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1550. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Sans doute la simple culture patriotique et vraie est supérieure à cette culture artificielle des derniers temps de l’Empire, et si quelque chose pouvait inspirer des craintes sur l’avenir de la civilisation moderne, ce serait de voir combien l’éducation prétendue humaniste qu’on donne à notre jeunesse ressemble à celle de cette triste époque.

1551. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Dans Madame Bovary, il nous affirme qu’il n’y a qu’un seul type, esquissé de très loin d’après nature, un certain ancien payeur des armées de l’Empire, bravache, débauché, sacripant, menaçant sa mère de son sabre pour avoir de l’argent, toujours en bottes, en pantalon de peau, en bonnet de police, pilier du cirque Lalanne, dont les écuyers venaient prendre chez lui du vin chaud fait dans des cuvettes, et dont les écuyères venaient aussi accoucher sous son toit.

1552. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Là des peuples taris ont laissé leurs lits vides ; Là d’empires poudreux les sillons sont couverts ; Là, comme un stylet d’or, l’ombre des pyramides Mesure l’heure morte à des sables livides         Sur le cadran nu des déserts ?

1553. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Comme conception, ce drame est simple comme l’histoire, grand comme l’empire qu’on s’y dispute et que Dieu transporte d’une branche à l’autre de la maison de David pour que cette branche produise un jour un fruit de salut pour son peuple, Et que la terre enfante son sauveur, selon l’expression de Racine.

1554. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Après cette époque et pendant le Consulat et l’Empire, il y avait eu une lourde et froide littérature de collège qui semblait vouloir faire de nouveau épeler à un peuple adulte l’alphabet classique de sa première enfance.

1555. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

À cette différenciation des genres et des classes, nous voyons enfin se lier une différenciation des nationalités ; et quand il est bien établi que ni la Papauté ni l’Empire ne peuvent maintenir l’unité de l’Europe contre la diversité des intérêts qui la divisent, ce sont, après les genres ou les classes, les nations à leur tour qui prennent conscience d’elles-mêmes.

1556. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Il faut confesser l’un ou l’autre, ou reculer dans le passé, comme l’Empire l’a fait franchement, ou suivre la voie révolutionnaire contre la théologie arbitraire de la grâce et du privilège, et mettre en tête de la loi le nom du Dieu nouveau : Justice. » La Révolution l’y mit en effet, mais en lui donnant une sanction permanente et active : le couperet de Guillotin.

1557. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

— De gros amours Empire sous prétexte de sylphes. — Il ne suffit donc pas d’être coloriste pour avoir du goût. — Sa Fanny est mieux.

1558. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Nous avons donc quatre livres : Livre satirique, écrit sous l’Empire et plein de haines politiques et religieuses qui rabaissent le génie du poète au talent d’un pamphlétaire, point toujours spirituel ; le Livre dramatique, composé de deux pièces : Margarita et Esca ; le Livre lyrique qui date de l’exil à Jersey ; et enfin le Livre épique qui ne contient qu’un seul poème et qui est littérairement la meilleure partie des Quatre Vents de l’Esprit. […] Dans aucune langue, je n’aime ce que les Espagnols appellent les afrancezados : le goût français, si pur et si raffiné, n’est savoureux que chez des Français, mais alors que chez les étrangers, il devient une manière, une conquête artificielle de l’étude, il est aussitôt la cause d’un ennui à peine égalé par celui qui s’exhale de la littérature du premier Empire. […] Il en est ainsi pour Théodore Aubanel dont un ancêtre maternel émigra de Byzance dans le Comtat-Venaissin après la chute de l’empire.

1559. (1929) La société des grands esprits

La France autonome et grandissante opposait le principal obstacle à son rêve de rétablissement de l’empire romain, auquel il tenait si fort qu’il s’accommodait d’un empereur germanique, sans faire grand cas des Allemands (Tedeschi lurchi). […] Thiers de s’être borné à écrire l’Histoire de la Révolution, du Consulat et de l’Empire, qui n’est pas en effet le fondement le plus sûr de sa grande et légitime renommée. […] L’homme n’est donc pas libre au sens où il l’imagine, ni pareil à un empire dans un empire, mais soumis lui aussi au déterminisme, car rationnellement tout s’enchaîne et rien n’est discontinu. […] L’Allemagne est encore une race ; l’Angleterre n’est qu’un empire ; la France est une personne.

