— En vain, glacé dans l’âme, J’aspire avec effort à réveiller ma flamme ; Elle pâlit et meurt en mon sein refroidi ; Dans l’ombre qui succède à mon brillant midi, À peine si mon œil voit voltiger encore Quelques fantômes vains qu’un faux éclat décore. […] Ponsard, que pour donner au sacrifice de Georges toute sa grandeur, et aux conséquences de ce sacrifice toute leur vraisemblance, il fallait inventer une de ces situations où l’honnête homme est forcé de lutter entre son intérêt et sa conscience, isolément, obscurément, sans que ses efforts et sa victoire puissent lui attirer un suffrage ni un regard. […] Leconte de Lisle, l’Hellade au lieu de la Grèce, Ilos au lieu de Troie, Kronos au lieu de Saturne, Zeus au lieu de Jupiter, Éros pour Cupidon, Artémis pour Diane : vains efforts ! […] — Oui, élevons nos cœurs ; mais, dans cet élan salutaire, ne faisons pas la part trop large aux forces purement humaines ; n’oublions pas qu’un effort du même genre, tenté, il y a trente ans, avec toute l’énergie de l’inexpérience et de la jeunesse, n’a amené qu’avortement, chute et défaillance. […] » fût le dernier mot, le plus bel effort, la suprême merveille de l’esprit humain.
Lisez cette description d’un orage ; les images semblent prises au daguerréotype, à la lumière éblouissante des éclairs : « L’œil, aussi rapide qu’eux, apercevait dans chacune de leurs flammes une multitude d’objets qu’en cinquante fois, autant de temps il n’eût point vus au grand jour : des cloches dans leurs clochers avec la corde et la roue qui les faisaient mouvoir ; des nids délabrés d’oiseaux dans les recoins et dans les corniches ; des figures pleines d’effroi sous la bâche des voitures qui passaient, emportées par leur attelage effarouché, avec un fracas que couvrait le tonnerre ; des herses et des charrues abandonnées dans les champs ; des lieues et puis encore des lieues de pays coupé de haies, avec la bordure lointaine d’arbres aussi visible que l’épouvantail perché dans le champ de fèves à trois pas d’eux ; une minute de clarté limpide, ardente, tremblotante, qui montrait tout ; puis une teinte rouge dans la lumière jaune, puis du bleu, puis un éclat si intense, qu’on ne voyait plus que de la lumière : puis la plus épaisse et la plus profonde obscurité1333. » Une imagination aussi lucide et aussi énergique doit animer sans effort les objets inanimés. […] Il appuie, il pénètre, il enfonce, il creuse ; toutes ces actions violentes sont des efforts, et tous les efforts sont des souffrances.
Agamemnon feint de vouloir lever le siège après neuf années d’efforts inutiles. […] « Il dit et presse les coursiers du fouet retentissant ; les coursiers, obéissant à la main qui les flagelle, entraînent sans effort le char au milieu de la mêlée des Troyens et des Grecs. […] Puis avec une éponge il essuie son front, ses mains, son cou robuste et sa poitrine velue… Il marche avec un disgracieux effort, prend la main de Thétis et lui dit ces mots, etc. » Thétis lui demande des armes pour Achille ; il lui en fabrique de si belles que leur description, et surtout la description du bouclier d’Achille, sont à elles seules, sous la main d’Homère, un poème de paysage accompli.
Les plus énormes efforts, les plus immenses sacrifices de l’humanité ont été faits en l’honneur de questions idéales. […] Concevoir, créer : il y a dans ces deux mots pour l’homme de lettres un monde d’efforts douloureux et d’angoisses. […] Puis de la chapelle au fond du cimetière Montmartre, élargi comme une nécropole et prenant un quartier de la ville, une marche à pas lents et qui n’en finit pas dans la boue… Enfin les psalmodies des prêtres, et le cercueil que les bras des fossoyeurs laissent glisser avec effort au bout de cordes, comme une pièce de vin qu’on descend à la cave.
Sa pensée fut indépendante et spontanée, comme sa vertu fut naïve et sans effort. […] Le caractère de sa vertu était le même que celui de son talent, une simple obéissance à la loi de sa nature ; il recevait directement et sans effort l’inspiration qui fait le poète, la grâce qui fait l’homme de bien. […] Au reste, il n’avait pas d’efforts à faire sur lui-même pour rester pacifique dans ses écrits, il l’était par le fond même de sa nature. […] Il y a des âmes où l’effort est perpétuel, où la lutte n’est jamais apaisée, parce que l’obstacle est toujours debout. […] Ce serait écarter comme inutiles toute science, tout effort, toute sagesse.
mais elle a été le rêve des plus grands génies, mais tout leur effort a tendu à cela : devenir populaires. […] — De tous vos efforts, de tout votre long travail, de ces préceptes, de ces études, de ces compositions ironiques ou furibondes que le journal emporte dans les franges de sa tunique flottante, que restera-t-il, je vous prie ? […] Werther est un enfant du siècle passé ; il est un sceptique, il appartient au genus ardelionum, à ces ardélions de la vie intérieure qui agissent beaucoup pour ne rien faire, qui s’usent eux-mêmes en efforts inutiles. […] Vains efforts ! […] Ainsi s’éteignit cette douce paysanne intelligente ; elle se mourait sans une plainte, et son pâle sourire encourageait encore les efforts stériles du malheureux attaché à cette glèbe savante dont la moisson reculait toujours.
C’est l’effort des clubs et des journaux démagogiques contre l’Assemblée issue du vote universel, l’assaut donné à la souveraineté du peuple par la souveraineté du but. […] voilà le dénouement de tant d’espérances et de ces longs efforts tentés pour acclimater chez nous un gouvernement à l’anglaise ! […] Je tire de la dédicace et de la préface du livre deux conséquences ; la première, c’est qu’il y a un certain effort d’esprit à faire pour comprendre la moralité du roman de M. […] Champfleury dans l’effort qu’il a fait pour sortir du territoire de la bohème. […] Mais ce n’est déjà plus sa volonté qui commet ce vol, c’est une espèce de routine du mal qui survit encore en lui, jusqu’à ce qu’il ait fait un effort souverain pour inaugurer cette nouvelle volonté que l’évêque a fait descendre du ciel dans cette âme transformée.
. — Dans ce poétique recueil, à côté de compositions originales, où le sabbat du moyen âge est mis en scène avec une vérité toute satanique, traductions colorées des légendes du temps, quelquefois vagues comme ses croyances, grandioses comme ses peurs superstitieuses, on lit sans, intérêt quelques pièces qui ne sont que bizarres, vrais tours de force et d’adresse, où le poète se joue de son art et le tourmente, j’imagine, pour l’assouplir : car c’est là tout le bon de ces choses, qu’elles familiarisent avec toutes les combinaisons du style, et amènent les rimes sans effort, coûte que coûte, à la pensée. […] Un peu d’efforts, mes amis, et vous seriez nos enfants gâtés, nos poètes de jour et de nuit, et vous ne vous réduiriez pas à dire, aux dépens de votre modestie : il y a trois cents personnes en France qui ont le sentiment des vers. […] Quand la pensée qui vient au poète est à tout le monde, il faut, de gré ou non, qu’il se résigne à la dire comme tout le monde, car rien ne semble gauche comme de grands efforts de mots pour de petites choses, et c’est, d’ordinaire, un symptôme d’impuissance que toute cette peine qu’on se donne pour ne pas exprimer comme son voisin des idées devenues formules. […] Toutes les facultés marchent, pour ainsi dire, en ligne : l’imagination, la raison, le goût, le sens critique ; toutes se contrôlent, s’observent, s’aident, se fortifient, et c’est du concours de leurs efforts simultanés que sortent ces chefs-d’œuvre, marqués, à un si haut degré, de deux choses qui semblent s’exclure, l’instinct le plus heureux et l’art le plus parfait. […] Il y a telle scène de Racine, tel morceau de Bossuet, où l’idée de prodigieux efforts de volonté, dissimulés sous les grâces et la facilité de l’instinct, nous jette dans une sorte d’admiration religieuse qui rabat notre orgueil sans nous décourager.
Mais combien il a fallu pour cela de temps et d’efforts, et de reprises à la Sisyphe ! […] Ce Michiels est des derniers, fou et grossier, n’ayant répondu que par des insultes à nos désirs et à nos efforts stériles pour le servir. […] Sincères et sérieux, ces aveux sont beaux, ils ont de la grandeur ; nous les tiendrons pour sincères ; nous ne nous lasserons point d’encourager ces efforts, d’applaudir à ces bonnes intentions ; ils subiront nos éloges, et nous verrons en définitive de quel côté sera le ridicule. […] Effort de l’imagination, qu’on a pris pour un élan du cœur. Mais quand le moi individuel eût abdiqué (et qui ne voit qu’il subsiste dans cet effort même et dans ce besoin ?)
Ce changement, par lequel la population de l’Attique passa de l’état de famille patriarcale à une société un peu plus étendue, était attribué par la légende aux efforts de Cécrops ; il faut seulement entendre par là qu’il ne fut achevé qu’à l’époque où l’on plaçait le règne de ce personnage, c’est-à-dire vers le seizième siècle avant notre ère. […] Ordinairement, en effet, ces dieux se donnaient beaucoup de peine pour leur ville ; voyezdans Virgile comme Junon « fait effort et travaille » pour que sa Carthage obtienne un jour l’empire du monde. […] Cette royauté demi-religieuse et demi-politique s’établit dans toutes les villes, dès leur naissance, sans efforts de la part des rois, sans résistance de la part des sujets.
Je vous dirai qu’après un voyage de quatre jours et quatre nuits je suis arrivé ici, oppressé de l’idée de notre misérable procès127, qui va de mal en pis, et tremblant de devoir repartir dans peu pour aller recommencer mes inutiles efforts. […] Comme il faut finir par là, autant vaut-il commencer aussi par là. » Il revient à tout moment sur cette idée du néant des efforts et de la volonté ; il répète de cent façons qu’il n’existe plus. […] Louis XIV est mort détesté, humilié, ruiné ; Philippe V, mélancolique et à peu près fou ; les subalternes n’ont pas mieux fini ; et puis voilà à quoi aboutit une suite d’efforts, du sang répandu, des batailles sans nombre, des travaux de tout genre ; et l’homme ne se met pas une fois pourtant en tête qu’il ne vaut pas la peine de se tourmenter aujourd’hui quand on doit crever demain. […] Il eût été guéri à coup sûr par ce bienfaisant génie, s’il eût pu l’être ; il fut convié du moins et associé aux nobles efforts ; il put se créer et poursuivre le fantôme, parfois attachant, d’une haute et publique destinée. […] Cependant, pour ne pas perdre entièrement le fruit de ses veilles, comme on dit, il se décida à publier un spécimen de sa traduction (à Londres, et à Paris chez Lejay, 1787) : « Il existe, dit-il dans sa préface, un autre ouvrage en anglais dont le sujet n’est pas moins intéressant et dont les vues sont plus vastes et plus importantes, qui sera désormais l’objet de tous mes efforts ; je veux parler de l’Histoire de la Décadence et de la Chute de l’Empire romain, par M.
Les dieux étaient beaux, d’une beauté achevée ; leurs images durent donc être belles, et tous les efforts de la sculpture tendirent à leur donner une perfection typique, qui, à force de se rapprocher de la divinité, finit par n’avoir plus rien de l’homme. […] Il n’y avait plus qu’un degré à franchir : c’était que, par un dernier effort d’idéalisation, l’artiste ramenât ces divines effigies à une forme suprême, à peu près comme le philosophe opérait la réduction des attributs divins, faisait de toutes les personnalités immortelles un sujet invisible, insondable, éternel, infini, absolu. […] Champfleury n’a eu aucun effort à faire pour imaginer celle dont il a obtenu des résultats si remarquables. […] L’effort, je dirais presque l’entêtement du jeune écrivain, se trahit à chaque page. […] L’heure devient de plus en plus solennelle, et la partie saine de la génération qui arrive en ce moment à âge viril, a acquis au prix d’assez d’amertumes et d’efforts le droit d’être sérieuse et de se prendre au sérieux, pour qu’on n’ait pas celui de lui en faire un crime.
En effet, la foi, chez Lamartine, n’est pas le résultat d’un effort volontaire, ce n’est pas le résultat d’un raisonnement ; la foi, chez lui, jaillit d’une façon spontanée ; cette foi, il l’a trouvée autour de lui au foyer paternel, elle a été dans l’atmosphère qu’il a toujours respirée ; le christianisme lui est apparu à travers toutes ces affections familiales, à travers toutes ces douces choses dont il aimait à se souvenir. […] Et l’amour est justement cela : il est un effort contre toutes les puissances de destruction, il est une sorte de prise victorieuse sur l’infini. […] Dans son œuvre, rien qui sente l’effort volontaire le travail ; sa poésie est spontanée, jaillissante. […] Ils causent, et leur conversation effleure tous les sujets, sans peine, sans effort, et surtout sans raison. […] Je suis las des mots, je suis las d’entendre Ce qui peut mentir ; J’aime mieux les sons qu’au lieu de comprendre Je n’ai qu’à sentir : Une mélodie où l’âme se plonge Et qui, sans effort, Me fera passer du délire au songe, Du songe à la mort.
Elle y parvint par un effort de volonté qui la vieillit vite. […] Il faut un effort sérieux, surtout une nécessité professionnelle, pour les lire aujourd’hui jusqu’au bout. […] Aux temps actuels de continuer cet effort. […] Lamartine a réalisé cet équilibre sans qu’il y ait rien d’apparent dans le dessein, de tendu dans l’effort. […] Il fallait qu’un de ses poèmes fût consacré à la civilisation, à l’effort, l’effort qui vaut pour lui-même, même si, comme dans la Flûte il n’aboutit pas.
Elle a beau vanter, avec effort, l’époque où chaque jour6 ajoute à la masse des lumières, où chaque jour des vérités philosophiques acquièrent des développements nouveaux ; elle regrette plus d’une fois les temps où l’esprit humain, moins détrompé, laissait aux passions plus d’énergie, au sentiment plus de secrets et de délices, à l’imagination plus d’enchantements. […] La critique a donc réuni tous ses efforts contre le second ouvrage du même écrivain, et cette fois elle a pu se promettre quelques avantages, puisqu’elle a pour auxiliaires toutes les opinions anti-religieuses de ce dix-huitième siècle qui, d’un bout de l’Europe à l’autre, et surtout au milieu de la France, a déchaîné tant d’ennemis contre le christianisme. […] C’est un jeu d’esprit, un effort de talent qu’ils applaudissent, et non un spectacle dramatique auquel ils viennent assister. […] Il sentit que, par de nouveaux efforts, il devait enfin la confondre, et justifier ses admirateurs. […] Fontanes, qui avait écrit la page qu’on vient de lire, n’eut pas beaucoup d’effort à faire pour entrer dans l’idée de cette omission.
» — Dix ans plus tard on a dépassé le déisme. « Le matérialisme, dit encore Barbier, c’est le grand grief… » — « Presque tous les gens d’étude et de bel esprit, écrit d’Argenson, se déchaînent contre notre sainte religion… Elle est secouée de toutes parts, et, ce qui anime davantage les incrédules, ce sont les efforts que font les dévots pour obliger à croire. […] Elle s’empare de tous les cœurs français, sape par le pied tout ce qui n’était fondé que sur les anciennes opinions et tire sa force d’elle-même. » Non seulement les privilégiés font les avances, mais ils les font sans effort ; ils parlent la même langue que les gens du Tiers, ils sont disciples des mêmes philosophes, ils semblent partir des mêmes principes.
Rizzio aurait été le seul obstacle peut-être au consentement de Marie Stuart ; mais, soit prompte satiété d’amour dans une femme inconstante, soit politique raffinée de Rizzio qui concédait le trône pour garder le cœur, il favorisa lui-même de tous ses efforts la pensée d’Elisabeth. […] La reine faisait des efforts surhumains pour voler au secours du malheureux Rizzio.
Lamoureux, car c’est à lui, à son initiative, à ses persévérants efforts que nous devons cette glorieuse soirée wagnérienne ; il a réalisé la plus artistique entreprise de ces derniers temps ; depuis cinq années qu’il est à la peine, ce n’est point trop qu’il soit aujourd’hui à l’honneur. […] L’artiste en cheveux se trouvait être un mélomane fort au courant des choses et sachant son monde ; il reconnut le grand homme, et tout en faisant effort pour dominer son émotion : — N’ai-je pas, en ce moment, demanda-t-il, l’insigne honneur de tenir en mes mains la tête illustre qui a conçu Lohengrin ?
Lundi 24 janvier Chez Alphonse Daudet. « Rendre l’irrendable » c’est ce que vous avez fait, — me dit, ce soir, Alphonse — ça doit être l’effort actuel, mais le point où il faut s’arrêter : voilà le difficile, sous peine de tomber dans le amphigourisme. […] Toute la fin de mon livre aura été écrite, avec la pensée, le pressentiment, que tant d’efforts, de recherches, de travail de style, auront pour récompense l’amende et la prison, et peut-être la privation des droits civiques — que je serais enfin déshonoré par des magistrats français, absolument comme si j’avais été surpris dans une pissotière.
Les facultés merveilleuses qu’il avait reçues et qui se faisaient aussitôt reconnaître s’accoutumèrent sans aucun effort à trouver leur forme favorite et leur satisfaction dans les exercices graves qui remplissaient la vie d’un jeune ecclésiastique et d’un jeune docteur, thèses, controverses, prédications, conférences ; il y mettait tout le sens et toute la doctrine, il y trouvait toute sa fleur.
Mais les pires de tous à entendre sont ceux qui, sans être plats et en laissant percer des efforts d’élévation, n’attestent après tout que les convulsions d’un talent ambitieux qui se débat contre une demi-impuissance.
Les comtes Razoumowsky, que j’avais toujours aimés, furent plus caressés que jamais ; je redoublai d’attention et de politesse envers tout le monde, excepté les Schouvaloff ; en un mot, je me tins fort droite : je marchais tête levée, plutôt en chef d’une très-grande faction qu’en personne humiliée et opprimée. » Sa fierté n’a pas grand effort à faire pour se redresser : elle n’était pas née pour l’attitude et le rôle de victime.
Les philosophes de leur côté, les amateurs des idées neuves et les chercheurs de vérités, ne pardonnent pas à Bossuet son immobilité stable et impérieuse, son veto contre tout ce qui se tentait pour faire faire, soit au christianisme, soit à l’esprit philosophique, un pas de plus, une évolution, et ils se raillent de la vanité de son effort.
Mais, cela dit, il n’avait eu d’autre effort à faire, dans sa vie de l’esprit, que de se laisser croître et mûrir ; il avait eu son évolution, non sa révolution.
L’humanité pendant des siècles fit naufrage, et elle eut besoin d’efforts inouïs avant de se remettre à flot.
L’essentiel, le seul point que nous tenions à constater, et que le public peut-être voudra bien reconnaître avec nous, est celui-ci : Somme toute, et à travers les nombreux incidents d’une course déjà longue, la Revue a fait de constants et d’heureux efforts pour se fortifier, pour s’améliorer, et, depuis bien des années déjà, pour réparer par l’importance des travaux en haute politique, en critique philosophique et littéraire, en relations de voyages, en études et informations sérieuses de toutes sortes, ce qu’elle perdait peu à peu en caprice et en fantaisie, ce qu’elle ne perdait pas seule et ce que les premiers talents eux-mêmes, le plus souvent fatigués en même temps que renchéris, ne produisaient plus qu’assez imparfaitement.
On lui tiendra compte de ses efforts, de ses veilles, de sa poursuite infatigable de la gloire, de la tradition lyrique qu’il soutint avec éclat, de cette flamme intérieure enfin, qui ne lui échappait que par accès, et qui minait sa vie.
Durant les sept années qu’il passa dans la docte Congrégation de Saint-Maur, il dissimula de son mieux, il fit effort sur lui-même ; mais la nature l’emporta, et il rompit ses liens par une fuite éclatante en 1728.
Vous supposez dès le début que l’homme est condamné à chercher ici-bas la vérité, seul, par lui-même, à la sueur de son front ; et tout cet effort infatigable de l’humanité pendant des siècles, ce sang, ces larmes répandues à travers ses diverses servitudes, ces joies quand elle se repose et se développe harmonieusement, ces religions qui fondent, ces philosophies qui préparent ou détruisent, cette loi de perfectibilité infinie et d’association croissante, tout cela n’aura abouti pour vous qu’à la conception mélancolique et glacée d’un ensemble d’êtres rationnels avant tout, destinés à s’observer, à se connaître, s’ils en ont la capacité et le loisir, à chercher concurremment ce qu’aucun ne sait, ce qu’aucun ne saura ; honnêtes gens tristes et solitaires, sortis d’un christianisme philosophique d’où la foi et la vie ont disparu, ayant besoin d’espérer, s’essayant à croire, oubliant et rapprenant la psychologie tous les ans, pour s’assurer qu’ils ne se sont pas trompés, et pour vérifier sans cesse les résultats probables de leur observation personnelle.
. — « Les défaillances de son estomac ne lui permettaient plus d’absorber des mets variés et lourds. » Les douleurs « allaient au ventre ballonné, dur, aux entrailles traversées d’un fer rouge, aux efforts inutiles et pressants… enfin l’appétit cessa, des aigreurs gazeuses et chaudes, des feux secs lui parcoururent l’estomac, il gonflait, étouffait, ne pouvait plus, après chaque tentative de repas, supporter une culotte boutonnée, un gilet serré ».
L’envie chez les Grecs existait quelquefois entre les rivaux ; elle a passé maintenant chez les spectateurs, et par une singularité bizarre, la masse des hommes est jalouse des efforts que l’on tente pour ajouter à ses plaisirs, ou mériter son approbation.
Mais la transition de Marot à Ronsard se fait surtout par l’école lyonnaise : Despériers s’y rattache, et par ses longs séjours à Lyon, et par ses vers dont la médiocre qualité laisse pourtant apercevoir quelque profondeur sérieuse de sentiment et certain effort d’invention rythmique.
S’il est vrai que le dernier effort de la critique soit de définir les esprits, elle ne serait pas malavisée de laisser de côté les journalistes.
Quant à l’action, elle consiste généralement dans les amours d’une païenne et d’un chrétien (ou inversement) et dans les efforts que fait celui-ci pour amener l’autre à la foi.
L’expression naïve de leurs sentimens vole sans effort sur leurs lévres, ils osent se montrer tels qu’ils sont ; la confiance s’établit, le rapport de goût se fortifie, l’amitié les unit à jamais, ils pensent ensemble, & ils n’ont point à craindre que la cupidité vienne briser des nœuds dont le charme fait toute la force.
L’œil attaché sur l’horizon lointain, mais sûr d’arriver, il ne détournerait pas la tête pour regarder en arrière ; il se résignerait de bonne grâce à la continuité harmonieuse de ses efforts.
Dans ses miracles, on sent un effort pénible, une fatigue comme si quelque chose sortait de lui 729.
Cet effort impuissant pour fonder une société parfaite a été la source de la tension extraordinaire qui a toujours fait du vrai chrétien un athlète en lutte contre le présent.
Un des plus constants efforts des pharisiens était d’attirer Jésus sur le terrain des questions politiques et de le compromettre dans le parti de Judas le Gaulonite.
Il offre tant de sympathies diverses à satisfaire, il soumet les sympathies physiques à tant de sympathies morales et intellectuelles, il présente tant de points de défense et d’attaque en même temps, il fait naître tant désirs au-delà du désir même, il offre tant à conquérir au-delà de la dernière conquête, il donne tant de jeu aux craintes, aux espérances, il arrête les progrès si près du but et y rappelle si puissamment par l’effort même qui en éloigne, enfin il y a tant de distance entre les voluptés que l’art le plus exercé ou le naturel le plus aimable peuvent donner à l’abandon et le charme de cette retenue mystérieuse qui arrête les mouvements d’un cœur passionné, que rien n’est impossible à une grande passion dans le cœur d’une telle femme.
Après tout, on n’a jamais tant d’efforts à faire en France pour revenir à cette netteté, car elle n’est pas seulement de forme chez nous, elle constitue le fond de la langue et de l’esprit de notre nation ; elle en a été la disposition et la qualité évidente durant des siècles, et, au milieu de tout ce qui s’est fait pour l’altérer, on en retrouverait encore de nombreux et d’excellents témoignages aujourd’hui.
Ensuite, quand l’effort puissant des années a courbé le corps, émoussé les organes, épuisé les forces, le jugement chancelle, et l’esprit s’embarrasse comme la langue.
Pour bien faire comprendre cette philosophie, il faudrait pouvoir exposer avec détail et précision toutes ces belles théories, qui resteront dans la science : la théorie de l’effort volontaire, par laquelle Biran établit contre Kant et contre Hume la vraie origine de l’idée de cause ; la théorie de l’obstacle, par laquelle il démontre, d’accord avec Ampère, l’objectivité du monde extérieur ; la théorie de l’habitude, dont il a le premier démontré les lois ; ses vues, si neuves alors, sur le sommeil, le somnambulisme, l’aliénation mentale, et en général sur les rapports du physique et du moral ; la classification des opérations de l’âme en quatre systèmes : affectif, sensitif, perceptif et réflexif ; enfin sa théorie de l’origine du langage.
Ajoutez qu’une certaine paresse aidant, ou, si vous voulez, la loi du moindre effort, je me contenterai bientôt de savoir ce que pensent des auteurs les critiques les plus autorisés, sans jamais lire les auteurs eux-mêmes ; d’abord, parce que — si l’on sait choisir ses critiques — c’est plus court ; ensuite, parce que même les critiques prolixes ont débrouillé la matière et me donnent, par les citations qu’ils font de leur auteur, le meilleur, évidemment, de cet auteur-là, ce qui peut me suffire ; ensuite et surtout parce que, devant, quand je lirai l’auteur après le critique, subir l’influence de celui-ci et lire dans la disposition d’esprit où il m’aura mis ; si je dois, l’auteur lu après le critique, avoir la même impression que le critique seul étant lu, j’épargne du temps en lisant le critique seul.
Je n’ai trouvé dans la foule des orateurs que déclamations ; dans la multitude des poètes, que pensées fausses ou communes, exprimées avec effort et avec appareil ; dans la nuée des romans, que fausses peintures du monde et des hommes.
Dieu seul sait les efforts affreux de courage et d’abnégation que fit Brentano, pour tirer parfois ces deux malheureux rideaux et se pencher sur ce miraculeux lit de douleur où gisait la Visionnaire, pâmée sous la griffe de vautour de toutes les souffrances et la foudre de ses intuitions !
D’autres qui sortent d’une incubation longue et pesante… Le style de Janin jaillissait à toute heure, et, comme dit Sterne, sans lui coûter un sou de réflexion et d’effort.
Qu’importe si, dans ce tour de souplesse du naturel dans l’originalité, l’effort est voilé par un art suprême !
qu’importe si, dans ce tour de souplesse du naturel dans l’originalité, l’effort est voilé par un art suprême !
sans voyage il l’aurait eue bien davantage encore ; car traduire seulement des impressions à la façon des voyageurs implique pour le talent moins d’effort, et par conséquent moins de mérite, que pour écrire un livre plus ou moins grandement ordonné, plus ou moins fortement conçu.
Un autre caractère du grand homme lui manqua, c’est cette vertu qui fait que l’âme, sans s’élever, sans s’abaisser, sans s’apercevoir même de ses mouvements, est ce qu’elle doit être, et l’est sans faste comme sans effort ; en cela il fut encore loin de Marc-Aurèle.
Il en est de même de la plus grande partie de l’Italie, qui, soumise à des dominations étrangères, et tour à tour envahie, subjuguée, défendue, gouvernée par des Allemands, des Espagnols ou des Français, a perdu pour ainsi dire cette espèce d’intérêt de probité pour son pays, qui développe les talents et crée les efforts en tout genre.
Le commentaire d’Hiéroclès, à la fin du quatrième siècle, cet effort pour opposer les maximes d’un ancien philosophe à celles du Christ, suppose sans doute un monument païen de quelque autorité, mais n’en témoigne pas l’authenticité absolue.
