» Pour Guillaume Favre le bonheur n’était point si court qu’un brûlant été, ni si passager qu’un jour d’orage ; il sut le fixer autant qu’on le peut ici-bas, et il se serait plu sans nul doute à répéter et à s’appliquer à lui-même, s’il l’avait connue, cette page riante et modérée que je lisais dernièrement dans le journal familier d’un homme de son âge, et qui y est inscrite sous ce titre assez naïf, Le Paradis sur terre 42 : En faisant ce matin, de bonne heure, une promenade agréable et par le temps le plus délicieux, respirant l’air le plus pur et admirant la tranquille et paisible gaieté du paysage, je me disais : Un homme de Moyen Âge, jouissant d’une bonne santé et d’une fortune un peu au-dessus de ses besoins stricts, et par là dans une situation sociale indépendante, pouvant se donner le séjour de la campagne en été, celui d’une grande ville en hiver, ayant quelque goût pour la littérature et les beaux-arts, usant de tous ces avantages qui peuvent cependant se trouver réunis assez facilement, et les appréciant avec un peu de philosophie, ne pourrait-il pas dire qu’il serait ingrat de penser avec le sage Salomon : Vanité des vanités, tout n’est que vanité ? […] Vivre par la pensée dans d’autres temps et s’y oublier à volonté, tandis que l’on continue dans l’heure présente de jouir insensiblement et par tous les sens de l’air, de la lumière, de la pureté du ciel, de la limpidité des eaux, de la majesté des horizons, de tous les bienfaits naturels qui sont encore la plus vraie jouissance pour des êtres vivants, que faut-il de plus à l’homme qui est sorti de l’âge des passions et en qui elles n’ont point laissé la lie de leur philtre empoisonneur ?
C’est assez qu’il ait partout le ton simple, naturel, « et cet air de sincérité qui gagne la confiance ». […] Une conversation qu’il eut, en 1632, avec l’abbé de Saint-Cyran, ce chrétien austère, ne contribua pas peu à le remettre à la raison : sous air de l’exhorter à aller en avant dans la carrière ecclésiastique, M. de Saint-Cyran lui fit une telle description du péril où se jettent ceux qui recherchent une si haute élévation sans connaître les perfections et les grands devoirs que Dieu leur impose, qu’il le consterna et le guérit, comme on guérit un malade avec une douche froide : « Au lieu d’accroître mon souci pour cela, il aida merveilleusement à me faire perdre le peu de désir qui m’en pouvait rester, dont je lui aurai une éternelle obligation. » Marolles se contenta désormais d’être le plus paisible et le plus oiseusement occupé des abbés de France, dont il sera le doyen un jour.
Ce n’est point un improvisateur perpétuel comme Voltaire, ni un coquet sérieux, un limeur et un polisseur de tous les instants, comme Rousseau : il ne prend aucune peine quand il écrit à ses amis, et l’on s’en aperçoit, bien que son style garde du bel air et de l’épigramme. […] Elle n’a rien de recommandable que sa situation et la pureté de l’air ; mais elle deviendra le plus noble des temples, si vous daignez voue y arrêter.
Dans ses promenades vagabondes il lui arriva plus d’une fois de rencontrer un homme « dont l’air pensif et le regard de feu le frappaient singulièrement » ; il apprit plus tard que c’était Jean-Jacques Rousseau, une de ses futures idoles. […] J’estimerais peu un jeune homme qui resterait insensible aux grandes idées, aux beaux fantômes qui traversent l’air et planent sur les têtes de vingt ans, aux saisons fécondes.