1560. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Oui, pour Stendhal, Napoléon est « un héros, un modèle d’énergie, d’imagination, de volonté, une grande âme pourvue d’un intellect prodigieusement net, un amant de la grandeur idéale », tandis que « Balzac voit l’organisateur et l’Empire, le Code civil, la Révolution accomplie, consolidée, maîtrisée, la société rétablie », etc. […] À propos d’un vieux général, sur la tête duquel « on entrevoyait un nuage de fausseté », Stendhal avait écrit : « On voyait que l’Empire et sa servilité avaient passé par là ». […] * * * Que la République était belle sous l’Empire ! […] Avez-vous noté ce trait : Bonaparte n’est pas seulement un médiocre, c’est un homme sans nom, un parvenu, un margoulin du pouvoir et de l’empire, avec qui le boyard Tolstoï, parlant comme un émigré et un fervent de la Sainte-Alliance, s’étonne qu’un monarque héréditaire et de droit divin consente à traiter d’égal à égal. […] Ce sont des causes générales, de vastes ensembles, des mouvements de masses, des concours de circonstances impossibles à dénombrer et encore plus à produire ou à déjouer, qui déterminent d’une façon inéluctable les guerres et les révolutions des empires.

1561. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Vivant sous l’empire des idées poussées au fanatisme religieux le plus déplorable, il ne sacrifie pas aux passions du jour. […] Après la révolution de 1789, sous le premier Empire et surtout depuis, ce genre dramatique que l’on appelle à grand spectacle a pris un accroissement considérable ; mais alors c’était une innovation, que du reste aucun auteur ne voulut imiter. […] Si les décrets du ciel, si l’ordre du destin, Avaient mis sous mes lois les climats du matin, Et si, par des progrès où ta valeur aspire, Le Danube et le Rhin coulaient sous mon empire, Osman dans mes États serait maître aujourd’hui ; Il n’aurait qu’à m’aimer, et tout serait à lui. […] Oui, Madame, il est vrai, je pleure, je soupire, Je frémis ; mais enfin, quand j’acceptai l’Empire, Quand j’acceptai l’Empire, on me vit empereur.

1562. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Aussi bien, dit son principal personnage, « le but de notre Institut est la découverte des causes et la connaissance de la nature intime des forces primordiales et des principes des choses, en vue d’étendre les limites de l’empire de l’homme sur la nature entière et d’exécuter tout ce qui lui est possible. » Et ce possible est l’infini. […] Pour se développer, il faut qu’une idée soit en harmonie avec la civilisation qui l’entoure ; pour que l’homme espère l’empire des choses et travaille à refondre sa condition, il faut que de toutes parts l’amélioration ait commencé, qu’autour de lui les industries grandissent, que les connaissances s’amassent, que les beaux-arts se déploient, que cent mille témoignages irrécusables viennent incessamment lui donner la preuve de sa force et la certitude de son progrès. « L’enfantement viril du siècle359 », ce titre que Bacon décerne à son œuvre, est le véritable. […] Comparer aux discours de M. de Fontanes sous l’Empire.