Aucun ouvrage parfait n’a paru sans avoir coûté à l’auteur de longs et souvent pénibles efforts. […] Et au point de vue purement littéraire, le principal but des efforts de l’école romantique était précisément la restauration du lyrisme. […] Au début, ses œuvres peuvent paraître un peu abstruses et hérissées, mais lorsqu’on a fait l’effort indispensable pour les bien connaître, on ne les oublie plus. […] Du ton de l’anthologie grecque Mme de Noailles s’est élevée sans effort à celui de la grande poésie. […] On ne voit pas bien ce que peut être un « effort » de Dieu, qui étant tout-puissant et infiniment parfait, doit réaliser sans peine ce qu’il a conçu.
La mort de Montfleury, en même temps qu’elle privait Andromaque d’un bon acteur, lui donnait une nouvelle célébrité dans le monde ; car le bruit public attribuait cette mort aux efforts extraordinaires du comédien pour rendre les fureurs d’Oreste. […] Dans une autre pantomime, intitulé Icare, l’acteur qui représentait le fils de Dédale tomba dès le premier effort qu’il fit pour voler, et son sang rejaillit jusque sur l’empereur. […] Ce n’est pas un grand effort de faire éclore quelques beautés d’un amas de sottises : la palme est à celui qui sait créer une foule de beautés, sans sortir du cercle étroit que l’art et la raison tracent autour de lui. […] Mais il n’y a que ce rôle dans toute la tragédie : ses autres personnages se ressentent des efforts prodigieux de l’auteur pour créer Phèdre ; elle est faite à leurs dépens. […] Quoi qu’il en soit, ce double effort de son génie créateur n’est pas très glorieux : le genre épisodique est vicieux et contraire aux règles fondamentales de la poésie dramatique.
L’effort de Corneille est visible, et quelquefois un peu gauche, mais aussi quelquefois singulièrement heureux, pour peindre des nuances diverses de l’amour dans les caractères différents d’Antiochus et de Séleucus. […] L’action dramatique est bien toujours pour lui, comme pour Corneille, une manifestation du pouvoir de la volonté, mais il ne lui paraît pas que cette volonté doive être nécessairement conçue comme une force aveugle et consciente à la fois ; — aveugle, quant aux motifs qu’elle pourrait avoir de changer la direction de son effort, consciente, jusqu’au délire de l’orgueil, de l’inflexibilité de cet effort même ; — ni surtout comme une force en tout temps analogue, identique, ou égale à soi-même. […] (Elle touche ses cheveux comme en faisant effort pour les écarter de son front.) […] Son succès annulait leur effort, et il défaisait innocemment leur ouvrage. […] J’étais déjà si proche de ma fin, par l’affaiblissement que le jeûne et la douleur m’avaient causé, que j’eus besoin de quantité d’efforts pour me tenir debout.
La Réforme n’est que la multiplication et le succès des efforts précédents ; ses adeptes ne furent que les continuateurs des illustres martyrs des âges passés. […] Elle allait précisément surgir des efforts de la libre pensée ; mais elle n’avait encore ni base arrêtée, ni véritable substance. […] Les réformés seuls repoussaient d’un même effort ces deux tendances souvent si étroitement unies. […] Celui d’Essais, auquel il s’est arrêté, signifierait à peu près : Efforts, tentatives de mon esprit. […] Le nombre des non-croyants et des athées s’était accru au point que Descartes croira devoir diriger ses efforts contre ce torrent qui envahissait les esprits.
Leur sensibilité les entraîne, et je ne vois pas qu’ils aient jamais fait ni l’un ni l’autre aucun effort pour se raidir et résister contre cet entraînement. […] Le grand effort est fait, et visiblement il suffira de quelques coups pour jeter bas ce qui subsiste encore de l’ancienne société française. […] Serait-ce là, par hasard, ce que quelques-uns de ses admirateurs, MM. de Goncourt, par exemple, ont appelé dans le temps « simplicité de bien dire », naturel, « absence de prétention et d’effort » ? […] Ces lois générales et suprêmes, Diderot les connaît, ou, pour mieux dire, il les soupçonne, car, après tout, le plus grand effort de l’esprit humain ne va guère qu’à les entrevoir. […] Si l’on n’entre pas en effet dans le détail trop avant, si l’on ne se laisse pas distraire du courant de sa lecture par des remarques tantôt justes, tantôt fines, tantôt profondes, mais toujours incidentes, et que, sans se préoccuper davantage de concilier les infinies contradictions de Diderot, on reçoive de ses Salons l’impression d’ensemble qu’ils font sur un lecteur de bonne foi, — nul effort, nulle trace d’un effort du critique pour acquérir ce qui lui manque, non pas même pour s’en enquérir.
Ils ont procédé, dans des conditions que les invasions et le mélange des races rendaient très difficiles, à une organisation nouvelle de la société humaine, qui représente une somme de travail et d’efforts dont on reste étonné. […] L’enthousiasme, lassé par un excessif effort de quinze années, retombe. […] Jamais homme n’avait fait un pareil effort pour avilir l’humanité, insulter à toutes les images de la beauté et de l’amour, nier tout ce qui est bon et tout ce qui est bien. […] Thiers d’un souffle dont l’ardeur passait dans son livre, c’était le ministère Villèle, la loi du sacrilège, le milliard des émigrés, la censure, c’était l’effort du gouvernement pour revenir à l’ancien régime. […] Ils écrivaient en latin, j’entends qu’ils faisaient effort pour exprimer dans cette langue morte leur pensée encore mal éveillée.
Enfin ceux qui l’accompagnaient sentirent qu’il fallait lui ouvrir un passage, et ils y parvinrent après de violents efforts. […] Et l’on ne saurait méconnaître la grandeur de l’effort. […] On jouissait sans efforts et sans peine de la nature. […] Et il a révélé ses efforts vers le genre de perfection dans un de ces examens publics de conscience où il se plaît. […] Aulard voit dans l’institution du culte de l’Être suprême un nouvel et décisif effort du dictateur pour rassurer les catholiques, que la Révolution avait irrités et désespérés.
Il faut bien que cet état soit particulier, puisque tout d’un coup et pendant soixante ans le drame pousse ici avec une merveilleuse abondance, et qu’au bout de ce temps il s’arrête sans que jamais aucun effort puisse le ranimer. […] Shakspeare, Beaumont, Fletcher, Jonson, Webster, Massinger, Ford, Middleton, Heywood, apparaissent ensemble, ou coup sur coup, génération nouvelle et favorisée, qui fleurit largement sur le terrain fertilisé par les efforts de la génération précédente. […] Sous l’effort de cet instinct, toutes les parties accessoires du drame arrivent à la rampe, et s’étalent sous les yeux. […] Assassinats, empoisonnements, supplices, vociférations de la démence et de la rage, aucun emportement et aucune souffrance ne sont trop extrêmes pour leur élan ou leur effort.
Il n’a besoin pour cela de nul effort, de nul travail. […] De quelle école sortirent les architectes de nos cathédrales, que tout l’effort d’un architecte de maintenant serait de copier ? […] Regarder demande un effort et une intelligence qu’ils n’ont pas. […] Un enfant dont on ne s’occupe pas, même que l’on néglige absolument, que l’on feint de ne pas même voir, que l’on considère vraiment comme inexistant, ne tarde pas à être humilié d’un tel traitement et il fait quelques efforts.
En effet, il n’est point de langue étrangère que nous ne puissions apprendre, comme nous avons appris la nôtre ; et il est évident qu’en apprenant notre langue maternelle, nous avons deviné le sens d’un grand nombre de mots, sans le secours d’un dictionnaire qui nous les expliquât : c’est par des combinaisons multipliées et quelquefois très fines, que nous y sommes parvenus ; et c’est ce qui me fait croire, pour le dire en passant, que le plus grand effort de l’esprit est celui qu’on fait en apprenant à parler ; je le crois encore au-dessus de celui qu’il faut faire pour apprendre à lire : celui-ci est purement de mémoire et machinal ; l’autre suppose au moins une sorte de raisonnement et d’analyse. […] C’est le cas d’appliquer ici le passage d’Horace : Segniùs irritant animos demissa per aurem, Quam quæ sunt oculis subjecta fidelibus… Rien n’est si puéril que de faire de grands efforts pour expliquer longuement, sans figures, ce qui, avec une figure très simple, n’aurait besoin que d’une courte explication. […] Réservons nos efforts pour les occasions où ils sont absolument nécessaires ; nous n’en aurons besoin que trop souvent. […] L’affectation du style paraît surtout dans la prose de la plupart des poètes : accoutumés au style orné et figuré, ils le transportent comme malgré eux dans leur prose ; ou s’ils font des efforts pour l’en bannir, leur prose devient traînante et sans vie : aussi avons-nous très peu de poètes qui aient bien écrit en prose.
Il est toujours douloureux de constater l’écroulement d’un grand effort du génie humain. […] Il nous conte « le drame d’une vie dépensée dans l’unique effort de sauver de lui-même le peuple le plus idéaliste, par la légèreté duquel le plus bel idéal de lumière humaine allait affreusement succomber ». […] Cela vaut bien un léger effort, et il n’y a point d’autre obstacle, car ce chef-d’œuvre si riche de « substantifique moelle » n’en est pas moins parfaitement clair et accessible à tous. […] Flaubert ne flétrissait du nom de « bourgeois » que ceux qui « pensent bassement », c’est-à-dire se complaisent dans l’ignorance, ne cherchent que l’argent ou le plaisir vulgaire, se détournent des grandes œuvres et méprisent l’effort de la pensée. […] Cette infériorité est largement compensée par l’intérêt artistique et presque romanesque de ces études, qui emplissent l’imagination en évoquant la vie des époques disparues et l’enchainement millénaire des efforts de notre espèce vers la connaissance et le bonheur.
Sous ce rapport deux publications la Revue britannique et la Revue germanique méritent d’être encouragées dans leurs nobles et consciencieux efforts. […] Sans doute, un peu plus tard et quand on en vint au théâtre, il y eut un effort direct d’importation de Shakespeare. […] Ce journal résumait tous les efforts que nous avons jusqu’à présent énumérés. […] Quoique les Études poétiques de Chênedollé n’eussent paru que deux ans après les premières Méditations de Lamartine, elles avaient cependant le mérite d’avoir été composées sous l’Empire et d’être par conséquent un premier effort pour sortir de-l’ancienne convention académique. […] Dans d’autres pièces, entre autres dans Kean, ou Désordre et Génie, Alexandre Dumas obéissait à l’influence shakespearienne et continuait ainsi les efforts de Ducis, d’Alfred de Vigny et de Victor Hugo.
Toute cette épopée de 1815, du reste, est sinistre, parce qu’elle est dominée par cette idée qu’elle est l’histoire d’un effort héroïque et vain. […] Voilà ce qu’il voyait dans un avenir qu’il mettait tout son effort à rapprocher du présent. […] L’art militaire ne consistait presque, dans ce temps-là, que dans l’inspiration du champ de bataille, que dans le sang-froid uni au courage et dans la lucidité permettant de bien voir le point juste et le moment juste où il faut faire porter tout l’effort. […] En attendant, je le répète, c’est un beau succès et un grand signe que La Fronde ait vécu presque autant qu’un septennat, et l’on doit de la gratitude au bel effort de ce sympathique organe. […] C’était sans effort.
Dans la mesure donc ou la Pléiade avait relevé la poésie française de son antique vulgarité, si c’est aussi vers les hauteurs que Malherbe a tendu de tout son effort — ad augusta per angusta , c’est le cas de le dire, — sa poétique n’a pas différé de celle de l’école de Ronsard ; et il a conçu autrement la beauté, mais, comme Ronsard, c’est bien la réalisation de la beauté qu’il a donnée pour but à la poésie. […] Mais, après tout cela, et quand à l’admiration de Ronsard et de Du Bellay je pourrais joindre encore celle de Baïf de Belleau — ce qui me serait, je l’avoue, difficile, — l’histoire est là qui nous l’apprend, si l’effort n’a pas été stérile, puisqu’enfin le classicisme nous est venu de là, ce que la Pléiade a en somme le moins renouvelé, c’est peut-être la poésie. […] — est sans doute le plus ingénieux ; ils soutenaient qu’il n’arrive à chacun que ce que chacun a voulu que la proportion est constante entre l’effort et le résultat ; qu’heureux ou malheureux, tout homme est lui seul à lui-même l’artisan de sa destinée. […] Si la raison de l’homme, en effet, peut s’élever toute seule, d’elle-même et sans effort, à l’idée d’une Providence générale, qui gouvernerait le monde par des lois générales, immuables, et nécessaires, il nous est moins aisé de concevoir l’idée d’une Providence particulière, dont l’active sollicitude, partout et toujours présente, ne souffrirait ni que la liberté de nos caprices troublât l’ordre de ses desseins, ni qu’il tombât sans sa permission « un seul cheveu de notre tête ». […] Et nous, aujourd’hui même, quand nous concevons le progrès sous le christianisme, il ne faut pas nous le dissimuler, c’est à peu près comme Bossuet concevait la liberté sous la Providence, à la lumière de la foi, sans espérance de pénétrer le mystère, et par un effort de la volonté.
Toutes les grandes choses de la pensée, du travail, sont faites par l’effort individuel, aussi bien que toutes les grandes choses de la volonté. […] Nous étudions sur ce brave garçon, le sournois empoisonnement de la victoire au théâtre, et devant ce souper entre gens fourbus, cassés, brisés, sans verve, avouant qu’un succès ne vaut pas l’effort dépensé, et qu’il y a trop d’alliage dans la récompense, toutes sortes de mélancolies me viennent sur les revanches qui peuvent nous arriver. […] Il y a à quitter une maison, où on a été paresseux et heureux, l’espèce d’effort qu’on éprouve à se lever d’un bon fauteuil ; et puis au fond, on a toujours une certaine terreur de l’inconnu qui est dans la vie devant vous et auquel on va.
Sans effort, net, comme en posant sur elles son doigt d’Hercule, Victor Hugo réduit ces froides divinités en poussière. […] Certes, M. de Maupassant mérite une place enviable, à côté de ses maîtres, mais il comprend qu’il a encore des efforts à tenter, et des œuvres à donner, pour sauter les bancs de l’élève, à la chaire du maître. […] Il représente une somme considérable d’efforts, dénote une peu commune intelligence, l’habitude des pensées graves, des hautes spiritualités, l’amour du grand, du tendre, de l’inconnu, qui est dans la vie. […] Meilhac ; elles embrassaient fort irrévérencieusement toute la diversité, toute la disparité de l’effort contemporain. […] Nos bourgeoisies, épuisées de luxe, dévorées d’appétits énervants, rongées de scepticisme, ne poussent plus que de débiles rejetons inaptes au travail et à l’effort.
Heureusement, l’heure de la justice semble venue, grâce à la ténacité de nos efforts et au loyal appui de la presse nouvelle. […] À cause même de son immensité, il y a de la place dans ce continent intellectuel pour tous les efforts, pour toutes les entreprises. […] Une chose qui a sans doute frappé les lecteurs de mes poésies, c’est que, presque toujours, j’ai consacré mes efforts à faire vivre les choses et les êtres du passé ou de la chimère. […] Le vrai est le but de ce siècle, et sera le prix de ses efforts. […] » À ces mots, assemblant sa force rajeunie, Vers l’épouse qui fuit blême en ses voiles blancs Il marche, et ses vieux bras qui ne sont pas tremblants Emportent d’un effort l’adultère impuni.
Pour se maintenir dans les régions poétiques, elle a besoin d’un perpétuel effort de volonté. […] Les incroyables efforts de l’auteur pour décrire les grenadiers et les dragons dans la langue des traditions homériques ressemblent à une gageure contre le bon sens. […] Non, la poésie dramatique, pas plus que la peinture ou le statuaire, ne doit se proposer la réalité comme but suprême de ses efforts. […] Il cherche dans le champ de la poésie une montagne ou une vallée qui n’ait pas été défrichée ; il parcourt toutes les voies tentées par l’imagination humaine, afin de découvrir quel chemin il doit se frayer, vers quel but il doit diriger ses efforts. […] Amené sans effort et sans contrainte à dérouler tous les mystères de sa volonté, il arrive à se mieux comprendre lui-même.
Mais je veux dire le résultat capital de tout l’effort de sa vie, parce que ce résultat est sous les yeux, parce qu’il est infiniment instructif et que personne ne songe à le faire remarquer. […] J’ignore tout de la vie civilisée, et ni mes lectures ni les efforts de mes cornacs ne pourront jamais me faire comprendre quoi que ce soit de la vie parisienne, sinon que Paris est un bien douloureux et bien sale endroit. […] Il venait de publier son premier livre, la Chanson des gueux, œuvre de violent effort et d’imitation compliquée qui fit croire un instant à la plus puissante originalité poétique. […] Les vrais artistes pourront seuls comprendre l’énormité d’effort et l’incroyable verve d’invention que suppose cette illustration en couleurs de l’Histoire des Quatre Fils Aymon, volume in-8, de 230 pages environ, avec figures et motifs d’encadrement ne se répétant jamais. […] Or, voilà précisément l’inconvénient à peu près sans remède de ce superbe effort.
Je crus que j’allais défaillir, mais rassemblant mes forces dans un suprême effort, j’étreignis le cadavre du Prussien, je le plantai tout droit contre moi, et, collant mes lèvres sur ce visage sanglant, d’où pendaient de longues baves pourpres, éperdument, je l’embrassai22… » Je ne voudrais point ajouter à cette belle page ; je dirai seulement qu’elle n’est point unique dans l’œuvre de M. […] Haraucourt n’a encore publié qu’un roman : Amis 57 ; mais, à mon sens, on n’a point fait attention à tout ce que ce livre contenait de noble et de délicat, et qu’un tel livre était un des plus méritants efforts d’art de ces dernières. […] On n’a besoin d’aucun effort, parce qu’il n’y en a point non plus chez le romancier. […] Leur talent s’est dépensé à cet effort quotidien. […] Son talent, éclairé et façonné par ces émotions intimes, prenait la couleur et le contour, sans qu’il sût positivement ce qu’il faisait, sans qu’il se fatiguât en efforts. » 82.
Il s’efforça d’en atteindre le pied et s’y accrocha, comme s’il eût voulu monter ; mais ce furent ses derniers efforts : sa vie s’éteignit rapidement, quoique graduellement… D’abord une de ses jambes de devant lâcha prise et tomba de côté, incapable de se mouvoir ; l’autre fit bientôt de même. […] Peu de temps après, le chien ne pouvait plus se lever malgré ses efforts ; il avait conservé toute son intelligence et ne paraissait nullement souffrir ; seulement ses jambes, et particulièrement celles du train de derrière, n’obéissaient plus à sa volonté. […] Malgré ses efforts de volonté, il va fatalement dans le sens que la lésion organique a déterminé. […] C’est pourquoi aujourd’hui tous les efforts de la science sont dirigés vers l’étude histologique de ces infiniment petits qui recèlent le véritable secret de la vie. […] Arriveront-ils ainsi à tout ramener à leurs théories et ne restera-t-il pas malgré leurs efforts un quid proprium de la vie qui sera irréductible ?
Certes, si un prince était capable d’entrer dans quelques-unes de ces vues à la fois courageuses, patriotiques, mais étroites, hautaines et rétrospectives, il semble que ç’ait été le duc de Bourgogne tel qu’on nous le présente, avec ce mélange de bonnes intentions, d’effort sur lui-même, d’éducation laborieuse et industrieuse, de principes et de doctrine en serre chaude. […] Sa théorie est comme une convulsion, un dernier effort suprême de la noblesse agonisante pour ressaisir ce qui va passer à ce tiers état qui est tout, et qui, le jour venu, dans la plénitude de son installation, sera même le prince.
Bertin, dont le nom ne saurait être omis dans un article sur Parny, l’intéressant et chaleureux Bertin, semble avoir mieux entrevu un coin de la tâche qu’il eût fallu entreprendre ; mais son louable, son généreux effort d’émulation à la Properce est resté inachevé. […] On y distinguait cette mélodieuse complainte, imitée de l’anglais, sur la mort d’Emma : Naissez, mes vers, soulagez mes douleurs, Et sans effort coulez avec mes pleurs… On y goûtait surtout ces autres vers sur la mort d’une jeune fille, et qu’on ne peut omettre de citer dans un article sur Parny, bien qu’ils soient dans toutes les mémoires : Son âge échappait à l’enfance.
., etc. » Et après une énumération éloquente de la vanité de nos prières et de nos efforts pour ralentir cette fuite du temps qui nous rapproche de la mort : « Il faut quitter cette terre, cette maison, cette épouse chérie ; et, de tous ces arbres que tu plantas avec tant d’amour, aucun autre que le cyprès funèbre ne suivra hors de ton enclos son maître d’un jour ! […] Mais si vous êtes seulement un homme de bon sens et de goût exquis, un amateur des délicatesses de l’esprit et des grâces de la poésie ; si vous ne sentez plus dans votre cœur ou si votre nature tempérée n’a jamais senti les brûlures sacrées ni les stigmates toujours saignants des fortes passions : amour, dévouement, religion, soif de l’infini ; si une félicité facile et constante vous a servi à souhait dans les différents âges de votre vie ; si vous avez passé l’âge des tempêtes, l’équinoxe de cette vie ; si vous êtes détrompé des hommes et de leurs vains efforts pour se retourner sur leur lit de chimères ; si vous avez vu dix révolutions et cent batailles soulever pendant soixante ans la poussière des places publiques et des champs de mort sans rien changer dans le sort des peuples que le nom de leur servitude et de leurs déceptions ; si vous avez vu les prétendus sages de la veille déclarés fous le lendemain, et les philosophies et les systèmes qui avaient fanatisé les pères devenir la dérision de leurs fils ; si la pensée humaine, toujours active et toujours trompée, vous a attristé d’abord par ce perpétuel enfantement du néant ; si, après avoir pleuré sur ce tonneau retentissant des Danaïdes qu’on appelle Vérité, vous avez fini par en rire ; si, sans chercher plus longtemps cette impénétrable moquerie du destin qui pousse le genre humain à tâtons de la vie à la mort, vous avez pris le parti de douter de tout, de laisser son secret à la Providence, qui, décidément, ne veut le dire à aucun mortel, à aucun peuple et à aucun siècle ; si vous vous laissez glisser ainsi sur la pente, comme l’eau de l’Anio qui glisse en gazouillant sous le verger d’Horace ; si vous n’avez ni femme ni enfant qui doublent et qui perpétuent pour vous les soucis de la vie ; si votre cœur, un peu rétréci par cet égoïsme qui se replie uniquement sur lui-même, a besoin d’amusement plus que de sentiment ; si vous possédez cet Hoc erat in votis , ce vœu d’Horace, un joli domaine aux champs pour l’été, une maison chaude l’hiver, tapissée de bons vieux livres ( nunc veterum libri ) ; si votre fortune est suffisante pour votre bien-être borné ; si vous avez pour amis quelques amis puissants, amis eux-mêmes des maîtres du monde, avec lesquels vous soupez gaiement en regardant combattre Pompée et mourir Cicéron pour cette vertu que Brutus appelle un vain nom en mourant lui-même ; enfin, si vous n’avez pas grand souci des dieux, et si les étoiles vous semblent trop haut pour élever vos courtes mains vers les choses célestes ; oh !
Et en même temps il faisait effort pour déranger le gros soulier ferré posé sur son trésor. […] « Il essaye de se défendre, il essaye de se soutenir, il fait effort, il nage.
Cosette se dépitait quelque peu du petit effort inutile que faisait son souvenir. […] Leur but était lointain sans doute, vague peut-être et reculant devant l’effort ; mais grand.
Il le questionne et apprend qu’il est joaillier de profession ; qu’il se fait batelier les fêtes et les dimanches pour gagner quelque argent et seconder les efforts de sa mère et de ses sœurs ; que tous quatre travaillent et économisent dans le but d’amasser deux mille écus pour racheter leur père esclave à Tétouan. […] Chaque monarque tient sur pied toutes les armées qu’il pourrait avoir si les peuples étaient en danger d’être exterminés, et on nomme paix cet état d’efforts de tous contre tous.
Mais l’art est l’expression de sa propre vie, ou, mieux encore, sa-vie elle-même se réalisant, se communiquant aux autres hommes, et faisant effort pour s’éterniser. […] La poésie que je sens encore dans sa réalité, c’est la poésie intime, la grande élégie de Joseph Delorme : un enfant de génie, qui a cru à cette égalité dont on a assourdi ses oreilles dès le berceau ; un homme qui se sent le cœur grand, les passions énergiques et la tête puissante ; qui rêve, dans une société équitable, la gloire et les plaisirs qui lui sont dus, et qui se trouve, lui poète, dans un hôpital, occupé à disséquer des cadavres ; qui se plonge dans l’athéisme obscur de Bichat et de Cabanis, se dessèche avec Locke et Condillac, jette un regard sur leurs successeurs parlant de liberté, de devoir et de vertu, et ne trouve en eux que des sophistes ; homme du peuple, plein de sympathie pour ce peuple qu’il voit traité comme un vil troupeau, plein de dégoût pour toutes ces distinctions de rangs fondées sur une absurdité et sur une iniquité ; cherchant avec enthousiasme la vertu pour l’honorer, et ne sachant à quel signe la découvrir ; à la fois emblème de la souffrance de l’artiste et de celle du peuple ; et qui finit par prendre en mépris le monde et l’Humanité, ne voit dans l’univers qu’un destin aveugle, et, relevant sa tête hors du tombeau où il est déjà couché, et où, brisé par la souffrance, il hésite devant le suicide, exhale ses derniers moments en sanglots étouffés, en plaintes arides, en ironie amère, entremêlés de chants sublimes et d’efforts qui touchent à la folie.
Cette curiosité sans confusion cette imagination facile et heureuse, cet arrangement naturel et sans effort, sont les seules qualités du genre, et Froissart les possède en perfection. […] Elle a péri dans ses efforts : mais la pensée même qui les lui fit faire lui a survécu.
Elle a des programmes variés et intéressants, où l’École française tient la première place, un orchestre d’élite, des exécutions soignées, le tout soutenu par de grands et louables efforts, par d’importants sacrifices de temps et d’argent. […] Il faut espérer que les nombreux artistes à qui elle a rendu service réuniront leurs efforts pour lui obtenir l’appui efficace du gouvernement, dont elle a grand besoin, à ce qu’il paraît.
La vraie noblesse de l’intelligence humaine est moins dans les résultats qu’elle obtient que dans le but qu’elle se propose, et dans les efforts qu’elle ose tenter pour l’atteindre. […] Nous causons : un homme qui assiste à notre entretien n’y prend part que d’un air distrait, il place quelques mots avec effort, il sourit d’un air forcé : j’en conclus qu’il est en proie à quelque peine cachée.
M. de la Dixmerie, en comparant les efforts du génie & du goût dans les Lettres sous Louis XIV. […] On a prétendu que les efforts continuels qu’elle fait pour démontrer l’impuissance de la raison, ne sont propres qu’à énerver l’ame, & à la priver de cette force, de cette énergie qui enfante les vertus.
S’il emploie l’art, il sçait le déguiser ; & il ne travaille ses ouvrages que pour cacher les efforts du travail. […] Cette double vue, de juges qu’il faut satisfaire, & de rivaux qu’il faut surpasser, fait faire à l’esprit tout l’effort dont il est capable.
En revanche, il s’élève contre les écrivains de nos jours, semblables, dit-il, « à ces pianistes qui exécutent des impossibilités incompréhensibles, mais qui sont hors d’état d’inventer une mélodie, une ariette, une note. » Il s’élève contre les adorateurs idolâtres de la forme : « Cette forme il a fallu la changer, la varier, la modifier à l’infini ; il a fallu la rendre bien feuillue, bien plantureuse, bien luxuriante, afin qu’elle pût cacher le vide sans fond qu'elle recouvrait… Le gothique flamboyant fut le dernier effort de l’ogive mourante ; nous en sommes arrivés à la littérature flamboyante… » Mais prenez garde !
Le jury a fait tous ses efforts pour être juste et pour ne manquer à aucun devoir.
