/ 1939
849. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Les vrais amants, lors même qu’ils ne sont pas toujours heureux en amour, se consolent de tout par le bonheur d’aimer. […] Il n’a pas voulu le bonheur, il a refusé d’être payé de son vivant. […] s’asseoir là, respirer cette odeur de papier timbré, être bourgeois, être notaire, quel bonheur !  […] Cette fidélité lui a porté bonheur. […] Avant de renoncer au bonheur, on veut le conquérir de haute lutte.

850. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Il a trouvé le bonheur, son bonheur : Ce n’est plus de construire des châteaux, c’est de délivrer le chant qui sommeille dans son cœur. […] Il s’y adonnait avec un rare bonheur et d’une façon constante, visiblement méthodique. […] Le bonheur l’inspire moins que la tristesse et le désir. […] Je ne vois point de bonheur qui ne justifie toute ignorance… Comme s’il devait tant s’agir de l’esprit, quand il s’agit d’abord de vivre ? […] On s’est étonné de cette formule : la Science pour la Science ; et pourtant cela vaut bien la vie pour la vie, si la vie n’est que misère, et même le bonheur pour le bonheur, si l’on ne croit pas que tous les plaisirs soient de même qualité… Toute action doit avoir un but.

851. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Qu’il me fût permis de m’approcher d’elles et de les contempler, cela suffisait à mon bonheur. […] Il est encore le poison le plus subtil de la volonté, de l’énergie en général, et de la résistance aux passions, destructrices du bonheur ici-bas. […] Mais ce sont là de ces bonheurs qui n’arrivent guère que dans les contes de fées. […] Le bonheur par le progrès de la machine est devenu très aléatoire. […] La vie pastorale et agricole fait le bonheur et la famille  O fortunatos !

852. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Questions de famille, questions de bonheur, questions d’honneur, nous laissons tout reposer sur elle. […] Il vous marie, il revit dans votre bonheur, dans vos petits-enfants qu’il fait sauter sur ses genoux. […] Et ce lui est un rare bonheur, qu’ayant rencontré le succès auprès du grand public, il ait tout de même su conserver intacte l’estime des lettrés et des gens du métier. […] Daudet l’a dessiné en traits inoubliables, avec un singulier bonheur d’expression. […] Daudet met en tête de son livre, lui qui, par bonheur, n’est pas coutumier de cette emphase.

853. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

» Et encore : « C’est une coupe de ciguë que je vide obscurément tous les jours et qui me fait me trouver plus grand que Socrate mourant avec un bonheur insolent pour une idée, ses amis autour de lui et l’immortalité sûre. […] La petite Française subit cet attrait avec le trouble d’une enfant de vingt ans, en qui le rêve du bonheur s’éveille, et le remords d’une citoyenne dans une place de guerre asservie. […] A-t-il savouré le bonheur ? […] Il a eu, comme tous les artistes personnels, une manière très caractérisée, mais dont il a varié les applications avec un rare bonheur. […] Il la dira, pêle-mêle avec les bonheurs et les chagrins de son premier amour.

854. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Mais quand Paul Verlaine dit que ce n’est pas le bonheur, on n’a pas de peine à l’en croire. […] L’ignorance est la condition nécessaire, je ne dis pas du bonheur, mais de l’existence même. […] Rien n’est plus vrai, et, par bonheur, je ne suis pas le premier à m’en apercevoir. […] Il se fit mendiant et il dut reconnaître que le bonheur n’est point dans la satisfaction des appétits. […] Et il y a plus de génie et de bonheur dans Candide que dans l’Essai sur les mœurs.

855. (1876) Romanciers contemporains

Par bonheur, tel n’a pas été le but constamment poursuivi par Mérimée. […] Elle comprenait toutes les joies qu’elle avait méconnues, tous les bonheurs qu’elle avait repoussés. […] reste, le bonheur ! […] Les femmes portent bonheur à M.  […] Le bonheur qu’ils ont laissé dans leur village ?

