Il vengea ainsi Tacite de l’animadversion avouée du consul : « Lorsque, dans le silence de l’abjection, on n’entend plus retentir que la chaîne de l’esclave et la voix du dictateur ; lorsque tout tremble devant le tyran, et qu’il est aussi dangereux d’encourir sa faveur que de mériter sa disgrâce, l’historien paraît, chargé de la vengeance des peuples. […] M. de Genoude, qui accompagnait madame Récamier m’assura avoir entendu souvent de profanes effusions de tendresse, troublant le silence des saintes cérémonies, et la piété de la femme voilée affectait de ne pas les entendre. […] Cette bataille dura trois jours, les tumultes couvrirent son dernier soupir et empêchèrent la France d’entendre le bruit de l’agonie de son grand homme.
Oui, encore une fois, c’est bien entendu, un avorton de roman, mais déjà fabriqué à la façon sérieuse des romans d’à présent. […] J’entends un colloque à la porte entre la femme de ménage et le portier. […] D’aventures, il est bien entendu que je n’en ai nul besoin ; mais les impressions de petite fille et de toute petite fille, mais des détails sur l’éveil simultané de l’intelligence et de la coquetterie, mais des confidences sur l’être nouveau créé chez l’adolescente par la première communion, mais des aveux sur les perversions de la musique, mais des épanchements sur les sensations d’une jeune fille, les premières fois qu’elle va dans le monde, mais des analyses d’un sentiment dans de l’amour qui s’ignore, mais le dévoilement d’émotions délicates et de pudeurs raffinées, enfin, toute l’inconnue féminilité du tréfonds de la femme, que les maris et même les amants passent leur vie à ignorer… voilà ce que je demande. […] Tâchons donc d’écrire médiocrement, d’écrire mal, même plutôt que ne pas écrire du tout ; mais qu’il soit bien entendu qu’il n’existe pas un patron de style unique, ainsi que l’enseignent les professeurs de l’éternel beau, mais que le style de La Bruyère, le style de Bossuet, le style de Saint-Simon, le style de Bernardin de Saint-Pierre, le style de Diderot, tout divers et dissemblables qu’ils soient, sont des styles d’égale valeur, des styles d’écrivains parfaits.
» Vous fûtes témoins, hier, quand on vint du palais pour le tirer d’ici par force, comment il courut aux vases sacrés, tremblant de tout le corps, le visage pâle et défait, faisant à peine entendre une faible voix entrecoupée de sanglots, et plus mort que vif. […] Mon avis serait de leur donner à gouverner une province qui méritât d’être châtiée ; ils apprendraient par leur expérience, après qu’ils y auraient tout mis sens dessus dessous, qu’ils sont des ignorants, que la critique est aisée, mais l’art difficile ; et surtout qu’on s’expose à dire force sottises, quand on se mêle de parler de ce qu’on n’entend pas. […] Combien n’ai-je pas entendu, par de ridicules propos, condamner vos plus belles actions, et vous traiter d’hommes qui avaient usurpé une réputation dans un siècle d’ignorance qui manquait de vrais appréciateurs du mérite ! […] Son regard suit encor ces pieux Solitaires Errant sous les arceaux de leurs noirs monastères ; Dans la brise du soir elle entend leurs soupirs ; En silence elle écoute, immobile, rêveuse, De l’orgue qui gémit la plainte harmonieuse : — Il lui semble qu’au loin d’invisibles concerts > S’élèvent, emportés dans le vague des airs, Et, de l’autel brisé relevant l’édifice, À l’Éternel encore elle offre un sacrifice.
Si on ne se laissait pas démoraliser par cette renommée, si on osait regarder ses œuvres, on verrait bientôt que l’on s’est entendu un peu trop aisément et trop vite pour les trouver de grandeur et de force à honorer la tradition littéraire d’un pays. […] « La France. — nous dit Villemain — n’entend pas déchoir du rang éminent où l’intelligence l’a mise en Europe. » Mais qui pense à faire déchoir le pays des vainqueurs de Sébastopol ? […] Quitte à ne pas être entendus partout, je m’imagine qu’on y préférerait ceux de Byron, de Byron l’ami de Jackson pourtant, de Byron qui cultivait l’art de la boxe, mais qui était un trop grand poète pour la chanter ! […] Il la rompit en plein Parlement, avec des sanglots qu’on entend encore, mais qui ne lui font pas pardonner d’avoir sacrifié l’amitié d’un homme comme Burke à la Révolution française !
Enfin, il n’est pas jusqu’au langage qui ne semble commun à l’homme et à l’animal, quand on voit les animaux s’entendre et se concerter par des signes dont le sens se devine aux mouvements qui les suivent. […] La méthode consiste à étudier l’homme dans la succession des phénomènes de la vie morale et à en dégager les lois, abstraction faite des causes, dont cette école n’entend s’occuper en aucune façon. […] Alors on entend la définition de l’être par Leibniz : tout être, esprit ou nature, est une force qui aspire au mouvement. Alors on entend la définition de l’homme : une force qui tend au mouvement libre.
Par véritable, il ne faut pas entendre ici conforme à la nature des choses, comme dut l’être la langue sainte, enseignée à Adam par Dieu même. […] Ces terres manucaptæ furent sans doute appelées d’abord mancipia, et c’est certainement dans ce sens qu’on doit entendre l’article de la loi des douze tables, qui nexum faciet mancipiumque . […] La langue articulée commença par l’onomatopée, au moyen de laquelle nous voyons toujours les enfants se faire très bien entendre. […] À plus forte raison doit-on croire qu’il en a été ainsi chez ces premiers hommes, dont les organes étaient très durs, et qui n’avaient encore entendu aucune voix humaine. — Elle nous donne en outre l’ordre dans lequel furent trouvées les parties du discours, et conséquemment les causes naturelles de la syntaxe.