… Vauvenargues, sous ce masque de Sénèque, ne regarde la littérature que comme un pis-aller : contemporain de Voltaire et déjà son ami, il estime pourtant qu’elle ne compte point assez parmi les hommes pour être le but enviable des efforts sérieux de toute une vie.
Après avoir raconté qu’il a vu mourir sous ses yeux une vieille amie, une femme âgée et d’un esprit supérieur, avec qui il avait souvent épuisé, en conversant, toutes les réflexions morales et anticipé l’expérience de la vie : Cet événement, continue Adolphe, m’avait rempli d’un sentiment d’incertitude sur la destinée, et d’une rêverie vague qui ne m’abandonnait pas… Je trouvais qu’aucun but ne valait la peine d’aucun effort.
Noble but, noble effort, et par lequel il réalisait un des vœux de sa première jeunesse, lorsqu’après le récit d’une de ses courses opiniâtres à travers les montagnes de la Sicile, il s’écriait en finissant : « Pour moi, je ne demande à Dieu qu’une grâce : qu’il m’accorde de me retrouver un jour voulant de la même manière une chose qui en vaille la peine !
Faites encore un effort, mon père, et un bon mariage raccommodera cela.
Moreau prit le commandement, repoussa pendant tout le jour les efforts de Souvarof et perdit la bataille le moins possible.
Je viens de lire de suite tous ces morceaux, et ce n’a pas été, je l’avoue, sans effort et sans fatigue.
— « Le fait est, me disait un grand curieux en ces matières, qu’il nous a mis à tous la puce à l’oreille. » Grâce à tant de soins et d’efforts et à une direction si éclairée, nous aurons donc un texte de Mme de Sévigné aussi sincère et aussi authentique qu’il est possible aujourd’hui de l’obtenir.
Les spectateurs d’alors se contentaient à moins. » Quand des érudits des plus compétents parlent avec cette modestie et cette bonne foi de l’objet de leurs études, on se sent d’autant plus porté à leur accorder ce qui est juste, et on est tout prêt à placer avec eux leur vieux Mystère à son rang dans la série des anneaux intermédiaires qui permettent de mesurer les lents efforts, en tout genre, de l’esprit humain.
Au moment où le docteur allait se prendre et sortir de son rôle en y entrant trop bien ; où la femme surtout, la tête en feu, se croyait déjà perdue sans retour, tout est sauvé par un effort heureux et un tour de clé habile du romancier.
Tout ce qu’il dit, il le dit avec une douceur, avec un agrément qui n’est qu’à lui. » Prenons-le dans quelques passages faciles, ouverts, et où il n’y ait qu’à l’aborder de plain-pied, pour ainsi dire, sans grand effort d’analyse ni débrouillement d’intrigue, — dans quelqu’une de ses expositions, par exemple.
Son père était mort, sa famille des plus pauvres, et appauvrie encore par l’effort qu’elle avait dû faire pour sa délivrance.
Enfin il y parvient avec quelque effort, et il veut bien accorder qu’à moins de coups extraordinaires que Dieu s’est expressément réservés pour rappeler sa présence, les choses se passent en général dans l’histoire comme s’il n’y avait que des causes naturelles et des conséquences nécessaires qui en découlent.
Sur l’observation de Rochambeau, que le péril était surtout pour les quartiers de gauche et que le prince Henri ne pouvait guère s’éloigner de la Saxe, le comte de Clermont répondit : « Il faut toujours remuer de la terre, cela en imposera à l’ennemi. » — « Je partis donc pour ma destination, nous dit Rochambeau, après une réponse aussi lumineuse. » Mais bientôt l’attaque rapide se dessina vers les quartiers de gauche, où les princes de Brunswick portaient leur effort.
Ce mot muselès implique un effort.
On s’aperçoit aisément, en y jetant les yeux, que le poëte diplomate redouble d’efforts, et que, novice en cela peut-être, il s’applique à justifier par son zèle la distinction dont il est honoré.
Pour que les événements inventés vous captivent, il faut qu’ils se succèdent avec une rapidité dramatique ; pour que les raisonnements amènent la conviction, il faut qu’ils soient suivis et conséquents ; et quand vous coupez l’intérêt par la discussion, et la discussion par l’intérêt, loin de reposer les bons esprits, vous fatiguez leur attention ; il faudrait beaucoup moins d’efforts pour suivre le fil d’une idée aussi loin que la réflexion peut la conduire, que pour reprendre et quitter sans cesse des raisonnements interrompus et des impressions brisées.
Ses amis assurent, qu’il aurait écrit contre son opinion ; qu’il l’aurait et désavouée et combattue ouvertement, sans confier à personne le secret de ses efforts, s’il avait cru que ce moyen pouvait servir à faire triompher la cause de cette opinion même.
Pour l’embrasser tout entière, il faudrait à la théorie de l’intelligence ajouter la théorie de la volonté ; si je juge de l’œuvre que je n’ose encore entreprendre par l’œuvre que j’ai essayé d’accomplir, mes forces ne suffiront pas ; tout ce que je me hasarde à souhaiter, c’est que le lecteur accorde à celle-ci son indulgence, en considérant la difficulté du travail et la longueur de l’effort.
Trois ou quatre fois dans les dix siècles que compte son histoire littéraire, il a fait effort pour se créer une poésie lyrique : ce n’est que de nos jours qu’il a vraiment réussi.
On s’est demandé souvent par quel effort de génie il avait su porter si haut un genre si mince : c’est tout simplement qu’il l’a ajuste à sa taille.
Puisque l’un consent à produire et l’autre à se laisser améliorer, qu’au moins cette double volonté ne soit pas vaine : utilisez votre effort mutuel, estimez-vous l’un l’autre.
Dominique, le confirmèrent dans son opinion, et nous voyons la forme qu’ils donnèrent au caractère d’Arlequin, qui est bien différente de l’ancienne… Depuis lors, le caractère d’Arlequin est devenu l’effort de l’art et de l’esprit du théâtre.
Un philosophe explicateur dirait : un fait divers est un moment d’infini et d’éternité, fonction de toute réalité dans l’infini spatial et temporel, fonction de toute pensée dans l’échelle illimitée des compréhensions ; notre conception d’un fait divers est un échelon entre une infinité d’autres conceptions, symbolisations psychologiques (dont on peut imaginer la hiérarchie) supérieure ou inférieure d’un même concret ; le rêve est l’effort vers les traductions symboliques les plus hautes.
Jésus se prêta peu à ces efforts bienveillants ; il se renferma, comme chez Kaïapha, dans un silence digne et grave, qui étonna Pilate.
Il y faut un effort d’attention et de patience.
Il était allé dans l’effort et dans le pressentiment de la passion aussi loin qu’on peut aller sans avoir été touché de la passion même.
Il démontre et développe toute la suite de son discours et de sa conception sans lutte et sans effort : il ne souffre point pour prouver.
Il ne s’agissait plus que de savoir où il ferait ses vœux et prendrait l’habit : « Si je demeure au Bec, se disait-il, je n’y paraîtrai jamais rien, car la science de Lanfranc me primera. » L’amour-propre de l’esprit n’était pas mort en lui ; il se le reprochait : « Je n’étais pas encore dompté, disait-il plus tard en se souvenant de cette époque, et le mépris du monde ne régnait point encore en moi. » Il fit effort pourtant et résolut de soumettre sa détermination à l’avis de Lanfranc lui-même, lequel refusa de répondre sur-le-champ et le renvoya devant l’archevêque de Rouen.
De là, je le répète, de grands efforts pour distinguer anatomiquement le singe de l’homme.
Le culte du Beau parut décliner au dix-huitième siècle : ce fut au Vrai que se consacra surtout l’effort des intelligences qui firent ce siècle si grand.
On peut ajouter à cela ce que dit Gallien dans ses pronostics : qu’ayant été appellé pour voir une femme de condition attaquée d’une maladie extraordinaire, il découvrit par les altérations qui survinrent dans la malade quand on parla d’un certain pantomime devant elle, que son mal venoit uniquement de la passion qu’elle avoit conçûë pour lui, et des efforts qu’elle faisoit pour la cacher.
Dans les hommes de génie, les idées naissent sans efforts, et l’expression propre à les rendre naît avec elles ; exprimer d’une manière qui nous soit propre des idées qui ne sont pas à nous, c’est presque uniquement l’ouvrage de l’art, et cet art est d’autant plus grand qu’il ne doit point se laisser voir.
Jamais plus d’effort, plus de tension, plus d’enflement n’ont abouti à un fiasco plus complet… Cette fille naturelle de Diderot, comme Mme Sand l’est de Jean-Jacques, n’a point la pléthore sanguine de son père.
Les uns l’en jugent plus méprisable, la dénonçant comme un concept a priori, rêve de philosophe, « chimère de Rousseau » ; les autres, plus admirable, rappelant qu’il est le résultat précieux des longs efforts spéculatifs des plus hauts représentants de l’humanité46. — Ainsi la thèse idéologique satisfait dès l’abord à des préférences diverses.
IV Deux branches distinctes reçoivent la séve commune, l’une en haut, l’autre en bas : l’une respectée, florissante, étalée dans l’air libre ; l’autre méprisée, à demi enfouie sous terre, foulée sous les pieds qui veulent l’écraser ; toutes deux vivantes, l’anglicane comme la puritaine, l’une malgré l’effort qu’on fait pour la détruire, l’autre malgré les soins qu’on prend pour la développer. […] Tel est le sort de tout homme et de toute femme : devenir l’héritage des vers et des serpents dans la froide terre immonde, avec notre beauté si changée que bientôt nos amis ne nous reconnaîtraient plus ; et ce changement mêlé de tant d’horreur… que ceux qui six heures auparavant nous comblaient de leurs charitables ou ambitieux services, ne peuvent sans quelque regret rester seuls dans la chambre où gît le corps dépouillé de la vie et de ses honneurs380. » Amené là, comme Hamlet au cimetière, parmi les crânes qu’il reconnaît et sous l’oppression de la mort qu’il touche, l’homme n’a plus qu’un effort à faire pour voir se lever dans son cœur un nouveau monde. […] Rien ne peut sauver la misérable créature que la grâce, la grâce gratuite, pure faveur de Dieu, que Dieu n’accorde qu’à un petit nombre et qu’il distribue non d’après les efforts et les œuvres des hommes, mais d’après le choix arbitraire de son absolue et seule volonté. […] Une puissance extraordinaire, un gigantesque ressort d’action s’était tout d’un coup tendu dans l’âme, et il n’y avait aucune barrière dans la vie morale, ni aucun établissement dans la société civile que son effort ne pût renverser. […] Sous leur effort la réflexion cesse, et l’homme est tout d’un coup précipité dans l’action.
L’effort, je dirais presque l’entêtement de l’écrivain, se trahit à chaque page. […] Une société où tous les fondements de la certitude sont ébranlés, d’où toute foi a disparu, dont chaque membre s’agite, en des efforts isolés, cherchant à mettre la main sur une croyance qui fuit toujours ; une société dont toutes les âmes sont troublées, tous les esprits malades, et qu’ont vieillis avant le temps les douloureux enseignements de l’histoire : cette société-là ne peut accepter pour ses véritables interprètes des poètes qui croient et nient tour à tour, et dont l’inspiration ne procède ni d’un doute sérieux ni d’une foi sûre d’elle-même. […] Nous vivons dans un siècle d’angoisse et d’incertitude, de trouble et de fièvre, de lutte et d’effort. […] Mais où sont les œuvres qui résument l’effort révolutionnaire, et qui prêtent un corps au monde d’idées qu’il a soulevées ? […] Il nous semble, tout d’abord, que ces bonnes gens dont nous parlions tout à l’heure auraient dû commencer par s’informer si nous étions un pédant ventru, un cuistre sexagénaire, dont quarante ans d’efforts sans résultat ont vérifié l’impuissance, — ou si tel de ces critiques en cheveux blancs ne pourrait pas être, dans l’ordre naturel, presque deux fois notre père.
que d’efforts pour retenir les émotions de l’âme ! […] Puis, si l’estomac, en se vidant, dissipait le nuage et l’éclair du cerveau si l’azur y pendait en lambeaux comme un vieux ciel de théâtre troué, Gérard faisait un nouvel effort d’imagination et retrouvait le hatchis des Orientaux au fond du gobelet méphitique où le portefaix verse le poison appelé genièvre. […] Il s’accrocha au bras de Villemessant, et, lui tenant, avec une volubilité fiévreuse, des discours grotesques à fendre le cœur, il fit des efforts inouïs et persistants pour nous entraîner vers la Halle. […] Quand je me borne à constater un fait, loin de moi la pensée d’en conclure que ce soit pour Roger un insuccès ni un malheur c’est un accident dont l’artiste a finalement triomphe par le suprême effort de sa volonté et de son savoir-faire. […] Malheureusement, cet effet de style, — sa marotte, — tout en affectant la négligence et le badinage improvisés, ne s’obtenait chez le feuilletoniste qu’au prix d’efforts inouïs, attestés par les ratures et les surcharges de sa copie.
Or, soit qu’il reconnaisse sa faiblesse naturelle, soit qu’il ait la conviction intime de son savoir, il redoublera d’efforts pour triompher de son insuffisance, ou mettra toute son étude à déployer l’étendue de ses moyens en leur plus grand éclat. […] Une considération de plus vient à l’appui de mon opinion : le courage n’était pas moins nécessaire que le génie aux auteurs de ces pièces originales, et la témérité d’Aristophane, se couvrant lui-même, sur le théâtre, du masque d’un scélérat, au défaut d’un comédien qui osât fronder en face le vice en crédit, témoigne quel honneur résultait pour lui de ce généreux effort. […] L’Argien y concourt avec insouciance, et ne veut que son profit des efforts de son voisin. […] Non content des efforts nombreux qu’il avait faits pour dégoûter ses concitoyens d’une guerre ruineuse et obstinée, il revient plus plaisamment à la charge dans sa comédie intitulée Lysistrate, du nom de l’héroïne de sa fable. […] « Ils sont partis ; et j’ai peu d’espérance « De les revoir, malgré tous nos efforts : « Pour un long temps, selon toute apparence, « Térence et Plaute et Molière sont morts.
……………………………………………………………… L’œuvre de Mme de Noailles est trop connue, elle a été trop souvent étudiée et analysée pour que j’insiste sur sa valeur : je voulais seulement ici chercher et découvrir, pour moi-même d’abord, les raisons profondes et secrètes de cette poésie, qui est bien un merveilleux effort pour reconstituer l’atmosphère vitale nécessaire à l’épanouissement du poète. […] Ce poème, Refus, est un des plus beaux qu’ait écrits Lucie Delarue-Mardrus : lisons-le avec recueillement : De l’ombre ; des coussins ; la vitre où se dégrade Le jardin ; un repos incapable d’efforts. […] Michel Pauliex5, minée par le chagrin, elle prit la vie en dégoût ; elle était une proie tout indiquée pour la phtisie ; le mal ne trouva chez elle qu’une faible résistance ; elle ne fit aucun effort pour le vaincre, et c’est avec une sorte de satisfaction qu’elle se laissa par lui terrasser. » Elle est morte, en rêvant à un Paradis de pures tendresses, où, reposée des mauvaises amours de la terre, elle trouverait enfin le divin apaisement. […] La plupart des œuvres des Muses dont j’ai essayé de noter le bruissement au-dessus de la vie symbolisent bien l’effort d’une ruche s’abattant sur un champ de parfums.
Je ne sais quel souvenir des grands artistes me saisit à l’aspect de ce tableau ; je retrouve cette puissance sauvage, ardente, mais naturelle, qui cède sans effort à son propre entraînement ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ » Je ne crois pas m’y tromper, M. […] Cette méthode double contrarie sans cesse leurs efforts, et donne à toutes leurs productions je ne sais quoi d’amer, de pénible et de contentieux. […] C’est peine et plaisir à la fois que de contempler les efforts qu’il fait pour choisir et accoupler ses tons. […] La liberté absolue et divergente de chacun, la division des efforts et le fractionnement de la volonté humaine ont amené cette faiblesse, ce doute et cette pauvreté d’invention ; quelques excentriques, sublimes et souffrants, compensent mal ce désordre fourmillant de médiocrités.
La seule différence est que l’un des deux affiche l’intention de réformer les mœurs, et que si elles continuent d’être mauvaises, on pourrait, avec un peu de malice, s’en prendre à lui de l’inutilité de ses efforts. […] De ce cas très particulier, que Molière a mis en scène dans L’École des femmes, est sorti, par l’effort lent de la critique, la question bien autrement générale de l’éducation des filles, qui s’y trouvait implicitement enfermée. […] On lui préfère Le Misanthrope, Les Femmes savantes et surtout et avant tout cet immortel Tartuffe qui semble être le dernier effort de l’esprit humain. […] Nous ne le comprenons que par un effort d’érudition archéologique. […] Il n’a aucun effort à faire pour rendre les passages où Molière marque cet effacement du bonhomme Chrysale devant Philaminte.
Il en rapporta peu de « sensations » et dut faire, pour se composer après coup une Grèce utilisable, un merveilleux effort. […] Il nous faut faire un effort pour en retrouver le caractère direct et créé. […] On peut appeler naturel le style qui vient naturellement, c’est-à-dire sans effort, presque sans réflexion, qui est incorporé à une habitude. […] Faguet a commises sur le style de Taine, sans faire de son style sa contre-nature, il est visible qu’il l’a extrait de sa nature par un effort de discipline et par un acte de volonté. […] Il y faut du talent, de la vocation, il les a et y ajoute par un effort continuel.
L’homme faisait effort pour se l’assimiler, la transporter en lui ; il ne la tirait pas de lui-même. […] Tous ses efforts furent vains et n’aboutirent qu’à une altercation des plus vives avec le duc de Luynes, où reparut tout entier le lord Herbert que nous connaissons. […] faut-il tant d’efforts pour résumer le monde ? […] Le parallélisme est si évident qu’il s’établit comme de lui-même, sans demander aucun effort au commentateur. […] Là, les passions sont tout extérieures et ne font aucun effort pour se cacher.
C’est donc sur les facteurs primitifs que doit se porter le principal effort de la méthode. — De là une nouvelle façon de considérer les grandeurs, et notamment les grandeurs géométriques. […] Voilà un premier intermédiaire explicatif, inclus dans les caractères du corps refroidi, et que l’induction met à part. — À présent, d’autres inductions établissent qu’un corps solide, liquide ou gazeux est un système de molécules espacées et douées les unes par rapport aux autres de forces attractives et répulsives ; que, au fur et à mesure de leur rapprochement mutuel, la proportion mutuelle des forces répulsives et attractives change et se renverse ; que, pendant une première période qui est l’état gazeux, les forces attractives peuvent être considérées comme annulées par l’énormité des forces répulsives, ce qui explique la force de tension des vapeurs et des gaz ; qu’au bout de cette période, lorsque les molécules sont assez rapprochées, il arrive une époque d’équilibre entre les forces répulsives et les forces attractives, époque différente suivant la constitution différente des différents corps ; que, pendant ce stade, la répulsion et l’attraction étant à peu près neutralisées l’une par l’autre, les molécules, qui ne se repoussent ni ne s’attirent mutuellement, se laissent très aisément disjoindre, n’exercent point d’effort contre leur contenant, se groupent selon une surface parallèle à l’horizon, bref sont coulantes et présentent les caractères sensibles qui constituent l’état liquide, au lieu des caractères sensibles qui constituent l’état gazeux ; que plus bas, au-delà de cette seconde période, lorsque les molécules se sont encore rapprochées davantage, il se déclare une époque où les forces attractives ont, non plus l’égalité, mais l’ascendant marqué, époque différente, suivant la constitution différente des différents corps ; que, pendant ce troisième stade, les molécules groupées résistent plus ou moins énergiquement aux forces qui veulent les détacher du système, et, au lieu des caractères sensibles qui constituent l’état liquide, présentent les caractères sensibles qui constituent l’état solide. […] Or cette direction constante nous montre en quel sens il faut appliquer notre effort, et par quel travail ultérieur doit se continuer l’édifice.
Il y a dans la drôlerie anglaise un sérieux, un effort, une application étonnante, et leurs folies comiques sont composées avec autant de science que leurs sermons. […] Tout son effort est de les rendre visibles, de dégager les types obscurcis et altérés par les accidents et les imperfections de la vie réelle, de mettre en relief les larges passions humaines, d’être ébranlé par la grandeur des êtres qu’il ranime, de nous soulever hors de nous-mêmes par la force de ses créations. […] Le tour de force, j’allais dire le tour de génie, est aussi grand que l’effort et le succès de Courier retrouvant le style de l’antique Grèce.
Daudet nous dit, ce soir, qu’il s’est aperçu tout à coup l’année dernière, à Champrosay, qu’il ne pouvait plus courir, sur l’invite de Zézé, lui ayant crié : « Papa, cours après moi. » Ça avait été un effort énorme et rien ! […] À ce propos, il citait, le soir de Magenta, sa rencontre avec le général Regnault de Saint-Jean-d’Angely qui avait soutenu l’effort de la bataille, tout le jour, et croyant le succès de la journée compromis, et ne pouvant admettre que Mac-Mahon fût entré à Magenta. […] Dimanche 20 décembre « Eh bien, le voilà le nouveau théâtre, votre nouveau théâtre. » C’est Daudet qui entre dans mon grenier, marchant avec effort sur des jambes mal d’aplomb. « Oui, Le Matin fait un article sur le nouveau théâtre, et Duret doit à ce sujet vous interviewer, vous, Zola et moi. » Et de suite la conversation est sur Sapho, et l’on cause du tact qu’il faut pour faire passer de la vérité sur les planches, et de son délicat dosage près d’un public de théâtre.
Jeudi 19 février Carrière, qui dînait chez Daudet, après dîner, est venu s’asseoir à côté de moi, et dans une longue, vague et diffuse conversation, ressemblant à sa peinture, et avec sa voix étoupée, m’a entretenu longtemps de son mépris pour le chatoyant en peinture, et de ses efforts et de son ambition pour attraper les fugitivités de l’expression d’une figure, de son travail enfin, acharné et sans cesse recommençant, pour tâcher de fixer un peu du moral d’un être sur une toile. […] Comme on lui reproche de ne pas assez travailler, il nous dit qu’il est le jumeau d’un frère mort, et qu’il se sent seulement une moitié de vie, et qu’il lui faut un effort énorme pour s’entraîner. […] Et il se met à faire une profession d’amour à l’égard de ses éreinteurs, prenant contre nous la défense des décadents, des symbolistes, cherchant à leur trouver des mérites, et s’attirant par ses généreux efforts, cette jolie blague de Coppée : « Comment, maintenant, vous Zola, vous vous occupez de la couleur des voyelles !
Lundi 25 avril Oui, je le répète, à l’heure présente, la lecture d’un roman et d’un très bon roman, n’est plus pour moi, une lecture captivante, et il me faut un effort pour l’achever. […] Et les belles impressions japonaises, depuis tout au plus une douzaine d’années qu’on les recherche, c’est fini d’en trouver chez Bing et Hayashi, et il me semble même que malgré tous leurs efforts, ils n’en peuvent plus découvrir au Japon. […] Eh, Monsieur Sarcey, ce que vous appelez prétention, c’est seulement de l’application, c’est l’effort de bien faire.
— « Un inexprimable effort dans l’inconnu118 ». […] L’espace toujours en mouvement, l’eau infatigable, les nuages « qu’on dirait affairés », le « vaste effort obscur », toute cette convulsion est un problème. « Qu’est-ce que ce tremblement perpétuel fait ? […] La philosophie doit être une énergie ; elle doit avoir pour effort et pour effet d’améliorer l’homme… Faire fraterniser chez les hommes la conscience et la science, les rendre justes par cette confrontation mystérieuse, telle est la fonction de la philosophie réelle.
Si c’est le premier qui manque, on voit manquer toutes les sensations de contraction et de détente musculaires, avec tous leurs degrés jusqu’à l’effort douloureux, la fatigue et la crampe, en outre les diverses sensations de froid, de chaud, de contact, de douleur, de secousse électrique qu’un excitant appliqué aux muscles excite à l’état normal95. […] Ils font parfois effort pour étendre ou fléchir un membre déjà étendu ou fléchi.
Alors elle tendit de nouveau sa peau par un effort plus grand, et demanda qui des deux était le plus grand. […] La terre et le travail de l’homme Font pour les assouvir des efforts superflus.
— « Vous, l’ami et le grand orateur de la liberté, lui écrivit le doge Dandolo, ne deviez-vous pas, au lieu de nous blâmer, nous louer de nos efforts pour écarter de l’Italie cette servitude impériale ? […] Le bon Charles VI ne se souvint pas de l’injure et fit ses efforts pour retenir le poète à sa cour ; mais Pétrarque n’aspirait qu’à l’Italie.
M. de Chateaubriand, excédé de vains efforts, rejeta enfin le manuscrit à l’acteur, qui acheva la lecture au bruit des applaudissements. […] Le lendemain de cet entretien avec le premier ministre, j’en eus un autre avec le roi lui-même ; il m’avait fait appeler ; il fît les derniers efforts pour me rattacher à son gouvernement ; j’eus de la peine à résister pendant trois heures à son éloquence, à ses caresses, même à ses larmes.
Ceux qui sont inspirés, à mon avis, sont ceux qui ont bien philosophé ; si tous mes efforts n’ont pas été inutiles, et si j’y ai réussi, c’est ce que j’espère savoir dans un moment, s’il plaît à Dieu. […] Voir ces choses en Dieu, voilà son principe, et voici comment il le développe devant ses disciples : « On s’épuise, dit-il, en vains efforts pour définir la nature du beau.
Moi qui avais obstinément blâmé les planches du livre que mon père m’avait donné ; moi dont la critique avait relevé mille défauts dans ces portraits, combien je fus honteux quand mes patients efforts n’aboutirent qu’à des résultats si misérables, qu’à peine pouvais-je reconnaître moi-même l’oiseau que je venais de dessiner ! […] Certes, je savais alors manœuvrer un hameçon tout comme un autre ; mais, quelque effort que je fisse, je ne pus jamais parvenir à prendre ce petit poisson, et ce fut de même inutilement que je dressai mes batteries contre plusieurs de ses camarades.
Cherchons donc, plutôt, à nous expliquer par quelle particularité de son caractère personnel, et par quel effort moral de ce caractère, le grand musicien a pu concentrer son génie dans cette action extraordinaire que nous révèle son œuvre artistique. Nous avons vu qu’il nous fallait renoncer à toute rencontre d’une conception théorique propre à Beethoven, et qui eût pu contribuer à nous rendre plus claire cette imagination de son effort artistique ; en revanche, nous pouvons, et nous devons exclusivement, considérer la force virile de son caractère, indiquer, ainsi, l’influence de cette force sur le développement du génie intime du Maître.
Dieu a béni ses efforts. […] C’est peut-être le plus grand effort du xviiie siècle vers le colossal.
Jeudi 15 mai Dans ma tête, quand il n’y a pas l’effort de la rédaction ou l’excitation de la causerie, c’est maintenant comme un embruinement. […] » Dimanche 24 août Dans le petit salon, où elle tenait ses jours, le mardi, Mme de Nittis est assise, les yeux vitrifiés, les lèvres blanches, dans une immobilité automatique, avec des gestes, quand il faut en faire, semblant un effort, avec des paroles, quand elle veut en dire, si basses, qu’il est besoin d’approcher l’oreille d’elle.
Dans ses descriptions, dans ses personnages, dans ses scènes, l’effort à imiter la nature, à imaginer vrai, à se rappeler de précises observations, est évident ; il est contenu par certaines incapacités natives, par des préjugés acquis, mais le romancier anglais n’en possède pas moins une marque qui le distingue nettement de tous les artistes idéalistes, dans ses préférences pour ces laideurs, ces vulgarités, ces irrégularités du réel, que ceux-ci s’empressent d’effacer, par le travail de sélection qui les caractérise. […] La tentative même, l’effort qu’il faut faire pour persuader ces imaginaires préceptes, en démontre la fausseté ; car la vraie morale est obéie sans conteste et tacitement.
