce sentiment du voisinage de Dieu qui a inspiré à Mme Swetchine d’admirables pages consolatrices sur la vieillesse, qui mettent mieux que de la charpie, mais un dictame, sur le mal cruel d’être vieux. […] Je connais un théologien mystique qui, autrefois, fut un poëte et qui l’est resté pour mettre encore cela dans l’encensoir d’or qu’il a allumé devant Dieu, et qui préfère, lui, le fragment sur la Résignation ; mais moi, non ! […] En en risquant l’impertinence, j’ai voulu une dernière fois mettre à mes pieds tout ce qui rappellerait la littérature, alors que je parle d’une femme qui avait fini par mettre cette littérature aimée, sous les siens.

1371. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIII. Henry Gréville »

Elle a, je crois, et sauf erreur, débuté dans la Revue des Deux-Mondes, cette portière qui n’ouvre pas sa porte, mais toutes les portes de la publicité, et même celle de l’Académie et de la Revue des Deux-Mondes, Mme Gréville est allée… où elle a voulu, et elle s’est mise à écrire comme une femme qui s’est tue longtemps, se met à parler, sous l’impulsion d’une effroyable indigestion de paroles accumulées. […] Chassé-croisé de quatre personnes qui, séparées d’abord, vont ou s’en vont les attractions proportionnelles aux destinées, tout cela est arrangé avec l’œil de poudre russe que l’auteur met à toutes ses œuvres. […] On dit que c’est l’esprit français qui l’y a mis, je n’en sais rien, mais il y est !

1372. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

L’auteur, en dehors de son livre, m’est inconnu, mais je ne serais pas surpris qu’il fût attaché comme « rédacteur » au ministère des affaires étrangères ; et, s’il n’y est pas, on peut l’y mettre, car il a la convenance, la correction, la haute prudence, le culte du carton, la cravate blanche, tirée à quatre épingles, qu’on a dans ces pays ministériels, quand on y écrit quelque chose. […] … Le cheval d’Attila, les femmes d’Attila, furent (dit-on) enterrés avec leur terrible maître… Lionne, qui fut un très digne serviteur des siens, devait-il être exhumé et mis à part d’eux, à part des traités où son nom brille abrité sous les leurs, comme sous un dais, pour que nous sussions mieux ce qu’il était et ce qu’il fit ? […] Eux seuls peuvent mettre dans le compte rendu de celles dont ils furent chargés et dont ils s’acquittèrent le quelque chose d’humain, de passionné, de dramatique, inhérent à des démêlés et des complications d’intérêts qui eurent certainement leur sérieux, leur tragique, leur comique, leur variété, leur inattendu, comme toutes les choses de ce monde. […] Histoire écrite sans pénétration, sans pincement des faits pour en exprimer l’intime essence, sans clarté profonde et à l’aveuglette, par un tâtonneur qui a mis la main sur un carton et qui nous le vide, par pièces et morceaux, sur la tête !

1373. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

L’établissement de madame de Maintenon et de Louis XIV — car, ici, il faut mettre madame de Maintenon avant le grand roi, — n’a, au fond, rien de commun que le nom avec ce Prytanée de 1805, devenu une école d’officiers ; et, cependant, sous le nœud de ce nom commun qui les lie, ne dirait-on pas une même institution à double visage, autrefois visage de jeunes filles, maintenant visage de jeunes soldats ? […] Il nous met en goût d’impartialité sur le compte d’une femme qui en a peu trouvé dans l’histoire, et qui attend encore, dans les confusions de sa renommée, l’historien à l’arrêt suprême et au burin ineffaçable qui doit définitivement la classer. […] C’est par là que, n’étant plus jeune, et que, n’étant presque plus belle, elle avait arraché Louis XIV — l’homme le plus difficile à séduire et le plus difficile à captiver — à la plus belle de ses maîtresses, à la plus altière, à la plus sanguinement spirituelle, à cette Armide des Mortemart qui l’avait enlacé par plus puissant que ses bras, — l’habitude, — et qui lui avait mis aux quatre membres ce boulet des enfants qui fait enfoncer un homme dans une liaison encore plus que le boulet de bronze ne fait s’enfoncer celui qu’on y jette dans la mer ! […] met les lettres de madame de Maintenon bien au-dessous du gracieux caquetage de madame de Sévigné, et cela seul n’est-il pas comme une image de sa destinée et de sa vie ?

