Ce penchant à l’admiration créait les chefs-d’œuvre qui la méritent.
Ainsi l’on créait un despotisme raisonneur mortellement fatal à l’empire des lumières.
Ils ont pour ennemis le besoin qu’a le public de juger et de créer de nouveau, d’écarter un nom trop répété, d’éprouver l’émotion d’un nouvel événement : enfin, la multitude, composée d’hommes obscurs, veut que d’éclatantes chûtes relèvent de temps en temps le prix des conditions privées, et prêtent une force agissante aux raisonnements abstraits qui vantent les paisibles avantages des destinées communes.
Si incomplète, si superficielle que soit une pensée, si elle est une conquête de notre intelligence, elle est précieuse : car elle crée une habitude, elle prépare la voie à d’autres découvertes, et insensiblement la vue s’exercera à embrasser de plus larges espaces comme à pénétrer au-delà des surfaces.
Le mathématicien qui crée lui-même la matière de ses spéculations et considère des objets idéaux, développe les conséquences des principes qu’il a posés, et procède par déduction.
L’exercice de l’explication a pour but, et, lorsqu’il est bien pratiqué, pour effet, de créer chez les étudiants une habitude de lire attentivement et d’interpréter fidèlement les textes littéraires.
Je crois la voir donner la main à Mme Dacier, cette autre Clorinde de la naïve érudition d’antan Mlle de Montpensier est une héroïne de Corneille, très fière, très bizarre et très pure, sans nul sentiment du ridicule, préservée des souillures par le romanesque et par un immense orgueil de race ; qui nous raconte, tête haute, l’interminable histoire de ses mariages manqués ; touchante enfin dans son inaltérable et superbe ingénuité quand nous la voyons, à quarante-deux ans, aimer le jeune et beau Lauzun (telle Mandane aimant un officier du grand Cyrus) et lui faire la cour, et le vouloir, et le prendre, et le perdre Le sourire discret de la prudente et loyale Mme de Motteville nous accueille au passage Mais voici Mme de Sévigné, cette grosse blonde à la grande bouche et au nez tout rond, cette éternelle réjouie, d’esprit si net et si robuste, de tant de bon sens sous sa préciosité ou parmi les vigoureuses pétarades de son imagination, femme trop bien portante seulement, d’un équilibre trop imperturbable et mère un peu trop bavarde et trop extasiée devant sa désagréable fille (à moins que l’étrange emportement de cette affection n’ait été la rançon de sa belle santé morale et de son calme sur tout le reste) A côté d’elle, son amie Mme de La Fayette, moins épanouie, moins débordante, plus fine, plus réfléchie, d’esprit plus libre, d’orthodoxie déjà plus douteuse, qui, tout en se jouant, crée le roman vrai, et dont le fauteuil de malade, flanqué assidûment de La Rochefoucauld vieilli, fait déjà un peu songer au fauteuil d’aveugle de Mme du Deffand Et voyez-vous, tout près, la mine circonspecte de Mme de Maintenon, cette femme si sage, si sensée et l’on peut dire, je crois, de tant de vertu, et dont on ne saura jamais pourquoi elle est à ce point antipathique, à moins que ce ne soit simplement parce que le triomphe de la vertu adroite et ambitieuse et qui se glisse par des voies non pas injustes ni déloyales, mais cependant obliques et cachées, nous paraît une sorte d’offense à la vertu naïve et malchanceuse : type suprême, infiniment distingué et déplaisant, de la gouvernante avisée qui s’impose au veuf opulent, ou de l’institutrice bien élevée qui se fait épouser par le fils de la maison !
Il réussit à faire croire à la partie oisive et riche de la société que d’innover en fait d’usages mondains, de conventions élégantes, d’habits, de manières et d’amusements, c’est aussi rare, aussi méritoire, aussi digne de considération que d’inventer et de créer en politique, en art, en littérature.
— Car il la faut ainsi, molle et incertaine, pas encore formée de corps ni d’esprit, pour que l’homme la puisse pétrir et créer entière et que, la créant, il soit à son tour renouvelé et achevé par elle.