La masse des lecteurs ne s’inquiète pas de l’effort, mais de l’effet ; la foule veut sentir, et non s’étonner : de là le discrédit croissant du vers et de la rime, qui ne nous semblent plus que des jeux de plume ou d’oreille. […] Les oiseaux s’abattent sur le sol ; Nala jette sur eux son manteau comme un filet, pour les prendre ; mais les oiseaux soulèvent le manteau sous l’effort de leurs ailes réunies, ils l’enlèvent, l’emportent dans leur vol, et laissent Nala et Damayanti entièrement nus.
Je remarquerai seulement que chez toutes les nations, la langue a dû ses progrès aux premiers génies ; c’était le résultat des efforts qu’ils faisaient pour rendre fortement et clairement leurs pensées. […] La douceur de Tibulle, la naïveté de Catulle, la chaleur de Properce, la facilité et la fécondité d’Ovide, la sévérité de Phèdre, l’emphase de Lucain, la boursouflure du tragique Sénèque, l’obscurité de Perse, les vains efforts de Silius Italicus pour atteindre Virgile, le fracas de Stace, l’esprit de Martial, la violence de Juvénal, l’hydropisie de Claudien.
Nous ignorons la cause secrète de nos efforts les plus héroïques. […] C’est un effet merveilleux produit sans effort.
Tout l’effort de ses actives années porta sur ce point, et il crut un moment, dans son orgueil de jeunesse, y avoir réussi.
Cet écrivain si regrettable, enlevé en 1846 à l’âge de quarante-sept ans, au moment où la renommée venait le couronner et où une sympathie universelle le récompensait de son long effort, avait laissé d’autres récits d’excursions encore que ceux que M.
Le résultat continuel de l’effort de la critique appliquée à la littérature est d’étendre ainsi de plus en plus le domaine de l’homme instruit, et d’appeler chacun à profiter, et, jusqu’à un certain point, à juger par soi-même de ce qui avait été jusqu’alors la propriété des doctes et des hommes de cabinet.
Toutefois, et malgré les efforts de l’abbé Maury pour porter au rang des chefs-d’œuvre deux des sermons de Fénelon, ce dernier, en raison même de la multiplicité de ses dons, n’avait pas reçu avant tout celui de la puissance oratoire, de cette organisation manifeste, naturellement montée pour être sonore et retentissante, pour être hautement distributive à distance, et qu’il suffit ensuite de nourrir au-dedans de forte doctrine, d’étude et de saines pensées, pour que tout cela tourne en fleuve, en pluie, en tonnerre majestueux, ou en une vaste canalisation fécondante.
De même qu’il y eut dans l’Antiquité un peuple à part, qui, sous l’inspiration et la conduite de Moïse, garda nette et distincte l’idée d’un Dieu créateur et toujours présent, gouvernant directement le monde, tandis que tous les peuples alentour égaraient cette idée, pour eux confuse, dans les nuages de la fantaisie, ou l’étouffaient sous les fantômes de l’imagination et la noyaient dans le luxe exubérant de la nature, de même Bossuet entre les modernes a ressaisi plus qu’aucun cette pensée simple d’ordre, d’autorité, d’unité, de gouvernement continuel de la Providence, et il l’applique à tous sans effort et comme par une déduction invincible.
Bailly ne disait pas ces choses avec cette netteté d’abord dans son Histoire de l’astronomie, mais il allait le dire dans les Lettres qui en étaient le développement et l’épisode : et sous l’effort érudit et pesant de Dupuis, qui sera à Bailly ce que Condorcet est à Turgot, le système prendra une consistance tout autrement formidable encore.
Avec quelque effort pourtant, et grâce à l’abondance des mémoires, on peut s’y naturaliser et s’imaginer encore y avoir vécu.
Les rares jeunes femmes à qui il fut donné d’éclore et de fleurir dans ce cercle des Maintenon et des Coulanges en étaient imbues sans effort ; celles-là eurent le regard de la grâce en naissant.
Tallemant continue sans effort la race des conteurs et des auteurs de fabliaux ; il a sa veine de Rabelais.
Il y avait encore, disait-il, à voir les titres du grand cabinet, ceux du trésor de l’hôtel de Nevers, et enfin une table générale devenait indispensable pour ces derniers inventaires ; on lui demanda ce nouvel effort, et il s’y mit : « L’affection que j’ai toujours eue pour cette princesse ne m’a rien fait trouver de difficile ni d’ennuyeux, où il s’agissait de son service, et puis j’étais bien aise d’avancer toujours dans ma curiosité, pour y faire de nouvelles conquêtes quand l’occasion s’en offrait. » Depuis qu’il eut son logement en ce lieu d’honneur et d’étude, il semble qu’il ne lui manquait plus rien.
Il essaya aussi, mais infructueusement, de le ramener du déisme au christianisme positif ; le résultat le plus net de tous ses efforts fut de lui donner le goût de l’observation intérieure et de lui transmettre quelque chose de ses procédés ingénieux pour cette fine analyse des phénomènes de l’imagination et de la sensibilité, où il était maître.
Ce qu’il espère au fond, homme tout d’une pièce, joueur intrépide et buté qu’il est, c’est que par un vigoureux effort et je ne sais quel coup de collier ou quel coup de dé venu je ne sais d’où, toutes choses reprendront leur ancienne assiette ; on regagnera d’emblée tous les points.
» À l’instant saisissant la statue, il la renversa sans effort, et montant sur le piédestal avec aussi peu d’agitation, il semblait prendre sa place plutôt qu’usurper celle d’autrui.
Il fallut, après des mois d’efforts laborieux et d’impuissance, que l’émeute-Barbès, en éclatant dans les rues de Paris, fît l’office du forceps pour obliger le roi et la Chambre à accoucher d’un ministère, et d’un ministère bien neutre, celui du 12 mai 1839.
Guizot, préoccupé des dangers dont toutes les communions chrétiennes et le christianisme lui-même sont menacés par le redoublement d’efforts et d’attaques de la philosophie, estime que l’heure est venue de se comporter comme on ferait « dans une place assiégée », quand l’étranger et l’ennemi est aux portes : il conseille, en conséquence, à toutes les communions chrétiennes de s’unir pour la défense commune, en mettant de côté leurs querelles et leurs différends.
Je conçois qu’un historien n’entre aucunement dans ces détails beaucoup trop particuliers ; mais, en jugeant un prince qui est mort si jeune et qui n’a laissé que des espérances, il n’est que juste cependant que le souvenir d’une telle enfance et de l’effort heureux qui y triompha ait son écho et son retentissement rapide jusque dans les pages de l’histoire.
Je le prendrai surtout par ses côtés accessoires et où il aurait pu exceller très-vite, pour peu qu’il s’y fût adonné : il y avait en lui l’étoffe d’un savant littérateur autant peut-être que d’un grand musicien ; et il le montra bien lorsque, dans ses dernières années, il eut si peu d’efforts à faire pour être aussitôt un secrétaire perpétuel tout formé, un orateur académique des plus spirituels et des plus avenants Ce n’est pas de lui, certes, qu’on aurait dit, comme d’un autre compositeur célèbre en son temps : « C’est une bête, il n’a que du génie. » Il était un beau talent servi par un habile esprit.
Ce ne fut même qu’en faisant un grand effort sur lui qu’il parvint à se rendre maître de l’agitation intérieure qu’il éprouva en ce moment. » Bravo !
Autre chose, d’ailleurs, sont les doctrines auxquelles on n’arrive et l’on n’atteint à grand effort et à grand’peine que par quelques intelligences d’élite, et celles d’où l’on part et où l’on plonge habituellement par le milieu même et le fond d’une société tout entière.
Une vie commune n’était plus possible ; mais la comtesse ne put arriver à une séparation régulière qu’après bien des efforts et moyennant des stratagèmes.
Mais ces petites résistances intérieures sont aujourd’hui vaincues, je l’espère ; on en a eu raison sans trop d’effort ; les légèretés de la jeunesse sont excusables.
G. de Lavigne, qu’il me permette de le lui dire, s’est trompé dans le plaidoyer qu’il a joint à sa traduction estimable ; il a trop présumé de l’effort de sa docte critique après deux siècles et demi de possession.
Je viens m’exécuter sans trop d’effort et payer ma dette envers celui qui m’a donné souvent du plaisir.
Pendant ces travaux où il faisait preuve d’habileté pratique et de connaissance des détails, il avait l’œil aux grands événements qui se déroulaient et qu’il considérait de haut et d’ensemble comme d’un belvédère, ou mieux encore comme du centre d’une fournaise ; car la Suisse, en ces années d’occupation et de déchirement, devenue un champ de bataille dans toute sa partie orientale, offrait « l’aspect d’une mer enflammée. » Jomini y suivit de près les fluctuations de la lutte, les habiles manœuvres de Masséna pendant les sept mois d’activité de cette campagne couronnée par la victoire de Zurich, les efforts combinés de ses dignes compagnons d’armes, les Dessolle, les Soult, les Loison, les Lecourbe : ce dernier surtout « qui avait porté l’art de la guerre de montagne à un degré de perfection qu’on n’avait point atteint avant lui. » Mais, s’il estimait à leur valeur les opérations militaires, il ne jugeait pas moins les fautes politiques, et ce qu’il y avait de souverainement malhabile et coupable au Directoire à avoir voulu forcer la nature des choses, à avoir prétendu imposer par décret une unité factice à treize républiques fédérées, à s’être aliéné une nation amie, à avoir fait d’un pays neutre, et voué par sa configuration à la neutralité, une place d’armes, une base d’opérations agressives, une grande route ouverte aux invasions.
Jeune au reste, et non découragé, qu’il se venge par de nouveaux et meilleurs efforts !
Cette fois, les sollicitations, les efforts désespérés du jeune homme ne purent rien ; il passait sa vie à épier à la sortie quelques membres du tribunal ou de la Convention, quelque ancienne connaissance, telle que Hérault de Séchelles, qu’il avait vu chez son père.
Il n’y a de justice dans les jugements qui sont relatifs au bonheur, que si on les fonde sur autant de notions particulières qu’il y a d’individus qu’on veut connaître ; on peut trouver dans les situations les plus obscures de la vie des combats et des victoires, dont l’effort est au-dessus de tout ce que les annales de l’histoire ont consacré.
A peine de temps en temps distinguera-t-on en lui un nuage de tristesse, un sourire d’ironie, un effort incertain d’éloquence, et on le quittera sans l’avoir connu.
Leur héroïsme romanesque répond à un besoin impérieux d’effort et d’action.
Or les faits peuvent bien changer et, en partie, l’extérieur de la vie humaine, mais non point les instincts et les sentiments primordiaux à la constatation desquels se ramène tout l’effort du faiseur de maximes.
Et c’est, je pense, de cette absence d’effort, de cette rapidité à sentir, de cette légèreté ailée que résulte la grâce, ou le charme.
Pour donner à l’univers un comédien italien, il faut que la nature fasse des efforts extraordinaires.
D’autres vérités ne nous persuadent que lentement, soit qu’elles ne s’appliquent pas à notre condition personnelle, soit qu’il faille quelque effort pour les déduire, par le raisonnement, des vérités à notre usage et de notre sphère.
Il s’extasia sur ses soixante mille vers qu’il déclarait n’être qu’un « long effort vers le plus pur idéal ».
Il ne faisait à ses disciples aucun raisonnement 214 ; il n’exigeait d’eux aucun effort d’attention.
Comme nous le verrons ci-après, les psychologues contemporains réduisent en général les trois derniers groupes à deux : sensations musculaires, sensations organiques ; les premières qui ont rapport aux muscles et qui nous révèlent la tension ou l’effort ; les secondes qui ont rapport au bon et au mauvais état des organes.
Ceux qui ont tâté de ce métier (et je suis de ceux-là depuis quelque temps), et qui savent quel effort périodique il exige, apprécieront le degré de facilité et de verve, la force de tempérament (c’est le mot) qu’il a fallu à M.
L’esprit plié depuis longtemps aux belles-lettres s’y livre sans peine et sans effort, comme on parle facilement une langue qu’on a longtemps apprise, et comme la main du musicien se promène sans fatigue sur un clavecin.
Quelques écrivains de talent, en effet, doués d’originalité et d’une verve d’exception, quelques efforts brillants, isolés, mais sans suite, aussitôt brisés et qu’il faut recommencer toujours, ne suffisent pas pour doter une nation de ce fonds solide et imposant de richesse littéraire.
Il s’est attaché avant tout au style ; lui, qui écrit au courant de la plume, qui n’a qu’à laisser trotter la sienne, et qu’elle emporte au galop si aisément, il l’a forcée cette fois à mille retours, à de savants manèges ; il s’est plus d’une fois surpris, dans son effort, à s’essuyer le front et à se ronger les ongles.
Tous les efforts épuisés, et au moment de partir, se tournant vers les généraux qui l’avaient suivie, elle leur dit qu’elle comptait sur eux du moins pour garantir les habitants contre toute réaction : « Nous le jurons !
Mais quand l’homme se trouve en face d’une difficulté réelle, disproportionnée avec ses forces, il se résigne ; et si l’expérience lui a enseigné que le temps et un effort réglé et continu sont les seuls moyens du succès, il prend alors l’habitude de la patience, et cette habitude passe dans sa nature.
L’influence du chevalier de Lorraine, à la fin de la campagne de 1667, ruina ses efforts, et cet indigne favori, qui vit en lui un ennemi naturel, ne négligea rien pour le perdre et pour l’éloigner.
Au temps de la Fronde, un disciple de Richelieu et qui n’était pas indigne de lui pour sa capacité et son ardeur, M. de Chavigny, dans ses heures de disgrâce, faisait visite au monastère de Port-Royal-des-Champs et tâchait de s’y complaire à la pénitence ; effort pénible et qui ne durait pas !
Tout en s’accommodant avec bonheur de cette condition bourgeoise, il y faisait entrer sans trop d’effort de hautes pensées, et sa modestie domestique prenait un caractère de grandeur morale : Mon père, dit-il quelque part, à propos de je ne sais quel détail de conduite, mon père, qui était un homme rare et digne du temps des Patriarches, le pratiquait ainsi ; et c’est lui qui, par son sang et ses exemples, a transmis à mon âme ses principaux traits et ses maîtresses formes.
Mais dans ces mêmes auteurs, ou encore mieux dans leurs imitateurs ridicules, le mot cru et gros, la couleur violente et aveuglante, la description acharnée qui ne demande à l’intelligence aucun effort et qui fait simplement tourner le cinématographe, le relief des choses, cathédrale, quartier, morceau de mer, champ de bataille, aussi l’imagination débordante et enlevante, qui vous entraîne vers des hauteurs ou des lointains confus comme dans la nacelle d’un ballon, toutes ces choses qui ne demandent au lecteur aucune collaboration, qui le laissent passif tout en le remuant et l’émouvant ; aussi et enfin une misanthropie qui ne donne pas ses raisons et qui ne nous fait pas réfléchir sur nous-mêmes, mais seulement flatte en nous notre orgueil secret en nous faisant mépriser nos semblables sans nous inviter à nous mépriser nous-mêmes : voilà ce que le lecteur illettré de 1840 voit, admire et chérit dans les romantiques ; voilà la déformation du romantisme dans son propre cerveau mal nourri, dans la misère physiologique de son esprit.
Toujours est-il que le caractère remarquable de la société contemporaine est précisément cet effort d’appliquer la science à l’amélioration de la destinée humaine.
Mais on ne tardera pas à sentir l’absurdité de sa prétention et l’inutilité de ses efforts.
Le char qu’elle vouloit arrêter l’entraîne elle-même, et le masque qu’elle portoit tombe par terre dans cet effort inutile.
Eux chargeaient leurs phrases jusqu’à la gueule avant de les pointer sur le Romantisme : ils faisaient de véritables efforts, on les voyait suer à la peine.
La main glisse sur le peplum, esquisse le geste de le rejeter, pendant que les épaules frémissent ; puis remonte vers le front et esquisse le geste de repousser les cheveux sur les épaules ; puis, fatiguée de l’effort, retombe et traîne pendant que Phèdre dit d’une voix qui languit : Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire.
Elle lui a tant et tant répété qu’elle avait du génie, que cette âme modeste a fini par le croire et même qu’elle avait le plus beau des génies, le génie qui n’a sa raison d’exister dans aucun effort de facultés, et n’est, comme Dieu, simplement que parce qu’il est.
J’avais montré, de loin, à l’horizon, le poète qui allait y poindre et qui l’a, d’un trait, subitement envahi, pour y rester, étoile à sa place, malgré les efforts réagissants de l’Envie qui voulait l’en précipiter, et j’attendis longtemps alors avant de parler des Névroses.
Les fourberies, les bassesses et les efforts de Scapin-Larreau pour avoir son miracle, pour le lancer, pour le rattraper quand il lui échappe, pour le relancer, pour le tenir droit devant l’opinion, comme un Saint-Sacrement, pour le faire passer à l’état incontesté et fulgurant, enveloppent tous les personnages du roman, qui sont nombreux, comme d’un moulinet de roueries, et, pendant toute la durée du livre, c’est dans ce vaste moulinet qu’on les voit.
Dans L’Œuvre, dans Germinal, dans La Joie de vivre, on pouvait encore, en y regardant bien, discerner quelque trace et reconnaître au moins quelque effort d’observation, mais ici, c’est vainement qu’on en chercherait l’ombre ; et les jésuites d’Eugène Sue, les mousquetaires d’Alexandre Dumas, les Burgraves eux-mêmes de Victor Hugo sont plus vrais, moins fantastiques, plus vivans peut-être que les paysans de M.
Dans l’histoire et dans la biographie, il restera orateur en dépit de lui-même : ses grandes qualités employées à faux choqueront ; il paraîtra pesant et pédant ; il sera sec ou emphatique ; et à force de recherches, de travail, d’efforts de style, il ne parviendra qu’à bâtir un piédestal fragile de dissertations et de syllogismes, où il posera religieusement et contemplera amoureusement la tête moutonne et frisée de Mme de Longueville.
Vous voyez quelles peines il faut prendre, quelle prudence, quel tact, quelles recherches de tout genre, quel soin minutieux, quels efforts de raisonnement il faut employer pour constater les faits les plus minces.
Là, des arbres vénérables sont exposés aux efforts des rafales qui les déracinent et les jettent sur le Gave de Lutour où ils forment des ponts champêtres. […] Du moins une âme vaillante s’était révélée durant cette lutte : Pierre Sers, malgré ses efforts et sa hardiesse héroïque, dut céder. […] Sous la même influence, Tallien ne tarda pas à faire les plus louables efforts pour rassurer le commerce bordelais : ce fut, on peut le dire, son but continuel pendant cette seconde période de son pouvoir. […] On a remarqué bien des fois que le progrès ne procède point par bonds et par sauts et qu’un lien, souvent ignoré des contemporains, mais qui n’en existe pas moins, relie entre eux les efforts des générations. […] Le voyage est donc résolu, et le conseil de famille convoqué vote, à grands efforts d’éloquence, les avances nécessaires pour l’effectuer, à charge par le jeune homme de les rembourser sur l’héritage paternel, s’il n’a pu le faire auparavant.
Je dis alors que voilà de bien grands efforts et bien longs ; que c’est tirer les choses de diablement loin ; et que c’est beaucoup de deux heures de préparation pour rendre vraisemblables deux mouvements dont le premier dure une minute et l’autre quelques secondes. […] Car les intérêts des deux sexes étant contraires, ce que nous nous étions octroyé à nous-mêmes par souci de notre plaisir, nous ne pouvions l’accorder aux femmes que par un effort de générosité et de désintéressement. […] C’est un des plus beaux efforts de l’art et c’est la gloire de l’écrivain dramatique ou du romancier, de savoir nous présenter des coquins semblables à nous, et dont la coquinerie est si naturelle, si tranquille, si inconsciente, si pleine de sécurité, qu’ils ont tout à fait l’air d’honnêtes gens. […] L’idée qu’il n’est pas seulement trahi, mais ridicule ; l’idée que ce que cette femme lui refusait avec de grandes phrases, ce qu’il avait la sottise de s’interdire (et par quels efforts sur lui-même ! […] Mais ce qu’il y a ici de délicieux, je dirai presque d’unique, c’est la spontanéité, la continuité sans effort, la grâce souveraine de l’ironie.
Il l’est depuis que Prométhée a dérobé le feu du ciel et que, par vengeance, les dieux nous ont imposé la nécessité de l’effort. […] Les grands théologiens, qui ont définitivement modelé le dogme, ces héritiers de la théologie chrétienne et de la métaphysique néoplatonicienne, ont repoussé dans l’ombre les joies sensibles et proposé à leurs fidèles, comme prix suprême de leurs efforts, la vision béatifique. […] On ne se propose rien de moins que de pénétrer le secret de l’inspiration, d’en décomposer les éléments, d’en retrouver les emprunts et, par un effort contraire à celui du créateur, de dissocier tout ce qui est entré dans la fonte de sa création. […] Aucun effort pour éblouir le lecteur : il ne lui fait jamais mal aux yeux. […] Tout l’effort de Voltaire a consisté à en prouver la malfaisance et l’absurdité en le ridiculisant.
La ville tout entière se passionna pour ces recherches ; et un jour que la foule impatiente se pressait devant le Bargello, l’effort des ouvriers fit tout à coup apparaître, dans une ouverture, les traits sévères de Dante. […] Lorsque Dagobert éleva au trône d’Austrasie son fils Sigebert, il lui donna, comme maire du palais, Pépin, qui sut par ses efforts défendre avec succès, contre les Wénèdes, les frontières de l’Austrasie et le Royaume des Francs. […] Elle se lit sans effort. […] Bertrand vous conviera à voir les petits personnages auxquels il a passionnément donné déjà plus de vingt ans d’amour, de patience et d’efforts, il faut que vous fassiez le voyage. […] Et elle est encore plus éclatante, plus variée, et si agréablement simple, que les petits enfants au berceau l’imitent sans effort !
Un jour, la réflexion, — c’est-à-dire les relations toujours plus étroites des idées acquises, leur mêlée, leurs combinaisons et leurs heurts, leur effort vers une systématisation générale où les systèmes déjà formés ne peuvent entrer ensemble, — la réflexion arrive à leur donner l’occasion de se coordonner, d’arriver à l’existence et de combiner les éléments qui échappaient aux premières dominatrices. […] La routine, l’habitude est une imitation de soi-même ; elle n’exige aucun effort, ne suppose aucune modification. […] Ainsi d’une part, l’imitation exigeant un certain effort n’est pas également à la portée de tous ; d’autre part les esprits créateurs eux-mêmes, à l’époque où leur développement est encore incomplet, sont fort enclins à la pratiquer. […] Et je pense que, malgré tous les efforts qu’on a faits pour les distinguer, toute évolution se ramène à un progrès, à un accroissement de systématisation et de finalité. […] Quel que soit l’intérêt d’une lecture, il me faut un effort pour achever une page sans avoir été distrait, et mes distractions sont produites par mes rêveries… Chaque fois que je cherche à fixer mon esprit, je suis excessivement gêné par ces rêveries parasites.
Mais une chose dont vous ne me parlez point et qui est pour moi le mérite incroyable de la pièce, ce qui me fait tomber les bras, me décourage, me dispense d’écrire de ma vie et m’excusera solidement au jugement dernier, c’est le naturel sans aucun apprêt, c’est l’éloquence la plus vigoureuse sans l’ombre d’effort ni de rhétorique. […] Tandis que la fille passait sa vie et épuisait sa santé à seconder les efforts des père et mère pour faire le bien de la maison, elle était ruinée par la débauche, la dissipation et les extravageances des frères ; ils étaient sans mœurs ; ils se faisaient des affaires fâcheuses ; ils s’enrôlèrent ; et c’était toujours aux dépens de la maison qu’ils se tiraient d’affaire. […] J’y dînai hier avec l’homme, comme vous pensez bien, et je fus fou à ravir, et je vous jure sans effort. […] Celui qui lit un ouvrage sans y trouver un terme impropre, un tour de phrase obscur ou inusité, ou l’entend supérieurement, ou ne l’entend point du tout ; supérieurement, puisqu’il peut subitement et sans effort rectifier l’inexactitude de l’expression ; point du tout, puisque, ne sentant point ce défaut, la vue de l’auteur lui échappe. […] Encore si l’on mourait en sortant d’un pareil effort ; mais songez, monsieur, que vous seriez peut-être pendant une vingtaine d’années un sujet de pitié ; et ne vaut-il pas mieux être, pendant le même intervalle de temps, un objet d’admiration ?
L’étroit escalier qui le mène à son cinquième étage exige de lui des efforts tous les jours plus pénibles. […] C’est ainsi qu’il put comprendre sans effort pourquoi le Grammaire-Club venait de se fonder27. […] La même année paraissait la Crise des Alliances, histoire des relations de la France et de l’Angleterre pendant les trois premières années de l’après-guerre, histoire de l’opinion publique dans les deux pays, établie avec un évident effort d’objectivité d’après la documentation de la Société d’Études et d’Informations économiques. […] N’est-elle point aujourd’hui dans la figure de la France, plus surprise encore par la paix qu’elle ne le fut par la guerre, et qui s’abandonna, après un terrible effort, à un délassement assez veule ? […] Drieu la Rochelle faisait là un bel effort pour mettre entre les bras d’un soldat, que le mysticisme européen soulève, l’univers le plus visible et l’invisible.
Mais ce que l’on voyait très bien, c’est qu’aucune de ces critiques, sérieuse ou plaisante, n’atteignait le fond des choses, n’en approchait seulement de loin ; et non moins fiers de l’inutilité des efforts de leurs adversaires que de leurs propres talents, la réputation des Encyclopédistes et la fortune de l’Encyclopédie s’accroissaient, se fortifiaient, et se consolidaient par ces efforts mêmes. […] Rien d’humain n’est éternel, et quelque effort qu’il fasse pour fixer son objet sous l’aspect de l’éternité, tout idéal d’art participe de la caducité de l’espèce. […] La tragédie gréco-romaine ; — et qu’il est étonnant qu’elle n’ait pas tiré quelque profit de cet effort vers la vérité de l’histoire ; — et la fidélité de la couleur locale. — L’Hypermnestre de Lemierre, 1758, et son Idoménée, 1764. — Le Timoléon de La Harpe, 1764. — L’Œdipe chez Admète, de Ducis, 1778. — Le Philoctète de La Harpe, 1783, et son Coriolan, 1784. — Le Méléagre de N. […] Montégut, Souvenirs de Bourgogne], — sa froideur en présence de quelques-unes des grandes scènes qu’il a décrites ou imaginées ; — et on pourrait être tenté de dire que ces critiques se compensent ou s’annulent. — Mais il est plus vrai de dire qu’elles se concilient ; — et que le style de Buffon, parce qu’il est naturellement ample, — et qu’il s’égale sans effort aux plus grands sujets, semble être un peu au-dessous de ce que nous en attendions dans ces sujets ; — ce qui est une raison pour que dans les moindres, — et notamment dans les descriptions, — nous le trouvions trop majestueux ; — et supérieur en quelque sorte à la dignité de son objet. — Il s’anime d’ailleurs quand il le faut ; — et, pour ne rien dire de ses qualités de nombre, d’exactitude et de couleur, — il a plus d’une fois atteint jusqu’au lyrisme [Cf. l’Histoire naturelle de l’homme] ; — et plus d’une fois au ton de l’épopée [Cf. les Époques de la nature].
Si la littérature française se développe, comme on le dit d’ordinaire, dans le rayonnement de la femme, toute l’école réaliste semble faire un effort énorme pour l’en affranchir, suite de l’effort personnel (et plus ou moins réussi) des écrivains réalistes pour s’en affranchir eux-mêmes. […] Elle « avait fait des efforts pour l’aimer et s’était repentie en pleurant d’avoir cédé à un autre ». […] Elle s’était terminée contre tous ses efforts, si bien que, désespérant de Carthage, il avait remis à Giscon le gouvernement des mercenaires. […] Ce qui présente une certaine apparence symétrique, c’est la place de l’une et de l’autre œuvre, l’effort fait par un grand artiste pour donner un tableau profond, impartial et total du coin de pays et de temps où il a mené son existence et connu l’humanité. […] Mais la raison principale de l’insuccès de la Tentation fut sans doute dans tout ce que, malgré l’effort de rajeunissement, le livre gardait de l’époque où il avait été pensé, et de la génération périmée de 1848.