1374. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Nous ne voulons mettre à feu ni à sang personne. […] D’après les lettres seules de Mademoiselle de Condé, La Gervaisais, malgré l’auréole de son amour qu’elle lui met autour de la tête, fait l’effet d’un homme meilleur peut-être que les hommes de son temps, mais affecté pourtant des vices de son temps. […] La sienne, sa langue, sans aucune couleur, ressemble à une glace sans tain qui serait mise sur le cœur à nu pour qu’on le vît mieux palpiter, à travers le cristal des mots ! […] … On trouve sous cette pauvre petite plume qui s’ignore des choses égales aux paroles que met le génie de Shakespeare dans la bouche de Juliette à Roméo : « Pardonne-moi de t’aimer, beau Montague ! 

1375. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

pas diminuer la poésie, s’il y en a réellement dans l’Inde, et si ce n’est pas nous qui la créons, pauvres éblouis que nous sommes par les reflets de ces boules d’or tournant au soleil, avec lesquelles, comme de vrais Indiens, nous nous sommes mis à jongler ! […] Parisot, qui met Valmiki, le rhapsode hindou, bien au-dessus du rhapsode grec. […] On sent bien en elle quelque chose de dépaysé, d’étranger, quelque chose qui n’est pas de l’Inde, mais qui sert à faire mieux comprendre que sans remonter jusqu’aux chefs-d’œuvre enfantés par la civilisation chrétienne, le premier poème venu de nos climats, imprégné de Christianisme, la première vie des Saints de nos plus humbles légendes, sont plus purement et plus profondément poétiques que tous les épisodes mis ensemble de la singulière épopée que l’on nous donne pour la gloire de l’esprit humain ! […] Traduit par un homme de grand talent avec la piété d’un Fidèle, avec le soin que mettaient les moines copieurs du Moyen Âge à transcrire leurs plus précieux manuscrits, le vaste livre de Valmiki restera comme un renseignement très curieux et infaillible de l’état cérébral d’un peuple dont jusqu’ici on a forcé les proportions.

1376. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

Sans l’honneur de l’Église indignement mis en cause par les historiens de ce temps, ce simple et doux abbé Gorini n’aurait pas songé à interrompre la plantureuse lecture de ce bréviaire qui renferme assez d’érudition pour un prêtre, et cela, afin de relever, un à un, dans les livres du dix-neuvième siècle, tous les mensonges et sophismes qui s’y étalent sous cette apparence d’impartialité, qui est l’hypocrisie de l’Histoire, quand ce n’en est pas la trahison ! […] Il est trop primitif, en vérité, de mettre en capitales au haut ou au bas d’une page, pour la réfuter, Opinion de M.  […] S’il n’a pas su les mettre dans un livre que tous pussent lire avec plaisir, un autre les y mettra.

1377. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Qu’ils la reprennent en sous-œuvre, qu’ils la modifient à force de réflexion et d’études et qu’ils mettent à cela les années et l’acharnement du travail, — du travail auquel, hélas ! […] mais il ne l’est point, à coup sûr, dans cette prose où les vers se sont mis, comme disait Rivarol, car où les vers se mettent, la prose n’est plus. […] Joseph Autran ne l’a pas mis seulement au service de ses propres inventions.

1378. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

mais il avait, avec la flûte de Virgile, la lyre du lyrique, que Virgile n’avait pas, et qui est le plus magnifique instrument que Dieu ait mis aux mains des poètes. […] Il était une équation superbe entre l’âme humaine et l’Absolu, à laquelle ceux qui ne sont pas au courant de la mathématique de l’Absolu et de l’âme ne comprennent et ne comprendront jamais rien, l’ai entendu quelquefois dire aux abjects de ce temps abject, qui ne regardent que la terre où ils mettent leurs pieds de devant comme ils y mettent leurs pieds de derrière, que le naturel divin de Lamartine n’était pas du naturel. […] On en doute… Homme de facilité superbe, dans les derniers temps de sa vie ce noble forçat de dettes immenses se mit, pour se racheter de cette galère, à faire de l’Histoire, et il porta dans cette Histoire qu’il n’avait jamais apprise et qu’il traversa au galop de son génie, la divination du poète.