Louis XIV prenoit plaisir à lui entendre lire ses Ouvrages, & l’honoroit d’une bienveillance particuliere : Madame de Montespan étoit seule admise à ces lectures.
Toujours vertueux par systême, Coupable trop souvent, mais par fragilité, Du moins, lorsque d’Aaron j’entends la voix suprême, Fidele Israélite, & m’oubliant moi-même, De ma folle raison j’abaisse la fierté, Et laisse captiver devant un diadême Mon impuissante liberté.
Pour remarquer les fautes relatives d’un poëme, il faut se rappeller ce qu’on a déja vû ou entendu, et retourner pour ainsi dire sur ses pas afin de comparer les objets qui manquent de rapport ou de proportion.
C’est un gentilhomme lyrique qui s’entend admirablement à draper son court manteau, et qui laisse voir jusque dans sa pauvreté bien de la distinction et de la noblesse naturelle. […] On raconte que Malherbe conçut un peu de jalousie de Racan pour cette belle stance ; et Boileau disait que, pour avoir fait les trois derniers vers, il donnerait les trois meilleurs des siens : ce que Daunou, qui n’entend bien que la prose, ne comprend pas. […] [NdA] Sans parler du passage célèbre et qu’on récite volontiers : Heureux qui vit en paix du lait de ses brebis , etc., voici quelques-uns de ces vers qu’un crayon de poète se plairait à noter à la lecture : Les troupeaux que la faim a chassés des bocages À pas lents et craintifs entrent dans les gagnages… Une musette se fait entendre : Je passai tout le front par-dessus un buisson Du côté d’où venait cet agréable son.
On le voit, si une idée auguste et grandiose préside à l’inspiration de Gibbon, l’intention épigrammatique est à côté : il conçoit l’ancien ordre romain, il le révère, il l’admire ; mais cet ordre non moins merveilleux qui lui a succédé avec les siècles, ce pouvoir spirituel ininterrompu des vieillards et des pontifes, cette politique qui sut être tour à tour intrépide, impérieuse et superbe, et le plus souvent prudente, il ne lui rendra pas justice, il n’y entrera pas : et de temps en temps, dans la continuité de sa grave Histoire, on croira entendre revenir comme par contraste ce chant de vêpres du premier jour, cette impression dénigrante qu’il ramènera à la sourdine. […] Mirabeau était à Londres en 1785 ; il dînait chez le marquis de Lansdowne avec plusieurs Anglais de distinction, et, par un singulier quiproquo, il crut y voir et y entendre Gibbon en personne, lequel en ce moment habitait la Suisse. […] Mirabeau s’emporte contre la personne qu’il suppose être Gibbon, et contre les discours qu’il dit avoir entendus de sa bouche.
Quelques hommes qui avaient assez de sagesse et de fermeté de raison pour l’entendre et en devancer de loin les solutions, parlaient à des sourds, et quand ils essayaient, comme L’Hôpital, d’introduire publiquement la modération par des édits, ils ne faisaient que prêter des armes immédiates aux passions. […] Il n’osa toutefois assumer la responsabilité d’un refus, et il se mit de la partie avec ce même sentiment de la difficulté et de la non-réussite qui constitue son étoile : « Je considérais quel fardeau je prenais sur mes épaules pour la troisième fois ; je me ramentevais l’inconstance de nos peuples, l’infidélité des principaux d’iceux, les partis formés que le roi avait dans toutes nos communautés, l’indigence de la campagne, l’avarice des villes, et surtout l’irréligion de tous. » Par irréligion il faut simplement entendre l’affaiblissement de ce principe religieux exalté qui ne s’était vu qu’au xvie siècle et qui poussait à tous les sacrifices de vie et de fortune pour la foi, affaiblissement qui tenait déjà de l’esprit moderne, et un vertu duquel beaucoup d’estimables réformés préféraient le commerce à la guerre ; Ce n’était pas le compte de Rohan ni des chefs féodaux. […] L’expression est belle, mais le sentiment est dur : on eut aimé en cet endroit un accent de générosité, de clémence, d’intelligence du vaincu, ce que l’âme de Henri IV entendait si bien.
Ce qui la rapproche surtout de cet homme de grand esprit et qui avait laissé jusqu à présent trop peu de souvenir, c’est une certaine conformité dans la manière de juger les choses et les personnes, le besoin de causer à cœur ouvert, d’être entendue de quelqu’un. […] Si vous vouliez jeter sur le papier, à vos moments perdus, quelques réflexions sur cette matière, et me les communiquer, vous seriez bien payée de votre peine si elles m'aidaient à faire un ouvrage utile, et c’est à de tels dons que je serais vraiment sensible (il a les poulardes sur le cœur) : bien entendu pourtant que je ne m’approprierais que ce que vous me feriez penser, et non pas ce que vous auriez pensé vous-même. […] Celle-ci (1783), j’ai été plus courageuse, parce qu’il ma pris un besoin d’être entendue que je n’éprouve pas souvent ; je sens que je l’ai été, et je m’en trouve si bien, que je continuerai jusqu’à votre retour.