Lysidas dans le salon d’Uranie, sa critique a suivi les progrès de la philosophie moderne, et les derniers combats qu’il a livrés à Molière, en Allemagne, sont de grands et sérieux efforts de dialectique, au prix desquels son escarmouche contre L’École des femmes n’était qu’une parade. […] Elle sent vaguement que les choses les plus disparates, les plus contraires même peuvent être comprises dans le vaste sein de la beauté, comme de la vérité, et c’est pourquoi les contradictions, ce stigmate de l’erreur, un l’importunent pas à l’excès ; on ne la voit point faire effort pour s’en débarrasser à tout prix, comme doit faire toute personne sérieuse, qui a quelque souci de sa propre dignité intellectuelle.
Il n’a pas d’effort à faire pour causer, point de timidité naturelle à contraindre, point de préoccupation habituelle à surmonter. […] C’est une dame en miniature ; elle le sait, elle est toute à son rôle, sans effort ni gêne, à force d’habitude ; l’enseignement unique et perpétuel est celui du maintien ; on peut dire avec vérité qu’en ce siècle la cheville ouvrière de l’éducation est le maître à danser256.
On voulait se reposer de tant d’efforts et de tant d’excès. […] Ils exagèrent leur travail et leur dépense, leurs besoins et leurs efforts.
Plus amante qu’épouse, toujours inquiète sur le sort de celui qui a troublé son cœur et sa destinée, elle vient faire un dernier effort pour le ramener à de meilleurs sentiments et détourner le coup qui le menace. […] Après avoir ainsi traité tous les genres et parlé toutes les langues dans les œuvres diverses, Mozart se résume dans un effort suprême et nous donne, avec la partition de Don Juan, la plus complète expression de son génie.
XXIII Cette transfiguration du jeune artiste français et suisse en peintre, en poète, en philosophe du pinceau italien, ne fut pas soudaine ; le travail fut à la hauteur de l’effort. […] Décidément la nature sincère et grave de l’enfant du Jura se refuse à cet effort impossible.
Bien supérieur à Horace, qui jetait son bouclier pour mieux fuir la mort des héros, et qui se vantait de sa lâcheté pour mieux flatter Auguste, le poète allemand bravait pendant deux mois la mort pour son prince, et ne s’en vantait pas ; il était héros comme il était poète, sans mérite et sans effort. […] Il faut que l’homme entre dans la vie orageuse ; il faut qu’il agisse, combatte, plante, crée, et, par l’adresse, par l’effort, par le hasard et la hardiesse, subjugue la fortune.
… Ce qui m’a surtout charmé dans ce prodigieux ouvrage, c’est que l’Arioste, toujours au-dessus de sa matière, la traite en badinant ; il dit les choses les plus sublimes sans effort, et il les conclut souvent par un trait de plaisanterie, qui n’est ni déplacé ni recherché. […] Ses efforts furent vains, ses pensées perdues : la princesse rejeta avec dédain ses déclarations.
Sa maigreur, sa pâleur, ses évanouissements fréquents, l’insomnie, la voix brisée par l’effort pour répondre à l’avidité et aux applaudissements de la foule, son exténuation précoce, qui, pour une gloire du barreau et des lettres trop tôt cueillie, menaçait une vie avide d’une plus haute et plus longue gloire, peut-être aussi les conseils que lui donnèrent ses amis d’échapper à l’attention de Sylla, qu’une si puissante renommée pouvait offusquer dans un jeune favori du peuple, et que Cicéron avait légèrement blessé en défendant un de ses proscrits que personne n’avait osé défendre ; toutes ces causes, et plus encore la passion d’étudier la Grèce en Grèce même, décidèrent Cicéron à quitter Rome et le barreau, et à visiter Athènes. […] Et cependant rien ne peut lasser ta volonté, décourager tes efforts.
« À ces mots, le divin Ulysse, en se dégageant des branches, brise de l’effort de sa main dans l’épais taillis un rameau feuillu pour en voiler autour de ses reins sa nudité. […] À sa colère les montagnes tremblent dans leurs fondements, et ne peuvent soutenir son effort puissant.
Je trouvais bien quelquefois que cette belle langue italienne où le si suona était bien rude et bien martelée, que cela ne ressemblait guère ni à la délicieuse et claire harmonie du Tasse, ni à l’amoureuse et rieuse mélodie de l’Arioste, ni à l’énergie nationale, sensée et abondante de Machiavel ; que cet effort continu de l’écrivain, en tendant l’esprit du lecteur, lui donnait plus de peine que de plaisir ; que les banalités rhétoriciennes, quand on les pressait bien dans la main, ne laissaient que des cailloux mal polis dans l’esprit ; que Dieu avait fait de la facilité la vraie grâce de l’élocution, et que tout ce qui était difficile n’était pas réellement beau. […] Même chose arriva à une tragédie de Roméo et Juliette, que je développai pourtant tout entière, mais avec effort et non sans me reprendre.
Que d’efforts dont lui seul a conscience, et que rien ne divulgue au dehors, pour le ramener au bien ! […] La loi morale, que les cœurs ignorants ou faibles se représentent sous des couleurs si sévères, afin de la mieux éluder, n’interdit à l’homme ni la richesse, fruit ordinaire et mérité de son labeur, ni le plaisir, besoin de sa nature, ni le bonheur, tendance spontanée et constante de tous ses efforts.
XIII Il conçut dans son grenier une tragédie de Cromwell ; mais il n’était pas né poète, le vers l’embarrassait : il succomba sous l’effort. […] « Mais quels efforts pour arriver là !
C’est un de ces sophismes immortels comme la médiocrité qui s’en autorise pour se dérober aux grands efforts, comme l’art mercenaire qui cherche le succès d’argent. […] Dans d’agréables remarques sur ses Étourdis, Andrieux, longtemps après la mort de son ami, racontant qu’il avait dû à Collin un de ses vers les plus applaudis : « Je m’arrête, dit-il, pour ne pas mouiller de mes pleurs les pages où je parle du plus gai de mes ouvrages65. » La gaieté vraie, celle qui n’a besoin, pour assaisonnement, du chagrin de personne, la bonne humeur de deux jeunes poètes à qui les jolis vers arrivent sans effort, tel est le caractère et presque toute l’invention de la première pièce née de cette amitié, les Étourdis d’Andrieux.
Qu’est-ce que la religion, sinon un sublime effort de la nature humaine pour lutter contre sa corruption originelle ? […] Ses efforts pour prouver l’incompréhensible sentent l’école plutôt que l’angoisse du génie, et tout son discours reste au-dessous du sujet.
Les poètes, sans parler de leurs efforts rarement heureux pour reproduire par l’harmonie imitative les voix de la nature, se sont livrés à des recherches de sonorité ou d’euphonie qui les ont menés fort loin. […] On pourrait cependant signaler chez les Parnassiens un effort vers les formes impassibles et pures, une versification rigide, un style ayant parfois le poli et le froid du marbre.
J’admettrais tout d’abord volontiers qu’une certaine souplesse dans la langue, une complète absence de tout effort visible, est peut-être due à une plus parfaite maîtrise chez l’auteur ; cela n’aurait rien que de naturel. […] « L’homme qui a pénétré le secret du monde, d’après Schopenhauer, connaît tout, embrasse l’essence de tout, trouve l’humanité en proie à un effort vain, à un combat intérieur et à une souffrance ; il voit partout où il regarde l’homme souffrant et aussi l’animalité.
Plus nous allons, moins nous pouvons jouer par politesse la fatigante comédie du monde, que tous jouent si naturellement et sans aucun effort. […] Un parfait honnête homme, mais avec toutes les illusions de l’honnête homme, et absolument garé des leçons sceptiques du jeu de la vie, et croyant presque les lois d’une Salente bonnes pour la France, et ne guérissant pas de cette crédulité ingénue par quatre années de législature… C’était un ancien capitaine d’artillerie, un peu sourd, brusquement cordial, appelant tout le monde mon camarade, puis encore un homme de la campagne, doué de tout le bon que la nature donne aux bons êtres, incapable de vouloir du mal à ses ennemis, et qui portait cette bonté ainsi que son courage, sans effort, presque sans mérite, comme faisant partie de son tempérament.
Savez-vous si la tristesse anémique de ce siècle-ci ne vient pas de l’excès de son action, de son prodigieux effort, de son travail furieux, de ses forces cérébrales tendues à se rompre, — de la débauche de sa production et de sa pensée dans tous les ordres ? […] Il gravit encore avec un effort infini le grand escalier, au milieu duquel, s’arrêtant las, il nous charge de parcourir les étages supérieurs, et de les lui raconter.
Pour tous, les parents, avec moins d’efforts, confiants que Dieu les soutient. […] Mais, si l’on examine quels sont, des immortels, ceux dont le nom s’attache à un effort personnel, à un progrès de pensée et de forme, à une marche intransigeante et raisonnée au Mieux : que de suppressions encore il faudrait !
Qu’ils disent si je n’ai pas plutôt fait mes efforts loyaux pour détourner le roi Charles-Albert de son agression, où je pressentais sa perte ? […] C’était le soir ; je tremble encore en y pensant des efforts d’énergie qu’il me fallait faire pour triompher de ma timidité.
La fin de la dédicace est employée à montrer la France aussi florissante par les arts de la paix que s’il n’y avait point de guerre, les bâtiments et les Louvres qui s’élèvent, l’émulation dans les lettres, et l’Académie française qui en est l’interprète, prenant note de tant de beaux titres pour les transmettre aux siècles à venir : Et je m’estimerais heureux si je pouvais joindre mes travaux à tant de beaux ouvrages qu’elle prépare pour votre gloire, et vous témoigner par quelque effort comme je suis, de Votre Éminence, le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur, Du Mézeray.
En général, les hommes gagnent à cette reproduction par le trait, tandis qu’avec les femmes il faut quelque effort d’imagination pour y ressaisir leur délicatesse et leur fleur de beauté.
Il n’y aurait, au reste, rien que de très simple et de très naturel à cela : Massillon jeune, beau, doué de sensibilité et de tendresse, ayant du Racine en lui par le génie et par le cœur, put avoir en ces vives années quelques égarements, quelques chutes ou rechutes, s’en repentir aussitôt, et c’est à ces premiers orages peut-être et à son effort pour en triompher qu’il faut attribuer sa retraite à l’abbaye pénitente de Sept-Fons.
Devant ces jeunes débauchés en qui fermentait déjà l’esprit du xviiie siècle, il pose en principe que « la source de toute incrédulité est le dérèglement du cœur » ; que « le grand effort du dérèglement est de conduire au désir de l’incrédulité » ; que c’est l’intérêt qu’ont les passions à ne point arriver à un avenir où la lumière et la condamnation les attendent, qui incline et oblige les esprits à ne pas y croire.
Fénelon croit sans effort à tout ce qu’il y a de spirituel en nous ; sa piété a des ailes.
Il ne fallait pas un grand effort pour revenir du scepticisme de l’Essai à la certitude du Génie du christianisme.
On conçoit d’ailleurs ces dissidences naturelles et cette sorte d’antipathie instinctive entre une école scientifique tout analytique et précise, et une autre qui ne se refusait ni l’éclat ni les couleurs ; mais d’Alembert se laissait emporter à ses préventions personnelles lorsqu’il disait à propos des systèmes de Bailly et de Buffon qu’il associait dans sa pensée : « Supplément de génie que toutes ces pauvretés ; vains et ridicules efforts de quelques charlatans qui, ne pouvant ajouter à la masse des connaissances une seule idée lumineuse et vraie, croient l’enrichir de leurs idées creuses… » Dans la familiarité de la correspondance et lorsqu’il n’est point retenu par le public, d’Alembert s’abandonne souvent ainsi à des injustices presque injurieuses, dites d’un style assez commun.
Il y a longtemps que si les hommes écrivaient aussi bien qu’ils parlent, ou que si l’on écrivait pour eux ce qu’ils disent dans les circonstances décisives où ils se trouvent, il y aurait quantité d’écrivains qui n’en seraient que plus mémorables pour ne pas être du métier : mais, parmi ceux qui ont songé à écrire ou à dicter après coup ce qu’ils avaient dit ou ce qu’ils avaient fait, la plupart ont perdu, en se mettant dans cette position et comme dans cette attitude nouvelle, une partie de leurs facultés, de leurs ressources ; s’imaginant que c’était une grande affaire qu’ils entreprenaient, et préoccupés de leur effort, ils ont laissé fuir mille détails qui animent et qui donnent du charme ; ils se sont ressouvenus froidement, ou du moins incomplètement ; on n’a eu que l’ombre de leur action ou de leur verve première.
Jung sur Henri IV un effort à être juste, comme de quelqu’un qui n’est pas tout à fait de la lignée ni de la morale française, et qui paraît plus puritain que généralement nous ne le sommes71.
Les premières lettres de Frédéric à son frère Henri, et qui se rapportent à l’extrême jeunesse de celui-ci, nous le montrent assez dissipé, rappelé à l’ordre par le jeune roi, et tiède dès lors et très froid à son égard : Le peu d’amitié que vous me témoignez dans toutes les occasions, lui écrivait Frédéric (1746), ne m’excite pas à faire de nouveaux efforts de tendresse en faveur d’un frère qui a si peu de retour pour moi… Il faut, si vous m’aimez, que votre amitié soit métaphysique, car je n’ai jamais vu aimer les gens de la sorte, sans les regarder, sans leur parler, sans leur donner le moindre signe d’affection.
Elle cherche des auxiliaires à son effort de sagesse ; elle en cherche et en soi et auprès de soi.
La bévue se reconnut à la frontière ; on voulut absolument y voir une pasquinade philosophique, et tous mes efforts pour justifier de mes distractions incurables n’ont pu jusqu’à cette heure rétablir ma réputation auprès des couvents savoyards. » — On voit que si Bonstetten avait des distractions et des absences, il avait beaucoup de présence d’esprit pour les raconter et s’en ressouvenir.
Ceux même qui, tout en lui accordant beaucoup, mesuraient leur suffrage, ne furent pas des derniers à sentir quelle perte c’était pour la littérature que celle de ce talent jeune, déjà maître en bien des parties, et qui, sur le reste, était en travail, en effort constant et en progrès.
Depuis lors, j’en ai reçu d’autres, mais au sujet desquelles je n’ai pas cru utile d’importuner Votre Seigneurie, parce qu’à peu de chose près, elles disaient ce que contenaient les précédentes, parlant de la crainte qu’inspirent les Jacobins, leur nombre et leur influence ; du danger, s’ils l’emportent, de voir se renouveler les scènes révolutionnaires à l’intérieur, et leurs efforts employés à exciter des commotions au dehors.
L’article lu, je me disais : C’est égal, après tous les grands efforts et tous les grands systèmes en France, il n’est, pour voir clair et juste et remettre tout à sa place, que de se dérider et de se déroidir un peu ; donnez-moi de temps en temps des gens qui sachent rire à propos et égayer le bon sens.
J’y arrivai le premier par un accident : je montais un cheval d’Espagne fort vigoureux et qui souffrait impatiemment la neige qu’il avait jusques au ventre, et je craignais, par les efforts qu’il faisait pour en sortir, qu’il ne se jetât dans le précipice qui était sur notre droite, car nous étions fort serrés par la montagne sur la gauche, le chemin n’ayant pas plus de quatre pieds de large.
Je ne sais si je fais injure à mes semblables, mais il me semble que les premiers progrès des hommes en société se sont opérés et accomplis de la sorte : je me figure des peuplades, des réunions d’hommes arrêtés à un degré de civilisation dont ils s’accommodaient par paresse, par ignorance, et dont ils ne voulaient pas sortir, et il fallait que l’esprit supérieur et clairvoyant, le civilisateur, les secouât, les tirât à lui, les élevât d’un degré malgré eux, absolument comme dans le Déluge de Poussin, celui qui est sur une terrasse supérieure tire à lui le submergé de la terrasse inférieure : seulement dans le tableau de Poussin, le submergé se prête à être sauvé et tend la main, et, souvent, au contraire, il a fallu, en ces âges d’origine et d’enfance, que le génie, le grand homme, le héros élevât les autres d’un degré de société malgré eux et à leur corps défendant, en les tirant presque par les cheveux : tel et non pas moindre je me figure qu’a dû être son effort.
Plus tard, la place est occupée ; les affaires, les soucis, les soins de chaque jour la remplissent, et il n’y a plus guère moyen qu’avec un trop grand effort de repousser la vie présente qui nous envahit de tous côtés et qui nous déborde, pour aller se reporter en idée à trois mille ans en arrière19.
Nous tous, partisans de la méthode naturelle en littérature et qui l’appliquons chacun selon notre mesure à des degrés différents18, nous tous, artisans et serviteurs d’une même science que nous cherchons à rendre aussi exacte que possible, sans nous payer de notions vagues et de vains mots, continuons donc d’observer sans relâche, d’étudier et de pénétrer les conditions des œuvres diversement remarquables et l’infinie variété des formes de talent ; forçons-les de nous rendre raison et de nous dire comment et pourquoi elles sont de telle ou telle façon et qualité plutôt que d’une autre, dussions-nous ne jamais tout expliquer et dût-il rester, après tout notre effort, un dernier point et comme une dernière citadelle irréductible.
Renan a écrit à cette occasion deux beaux articles58, qui ne font que présager ce qu’il payera d’hommages sentis au meilleur des princes, dans la suite de l’ouvrage où il doit montrer les progrès du Christianisme en présence du dernier effort et de l’épanouissement suprême de l’ancienne philosophie.
« … Il serait bien malheureux que le repos de l’Europe dépendît de deux puissances si connues dans leurs maximes et principes, même en gouvernant leurs propres sujets ; et notre sainte religion recevrait le dernier coup, et les mœurs et la bonne foi devraient alors se chercher chez les barbares. » Elle fait un léger mea culpa sur l’affaire de la Pologne, sur ce partage où l’Autriche s’est laissé induire (le mot est d’elle), en se liant avec ces deux mêmes puissances qu’elle qualifie si durement ; elle a l’air d’en avoir du regret ; et l’on entrevoit pourtant, par quelques-unes de ses paroles, que si pareille chose était à recommencer, et si l’Autriche, abandonnée d’ailleurs, n’avait point d’autre ressource qu’une telle alliance, elle pourrait encore la renouer sans trop d’effort et jouer le même jeu, en se remettant à hurler avec les loups : « Car je dois avouer qu’à la longue nous devrions, pour notre propre sûreté ou pour avoir aussi une part au gâteau, nous mettre de la partie. » La femme ambitieuse laisse ici passer le bout de l’oreille.
On peut trouver, d’ailleurs, en ce qui est de l’explication individuelle et de la psychologie du héros, que l’historien lui-même a hésité, a varié en plus d’un endroit ; il a introduit des divisions plus commodes sans doute que réelles dans l’analyse du génie et du caractère : il semble tout accorder d’abord au Consul, même à l’Empereur, et ensuite, dans quelques-uns des avant-derniers volumes, il paraît vouloir revenir sur ses premiers jugements ; il lui retire beaucoup, pour tout lui rendre encore une fois au dernier moment, aux heures du suprême effort et de l’adversité.
Marie ; une opposition ou résistance soi-disant traditionnelle, témoin Nodier et son école ; un éclectisme progressif, éclairé et assez large, témoin le dictionnaire de l’Académie de 1835 ; mais, depuis lors, il faut le dire, le siècle ne paraît point s’être enhardi : il y aura de l’effort à faire pour introduire dans l’édition qui se prépare toutes les modifications réclamées par la raison, et qui fassent de cette publication nouvelle une date et une étape de la langue.
Cette identité place entre les hommes de ces deux pays un caractère commun qui les fera toujours se prendre l’un à l’autre et se reconnaître ; ils se croiront mutuellement chez eux quand ils voyageront l’un chez l’autre ; ils échangeront avec un plaisir réciproque la plénitude de leurs pensées et toute la discussion de leurs intérêts, tandis qu’une barrière insurmontable est élevée entre les peuples de différent langage qui ne peuvent prononcer un mot sans s’avertir qu’ils n’appartiennent pas à la même patrie ; entre qui toute transmission de pensée est un travail pénible, et non une jouissance ; qui ne parviennent jamais à s’entendre parfaitement, et pour qui le résultat de la conversation, après s’être fatigués de leurs efforts impuissants, est de se trouver mutuellement ridicules.
En d’autres termes, il suffit de ressemblances fort légères entre divers objets pour susciter en nous un nom ou désignation particulière ; un enfant y réussit sans effort, et le génie des races bien douées, comme celui des grands esprits et notamment des inventeurs, consiste à remarquer des ressemblances plus délicates ou nouvelles, c’est-à-dire à sentir s’éveiller en eux, à l’aspect des choses, de petites tendances fines et, par suite, des noms distincts qui correspondent à des nuances imperceptibles pour les esprits vulgaires, à des caractères très menus enfouis sous l’amas des grosses circonstances frappantes, les seules qui soient capables, quand l’esprit est vulgaire, de laisser en lui leur empreinte et d’avoir en lui leur contrecoup. — Cette aptitude uns fois posée, le reste suit.
Nous ferions bon marché peut-être de l’art, du caractère esthétique, mais non pas de la rhétorique, au bon sens du mot, des qualités de composition et de style qui diminuent l’effort et accroissent le plaisir du lecteur.
Ce que le moraliste ou le prédicateur a voilé par des scrupules d’art ou par respect pour la chaire, Buffon le montre dans sa nudité, et l’effet que ceux-ci veulent produire par la violence de leur dégoût, il le produit sans effort par la fidélité de son pinceau.
Mais la vie individuelle peut en général se poursuivre assez heureusement sans intervention bien nette de l’effort volontaire et de l’intention morale, à moins qu’elle ne soit viciée par l’influence de la vie en société.
Celui-ci, d’un air doux et sans effort, répond oui à tout, et fait si bien qu’en un instant son brusque adversaire passe du courroux à la joie, presque à la tendresse.
Pariset nous montre Pinel qui, en professant, « disposait malaisément de ses idées, qui les détachait péniblement et par efforts saccadés, comme pour en vaincre la cohérence et les déprendre l’une de l’autre ».
Nous sommes déjà si loin de ces temps, que, pour bien juger d’un homme, d’un auteur qui y a vécu, il ne suffit pas toujours de lire ses productions, il faut encore les revoir en place, recomposer l’ensemble de l’époque et l’existence entière du personnage ; en un mot, il faut déjà faire un peu de cette étude et de cet effort qu’on fait pour les anciens.
Pour y rendre attentifs les hommes de notre temps, si occupés à bon droit de leurs affaires, de leurs craintes, et qui, dans leurs courtes distractions, ne veulent pas du moins d’effort, je ne sais si tout l’art même suffirait.
Sous la Fronde, Patru, qui appartenait à cette libre race de bourgeoisie naturellement railleuse et plus gaie que prévoyante, n’eut pas grand effort à faire pour se ranger de ce côté-ci des Barricades, je veux dire du côté du cardinal de Retz et du Parlement.
Vous pouvez juger qu’à l’âge où j’étais, il fallait que ma raison fît beaucoup d’effort sur mes ressentiments, pour agir avec tant de retenue.
Villemain, nous le savons, a été touché, et il a dû l’être, de ces efforts si honorables et si sincères tentés pour le conserver : il a lu à plusieurs personnes la lettre qui lui a été adressée par le ministre, et nous croyons ne pas nous compromettre en disant qu’au milieu des expressions personnelles de souvenir et de reconnaissance, elle contient à peu près ces termes : J’ai cédé à votre demande, en proposant au Prince de vous admettre à la retraite.
Le courage de se rompre ainsi, m’a toujours paru un des plus nobles efforts dont un homme de sens pût se glorifier à ses yeux. » Un fait singulier et des plus minces fut l’ouverture qu’il saisit pour rentrer dans ses avantages et reconquérir, à force d’adresse et de talent, tout ce qu’il avait perdu.
Gaugiran-Nanteuil, on distinguait une intention morale, un effort vers un genre plus vrai, vers la peinture de mœurs réelles ; il y a dans plus d’une scène comme un premier tracé de bonne comédie.
Cette Lisette, ce Crispin, nous enlèvent par leur feu roulant d’esprit sans effort ; ils ont coup sur coup des poussées de veine.
Nisard et les efforts qu’il fait pour nous donner une image idéale et fidèle de l’esprit français ; mais, malgré tout, la vérité est la vérité.
Il est incontestable que toutes les grandes époques sont animées d’un certain esprit, dirigées par un certain principe (différent selon les époques), qui pénètre la masse entière et qui oriente les efforts de tous vers un même but ; pour ne citer qu’un seul grand exemple : Louis XIV disant « l’État, c’est moi » ne fait que résumer l’esprit de son époque, et, dans la littérature, Malherbe, Chapelain, Balzac et Corneille l’ont préparé, aussi bien que Descartes dans la philosophie et Richelieu dans la politique.
Quelque effort que fasse un homme, il ne peut parcourir qu’un certain espace ; si les circonstances l’ont déposé à l’entrée de la carrière, il n’atteint que la première borne ; pour qu’il touche le terme, il faut que d’elles-mêmes elles l’aient porté jusqu’au milieu.
Ils sont le produit ou de l’imagination des visiteurs venus de France ou de l’effort fait par les gens de Roncevaux pour répondre aux questions de ces visiteurs et satisfaire leur pieuse curiosité. […] Mais dans ce « paradis », dans cette « terre de la joie », dans ce « pays de l’éternelle jeunesse », il éprouve au bout de quelque temps la satiété de voluptés sans lutte, d’une vie sans activité et sans travail ; il ressent l’impérieuse nostalgie de la vraie vie humaine avec ses désirs rarement satisfaits, avec ses peines qui assaisonnent les joies, avec ses efforts qui donnent du prix aux résultats atteints… Ainsi ce bonheur parfait que l’âme humaine rêve toujours, elle a beau le construire librement d’après son rêve, dès qu’elle essaie de le réaliser, elle sent qu’elle ne saurait en jouir. […] Mais bientôt la mélancolie se glisse dans l’âme de Faustus : il ne peut se contenter de jouir sans mériter, sans valoir ; il pense aux hommes, ses frères, qui gémissent encore sous le poids de l’ignorance, de la misère, de la douleur et du vice, et, d’accord avec sa chère Stella, il demande à retourner sur la terre, à reprendre la seule vie qui convienne à l’homme, celle où il y a de la lutte, de l’effort et du mérite. […] Elle nous fait accepter les fatigues, les incertitudes, les souffrances, la vieillesse, la mort, comme les données mêmes de notre condition ; elle nous rend plus précieuses les joies que nous arrachons à tant de menaces ; elle rehausse, enfin, en nous le sentiment de notre dignité méritant sans cesse par l’effort les biens que nous pouvons atteindre, nous nous sentons supérieurs à ce que seraient des bienheureux auxquels la félicité tomberait du ciel toute prête et toujours renouvelée, sans qu’ils fissent rien pour la conquérir par eux-mêmes. […] Mais l’année suivante Giovanni vint en effet au Mugello, dont Morelli était devenu vicario, et il déjoua tous les efforts que celui-ci fit pour le forcer à venir le trouver.
Mais il y a quelque chose d’absurde et de ridicule dans les efforts de ceux qui travaillent à ternir entièrement la gloire de Voltaire. […] L’homme dont la vie marche d’accord avec ses sentiments les exprime simplement et sans efforts ; il y a dans ses paroles, tant élevées qu’elles puissent être, quelque chose d’assuré et de positif qui pénètre et qui entraîne. […] Mais tous ces efforts étaient inutiles. […] De vertueux efforts furent tentés parmi l’assemblée elle-même. […] Quand fut prononcée la funeste sentence, les défenseurs redoublèrent leurs efforts ; chacun d’eux, plus par affection que par espérance, essaya de fléchir le tribunal d’iniquité.