1563. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Il avait donc été élevé sous l’Empire, à l’heure où régnait sur la scène intellectuelle cette génération dont M.  […] Si l’on demandait à un lecteur d’intelligence moyenne, qui aurait lu les dix-huit volumes de l’Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire, ce qu’il pense de cette fameuse théorie de l’hérédité, il serait certainement dans un grand embarras : « J’ai vu, nous dirait-il, une vingtaine de personnages qui ne se ressemblent en rien, entre lesquels on m’affirme qu’il y a un fil commun que je n’aperçois pas ; dont les uns sont honnêtes, les autres intéressés, celui-ci criminel, celui-là ivrogne, par suite d’une même névrose originelle. […] Un des faits les plus caractéristiques de la littérature du second empire et de la troisième république, de celle-là même dont nous venons d’étudier quelques-uns des guides, c’est sa complète indifférence aux questions transcendantes. […] À peine est-il besoin d’ajouter qu’ils sont unanimes à repousser la doctrine de l’art pour l’art, que même, non contents de la repousser, ils la condamnent, ils la poursuivent, ils la flétrissent. — De même, ils ont rompu avec le culte que les négatifs avaient voué à la science : ils la respectent, c’est vrai ; ils ne se posent pas vis-à-vis d’elle en adversaires déclarés, mais ils n’acceptent ses déductions que sous réserves, ils demeurent méfiants de ses affirmations et de ses négations ; surtout, ils recherchent des vérités que la science n’a ni la prétention, ni le pouvoir de donner : en deux mots, ils travaillent en dehors d’elle, en lui refusant l’empire universel que les autres ont tenté de lui donner  En revanche, ce qu’ils refusent à la science, ils sont bien près de le donner à la religion, quand bien même ils ne sont peut-être parfaitement au clair ni sur ses fondements, ni sur ses dogmes ; quoique quelques-uns d’entre eux restent hors de l’Église, quoiqu’ils soient peut-être pour la plupart (je n’en sais rien, je suppose) de médiocres fidèles, peu assidus aux cultes, rétifs à la confession ; si, dans un coin de leur cœur encore mondain ou de leur cerveau qui est tout de même un cerveau d’hommes de lettres, ils conservent peut-être les doutes les plus graves sur les plus importants des articles de foi, cependant ils s’efforcent à la soumission, ils font de leur mieux ployer l’orgueil de leur esprit, quelques-uns même, à force de volonté, parviennent à se donner l’illusion de la foi.

1564. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

En supprimant, comme font volontiers les modernes, et comme ils sont portés à le faire de plus en plus, les anciens miracles et l’ordre surnaturel, il essaye de substituer et d’inaugurer un autre idéal, celui de l’Humanité ; et ce qui n’était chez lui d’abord qu’un sentiment de justice et de reconnaissance individuelle devenant un dogme social avec les années, il se range à cette parole d’un maître : « L’Humanité est composée de plus de morts que de vivants, et l’empire des morts sur les vivants croît de siècle en siècle : sainte et touchante influence qui se fait sentir de plus en plus au cœur à mesure qu’elle subjugue l’esprit.

1565. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Et Chateaubriand, qui n’a cessé d’avoir le grand culte présent, a dit en s’adressant à un ami qu’il voulait enflammer : « C’est une vérité indubitable qu’il n’y a qu’un seul talent dans le monde : vous le possédez cet art qui s’assied sur les ruines des empires, et qui seul sort tout entier du vaste tombeau qui dévore les peuples et les temps. » On aime à entendre à travers les âges ces échos qui se répondent et qui attestent que tout l’héritage n’a pas péri.

1566. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Pour que le monde ait tant d’empire, il faut qu’il ait bien de l’attrait ; en effet, dans aucun pays et dans aucun siècle, un art social si parfait n’a rendu la vie si agréable.

1567. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Déchirée plus que constituée en empires, en royautés, en féodalités ecclésiastiques, en principautés, en municipalités ou en républiques souveraines, cette terre manque essentiellement d’unité ; elle est constamment en diètes ou en délibérations avec elle-même.

1568. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

« Maintenant, arrachez avec les câbles la cloche de la fosse ; qu’elle s’élève dans les airs, dans l’empire du son !

1569. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Quoi qu’il en soit, on s’extasie de surprise et d’admiration quand on voit une terre qui a perdu l’empire du monde, puis sa propre liberté, puis ses dieux, puis sa langue même ; une terre qui avait produit Cicéron, Horace, Virgile, reproduire tout à coup, dans une autre langue, mais dans un même génie, Dante, Arioste, Pétrarque, le Tasse et Machiavel.

1570. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Il n’y avait point d’intérêt et par conséquent point de bassesse dans son sentiment pour l’Empire.

1571. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Pendant ce voyage, la veine poétique se rouvrit en moi, plus abondante que jamais, et il n’y avait guère de jour où celle qui avait sur moi plus d’empire que moi-même ne me fit composer jusqu’à trois sonnets et plus encore.