Dans ces occasions, je passe dans les rangs, je caresse le soldat, je lui parle de manière à lui faire prendre patience, et j’ai eu la consolation d’en entendre plusieurs dire : Monsieur le maréchal a raison, il faut souffrir quelquefois. […] Guizot s’entend à ces questions d’honneur national : on l’a vu à l’œuvre. […] Villemain, autre connaisseur, est allé jusqu’à dire (le rhéteur qu’il est) : « La paix était promise et assurée, même avant la victoire de Denain, qui n’en fut que la parure. » — Le mieux, je crois, est encore de s’en tenir au mot de Napoléon, convenablement entendu.
Bossuet donne raison à Mécène et à la fable si connue : « Pourvu qu’en somme je vive… » Ce dimanche 7 d’octobre 1703, M. de Meaux a paru fort gai, à son réveil, d’avoir bien dormi toute la nuit, et de joie il lui est échappé cette parole : « Je vois bien que Dieu veut me conserver. » Il a ensuite entendu la messe dans sa chapelle et s’est encore recouché jusqu’à son dîner. […] Puis le lendemain, mercredi des Cendres : Mme Bossuet est sortie de son lit à midi pour venir vite prendre des cendres et entendre la messe que j’ai dite pour M. de Meaux. […] Le maître d’hôtel me parut homme de bonne mine, entendu et autorisé dans la maison.
monsieur, à d’autres, s’écria Marolles qui ne put se retenir ; je ne serai pas dupe de votre ingénieuse défaite ; je vous entends sans doute beaucoup plus que vous ne voudriez, et je vois fort bien que ce que je vous ai envoyé ne vous a pas plu ; c’est à moi à profiter de votre correction muette. » On ne savait pas encore bien mentir dans ce grand siècle. […] Il croit entendre ce qui arrête les plus habiles. […] Et encore dans une lettre à Huet, du 18 février 1662 (car Chapelain, en leur présentant Marolles, fait le tour de tous ses amis) : Jamais homme n’envisagea moins la vérité, n’entendit moins les auteurs, pour peu qu’ils soient difficiles, ne crut moins important de les rendre fidèlement, ni ne distingua moins les termes pour les employer…, et, ce qu’il y a de pis, jamais homme ne conçut moins la matière qu’il manie, n’eut moins de teinture des préceptes de l’éloquence et de la poésie, ni ne sut moins les principes de la philosophie.
Il faut une sorte d’analogie, il faut être différemment semblables pour s’entendre tout à fait, pénétrer dans tous les replis, et acquérir cette parfaite connaissance d’un autre qui découvre entièrement son âme à nos yeux… Il me semble toujours que les âmes se cherchent dans le chaos de ce monde, comme les éléments de même nature qui tendent à se réunir ; elles se touchent, elles sentent qu’elles se sont rencontrées : la confiance s’établit entre elles sans qu’elles puissent souvent assigner une cause valable ; la raison, la réflexion viennent ensuite apposer le sceau de leur approbation à ce traité, et croient avoir tout fait, comme ces ministres subalternes qui s’attribuent les transactions faites entre les maîtres, rien que parce qu’il leur a été permis de placer leur nom au bas. […] Mlle Roxandre, aux traits réguliers, à l’œil tendre, à la voix touchante et mélodieuse (il n’y avait un peu à redire chez elle qu’à la taille), était une Grecque attrayante et persuasive qui avait gardé du charme et des douceurs ioniennes du Bosphore ; elle méritait de s’entendre dire dans sa candeur : « Il n’est pas un de vos regards qui ne soit une pensée. » Mme Swetchine, plus hardie, plus sauvage et d’une séve qui lui arrivait peut-être de par-delà le Caucase, était autrement trempée, autrement avide et d’une ambition morale plus exigeante. […] croyez-vous à la réunion éternelle des âmes qui se seront entendues ici-bas ?
On n’entend partout que cris, fanfares et tumulte. […] « Mais quoique j’entende quelques murmures de ce genre, j’ai également la consolation de rencontrer des gens qui nourrissent des sentiments opposés. […] « Au total, je suis persuadé, par tout ce que j’entends et vois, que la chose finira comme nous le désirons ; mais en tout cas je prévois que, quelle que soit l’issue, vous recueillerez de tout cela beaucoup d’honneur et beaucoup d’ennui.
Jean-Jacques, lui, ne fut pas si aimable ; consulté sur la pièce, il crut y voir de la ressemblance avec une pièce anglaise qu’il avait lue traduite, et il le dit crûment, donnant même à entendre qu’il devait y avoir plagiat. […] Le silence auquel nous sommes forcés vous nuit plus que toute chose. » Ainsi à chaque ami elle a dit sa vérité avec franchise, la vérité entière et la moins agréable à entendre ; à chacun elle a bien parlé de l’absent ; elle l’a défendu ; elle a blâmé en face, elle loue en arrière. […] Une vanité mal entendue, une trop haute opinion de soi-même peut seule éloigner de la société.
Or, depuis ce moment, l’expédition collective fut manquée ou accomplie, selon qu’on veut l’entendre, et chaque chef, poussant individuellement de son côté, poursuit à travers le siècle, par des voies plus ou moins larges, sa destinée, ses projets, la conquête de la glorieuse Toison. […] Les métaphores elles-mêmes, les images prolongées qui ne sont en jeu que pour traduire une pensée ou une émotion, n’ont pas toujours besoin d’une rigueur, d’une analogie continue, qui, en les rendant plus irréprochables aux yeux, les roidit, les matérialise trop, les dépayse de l’esprit où elles sont nées et auquel, en définitive, elles s’adressent ; l’esprit souvent se complaît mieux à les entendre à demi-mot, à les combler dans leurs négligences ; il y met du sien, il les achève. […] Mais surtout, mais à tout moment, soit dans le courant d’une pièce, soit au début, la pensée part subitement du sein de Mme Valmore comme un essaim effaré ; on ne peut rendre l’essor de ces échappées violentes ; ceux qui ont entendu Mme Dorval, en quelques-uns de ses cris sublimes, ont éprouvé une impression également irrésistible.