Les singularités sociales de Daunou, en cette phase du Directoire, sont célèbres : son costume, bien moins réglé que nous ne l’avons vu, trahissait, même aux fêtes de Barras, le savant, le solitaire en grand effort d’étiquette. […] Daunou vit dépérir de jour en jour cet ami précieux, le visita jusqu’à l’instant fatal, recueillit ses manuscrits, publia ses œuvres, lui rendit enfin tous les suprêmes devoirs ; il n’en parlait jamais que comme d’un homme dont le talent, dans ses derniers efforts, s’acheminait au génie. […] Bonaparte, après plusieurs refus de Daunou, voulut tenter un dernier effort ; il s’agissait de le décider à être ou directeur de l’instruction publique, ou conseiller d’État, ou les deux choses à la fois.
Cela pourtant va un peu loin ; Washington le sent, et, à propos de ses louables efforts pour la réhabilitation civile des Protestants, il lui écrit, dès 1785, ces paroles d’une intention plus générale : « Mes vœux les plus ardents accompagneront toujours vos entreprises ; mais souvenez-vous, mon cher ami, que c’est une partie de l’art militaire que de reconnaître le terrain avant de s’y engager trop avant. […] Ainsi, avant le 10 août, avant la proscription et le massacre de ses amis, et même après que Foulon eut été déchiré devant ses yeux et malgré ses efforts, avec les circonstances qu’on peut lire dans les Mémoires de Ferrières, le charme subsistait encore pour La Fayette ; il fallait que La Rochefoucauld fût massacré à Gisors pour que l’attrait de la multitude s’évanouît, et pour qu’elle cessât (au moins dans un temps) de lui sourire. […] Le temps des parallèles en règle est passé ; mais, sans y faire effort, combien de Sieyès à La Fayette le contraste saute aux yeux frappant !
Il faut d’abord que nous sachions si nous sommes amenés ici, vous par une curiosité vaine, moi par une simple habitude, ou si nous mettons nos efforts en commun, non pour tourmenter plus ou moins ingénieusement des chimères, mais pour satisfaire un besoin plus élevé, mais aussi réel que tous les autres, un besoin inhérent à la constitution même de l’humanité. […] Je vous demande si vous placerez cette époque dans un vaste continent, enceint d’un Océan immense qui, au lieu d’attirer l’homme, le décourage parce que derrière ces abîmes il n’aperçoit rien, n’espère rien, et que nul vestige d’homme ne se montre : placerez-vous cette époque sur un sol très compacte, formant une masse ou il y aura peu de fleuves, peu de lacs, aucune mer intérieure, ou seront de vastes déserts, des chaînes de hautes montagnes qui sépareront les populations, et exigeront de es deº longues années et de grands efforts avant qu’elles puissent se donner la main ? […] Mais en attendant que les efforts accumulés de l’Europe savante produisent un pareil ouvrage, après celui de Herder on a fait la seule chose qu’il y eût à faire : on l’a décomposé pour le mieux recomposer un jour. […] Jugez en effet tout ce qu’il faut de savoir, de courage et de patience pour s’enfoncer dans l’étude d’ouvrages écrits dans des langues savantes, souvent à moitié dégradés par le temps et si difficiles à comprendre qu’aujourd’hui même, après un siècle entier d’efforts habilement dirigés, il est plus d’un monument important qu’on n’a pu encore bien déchiffrer et interpréter. […] Notre philosophie n’est point une philosophie mélancolique et fanatique, qui, préoccupée de quelques idées exclusives, entreprend de tout réformer sur elles : non, c’est une philosophie essentiellement optimiste, dont l’effort est de tout comprendre ; son unité n’est pas une unité systématique et artificielle, c’est une harmonie, l’harmonie vivante de toutes les vérités, même lorsqu’elles paraissent opposées.
De là un style composé de bizarreries, des images téméraires rompues à l’instant par des images plus téméraires encore, des idées à peine indiquées achevées par d’autres qui en sont éloignées de cent lieues, nulle suite visible, un air d’incohérence ; à chaque pas on s’arrête, le chemin manque ; on aperçoit là-haut, bien loin de soi, le poëte, et l’on découvre qu’on s’est engagé sur ses traces dans une contrée escarpée, pleine de précipices, qu’il parcourt comme une promenade unie, et où nos plus grands efforts peuvent à peine nous traîner. Que sera-ce donc si maintenant l’on remarque que ces expressions si violentes et si peu préparées, au lieu de se suivre une à une, lentement et avec effort, se précipitent par multitudes avec une facilité et une abondance entraînantes, comme des flots qui sortent en bouillonnant d’une source trop pleine, qui s’accumulent, montent les uns sur les autres, et ne trouvent nulle part assez de place pour s’étaler et s’épuiser ? […] Du vieux roi Lear, violent et faible, dont la raison demi-dérangée se renverse peu à peu sous le choc de trahisons inouïes, qui offre l’affreux spectacle de la folie croissante, puis complète, des imprécations, des hurlements, des douleurs surhumaines, où l’exaltation des premiers accès emporte le malade, puis de l’incohérence paisible, de l’imbécillité bavarde où il se rassoit brisé : création étonnante, suprême effort de l’imagination pure, maladie de la raison que la raison n’eût jamais pu figurer ! […] Il obéit par un respect involontaire, comme un soldat devant son général ; mais par quels efforts !
Sens-tu l’effort de sa beauté. […] Mais, hélas, mon devoir aux deux partis m’attache, Nul espoir d’aucun d’eux, nul effort ne m’arrache Et je trouve toujours dans mon esprit confus, Et tout ce que je suis et tout ce que je fus. […] Pour me faire sans cesse adorer cette belle Il n’était pas besoin des efforts de ton art ; Mon cœur, sans ce portrait, se souvient assez d’elle. […] Plein des fureurs du Dithyrambe, il rappelle ce poète ancien, qui dans tous ses efforts, était constamment ramené vers le ton phrygien, le plus violent et le plus capable d’exciter les passions. […] Au grand Corneille il a fait avanie ; Mais, à vrai dire, on riait aux éclats, De voir ce nain mesurer un Atlas, Et, redoublant ses efforts de Pygmée, Burlesquement raidir ses petits bras, Pour étouffer si haute Renommée !
Rien ne prédispose plus à la rêverie que ce mal juvénile de l’isolement, et il est naturel que cet état, à la fois ardent et douloureux, aboutisse à la poésie dans l’effort qu’il tente pour s’exprimer et se formuler. […] Scrupuleux, méticuleux, très strict en matière d’argent et ayant besoin pour produire d’une tranquillité d’esprit propice, Baudelaire souffrit cruellement de sa pénurie et des efforts nécessaires pour s’en affranchir. […] C’est un curieux spectacle que l’incroyable effort qu’on fait à ne pas mourir en des circonstances où il serait assurément plus commode et plus avantageux d’être mort. […] Il est vrai que tout semble être conjuré pour les détruire, et je crains bien que les efforts faits pour les préserver ne soient vains, tant il semble que le jardin n’ait plus sa place dans notre ville moderne ! […] Cette réponse ne signifie rien et ne me donnerait aucun espoir si je ne devais pas le voir à son retour ; mais dès que je le saurai arrivé à Paris, j’irai le voir et je ferai tous mes efforts pour avoir une réponse satisfaisante.
En abordant dans cet esprit l’œuvre originale que nous tirons de l’ombre pour eux, les lecteurs n’auront, nous l’espérons, nul effort à faire pour se laisser contredire, instruire, divertir, par les enseignements les plus personnels, et même les plus risqués en apparence, du conférencier. […] Prenez L’École des maris : le stratagème par lequel l’œuvre se dénoue est des plus naïfs ; il ne faut pas plus d’efforts pour le percer à jour que pour l’inventer. […] Il y a une bonté naturelle qu’il faut recevoir du ciel en naissant, comme un don de la grâce divine, ou de la première éducation, comme un précieux héritage de famille, parce que tous les efforts les plus vifs et les plus soutenus ne sauraient ensuite nous y porter. […] Je ne veux pas prononcer entre les parties ; je ne veux pas pousser plus loin le détail de cette guerre éternelle ; mais si par un miracle la sottise s’amende, si elle fait sur elle-même l’effort le plus prodigieux que l’on puisse attendre d’elle, si elle se résigne jamais à n’être que sotte, ah ! […] Ils nous offriront à la lecture une autre espèce d’intérêt qui nous échapperait au théâtre où nous songeons trop à chercher un divertissement, pour faire l’effort de nous instruire.
La réalité se joue de nos efforts pour enfermer dans nos formules, et pour borner en quelque sorte la fécondité de ses combinaisons. […] Le grand défaut du style de Buffon, il semble que ce soit le manque d’aisance et de liberté, je ne sais quelle tension ou quel effort, constant et visible, vers la noblesse et vers la majesté. […] Mais une seconde raison, c’est qu’aussitôt qu’on les ouvre, on est émerveillé de voir combien la vie, dans sa complexité, plus intéressante que nous-mêmes, est plus digne que nous de notre attention et de l’effort de notre art. […] La représentation de la vie, telle qu’elle se poursuit et comporte ; non pas seulement telle que nous la voyons, mais telle encore qu’il faut faire effort pour la voir autrement, si nous la voyons mal ; telle enfin que ce n’est pas trop d’une existence tout entière pour apprendre à la voir, Madame Bovary vint en faire l’objet propre et particulier du roman et de l’art. […] Et, malgré tous ses efforts, il ne se résigne pas à la sottise, à la routine, aux bassesses de la vie courante. » Faisons attention seulement à ce que l’on appelle ici des noms de « bassesse », de « routine », ou de « sottise » ; et que peut-être elles ne consistent qu’à ne s’occuper point d’écrire et qu’en ce cas ce sont de bien gros mots.
Amiens a été surpris par les Espagnols (1597) ; il faut un siège en règle et de grands efforts pour les en chasser.
Il faut, pour s’en emparer, déloger quelques-uns de ses devanciers, ce qui ne se fait pas en un jour ni sans quelque effort.
Aux approches de sa seizième année, la nature fit un effort en sa faveur et déploya ses forces secrètes ; ses crises nerveuses disparurent, et il acquit une santé suffisante, de laquelle il n’abusa jamais.
Aujourd’hui, le genre de talent de Bourdaloue nous semble bien loin de prêter à de telles vivacités de couleurs, et, pour mieux essayer d’y pénétrer, je dirai d’abord l’effet assez général que cette éloquence produit à la lecture, et par quel effort, par quelle application du cœur et de l’esprit il est besoin de passer pour revenir et s’élever à la juste idée qu’il convient d’avoir de sa grandeur, de sa sobre beauté et de sa moralité profonde.
Il sent bien que ce qui a porté l’autorité royale au point où il la voit élevée, ça été précisément l’abaissement qu’elle avait souffert au siècle précédent et le souvenir laissé par les guerres civiles : et s’il y a eu sous Louis XIV cette recrudescence d’effort et de zèle monarchique, ça été au ressentiment récent de la Fronde qu’on le doit.
Ajoutons vite (car ceci n’est point une biographie que nous prétendons esquisser, et nous ne voulons que faire connaître l’homme et le poète par ses traits principaux) que dès que Cowper s’aperçut que la présence de lady Austen pouvait à la longue chagriner Mme Unwin, et que l’aimable fée apportait dans le commerce habituel un principe trop vif de sensibilité ou de susceptibilité, propre à troubler leurs âmes unies, il n’hésita point une minute ; et sans effort solennel, sans coquetterie, par une simple lettre irrévocable, il sacrifia l’agréable et le charmant au nécessaire, et l’imagination tendre à l’immuable amitié.
C’est à vous, Monsieur, à joindre vos efforts aux nôtres pour lui témoigner notre profonde reconnaissance.
Mariée par une boutade de son père au prince héréditaire de Bareith, qu’elle ne connaissait pas auparavant, elle en parle toujours avec estime et affection ; elle l’aima, s’attacha tendrement à lui, et n’eut pas d’effort à faire pour mettre son âme en accord avec ses devoirs.
Avec le Régent, on entra, en effet, dans le régime de la plaisanterie et de l’esprit qui ne respectait rien ; les premiers en dignité se moquaient d’eux-mêmes et des grâces qu’ils dispensaient et des efforts qu’on faisait pour les mériter, de ce qu’il y avait de plus sérieux dans le métier de politique, des choses de la religion et de celles de l’État : comment l’irrévérence n’eût-elle point gagné à l’entour ?
Ce chaos de lignes violemment brisées annonce l’effort de puissances dont nous n’avons plus l’idée.
Mais, quoique je ne sois point heureux, j’aime mes inclinations, et je n’y saurais renoncer ; je me fais un point d’honneur de protéger leur faiblesse ; je ne consulte que mon cœur ; je ne veux point qu’il soit esclave des maximes des philosophes, ni de ma situation ; je ne fais pas d’inutiles efforts pour le régler sur ma fortune, je veux former ma fortune sur lui.
C’était mon vœu le plus ardent, et j’y ai fait tous mes efforts… » Ce n’est pas à nous, c’est aux juges les plus éclairés, dont nous ne sommes que l’écho, d’ajouter qu’il a pleinement réussi.
Dans cette succession rapide de vues et de mœurs si diverses et si contraires, un préjugé réfute et chasse l’autre, et ne lui laisse pas le temps de faire le fier ; et le philosophe libre, sans aucun effort de lutte ni de contradiction, y trouve son compte, en même temps que le curieux son plaisir.
» Malheureuse Marie, belle, spirituelle, aimée, qui a eu trop d’esprit seulement, qui a trop craint la vulgarité, qui n’a pas compris que l’imagination ne consiste pas à rêver l’impossible, et que son plus sublime effort est de trouver « la poésie de la réalité » ; âme malade des préjugés de l’éducation et du faux idéal qui flottait dans l’air à cette époque ; une de ces femmes qui, avec toutes leurs délicatesses, ont des sécheresses soudaines qui froissent les cœurs délicats, et à laquelle enfin, pour tout reproche, Michel, en se séparant, a pu dire : « Marie, vous manquez de simplicité !
Villars de son lit de souffrance, envoyant au roi des drapeaux pris sur l’ennemi, put écrire sans trop de fanfaronnade : « Si Dieu nous fait la grâce de perdre encore une pareille bataille, Votre Majesté peut compter que ses ennemis sont détruits. » Ce qui reste vrai et ce qui est reconnu pour exact par les historiens militaires et les gens du métier les plus compétents, c’est que Villars, avec une armée inégale, recevant d’une telle vigueur le choc de ces énormes forces combinées des généraux alliés, et leur mettant plus de trente mille hommes hors de combat, garantit cette année-là nos frontières et obligea la Coalition à de nouveaux efforts qui demandaient du temps.
Quelle harmonie entre les accessoires et le personnage, et quelle pénétrante impression de la scène ou de l’époque, obtenue sans effort !
Aujourd’hui en venant choisir M. de Girardin et le prendre en dehors de la polémique proprement dite, je n’ai pas tant d’efforts à faire : M. de Girardin peut être quelquefois un adversaire, il n’est pas un ennemi.
Pompéa, après sa tentative de reprise de possession et cet effort suprême qu’on a vu, s’exécute et se conduit en noble et loyale nature ; elle a inspiré à la comtesse une sympathie involontaire, quasi magnétique, dont elle est reconnaissante et qu’elle se promet de ne pas trahir.
Son railleur favori, le bachelier Samson Carrasco, qu’il introduit dans la dernière partie de son Don Quichotte et qui est une invention caractéristique de cette seconde moitié, n’exerce ses doutes et sa moquerie que dans le cercle des choses permises, et l’on sent qu’il n’a aucun effort à faire pour s’y renfermer.
Ne serait-il pas temps, hommes éclairés et qui êtes à la tête des intelligences, de faire un effort de plus et de donner à tous un exemple ?
« Je suis un peu embarrassée », dit Mme Roland lorsqu’elle en vient à cette histoire, « de ce que j’ai à raconter ici ; car je veux que mon écrit soit chaste, puisque ma personne n’a pas cessé de l’être, et pourtant ce que je dois dire ne l’est pas trop. » Et en finissant ce récit, de tout point fort circonstancié, elle ajoute : « L’impression de ce qui s’était passé demeura si forte chez moi que, même dans l’âge des lumières et de la raison, je ne me le rappelais qu’avec peine ; que je n’en ai jamais ouvert la bouche à une intime amie qui eut toute ma confiance ; que je l’ai constamment tu à mon mari, à qui je ne cèle pas grand’chose, et qu’il m’a fallu faire dans ce moment même autant d’efforts pour l’écrire que Rousseau en fit pour consigner l’histoire de son ruban volé, avec laquelle la mienne n’a pourtant pas de comparaison. » Je sais bien d’autres histoires des Confessions avec lesquelles celle-ci a plus de ressemblance qu’avec le ruban volé, et ce sont les plus laides ; il suffit, je ne les indiquerai pas avec plus de précision.
Je crois cette méthode fort hasarde,, et injuste pour le passé : c’est, me dira-t-on, celle du génie qui procède volontiers en maître et en conquérant ; mais, comme le génie est rare, c’est aussi celle de la prétention et de l’effort ambitieux, bruyant, une méthode tapageuse et qui prête fort au charlatanisme.
Othman fait d’abord trois voyages en Algérie, et, entre chacun de ces trois voyages, il conduit des explorateurs français dans son pays ; enfin, pour couronner ses efforts, tendant à des ouvertures de relations, il vient en 1862 à Paris, ville où jamais un Targui n’avait mis les pieds… Homme d’une haute intelligence et d’un grand sens pratique, Othman a surtout remarqué en France ce qui contraste avec le désert : le nombre considérable des habitants, l’abondance des eaux, la richesse et la variété de la végétation, la rapidité et la sécurité des communications, enfin la généreuse hospitalité qu’il y a reçue.
Aussi sent-on chez Mmc de Gasparin qu’il y a plus d’un rappel systématique et que, pour revenir à son sujet voulu, après ses effusions de paysagiste enthousiaste et de promeneuse naturaliste, elle fait effort et elle fait exprès.
Sainte-Croix, le premier, sur la seule annonce du système de Wolf et avant même de le bien connaître10, s’était empressé de crier au paradoxe, et dès 1797 il avait dit : « Il ne faut que sentir et obéir à sa propre imagination, sans aucun effort d’esprit, pour être intimement convaincu que l’Iliade et l’Odyssée sont sorties toutes deux aussi entières de la tête d’Homère que Minerve du cerveau de Jupiter.
Je sais qu’on m’a mené vite à Paris ; mais, Dieu merci, je n’ai eu qu’un effort dans le col, lequel a dégénéré en rhumatisme, dont je me sens encore un peu, mais qui ne m’empêche de rien, et mon sang est resté tout entier dans mes veines, sans qu’il en soit sorti plus d’une goutte, occasionnée par une coupure que je me suis faite au petit doigt, en soupant, dimanche dernier, au grand couvert. » Je ne sais si c’est la Correspondance de Napoléon dont je suis plein, qui me gâte et me rend plus difficile, mais il me semble qu’il est impossible d’écrire une phrase telle que celle qu’on vient de lire, à la Louis XV, et de partir vaillamment en guerre le lendemain pour être un héros.
L’effort seul, fût-il incomplet, deviendrait une garantie de prudence.
La Fontaine et Mme de Sévigné, sur une scène moins large, ont eu un sentiment si fin et si vrai des choses et de la vie de leur temps, chacun à sa manière, La Fontaine, plus rapproché de la nature, Mme de Sévigné plus mêlée à la société ; et ce sentiment exquis, ils l’ont tellement exprimé au vif dans leurs écrits, qu’ils se trouvent placés sans effort à côté et fort peu au-dessous de leur illustre contemporain.
Vous prendrez garde à toutes ces haines de là-bas, et vous tâcherez surtout de concilier ici. » Et la famille, et les enfants, elle venait aussi en parler, et embellissait par eux les devoirs : « Ils auront es mêmes fées que vous sous vos mêmes ombrages. » Hervé n’essayait plus de comprendre, il nageait dans une sainte joie ; le jour tombant et de si franches paroles l’enhardissaient ; il exprima nettement ce désir prochain d’union, et cette fois, soit qu’elle fût trop faible, après tant d’efforts, ou trop attendrie, elle le laissa s’expliquer jusqu’au bout sans l’interrompre.
Hugo écrit : Vos régiments, pareils à l’hydre qui serpente, Vos Austerlitz tonnants, vos Lutzen, vos Lépante, Vos Iena sonnant du clairon, Vos camps pleins de tambours que la mort pâle éveille Passent pendant qu’il (Dieu) songe, et font à son oreille Le même bruit qu’un moucheron ; l’esprit, n’ayant besoin d’aucun effort pour ramener l’idée du mot propre, les batailles et les victoires, n’ayant même pas à repasser par ce mot propre, s’abandonne tout entier à l’impression de la figure, et l’imagination voit défiler toutes les scènes terribles ou glorieuses que ces grands noms font surgir de la mémoire.
Une Didon suivit bientôt Cléopâtre, Jodelle lui-même fait école, et de 1552 aux premières années du xvie siècle, poètes tragiques et tragédies se multiplient : l’école de Ronsard fait un vigoureux effort pour acclimater chez nous le drame antique304.
J’estimerais peu les efforts que j’ai faits pour l’obtenir si je ne me sentais appuyé par l’interprétation unanime de dix-huit siècles », etc Il a des façons violentes et hyperboliques d’exprimer des choses très simples : « Si j’allais vous dire, de mon autorité privée : Confessez-vous, est-ce que vous tomberiez à genoux ?
Far exemple, combien de suicides sont causés par la honte, par la crainte de l’opinion, par le respect des préjugés (suicides des filles-mères, des maris trompés), par le sentiment d’intolérabilité que le groupe, surtout les groupes étroits et fortement intégrés, crée autour de l’individu sur lequel pèse une réprobation ou un ridicule ; par l’effort sournois ou violent du groupe pour éliminer l’individu qu’il a pris en grippe.
Mais ils comprenaient leur temps ; les vues et les efforts de leur politique étaient en harmonie avec ses besoins, avec l’état et le mouvement général des esprits.
Le second jour, au moment de reprendre la lutte, Sohrab a un mouvement de tendresse, et la nature, près de succomber, fait en lui comme un suprême effort.
L’embarras de s’orienter redouble : « Le brouillard rampait et semblait se coller à la terre humide. » On rôde autour de cette maudite Mare au diable (c’est ainsi que l’appellent les gens du pays), et, après maint effort pour s’en éloigner, on y est toujours ramené comme par un sort.
Il lui eût fallu du temps et bien des efforts ensuite pour se dégager.
Elle insiste fort sur la direction positive qu’il faut se tracer et suivre, sans regret, sans repentir, sans plus regarder en arrière une fois qu’on s’est dit d’aller ; il faut partir d’où l’on est et vouloir ce qu’on veut : « Décidons-nous, dit-elle en concluant, sur la route que nous voulons prendre pour passer notre vie, et tâchons de la semer de fleurs. » Tâchons, en effet ; mais cet effort se marque trop, et ce propos si déterminé de semer des fleurs est tout fait pour les empêcher d’éclore.
Les qualités du fabuliste sont naturelles chez Florian : il a la fertilité de l’invention, et les images lui viennent sans effort.
Il est curieux de voir comment d’Aguesseau, par ses efforts modérés de raison, et tout en ne songeant qu’à s’appuyer aux anciens, penche déjà plus qu’il ne croit du côté de l’avenir.
Il me regardait comme un bel esprit à qui il fallait des choses sublimes, et qui était très difficile à tous égards. » Il y eut un temps où Mme de Montespan dut faire quelque effort pour rompre la glace et pour initier cette personne de son choix auprès du roi ; on peut juger plus tard des fureurs et des amertumes.
Daunou, dans son analyse des mérites de Rulhière, est allé jusqu’à remarquer que, dans les phrases courtes comme dans les plus longues, l’auteur varie sans cesse le ton, le rythme, les constructions, les mouvements : Il y a des livres, ajoute-t-il ingénieusement et en rhéteur consommé, où la plupart des phrases ressemblent plus ou moins, si l’on me permet cette comparaison, à une suite de couplets sur le même air ; et ce n’est pas sans quelque effort qu’un écrivain se tient en garde contre ce défaut ; car l’esprit ne s’habitue que trop aisément à un même genre de procédés, le style aux mêmes formes, l’oreille aux mêmes nombres.
Mais lorsque, plus tard, dans sa chaire du Lycée, ayant trouvé sa fonction et sa vraie place, il lisait avec physionomie, avec feu, ses leçons en général judicieuses et élégantes, on s’étonnait de sentir en lui le maître, on le reconnaissait et on l’applaudissait sans effort, sans révolte.
Voici en ce sens quelques vers qui ne me semblent nullement méprisables : À former les esprits comme à former les corps, La Nature en tous temps fait les mêmes efforts ; Son Être est immuable, et cette force aisée Dont elle produit tout ne s’est point épuisée : Jamais l’astre du jour qu’aujourd’hui nous voyons N’eut le front couronné de plus brillants rayons ; Jamais dans le printemps les roses empourprées, D’un plus vif incarnat ne furent colorées : Non moins blanc qu’autrefois brille dans nos jardins L’éblouissant émail des lis et des jasmins, Et dans le siècle d’or la tendre Philomèle, Qui charmait nos aïeux de sa chanson nouvelle, N’avait rien de plus doux que celle dont la voix Réveille les échos qui dorment dans nos bois : De cette même main les forces infinies Produisent en tout temps de semblables génies.
Le duc et la duchesse d’Albe, l’électeur de Bavière, le prince de Vaudémont, il faut pour que Mme de Maintenon consente à les voir, à les recevoir (et encore elle n’y consent pas toujours), il faut des efforts, des prières, presque des menaces de la part de Mme des Ursins.
C’est ainsi qu’à deux ou trois reprises elle essaya de sauver le malheureux Berquin, gentilhomme artésien, qui se mêlait de dogmatiser, et qui, malgré tous les efforts de la princesse auprès du roi son frère, finit par être brûlé en Grève, le 24 avril 1529.
Dans la peine, la volonté fait immédiatement effort et, pour cela, se concentre, en se proposant plus ou moins consciemment la cessation de la douleur.
Je ne crois donc pas à la fin du monde après la destruction de ce qui est aujourd’hui, cependant je suis intrigué de savoir quelle pourra être la physionomie d’un monde, aux bibliothèques, aux musées pétrolés, et dont l’effort sera de choisir pour se gouverner, les incapacités les plus officiellement notoires.
Convenez donc que la différence du portraitiste et de vous, homme de génie, consiste essentiellement en ce que le portraitiste rend fidèlement nature comme elle est, et se fixe par goût au troisième rang, et que vous qui cherchez la vérité, le premier modèle, votre effort continu est de vous élever au second… vous m’embarrassez ; tout cela n’est que de la métaphysique… eh grosse bête, est-ce que ton art n’a pas sa métaphysique ?
Elle résiste aux efforts qui sont faits pour lui faire violence ; elle réagit contre les dissidents tout comme le monde extérieur réagit douloureusement contre ceux qui tentent de se rebeller contre lui.
Le « Décadent » : Unité apparente du mouvement littéraire À l’époque du Décadent, il y eut, parmi les écrivains de notre génération, quelque chose comme un syndicat d’efforts pour faire cesser les enfantillages du père Hugo et de ses imitateurs, et pour refouler à l’égout les déjections littéraires de M.
… III C’est là ce qu’a fait cependant Édelestand du Méril, avec la patience qui ne tient compte ni du temps ni de l’effort, et qui est une puissance ajoutée à toutes les autres.
Ils peuvent faire illusion dans leurs livres, travaillés longtemps, habilement élaborés, mis en posture et en perspective avec tout l’effort et les ressources d’un art savant.
C’est par l’idylle et l’idylle élégiaque qu’il commença sa renommée, et malgré des efforts soutenus, comme on n’en aurait guère attendu de sa gracieuse faiblesse, et qui prouvent que l’entêtement n’est pas la force, même chez les Bretons, c’est par ce seul genre de poésie qu’il se soutiendra dans la mémoire des hommes.
S’ils voulaient bien étudier de près et par eux-mêmes cette France inconnue qui commence à la banlieue de Paris, je crois qu’ils seraient récompensés de leur effort.