Nous pouvons leur répondre : Victor Hugo et Théophile Gautier… Théophile Gautier a continué, d’un côté, la grande école de la mélancolie, créée par Chateaubriand.
La plupart des hommes ne pensent que d’après l’habit qu’il portent ; leur profession crée leurs idées ; celui qui a rompu les liens nuisibles au progrès de la raison paroît seul posséder un jugement libre que rien ne tyrannise : Accoutumé à renfermer ses desirs dans le cercle de ses besoins réels il n’en aura point d’illimités.
Francesco Andreini, outre l’emploi du capitan qu’il tenait avec une grande supériorité, créa le type du Dottore siciliano et celui du magicien Falcirone.
C’est dans cette pièce que le gagiste Giraton créa le rôle de Pierrot, dont il resta en possession.
L’univers ne créa qu’aux périodes primitives et sous le règne du chaos.
Diderot ne refait pas Bayle ; Beaumarchais ne calque pas Plaute, et n’a pas besoin de Dave pour créer Figaro.
Tous les peuples ont eu l’idée d’un âge d’or, d’un état primitif de parfaite paix et de parfaite innocence : n’est-ce point là le sentiment secret et comme le souvenir de l’état dans lequel ont été créés nos premiers parents ?
Or, une société ne crée pas de toutes pièces son organisation ; elle la reçoit, en partie, toute faite de celles qui l’ont précédée.
La tyrannie des habitudes de l’esprit crée une sincérité de seconde main pour remplacer la sincérité vierge qu’elle tue. — Shakespeare, qui a pensé à tout, nous a donné l’idée de cette tyrannie dans Hamlet, quand, avec une intention profonde que des critiques superficiels taxeraient peut-être de mauvais goût, il mêle aux cris les plus vrais, les plus naturellement déchirants de son Oreste du Nord, des souvenirs mythologiques et pédantesques qui rappellent l’Université de Wittemberg, où le prince danois a été élevé.
La tyrannie des habitudes de l’esprit crée une sincérité de seconde main pour remplacer la sincérité vierge qu’elle tue… Shakespeare, qui a pensé à tout, nous a donné l’idée de cette tyrannie dans Hamlet, quand, avec une intention profonde, que des critiques superficiels taxeraient peut-être de mauvais goût, il mêle aux cris les plus vrais, les plus naturellement déchirants de son Oreste du Nord, des souvenirs mythologiques et pédantesques qui rappellent l’université de Wittemberg, où le prince danois a été élevé.
Et ils y passent (vous allez savoir comment), par ces mains qui n’appuient pas, mais qui touchent à tout avec une prestesse, une adresse, une justesse, une sûreté, et qui ont été créées de toute éternité, je crois, pour écrire la comédie de mœurs, et surtout quand les mœurs sont légères.
Est-ce que Rodrigue et Chimène, est-ce que madame de Clèves, ne sont pas conçus et créés par ces beaux génies à leur propre ressemblance, à leur propre image, à leur image intérieure ? […] Et cet amour ne fait que s’exalter par l’admiration mutuelle de ce sacrifice, par l’enivrement de cette beauté morale qu’ils découvrent et créent l’un dans l’autre de plus en plus et dont ils font assaut. […] Premièrement, s’il eût mis sur la scène trois Horaces frères et trois Curiaces, la difficulté de créer six caractères différents, au lieu de deux, et de faire agir ces six personnages, outre tous les autres, eût été considérable. […] Dorante est un esprit fantaisiste, une imagination gaie, qui se plaît à la fiction et ment pour le plaisir, au risque de se créer des embarras. […] Aujourd’hui bien des gens ne voient en lui qu’un auteur de tragédies ; mais le genre tragique n’est qu’un des aspects de ce fécond et infatigable poète qui créait sans cesse des moules nouveaux.