Ils ont beau ne rien dire, je les entends. » Avec un scrupule un peu plus marqué à l’endroit de la dignité, le jeune homme ne se serait pas fait dire deux fois ces choses dont souffrait pour lui une femme délicate ; il se serait mis au plus vite en règle avec le mari. […] Quand, pour plus de liberté et de politesse, nous parlons de Benjamin Constant sous le nom d’Adolphe, nous n’entendons pas borner cet Adolphe à la situation qu’il ]a dans le roman, nous le transportons en idée ailleurs avec la nature que nous lui connaissons ; nous ne lui prêtons pas, nous lui attribuons sous ce type ce que lui et ses semblables ont pratiqué bien réellement à travers la vie. […] Pline le Jeune a écrit une très-belle lettre92 sur l’indulgence qui n’est qu’une partie de la justice, et il cite un mot habituel de Thraséas, ce personnage à la fois le plus austère, dit-il, et le plus humain : Qui vitia odit, homines odit, voulant faire entendre que pas un de nous n’est hors de cause, et que la sévérité qu’on témoigne contre les défauts passe trop aisément à la haine même des hommes.
Perrault, Mansart, Lulli, Le Brun, Boileau, Vauban, bien qu’ils eussent entre eux, dans la manière et le procédé, des traits généraux de ressemblance, ne s’entendaient nullement et ne sympathisaient pas, emprisonnés qu’ils étaient dans le technique et le métier. […] Non, bien moins suffit : voyez Horace, comme il s’accommode, pour rêver, d’un petit champ, d’une petite source d’eau vive, et d’un peu de bois au-dessus, et paulùm sylvae super his foret ; voyez La Fontaine, comme il aime s’asseoir et s’oublier de longues heures sous un chêne ; comme il entend à merveille les bois, les eaux, les prés, les garennes et les lapins broutant le thym et la rosée, les fermes avec leurs fumées, leurs colombiers et leurs basses-cours. […] Cousin, à propos de Pascal, posait en principe, au sein de l’Académie, qu’il était temps de traiter les auteurs du siècle de Louis XIV comme des anciens ; et l’Académie applaudissait. — Il est vrai que dans ce second temps et depuis qu’on est entré méthodiquement dans cette voie, on s’est mis à appliquer aux œuvres du xviie siècle tous les procédés de la critique comme l’entendaient les anciens grammairiens.
Ses personnages ne vivaient pas à la cour, mais aux champs et dans les étables, et on lui pardonnait de se faire fermier, et de savoir le nom rustique des bêtes, de dire la bique, le loquet, de peindre bravement la cuisine, « le tripotage des mères et des nourrissons », et plus intrépidement encore les habits de ses personnages, « le jupon crasseux et détestable d’une misérable vieille. » Il fait entendre les « pétarades » du cheval. […] Notre corps se redresse à la vue d’un noble chêne ; notre main décrit une ligne sinueuse à l’aspect d’une eau ployante et penchée ; notre pas se mesure sur le rythme d’un air que nous entendons. […] On dirait à entendre ces vers, que le bonhomme fredonne une chanson entre ses dents.
Mais si cette pêche était bien offerte, si la lumière y tombait d’une certaine façon, si l’expression de la nymphe y répondait, si en un mot le tableau était d’un Titien ou d’un Véronèse, cette pêche-là aurait pu être un chef-d’œuvre, malgré la sottise que l’esprit croit y apercevoir ; car ici, dans un tableau, le récit des aventures qu’on n’entend pas, et que l’offre de la pêche court risque d’interrompre, n’est que très secondaire ; nous n’avons que faire de nos oreilles, et nous sommes tout yeux. […] Mais là où Diderot est surtout excellent à entendre, même pour des peintres, c’est quand il insiste sur la force de l’unité dans une composition, sur l’harmonie et l’effet d’un ensemble, sur la conspiration générale des mouvements ; il comprend d’instinct cette vaste et large unité, il y revient sans cesse ; il veut la concordance des tons et des expressions, la liaison facile des accessoires à l’ensemble, la convenance naturelle. […] C’est pour moi et pour mes amis que je lis, que je réfléchis, que j’écris, que je médite, que j’entends, que je regarde, que je sens.
Quand Racine, dans Esther, nous fait entendre ses chœurs mélodieux, si bien placés dans la bouche des filles de Saint-Cyr, il retrouve un lyrique vrai, naturel, motivé. […] C’était le même enfin qui, dans ce fameux Exegi monumentum, parlant de la Seine, s’était écrié d’un ton de prophète : Mais tant que son onde charmée Baignera l’empire des lys, ……………………………… Elle entendra ma Lyre encore D’un roi généreux qui l’honore Chanter les augustes bienfaits ! […] Sœur Andrieux, contez, contez, entendez-vous ?