1379. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Les y mettra-t-il ? […] … II C’est le xixe  siècle, du reste (et l’Histoire littéraire devra lui reconnaître cette supériorité), qui a mis dans le monde ces grands producteurs, comme il les appelle dans le jargon de sa manie économique, qui savent tirer de leur cerveau ce nombre de volumes en disproportion (a-t-on cru longtemps) avec la force de l’esprit humain, et qui ne le sont pas même avec sa faiblesse. […] Eugène Sue a une éblouissante palette, ce qui ne suffit pas pour être un grand peintre, — la mettait partout, jusque dans sa livrée. […] Or, il se trouva qu’on n’en dit rien du tout, d’où ses réflexions et sa mise des pouces avec l’âge.

1380. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » p. 73

Ses Lettres galantes & philosophiques, formant les deuxieme & troisieme volumes, ont été écrites pour être mises au jour. […] Remond, &, sans quelques Vers heureux, nous dirions qu'il eût été plus sage de ne le pas mettre au jour.

1381. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

Ami de Collin-d’Harleville et de Picard, avec moins de sensibilité coulante et facile que le premier, avec bien moins de saillie et de jet naturel que le second, mais plus sagace, emunctae naris, plus nourri de l’antiquité, avec plus de critique enfin et de goût que tous deux, il préluda par Anaximandre, bluette grecque, de ce grec un peu dix-huitième siècle, qu’Anacharsis avait mis à la mode ; en 1787, il prit tout à fait rang par les Étourdis, le plus aimable et le plus vif de ses ouvrages dramatiques104. […] Andrieux avait donc reçu en naissant un grain de notre sel attique, une goutte de miel de notre Hymette, et il les a mis sobrement à profit, il les a sagement ménagés jusqu’au bout. […] Avec son filet de voix, avec une mimique qui n’était qu’à lui, il tenait son auditoire en suspens, il excellait à mettre en scène et comme en action de petits préceptes, de jolis riens qui ne s’imprimeraient pas.

1382. (1874) Premiers lundis. Tome II « Étienne Jay. Réception à l’Académie française. »

Il a été constaté que pas une seule fois, depuis sa nomination par ordonnance, M. de Montesquiou n’avait mis les pieds dans la salle, des séances de l’illustre compagnie. […] Viennet, placé à droite, malgré la foudre qu’il tâchait de mettre dans ses regards et la pose toute martiale qu’il affectait, n’a pu communiquer à ce discours la moindre apparence de vie, le moindre éclair. […] Dans la situation toute secondaire où est descendue l’Académie française et d’où il est difficile qu’elle se relève, n’ayant ni action directe, ni but propre, elle paraît décidée à se recruter en grande partie parmi les hommes politiques, comme autrefois elle faisait parmi les grands seigneurs, et elle aura raison, pourvu que, de temps à autre, elle ne dédaigne pas d’ouvrir ses invalides à quelque littérateur pur et simple qui aura la témérité de se mettre sur les rangs.

1383. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Le monde est agité par l’inquiétude de chaque homme, et ces armées innombrables qui couvrent la surface de la terre, sont l’invention cruelle des soldats, des officiers, des rois, pour chercher dans la destinée quelque chose que la nature n’y a point mis, ou tout au moins, pour obtenir cette interruption momentanée de la durée successive des idées habituelles, cette émotion qui soulage du poids de la vie. Mais, indépendamment de tout ce qu’il faut hasarder et perdre pour se mettre dans une situation qui vous procure de telles sortes de jouissances, il n’existe rien de plus pénible que l’instant qui succède à l’émotion ; le vide qu’elle laisse après elle, est un plus grand malheur que la privation même de l’objet dont l’attente vous agitait. […] Si l’avare, si l’égoïste sont incapables de ces retours sensibles, il est un malheur particulier à de tels caractères auquel ils ne peuvent jamais échapper ; ils craignent la mort, comme s’ils avaient su jouir de la vie : après avoir sacrifié leurs jours présents à leurs jours avenir, ils éprouvent une sorte de rage, en voyant s’approcher le terme de l’existence ; les affections du cœur augmentent le prix de la vie en diminuant l’amertume de la mort : tout ce qui est aride fait mal vivre et mal mourir : enfin, les passions personnelles sont de l’esclavage autant que celles qui mettent dans la dépendance des autres ; elles rendent également impossible l’empire sur soi-même, et c’est dans le libre et constant exercice de cette puissance qu’est le repos et ce qu’il y a de bonheur.