Presque toutes les grandes convulsions de notre siècle cachaient des efforts d’unification.
On voit trop clairement ici l’instinct aveugle de la nature artiste et créatrice, l’effort inné par lequel la matière dispersée s’organise, acquérant des propriétés et des perfections qu’elle n’avait pas.
Elle n’est que le résultat matériel de cet acte, lequel nous échappe, parce qu’il s’accomplit dans le sein de la cause qui le produit. » — « La véritable cause qui meut le cœur, l’estomac, les organes, est extérieure et supérieure à ces organes79. » Il y a donc un monde spirituel distinct du monde matériel, et dont nous apercevons un individu dans la cause qui est nous-mêmes ; tout l’effort de la psychologie est d’étudier cette cause, plus importante que ses effets.
Mais ce qui a consacré sa réputation dans l’Europe, c’est sa bonté, c’est cette vertu qui ne permit jamais à la haine d’entrer dans son cœur, qui fit que, sans politique et sans effort, il pardonna toujours, et se serait cru malheureux de punir ; qui, avec ses amis, lui donnait la familiarité la plus douce, envers ses peuples la bienveillance la plus tendre, avec sa noblesse la plus touchante égalité ; ce sentiment si précieux qui quelquefois, dans des moments d’amertume et de malheur, lui faisait verser les larmes d’un grand homme au sein de l’amitié ; ce sentiment qui aimait à voir la cabane d’un paysan, à partager son pain, à sourire à une famille rustique qui l’entourait, ne craignit jamais que les larmes et le désespoir secret de la misère, vinssent lui reprocher des malheurs ou des fautes : voilà ce qui lui a concilié les cœurs de tous les peuples, voilà ce qui le fait bénir à Londres comme à Paris.
En littérature, insiste Valéry, le vrai n’est même pas concevable, puisque tout travail littéraire implique l’effort et l’artifice. […] Il n’ignore pas l’artifice, et s’impose l’effort, mais pour donner l’impression de vérité et de simplicité, comme Boileau avait entraîné Racine à faire difficilement des vers faciles. […] Mais tant d’amateurs redoutent toute recherche, tout effort d’attention, et prétendent flâner dans la littérature comme dans un parc, ou déguster les œuvres comme des pâtisseries ! […] Il faut plus de temps et d’effort pour une plaquette de Valéry que pour les douze ou quinze cents pages de Tolstoï. […] Or, Billy écrit : « Le critique contemporain a sur la postérité un avantage : il est placé dans la société des artistes dont il a mission d’apprécier l’effort ; il jugera donc cet effort de plus près, il en distinguera mieux, non la réussite pure, mais le mérite.
Et par un dernier effort, il se mit debout. […] Dallas se remit debout, résigné, fit un effort pour marcher. […] Bientôt, ce fut lui qui secoua la tête et qui fit des efforts pour arracher le bridon des mains de Miserey. […] Elle se haussa d’un dernier effort, elle mit sa bouche sur la bouche de Félicien. […] Régnier n’est pas toujours un vers avec sa césure classique, mais il rend toujours une idée poétique, qu’il faille ou non faire un effort pour en éclaircir le sens.
Oui, c’est vraiment un devoir pour l’homme cultivé de faire cet effort et cet essai. […] C’est un effort de l’être éphémère pour participer de l’éternel et de l’immuable. Cette soif, le Français, par définition, l’éprouve peu, et cet effort, par définition, il est rarement tenté de le faire. […] Il vaincra sa timidité avec des efforts de volonté surhumaine pour prouver qu’il ne l’est pas ; ou il mentira violemment pour assurer qu’il ne l’est point. […] Un double et contradictoire effet allait naître de cet événement historique ; il allait en résulter, à la fin, une concentration, un assainissement de la pensée humaine et l’exaltation même de cette pensée ; et ce contraste montre combien court et misérable doit rester, dans le prolongement des événements, un effort, si puissant soit-il, de la logique abstraite.
Lui qui se distingue habituellement par la franchise et la simplicité hardie de l’expression, il s’épuise en efforts pour déguiser sa pensée, pour envelopper d’un nuage l’objet qu’il n’ose nommer. […] Si des Grieux pouvait être sauvé, Tiberge le sauverait certainement ; car ce modèle incomparable d’amitié fait des efforts inouïs pour tirer de l’abîme l’amant de Manon. […] Il traite le public avec respect, et la critique doit lui tenir compte de sa persévérance et de la sincérité de ses efforts. […] On ne sent nulle part l’effort ou l’inquiétude. […] Qu’il persévère et marche avec courage dans la carrière où il est entré si heureusement ; l’avenir ne peut manquer de récompenser bientôt ses efforts.
” » « Depuis quelque temps, il est vrai, nous avons été témoins de courageux efforts tentés pour réparer l’oubli et l’injustice du passé. […] Jusqu’alors, il doutait encore de lui-même, en proie aux soucis et aux contrariétés, allant de province en province… Le premier effort de son génie se manifesta d’une façon encore bien modeste dans Le Dépit amoureux. […] Il voulait demeurer à son poste, quitte à y mourir, et, pour prolonger le reste d’existence qu’il conservait en lui, il s’était mis à un régime sévère, ne réservant ses efforts que pour son cher théâtre et ses comédiens. […] Quels efforts pour se faire jour ! […] Il avait fait de longs efforts pour se débarrasser d’une certaine volubilité de la langue qui affectait son débit lorsqu’il avait abordé le théâtre.
On voit quel effort et quel discernement seraient nécessaires à une critique et à une psychologie qui voudraient aller plus loin. […] Au contraire la forme impersonnelle a le mérite d’être une école, un effort, une discipline. […] La poésie de Victor Hugo après 1851 s’explique comme un effort pour créer l’île Hugo, (Mais le Père est là-bas dans l’île !) effort d’ailleurs mal réussi parce que le poète empêtré dans une trop abondante tradition copie de trop près une autre île, qui est Patmos. […] Il faut un effort pour s’en apercevoir : supposez le même thème traité par Fragonard et par Rembrandt, par Banville et par Baudelaire !
Ce n’est pas un tel homme qui gouvernera les hommes ; on ne maîtrise la fortune qu’après s’être maîtrisé soi-même ; celui-ci n’est fait que pour se contredire et se détruire, et pour tourner tour à tour sous l’effort de toutes les passions. […] Shimei771, de qui la jeunesse avait été fertile en promesses et de zèle pour son Dieu et de haine pour son roi, — qui sagement s’abstenait des péchés coûteux — et ne rompait jamais le sabbat, excepté pour un profit, — qu’on ne vit jamais lâcher une malédiction — ou un juron, si ce n’est contre le gouvernement772… Contre ces malédictions, leur chef, Shaftesbury, se roidissait ; accusé de haute trahison, il était absous par le grand jury, malgré tous les efforts de la cour, aux applaudissements d’une foule immense, et ses partisans faisaient frapper une médaille à son image, montrant audacieusement sur le revers le soleil royal obscurci par un nuage. […] Que d’efforts pour un effet médiocre !
J’étudie l’effort laborieusement petit vers les colorations rembranesques, les égratignures à fleur de cuivre, les promenades d’épingles, dont l’imperceptible entame sillonne la planche de tailles faisant l’illusion de cheveux tombés dessus — et la timide, la timide morsure. […] Un jour dans une griserie de champagne, Barbey avouait que, dans toute sa vie, il n’avait pu tirer de son père que quarante francs, et encore avec quel effort, quelle peine ! […] Il les disait merveilleux pour un choc, pour un coup de main, mais incapables d’un effort continu, accusant leur insuffisance au tir, leur inaptitude à viser, entraînés qu’ils sont toujours à la fantasia, et n’étant occupés qu’à faire parler la poudre, et à se griser de son bruit.
Une beauté tout à fait gozzolienne, cette Mme de la Gandara, avec ses beaux yeux songeurs au grand blanc, l’ovale long de sa figure, les lignes pures de son nez, de sa bouche, la délicatesse extatique de sa physionomie, ses blonds cheveux lui tombant le long de la figure, en ondes dépeignées, comme les cheveux d’une Geneviève de Brabant, enfin avec ce caractère d’une tête, où la nature s’associe au coquet effort de se rapprocher des primitifs, et qui lui donne dans de la jeune vie, le charme archaïque d’une tête idéale d’un vieux musée. […] En battant des rues, des ruelles interminables, avec le sentiment que chaque pas m’éloigne de mon gîte, j’ai soudainement l’angoisse d’avoir oublié le nom de mon hôtel, sans pouvoir le retrouver, quelque effort que je fasse : angoisse horrible qui ne dure qu’un moment, il est vrai. […] Dans ce moment, il y a un curieux effort de la lithographie et de la gravure vers la reproduction de la couleur.
L’immortalité est le prix des efforts d’un poète qui a su nous émouvoir et nous plaire sans sortir du cercle que l’art lui avait tracé ; on peut et doit examiner ses titres à un si beau triomphe. […] Si pardonner est un effort sublime, se venger est une faiblesse ; et comment une faiblesse peut-elle fonder un caractère tragique ? […] Si dédaigner un trône est un effort sublime, que faut-il penser de celui qui renonce volontairement à un bien plus séduisant encore, plus capable de flatter un cœur sensible ? […] Cet effort de génie est tellement au-dessus des combinaisons des poètes ordinaires, qu’il les humilie et les écrase. […] Cette espièglerie n’est point un tour de force de jeune homme ; c’est le dernier effort d’un vieux poète.
Asham, vous le savez, est sérieux et calme, il s’appuie sur la vieillesse pour supporter les maux de l’existence ; en effet la vieillesse d’un penseur n’est pas débile, l’expérience et la foi le fortifient, et quand l’espace qui reste est si court, un dernier effort suffit pour le parcourir ; ce terme est encore plus rapproché pour moi que pour un vieillard, mais les douleurs rassemblées sur mes derniers jours seront amères. […] — De ma propre faiblesse, repris-je, j’ai toujours craint la douleur physique et mes efforts pour me donner le courage qui la brave ont été vains.
Ainsi traîne et finit presque toujours lugubrement et misérablement le dernier acte de la comédie humaine ; au bout de tant d’années, après tant d’efforts soutenus, parmi tant de gloire et de génie, on aperçoit un pauvre corps affaibli qui radote et agonise entre une servante et un curé. […] Figurez-vous, au lieu de cette pauvre idée sèche, étayée par cette misérable logique d’arpenteur, une image complète, c’est-à-dire une représentation intérieure, si abondante et si pleine qu’elle épuise toutes les propriétés et toutes les attaches de l’objet, tous ses dedans et tous ses dehors ; qu’elle les épuise en un instant ; qu’elle figure l’animal entier, sa couleur, le jeu de la lumière sur son poil, sa forme, le tressaillement de ses membres tendus, l’éclair de ses yeux, et en même temps sa passion présente, son agitation, son élan, puis par-dessous tout cela ses instincts, leur structure, leurs causes, leur passé, en telle sorte que les cent mille caractères qui composent son état et sa nature trouvent leurs correspondants dans l’imagination qui les concentre et les réfléchit : voilà la conception de l’artiste, du poëte, de Shakspeare, si supérieure à celle du logicien, du simple savant ou de l’homme du monde, seule capable de pénétrer jusqu’au fond des êtres, de démêler l’homme intérieur sous l’homme extérieur, de sentir par sympathie et d’imiter sans effort le va-et-vient désordonné des imaginations et des impressions humaines, de reproduire la vie avec ses ondoiements infinis, avec ses contradictions apparentes, avec sa logique cachée, bref de créer comme la nature.
Sans doute la nature et la réalité ne changent pas ; et le génie, quand il applique sa puissance à les observer, peut d’un premier effort les pénétrer et les comprendre tout entières. […] — « Nous ferons tous nos efforts, répondit Criton, pour nous conduire ainsi.
Les serviteurs étrangers se défendirent bravement, mais à quoi bon leurs valeureux efforts ? […] Il se fit un effort plus grand encore pour que personne ne frappât plus.
Ses causeries du Journal nous le montrent baguenaudant à travers sa bonne ville, se mêlant volontiers au populaire, attendri et frondeur, excusant les misérables, sévère aux bourgeois et aux politiciens, paternel aux jeunes gens, évangélique jusqu’à la plus noble imprudence, et conciliant cet évangélisme avec le culte du grand Empereur, qui n’est, chez lui, que le culte de l’effort et de la volonté héroïque ; saluant un vague bon Dieu, célébrant le printemps et sa mie, se racontant lui-même avec une bonhomie charmante ; d’ailleurs artiste toujours soigneux, mais, autant qu’artiste, brave homme. […] Et enfin, parmi les veuves, il en est une dont la souffrance ne fut connue des profanes qu’en tant qu’elle était liée à un deuil public ; dont toute la conduite récente ne fut que modestie, dignité simple et discrète, charité, désintéressement sans effort, et que nous avons saluée tous avec le respect le plus ému pour le noli me tangere de sa profonde et silencieuse douleur.
Il en est de même pour les classes d’hommes dont les efforts réunis ont conduit noire connaissance de l’univers à l’état cohérent et compréhensif qu’elle possède actuellement. […] Et naturellement le rapport de non-coexistence diffère en ceci, que quoique l’un des deux changements se produise, sans aucun sentiment d’effort, l’autre ne le fait pas.
A chaque clou qu’il fixe, à chaque pièce qu’il emboîte, il constate naïvement la perfection du travail ; — « Voilà qui est fait et en un instant… Ce bras-ci tient, aucun effort n’en briserait l’attache… Certes, excepté lui, nul ne me blâmera. » II. — Héphestos (le Vulcain latin). — Son origine volcanique. — Son génie d’artiste, ses chefs-d’œuvre. — Thétis dans La forge d’Éphestos. […] Non, c’est l’Humanité entière, glorifiée et divinisée, rassemblant dans un type unique ses efforts innombrables, ses inventions laborieuses, ses conquêtes opiniâtrement étendues, et qui du fond de sa misère native, de son malheur éternel, les oppose fièrement aux Fatalités jalouses qui lui disputent sa place au soleil.
Comment sont-elles faites, je vous prie, d’où viennent-elles, et par quels efforts surnaturels pourrez-vous établir leur généalogie, avec le grand siècle, avec l’élégante société, avec la comédie que représentait mademoiselle Mars ? […] me voilà, vous ne direz pas que je me suis trop parée, vous ne direz pas que j’ai fait trop d’efforts, et cependant regardez-moi, écoutez-moi !
Sa réputation, cette réputation qui n’est pas seulement la popularité du feuilleton, est-elle en proportion avec ses efforts et ses travaux ? […] Ils prennent seulement les mots et les tordent comme du fer, et avec l’effort qu’on met à tordre du fer, mais leur fer reste creux.
Il eut là un moment de pureté encore, d’enthousiasme, mais aussi d’effort sur lui-même, qui lui laissa un vif et parfait souvenir : Je restai donc enthousiaste, dit-il.
Cette seule idée suffit à bouleverser toute sa machine ; il eut beau faire effort pour se préparer et se mettre en mesure, il avait entrepris au-dessus de ses forces : « Ceux, dit-il, qui sont organisés comme moi, et à qui une exhibition publique d’eux-mêmes, en n’importe quelle occasion, est un poison mortel, peuvent seuls avoir quelque idée de l’horreur de ma situation ; les autres ne sauraient se la figurer. » Des mois se passèrent dans cette lutte pénible et dans cette attente, qu’il a comparée à celle du condamné qui voit approcher le jour de son exécution.
Pour le lire comme il faut et pour bien entendre toutes ses cordes, et aussi pour se bien rendre compte du grand succès de son poème dès qu’il parut, il convient de se rappeler les événements de ces années, la guerre d’Amérique dont l’issue humiliait l’Angleterre, les débats passionnés du Parlement, les triomphes et les crimes dans l’Inde, les premiers efforts de Wilberforce pour l’affranchissement des noirs, les dilapidations et le désordre dans les plus hauts rangs et l’inconduite du jeune prince de Galles : Cowper, en ses moments lucides et tandis qu’il composait La Tâche, voyait tout cela de loin, en gros, mais avec bien de la curiosité et de l’ardeur : « Oh !
À Ré, au moment le plus décisif de l’effort contre les troupes du roi qui y avaient opéré une descente, Soubise ne parut point faire de sa personne et de son bras tout ce qu’il aurait pu ; et à Viane, pendant que le maréchal Thémînes attaquait et brûlait un faubourg enchâssant vivement les troupes qu’on lui opposait, M. de Rohan fut remarqué sur un bastion de la ville, « d’où il considérait l’action une canne à la main ».
Il ne trouve à dire, en terminant, que des paroles comme celles-ci : « Ne dédaignez pas les efforts d’un cœur qui vous était attaché, qui, sauvant des débris de votre naufrage ce qu’il peut, essaie de l’appendre au temple de l’immortalité… J’entrevois déjà la fin de ma carrière, et le moment, cher prince, où l’Être des êtres réunira à jamais ma cendre à la vôtre. » Des imitations toujours, et quelle froideur !
Pauvre effort d’une postérité qui fuit continuellement et recule !
Mais après, et jusque vers le milieu du xviiie siècle, il lui fallut du temps et de l’effort pour se relever des choix faits sous l’influence stagnante de Fleury, et pour arriver à se mettre en accord et en parfaite alliance avec les puissances littéraires et philosophiques actives du dehors.
Ce n’est pas sans peine et sans effort que cette publication est arrivée au jour et a triomphé de bien des obstacles qui auraient pu l’arrêter.
Marbeau appelle Aurélie dans son cabinet ; elle s’y rend accompagnée de la maîtresse de pension : la pauvre enfant reconnaît avec un peu d'effort de mémoire ce même cabinet où son père et sa mère se sont vus pour la dernière fois.
Quoi qu’on en pense, il restera du moins évident pour tous qu’après cet effort et ce déploiement de vigueur et de zèle pendant les six premiers mois de l’année, Montaigne avait jeté son feu ; il avait donné son coup de collier, et il se crut quitte : il retomba aisément dans cette modération naturelle, éloignée de tout héroïsme.
Une imagination forte et sobre nous transporte à l’action et nous fait tout voir de nos yeux, tout ce qui importe et rien que ce qui importe : « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles, Enfin, avec le flux, nous fit voir trente voiles ; L’onde s’enflait dessous, et d’un commun effort Les Maures et la mer entrèrent dans le port.
Marie-Antoinette, arrivée jeune en France et après des efforts bien sincères pour faire le bien, pour être approuvée et pour réussir, se trompa un peu de chemin et de moyens : rien ne saurait prévaloir contre cette opinion universelle qui est devenue un fait acquis de l’histoire.
Les ambassadeurs suisses firent alors un dernier et suprême effort de médiation ; dans une lettre des plus pressantes qui fut lue en chaire par toutes les paroisses vaudoises, ils disaient81 : « Nous avons vu que vous avez beaucoup de peine à vous résoudre de quitter votre patrie, qui vous est d’autant plus chère que vos ancêtres l’ont possédée par plusieurs siècles et défendue valeureusement avec la perte de leur sang ; que vous vous confiez que Dieu, qui les a soutenus plusieurs fois, vous assistera aussi et que vous appréhendez même qu’une déclaration pour la sortie ne soit qu’un piège pour vous surprendre et accabler : nous vous dirons pour réponse que nous convenons avec vous que la loi qui oblige à quitter une chère patrie est fort dure ; vous avouerez que celle qui oblige à quitter l’Éternel et son culte est encore plus rude, et que de pouvoir faire le choix de l’un avec l’autre est un bonheur qui, en France, est refusé à des personnes de haute naissance et d’un éminent mérite, et qui s’estimeraient heureuses si elles pouvaient préférer une retraite à l’idolâtrie. » Quelle tache et quelle honte pour la France de Louis le Grand qu’une atroce injustice comme celle-ci trouve presque à se glorifier et à s’absoudre par l’exemple d’une injustice plus abominable encore, dont elle offrait alors au monde l’odieux et parfait modèle !
Si je suis assis, il me faut faire un effort presque inouï pour me lever.
Monseigneur, Votre Altesse sait au prix de quels efforts j’ai fait les cinq dernières campagnes.
Il m’a recommandé de me distraire, d’éloigner toute cause de chagrin, d’éviter toute contrariété, de prendre l’air, de tâcher d’avoir de l’appétit, enfin de faire tous mes efforts pour me bien porter.
C’est comme un contemporain retardé par accident, venu un siècle après, et qui va compenser par surcroît d’efforts le temps perdu ; c’est un serviteur posthume de cette gloire dans laquelle, comme au premier jour, il va tout replacer.
Mais, cette fois, le concert de si dignes efforts n’a pas suffisamment protégé Boileau contre ces idées nouvelles, d’abord obscures et décriées, mais croissant et grandissant sous les clameurs.
Mais ces longs efforts suivis n’allaient pas à son haleine, et, comme tant d’organisations ardentes et fines, c’est dans le prélude et dans l’escarmouche qu’il s’est consumé.
En effet, l’homme supérieur ou l’homme sensible se soumet avec effort aux lois de la vie, et l’imagination mélancolique rend heureux un moment, en faisant rêver l’infini.
Après le grand effort de la Pléiade pour créer de toutes pièces une littérature artistique, nous constatons sous le règne de Henri IV un retour au naturel.
Il s’établit d’un saut dans son idée ; d’un saut, ensuite, il atteint une autre idée, sans retenir le contact de la première : sa réflexion n’est pas un acte continu, c’est une série d’actes isolés, dont chacun commence et détermine un effort, entre deux temps d’arrêt.
Cette idée est mieux entrée en nous, que l’homme n’est que l’effort dernier, l’épanouissement de la Vie totale.
Sans parler d’Ibsen dont le génie étranger ne nous est sensible que par un effort quasiment archéologique, les talents initiateurs de MM.
Malheureusement on s’aperçut un jour que ces règles étaient en grande partie arbitraires, qu’elles étaient du moins la cristallisation d’un goût éphémère, l’expression d’une seule époque, un effort stérile et dangereux pour mettre l’éternel dans le passager ; qu’elles ne pouvaient s’appliquer sans injustice au passé, en même temps qu’elles devenaient des entraves pour l’avenir.
Que d’efforts n’a-t-il pas fallu, depuis le jour où Voltaire risquait dans Zaïre une pâle réminiscence de la jalousie d’Othello, pour que le grand dramaturge anglais forçât les portes de nos théâtres !
Cependant que d’attentes et que d’efforts avant de conquérir l’élément céleste, de l’obliger à se fixer sur la terre, d’en faire un dieu et un serviteur irrésistiblement évoqué ?
Effrayant symbole des forces perdues, des travaux stériles, de l’effort acharné poursuivant un but illusoire.
Que d’efforts stériles !
Aussi, malgré tous ses efforts, elle ne peut trouver à se loger dans ce cœur resserré et aigri ; elle voudrait introduire une douceur, une consolation secrète dans cette gloire ; cela eût sans doute été bien difficile en aucun temps, mais décidément, à cette heure où elle le tente, il est trop tard.
Il résulte des témoignages positifs, aujourd’hui connus, qu’elle se promettait et que ses voix lui promettaient beaucoup plus de choses qu’elle ne vint à bout d’en accomplir ; et il lui fallut, à l’article de la mort, un effort de foi et de suprême confiance en Dieu, pour qu’après bien des agonies et des défaillances, elle pût se relever et s’écrier jusqu’au milieu des flammes que ses voix, en définitive, ne l’avaient pas trompée.
Il n’a jamais connu cet effort combiné qui consiste à monter une pièce, à la construire, à la faire sortir plus ou moins sauve de toutes les embûches des coulisses, à la faire marcher droit et haut devant la rampe redoutable ; il n’a jamais eu à consommer, comme dit Voltaire, cette œuvre du démon.
Elles sont d’une parfaite sincérité, et la nature humaine ne s’y déguise et ne s’y guinde en rien : on lui voudrait par moments quelques efforts de plus pour se tenir au-dessus d’elle-même.
Les peuples hantoient et trafiquoient les uns avec les autres sans crainte ne danger, et s’entrevisitoient en toute cordiale hospitalité, comme si la sapience de Numa eût été une vive source de toutes bonnes et honnêtes choses, de laquelle plusieurs ruisseaux se fussent dérivés pour arroser toute l’Italie, et que la tranquillité de sa prudence se fût de main en main communiquée à tout le monde… J’abrège à regret cette phrase coulante et infinie d’Amyot, qui n’est pas terminée encore ; mais on a senti le charme qui pénètre, et ce génie de l’expression qui, sans lutte, sans effort, s’anime et s’inspire de son modèle.
Mallet, depuis longtemps, ne se dissimulait point l’inutilité des efforts des honnêtes gens et des esprits modérés et divisés en présence des factions croissantes.
Au contraire, tout ce que nous appellerions dans notre langue d’aujourd’hui tendance à la centralisation, tous les efforts de Louis XI, de Richelieu, qui allaient se consommer sous Louis XIV, tout ce qui devait rendre la monarchie maîtresse unique, lui semble une voie au despotisme ; et on ne peut nier que ce ne fût du pur despotisme en effet, avant que cette unité dans l’administration se fût rejointe et combinée, après 89 et après 1814, avec le régime constitutionnel et de liberté.
Le Brun s’est frotté la tête, a dressé ses chevaux, froncé le sourcil, rongé ses doigts, ébranlé par ses cris les solives de son plancher, et, dans un enthousiasme qu’il a pris pour divin, a fait sortir avec effort de son cerveau rebelle une ode de trente-trois strophes seulement, qu’il a envoyée aux Délices.
Prendre un parti sans un motif qui fût à ses yeux de la dernière évidence, semblait un effort au-dessus de son pouvoir, quelquefois même pour les petites choses comme pour les grandes.
D’une haute taille élégante, d’une figure régulière, avec des yeux expressifs où riait la malice, avec la riposte prompte sur les lèvres, aimant franchement ceux qu’il aimait et se passant des autres, il payait de sa personne, il avait de l’esprit argent comptant et tenait sans effort son rang dans la société.
Son doute hyperbolique, comme il l’appelle, et qui porte sur les principes mêmes de la connaissance, est un doute extravagant, dont on ne peut plus se débarrasser, quelque effort qu’on fasse : semblable à ce balai enchanté qu’un novice magicien avait dressé à porter de l’eau, mais qu’il ne put désensorceler, et qui finit par l’inonder.
Or, de même que toutes les œuvres de la nature sont infiniment supérieures à celles de l’art, la sélection naturelle est nécessairement prête à agir avec une puissance incommensurablement supérieure aux faibles efforts de l’homme.
Le mot œuvres sous-entend l’idée de combinaison, d’effort, de patience, de durée dans le travail, et Rivarol, c’est tout le contraire.
Ces applications, — il faut bien le dire, — n’ont point, malgré les efforts de l’érudit, plus de consistance, de grandeur et de solidité que la vue première qui les a déterminées.
Malgré l’individualité bien nette des idéals nationaux et la diversité des rôles que les peuples sont destinés à jouer dans l’histoire, il y a au fond de leurs efforts et de leurs luttes une identique aspiration vers un état meilleur, une commune recherche de plus de force et de plus d’équilibre.
Je me suis demandé quelquefois ce qui se serait passé si la science moderne, au lieu de partir des mathématiques pour s’orienter dans la direction de la mécanique, de l’astronomie, de la physique et de la chimie, au lieu de faire converger tous ses efforts sur l’étude de la matière, avait débuté par la considération de l’esprit — si Kepler, Galilée, Newton, par exemple, avaient été des psychologues.
C’est là que, spectacle majestueux, desservi par tous les talents à la fois, spectacle pathétique, répondant à toutes les passions du cœur et épuisant toutes les misères de la vie, et aussi spectacle rare, extraordinaire, elle appelait, à quelques grands jours seulement, un effort de génie toujours nouveau, et, dans le peuple, une ardeur d’admiration que la satiété n’émoussait pas.