Cette heureuse modification qui tempérait la rigidité, devenue impossible, de Calvin, et qui mettait Genève plus en accord avec l’air extérieur, fut, en grande partie, due à un ministre et prédicateur, Alphonse Turretin, lequel avait beaucoup voyagé dans sa jeunesse, avait visité Newton et Saint-Évremond à Londres, Bayle et Jurieu en Hollande, Bossuet, Fontenelle et Ninon à Paris, et qui, après bien des comparaisons de curieux, était revenu dans sa patrie, mitigé, modéré et tolérant. […] Figurez-vous un brin de neige que la moindre agitation d’air détache du haut d’une montagne ; le peloton se forme, et, à force de rouler, la masse devient si énorme, qu’elle entraîne tout ce qu’elle rencontre.
Guizot lui-même, passant en revue la politique des divers Cabinets d’Europe, et s’exagérant un peu, je le crois, la passion de la paix qui possédait en 1830 les gouvernements et les peuples, nous dit de l’empereur de Russie, Nicolas, auquel il attribue la même passion, jointe à beaucoup de malveillance pour Louis-Philippe et pour le trône de Juillet : « Il eût pu être tenté de profiter, par la guerre, des troubles de l’Europe ; il aima mieux les grands airs de la domination en Europe au sein de la paix. » Or, ces grands airs de domination, on les acceptait, on ne cessa de les subir.
Prevost-Paradol ; il a une autre manière de vous piquer ; ses impertinences mêmes (car il en a) ont un certain air. […] Cuvillier-Fleury (car c’est bien lui), devenu comme son défenseur en titre dans la presse, parlant et tranchant au nom de tout le parti, se donnant les airs d’un vétéran de la liberté, distribuant et mesurant l’éloge à chacun d’un ton important, avec un sourire qu’il croit fin parce qu’il y mêle la leçon, et tenant décidément la balance.
Je ne témoignais de penchant pour aucun côté, ni ne me mêlais à rien ; j’avais toujours un air serein, beaucoup de prévenance, d’attention et de politesse pour tout le monde, et comme j’étais naturellement fort gaie, je vis avec plaisir que de jour en jour je gagnais l’affection du public, qui me regardait comme une enfant intéressante et qui ne manquait pas d’esprit. […] Ce qu’il faut dire, c’est qu’aussitôt élevée à ce rang de grande-duchesse, elle en parut hautement digne et sut se concilier tous les cœurs par sa conduite et son attention aux apparences, par sa tournure, par sa grâce, son air de douceur et de bonté qui recouvrait un grand art de séduction, par sa gaieté qui ne permettait pas de soupçonner tant de prudence.
Il les disposait à la manière d’un petit drame scénique ou d’un opéra ; il faisait venir avec adresse un épisode, une description, ce qu’on appelle un air de bravoure, et presque toujours il enlevait par là les applaudissements, comme fait une cantatrice. […] si l’on est d’un art particulier, tout en restant le confrère et l’ami des artistes, savoir s’élever cependant peu à peu jusqu’à devenir un juge ; si l’on a commencé, au contraire, par être un théoricien pur, un critique, un esthéticien, comme ils disent là-bas, de l’autre côté du Rhin, et si l’on n’est l’homme d’aucun art en particulier, arriver pourtant à comprendre tous les arts dont on est devenu l’organe, non-seulement dans leur lien et leur ensemble, mais de près, un à un, les toucher, les manier jusque dans leurs procédés et leurs moyens, les pratiquer même, en amateur du moins, tellement qu’on semble ensuite par l’intelligence et la sympathie un vrai confrère ; en un mot, conquérir l’autorité sur ses égaux, si l’on a commencé par être confrère et camarade ; ou bien justifier cette autorité, si l’on vient de loin, en montrant bientôt dans le juge un connaisseur initié et familier ; — tout en restant l’homme de la tradition et des grands principes posés dans les œuvres premières des maîtres immortels, tenir compte des changements de mœurs et d’habitudes sociales qui influent profondément sur les formes de l’art lui-même ; unir l’élévation et la souplesse ; avoir en soi la haute mesure et le type toujours présent du grand et du beau, sans prétendre l’immobiliser ; graduer la bienveillance dans l’éloge ; ne pas surfaire, ne jamais laisser indécise la portée vraie et la juste limite des talents ; ne pas seulement écouter et suivre son Académie, la devancer quelquefois (ceci est plus délicat, mais les artistes arrivés aux honneurs académiques et au sommet de leurs vœux, tout occupés qu’ils sont d’ailleurs, et penchés tout le long du jour sur leur toile ou autour de leur marbre, ont besoin parfois d’être avertis) ; être donc l’un des premiers à sentir venir l’air du dehors ; deviner l’innovation féconde, celle qui sera demain le fait avoué et’reconnu ; ne pas chercher à lui complaire avant le temps et avant l’épreuve, mais se bien garder, du haut du pupitre, de lui lancer annuellement l’anathème ; ne pas adorer l’antique jusqu’à repousser le moderne ; admettre ce dernier dans toutes ses variétés, si elles ont leur raison d’être et leur motif légitime ; se tenir dans un rapport continuel avec le vivant, qui monte, s’agite et se renouvelle sans cesse en regard des augustes, mais un peu froides images ; et sans faire fléchir le haut style ni abaisser les colonnes du temple, savoir reconnaître, goûter, nommer au besoin en public tout ce qui est dans le vestibule ou sur les degrés, les genres même et les hommes que l’Académie n’adoptera peut-être jamais pour siens, mais qu’elle n’a pas le droit d’ignorer et qu’elle peut même encourager utilement ou surveiller au dehors ; enfin, si l’on part invariablement des grands dieux, de Phidias et d’Apelle et de Beethoven, ne jamais s’arrêter et s’enchaîner à ce qui y ressemble le moins, qui est le faux noble et le convenu, et savoir atteindre, s’il le faut, sans croire descendre, jusqu’aux genres et aux talents les plus légers et les plus contemporains, pourvu qu’ils soient vrais et qu’un souffle sincère les anime.
La reine, à cette proposition inopinée et qui, à la rigueur, pouvait ne passer que pour une idée en l’air de son ambassadeur, n’avait à faire aucune réponse officielle : « Cependant elle crut devoir s’en ouvrir elle-même, non à M. […] Je n’ai pas non plus trouvé qu’il ressemblât au portrait que vous avez chez vous : le peintre lui a fait le front trop levé, ce qui met ses yeux et son air dans un état d’exaltation qu’il n’a pas ; enfin, il est mieux que son portrait.
Brossez et faites retoucher un peu ses toiles, et il vous restera d’agréables cadres d’antichambre dont il ne faut pas trop faire fi. » Un morceau sur Chateaubriand, une Étude qui avait eu l’honneur de servir d’introduction aux Mémoires d’outre-tombe, lorsqu’ils parurent dans la Presse, et qui a gardé de sa destination un certain air officiel, coudoie dans le volume un article sur Paul de Kock, — que dis-je, une Visite à Paul de Kock, une folie, une vérité, une perle de la vie de Bohême15. […] Il fait peut-être Mercier un peu trop bonhomme, pas assez charlatan ; car il y a souvent plus d’un grain de charlatanisme sous ces airs d’homme fougueux et exalté.
Sa personne, son air et son tour de génie se prêtaient à la faveur. […] Après l’avoir désiré et sollicité avec instance au début de cette guerre, il n’a plus l’air de tenir à son commandement, et à chaque contrariété on le voit prêt, pour ainsi dire, à remettre les mains dans ses poches, et disant que pour pis aller il lui restera toujours l’agrément d’aller tirer les perdreaux à Bernv.
Je le regarde, je lui vois un air étrange, avec des larmes et de l’effroi dans les yeux. […] … Cela se calme un peu, au bout d’une heure, sans qu’il puisse dire d’autres paroles que des oui et des non avec des yeux troubles qui n’ont plus l’air de me comprendre.
Cependant, en examinant le sens de ces paroles, on n’y trouve rien de sublime : c’est comme grand musicien que le Tasse vous fait trembler dans cette strophe ; et les beaux airs de Iomelli produiraient sur vous un effet à peu près semblable. […] Le son rauque de la trompette du Tartare appelle les habitants des ombres éternelles ; les vastes et noires cavernes en frémissent, et l’air obscur répète au loin ce bruit terrible.