1572. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Le plus grand monarque reconnaît son empire, et tous, autour de lui, depuis ses plus humbles serviteurs jusqu’aux nobles orgueilleux qui environnent son trône, subissent à certains moments la toute-puissance de ce sentiment.

1573. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Outre leur incontestable valeur esthétique, les chefs-d’œuvre romantiques ont encore pour l’historien littéraire une valeur documentaire de premier ordre sur l’esprit en France : pendant vingt-cinq ans, sous la Révolution et l’Empire, comme un sol qui absorbe lentement les pluies pour les rendre plus tard à l’état de sources, de fraîcheur, et de richesse, l’âme française s’était profondément pénétrée de toutes les larmes et de tout le sang qui avaient longuement coulé sur le pays.

1574. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Deux forces réunies dans des proportions inégales, le génie et la tradition, ont tiré l’esprit français de cette décadence précoce où l’acheminait doucement, du pas dont il marchait lui-même au dernier terme, Fontenelle, profitant de l’interrègne du génie pour établir le spécieux empire du bel esprit.

1575. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

L’Empire, encore plus hardi et plus encouragé par l’opinion, put méconnaître impunément certaines vérités bienfaisantes du Contrat social, sous la protection de la peur qu’inspiraient ses sophismes.

1576. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

C’est un des bienfaits de l’Empire d’avoir donné au peuple des souvenirs héroïques et un nom facile à comprendre et à idolâtrer.

1577. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

C’est bien les trois époques : Louis-Philippe, 1848, l’Empire.

1578. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

.), nous, qui avons toutes les haines de purs lettrés pour ce gouvernement, ennemi et envieux des lettres, et nous qui n’avons, dans cette pétaudière d’un Empire ramolli, d’autre amitié que l’amitié de la princesse, et encore une amitié en dispute et en lutte sur toute idée et toute chose, c’est nous, dont on veut tuer près du public le talent avec la calomnie du mot « courtisans », et d’où cela part-il ?

1579. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Et la montre qu’elle fait de ces choses, est semée d’anecdotes du dix-huitième siècle, d’anecdotes de Louis-Philippe, d’anecdotes du second Empire, donnant à penser aux curieux mémoires, qu’on ferait sous la dictée de cette spirituelle vieille femme, à la parole intarissable.

1580. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Les époques troublées et misérables sont celles où naît le mysticisme ; la plupart des personnes qui ont éprouvé ce sentiment ont souffert de névroses épileptoïdes ; le plus grand nombre étaient des gens chez qui la sensibilité avait supprimé presque toutes les autres opérations intellectuelles ; il en est qui conservèrent dans cette sorte d’aliénation, l’empire de leur intelligence spéculative ; par contre, il ne me revient pas qu’il y ait eu des mystiques bons observateurs, et qui surent voir d’abord, analyser et concevoir ce monde qu’ils ont désespéré de comprendre et d’aimer.

1581. (1894) Textes critiques

Combien je trouve plus exacte la réflexion d’un des figurants polonais, qui jugea ainsi la pièce : « Ça ressemble tout à fait à du Musset, parce que ça change souvent de décors. »‌ Il aurait été aisé de mettre Ubu au goût du public parisien avec les légères modifications suivantes : le mot initial aurait été Zut (ou Zutre), le balai qu’ou ne peut pas dire un coucher de petite femme, les uniformes de l’armée, du premier Empire ; Ubu aurait donné l’accolade au tsar et l’on aurait cocufié diverses personnes ; mais ç’aurait été plus sale.‌

1582. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

La coupe de Socrate, le glaive de Caton, l’empire de César, c’est le monde !

1583. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Là des peuples taris ont laissé leurs lits vides, Là d’empires poudreux les sillons sont couverts, Là, comme un stylet d’or, l’ombre des Pyramides Mesure l’heure morte à des sables arides         Sur le cadran nu du désert !