Assistant à toutes ces choses avec un esprit clairvoyant et non acharné, n’y prenant plaisir d’abord que pour se désennuyer, elle a en elle de bonne heure une ressource qui lui vient de famille, c’est d’écrire ; aux moments que les autres dames donnent au jeu ou à la promenade, elle s’enferme et elle note ce qu’elle a vu, ce qu’elle a entendu, pour se le rappeler un jour. […] La femme de chambre (car ici Mme de Motteville l’est bien un peu) nous montre avec admiration et avec amour sa royale maîtresse depuis l’instant où elle s’éveille, depuis celui où elle se lève et où on lui présente la chemise, jusqu’à son souper et à son coucher : Après avoir mis son corps de jupe avec un peignoir, elle entendait la messe fort dévotement ; et, cette sainte action finie, elle venait à sa toilette. […] Ainsi, quand je dis qu’elle était, par le goût, un peu contemporaine de Corneille, on voit dans quel sens il faut l’entendre, et qu’elle y corrigeait l’exagération.
Il poussait très loin cette doctrine d’accommodement avec les penchants, et on l’a entendu dire : « Quand on a un vice, il faut savoir le porter. » Avant d’être ce que nous l’avons connu, c’est-à-dire une espèce d’amateur en politique, assis à l’orchestre, jugeant la pièce, et consulté même souvent par les auteurs ou acteurs, avant de s’être établi dans son habitude d’observer le monde « comme s’il ne remuait que pour son instruction », M. […] Fiévée, en causant avec Bonaparte, fasse preuve de tout son esprit, et en use en toute liberté et franchise, rien de plus simple et de mieux entendu. […] Par penchant et par habitude, il était encore plus homme de presse qu’il ne l’avait été de consultation et de cabinet : « Comme écrivain, disait-il, entre m’adresser au public ou à un souverain, fût-il dix fois plus élevé que la colonne de la place Vendôme, je n’hésiterai jamais à préférer le public ; c’est lui qui est notre véritable maître. » En laissant dans l’ombre les côtés faibles et ce qui n’est pas du domaine du souvenir, et à le considérer dans son ensemble et sa forme d’esprit, je le trouve ainsi défini par moi-même dans une note écrite il n’y a pas moins de quinze ans : Fiévée, publiciste, moraliste, observateur, écrivain froid, aiguisé et mordant, très distingué ; une Pauline de Meulan en homme (moins la valeur morale) ; sans fraîcheur d’imagination, mais avec une sorte de grâce quelquefois à force d’esprit fin ; — de ces hommes secondaires qui ont de l’influence, conseillers nés mêlés à bien des choses, à trop de choses, meilleurs que leur réputation, échappant au mal trop grand et à la corruption extrême par l’amour de l’indépendance, une certaine modération relative de désirs, et de la paresse ; — travaillant aux journaux plutôt par goût que par besoin, aimant à avoir action sur l’opinion, même sans qu’on le sache ; — Machiavels modérés, dignes de ce nom pourtant par leur vue froide, ferme et fine ; assez libéraux dans leurs résultats plutôt que généreux dans leurs principes ; — sentant à merveille la société moderne, l’éducation moderne par la société, non par les livres ; n’ayant rien des anciens, ni les études classiques, ni le goût de la forme, de la beauté dans le style, ni la morale grandiose, ni le souci de la gloire, rien de cela, mais l’entente des choses, la vue nette, précise, positive, l’observation sensée, utile et piquante, le tour d’idées spirituel et applicable ; non l’amour du vrai, mais une certaine justesse et un plaisir à voir les choses comme elles sont et à en faire part ; un coup d’œil prompt et sûr à saisir en toute conjoncture la mesure du possible ; une facilité désintéressée à entrer dans l’esprit d’une situation et à en indiquer les inconvénients et les ressources ; gens précieux, avec qui tout gouvernement devrait aimer causer ou correspondre pour entendre leur avis après ou avant chaque crise.
La douceur pourtant, qui se mêlait à ses paroles, nous est singulièrement attestée et dépeinte dans ce beau passage de Bossuet : Qui veut entendre combien la raison préside dans les Conseils de ce prince, n’a qu’à prêter l’oreille quand il lui plaît d’en expliquer les motifs. […] Pourtant, réduite et entendue dans un certain sens, cette idée a sa justesse : « Je ne crains pas de vous dire, écrit-il pour son fils, que plus la place est élevée, plus elle a d’objets qu’on ne peut ni voir ni connaître qu’en l’occupant. » Saint-Simon, que j’oserai ici contredire et réfuter, a dit de Louis XIV : Né avec un esprit au-dessous du médiocre, mais un esprit capable de se former, de se limer, de se raffiner, d’emprunter d’autrui sans imitation et sans gêne, il profita infiniment d’avoir toute sa vie vécu avec les personnes du monde qui toutes en avaient le plus, et des plus différentes sortes, en hommes et en femmes de tout âge, de tout genre et de tous personnages. […] Pourtant il ne l’entendait pas ainsi dans sa jeunesse.
Enfant, dans les voyages presque annuels qu’il faisait à Boulogne-sur-Mer, j’ai eu plus d’une fois le plaisir d’entendre au dessert son odyssée : et, ce qui me frappait déjà chez un homme qu’on était accoutumé à considérer comme un des chefs du parti royaliste et religieux, c’est qu’il ajoutait que dans sa prison, et se croyant à la veille de périr, il avait fait demander et avait lu, comme livre de consolation, les Essais de Montaigne. […] Michaud, que cette espèce d’enchantement politique, ce mobile des grandes actions, est une des merveilles de l’ordre social ; et plus nous sommes éloignés aujourd’hui de ces idées, plus nous devons en sentir le prix. » Passant à la morale, il y suivait les mêmes formes, les mêmes jeux de l’amour-propre, et reconnaissait qu’elle a, comme la politique, « ses rubans et sa broderie : ce sont les illusions, et je n’entends par illusion que la manière d’envisager les choses sous leurs formes les plus attachantes ». […] Ils n’osent se livrer à leur mauvais génie ; on voit qu’ils sont contenus ; mais le bout de l’oreille perce… J’entends que les journaux servent le gouvernement, et non contre.