On n’est pas en compagnie pour se montrer véhément ou sombre ; l’air concentré ou tendu y ferait disparate. […] » Et Paméla, défaisant ses cheveux, s’agenouille, les yeux au ciel, d’un air inspiré, aux applaudissements de l’assistance309. — La sensibilité devient une institution.
Si le poëte reçoit du philosophe des idées générales et abstraites, c’est pour les transformer en êtres complexes et particuliers ; s’il conçoit la force qui produit une plante, c’est pour dresser dans l’air sa tige frêle et souple, étendre à l’entour des feuilles vertes et brillantes, épanouir au sommet la fleur parfumée, et répandre en son oeuvre le calme et l’harmonie qui ressemblent au bonheur. […] Il ne verra dans le lion que l’animal royal, et la noble bête sera toujours majestueuse comme Louis XIV, « qui en jouant au billard conservait l’air du souverain du monde. » Il ne peindra les qualités diverses que pour les rapporter à la qualité principale qui engendre toutes les autres.
Non loin de lui, et avec le regret d’être séparé d’un ami si cher, Horace présiderait à son tour (autant qu’un poète et qu’un sage si fin peut présider) le groupe des poètes de la vie civile et de ceux qui ont su causer quoiqu’ils aient chanté, — Pope, Despréaux, l’un devenu moins irritable, l’autre moins grondeur : Montaigne, ce vrai poète, en serait, et il achèverait d’ôter à ce coin charmant tout air d’école littéraire. […] Sur la même colline que Virgile, et un peu plus bas, on verrait Xénophon, d’un air simple qui ne sent en rien le capitaine, et qui le fait ressembler plutôt à un prêtre des muses, réunir autour de lui les attiques de toute langue et de tout pays, les Addison, les Pellisson, les Vauvenargues, tous ceux qui sentent le prix d’une persuasion aisée, d’une simplicité exquise et d’une douce négligence mêlée d’ornement.
C’est ainsi que, l’année dernière, il publiait sa Religieuse de Toulouse dans laquelle il traversait de son air le plus grave un coin du règne de Louis XIV. […] Eugène, qui se sent d’ailleurs peu de goût pour la basoche, et qui ne connaît pas son père, nous a dès l’abord tout l’air d’être le fils de quelque grand seigneur qui a oublié de le reconnaître, et qui lui a légué de ses instincts.
À côté de Monsieur, il y avait un jeune seigneur qui, en ce temps-là, était son favori : c’était le comte de Guiche, le plus beau jeune homme de la Cour, le mieux fait, hardi, fier, avec un certain air avantageux qui ne déplaît pas aux jeunes femmes, et qui accomplit à leurs yeux le héros de roman. […] Dans le méchant libelle dont Cosnac avait envoyé chercher les ballots en Hollande, il y avait une phrase entre autres, qui n’était pas si mal tournée : « Elle a, disait-on de Madame, un certain air languissant, et quand elle parle à quelqu’un, comme elle est tout aimable, on dirait qu’elle demande le cœur, quelque indifférente chose qu’elle puisse dire. » Cette douceur du regard de Madame avait opéré sur l’âme assez peu sensible de Cosnac, et, sans y mêler ombre de sentiment galant, il s’était laissé prendre le cœur à celle qui le demandait si doucement et si souverainement.
Je trouve quantité de couplets ainsi adressés par des amateurs au docte abbé, l’un entre autres sur l’air : Prends, ma Philis. […] Nous cherchâmes un asile dans le vestibule du temple, et bientôt nous vîmes la foudre briser à coups redoublés cette barrière de ténèbres et de feux suspendue sur nos têtes ; des nuages épais rouler par masses dans les airs, etc… Tout grondait, le tonnerre, les vents, les flots, les antres, etc… L’aquilon ayant redoublé ses efforts, l’orage alla porter ses fureurs dans les climats brûlants de l’Afrique.