1584. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

« Quand tu auras entendu ses hurlements désespérés et traversé ensuite le séjour où ceux qui brûlent sont encore heureux parce qu’ils espèrent », lui dit-il, « une âme plus digne que moi d’entrer dans le ciel te guidera, parce que le Dieu qui gouverne là-haut ne veut pas que je pénètre dans son empire. » Dante le remercie de vouloir bien le conduire à la porte de saint Pierre (allusion au paradis ouvert ou fermé, selon les croyances catholiques, par cet apôtre), et il suit son guide.

1585. (1884) Articles. Revue des deux mondes

— Les classes dirigeantes deviennent ainsi presque fatalement les classes rétrogrades, et l’hérédité, qui semblerait devoir constamment accumuler chez les descendans les qualités qui ont valu l’empire aux ancêtres, a pour principal effet de hâter leur irrémédiable déchéance.

1586. (1926) L’esprit contre la raison

Les mots dont se sert Crevel sont autant d’allusions au début de l’essai de Valéry dans lequel lescatastrophes de l’actualité sont interprétées comme la sanction d’une défaillance, de la morale publique ou de la lucidité: « « Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d’empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées, avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques.

1587. (1895) Hommes et livres

. — Je ne remarque en nous qu’une seule chose qui nous puisse donner juste raison de nous estimer, à savoir l’usage de notre libre arbitre, et l’empire que nous avons sur nos volontés ; car il n’y a que les seules actions qui dépendent de ce libre arbitre pour lesquelles nous puissions avec raison être loués ou blâmés… Art. 153. — Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu’un homme s’estime au plus haut point qu’il se peut légitimement estimer, consiste seulement partie en ce qu’il connoît qu’il n’y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour ce qu’il en use bien ou mal, et partie en ce qu’il sent en soi-même une ferme et constante résolution d’en bien user, c’est-à-dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les meilleures ; ce qui est suivre parfaitement la vertu. […] Voici Nicomède, d’abord, avec cette sérénité hautaine, dont il domine tous ceux qui l’entourent, et Attale, et Arsinoé, et Flaminius même : Art. 203. — … Comme il n’y a rien qui la rende (la colère) plus excessive que l’orgueil, ainsi je crois que la générosité est le meilleur remède qu’on puisse trouver contre ses excès, pour ce que, faisant qu’on estime fort peu tous les biens qui peuvent être ôtés, et qu’au contraire on estime beaucoup la liberté et l’empire absolu sur soi-même, qu’on cesse d’avoir lorsqu’on peut être offensé par quelqu’un, elle fait qu’on n’a que du mépris ou tout au plus de l’indignation pour les injures dont les autres ont coutume de s’offenser. […] J’ai souhaité l’empire et j’y suis parvenu ; Mais en le souhaitant, je ne l’ai pas connu. […] 4º Désabusé, donc, de « cet empire absolu sur la terre et sur l’onde », dégoûté des rigueurs qui ne servent à rien, conscient aussi de son indignité, « il connaît qu’il n’y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés » ; il n’estime plus que « l’empire absolu sur soi-même ». […] L’Essai sur les causes est écrit aussi sous l’empire de préoccupations scientifiques.

1588. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

L’auteur croit-il que ce serait entrer dans une voie nouvelle que d’en revenir au genre de l’empire, à la manière de Louis David ? […] [Texte d’Hippolyte Castille] L’excellence d’une méthode ne se prouve que par des œuvres conçues sous son empire.

1589. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

La prophétie de Tirésias à Créon est vigoureusement renouvÉlée de Sophocle :                                      … Avant que le soleil Laisse en notre horizon la nuit et le sommeil, Vous verrez les effets du malheureux augure Qui m’a si clairement marqué votre aventure : Le frère mort, privé des honneurs du cercueil, La sœur vive enterrée et tout le peuple en deuil Appellent, d’une voix qui ne sera pas vaine, La justice du ciel sur l’injustice humaine : La mort de votre fils, ce prince aimé de tous, Est le premier fléau qui tombera sur vous ; D’effroyables remords, mégères éternelles, Invisibles bourreaux des âmes criminelles, Vous persécuteront jusqu’aux derniers abois ; Et, s’il faut mettre hors tout ce que je prévois, Un bras victorieux, que votre crime attire, Vous va bientôt ravir et la vie et l’empire. […] Allons, unis d’esprit, sans commerce de corps, Achever notre hymen en l’empire des morts. […] Si sur notre avenir vos dieux ont quelque empire Quelle indigne pitié divise leur courroux ?