la grande et belle voix, la voix unique, s’écriait-il, toujours égale, toujours fraîche, brillante et légère, qui, par son talent, a appris à sa nation qu’on pouvait chanter en français, et qui, avec la même hardiesse, a osé donner une expression originale à la musique italienne. » Il ne sortait jamais de l’entendre « sans avoir la tête exaltée, sans être dans cette disposition qui fait qu’on se sent capable de dire ou de faire de belles et de grandes choses ». […] ils ont l’air de jouer, ils ont entendu, ils ont vu. […] écrit-elle sans cesse après l’avoir entendu ; quelle impartialité dans les conseils !
Il a très bien montré comment, du côté de la France, l’écho répétait et doublait en quelque sorte des paroles familières dites à huis clos à Berlin ou à Potsdam, et que l’Allemagne, en son temps, n’entendait pas. […] Il rappelle plus d’une fois son généreux et plus confiant ami, M. de Suhm, à la réalité et à l’expérience : les Descartes, les Newton, les Leibniz peuvent venir et se succéder, sans qu’il y ait danger pour les passions humaines de perdre du terrain et de disparaître : « Selon toutes les apparences, on raisonnera toujours mieux dans le monde, mais la pratique n’en vaudra pas mieux pour cela. » Dans sa douce et studieuse retraite de Remusberg, regrettant l’ami absent : Il me semble, lui écrit-il (16 novembre 1736), il me semble que je vous revois au coin de mon feu, que je vous entends m’entretenir agréablement sur des sujets que nous ne comprenons pas trop tous deux, et qui cependant prennent un air de vraisemblance dans votre bouche. […] Voilà qui est formel ; hors de là, il ne veut et ne voit rien de commun entre eux et lui ; à l’entendre, il n’aspire qu’à la bonté, à la douceur, à toutes ces qualités qui font le bon citoyen plutôt que le grand homme : Je n’ai pas le vain orgueil de prétendre à ce titre, et je vous assure que j’y préférerai constamment ceux de fidèle ami, d’homme compatissant aux misères des hommes, et enfin d’homme qui ne croit être homme que pour faire du bien aux autres hommes, en quelque situation qu’il se trouve.
Entendons-nous. […] Entendons-nous pourtant, de ce qu’on a une qualité, il ne s’ensuit point qu’on ait nécessairement l’autre ; mais il serait étrange qu’une qualité ajoutée à l’autre fût une diminution. […] Avoir abrité sous ses escarpements ce serment redoutable de trois paysans d’où sort la Suisse libre, cela n’empêche pas l’immense Grütli d’être, à la nuit tombante, une haute masse d’ombre sereine pleine de troupeaux, où l’on entend d’innombrables clochettes invisibles tinter doucement sous le ciel clair du crépuscule.
Par exemple, s’il y a quatre systèmes fondamentaux, comme on l’a dit, — le mysticisme, le scepticisme, le sensualisme, l’idéalisme, — on exclura les trois premiers comme faux, le quatrième seul étant le vrai ; mais l’idéalisme lui-même étant une expression vague qui réunit les systèmes les plus contraires, à savoir l’idéalisme de Plotin et celui de Hegel, celui de Platon et celui de Descartes, on fera encore un choix entre toutes ces formes de l’idéalisme, et on finira par se limiter au pur spiritualisme, entendu dans le sens le plus précis, mais aussi le plus étroit. Or il résulte de cette manière d’entendre les choses un très-grand inconvénient, c’est qu’un très-petit nombre de philosophes seulement est resté dans le vrai et que le plus grand nombre s’est trompé : conclusion beaucoup trop favorable au scepticisme, car si tant de philosophes se sont trompés, de quel droit supposerais-je qu’un si petit nombre a été hors d’erreur, et que j’ai précisément la chance de me trouver parmi ceux-là ? […] Le bon sens, ainsi entendu, ne se confondra pas avec les opinions vulgaires ; il pénétrera même aussi avant que possible dans les profondeurs de la pensée, pourvu qu’il soit guidé par les hommes de génie, supérieur à eux en ce qu’il les comprend tous, tandis qu’ils ne se comprennent pas entre eux.
Il le verse dans un volume de cette édition Hachette dans laquelle il n’est pour rien, bien entendu, et n’intervient que par de faibles et pâles préfaces. […] Au dehors, le bon ordre, la conservation des familles, la paix et l’honneur des mariages, la source des alliances, la solidité des établissements, tout crie en faveur de ces lois ; au dedans de nous-même, une voix puissante se fait entendre qui les canonise et nous les fait respecter comme l’explication des lois de Dieu même. » Quelle accablante autorité dans la pensée et dans le style ! […] Le chevet touchait au billot… C’était la fin de toutes les coutumes et de toutes les traditions pour lesquelles ce vieux héros, comme l’appellerait Carlyle, ce vieux pair de Saint-Simon, qui n’entendait pas plus qu’on violât la pairie que la royauté, n’a cessé de se démener et de combattre !
» Il semblait que dans les jungles du journalisme on entendît miauler — doucement encore, il est vrai, — un tigre de la plus belle espèce et dont la voix devait arriver aux plus terribles diapasons ! […] En vain le récite-t-on fort bas, ce symbole, on l’entend. […] Ernest Renan entend par le premier jour.