Il avait dans l’idée de peindre des gens de haute classe, des bourgeois, des ouvriers, des artistes, des paysans, comme tout romancier plus ou moins réaliste, et il trouvait ingénieux et de nature à donner un air scientifique à ses ouvrages, du moins aux yeux des commis-voyageurs, d’établir entre ces différents personnages des liens imaginaires et tout arbitraires de parenté et d’alliances. […] Rien ne vaut la descente des ouvriers, à la fin de la journée, par la rue Oberkampf, la lente coulée des voitures à travers les Champs-Élysées au retour des courses, la galopade furieuse des ouvriers révoltés dans Germinal, l’éternel va-et-vient des chevaux démontés, nuit tombante, dans le champ de bataille de Sedan, le « train blanc » de Lourdes et, à Lourdes aussi, le vent de folie extatique qui couche, relève et prosterne à nouveau la foule, avec ce cri monotone qui s’élève, s’enfle et roule dans l’air enfiévré : « Seigneur !
Par les portes lentement ouvertes, les inconnus qui pénètrent avec des airs de spectres se résolvent en hommes charnels, vicieux et riants ; les maisons sont hantées et profanées par devrais assassins aux mains humides d’un sang qui glue ; la justice reçoit la victime qu’elle exige, d’un magistrat court, bouffi, jaune, fumeur de cigarettes, et sa cruauté dialectique, aux prises avec la rude énergie du meurtrier, dans un duel dont l’âpre et croissante horreur n’a pas d’exemple, s’exerce entre des murs blanchis, dans un bureau où des fonctionnaires entrent. […] Son peuple, ce sont les déclassés, les prostituées, les criminels, les ivrognes, les aigrefins, ou encore les simples créatures cordiales et ces impudentes canailles qui sentent parfois le besoin de mettre à l’air leur turpitude.
On la regarde d’un air railleur quand elle traverse la place, et nos ennemis se frottent les mains, en chuchotant, sur le pas de leurs portes ; la pauvre fille est bien malheureuse. […] Tu déclares, en te jouant, d’un air guillery, que tu t’es fait journaliste uniquement pour servir tes petites rancunes et frapper à tour de bras sur les gens qui ne t’apportent qu’une admiration contenue !
Rollinat n’a rien dans le monde de l’air macabre de Paganini ni de la chevelure de Liszt, qui semblait, Samson musical, jouer du piano avec ses cheveux. […] Le musicien s’est évaporé dans les airs qu’il chantait avec cette voix chaude et vibrante qui n’a jamais manqué son coup sur les cœurs et qu’aucun musicien ne chantera jamais plus comme il les chantait.
Cette introduction, dans laquelle l’autéur défendait la philosophie du xviiie siècle avec l’aigreur d’un homme piqué contre le catholicisme de ses contemporains, nous avait paru (et nous l’avions dit) d’un esprit sec qui grimaçait en se donnant les airs de pincer la lèvre comme Montesquieu. […] Il les découpe, la fourchette en l’air, d’un couteau brillant de prestesse, et on n’a jamais fait de pareilles dentelles avec de pareilles épaisseurs !
Cependant le romancier, d’un air entendu, frappe de la main sur ses dossiers ; et les reporters, sur sa parole, nous jurent qu’il n’a rien dit qu’il ne puisse prouver, en forme de preuve authentique, dont ne témoigne la collection du Gil Blas et du Figaro. […] Zola, comme il en a bien l’air, croyait peut-être qu’il n’y a rien de plus dans La Terre, que ni les mots n’y sont plus gros, ni les choses plus énormes que dans ses précédens romans, j’ose bien l’assurer qu’il se trompe, mais il ne se trompe, assurément aussi, que d’une nuance ou d’un degré.