1590. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Cela suppose en lui, je l’avoue, beaucoup d’empire sur ses passions, une rare pondération de caractère, mieux encore, une grande élévation d’âme ; et ce sont là des vertus plus faciles à recommander qu’à pratiquer. […] Je sais bien qu’il considère le second Empire « comme une époque fort insouciante par malheur, mais aussi comme l’une des plus tranquilles, des plus gaies, des plus amusantes et des plus brillantes de notre histoire », et je constate que cette appréciation n’est pas d’un farouche républicain ; je ne sais pas cependant ce qu’il pense de nos différents partis et de nos innombrables ministères, et je serais tenté de croire que ces sujets de méditation le préoccupent assez peu. — Quelqu’un me souffle à l’oreille : Avez-vous remarqué ? […] Moi qui vous parle, si j’avais été le dieu de la mer, je n’aurais pas exclu le pauvre animal de mon empire.

1591. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

. — Continuateur de l’Histoire de l’Empire Ottoman ? — Oui, sire, de l’Histoire du Bas Empire. » Après cela, Ameillon, ravi de l’honneur, s’en allait, disant partout avec emphase : « L’empereur est étonnant. […] Ceux-ci défendent à leurs concurrents l’approche des rois, et de même les préjugés empêchent les vérités de parvenir jusqu’à l’esprit, de peur de perdre l’empire qu’ils usurpent sur lui. » Un des préjugés les plus répandus est qu’il est impossible d’atteindre le bonheur ; comme cela ne nous empêche pas de le désirer, une telle idée corrompt la vie et la rend souvent insupportable.

1592. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Voyez l’Égypte, la Grèce, Rome, l’Empire d’Orient, même la Chine.

1593. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Et les optimistes peuvent se rassurer : cet anéantissement de la volonté qu’ils affectent de confondre avec son inaction ne s’obtient au contraire que par son exercice, à peu près de la même manière et pour les mêmes raisons qu’on a toujours vu, dans l’histoire, ceux qui croyaient le moins à leur libre arbitre, — stoïciens dans l’antiquité, calvinistes au xvie  siècle, ou jansénistes au xviie , — être pourtant ceux de tous les hommes qui ont le plus étroitement soumis à l’empire de la raison les impressions de leurs sens, les suggestions de leurs instincts, et le tumulte de leurs passions. […] Discret comme, sous la paupière Longue et soyeuse, la pudeur ; Ou pénétrant, comme l’ardeur D’une prunelle meurtrière ; Léger, comme l’espoir naissant Qu’une amitié de vierge inspire ; Intense et fort comme l’empire D’un amour fatal et puissant… Si ce n’est pas la partie du poème qui nous agrée le plus, d’autres, sans doute, la goûteront mieux que nous. […] Si l’auteur des Rougon-Macquart est fort loin d’avoir tenu toutes ses promesses, et si depuis longtemps déjà le romantique qui est en lui l’a emporté sur le naturaliste, toujours est-il qu’il a voulu d’abord écrire « l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire » ; et, pour l’auteur de l’Histoire de la littérature anglaise, l’originalité de sa tentative ou de son rôle, quelle est-elle parmi nous, sinon d’avoir, en y introduisant les méthodes et les préoccupations de l’histoire naturelle, vraiment renouvelé la critique et l’histoire ? […] Où le raisonnement s’égare, et où la raison même gauchit, c’est là qu’elle intervient et qu’elle fonde son empire.