Une âme souffre à travers ses pages, une âme chrétienne, baptisée, pleine de Dieu, une vraie âme, tandis que dans les pages de La Rochefoucauld, de Vauvenargues et même de La Bruyère, il n’y a que des entéléchies d’Aristote, il y a des esprits et peu d’âme, — quoique, d’entre les trois, le plus jeune, qui sentait palpiter ses vingt ans à travers sa philosophie, ait dit que « les grandes pensées viennent du cœur », La Bruyère, le seul chrétien d’entre eux, ne l’était que correctement, comme tous les honnêtes gens de son époque, mais il devait entendre cette religion, dont il admirait l’ordonnance, à peu près comme Le Nôtre entendait ses jardins. […] Il s’agit de Saints dans ce livre, tout aussi original de christianisme que de talent ; car, dans ce temps de mœurs incrédules et superficielles, le Christianisme entendu à cette profondeur semble une prodigieuse originalité.
Comment l’entendait-il ? […] Un témoin m’assure qu’on les entendit s’écrier ; « Nous courrons aux Boches, et nous leur enfoncerons nos baïonnettes dans le ventre au cri de l’Éternel ». […] Je n’entendrai jamais les prisonniers de Fidelio monter sur la tour, sans associer à la musique sublime de Beethoven cette voix du petit sous-lieutenant… Une nuit, voyant venir dans le ciel, à la lueur des fusées, une flotte de nuages chargés de pluie, il les salue en lui-même du chant des mariniers du premier acte de Tristan.
Entendons-nous : aucun changement ne s’est produit dans le mécanisme de l’horloge, ni dans son fonctionnement. […] Il avait été entendu entre les deux opérateurs en O et en A que le second marquerait zéro au point où se trouverait l’aiguille de son horloge à l’instant précis où le rayon lui arriverait. […] Bref, la « fixation du zéro » devra être entendue dans ce qui va suivre comme l’opération réelle ou idéale, effectuée ou simplement pensée, par laquelle auront été marqués respectivement, sur les deux dispositifs, deux points dénotant une première simultanéité.
J’entends par là qu’ils manifestent sûrement des lois, et qu’ils sont susceptibles, eux aussi, de se répéter indéfiniment dans le temps et dans l’espace. […] Mais il faudrait s’entendre sur le caractère de la science moderne. […] Il se trouverait, vis-à-vis des pensées et des sentiments qui se déroulent à l’intérieur de la conscience, dans la situation du spectateur qui voit distinctement tout ce que les acteurs font sur la scène, mais n’entend pas un mot de ce qu’ils disent. » Ou bien encore il serait comme la personne qui ne perçoit, d’une symphonie, que les mouvements du bâton du chef d’orchestre.
On ne s’en douterait pourtant pas à voir le choix heureux des morceaux de musique instrumentale ou vocale qu’on lui doit d’entendre chaque hiver. […] [NdA] C’est La Bruyère qui a fait cette remarque, au chapitre « Des grands » : « Les princes, dit-il, sans autre science, ni autre règle, ont un goût de comparaison ; ils sont nés et élevés au milieu et comme dans le centre des meilleures choses, à quoi ils rapportent ce qu’ils lisent, ce qu’ils voient, et ce qu’ils entendent.
se fit entendre ; chacun crut, parce qu’il le désirait, que l’ordre d’attaquer à fond était venu ; Milhaud le crut, Lefebvre-Desnoëttes le crut, Ney se le figura. […] De Grouchy il n’était pas plus question que s’il avait disparu dans un tremblement de terre ; et cependant depuis midi la canonnade qu’il entendait, quand il n’aurait pas reçu d’ordre, l’appelait assez haut.
Quelques-unes de ces pièces, telles que le Juif errant, sont purement poétiques, artistiques ; l’inspiration de cette admirable ballade, en effet, c’est la perpétuité de la course maudite, la folle rage du tourbillon : la moralité n’y vient que d’une façon détournée et secondaire ; on n’a pas le temps de l’entendre. […] Quand Béranger dit que « le pouvoir est une cloche qui empêche ceux qui la mettent en branle d’entendre aucun son ; » et ailleurs « qu’il est des instants, pour une nation, où la meilleure musique est celle du tambour qui bat la charge ; » et encore, lorsqu’il compare les prétendus faiseurs de la révolution de Juillet à ces « greffiers de mairie qui se croiraient les pères des enfants dont ils n’ont que dressé l’acte de naissance ; » cela me paraît étonnamment rentrer dans le goût des locutions familières à Franklin.
Nous avons entendu prononcer le mot de nouvelle manière ; mais, selon nous, dans les Feuilles d’Automne, c’est le fond qui est nouveau chez le poëte plutôt que la manière. […] Si l’on compare avec les Feuilles d’Automne les anciennes élégies que j’ai précédemment appelées un charmant petit poëme, et qu’on pourrait aussi bien intituler les Feuilles ou les Boutons de Printemps, on aperçoit d’abord la différence de dimension, de coloris et de profondeur, qui, comme art du moins, est tout à l’avantage de la maturité ; il y a loin de l’horizon de Gentilly à Ce qu’on entend sur la Montagne, et du Nuage à la Pente de la Rêverie.
A propos d’un passage du poëme, il remarque que M. de La Fontaine aurait pu en tirer parti pour une fable, et sa manière de dire fait entendre assez clairement que M. de La Fontaine ne le connaissait pas. […] Livré, après une première éducation très-incomplète, à toutes les dissipations de la jeunesse et des sens, La Fontaine entendit un jour, de la bouche d’un officier qui passait par Château-Thierry, l’ode de Malherbe : Que direz-vous, races futures, etc.