L’homme ne joue guère de rôle dans cette manière d’envisager les lieux et de les reproduire : le groupe d’usage n’y est pas ; la pastorale et l’élégie y sont sacrifiées ; point de ronde arcadienne autour d’un tombeau ; point de couples épars et de nymphes folâires et d’amours rebondis ; point de kermesse rustique, de concert en plein air ou de dîner sur l’herbette ; pas même de romance touchante, ni de chien du pauvre, ni de veuve du soldat : c’est la nature que le peintre embrasse et saisit ; c’est le symbole confus de ces arbres déjà rouillés par l’automne, de ces marais verdâtres et dormants, de ces collines qui froncent leurs plis à l’horizon, de ce ciel déchiré et nuageux, c’est l’harmonie de toutes ces couleurs et le sens flottant de cette pensée universelle qu’il interroge et qu’il traduit par son pinceau.
Mais la pensée d’où il est éclos a un tel caractère de beauté morale, et en même temps les circonstances extérieures où il se déroule ont un tel air de réalité, qu’on est tenté de se demander : Pourquoi pas ?
Cependant tant de niaiserie flotte dans l’air au temps où nous sommes ; l’idée et le respect de cette vieille « couleur locale » chère aux romantiques ont pénétré dans tant de cervelles, même bourgeoises, que beaucoup de badauds s’extasient sur le pittoresque de ces monstres, et particulièrement sur la richesse de leurs costumes.
Comment prendre à l’égard des pauvres gens des airs d’infaillibilité, quand on a sur la conscience la grande méprise de Gethsémani 1231 ?
La Nature en eux, lassée d'incommodités & de peines, s'abandonne aux premiers plaisirs qu'elle rencontre ; alors ce qui avoit paru vertueux, se présente avec un air rude & difficile, & l'ame, qui croit s'être détrompée d'une vieille erreur, se complaît en elle-même de son nouveau goût pour les choses agréables.
De [mot en caractère grec] nous ne pouvons plus faire sortir que filactère, qui garde un air un peu gauche, surtout si on le compare au vieux filatire 57 que le pèlerin Richard avait au XIIe siècle tiré des mêmes syllabes : A crois, a filatires, a estavels de cire, Les encensiers aportent, si vont le messe dire.
Panurge a beau s’être frotté aux nobles et aux écoliers, il est resté bohême de petite race, de probité variable, avec la lâcheté égayée d’impudence des Scapin, et rancunier par surcroît, comme le démontre l’épisode de Dindenaut et de ses moutons, « lesquels tous furent pareillement en mer portez et noyez misérablement. » Mais sous cet air d’aigrefin, Panurge cache l’âme la plus libre et la plus railleuse.
Barrès, tandis que je l’interrogeais, me regardait d’un air abruti. » Bien que nous n’ayons pas les mêmes opinions sur la question du Panama, mon confrère aurait pu dire, par exemple : « M.
Washington est de grande taille, « d’un air calme et froid plutôt que noble ». […] Il se critique, se réfute, se condamne, se gourmande et se raille avec beaucoup de bonne grâce et un air de charmante franchise. […] Rien ne prévaut contre la chevelure bleue du génie des airs ou contre l’appel aux orages désirés. […] Paris avait l’air d’une ville en ruines semée de bastringues, un air sinistre et fou. […] Elle enflamme le génie, elle élève le cœur, elle est nécessaire à l’ami des Muses comme l’air qu’il respire.
Raoul Toché enveloppa l’objet dans un morceau de journal ; je le suivis, et d’un air insinuant, nous l’offrîmes à l’éminent critique. […] Il se pourrait que Théodore Barrière, avec ses allures de Diogène et ses airs de profond satirique, fut une âme assez simple. […] Et tout cela avec ce même air de satisfaction intime et cette espèce de béatitude dans le mépris des bourgeois que nous avons déjà relevée chez Edgar. […] Katerina est triste, Kabanov abruti, et la petite Varvara a des airs sournois. […] Et cela fait qu’à Paris les psychologues murmurent d’un air profond : « Oh !