Nous ne créons pas cette constitution, nous la reconnaissons. […] Il y a une très importante vérité psychologique dans ce principe de fixité du métier qui, dans son excès, a jadis créé les castes, impénétrables les unes aux autres. […] Aucune conspiration ne le créera, ce dictateur inévitable, comme aucune précaution de nos jacobins ne l’empêchera de se produire. […] C’est le moment où, en Amérique, ce même travail naturel des trusts est en train de créer de véritables dynasties de millionnaires et de rendre de plus en plus malaisé ce phénomène, quotidien là-bas autrefois, du self made man. […] Le travail nécessaire dans un long roman pour amener une situation aiguë est ici tout fait par la légende qu’une quantité énorme de documents analogues a créée dans notre pensée, presque à notre insu.
Mais qu’il est fâcheux de poser sans le savoir devant un écrivain qui en tapinois vous épie non pas même pour une transcription aussi littéralement fidèle que possible — et ce serait déjà une infidélité, — mais qui avec un esprit foncièrement primaire de Gaudissart montmartrois prétend faire œuvre originale, interpréter ou même « créer », comme un grand portraitiste, et brode, embrouille, invente et défigure sans merci ! […] Le plus grand des cartésiens, Spinoza, expose sa métaphysique more geometrico, mais crée la critique biblique dans le Tractatus. […] Parce qu’elle est plus particulière, plus fortement caractérisée, Emma résume un monde d’idées et de sentiments, épars et moins définis dans la vie courante, mais qui n’en existent pas moins, et dont la synthèse constitue l’art proprement dit, c’est-à-dire crée de la beauté, en même temps qu’elle rend la réalité plus intelligible. […] Il invoque aussi la prospérité économique, industrielle, agricole ; il espère que l’augmentation des richesses créées par la science résoudra la question sociale. […] Racine a-t-il créé des formes ?
Et au moment où, vers la trente-cinquième année, ce cerveau ainsi approvisionné s’apprêtait enfin à créer à son tour, le corps qui le soutenait a commencé de se détraquer. […] La conscience est une commodité : c’est un prétexte que nous nous sommes créé pour ne pas recourir à notre raison. […] Quelques mois après la publication de Zarathustra, Nietzsche fit savoir à ses correspondants que « décidément c’était lui qui avait créé le monde ». […] Après lui, les romans d’Ainsworth, de Charles Kingsley, le Barnabé Rudge et les Deux Cités de Dickens, ont maintenu, sans grand éclat d’ailleurs, le genre qu’il avait créé. […] Aucun de ses compatriotes n’a créé des types aussi essentiellement russes ; aucun non plus ne s’est autant rapproché, pour la composition et le style, du vieil idéal classique de l’esprit français.
Dans Arcite et Palémon, dans Troïlus et Cressida, il esquisse des sentiments, il ne crée pas de personnages ; il trace avec aisance et naturel la ligne sinueuse des événements et des entretiens, mais il ne marque pas les contours précis d’une figure frappante. […] Mettez dans tous les esprits d’un siècle une grande idée neuve de la nature et de la vie, de telle façon qu’ils la sentent et la créent de tout leur cœur et de toutes leurs forces ; et vous les verrez, saisis du besoin de l’exprimer, inventer des formes d’art et des groupes de figures. […] — Que les attributs déterminent les personnes, et non pas la substance, c’est-à-dire la nature. — Comment les propriétés peuvent être dans la nature de Dieu et ne pas la déterminer. — Si les esprits créés sont locaux et circumscriptibles. — Si Dieu peut savoir plus de choses qu’il n’en sait. » Voilà les idées qu’ils remuent ; quelle vérité en peut sortir ?