1594. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Molière et Boileau disparus, les beaux esprits ont recouvre l’empire dont le bon sens et le génie les avaient un temps dépossédés. […] Si l’on ne reconnaissait pas qu’elles sont capables, à elles seules, de produire les effets de toutes les autres ensemble, — c’est un mot de Marivaux, — il faudrait avouer cependant qu’aucunes, en aucun temps, n’exercent plus universellement leur empire. […] Lorsque parurent, on peut dire coup sur coup, en moins de dix ans, de 1755 à 1764, le Discours sur l’inégalité, la Lettre à d’Alembert, la Nouvelle Héloïse, le Contrat social, l’Émile, la Lettre à Christophe de Beaumont, les Lettres de la montagne, il est impossible d’abord que Voltaire ne comprît pas que ce nouveau venu lui dérobait une part de l’empire de l’opinion. […] Il parut vraiment à l’auteur de Zaïre et du Siècle de Louis XIV qu’un barbare entrait en conquérant dans le domaine qu’il avait mis cinquante ans à se faire, lui disputait les terres dont Fréron et Desfontaines même lui avaient jadis reconnu l’empire, dévastait l’héritage qu’il croyait avoir directement reçu des hommes du grand siècle.

1595. (1888) Poètes et romanciers

À la place des champs de bataille où l’empire du monde devait être l’enjeu, ce n’étaient que des champs de parades. […] L’humanité rentre sous l’empire de la Nature. […] Tous les arts sont unis : les sciences humaines N’ont pu de leur empire étendre les domaines, Sans agrandir aussi la carrière des vers. […] Tout cela est l’œuvre de l’âme se sentant elle-même, prenant conscience de sa liberté, un monde où viennent expirer les lois qui régissent le reste de l’univers : Espace intérieur, inviolable empire Qu’un refus du vouloir barre même au Destin.

1596. (1910) Rousseau contre Molière

  Là-dessus, non sans quelque raison ou non sans quelque apparence de raison, les adversaires de Molière se lèvent et disent : « Ne voyez-vous pas que dans Tartuffe ce n’est pas Tartuffe que Molière attaque, c’est Orgon, et, par conséquent, c’est la religion, c’est Orgon, qui, parce qu’il est pieux, tombe dans la domination et sous l’empire d’un coquin simulateur de piété ; qui, parce qu’il est pieux et parce qu’on lui fait peur de l’enfer, devient stupide d’abord, de plus devient insensible à tout ce qui n’est pas religion, c’est-à-dire à ses amis, à ses concitoyens, à sa famille (« et je verrais mourir frère, enfants, mère et femme… » ; devient enfin méchant, maudit son fils, force sa fille à se marier contre son gré, devient enfin aussi « abominable homme » que Tartuffe lui-même ! […] D’abord, comme nous l’avons déjà dit, parce qu’il ne considérait pas les grands vicieux comme étant de l’empire de la comédie, la comédie devant faire rire et les grands vicieux n’étant pas comiques, mais haïssables ; il n’a pas voulu assombrir la comédie. […] Le manège de la coquetterie exige un discernement encore plus fin que celui de la politesse ; car pourvu qu’une femme polie le soit envers tout le monde, elle a toujours assez bien fait ; mais la coquette perdrait bientôt son empire par cette uniformité maladroite ; à force de vouloir obliger tous ses amants, elle les rebuterait tous. […] Que sa femme ne sache rien, pour qu’il ne lui apprenne que ce qu’il lui plaira qu’elle sache, et surtout, ce qui est sa terreur, pour qu’elle n’en sache pas plus que lui ; que sa femme soit habile aux travaux d’intérieur, et qu’elle les aime, et donc qu’elle y ait été habituée dès sa plus tendre enfance, et qu’elle y mette son orgueil, ce qui la détournera de le mettre ailleurs ; que sa femme n’ait pas de personnalité et par conséquent point de religion différente de celle qu’il a, ce qui est la manière la plus accusée, presque la plus agressive d’avoir une personne et ce qui borne redoutablement l’empire qu’il prétend garder ; que sa femme ait quelques petits talents d’agrément, mais avec discrétion, assez grands pour charmer les réunions de famille, assez médiocres pour que la femme ne songe pas à briller devant un cercle de gens qui s’y connaîtraient. » Là certainement s’arrête le rêve de Sganarelle, si déjà il n’est pas un peu dépassé.