856. (1925) Portraits et souvenirs

Celui qui eut le rare bonheur d’écrire ce chef-d’œuvre immortel et périlleux n’était point un auteur de profession. […] Il n’était pas venu, des plages bretonnes où il naquit, pour demander à son siècle le bonheur ni la richesse. […] Il les accueillait avec joie et avec une discrète ironie, comme s’il devinait, à travers les bonheurs et les succès, le secret de sa destinée. […] Cependant l’Associée est l’histoire d’un homme heureux et dont le bonheur est fait, comme celui de la plupart des hommes, d’égoïsme et d’ingratitude ! […] Ô bonheur !

857. (1864) Le roman contemporain

Croyez-vous que cela nuise au bonheur et à la paix des époux ? […] On dirait qu’il fait faction la plus généreuse du monde en faisant son propre bonheur. […] J’eus le bonheur de voir qu’il les entendait et qu’il répétait certaines parties de ces chants. […] Pour ne rien omettre, il faut tenir compte aussi de cette nombreuse classe de gens un peu naïfs qui prennent au sérieux la réputation de bonheur qu’on a faite aux étourdis et aux mauvais sujets. […] Pour ne rien omettre, il faut tenir compte aussi de cette nombreuse classe de gens un peu naïfs qui prennent au sérieux la réputation de bonheur qu’on a faite aux étourdis et aux mauvais sujets.

858. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Je ne m’en glorifie pas, puisque les berceaux sont tirés au sort pour ceux qui viennent au monde, mais je ne m’en humilie pas non plus, puisque le premier bonheur de la vie est de naître à une bonne place au soleil et à une bonne place dans le cœur de ses contemporains. […] V Cet oncle, à qui sa profession sacerdotale interdisait le bonheur d’avoir une famille, aimait tendrement mon père ; il nous avait adoptés pour ses enfants. […] Mais poursuivons. » Elle nous lut alors la conversation de table entre Télémaque et son hôte divin ; comment les prétendants à la main de Pénélope abusent du veuvage de cette mère pour ruiner et déshonorer sa maison ; comment Minerve, sous la figure de l’hôte, s’indigne de cette obsession et engage Télémaque à équiper un vaisseau pour aller à la recherche de son père ; comment, s’il n’a pas le bonheur de le retrouver, il reviendra lui-même, plus grand et plus robuste, à Ithaque, où il immolera par sa force ou par sa ruse les indignes persécuteurs de Pénélope ; comment Pénélope, entendant de sa chambre haute le chantre Phémius chanter devant ses prétendants le retour des Grecs du siège de Troie, descend les escaliers du palais, suivie de ses servantes, s’arrête, modeste et voilée, appuyée sur le montant de la porte et les yeux humides de larmes, en pensant à Ulysse qui n’est pas revenu avec les Grecs ; comment elle supplie Phémius de changer le sujet trop triste de ses chants ; comment Télémaque, déjà rusé comme son père, feint de gourmander respectueusement sa mère, pour qu’elle rentre dans sa chambre. […] Écoutez comme il mène Ulysse et Télémaque, le fils et le petit-fils, reporter leur victoire et leur bonheur à sa source, chez le vieillard Laërte, leur aïeul.

859. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il a, avec tranquillité, des mots durs sur le mariage : « Marié, M. de Montmort continua sa vie simple et retirée, d’autant plus que, par un bonheur assez rare, le mariage lui rendit la maison plus agréable. » Il est ferme et malicieux dans la dispute, mais non passionné. […] De cela il se composait un bonheur délicat, élégant et discret, qui était bien celui qu’il avait défini naguère18, quand il indiquait que le bonheur humain ne pouvait être qu’une absence de peine, faite d’esprit avisé, de froideur de cœur et de mesure dans l’ambition. […] Monsieur, il vous est tout loisible… » — Et alors, comme nous sommes, sinon heureuse, du moins contente de nous, ce qui est la petite monnaie du bonheur ! […] Je crois l’entendre : « Je m’en allai très confus et faisant réflexion que le bonheur des uns est toujours formé du malheur des autres. […] Songez au bonheur sensuel (ce sont ses expressions) que Montesquieu éprouve à chérir les théories qui enchantent son esprit, à jouir pleinement et infiniment de sa « raison, le plus noble, le plus parfait, le plus exquis de tous les sens ».

860. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Alors se marqua l’époque, toujours mémorable pour moi, d’un moment de bonheur que je regretterai toute ma vie : j’étais ivre de l’amour du bien, l’image de la vertu s’était comme réalisée en moi ; je voyais d’un autre côté que la considération dont j’ose dire que je jouissais, était, au moins, en partie, le fruit de mon travail sur moi-même…48. […] Être utile aux hommes dans ce qui leur est le plus utile, voilà la loi que j’écoutai : une seule idée d’un philosophe, l’expression heureuse d’un sentiment avantageux a peut-être plus fait pour l’avancement de la raison et du bonheur des hommes que les travaux réunis de cent mille citoyens obscurs qui se sont vainement agités.

861. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Ce ne serait pas être juste, avant de quitter l’Histoire de ce dernier, que de n’y pas signaler encore quelques endroits tout littéraires et d’une heureuse richesse, où l’auteur est bien dans l’application de sa nature et dans l’emploi de son talent : par exemple, un passage soigné sur les écoles de philosophie grecque au moment où l’édit de Justinien les supprime ; et, tout à la fin de l’ouvrage, les considérations sur la Renaissance en Italie, sur l’arrivée des lettrés de Constantinople, sur les regrets de Pétrarque en recevant un Homère qu’il ne sait pas lire dans l’original, et sur le bonheur de Boccace, plus docte en ceci et plus favorisé. […] J’ai cru toujours, depuis que je vous ai connu, que vous étiez destiné à vivre heureux par les plaisirs du cabinet et de la société ; que toute autre marche était un écart de la route du bonheur, et que ce n’étaient que les qualités réunies d’homme de lettres et d’homme aimable de société, qui pouvaient vous procurer gloire, honneur, plaisirs, et une suite continuelle de jouissances.

862. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

On le voit, Joinville est peintre, au milieu de toutes ses inexpériences premières, il a un sentiment vif qui le sert souvent avec bonheur, et il montre, comme écrivain, de ravissants commencements de talent. […] Il y avait plus de quinze ans que saint Louis était rentré dans son royaume, qu’il en réparait les plaies, qu’il y affermissait chaque jour un ordre de justice et y pourvoyait au bonheur de ses sujets, quand malade et affaibli avant l’âge, au point de ne pouvoir supporter ni le cheval ni à peine la voiture, il se sentit ressaisi d’une extrême ardeur d’aller encore combattre ou plutôt mourir sous la croix (1270).

863. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Là, dans mon centre, j’aime infiniment mieux entendre parler un autre que de parler moi-même ; volontiers je tombe dans le silence du bonheur, et, si je parle, ce n’est que pour payer mon billet d’entrée. […] Il a les plus fines remarques sur le contraste du génie des peuples, sur la gaieté italienne opposée à la gaieté française : La gaieté italienne, c’est de la gaieté annonçant le bonheur ; parmi nous elle serait bien près du mauvais ton ; ce serait montrer soi heureux, et en quelque sorte occuper les autres de soi.

864. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Je n’oserais me fier à mon cœur ; ce délicieux bonheur semble si désirable ! […] Il n’est pas étonnant, remarque-t-il encore, que mon intime connaissance avec ces échantillons de l’espèce m’ait appris à avoir en horreur l’amusement du chasseur ; celui-ci sait bien peu quelles aimables créatures il persécute, de quelle gratitude ils sont capables, combien ils sont folâtres et gais d’humeur, avec quel bonheur ils jouissent de la vie, et que s’ils sont pénétrés, comme on les voit, d’une crainte si particulière de l’homme, c’est uniquement parce que l’homme leur a donné trop de motifs pour cela.

865. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Le président eut le prix en 1707, à l’âge de vingt-deux ans, pour un discours sur ce sujet proposé par l’Académie, « qu’il ne peut y avoir de véritable bonheur pour l’homme que dans la pratique des vertus chrétiennes. » En 1709 il n’eut qu’un accessit sur cet autre sujet, « que rien ne rend l’homme plus véritablement grand que la crainte de Dieu. » Les approbateurs, qui sont le théologal de Paris et le curé de Saint-Eustache, ne peuvent contenir leur admiration pour ce discours, « que la piété et l’éloquence, est-il dit, semblent avoir formé de concert ». […] Il avait le secours de la religion, il pouvait se sauver dans les bras de l’espérance, et attendre de la Providence, qui avait permis ce concours de malheurs pour éprouver sa conslance, de l’en dédommager par le bonheur à venir.

866. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Tenez à bonheur de n’être pas à son goût, c’est pour vous le meilleur signe du monde28… En est-ce assez pour ruiner et anéantir la page de Sorel, lequel, comme critique, n’a jamais compté ? […] Il y trouvait son bonheur et de quoi se consoler de toutes les mésaventures que lui valait son autre vocation malheureuse.

867. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

L’épouse elle-même ne put les ignorer, mais elle leur imposa silence, et lorsque le jeune Strogonof se fut résigné à un autre mariage, Mme Swetchine devint l’amie la plus sûre et la plus fidèle de sa femme. » S’il est vrai qu’il y eut une lutte dans le cœur de la jeune fille, et un sacrifice pénible à consommer pour obéir à la décision de son père, si cet amer mécompte, ce renoncement au bonheur dans le mariage, en flétrissant du premier jour l’avenir, la jeta par volonté et de parti pris dans les voies austères du devoir et de la résignation en Dieu, il est impossible d’en rien découvrir dans ce passage du livre de M. de Falloux. […] J’ai l’instinct du bonheur dont vous jouirez, et je vous le désire de toute la force de votre cœur et du mien.

868. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

c’est la situation pour laquelle je vous ai toujours crue la mieux faite depuis que j’ai eu le bonheur de votre connaissance. […] Votre goût pour les voyages pourrait aussi vous offrir un prétexte plausible pour mettre ce plan à exécution ; un voyage en Italie délierait vos liaisons ici, et, s’il était différé quelque peu, je pourrais avec quelque probabilité espérer d’avoir le bonheur de vous y accompagner. » Quels accents d’amitié !

869. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Dans le moment même « où l’on ne se figurait plus Hume et Jean-Jacques que dans les bras l’un de l’autre, que baignés de larmes de joie et de reconnaissance et jouissant d’un bonheur mutuel, ouvrage de leurs vertus, tout à coup on porte à un souper nombreux chez M.  […] En voulant être admiré, on perd la douceur d’être aimé, le bonheur d’aimer soi-même.

870. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Insuffisant aux heures décisives et trop ému pour ne pas être quelquefois dérouté, dans l’ordre naturel et régulier des choses il est un de ces hommes de bien et de lumières dont on ne saurait trop désirer que le nombre augmente, pour le bonheur et la moralité des sociétés dont ils sont membres. […] Auparavant, Sismondi ne put s’empêcher toutefois de payer son tribut à cette première vie de colon et d’agriculteur, à laquelle il devait des impressions de bonheur ineffaçables.

871. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Riche propriétaire du pays, il y a été élevé et y a passé son enfance, sa première jeunesse ; il y est revenu après une assez longue absence, pour ne plus le quitter ; il est marié, il a une femme jeune encore et sérieuse, et deux enfants ; il a tout l’extérieur du bonheur. […] L’ignorance de Dominique et son imprévoyant bonheur durent quelque temps encore : il ne cesse de mêler à ses impressions la nature ; cette fin d’été lui suggère des descriptions pittoresques non moins touchantes que ne l’avait fait le printemps ; mais je remarque que chacune de ses journées heureuses, de ses promenades champêtres, se termine par des vers, par quelque chose d’écrit.

872. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

L’image de ma bonne mère, de toute ma famille, de mes bonheurs d’enfance, me sera toujours présente en même temps que vos conseils seront toujours devant mes yeux ; — j’arriverai sans expérience dans un pays nouveau qui m’a adoptée sur votre nom, je tremble à l’idée que je ne répondrai pas à l’attente ; le peu que je pourrai valoir, c’est à vous que je le devrai ; mais maintenant je sens que je n’ai pas assez profité de vos leçons si tendres : que vos bontés me suivent, je vous en conjure ! […] J’ai vu avec bonheur un homme si estimé de ma chère maman, et je l’ai traité en ami de la famille.

873. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Mme Dufrenoy que je vois en cela semblable à d’autres personnes qui ont souffert du désaccord conjugal et qui n’ont point trouvé de satisfaction complète ailleurs, dans les passions inspirées ou ressenties, en était venue à placer naturellement le bonheur dans la situation contraire à la sienne, c’est-à-dire dans un bon mariage, dans une union bien assortie. […] J’ai répondu que le mien n’avait pas le bonheur d’être pour les galères.

874. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

J’ai retrouvé dans ma mémoire un vers qui va à ces deux si différentes humeurs : Le malheur est partout, mais le bonheur aussi. […] si vous m’écrivez encore une fois ici, j’aurai le bonheur de recevoir votre lettre : car rien ne peut naturellement m’empêcher d’y passer encore huit jours. — Mille amitiés à M. 

875. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il lui était resté comme une image dorée de son berceau, de la beauté et des tendresses de sa mère, des soins de sa sœur aînée, et de ce premier bonheur de famille trop tôt brisé. […] Par bonheur on en parla à l’aimable et généreux M. 

876. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Si votre bonheur trouve sa fin, et que vous ayez besoin de me retrouver dans un jour de tristesse ou d’ennui, comptez sur moi toujours.  […] Parce que je ne suis plus en danger de désespoir et de mort, pensez-vous que votre souvenir me serait un bonheur superflu ?

877. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Hugo, a dit avec bonheur : Il est aussi, Victor, une race bénie Qui cherche dans le monde un mot mystérieux, Un secret que du ciel arrache le génie, Mais qu’aux yeux d’une amante ont demandé mes yeux. […] C’est pourtant ce que j’aime le plus au monde, au fond de ce beau temps pleuré. — Je n’ai vu la paix et le bonheur que là. — Puis une grande et profonde misère quand mon père n’eut plus à peindre d’équipages ni d’armoiries.

878. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Deux faits notables, deux phénomènes littéraires, sont venus, l’un pas plus tard qu’hier, l’autre depuis quelques années déjà, fournir à l’attention avide un sujet, un aliment tant désiré, sur lequel on a vécu à satiété et qui, par bonheur (cela reste vrai du moins pour l’un des deux), n’est pas près de s’épuiser encore. […] La solitude, la réflexion, le silence, et un juge clairvoyant et bienveillant dans une haute sphère, un de ces juges investis par la société ou la naissance, qui aident un peu par avance à la lettre de la postérité, et, qui au lieu d’attendre l’écho de l’opinion courante, la préviennent et y donnent le ton, ce sont là de ces bonheurs qui sont accordés à peu d’époques, et dont aucune (sans qu’on puisse trop en faire reproche à personne) n’a été, il faut en convenir, plus déshéritée que celle-ci.

879. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Ce secret sert puissamment contre l’orgueil et les préjugés ; mais il faut que la liberté, il faut que la vertu patriotique se soutiennent par un intérêt très actif pour le bonheur et la gloire de la nation, et vous flétrissez la vivacité de ce sentiment ; si vous inspirez aux hommes distingués cette sorte d’appréciation dédaigneuse de toutes les choses humaines, qui porte à l’indifférence pour le bien comme pour le mal. […] La vie s’écoule, pour ainsi dire, inaperçue des hommes heureux ; mais lorsque l’âme est en souffrance, la pensée se multiplie pour chercher un espoir, ou pour découvrir un motif de regret, pour approfondir le passé, pour deviner l’avenir, et cette faculté d’observation, qui, dans le calme et le bonheur, se porte presque entièrement sur les objets extérieurs, ne s’exerce dans l’infortune que sur nos propres impressions.

880. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Nous trouverions partout que c’est l’émotion qui est la mesure de la poésie dans l’homme ; que l’amour est plus poétique que l’indifférence, que la douleur est plus poétique que le bonheur, que la piété est plus poétique que l’athéisme, que la vérité est plus poétique que le mensonge ; et qu’enfin la vertu, soit que vous la considériez dans l’homme public qui se dévoue à sa patrie, soit que vous la considériez dans l’homme privé qui se dévoue à sa famille, soit que vous la considériez dans l’humble femme qui se fait servante des hospices du pauvre et qui se dévoue à Dieu dans l’être souffrant, vous trouveriez partout, disons-nous, que la vertu est plus poétique que l’égoïsme ou le vice, parce que la vertu est au fond la plus forte, comme la plus divine des émotions. […] Ce furent les plus belles années de Fénelon ; il était loin de supposer que les foudres sortiraient bientôt pour lui de ce cénacle où il ne respirait que la paix, la modestie et le bonheur.

881. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Quelques Flamands s’y adonnent aussi et, je crois, avec plus de bonheur ; je connais des strophes où ne manquent ni la grâce ni l’énergie, bien qu’elles allégorisent ; mais quelle vie intérieure plus profonde elles auraient eue sans ce défaut ! […] Je me souviens de quelques vers où je montrais des cavaliers en un furieux galop ; mais j’indiquais bien vite qu’ils représentaient « les désirs » et j’obtenais des chants vraiment peu lyriques, tels que ceux-ci : Désirs, guerriers de fer à l’assaut du Bonheur et, plus loin : Lourds Désirs chevauchant l’Espoir vers la Douleur.

882. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Il y a un moment où la nature des choses se révolte et fait payer cher au génie lui-même ses abus de puissance et de bonheur. […] Ainsi va la Fortune à la guerre comme dans la politique, comme partout en ce monde agité, théâtre changeant, où le bonheur et le malheur s’enchaînent, se succèdent, s’effacent, ne laissant, après une longue suite de sensations contraires, que néant et misère !

883. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Mais il reconnaît en même temps que cette jouissance modérée, tout en le consolant, ne lui suffisait pas pour le bonheur. […] Il faut pouvoir sentir et penser ensemble, et ne former entre vous qu’une famille comme nous étions : c’est la première base du bonheur.

884. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

s’écrie-t-il, si vous êtes telles que mon cœur le suppose, puissiez-vous, pour l’honneur de votre sexe et pour le bonheur de votre vie, ne trouver jamais de Saint-Preux ! […] Son amour était celui de l’idéale beauté, du fantôme auquel lui-même prêtait, vie et flamme : c’était ce fantôme seul, tiré de son sein, et formé d’un ardent nuage, qu’il aimait, qu’il embrassait sans cesse, à qui il donnait chaque matin ses baisers de feu, sur qui il plaçait, en les rassemblant, ses rares souvenirs de bonheur ; et quand il se présenta une femme réelle qui eut l’orgueil de lui montrer l’objet terrestre de son idéal et de lui dire : Je suis Julie, il ne daigna point la reconnaître ; il lui en voulut presque d’avoir espéré se substituer à l’objet du divin songe.

885. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Dans tout ce qui vient chez vous, je ne connais pas un être capable de faire le bonheur d’une femme sensée. […] Parison s’en est acquitté avec tant de bonheur, que, tout en conservant, sans les altérer, les récits de l’auteur, il a su extraire de l’« ébauche d’un long roman » (c’est ainsi que l’a qualifié Grimm dans sa Correspondance) des Mémoires fort curieux que tout le monde a lus avec le plus grand plaisir.

886. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Buffon ne voudrait pas réduire l’homme au bonheur stupide des animaux, mais il voudrait l’élever par la raison à un état de félicité supérieure. Il voudrait nous convaincre que « le bonheur est au-dedans de nous-même ; que la jouissance paisible de notre âme est notre seul et vrai bien ».

887. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

 » Tel est le lot et le bonheur d’Amyot. […] Il y a eu bien du bonheur dans un tel choix : comment s’étonner qu’il soit entré de la faveur dans la justice et quelque entraînement dans la reconnaissance ?

888. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Il se donne à nous comme dénué de toute ambition, de tout intérêt personnel : « Mon grand défaut, mon imperturbable défaut est l’antipathie pour le mouvement. » Il avait pour principe qu’il y a de bons défauts, et qu’il ne s’agit que de savoir en prendre son parti et s’en arranger pour y trouver du bonheur. […] Il espère cependant que chaque gouvernement qui survient réalisera le bonheur dont on l’avait flatté.

889. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Quelquefois le geste est plus grand, moins familier ; l’orateur se lève : « C’est ici qu’il faut se donner le spectacle des choses humaines… » Et il énumère dans un mouvement digne de Bossuet tout ce travail du peuple romain et du Sénat, tant de guerres entreprises, tant de sang répandu, tant de triomphes, tant de sagesse et de courage, le tout pour arriver finalement « à assouvir le bonheur de cinq ou six monstres ». […] J’ai eu le bonheur de vivre dans les mêmes sociétés que lui, disait Maupertuis ; j’ai vu, j’ai partagé l’impatience avec laquelle il était toujours attendu, la joie avec laquelle on le voyait arriver. — Et qui n’aimerait, écrivait le chevalier d’Aydie à Mme Du Deffand, qui n’aimerait pas cet homme, ce bonhomme, ce grand homme, original dans ses ouvrages, dans son caractère, dans ses manières, et toujours ou digne d’admiration ou adorable ?

890. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

En entrant dans des détails si minutieux, il sent le besoin de s’excuser, mais il pense que rien n’est à dédaigner de ce qui sert à tout le monde et tous les jours : « Le bonheur des hommes est moins le résultat de ces grands lots de bonne fortune qui arrivent rarement, que de mille petites jouissances qui se reproduisent tous les jours. » Pendant ces années de sa jeunesse et de la première moitié de sa vie, il ne se fait pas un seul projet d’intérêt public en Pennsylvanie sans qu’il y mette la main. […] Et de même, dit-il, que celui qui a un jardin à sarcler n’entreprend point d’arracher toutes les mauvaises herbes à la fois (ce qui excéderait sa portée et sa force), mais travaille sur un seul carré d’abord, et, ayant fini du premier, passe à un second, de même j’espérais bien avoir l’encourageant plaisir de voir sur mes pages le progrès fait dans une vertu, à mesure que je débarrasserais mes lignes de leurs mauvais points, jusqu’à ce qu’à la fin, après un certain nombre de tours, j’eusse le bonheur de voir mon livret clair et net.

891. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Les gens qui sont d’une si bonne composition n’ont jamais eu le bonheur de sentir l’enthousiasme qu’inspirent les chefs-d’œuvre des grands génies, et ce n’est pas pour eux qu’Homère, Sophocle (je supprime Richardson, que Grimm place en trop haute compagnie), Raphaël et Pergolèse ont travaillé. […] Par je ne sais quel prestige, dont l’illusion se perpétue de génération en génération, nous regardons le temps de notre vie comme une époque favorable au genre humain et distinguée dans les annales du monde… Il me semble que le xviiie  siècle a surpassé tous les autres dans les éloges qu’il s’est prodigués à lui-même… Peu s’en faut que même les meilleurs esprits ne se persuadent que l’empire doux et paisible de la philosophie va succéder aux longs orages de la déraison, et fixer pour jamais le repos, la tranquillité et le bonheur du genre humain… Mais le vrai philosophe a malheureusement des notions moins consolantes et plus justes… Je suis donc bien éloigné d’imaginer que nous touchons au siècle de la raison, et peu s’en faut que je ne croie l’Europe menacée de quelque révolution sinistre.

892. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Nous allons pouvoir goûter à loisir la sensation rare que donne le génie, — le plus grand bonheur pour la pensée ! […] Elle peut être CONTENTE de ma conduite ici, ce me sera un bonheur véritablement sensible, parce qu’il n’y a rien que je désire davantage que l’estime et l’amitié de Votre Éminence, que j’HONORE, et pour ne pas parler plus librement, avec le respect le plus fidèle. » Et c’est le style !

893. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

Sans doute l’auteur a encore à faire pour arriver à égaler cette veine comique, même modérée, dont Collin d’Harleville chez nous a été un dernier modèle, mais il le rappelle quelquefois avec bonheur.

894. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Tous les personnages qu’il emploie sont historiques ; c’était une loi, une nécessité, et même on pourrait croire un bonheur de son sujet.

895. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

Et, pareillement, si la philosophie positiviste place sur terre le paradis (paradis douteux jusqu’à présent) et semble, par la négation métaphysique, laisser-libre cours à tous les instincts, l’observation lui fait bientôt reconnaître que le bonheur de tous ne peut être procuré que par un peu du sacrifice volontaire de chacun.

896. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Il eut, lui, le culte de la pensée au point d’y sacrifier tout bonheur.

897. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

Il semble lui dire : Jeannette est douce et sage ; elle fera ton bonheur ; songe à faire le sien… ou quelque autre chose sur l’importance des devoirs du mariage… Ce qu’il dit est sûrement touchant et honnête.

898. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

La paresse est un vice que les hommes surmontent bien quelquefois, mais qu’ils n’étouffent jamais : peut-être est-ce un bonheur pour la societé que ce vice ne puisse pas être déraciné.

899. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Ecrivez comme vous l’entendrez, au petit bonheur.

/ 1939