On lui a reproché de n’être point assez méthodique ; de peindre en amant de la nature, et de ne pas décrire en naturaliste: c’était lui reprocher de créer sa manière, et de rendre les voies de la science agréables et faciles. […] Enfin, pour mieux caractériser les deux amours de Rousseau et de Bernardin, l’un créa la Nouvelle Héloïse, l’autre Virginie: la Nouvelle Héloïse qui se livre à son précepteur avant de se donner à son époux ; Virginie qui refuse la fortune pour se conserver fidèle à Paul, et qui meurt volontairement pour ne pas manquer aux scrupules de la pudeur. […] Tout ce qu’une puissance infinie et une bonté céleste ont pu créer pour consoler un être malheureux ; tout ce que l’amitié d’une infinité d’êtres, réjouis de la même félicité, peut mettre d’harmonie dans des transports communs, nous l’éprouvons sans mélange.
Le Japon a créé et vivifié le Bestiaire de l’hallucination. […] Peut-être est-ce ce qu’on devrait le moins lui apprendre, car c’est lui créer un sens d’aspiration à ce qui n’est pas. […] Le fœtus enfin, dessine l’être créé et le laisse apparaître : la tête n’écrase plus les membres, le corps se fonde et s’établit ; et voici, à quelques mois, l’enfant à peu près tel qu’il doit naître.
Quant à la physiologie sur laquelle les jeunes prétendent se baser pour innover dans les lettres, comment pourrait-elle créer une littérature nouvelle ? […] Il est un observateur subjectif, il crée ses observations au coin de son feu. […] Ils créent alors une philosophie de l’histoire, c’est-à-dire une exégèse logique de l’évolution de l’humanité.
De là ce désir de créer des êtres à notre ressemblance, de les faire vivre et de les regarder vivre, de les animer de sentiments qui sont les nôtres, et d’étudier en eux le développement, le progrès, la perversion et les infinies transformations de ces sentiments. […] Il reste que l’écrivain impersonnel, au lieu de ne chercher qu’un moyen détourné pour se mettre en scène, a eu pour unique souci de créer un monde de personnages animés de leur vie propre. […] Il crée parce que c’est sa fonction de Dieu, mais il est ignorant de ce qu’il fait, stupidement prolifique, inconscient des combinaisons de toutes sortes produites par ses germes éparpillés . […] C’est presque de l’horreur que nous avons pour l’être factice créé par la société, ou tout au moins déformé par elle et façonné lentement au gré de sa vanité et de ses hypocrisies. […] On créera des contres nouveaux d’études ; on ranimera sur plusieurs points la vie intellectuelle.
Ce n’est sans doute pas la religion qui a créé la famille, mais c’est elle assurément qui lui a donné ses règles, et de là est venu que la famille antique a reçu une constitution si différente de celle qu’elle aurait eue, si les sentiments naturels avaient été seuls à la fonder. […] À mesure qu’une famille avait, en personnifiant un agent physique, créé un dieu, elle l’associait à son foyer, le comptait parmi ses pénates et ajoutait quelques mots pour lui à sa formule de prière. […] La volonté ou le caprice du peuple n’était pas ce qui pouvait créer légitimement un magistrat. […] C’était de lui, en effet, plutôt que du peuple, qu’on pouvait dire : Il crée les consuls ; car c’était lui qui découvrait la volonté des dieux. […] Si nous entendons par législateur un homme qui crée un codepar la puissance de son génie et qui l’impose aux autres hommes, ce législateur n’exista jamais chez les anciens.