1597. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

De même que le Beau Solignac était une étude du monde militaire sous le premier empire, le Renégat est une étude du monde parlementaire sous Napoléon III. […] Le Nabab est l’histoire d’une sorte de bourgeois-gentilhomme, débarqué à Paris sous l’Empire avec une immense fortune ; ses mains ouvertes (que de gens d’affaires les ont déjà oubliées !) […] Nous éclatâmes tous de rire ; il se releva du plus beau sang-froid du monde, regarda, en souriant, les ruisseaux de gelée de groseille qui coulaient, comme miel de l’âge d’or, sur son gilet et sur son habit, les ramassa, sans maudire, du bout de son doigt, qu’il essuya très proprement sur ses lèvres, et s’en alla s’asseoir à la place qui lui était destinée, semblable aux dieux immortels, qui voient d’un œil serein les vaines agitations des hommes et la chute des empires. […] j’ai fait vingt ans la guerre sous l’Empire, et je n’en avais rapporté que deux blessures ; mais le rôle du mannequin, ce sont de rudes campagnes !

1598. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Plus l’Empire allait de victoire en victoire, et plus Bobèche était grave et calme. […] À leurs voix puissantes se sont agités les peuples, sont tombes les empires, ont disparu les dynasties ; que voulez-vous qu’ils s’inquiètent de n’être pas entendus aujourd’hui ? […] — Hospitalière et bienveillante maison où mourut, dans le silence et l’isolement, une des plus grandes dames de l’ancien empire français, une grande dame qui était un bel esprit et un charmant écrivain. […] Jeune encore, le docteur Blanche a vu venir à lui, à demi fous d’épouvante, les vieux poètes de l’Empire épouvantés des premiers bruits de la naissante poésie ; il a vu l’Académie inquiète du Cénacle ; il a vu plus tard le Cénacle, à son tour, possédé de cette ambition perverse qui ne veut rien tolérer de tout ce qui s’élève ou se tient debout à côté d’elle !

1599. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Ce mioche est enfermé des pieds à la tête dans le costume rouge d’un bourreau du moyen âge ; cette fillette de quatre ans porte un chapeau-cabriolet tel qu’en portaient ses bisaïeules et traîne derrière elle un long manteau de cour au teint criard ; une autre bambine qui peut à peine se tenir sur ses petites jambes est revêtue de la robe à traîne à taille courte, à jupe longue, à ceinture haute et aux manches à gigot de la dame empire. […] Il se révolte donc contre des états de choses et des manières de voir qui doivent nécessairement lui être importuns, ne fût-ce que parce qu’ils lui imposent le devoir d’exercer de l’empire sur lui-même, ce à quoi il est impuissant de par la débilité organique de sa volonté. […] Le public, auquel des fanatiques hystériques n’avaient pas encore imposé tyranniquement la foi à la beauté de ces œuvres et qui n’était pas encore sous l’empire de la mode inventée par les snobs esthétiques, et consistant à voir dans l’admiration pour celles-ci une marque de distinction et d’affiliation à un cercle étroit et exclusif de patriciens du goût, le public, disons-nous, alla à elles sans prévention et les trouva incompréhensibles et grotesques. […] Ce qui les enchanta, en pensant au moyen âge, ce ne fut pas la grandeur et la puissance de l’empire allemand, l’abondance et la beauté de la vie allemande de ce temps-là, mais le catholicisme avec sa foi aux miracles et son culte des saints. […] Si le monde extérieur a un coloris émotionnel nettement marqué, il éveille en nous la disposition d’esprit qui lui répond, et si, au contraire, nous sommes sous l’empire d’une disposition d’esprit nettement marquée, nous remarquons dans le monde extérieur, conformément au mécanisme de l’attention, seulement les phénomènes qui s’accordent avec notre disposition d’esprit, l’entretiennent et la renforcent, et nous ne remarquons ni ne percevons même pas les phénomènes contradictoires.

1600. (1911) Études pp. 9-261

Sur ses poèmes le poète ne cesse d’exercer son empire. […] Et, se sentant seul à posséder cet empire, il semble se taire avec connaissance. […] … Quelle prise, d’un empire ou d’un corps de femme entre des bras impitoyables, comparable à ce saisissement de Dieu par notre âme, comme la chaux saisit le sable, et quelle mort (la mort, notre très précieux patrimoine), nous permet enfin un aussi parfait holocauste, une aussi généreuse restitution, un don si filial et si tendre186 » ?

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