1384. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

Le cœur plein d’une ardente amitié, on écrit ; quand on a mis : je vous aime bien, que reste-t-il, qu’à le répéter ? […] Même dans ces purs sanglots dont parle le poète, j’entends l’esprit qui parle et qui met sans y songer toute sa puissance au service du cœur, qui ne s’en doute pas. […] Shakespeare, au fond, a procédé de même ; à la peinture extérieure des émotions il mêle des mots, des traits, des couplets qui nous font pénétrer au-delà du trouble grossier et confus des sens, qui organisent ce désordre, nous le débrouillent et nous font comprendre le jeu régulier de ces ressorts que le hasard seul semblait d’abord mettre en branle.

1385. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Des amans vont se fouetter & se mettre tout en sang sous les fenêtres de leurs maîtresses. […] Il fut obligé de mettre bon (**) au lieu de pervers, faisant entendre qu’on peut tourner à profit les disciplines. […] On est étonné que l’abbé Boileau, qu’un homme de son état & d’un genre de vie sévère, ait osé les mettre sous les yeux du lecteur.

1386. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

C’est qu’il a trouvé dans la religion une solitude ; c’est que son corps était dans le monde, et son esprit au désert ; c’est qu’il avait mis son cœur à l’abri dans les tabernacles sacrés du Seigneur ; c’est comme il a dit lui-même de Marie-Thérèse d’Autriche, « qu’on le voyait courir aux autels pour y goûter avec David un humble repos, et s’enfoncer dans son oratoire, où, malgré le tumulte de la Cour, il trouvait le Carmel d’Élie, le désert de Jean, et la montagne si souvent témoin des gémissements de Jésus. » Les Oraisons funèbres de Bossuet ne sont pas d’un égal mérite, mais toutes sont sublimes par quelque côté. […] » Viennent des réflexions sur l’illusion des amitiés de la terre, qui « s’en vont avec les années et les intérêts », et sur l’obscurité du cœur de l’homme, « qui ne sait jamais ce qu’il voudra, qui souvent ne sait pas bien ce qu’il veut, et qui n’est pas moins caché ni moins trompeur à lui-même qu’aux autres197. » Mais la trompette sonne, et Gustave paraît : « Il paraît à la Pologne surprise et trahie, comme un lion qui tient sa proie dans ses ongles, tout prêt à la mettre en pièces. […] Il expire en disant ces mots, et il continue avec les anges le sacré cantique. » Nous avions cru pendant quelque temps que l’oraison funèbre du prince de Condé, à l’exception du mouvement qui la termine, était généralement trop louée ; nous pensions qu’il était plus aisé, comme il l’est en effet, d’arriver aux formes d’éloquence du commencement de cet éloge, qu’à celles de l’oraison de madame Henriette : mais quand nous avons lu ce discours avec attention ; quand nous avons vu l’orateur emboucher la trompette épique pendant une moitié de son récit, et donner, comme en se jouant, un chant d’Homère ; quand, se retirant à Chantilly avec Achille en repos, il rentre dans le ton évangélique, et retrouve les grandes pensées, les vues chrétiennes qui remplissent les premières oraisons funèbres ; lorsqu’après avoir mis Condé au cercueil, il appelle les peuples, les princes, les prélats, les guerriers au catafalque du héros ; lorsque, enfin, s’avançant lui-même avec ses cheveux blancs, il fait entendre les accents du cygne, montre Bossuet un pied dans la tombe et le siècle de Louis, dont il a l’air de faire les funérailles, prêt à s’abîmer dans l’éternité, à ce dernier effort de l’éloquence humaine, les larmes de l’admiration ont coulé de nos yeux, et le livre est tombé de nos mains.

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