C’est au moment où la science de l’observation extérieure est venue apprendre que le corps dans ses attitudes et ses-formes les plus vulgaires, que les vêtements dans leur union avec le corps révélaient toute une nature, créaient une individualité saisissante, dont la contemplation était grosse d’idées et de sensations, c’est à présent qu’on vient encore parler de tournure, de type, d’idéal et de convention. […] Mais les choses se tiennent ; s’il n’y avait pas de poètes, il n’y aurait pas de primes à leur donner et naturellement l’Académie serait supprimée, car l’Académie est une institution uniquement créée pour distribuer des primes aux poètes, tant que l’Académie subsistera, il y aura des poètes… Il serait injuste cependant de ne pas dire un peu de bien de ces pauvres gens ; je crois donc les honorer aux yeux du monde en déclarant qu’ils sont, dans la vie privée, une race généralement satisfaite et gaie, cela prouve au moins qu’ils n’ont pas commis de grands crimes capables de troubler leur conscience, à moins que ce ne soit la joie de mettre tout le monde dedans. […] Il se crée en France des habitudes de critique dont la routine facile et paresseuse a intérêt à résister à des tendances nouvelles. […] Le mauvais romancier est celui qui reste stationnaire, qui ne voit rien au-delà d’un système et imite au lieu de créer ; celui qui imite ne voit ni juste, ni vrai, il n’est préoccupé que par l’exemple ; il faut donc se débarrasser de tout esprit d’école, de tout système ; pour créer il faut être libre. […] Par l’imagination et l’éducation, et alors il n’y a plus que certaines choses belles, et ces choses sont des conventions basées sur des idées plus ou moins valables, plus ou moins sérieuses, mais qui ne peuvent être mises en comparaison avec la grande idée matrice qui a pensé, créé, et coordonné le monde.
Parny sut se préserver mieux qu’aucun autre de la contagion, il sut s’en préserver à sa manière tout autant que Fontanes ; il ramena et observa suffisamment le goût et le naturel dans l’élégie, mais il ne créa pas le style : Or, il aurait fallu le retremper alors tout entier. […] « Monsieur le Directeur, « La place de bibliothécaire en chef du Corps législatif qui m’avait été promise ne sera point créée.
L’homme créé bon par Dieu peut-il être fait méchant par l’homme ? […] « Toutes ces choses, réalités pleines de spectres, fantasmagories pleines de réalités, avaient fini par lui créer une sorte d’état intérieur presque inexprimable.
« Dieu a du rapport avec l’univers comme Créateur et comme Conservateur ; les lois selon lesquelles il a créé sont celles selon lesquelles il conserve : il agit selon les règles parce qu’il les connaît ; il les connaît parce qu’il les a faites ; il les a faites parce qu’elles ont du rapport avec sa sagesse et sa puissance. […] Une seule industrie créée, telle que celle des chemins de fer, centuple sa richesse.
Pour l’exprimer, il créa (à peu près en même temps qu’Émile Deschamps) la forme du Poème ; et, classant ses Poèmes, il fit un livre mystique, un livre antique (Biblique, Homérique), un livre moderne : ne voit-on pas là le modèle et l’esquisse d’une Légende des siècles ? […] On peut dire que chez Vigny le penseur crée à chaque instant l’écrivain.
Certes, au point de vue métaphysique, ni les cellules ne se sont faites elles-mêmes, ni le contenu de la conscience ne s’est créé ex nihilo : nous sommes toujours enfants du Cosmos ; mais enfin, une fois produits, une fois doués d’un cerveau, nous avons emmagasiné en nous une partie des conditions de changement et de mouvement qui se trouvent dans la nature, une partie de la causalité universelle, de quelque manière qu’on l’interprète ; si quelque chose agit dans ce monde, nous aussi nous agissons ; si quelque chose, après avoir été conditionné, conditionne, nous aussi nous conditionnons. […] En imaginant, nous créons l’objet même à étudier et nous le varions de mille manières.
Oui, il y a quelque chose de neuf dans mon dernier bouquin, et il ne serait pas impossible qu’il se créât dans une vingtaine d’années, une école autour de La Faustin, comme il y en a aujourd’hui une, autour de Germinie Lacerteux. […] Et je pense que j’aurai alors, ainsi que l’on a la soudaine souffrance d’un mal, resté longtemps sourd, j’aurai la cruelle révélation de ma vieillesse sans femme et sans enfants, de mon isolement dans la vie ; de tout le dur de ma situation : choses que je ne sens pas, quand ma cervelle crée et me donne la compagnie des êtres d’un livre.
Toute œuvre d’art, si elle touche par un bout à l’homme qui l’a créée, touche par l’autre au groupe d’hommes qu’elle émeut. […] La loi devra donc être formulée comme suit : une œuvre n’aura d’effet esthétique que sur les personnes qui se trouvent posséder une organisation mentale analogue et inférieure à celle qui a servi à créer l’œuvre et qui peut en être déduite.