Tout en admirant chez Walter Scott un génie rare que nous avons assez exalté, nous ne prétendons pas le placer encore parmi ces deux ou trois privilégiés de chaque siècle, qui méritent d’être abordés jusqu’à leur dernier jour avec tant d’égards, de ménagements, de complaisance, et envers qui l’on a déjà les sentiments graves de la postérité confondus avec ce je ne sais quoi d’affectueux et de reconnaissant qu’inspire un grand homme aux contemporains dignes de l’entendre. […] Quand sir Walter Scott en viendra à la campagne d’Italie et à la correspondance de Bonaparte avec Joséphine, il comparera le style étincelant de ces lettres au langage d’un berger arcadien, et il ajoutera ces singulières paroles qu’on croirait entendre sortir des lèvres froncées d’une milady autour d’une table à thé : « Nous ne pouvons nous dispenser de dire que dans certains passages, qu’assurément nous ne citerons pas, cette correspondance offre un ton d’indélicatesse (indelicacy) que, malgré l’intimité du lien conjugal, un mari anglais n’emploierait pas, et qu’une femme anglaise ne regarderait pas comme l’expression convenable de l’affection conjugale. » Risum teneatis… Maintenat que nous avons un échantillon du XVIIIe selon sir Walter Scott, prenons une idée du tableau qu’il trace de la révolution francaise : « La définition du tiers état par Sieyes fit fortune, au point que les notables demandèrent que les députés du tiers fussent égaux en nombre aux députés de la noblesse et du clergé réunis, et formassent ainsi la moitié numérique des délégués aux États généraux. » Mais on sait que l’Assemblée des notables se prononça contre le doublement du tiers, et que le bureau présidé par Monsieur fut le seul qui vota pour cette mesure.
Tout le monde s’entend sur le mot : le superflu, c’est ce qu’on a de trop. […] Entendons-nous : il faut l’avoir vue, mais il n’est pas toujours bon de l’avoir sous les yeux, au moment d’écrire : la volonté de la peindre vous gênerait, vous verriez tout, rien ne se détacherait.
Quand nous lisons ou que nous entendons prononcer le mot de Tuileries, nous prenons tous l’idée du même lieu, du jardin qui borde la Seine entre le Carrousel et les Champs-Élysées : mais des images s’éveillent en outre les mêmes pour tous, des dômes de verdure, de grises statues parmi les feuillages verts ou jaunissants, des enfants et des joueurs de ballon ; selon notre âge, nous voyons se dessiner un palais ou des ruines ; certains de nous aperçoivent les hôtes disparus de l’édifice détruit, les fameuses journées que l’histoire y compte ; selon le caprice de nos goûts et de nos études, la salle des maréchaux ou la salle des machines nous reviennent en mémoire, et nous peuplons les allées de muscadins ou de petits-maîtres. […] Lui seul entendra, chaque fois que le mot sera prononcé, certain sifflement de balle, certain amortissement de ce bruit dans la chair vivante, lui seul verra certaine grimace, certaine contorsion de l’homme qui meurt, certain geste indifférent du vieux soldat, certaine colère du vaincu, lui seul évoquera certain regard d’un ennemi rencontré dans une charge, certaine parole, certaine lumière, certain paysage : un monde d’impressions ressenties une seule fois par un seul homme surgira au son de deux syllabes banales.
Le capitaine dit alors qu’il va écrire une lettre de rémission qu’il lui remettra pour le cas où il serait tué, car il n’entend pas que la justice puisse en ce cas chercher querelle à son adversaire. […] Silvia, obligée d’écouter les confidences du capitaine Spavente qui l’entretient de ses nouvelles amours, faisait naturellement entendre les mêmes plaintes que la Lélia des Ingannati : « Pauvre et misérable fille, tu viens d’ouïr de tes propres oreilles, et de la bouche même de cet ingrat, l’amour qu’il te porte.
C’est pourquoi il est à peu près entendu parmi les moralistes qu’il ne faut pas réfléchir beaucoup sur son devoir ; qu’il faut l’accepter et l’accomplir sans discussion et sans examen. […] J’entends par là qu’elle glorifie la force individuelle ; elle s’élève contre les coalitions grégaires qui s’efforcent d’opprimer par le nombre la force individualisée.
II À entendre certains théoriciens politiques, une nation est avant tout une dynastie, représentant une ancienne conquête, conquête acceptée d’abord, puis oubliée par la masse du peuple. […] La race, comme nous l’entendons, nous autres, historiens, est donc quelque chose qui se fait et se défait.
L’auteur, qui entend toute chose, mais qui d’instinct sent l’éloquence mieux encore que la poésie, a su cette fois pénétrer dans cette poésie un peu sombre et déjà voilée, qui, chez quelques-uns de ces pères, chez Grégoire de Nazianze surtout, se montre si bien en accord avec les souffrances de l’âme et du monde. […] Je crois l’entendre d’ici me répondre que cette pente où l’on va est une loi fatale pour toute littérature qui a beaucoup duré et qui a eu déjà plusieurs siècles de floraison et de renaissance ; qu'en attendant il faut tirer de chaque âge le meilleur parti possible, lui demander l’œuvre à laquelle il est le plus propre, et que, d’ailleurs, nous n’en serons pas de sitôt pour cela à l’école de Byzance, que nous n’en sommes qu’à celle d’Alexandrie.