Sa franchise et son cynisme même l’ont gardé de vieillir et lui donnent, quelquefois, l’air d’une profonde sagesse. […] Il y avait de la bataille dans l’air. […] Les esprits, les âmes des morts, ce qui flotte dans l’air autour de nous. […] Il ne songe plus qu’à bien chanter son air. […] Elle retire, pour prêter serment, un gant interminable, et dépose de l’air d’une grue qui débute dans une Revue de fin d’année.
Ç’a l’air d’être irréductible. […] Le public italien, lui, évidemment sourit aux poètes, les invite par ses airs engageants, et, en lisant une centaine, en fait éclore mille. […] comme une longue solennelle rangée de cierges éteints dans l’air muet. […] Psyché en comédie n’aura jamais l’air d’un mythe. […] Eh bien, le portrait le plus manqué qu’on puisse faire de George Sand, c’est un portrait où elle ait un faux air, et plus qu’un faux air, de Mme Louise Colet.
C’est elle qui donne l’air du dimanche à l’air quotidien. […] Un gargouillement, comme de bulles d’air et de liquide. […] J’ai voulu qu’on regardât en haut, très haut — où nos couleurs flottent dans l’air libre. […] qui vous donne aussi l’air d’un Lied d’Alsace ! […] En voyant arriver les précepteurs, il leva le bras en l’air avec désespoir et le laissa retomber.
L’autre admire ce qu’elle dit La flatte d’un air agréable, Et la traite de bel esprit, Et trouve sa jupe admirable.
., ont composé la cérémonie ; on a fait des discours en plein air par un froid très-vif.
A Antibes, un M. de Rouffignac tua en son honneur un ours apprivoisé dont il lui fit boire le bouillon ; Polyphème n’était pas plus galant pour Galathée, A Modène, le premier ministre, M. de Lascaris, se jeta à ses pieds avec un petit air de triomphe qu’elle sut bien réprimer.
Notre foyer central, en se faisant jour par une magnifique explosion, adonné de l’air et envoyé des courants rapides à cette quantité d’États germaniques qui étouffaient sous la censure.
Gresset, Piron et Destouches ne se sont point proposé des sujets de pure invention et comme en l’air ; ils ont eu en vue même dans ces portraits généraux, quelque travers, quelque ridicule, qui passait alors non loin d’eux à portée du rire.
Le ciel clair comme l’air entre par les croisées.
Et si l’on recherche dans le livre du poète la raison d’un si mauvais état de conscience, et sur la face de l’acteur, pourquoi il se convulse, élève sa moustache en découvrant la bouche, cligne des yeux terribles, montre les dents et prend un air de tigre pour chanter les papillons, on voit que cette raison est la femme.
L’Auteur pense & fait penser son Lecteur ; les détails les plus arides, les matieres les plus abstraites deviennent intéressantes sous sa plume, par la maniere agréable dont il les présente, & par l’air d’originalité qu’il leur donne.
Une fois que le livre est publié, une fois que le sexe de l’œuvre, virile ou non, a été reconnu et proclamé, une fois que l’enfant a poussé son premier cri, il est né, le voilà, il est ainsi fait, père ni mère n’y peuvent plus rien, il appartient à l’air et au soleil, laissez-le vivre ou mourir comme il est.
Virgile a placé les amants au milieu des bois de myrtes et dans des allées solitaires ; le Dante a jeté les siens dans un air vague et parmi des tempêtes qui les entraînent éternellement ; l’un a donné pour punition à l’amour ses propres rêveries, l’autre en a cherché le supplice dans l’image des désordres que cette passion fait naître.
Ils disent que le St Victor a plus l’air d’un homme qui insulte, qui brave, que d’un homme ferme et tranquille qui ne craint rien et qui attend.
Il n’y a pas jusqu’à la salle et à son architecture grisâtre et nébuleuse qui ne puisse se prendre pour un château en l’air.