La révolution de 1789, en culbutant la vieille société, amena à la surface de nouvelles couches sociales ; elles rejetèrent à l’arrière-plan la littérature des aristocrates, reprirent la tradition et recommencèrent avec une nouvelle forme la littérature du xvie siècle, qui bien que méprisée et reléguée sur les « tréteaux de la foire », et condamnée aux tavernes et aux cuisines, s’était arrangée pour vivoter et pour créer des œuvres remarquables. […] L’inactivité surchauffait son tempérament ardent, « il lui semblait que la vie redoublait au fond de son cœur, qu’il aurait la puissance de créer des mondes ».
Il a le mérite d’avoir créé les sujets de la plûpart de ses piéces, qu’il n’a puisées que dans son imagination. […] Il est supérieur par la méthode qui y regne à celui d’Horace ; & lorsqu’il imite ce Poëte, il semble moins copier ses pensées que les créer.
Basée sur la Genèse qui nous apprend que l’homme a été créé à l’image de Dieu, que la terre immobile voit tourner autour d’elle le soleil et la lime chargés de l’éclairer le jour et la nuit, qu’un seul déluge a couvert le monde en punition des péchés des hommes ; fortifiée par les paroles que le Seigneur dit à Moïse dans le Deutéronome2, en lui enseignant que les lièvres sont des animaux ruminants, la science religieuse officielle a dû combattre de toutes ses forces, de tous ses anathèmes, de toutes ses inquisitions contre ces hommes trois fois saints qui recherchaient les effets et les causes, et les trouvaient infailliblement en dehors des dogmes imposés. […] C’était l’esprit du bien, aveugles qui ne savez pas le reconnaître, et qui, renversant vos propres textes, créez votre Dieu à votre image ; c’était l’esprit du bien qui se répandait parmi les hommes et leur mettait entre les mains les instruments sacrés qui doivent défricher les plaines du fécond avenir !
Quand ils virent ces hauts murs et ces riches tours dont elle était close, et ces riches palais et ces hautes églises dont il y avait tant que personne ne l’eût pu croire, s’il ne l’eût vu proprement à l’œil ; et quand ils virent le long et le large de la ville, qui de toutes les autres était souveraine, sachez qu’il n’y eut homme si hardi à qui la chair ne frémît par tout le corps ; et ce ne fut merveille s’ils s’en effrayèrent, car jamais si grande affaire ne fut entreprise d’aucunes gens depuis que le monde fut créé.
M. de Bausset, si agréable biographe, et dont je vois que l’on parle aujourd’hui beaucoup trop légèrement (car n’est-ce pas lui qui a créé chez nous la biographie vraiment littéraire ?)
Il aurait peut-être créé des genres, trouvé des veines que nous ne soupçonnons pas, qu’il n’a pas soupçonnées lui-même.
Napoléon, au centre, à Paris, crée à toute force des ressources, hâte la réorganisation, l’armement des recrues : les fusils manquaient encore plus que les bras.
Il en est de l’histoire comme de la nature : elle essaye avant de réussir, elle ébauche avant de créer.
Le plus clair, en définitive, c’est que M. de Laprade a peur qu’on ne rie, qu’on ne plaisante, qu’on ne crée de nouveaux fils à Voltaire.
Le génie est un roi qui crée son peuple.
Le roi ayant créé par édit (janvier 1674) huit charges de maîtres des requêtes ; Colbert, qui était le-patron des Foucault, conseilla au père d’en prendre une pour son fils, promettant de le faire nommer à une intendance.
Il en a usé largement ; il a créé de toutes pièces sa cité et ses habitants ; et, chose piquante !
Térence n’a laissé que six pièces de théâtre, et toutes imitées du grec ; on était encore à cet âge intermédiaire que traversent les littératures de seconde formation, où il semble plus honorable d’imiter et d’importer que d’inventer et de créer sur place, d’après nature.