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578. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Mais, qu’il me permette de le lui demander, ces résultats sont-ils ce qu’il attendait, lui, quand, plus jeune et moins savant, il avait l’imagination saisie par un livre dont ridée était pour sa pensée tout à la fois un rêve et une caresse ? […] Il n’y a, au fond, dans toute cette histoire, reprise en sous-œuvre par du Méril, que la vieille histoire connue, qui peut s’écrire en quelques mots et qu’il a mise en cinq cents pages, — si brillantes de talent, du reste, qu’il semble ne pas avoir bavardé, — de la comédie, sortant partout de la danse, sa plus profonde racine ; dérivant, en peu de temps, du langage mimique au langage religieux et processionnel ; s’imprégnant plus tard de politique dans des sociétés fortement politiques comme les sociétés grecques, et vivant ainsi jusqu’au moment où l’imagination reconquiert ses droits et crée une autre comédie, la comédie désintéressée de tout ce qui n’est pas l’observation de la nature humaine… Et, vous le voyez ! […] J’ai dit ce que je pensais de ses résumés historiques dont le groupement rappelle la vaste manière de Macaulay, de ses jugements, à grands coups de scalpel à fond, sur ces immenses et ruminantes pécores orientales (la Chine et l’Inde) qui n’ont ni rire ni comédie, quoiqu’elles aient des spectacles ; mais je n’ai pas dit comme je le sais la force d’imagination et d’observation équilibrées qui distingue cette encyclopédie de facultés qu’on appelle Édelestand du Méril, car peut-être ne me croirait-on pas. […] Mais que sont les nerfs de cette imagination platonicienne, de cette intelligence qui la fait ordinairement si bien servir par ses organes ?

579. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Telle est la moralité, inattendue, involontaire peut-être, mais certaine, qui sortira de ce livre, cruel et osé, dont l’idée a saisi l’imagination d’un artiste. […] Elle n’a pas le merveilleux épique qui enlève si haut l’imagination et calme ses terreurs dans la sérénité dont les génies tout à fait exceptionnels savent revêtir leurs œuvres les plus passionnées. […] Malgré la chétivité de ces rêves produits par l’opium ou le haschisch, et qui ne révèlent à l’homme que l’homme, c’est-à-dire ce qu’il sait trop déjà, l’auteur des Paradis a des passages qui emporteront les imaginations rêveuses, lesquelles chevauchent l’expression comme un hippogriffe ! […] Prenez les diverses spécialités de sujets que Baudelaire admet à ses expériences, le récit « du littérateur », où vous trouvez, par exemple, des caricatures et des contorsions d’imagination comme celles-ci : « Vous vous sentirez vous évaporant, et vous attribuerez à votre pipe (dans laquelle vous vous sentez accroupi et ramassé comme le tabac), l’étrange faculté de vous fumer  » ; prenez le récit de La Dame un peu mûre, et dites si tout cela n’est pas d’un comique dont le haschisch n’est que l’occasion, et d’un comique d’autant plus piquant qu’il est… hypocrite.

580. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Je sais bien qu’il est difficile de déterminer avec justesse là où l’analogie d’imagination finit dans un homme et où l’imitation commence. […] Il ressemble à Villon (par le tour d’imagination) autant qu’il l’imite. […] Jésus-Christ », les gueux ne pouvaient pas ne point tenter l’imagination de ceux-là qui savent où se trouve la Poésie dans les choses humaines. […] Mais son danger est peut-être d’incliner les imaginations qui l’admirent vers une impiété absolue et définitive.

581. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Cette pièce serait encore plus admirable, si ses grands effets étaient produits sans le secours du merveilleux ; mais ce merveilleux n’est, pour ainsi dire, que les fantômes de l’imagination, qu’on fait apparaître aux regards du spectateur. […] Celui qui souffre, celui qui meurt en produisant un grand effet quelconque de terreur ou de pitié, échappe à ce qu’il éprouve pour observer ce qu’il inspire ; mais ce qui est énergique dans le talent du poète ; ce qui suppose même un caractère à l’égal du talent, c’est d’avoir conçu la douleur pesant tout entière sur la victime : et tandis que l’homme a besoin d’appuyer sur ceux qui l’entourent jusqu’au sentiment même de sa prospérité, l’énergique et sombre imagination des Anglais nous représente l’infortuné séparé par ses revers, comme par une contagion funeste, de tous les regards, de tous les souvenirs, de tous les amis. […] Enfin les caractères tragiques seront-ils tirés des souvenirs, ou de l’imagination, de la vie humaine, ou du beau idéal ?

582. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Le rapprochement encore nouveau des esprits divisés pendant quarante années par les guerres civiles, semblait solliciter l’épanchement d’affections longtemps contenues ; le progrès des richesses que les discordes intestines n’avaient point empêché10, le progrès des lumières, les changements des esprits, des imaginations, des âmes tout entières, changements inséparables de toute révolution, donnaient une vive curiosité de se considérer sous de nouveaux aspects, inspiraient le pressentiment d’un nouveau genre de communications, de nouveaux points de contact, d’un développement inconnu de cet instinct social qui semble appartenir au Français plus qu’à toute autre nation. […] Dans ces sociétés animées par la conversation des femmes, tous les intérêts se placent par la parole entre toutes les frivolités ; la raison la plus solide, l’imagination la plus active y apportent leurs tributs ; les aines les plus sensibles y versent leurs effusions ; les esprits les plus affinés y apportent leurs délicatesses : là, tous les sujets se prêtent aux conditions que la conversation impose ; les matières les plus abstraites s’y présentent sous des formes sensibles et animées, les plus compliquées avec simplicité, les plus graves et les plus sérieuses avec une certaine familiarité, les plus sèches et les plus froides avec aménité et douceur, les plus épineuses avec dextérité et finesse, toutes réduites à la plus simple expression, toutes riches de substance et surtout nettes de pédanterie et de doctrine. […] La pipe, le cigare, la bière, le thé, le vin, mêlent leur excitation et leurs fumées au faible mouvement des esprits et des imaginations.

583. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Cette idée, qui est celle de tous ceux qui ont aspiré à la plus grande gloire qu’il y ait parmi les hommes, depuis Fernand Cortès jusqu’à Raousset, depuis Christophe Colomb jusqu’à Lapérouse, — car découvrir des mondes, c’est toujours les prendre à quelqu’un, — cette idée que Raousset manqua, mais qui lui eût donné taille d’histoire s’il l’avait réussie, ne lui vint point comme ces bouffées d’ambition qui passent dans la tête des aventuriers et y portent parfois l’éclair… Le comte Gaston est un singulier mélange de justesse d’esprit et d’audace, d’imagination et de bon sens, de positivisme et de grandiose. […] C’est plus un portefeuille ouvert, des documents très intéressants, souvent très pathétiques, répandus dans des pages aisées et volantes, que l’histoire du comte de Raousset comme l’imagination l’exige. Pour bien raconter cette brûlante existence, si vite foudroyée, il semble qu’on aurait besoin du sentiment du poète qui a écrit les poèmes les plus chers à l’imagination contemporaine.

584. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Le livre célèbre que voici, ce livre de Manon Lescaut 31, exalté, exulté, adoré ; ce livre qui a pris et enlevé — sans avoir rien de La force d’un tourbillon — les imaginations et les cœurs, est un de ces livres à destinée que la Critique n’a pas encore expliqué. […] Tout le temps même que dura la fière épopée de l’Empire, les romans, cette nécessité de l’imagination humaine au sein des plus terribles et des plus magnifiques réalités, avaient un autre accent que celui de ce prestolet d’abbé Prévost. […] Il fallut le dévergondage de l’imagination romantique pour voir dans ce livre — que je ne crains point d’appeler une pauvreté littéraire — des beautés qui n’y étaient pas… Assurément moins corrompus qu’au temps peint par l’abbé Prévost dans son livre et le redoutable Laclos dans le sien, par la raison que nous avions traversé le sang de deux époques sanglantes et que le sang, n’importe comme il soit versé, purifie toujours, nous n’en avions pas moins, péché originel ineffaçable !

585. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

En général, les romans écrits particulièrement par les femmes sont beaucoup plus faits par la mémoire qui se souvient que par l’imagination qui invente. […] D’organisation et d’habitude, elle a peut-être gardé d’un passé qu’on ignore je ne sais quelle pente vers les choses qui préoccupent et dominent la pensée et l’imagination de son temps ; peut-être même que sans l’amour, avec toutes les notions fausses qui circulent présentement autour de nos têtes, dans ce misérable siècle égaré, elle aurait incliné, elle aussi, vers le bas-bleuisme universel. […] Tête faible et presque égarée, esprit flottant, conscience dévorée de scrupules, — cette vermine des âmes imbéciles, religion sans racines, — Virgile d’Oult, l’homme adoré, eut, je l’ai dit, le dessein de se faire prêtre, dans un caprice d’imagination pusillanime et mystique, et, si cela pouvait être terrible pour Réa, cela pouvait être du moins grand pour l’homme qu’elle aimait s’il eût persisté stoïquement dans sa résolution.

586. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Il avait ses deux yeux et même on pouvait les trouver beaux, quoiqu’ils fussent moins beaux que sévères, et que l’imagination — cette faculté — il faut le rappeler à M.  […] Mais Madame Bovary est un roman de mœurs, et de mœurs actuelles, et, bien que le sentiment s’y montre horriblement abaissé sous les corruptions qui envahissent une âme faible et qui finissent par la putréfier, c’est du cœur d’une femme qu’il y est question, et l’imagination s’attend à autre chose qu’à une main de chirurgien, impassible et hardie, qui rappelle celle de Dupuytren, fouillant le cœur de son Polonais, quand il lui eut rejeté la tablette de la poitrine sur la figure, dans la plus étonnante de ses opérations… M.  […] Tel est le défaut radical d’un ouvrage qui se recommande par des qualités d’une grande force, mais que la critique devait signaler tout d’abord, avant tout détail et toute analyse, parce que ce défaut affecte l’ensemble et le fond du livre même, — parce que cette indigence de sensibilité, d’imagination, et je dirai plus, de sens moral et poétique, se retrouve à toute page et frappe l’œuvre entière de M. 

587. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Les émotions sont contraires à la gestation de l’imagination. […] C’est partout la même imagination débridée, désordonnée, avide de l’inconnu et de l’extraordinaire, du barbare et du monstrueux. […] Littéralement, on peut dire qu’il séquestrait auprès de lui son imagination tant il la sentait indisciplinée et indisciplinable. […] L’un a sa cause dans la sensibilité et dans l’imagination ; l’autre procède de la raison et de l’intelligence. […] Quelques-unes ne manquent pas de valeur assurément, et portent même l’empreinte d’imaginations assez curieuses.

588. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

L’éclat, toujours l’éclat, en bas comme en haut ; il n’y peut renoncer, étant poète oriental et grand homme d’imagination. […] Notre imagination est toujours surveillée par notre esprit. […] Flaubert emporté par son imagination : il s’est répandu naturellement, il a débordé avec la naïveté du Nil. […] un soir de rêverie, la préférée de votre imagination. […] monsieur le ministre, de quoi nourrit-on présentement l’imagination populaire ?

589. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

L’homme qui a cette disposition voit dans le monde beaucoup plus de sujets de jalousie qu’il n’en existe réellement ; et pour se croire à la fois heureux et supérieur, il faudrait juger de son sort par l’envie que l’on inspire : c’est un mobile dont l’objet est une souffrance, et qui n’exerce l’imagination, cette faculté inséparable de la passion, que sur une idée pénible. […] Il est certain d’abord qu’on soutient difficilement l’idée de savoir heureux l’objet qui vous a plongé dans le désespoir ; ce tableau vous poursuit, comme, par un mouvement contraire, l’imagination de la pitié offre la peinture des douleurs qu’elle excite à soulager.

590. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

En déclarant que nul poète ne lui est supérieur par l’imagination ni par l’expression. […] Le poète de la Légende a souvent enchanté nos imaginations ; il a peu agi sur notre pensée, ayant peu pensé lui-même.

591. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Sully Prudhomme me semble avoir apporté à l’expression de l’amour le même renouvellement qu’à celle des autres sentiments poétiques… Son imagination est d’ailleurs des plus belles, et sous ses formes brèves, des plus puissantes qu’on ait vues. […] Cette philosophie amère, faite de science exacte, d’aspirations brisées, de résignation, de foi douloureuse à la vertu du sacrifice, s’est comme transposée dans son imagination de poète.

592. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 124-134

En exigeant des vers renforcés de pensées ; en préférant, dans les vers, les pensées à tout autre mérite, n’est-ce pas en bannir ce qui en fait l’agrément & la vie, l’imagination ? […] Pithagore, Séneque, Mallebranche, aussi heureusement pourvus des dons de l’imagination, que de la pénétration philosophique, n’ont fait goûter leurs systêmes, leurs maximes, leurs raisonnemens, qu’en les assaisonnant des graces que la Poésie pouvoit leur prêter.

593. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de l’édition originale »

C’est là une des imaginations les plus folles où l’on se puisse aventurer. […] Il résulte de tout cela que l’Orient, soit comme image, soit comme pensée, est devenu, pour les intelligences autant que pour les imaginations, une sorte de préoccupation générale à laquelle l’auteur de ce livre a obéi peut-être à son insu.

594. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

On peut douter que l’auteur de La Henriade ait eu autant de génie que Racine ; mais il avait peut-être un esprit plus varié et une imagination plus flexible. […] Tandis que son imagination vous ravit, il fait luire une fausse raison qui détruit le merveilleux, rapetisse l’âme et borne la vue.

595. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Nous ne pourrons guérir notre démence qu’en nous mettant l’imagination à la diète. […] L’imagination de Loti a toujours eu de quoi s’alimenter et de quoi renaître. […] Elle a gâté les Imaginations sans perfectionner les œuvres. […] Quand on ouvre libre carrière à l’imagination, il est rare qu’elle s’impose des limites. […] Le don de créer n’est-il qu’une évocation, et l’imagination seulement de la mémoire ?

596. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Tout est du ressort de l’imagination & du sentiment ; même les choses qui en semblent le plus éloignées. […] Comme la lecture des grands dévouemens échauffe l’imagination ! […] En coûtera-t-il plus à mon imagination de franchir l’espace de trois jours que l’espace de quinze heures ? […] Les mots frappent plus l’imagination que le feroit la chose même. […] Son imagination juste & vraie dans son vôl immense embrasse tous les âges & saisit les hommes de tous les lieux.

597. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Il y a dans Faust des pages d’une imagination sombre et révoltée qui sont sublimes. […] Les trésors de son imagination s’y déployaient avec abondance et ruissellement. […] Notre race est idéaliste, foncièrement, et beaucoup plus qu’elle ne le croit, parce qu’elle a de l’imagination, et beaucoup plus d’imagination aussi qu’elle ne le croit et qu’on ne le croit. […] L’intelligence du romancier c’est encore l’imagination. L’imagination n’est pas une rêverie.

598. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Peut-être l’imagination seule opére-t-elle ce prestige, l’imagination qui sait tout embellir, la douleur qu’elle adoucit, comme le plaisir qu’elle relève…. » Doué de la sorte et sentant comme il sentait, il était impossible qu’il contînt sa chanson aux simples sujets d’amour ou de table et à la camaraderie de collége ; les intérêts de gloire, de patrie, les événements publics, devaient y retentir aussi, et, en un mot, lui qui chantait depuis 1812, devait naturellement, inévitablement, entrevoir et pressentir dans ses refrains les mêmes horizons que découvrait vers le même temps Béranger. […] Un grand talent littéraire recommande l’ensemble de l’ouvrage ; l’Introduction, les Essais I et XI, sont des morceaux d’un travail achevé et où l’on peut admirer ce mélange de l’abstraction et de l’imagination dans le style, originalité singulière de M. de Rémusat. […] Facile de talent, difficile de goût, il se disait que, pour les œuvres d’imagination, il ne faut produire que de l’excellent. […] Il fut sévère ; entre ses amis, il alla consulter et il écouta le plus sévère, le seul rigoureux peut-être ; il sacrifia l’œuvre de l’imagination. […] Mais M. de Serre sérieux, imagination, éloquence, il avait tout ; il y joignait seulement la faculté de se faire des illusions.

599. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

On sait de tout temps l’effet du costume militaire et des récits de guerre sur l’imagination féminine44 ; un soldat qui vient de faire campagne est plus écouté qu’un écolier débarqué le matin de Poitiers. […] L’intérêt dans la comédie devait naître désormais de cette variété infinie du cœur humain, lequel contient plus de coups de théâtre que n’en peut créer l’imagination du dramaturge le plus fécond. […] Aucun poète, dans notre pays, n’a eu plus d’imagination, de sensibilité et de raison, ni dans une harmonie plus parfaite. Chez les autres, l’une ou l’autre de ces facultés a dominé, et tel s’est attiré des critiques pour s’être laissé trop aller à la tendresse, tel autre parce que la raison y paraît trop en forme ou que l’imagination n’y est pas assez réglée. […] L’imagination ne se fatigue pas d’originaux qui se renouvellent sans cesse autour de nous, qui sont nous-mêmes.

600. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Un énoncé de faits, une métaphore, un récit d’imaginations se prêtent parfaitement à être conçus en termes précis, colorés et rhythmés. […] Le souci du vrai et la réussite à le rendre que montrent la psychologie et les descriptions réalistes de Flaubert, le suivent dans ses œuvres d’imagination. […] Avant de laisser enfanter son imagination, de prêter à sa puissance verbale de beaux thèmes à phrases magnifiques, Flaubert avait rempli sa mémoire de l’infinité de faits que réclamait son style particulier, disconnexe et concis, et que son réalisme le poussait à rechercher aussi véridiques que peuvent les fournir les livres. […] Cet art réaliste étayé de faits et d’où l’imagination est presqu’exclue, atteint, par là, selon le vœu d’une de ses lettres « à la majeste de la loi et à la précision de la science ». […] Quand Flaubert dit à la première phrase de Madame Bovary : « Nous étions à l’étude quand le proviseur entra suivi d’un nouveau, habillé en bourgeois, et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre, … » il dit simplement, en le moins de mots nécessaires, et en des mots simplement justes, un fait dont son imagination contenait l’image.

601. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

— Nous n’en savons rien ; tout ce que nous pouvons dire, c’est que notre expérience et notre imagination ne découvrent dans cette construction rien d’impossible. […] Mais, si nous supposons la distance égale à la ligne qui joint une étoile fixe à la terre, en même temps que l’inclinaison réduite à un cent-millionième de seconde, nos yeux ne nous renseignent plus, notre imagination défaille, nous sommes troublés. […] Non seulement l’expérience faite avec les yeux ou avec l’imagination n’est qu’un indice, mais de plus cet indice, en certains cas, peut manquer ; tout à l’heure, ni avec l’œil externe, ni avec l’œil interne, je ne pouvais suivre le prolongement des deux parallèles au-delà d’une certaine distance ; pareillement, on peut citer telle figure, le myriagone régulier, que je n’ai jamais vue tracée, que par l’imagination je ne puis tracer, et sur laquelle pourtant je puis porter avec clarté des jugements certains. […] Car les témoignages de l’œil et de l’imagination devancent et confirment les conclusions de l’analyse ; nous sommes conduits à l’axiome par une suggestion préalable, et nous y sommes maintenus par une vérification ultérieure. […] On peut se représenter les deux perpendiculaires sur une droite par l’imagination, et on peut les concevoir aussi par la raison.

602. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

L’imagination de Shakspeare ne peut être guidée par la raison de Racine, et la raison de Racine ne peut être exaltée par l’imagination de Shakspeare ; chacune est bien en soi et exclut sa rivale : c’est faire un bâtard, un malade et un monstre, que de les mêler. […] Encore les libretti d’opéra n’ont-ils pas de disparates ; ils évitent tout ce qui pourrait choquer l’imagination ou les yeux ; ils sont faits pour des gens de goût qui fuient toute laideur et toute lourdeur. […] Tout à l’heure la grossièreté licencieuse de la Restauration perçait à travers le masque des beaux sentiments dont elle se couvrait ; maintenant la rude imagination anglaise a crevé le moule oratoire où elle tâchait de s’enfermer. […] On devine quel air les dissertations classiques ont dans ce pêle-mêle ; la solide raison rabat coup sur coup l’imagination sur le pavé. […] Ils quittent l’âge de l’imagination et de l’invention solitaire, qui convient à leur race, pour l’âge de la raison et de la conversation mondaine, qui ne convient pas à leur race ; ils perdent leurs mérites propres et n’acquièrent pas les mérites de leurs voisins.

603. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Merveilleuse puissance de l’émotion vécue, ou sinon vécue, recréée par une imagination sympathique correspondante ! […] Paul Bourget : « L’écrivain Dorsenne n’avait pas beaucoup de cœur… » — « Qu’importe, s’il avait de l’imagination !  […] Comment l’imagination n’eût-elle pas recomposé un poème d’amour sur ce thème initial ! […] Malheur à celui qui ne se sent pas, à certaines heures, entraîné par une force supérieure à la raison, qui se flatte de pouvoir constamment tenir en main ces rênes intérieures qui gouvernent l’imagination ! […] Des imaginations bizarres, coupables peut-être, lui venaient.

604. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

L’imagination philosophique a manié les idées et les hypothèses, comme l’imagination mythologique maniait les légendes et les dieux. […] Elle n’est point l’œuvre de l’imagination surexcitée, mais de la raison lucide. […] Tachons de nous représenter ce monde si éloigné et dont les débris] sont presque tous perdus ; il n’y en a pas de plus différent du nôtre, ni qui exige un si grand effort d’imagination pour être compris ; mais il est le moule primitif et persistant d’où le monde grec est sorti. […] Mais aux deux époques la tradition et la légende occupaient et dirigeaient en souveraines l’imagination et la conduite. […] Parmi les nudités de l’imagination enfantine qui exprimait naïvement et bizarrement sa naissance, son nom qui signifie le Sol fertile, le nom de ses filles qui sont l’Air clair, la Rosée et la grande Rosée, laissent percer l’idée de la Terre sèche, fécondée par l’humidité nocturne.

605. (1890) Nouvelles questions de critique

C’est à ce point de vue que Buffon se place, et ce n’est pas le moindre effet de sa singulière ampleur d’imagination. […] De même encore, pour peu que l’on veuille réfléchir sur la nature de l’imagination, — dont on sait l’importance et le rôle dans l’histoire du développement du romantisme, — on verra facilement qu’en rendant la bride, pour ainsi dire, à l’expression du sentiment personnel, c’est à l’imagination qu’on la rend, et réciproquement. […] L’imagination, livrée à elle-même, a quelque chose de trop mobile, ou, pour mieux dire, de trop fantasque. […] L’imagination romantique ne se sent, ne se meut, ne se déploie à l’aise que dans l’énorme, dans l’extraordinaire, quelquefois dans l’ignoble. […] L’imagination de Victor Hugo, comme celle de son Eschyle, est « énorme » et « cyclopéenne », je dirai même préhistorique.

606. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

La faculté inventive et créatrice, qui appartient à l’imagination proprement dite, en est atteinte. […] Mais ce n’est point une doctrine suivie et un trop exact raisonnement qu’on doit chercher dans la familiarité du vieux poète : ce sont des sentiments, un souffle moral élevé, des éclats d’imagination antique et jeune à la fois, de grandes paroles ; et elles ne font faute jusqu’à la fin sous sa plume et sur ses lèvres ; elles abondent de plus en plus avec les années, comme les flocons de neige dont parle Homère et auxquels il compare les paroles tombantes de Nestor. […] Elles produisent sur moi l’effet de cet idiome grec, dont les sons charmaient le malheureux Philoctète dans son désert. » Son âme, son imagination étaient montées dans le tous-les-jours à un très haut ton ; ses lettres, sa conversation étaient d’un pittoresque inépuisable : il y versait son âme en images continuelles ; il poétisait tout à coup : « L’air de ce globe n’est pas bon ; ce soleil-ci n’est pas le véritable, je m’attends à mieux. » Quelquefois un peu de singularité, un geste grandiose qui faisait sourire, quand lui-même il était en robe de chambre et en bonnet de coton : « J’habite dans la lune, je crache sur la terre. » « Je rêve en ermite et en pauvre ermite, mes pieds appuyés sur mes vieux chenets du temps du roi Dagobert et du bon évêque saint Éloi. » Puis à côté de ces airs antiques, le plus souvent des nuances toutes fraîches et charmantes. […] Il y volait dans l’air d’heureux hémistiches, qu’il attrapait, disait-il, comme des mouches : « J’ai encore dans la tête des formes, des couleurs, des idées poétiques, originales, bizarres, flottantes, qui sont comme les rats de mon grenier, et les grains qui nous nourrissent. » « J’ai beaucoup d’idées assez singulières qui me roulent dans la tête et qui ne laissent pas que d’occuper encore mon cœur et mon imagination… Qu’on m’ôte la liberté et la joie de mon cœur, et l’on a coupé sur ma tête le cheveu fatal, et je suis un pauvre homme qui se meurt. » Ainsi parlait à toute heure ce beau vieillard reverdissant. […] Quand il parle, sa figure s’anime, et il peint par son geste tout ce que lui représente son imagination… Il est toujours animé de l’enthousiasme qui caractérise les vrais poètes, et la sensibilité la plus vive et la plus aimable règne dans tout ce qu’il dit.

607. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Cependant son imagination commençait à se rembrunir. […] « Son imagination travaille tellement, disait Horace, qu’il lui vient là des oignons comme on en a aux pieds à force de marcher : le changement de temps lui fait mal. » Nul plus qu’Horace cependant ne jouissait des succès de ce gendre distingué et de l’espèce de triomphe qui couronna sa seconde manière, dans ce bel Hémicycle des Beaux-Arts. […] vous avez bien des années de moins que moi, vous êtes dans la force de l’âge ; les succès vous abondent ; l’air qui nourrit l’imagination n’est pas dans un fromage, au fond d’une cave : c’est à ciel ouvert, et parmi les hommes, qu’on respire. […] Fortifie toi sans doute, orne toi, s’il se peut, des dons qui te manquent ; aspire à toute l’imagination que tu n’as pas ; acquiers, acquiers ; fais-toi des seconds ciels, des ciels d’Homère ou des ciels de Dante, des lueurs étranges à l’horizon, des visions et des visées plus hautes, des profondeurs en tout sens : si tu peux y atteindre, tant mieux ! […] Horace Vernet avait l’imagination vive ; il pouvait s’exagérer certains dangers, se méprendre même en les articulant.

608. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Bonaparte a gâté le jugement public par son exemple, et les imaginations ne sont pas guéries encore des impressions contagieuses et des ébranlements qu’il leur a laissés. […] Napoléon disparu et ce qui résultait immédiatement de son action politique étant à peu près apaisé, son exemple a passé dans le domaine de l’imagination, de la poésie, et y a fait école et contre-coup. […] A la contemplation de ces scènes voisines et déjà fabuleuses qui se confondaient avec nos premiers rêves du berceau, l’imagination s’est enrichie de couleurs encore inconnues ; d’immenses horizons se sont ouverts de toutes parts à de jeunes audaces pleines d’essor ; en éclat, en puissance prodigue et gigantesque, la langue et ses peintures et ses harmonies, jusque-là timides, ont débordé. […] Il y a donc eu, et il y a en ce moment abus dans l’ordre de la parole et de l’imagination, comme auparavant dans l’ordre civil et politique. […] En parlant de Mirabeau, il était difficile qu’une imagination amante des gloires sombres et fortes, qui s’était attaquée déjà à Cromwell, à Richelieu, à Charles-Quint, à Louis XI, à Napoléon, ne se prît pas au côté purement et simplement grand, et n’y sacrifiât point les considérations autres qui tempèrent et corrigent, qui agrandissent les fonds du tableau, mais diminuent la hauteur de la principale figure.

609. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

A voir la fatale et croissante préoccupation qu’inspirent aux survenants ces figures gigantesques, trop souvent salies de boue ou livides de sang en même temps qu’éclairées du tonnerre, à voir la logique intrépide des doctrines qui s’y rattachent et qui servent tout aussitôt d’occasion ou de prétexte à des craintes et à des répressions contraires, on peut juger que le mal, les moyens violents, iniques, inhumains, même en supposant qu’ils aient durant le moment de crise une apparence d’utilité immédiate, laissent ensuite, ne fût-ce que sur les imaginations frappées des neveux, de longues traces funestes, contagieuses, soit en des imitations théoriques exagérées, soit en des craintes étroites et pusillanimes. […] Comme on conçoit, en lisant les descriptions subtiles et les périodes cicéroniennes de celui qui n’osait flétrir ni Clodius ni Catilina, comme on conçoit l’indignation de Mme Roland pour ces palliatifs, pour cette douceur de langage en présence de ce qu’elle appelait crime, pour les prétentions conciliatrices de cette souple intelligence toute au service d’une imagination vibratile ! […] Mme Roland, dans une autre lettre à part (28 octobre), y revient en tâchant de calmer et de ramener au vrai l’imagination de son ami. […] Mlle Phlipon se fit donc un caractère plus mâle et plus simple ; elle eut de bonne heure l’habitude de réprimer sa sensibilité, son imagination, de s’arrêter à des principes raisonnés, et d’y ranger sa conduite. […] — adieu, cabinets paisibles où j’ai nourri mon esprit de la vérité, captivé mon imagination par l’étude, et appris, dans le silence de la méditation, à commander à mes sens et à mépriser la vanité. » On a voulu, dans ces derniers temps, faire de Mme Roland un type pour les femmes futures, une femme forte, républicaine, inspiratrice de l’époux, égale ou supérieure à lui, remplaçant par une noble et clairvoyante audace la timidité chrétienne, disait-on, et la soumission virginale.

610. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Jamais ces deux prestiges mêlés ne composèrent un tel breuvage pour des imaginations malades. […] On pourrait appliquer la poésie chrétienne aux plus sublimes définitions de Dieu, aux plus hautes vérités morales dont le christianisme est la sanction et la source, parce que tout le monde y croit ; mais on ne pouvait avec bonne foi raconter sur l’enfer ou sur le paradis les histoires imaginaires de Dante ou du Tasse que tout homme doué de quelque imagination pouvait inventer comme eux. Or, comme l’enfer et le paradis sont essentiellement compris, comme les deux pôles du monde extérieur, dans le poëme épique dont l’universalité est le caractère, le poëme épique fut anéanti ; on ne put remplacer les merveilles réelles que par les chimères que l’homme de talent chercha à faire croire aux peuples, c’est-à-dire le merveilleux de Dieu par le merveilleux des hommes, et ce merveilleux de caprice n’était plus que merveilleux de fantaisie ; il n’avait plus de sanction que la poésie de l’imagination et plus de vérité que la vraisemblance. […] On eut des victoires au lieu de droit, et des cérémonies au lieu de culte : le Génie du Christianisme y joignit le prestige de l’imagination et entraîna tout. […] C’était un homme de magnanime témérité, armé d’une assez puissante imagination pour se faire illusion à soi-même.

611. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

A côté d’elle, Néron, une âme mauvaise, égoïste, vaniteuse, lâche, en qui l’amour est une fureur sensuelle, un transport de l’imagination, sans tendresse, sans estime, sans pitié : il va à son premier crime, poussé par son instinct, fouetté par la jalousie, retenu par ses peurs, peur de sa mère, peur de son gouverneur, peur des mille voix du peuple, enlevé enfin par l’aigreur de sa vanité, sans étonnement après le crime, et d’une belle impudence, mais affolé soudain d’une peur toute physique, dans la détente de ses nerfs après l’action, et déprimé de voir la femme pour qui il avait fait le coup, lui échapper. […] Mais j’ai dit aussi qu’il y a des vers, des couplets de poète dans Racine ; la traduction serrée de l’idée que commande la psychologie dramatique, s’achève sans cesse en images, en tableaux qui la dépassent infiniment, et qui ouvrent soudain de larges échappées à l’imagination. […] Mais à chaque sujet il s’efforce de garder son caractère, de faire revivre en son imagination les âges lointains, les civilisations disparues. […] Ses modèles et ses auteurs parlaient à son imagination. […] Ariane, ma sœur, etc… La fille de Minos et de Pasiphaé… Moi-même, il m’enferma dans des cavernes sombres, Lieux profonds, et voisins de l’empire des ombres… Et tant d’autres vers, qui font que la tragédie s’élargit avec l’imagination du public, et devient apte à recevoir toutes les impressions que notre éducation archéologique et esthétique nous fait rechercher dans la représentation de l’antiquité.

612. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Cousin, qui a de l’imagination et de la fantaisie dans l’esprit, à sa manière, s’est épris d’un amour intellectuel pour la figure historique de Mme de Longueville ; et si nous mettons de côté, par hypothèse, l’homme philosophique, ses préoccupations et presque ses devoirs, cet amour se conçoit fort bien au point de vue poétique et peut avoir son intérêt aux yeux de ceux qui aiment dans l’histoire moins ce qui s’y trouve que ce qui n’y est plus. N’y a-t-il pas, en effet, pour certaines imaginations, un attrait secret et irrésistible à suivre les traces, disparues dans les brumes, d’une renommée qui eut, un moment, sa splendeur ? […] Mme de Longueville n’avait laissé d’elle qu’une médaille, burinée par la main de ce fin et profond ciseleur, le cardinal de Retz, et cela suffisait à l’exigence des imaginations et à la justice même de la Gloire. […] Si donc on veut de cette femme un ensemble, si on la tire du demi-jour des mémoires et du profil fuyant qu’elle y découpe, c’est apparemment dans un intérêt, sinon d’histoire, au moins d’imagination et de nature humaine ; c’est pour lui faire tomber la lumière d’aplomb et de face sur la tête et sur le visage, et il faut alors que le peintre crée, par sa peinture, l’intérêt que son modèle n’a pas ! […] Cousin, la duchesse de Longueville reste ce qu’on l’a toujours vue dans sa pénombre historique — et moins ce qui fait rêver, moins le mystère, moins la ligne mi-brisée d’un buste qui paraît plus beau à l’imagination charmée, parce qu’on n’en saisit pas nettement tous les contours !

613. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

C’est que, bons ou mauvais, ils ont une vertu romanesque indéniable : une tête empanachée ; le droit d’avoir des rêves comme le commun des hommes et, plus que d’autres, le pouvoir de les suivre ; une cour où l’imagination peut impunément loger l’invraisemblable, réunir toutes les beautés à toutes les perfidies, tous les caprices, tous les crimes, tous les luxes, toutes les grandiloquences et toutes les idées même, sans que la conscience du lecteur, enfantine à jamais devant l’image d’un roi, s’en émeuve et proteste. […] La réaction contre cet emploi excessif des personnages titrés, dans les œuvres d’imagination, devait venir. […] On ne sacrifie pas, pour un entraînement d’imagination, sa jeunesse, sa beauté, sa joie et sa vie ; on ne s’enferme pas dans un couvent avec les rebuts de la rue ; on ne vit pas quarante ans chaste, pauvre, sans autre volonté que celle d’obéir, parce qu’on a le goût du blanc, des fleurs artificielles et du silence, parce qu’on aime à respirer l’odeur d’un grain d’encens. […] Il y a bien longtemps que vous la connaissez, que vous avez observé le fond d’envie de cette nature molle et d’imagination égoïste, sa perpétuelle et lointaine tentation d’échapper au devoir commun, d’être délivrée des soucis de sa vie de paysanne, obligée de soigner l’homme, les enfants et les bêtes. […] Et cela montre qu’il n’y a pas de réalisme absolu ; qu’il n’y a pas, dans le roman, de portrait entièrement vrai ; que les œuvres de cet ordre restent, pour une large part, des œuvres d’imagination.

614. (1930) Le roman français pp. 1-197

Il arrive à condamner, non seulement l’aventure, mais l’imagination. […] Sécheresse relative de l’imagination. […] Mais surtout, ce qui devient rare, il a de l’imagination. Particulièrement l’imagination scientifique. […] À y regarder de près, peut-être la documentation l’emporte-t-elle sur l’imagination.

615. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Shakespeare ne met pas un mauvais sujet sur la scène, sans l’enrichir généreusement de toutes les grâces de l’imagination poétique, de la raison solide et de l’esprit. […] Il pouvait, en donnant à son drôle une imagination riche et une intelligence supérieure, l’affranchir de ses passions basses par le baptême de l’esprit, et élever sa personne à une hauteur infinie au-dessus du rôle injuste et faux joué par sa scélératesse. […] Il rêve, il rime, et son imagination habite la lune et les étoiles. […] L’imagination se représente objectivement les lois divines et les puissances de l’âme comme formant le cercle des divinités supérieures. […] Mais ces souffrances de l’amour, ces espérances brisées, ce martyre qu’éprouve un amant, cette félicité infinie qu’il se crée dans son imagination, ne sont nullement en soi un intérêt général ; c’est quelque chose qui le regarde personnellement.

616. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Mais on ne saurait nier qu’elle eut l’imagination puissante et drôle. […] Voilà, pour un contempteur de la matière, une imagination bien matérielle. […] Cet homme d’imagination violente et charnelle (vous vous rappelez ses études sur la Renaissance et sur la peinture flamande) a eu la vie d’un ascète et d’un bénédictin. […] Lavedan et Gyp, l’un avec son imagination poétique, l’autre avec sa gaminerie si drue, nous déroulent surtout l’extérieur du guignol mondain, peignent en superficie des âmes futiles en effet et superficielles. […] Marcel Prévost se fût lui-même condamné à une certaine sévérité d’imagination et de style.

617. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Il est très naturel au contraire qu’une mélodie ou un poème évoque en nous une image de l’artiste, et, que nous croyions trouver dans le visage que notre imagination lui prête les traces des passions qu’il nous suggère. […] Mais hors de cette sorte de prédication par le fait, l’artiste doit, sans aucun souci d’application immédiate, s’abandonner aux fantaisies logiques de l’imagination. […] la raison tâtonne indéfiniment dans sa recherche : l’imagination voit, elle est intuitive. […] Les systèmes continuent à ne valoir que la valeur individuelle de leurs auteurs : mais ceux-ci ont appris à connaître les bornes de leur puissance, l’imagination a fait d’utiles écoles. […] Mais sans cette « armature intellectuelle » qui se dissimule dans le poème et en fait la secrète et profonde vertu, il ne serait qu’agréable et vain jeu d’imagination : la beauté est le visage de la vérité, la vérité est l’âme de la beauté.

618. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Du sein même de ses études, de ses méditations économiques, dans un séjour au château de ses pères, où il s’est retiré pour une saison, Mirabeau confesse le vice qui est celui de tout son temps et qui lui gâtera sa vie, d’ailleurs intègre : « La volupté, mon cher ami, est devenue le bourreau de mon imagination, et je payerai bien cher mes folies et le dérangement de mœurs qui m’est devenu une seconde nature ; hors de là, je suis maintenant comme un poisson dans l’eau. » À côté de cet aveu que justifieront trop les futurs scandales et les éclats de sa vie domestique, mettez la sagesse et la sobriété de Vauvenargues, à qui son peu de santé interdirait sans doute les plaisirs, mais qui en est éloigné encore plus par la haute et pure idée qu’il se fait de l’amour, par le peu de goût qu’il a pour les femmes, « celles du moins qu’il connaît ». — « Je hais le jeu comme la fièvre, et le commerce des femmes comme je n’ose pas dire ; celles qui pourraient me toucher, ne voudraient seulement pas jeter un regard sur moi. » Vauvenargues avait toujours pris l’amour au sérieux : « Pour moi, je n’ai jamais été amoureux, que je ne crusse l’être pour toute ma vie ; et, si je le redevenais, j’aurais encore la même persuasion. » C’est pour cela qu’il recommençait rarement. […] Je sens par moi-même, qui, ayant plus d’imagination que de jugement, embrasse toute sorte d’objets, que les plus dignes de moi sont dans un avenir presque impossible. […] Il lui laisse le trait dans le cœur. — Et encore dans une lettre de ce même temps (14 juin 1739) : S’il est permis de se citer, j’ai, je crois, plus de feu, d’imagination, de santé que vous ; mais vous avez plus d’esprit et de suite ; cependant, si vous ne m’en imposez, il s’en faut de beaucoup que vous tiriez le même parti du temps. […] Mirabeau lui adresse de là, de ce lieu qu’il déteste, dit-il, par excellence, et où il est pour une affaire qui doit lui procurer de l’avancement ou amener sa démission du service, une lettre toute de conseils et d’excitations, et sur le même thème toujours ; « Vous êtes le premier raisonneur de France, mais le plus mauvais acteur » (acteur pour homme d’action) ; et en même temps il se représente, lui, comme un sage, un homme à principes fixes, et aussi un désabusé de l’ambition : Pour moi, dans les idées qui s’offrent à mon imagination, plusieurs se présentent avec empire, mais nulle avec agrément, que celle d’une solitude aimable et commode, quatre ou cinq personnes assorties de goût et de sentiment, de l’étude, de la musique, de la lecture, beau climat, agriculture, quelque commerce de lettres, voilà mon gîte !

619. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Ce beau chef-d’œuvre terminé, ces messieurs se félicitent et s’applaudissent : je me sauve au jardin, j’y cueille la rose ou le persil ; je tourne dans la basse-cour où les couveuses m’intéressent et les poussins m’amusent ; je ramasse dans ma tête tout ce qui peut se dire en nouvelles, en histoires, pour ravigoter les imaginations engourdies, et détourner les conversations de chapitre qui m’endorment parfois : voilà ma vie. » Et un peu plus loin : « J’aime cette tranquillité qui n’est interrompue que par le chant des coqs ; il me semble que je palpe mon existence ; je sens un bien-être analogue à celui d’un arbre tiré de sa caisse et replanté en plein champ. » Dans tout ceci le style est autre, ou mieux il n’est plus question de style, il n’y a plus d’écolière ; elle cause : sa leçon de rhétorique est finie. […] Je barbouille du papier à force, quand la tête me fait mal ; j’écris tout ce qui me vient en idée : cela me purge le cerveau… Adieu, j’attends une cousine qui doit nous emmener à la promenade ; mon imagination galope, ma plume trotte, mes sens sont agités, les pieds me brûlent. — Mon cœur est tout à toi. » Si calme, si saine qu’on soit au fond par nature, il semble difficile qu’en ce jeune train d’émotions et de pensées, on reste longtemps à l’entière froideur, avec tant de sollicitations d’être touchée. […] La jeune fille forte, sensée, de l’imagination la plus droite et la plus sévère qui fût jamais, distingue du premier jour un être qui est l’assemblage de toutes les fadeurs et les niaiseries en vogue, et elle croit saisir en lui le type le plus séduisant de son rêve. […] La sœur aînée de Sophie, Henriette, vient passer quelque temps à Paris et entre en tiers dans l’intimité ; sa vivacité d’imagination et son brillant d’humeur font un peu tort à la langueur de sa douce cadette ; du moins on se partage.

620. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Le péché mignon du bon évêque, c’était l’exubérance d’une imagination trop ingénieuse et trop fleurie. […] Mais il a vraiment un fond d’imagination mélancolique, comme très sincèrement aussi il est Français et chrétien, il est lyrique de tempérament : il a des épanchements d’une douceur lamartinienne. […] Il y a dans presque toutes les œuvres du temps une molle détente, un éclat aimable et doux, une nonchalance négligée ; la sécheresse des pointes et de l’érudition se détrempe, pour ainsi dire, dans les tièdes courants de l’imagination et de la sensibilité257. […] Ses Lettres (authentiques) sont nerveuses et sèches avec quelques fusées d’imagination ; il faut se défier des apocryphes qui sont parfois les plus charmantes ; ses harangues sont vives, fermes ; la bonté et l’autorité y sont très attentivement combinées.

621. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

C’est, je crois, Machiavel qui l’a dit : « Les hommes qui, par les lois et les institutions, ont formé les républiques et les royaumes, sont placés le plus haut, sont le plus loués après les dieux. » Napoléon est l’un de ces mortels qui, par la grandeur des choses qu’ils conçoivent et qu’en partie ils exécutent, se placeraient aisément dans l’imagination primitive des peuples presque à côté des dieux. […] Dès le début de Napoléon, j’aperçois en lui ce caractère excessif, qui a contribué en définitive à grandir sa figure dans l’imagination des hommes, mais qui, dans le présent, devait un jour ou l’autre amener la ruine. […] Laissons de côté ce qui tient à la grandeur d’imagination et de poésie : le grand rôle politique définitif restera aux Pitt et aux Wellington, à ces opiniâtres temporisateurs. […] Napoléon prépare donc à Erfurt, pour septembre et octobre de cette année, une de ces grandes représentations politiques et théâtrales comme il les entend si bien, faites pour agir sur l’esprit des souverains et sur l’imagination des peuples.

622. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Et, en général, toutes les facultés d’improvisation, d’imagination pittoresque et prompte, dont il était doué ; tous ses trésors d’idées profondes, ingénieuses et hardies ; l’amour de la nature, du paysage et de la famille ; même sa sensualité, son goût décidé de toucher et de décrire les formes, le sentiment de la couleur, le sentiment de la chair, de la vie et du sang, « qui fait le désespoir des coloristes », et que, lui, il rencontrait au courant de la plume, toutes ces qualités précieuses de Diderot trouvent leur emploi dans ces feuilles volantes qui sont encore son titre le plus sûr auprès de la postérité. […] Or, plus l’expression des arts est vague, plus l’imagination est à l’aise. […] Combien, avant d’avoir lu Diderot, auraient pu dire avec Mme Necker : « Je n’avais jamais vu dans les tableaux que des couleurs plates et inanimées ; son imagination leur a donné pour moi du relief et de la vie ; c’est presque un nouveau sens que je dois à son génie. » Ce sens nouveau et acquis s’est fort développé chez nous depuis lors ; espérons qu’il nous est devenu tout à fait naturel aujourd’hui29. […] Je leur ai consacré l’usage de tous mes sens et de toutes mes facultés ; et c’est peut-être la raison pour laquelle tout s’exagère, tout s’enrichit un peu dans mon imagination et dans mon discours ; ils m’en font quelquefois un reproche, les ingrats !

623. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Le doute méthodique de Descartes est une bonne chose pour tout le monde ; l’analyse des erreurs des sens et de l’imagination est aussi vraie pour Helvétius qu’elle l’est pour Malebranche ; les sentiments moraux ont été analysés par les Écossais d’une manière que toute école peut admettre ; ainsi de la méthode inductive dans Bacon, de la théorie du langage dans Locke et Condillac, de la théorie de l’habitude dans Maine de Biran, etc. […] Selon les uns, les systèmes sont des opinions arbitraires et de fantaisie, nées dans l’imagination des philosophes, comme les épopées et les drames dans l’imagination des poètes : ils n’ont aucune valeur objective. […] Malebranche n’a de commun avec Platon qu’une certaine beauté d’imagination et l’enthousiasme du monde idéal : autrement, il est sec comme un géomètre et étroit comme un moine.

624. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Les lignes imaginaires remplacent ici les lignes réelles ; vous reportez les figures en vous-même, au lieu de les reporter sur le papier : votre imagination fait le même office qu’un tableau ; vous vous fiez à l’une comme vous vous fiez à l’autre, et une substitution vaut l’autre, car, en fait de figures et de lignes, l’imagination reproduit exactement la sensation. […] Or les témoignages du télescope sont des propositions d’expérience, donc les témoignages de l’imagination en sont aussi. […] Donc, dans les axiomes de figure, la vue intérieure ne pourra s’opposer à la vue extérieure ; l’imagination ne pourra contredire la sensation. […] En retranchant de la science la connaissance des premières causes, c’est-à-dire des choses divines, vous réduisez l’homme à devenir sceptique, positif, utilitaire, s’il a l’esprit sec, ou bien mystique, exalté, méthodiste, s’il a l’imagination vive. […] On peut se représenter une droite par l’imagination, et l’on peut la concevoir aussi par la raison.

625. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Les lignes imaginaires remplacent ici les lignes réelles ; vous reportez les figures en vous-même, au lieu de les reporter sur le papier : votre imagination fait le même office qu’un tableau ; vous vous fiez à l’une comme vous vous fiez à l’autre, et une substitution vaut l’autre, car en fait de figures et de lignes l’imagination reproduit exactement la sensation. […] Or les témoignages du télescope sont des propositions d’expérience, donc les témoignages de l’imagination en sont aussi. […] Donc, dans les axiomes de figure, la vue intérieure ne pourra s’opposer à la vue extérieure ; l’imagination ne pourra contredire la sensation. […] En retranchant de la science la connaissance des premières causes, c’est-à-dire des choses divines, vous réduisez l’homme à devenir sceptique, positif, utilitaire, s’il a l’esprit sec, ou bien mystique, exalté, méthodiste, s’il a l’imagination vive. […] On peut se représenter une droite par l’imagination, et l’on peut la concevoir aussi par la raison.

626. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

L’imagination qui est restée la même, quoiqu’on ait éloigné d’elle ce qui semblait l’enflammer, pousse à l’extrême toutes les chances de l’inquiétude ; dans son isolement elle s’entoure de chimères ; l’imagination dans le silence et la retraite, n’étant frappée par rien de réel, donne une même importance à tout ce qu’elle invente.

627. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Ici il est simple, parce que l’idée est grande et contente son imagination. […] Et cependant, cet homme qui voyait d’une si puissante imagination les transformations anciennes de l’univers, retombait étrangement dans les idées et dans les regards de son siècle, quand il regardait l’état actuel de la nature.

628. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Oui, « le monde physique existe », et il y a des arrangements de mots qui peuvent ressusciter dans notre imagination les objets absents ; mais c’est bien long, Gautier. […] Dans le monde, il obtint la triste réputation d’insensible et d’insouciant ; et dans la solitude, son imagination inquiète lui créait des tourments d’autant plus affreux qu’il n’aurait voulu en confier le secret à personne. » Le croirons-nous ?

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