M. de Maupassant l’a trouvé avec un peu d’effort, peut-être, mais avec un plein bonheur. […] Le directeur général de la conscription était alors un M. de Cessac, qui, méthodique et classificateur, avait dressé un tableau des préfets divisé en quatre catégories : 1° efforts et succès ; 2° efforts sans succès ; 3° succès sans efforts ; 4° ni succès ni efforts. […] Il m’apportait son livre sur les poètes vivants, un mince petit livre écrit avec finesse, peut-être trop sèchement, et conçu sans grand effort critique. […] Comme dans une aire étendue les noires fèves ou les pois s’élancent du large van sous le souffle bruyant et l’effort du vanneur. […] État d’âme merveilleux et rare dans lequel, par un singulier privilège, M. de Banville demeura sans effort durant un demi-siècle.
Mais ces deux racines se développèrent séparément et isolément par les efforts des chimistes successeurs de Lavoisier et des anatomistes continuateurs de Bichat. […] Cette étude aura d’ailleurs pour nous un autre intérêt ; elle nous aidera à chercher, par l’analyse de tous ces efforts de l’esprit, la meilleure conception que nous puissions avoir aujourd’hui des phénomènes de la vie. […] En résumé, nous voyons combien sont encore obscures toutes ces questions de synthèses, de créations vitales, malgré tous les efforts dont leur étude a été l’objet.
Même, ils n’estimaient pas que ce fût l’effort suprême de l’esprit humain que d’avoir collationné, classé, numéroté les manuscrits de la Chanson de Roland, — d’autant que je ne sais s’ils les connaissaient seulement, ni si l’on s’était alors avisé des beautés cachées qu’il paraît que renfermera désormais l’épopée du moyen âge. […] La première de ces tentatives remonte à 1857 ; la seconde ne date que de 1873 : ce sont aussi bien, l’une et l’autre, tentatives indiscrètes, je veux dire dont les auteurs font trop visiblement effort pour tirer à eux tout Pascal. […] Il était déjà célèbre, mais, malgré ses efforts et beaucoup de bassesses, toujours assez mal en cour ; illustre, si l’on veut, mais encore discuté, mais encore balancé même sur la scène française par Crébillon, par Marivaux ; fort répandu dans le plus grand monde, mais jugé sévèrement et parfois cavalièrement traité. […] Aussi, quand éclate la Révolution, jettent-ils là leur plume et se précipitent-ils tous dans la politique avec une sorte de fureur aveugle, comme par une porte longtemps assiégée qui céderait sous l’effort et qui livrerait enfin le passage. […] En premier lieu, j’avais fait observer que les érudits d’autrefois, — et je ne m’étais point contenté de citer les du Cange ou les Mabillon, mais j’avais nommé par leur nom les Vitet et les Mérimée, les Paulin Paris et les Victor Leclerc, — « ne considéraient pas que ce fût l’effort suprême de l’esprit humain que d’avoir collationné, classé, numéroté les manuscrits de la Chanson de Roland ».
Mais ce même devoir qui le vainquit dans Rome, Et qui me range ici dessous les lois d’un homme, Un des plus beaux exemples, je ne dis pas seulement un des plus curieux, mais un des plus frappants de ce qu’il y a une fortune pour les rimes aussi, une destinée, c’est le sort des rimes en ort dans Corneille ; mort, sort, effort, port ; surtout mort et sort. Ces rimes servent à faire des vers ordinaires, des vers de tous les jours ; (des vers ordinaires de Corneille) : Allons-y par nos pleurs faire encore un effort ; Et n’employons après que nous à notre mort. Sur mes pareils, Néarque, un bel œil est bien fort ; Tel craint de le fâcher qui ne craint pas la mort : Et toute la rigueur de votre premier sort Contre votre mérite eût fait un vain effort. […] Dans les Horaces, (que l’on nous dit qu’il nommait lui-même Horace), il avait déjà dit : Que les hommes, les dieux, les démons et le sort Préparent contre nous un général effort ; Dans Polyeucte c’est un recoupement. […] Pardonnez aux efforts que je viens de tenter Pour prévenir les pleurs que je leur vais coûter.
Une des planches de l’illustration qui a une réputation au Japon, et dont les artistes s’entretiennent comme d’un tour de force, est la composition où l’artiste représente ce prêtre poursuivant un fonctionnaire prévaricateur qui s’est jeté sur un cheval que, dans sa terreur de la barre de fer, il n’a pas vu attaché, et dont l’effort impuissant pour prendre le galop a fourni le Géricault le plus mouvementé qui soit. […] Et, dans cette représentation des industries et des métiers, une merveille que le d’après nature des attitudes, la vérité des mouvements, l’attentionnement des hommes et des femmes à la chose qu’ils font, et la tranquillité calme de l’application pour les besognes délicates, et la violence des anatomies pour l’effort des gros ouvrages. […] Une suite des Héros paraît, la même année, 1836, sous le titre de : Yéhon Mousashi Aboumi ; Les Étriers du soldat, une suite où l’effort d’Hokousaï est d’étudier l’armure sur le corps du guerrier et de montrer la vie, le mouvement, communiqués à cet habit de fer par l’attaque et la défense de la vie : conquête que se vantait d’avoir faite Hokousaï dans le dessin. […] Un kakémono d’une facture dure, mais avec un effort chez Hokousaï de faire plus portrait qu’il ne fait d’ordinaire, dans ces têtes d’enfants, au ton rose de la pêche, et avec des rehauts de blanc sur le nez et les paupières. […] En Angleterre, au British Museum, venant de la collection Anderson, un kakémono en couleur sur soie (Sise 21-5/8 x 32-3/8) représentant : « Tamétomo et les diables dans l’île des diables. » Le héros est assis sur un rocher, près de trois diables qui essayent avec de grands efforts son arc.
Tout servait de prétexte à cette résurrection des grandes journées où la nation française avait conquis, par un effort surhumain, l’admiration de l’univers émerveillé. […] Il ne pouvait oublier ces représentants de la Convention qui avaient si intelligemment découvert sa vocation, secondé son initiative, soutenu ses efforts. […] Cette journée de Waterloo, où la mauvaise fortune ajouta je ne sais quelle beauté triste à la magnificence d’un effort surhumain, fait honneur à l’humanité. […] Elles sont en contradiction avec notre effort et notre intérêt, car ce n’est pas la France qui achète… Tu es, par ta volonté, industriel allemand ; si tu tournes le dos aux Allemands, tu es perdu. […] Ce petit vieillard ratatiné, qui plonge son museau de rat dans un bol de thé, et qui, entre deux gorgées de la liqueur blonde, grignote des pépins de pastèques, voilà certes un philosophe dès longtemps blasé sur la vanité de l’effort humain.
Nul effort : c’est son niveau. […] Pendant un temps, c’était pour Latouche qu’il raffolait ; il lui accordait le génie, tous les talents. « C’est fort heureux, disait sa fille (la spirituelle Mme Ménessier), que Dieu ait fait le monde, car autrement ce serait M. de Latouche qui l’aurait fait. » CXXXVIII Lamartine, chaque matin, soit qu’il écrive ou soit qu’il pérore, improvise, et cette improvisation ne lui coûte aucun effort ; au contraire, elle lui fait plaisir, et lui donne le sentiment de son talent, de sa verve. Il a en effet ce que les bouddhistes demandent dans leurs prières, la facilité dans l’effort.
Au retour de l’île d’Elbe, dans les Cent-Jours, nommé commissaire dans neuf départements du Midi, il a laissé un témoignage de son zèle et de son activité d’efforts dans une pièce confidentielle qui a été publiée65.
Montesquieu, pendant la conception et l’effort de L’Esprit des lois, ne semblait encore qu’un homme de beaucoup d’esprit à la plupart de ses plus sérieux contemporains.
Là où la veille il n’y avait rien, le lendemain il y a un monde : que ce monde soit celui de Shakespeare ou d’Homère, de Molière ou d’Aristophane, de Sophocle ou de Corneille, d’Archimède ou de Pascal ; que ce soit, dans l’ordre réel, l’enchaînement des hauts faits d’un héros ou ces autres bienfaits publics émanés d’un législateur et d’un sage, il n’importe : la médiocrité de la foule, en ajoutant petit à petit tout son effort durant des années, n’aurait pu y atteindre ; tous les ingénieux Marivaux en tout genre, tous les distingués et les habiles, tous les grands médiocres (comme Marivaux lui-même les appelle), entasseraient grain sur grain pendant des siècles pour s’élever et se guinder en se concertant jusqu’à cette sphère supérieure, ils n’en sauraient venir à bout : ce sont des facultés distinctes et diversement royales, don de la nature et du ciel, qui destinent et vouent quelques mortels fortunés à ces rôles, tout aisés pour eux, d’enchanteurs de l’humanité, de conducteurs vaillants et de guides.
Ce qu’il appelle l’âme même n’y suffit pas : il faut un effort philosophique qui laisse souvent le lecteur à moitié du chemin.
[NdA] Il a dit aussi, en pensant aux efforts contre-nature qu’il avait dû faire pendant quelque temps pour être courtisan et pour réussir auprès de Louis XV : Il faut flatter les princes absolument pour les bien servir.
Examinant la nature des différents gouvernements et le dédain que professent les républicains pour celui d’Angleterre, le président de Longueil remarque que le gouvernement romain et celui des Anglais sont les seuls qui aient dû leurs succès et leur grandeur à leur constitution, tandis que les autres ont dû leur plus grande prospérité à ceux qui en ont tenu les rênes : Mais l’art d’attacher les hommes au régime qui les gouverne, et de le renforcer par leurs efforts, quoique souvent en sens contraire en apparence, n’a été le partage que de ces deux peuples.
L’abbé de Pons ne songe même pas aux langues étrangères vivantes, et il en laisse passer le vrai moment : il n’a jamais observé l’enfant à cet âge où il aime à répéter tous les sons, et où tous les ramages ne demandent qu’à se poser sur ses lèvres et à entrer sans effort dans sa jeune mémoire.
Il était porté par le soulèvement du flot populaire aussi haut que possible ; il n’avait qu’un effort à faire pour sauter ouvertement au gouvernail du royaume et pour se saisir hardiment de la couronne.
J’ai la confiance qu’avec votre courage et votre discipline vous sortirez glorieusement de cette position ; de l’autre côté de l’Apennin, vous trouverez un pays fertile qui pourvoira à tous vos besoins ; avant d’y pénétrer, vous aurez des marches forcées à faire, de nombreux combats à livrer : nos efforts réunis surmonteront toutes les difficultés. » Ce discours, que j’ai trouvé dans les archives de la 18e demi-brigade, ne produisit qu’un médiocre effet sur la troupe ; elle ne pouvait avoir confiance dans les promesses d’un jeune homme dont elle connaissait à peine le nom.
Il y a dans Villon bien d’autres pièces dignes d’étude et qui demanderaient un peu d’effort pour être goûtées : je renvoie à M.
On fait des efforts inouïs pour braver un grand danger, puis la gourmandise vous fait succomber dans un petit.
Mais, à sa vue, don Carlos entra dans une soudaine colère, lui fit une scène des plus violentes, et finit par tirer son poignard en criant : « Vous n’irez pas en Flandre, ou je vous tue. » Il fallut tout l’effort du duc pour l’arrêter à deux reprises et lui retenir les mains, jusqu’à ce qu’on accourût au bruit.
J’étais sensible à quelques excès, à quelques efforts dont la singularité me choquait, dont l’originalité ne m’était pas démontrée.
Rodrigue, sous les yeux de son père, en présence de l’infante, de Chimène et d’autres témoins, va, vient, hésite et ne se décide qu’avec un effort visible.
Je ne quitterai point mon poste tant que j’y serai utile, et je redouble chaque jour d’efforts, parce que chaque jour les demandes qu’on me fait s’accumulent et deviennent plus urgentes.
J’ai été quatre ou cinq jours bourrelé et n’ai presque point dormi, ayant besoin d’efforts pour manger ; à quoi j’ai suppléé pour aliment en prenant quelques écuellées de lait pour apaiser le sang… » C’était pour un homme de cœur une position cruelle en effet que de se voir obligé d’attendre des renforts, des moyens d’agir, et de supporter cette infériorité évidente d’un air d’indécision et de timidité.
On peut dire que, plus que personne, il a porté le poids de cet établissement libre et l’a soutenu de tout son effort.
» Elle ne courait point le danger sans doute d’être rayée du rang des nations ; mais Louis XIV, qui exigeait si impérieusement de Villars qu’il livrât une bataille, et qui avait prévu le cas désespéré où elle serait perdue, afin de risquer en personne le tout pour le tout dans un suprême et dernier effort, savait mieux apparemment à quoi s’en tenir sur ses affaires que MM.
En accueillant ces images qui étaient de mise à cette date dans les genres réputés nobles et que paraissait réclamer en particulier la dignité de l’histoire, Jomini ne faisait que suivre le courant public et les exemples d’alentour : il eût fallu de sa part un grand effort d’artiste pour atteindre, en 1820, à la simplicité d’Augustin Thierry ; il lui suffisait, quand il tâchait, d’écrire comme Lacretelle.
Et qu’il vous faut suspendre où s’arrête l’histoire : Voilà tous vos moyens, voilà tous les trésors Dont vous fassent jouir vos plus ardents efforts !
Mais qu’il faut peu de chose à travers ces nobles efforts pour les faire dévier et avorter !
C’est plaisir et douce surprise que de retrouver ces théories et ces œuvres nouvelles analysées, exposées, justifiées parfois, dans un langage courant et pur, avec accompagnement des réminiscences, des citations classiques que le critique y entremêle, et par lesquelles il les rattache sans effort à ce que souvent elles oubliaient.
Au temps de l’empire, il fallut aux empereurs toutes sortes d’efforts et de dissimulation pour implanter, à l’encontre du sénat, quelque chose de l’idée et de l’habitude dynastique.
Le goût des mathématiques pourtant survécut peu en lui à ce double effort ; celui des sciences physiques occupa plus longtemps son esprit.
lui disait-elle encore d’autres fois, l’âge arrive, le cœur se flétrit, même dans le bonheur ; je n’aurai plus tant d’efforts à faire bientôt pour éteindre en moi ce dont votre juste affection se plaint, cette flamme imprudente où elle se brûle. » Et il la rassurait, la conjurait de rester ainsi, et qu’il l’aimait pour telle, et qu’il s’estimerait éternellement malheureux comme objet d’une passion moindre.
Entre son génie et son bon sens, il n’y avait rien ou à peu près, et ce bon sens, qui ne manquait ni de subtilité ni de dialectique, devait faire mille efforts, surtout s’il y était provoqué, pour se guinder jusqu’à ce génie, pour l’embrasser, le comprendre et le régenter.
VIII Je faisais donc quelquefois effort sur moi-même et trêve à ma solitude absolue pour me faire recommander tantôt à M. de Rayneval, tantôt à M. d’Hauterive, tantôt à M. de Barante, tantôt à M. de Vaublanc, et leur demander protection ; ils me recevaient bien, mais en souriant de ma jeunesse et de ma figure, et me remettaient à d’autres temps.
Si elle n’a pas l’éternité du métal, elle n’en a pas non plus le poids ; l’esprit et les sens du vulgaire la supportent avec moins d’effort.
C’est qu’il ne rendait pas par un effort d’esprit l’idée d’Horace et de Juvénal ; mais quand il lisait dans Juvénal : « Si la Fortune veut, de rhéteur elle te fera consul », Si Fortuna volet, fies de rhetore consul, ce n’était ni Quintilien ni des licteurs qu’il se figurait ; mais il revoyait l’ancien régent du collège de Plessis, ce cuistre de la Rivière, en robe rouge de cardinal, siégeant au Parlement parmi les pairs comme évêque-duc de Langres : et aussitôt il notait que le sort burlesque D’un pédant, quand il veut, sait faire un duc et pair.
Par un effort plus méritoire, cet aimable homme, qui regrette si tendrement la France et les siens, refuse de quitter la Terre Sainte : il y fait rester le roi, il y resterait sans lui.
Voilà pourquoi aussi il limite si nettement, et si modérément au fond, son effort.
Ce plaisir, on le trouve un peu puéril et on a quelque peine à le goûter tout d’abord quand on s’est laissé corrompre par d’autres livres où le besoin de la vérité, même triste, surtout triste, s’étale avec quelque chose de maladif et d’outré ; mais, avec un peu d’effort, on s’affranchit de cette impression première ; on sent se réveiller au fond de son âme, sous les tristesses d’une expérience morose, sous le positivisme et le pessimisme acquis, cet amour des fables et des fictions, ce goût de l’irréel qu’apporte tout homme venant en ce monde.
Fabio et Zucca font tous leurs efforts pour lui faire avouer son mariage et sa grossesse.
D’abord ouvrier piqueur de meules (ses mains en portaient le stigmate), il avait conquis de haute lutte (au prix de quels efforts surhumains !)
Savoir les êtres de la chapelle… savoir où l’on est vu et où l’on n’est pas vu, rêver dans l’église à Dieu et à ses affaires… voilà le plus bel effort de la dévotion du temps.
On sent les efforts que fait le poète pour dégager son drame du dithyrambe primitif.
Un grand cœur cède un trône et le cède avec gloire ; Cet effort de vertu couronne sa mémoire.
Il ne s’y voit aucun effort : elle n’a pas tâché, disait-on de Mme de Caylus.
Mais il n’a pas d’effort à faire pour s’y conformer ; sauf l’élévation qui, à un ou deux endroits, lui sort du cœur, et la verve qui, en trois ou quatre passages, est excellente, il est dans Le Vieux Cordelier ce qu’il était dans ses précédents écrits, incohérent, indécent, accouplant à satiété les images et les noms les plus disparates, accolant Moïse à Ronsin, profanant à plaisir des noms révérés, disant le sans-culotte Jésus en même temps qu’il a l’air de s’élever contre l’indigne mascarade de l’évêque apostat Gobel ; en un mot, il parle dans Le Vieux Cordelier l’argot du temps ; il a le style débraillé, sans dignité, sans ce respect de soi-même et des autres qui est le propre des époques régulières et la loi des âmes saines, même dans les extrémités morales où elles peuvent être jetées.
Les personnes de bon sens qui les lisent, et qui jouissent, comme d’une singularité perdue, de tant d’incroyables aveux et d’une façon de voir si princière en toutes choses, peuvent y mettre sans effort les réflexions et la moralité qu’elle n’y met pas53.
Telle m’apparaît, malgré tous mes efforts pour me la représenter plus aimable, la géographe du pays de Tendre, la Sapho de Pellisson.
L’abbé Maury, à cette date, n’avait que vingt-cinq ans et non point quarante, comme le suppose La Harpe, qui veut faire de Maury un talent tout d’effort et de labeur.
Au grand Corneille il a fait avanie ; Mais, à vrai dire, on riait aux éclats De voir ce nain mesurer un Atlas, Et redoublant ses efforts de Pygmée, Burlesquement roidir ses petits bras Pour étouffer si haute renommée.
Rien ne manqua à la solennité ni à l’éclat de cette première représentation : Ç’a été sans doute aujourd’hui, disent les Mémoires secrets, pour le sieur de Beaumarchais qui aime si fort le bruit et le scandale, une grande satisfaction de traîner à sa suite, non seulement les amateurs et curieux ordinaires, mais toute la Cour, mais les princes du sang, mais les princes de la famille royale ; de recevoir quarante lettres en une heure de gens de toute espèce qui le sollicitaient pour avoir des billets d’auteur et lui servir de battoirs ; de voir Mme la duchesse de Bourbon envoyer dès onze heures des valets de pied, au guichet, attendre la distribution des billets indiquée pour quatre heures seulement ; de voir des Cordons bleus confondus dans la foule, se coudoyant, se pressant avec les Savoyards, afin d’en avoir ; de voir des femmes de qualité, oubliant toute décence et toute pudeur, s’enfermer dans les loges des actrices dès le matin, y dîner et se mettre sous leur protection, dans l’espoir d’entrer les premières ; de voir enfin la garde dispersée, des portes enfoncées, des grilles de fer même n’y pouvant résister, et brisées sous les efforts des assaillants.
Un jour, après bien des efforts, M.
» Mardi 12 avril Aujourd’hui la lettre de Blancheron, annonçant dans La Faustin son suicide, je l’ai écrite en pleurant comme un enfant ; — aura-t-elle près du lecteur l’effort nerveux qu’elle a produit sur moi ?
C’est par des raisonnements analogues que le roman moderne, éliminant de l’esprit l’empire des facultés supérieures, et des groupes l’ascendant des hommes d’élite, pose en principe l’inutilité de l’effort volontaire et choisit ses personnages parmi les êtres moralement et intellectuellement dégénérés.
Tel est ce poème d’amour libre et charmant, personnel, réaliste, plein de délicats détails visibles et perçus, libre de la rhétorique déclamation de Musset, de la trop pâle mélancolie de Lamartine, mais vif, tendre, amer, violent, sardonique et emporté, le plus bel effort de la lyre allemande.
De l’effort combiné des deux critiques gardiennes de la tranquillité publique, il résulte une réaction salutaire.
Ce qui n’empêche pas Claudius inquiet de faire effort deux fois pour se débarrasser de lui, au milieu du drame par la hache ou le poignard, et au dénouement par le poison.
Une tête où il y a une idée, voilà le sommet ; les entassements de pierre et de brique font des efforts inutiles.
L’un voit un côté des choses, l’autre en voit un autre ; l’un découvre un fait, l’autre une loi, un autre un sentiment : c’est pourquoi il est bon que tout le monde puisse dire son avis ; c’est de tous ces avis particuliers contrôlés les uns par les autres, c’est de tous ces laborieux efforts des raisons individuelles, que se forme la raison commune.
Un bon auteur, et qui écrit avec soin, éprouve souvent que l’expression qu’il cherchait depuis longtemps sans la connaître, et qu’il a enfin trouvée, est celle qui était la plus simple, la plus naturelle, qui semblait devoir se présenter d’abord et sans effort.
C’est toute la magie secrette de l’art, sans apprêt, sans recherche, sans effort.
L’homme le plus sujet aux accès de l’inspiration pourrait lui-même ne rien concevoir à ce que j’écris du travail de son esprit et de l’effort de son âme, s’il était de sens froid, j’entends ; car si son démon venait à le saisir subitement, peut-être trouverait-il les mêmes pensées que moi, peut-être les mêmes expressions, il dirait, pour ainsi dire, ce qu’il n’a jamais su ; et c’est de ce moment seulement qu’il commencerait à m’entendre.
D’ailleurs croit-on que la crainte de n’être que le second n’excitât pas de l’émulation entre les artistes, et ne les portât pas à quelques efforts de plus ?
oui, reprit-il avec effort, je suis le comte de Saint-Germain.
Tous les monuments de notre littérature de transition entre le moyen âge et notre grand siècle attestent ces efforts constants et réitérés.
Ce furent eux qui déterminèrent la convocation des États-Généraux, dans lesquels se continua, pour se poursuivre, — on sait trop où, — cette longue bataille des réformes contre les privilèges qu’elles menaçaient et qu’elles ont enfin détruites, mais après tant d’efforts, de déchirements et de crimes, qu’il est évident que le temps des anciennes institutions n’était pas accompli, et que Dieu, qui permettait aux hommes de les abolir à leurs risques et périls, ne leur avait retiré ni la force du droit, ni la puissance de la vie.
Nous l’avons fait voir aussi prosaïque qu’un souverain qui entend les affaires, futé, maquignon, général à la dernière extrémité, temporisateur, le Fabius cunctator de la Barbarie, bonne caboche, du reste (comme disait le maréchal de Villars d’une fausse forte tête qu’il méprisait), et dont le front conique entrerait sans effort, à ce qu’il semble, dans le feutre gris des temps modernes.
Le père de Sénèque fit d’inutiles efforts pour arracher son fils à la philosophie : Sénèque se lia avec les personnages de son temps les plus renommés par l’étendue de leurs connaissances et l’austérité de leurs mœurs, le stoïcien Attale29, le pythagorisant Socion, l’éclectique Fabianus Papirius, et Démétrius30 le cynique. […] Ce trône que votre père n’a pu vous laisser, sur lequel les efforts de vos frères ne vous ont pas soutenu, je vous le donne. […] » J’ai dit et je continuerai de dire aux hommes publics, lorsqu’ils seront excédés de dégoûts : « Il ne faut pas s’en aller ; il faut être chassé. » On ne pouvait abandonner trop tôt Néron à sa perversité, sans commettre une faute grave : il n’y en avait aucune à l’abandonner trop tard, à ne lui dire qu’à la dernière extrémité : « Je me lasse de faire des efforts superflus. […] Tacite le justifie, mais sans effort : il raconte des faits dont il était sans doute un peu mieux instruit que nous ; et il les raconte avec simplicité, comme il convenait à un grand historien tel que lui, et avec la circonspection qu’il devait à un personnage tel que Sénèque… Qu’il préconisa le meurtre d’Agrippine. […] Si la Providence n’eût arrêté dans ses décrets que la religion de Jésus-Christ, malgré les efforts, ou grâce aux efforts des persécuteurs, embrasserait toute la terre, et durerait autant que les siècles, les prêtres du paganisme, les historiens idolâtres ne nous auraient-ils pas transmis ces atrocités ?
La langue poétique gagna pourtant à l’effort ; elle y acquit une habitude plus élevée, plus d’images, plus de couleur ; les ardeurs de Ronsard laissaient une belle trace. […] Je ne crois pas qu’il y ait de quoi m’accuser de présomption quand je dirai qu’il faudrait qu’un homme vînt de l’autre monde pour ne savoir pas qui je suis ; le siècle connaît mon nom, et le connaît pour un de ceux qui y ont quelque relief par-dessus le commun ; et néanmoins ne sais-je pas qu’il y a de certains chats-huants à qui ma lumière donne des inquiétudes, et qui, se trouvant en des lieux où la faiblesse de ceux qui les écoutent leur laisse tenir le haut du pavé, font, avec je ne sais quelles froides grimaces, tous leurs efforts pour m’ôter ce qu’il y a si longtemps que la voix publique m’a donné ?
Souvent il en devient plus affecté, à mesure qu’il parle ; souvent il est embarrassé au choix du mot le plus propre à rendre sa pensée, et l’effort qu’il fait alors donne plus de ressort et d’énergie à ses paroles. […] Enfin les lettres de la marquise de Créquy que nous donnons au public pour la première fois, et dont nous devons communication à la parfaite obligeance de la famille de Bonneval, prouvent assez que Mme de Nanthia ne répugnait point au souvenir de sa mère, et que son cœur s’ouvrait sans effort pour s’entretenir d’elle avec les personnes qui l’avaient connue.
Depuis lors, et malgré les efforts restrictifs, la liberté politique de la presse ne cessa de gagner du terrain : elle existait de fait au moment de la convocation des États-généraux. […] Le maintien ou le rétablissement du gouvernement aristocratique, le retour à ce qu’ils regardaient comme l’ancien régime, était leur seul effort et leur unique doctrine.
L’une, c’est la merveilleuse activité d’un esprit dispos, sans lassitude comme sans effort, à qui le mouvement est aussi nécessaire que l’air qu’il respire, et qui, plutôt que de ne pas agir, agirait même avec la légèreté du liège et l’irréflexion de la plume. […] On voit par les bulletins successifs qu’il écrivit lui-même, qu’il corrigea après coup, qu’il effaça pour les corriger encore, tous les efforts qu’il eut à faire pour dérouter la gloire des noms de Desaix et de Kellermann, afin de la revendiquer toute sur lui-même.
Jusque-là tu vivras : mais tu vivras comme tu vis aujourd’hui, tellement assiégé (grâce à mes soins) de surveillants et de gardes, tellement entouré de barrières, que tu ne puisses faire un seul mouvement, un seul effort contre la république. […] Un Cerbère à trois têtes, les flots bruyants du Cocyte, le passage de l’Achéron, un Tantale mourant de soif et qui a de l’eau jusqu’au menton sans qu’il y puisse tremper ses lèvres ; ce rocher contre lequel Sisyphe, épuisé, hors d’haleine, perd, à rouler toujours, ses efforts et sa peine ; des juges inexorables, Minos et Rhadamanthe, devant lesquels, au milieu d’un nombre infini d’auditeurs, vous serez obligé de plaider vous-même votre cause, sans qu’il vous soit permis d’en charger ou Crassus ou Antoine, ou, puisque ces juges sont grecs, Démosthène : voilà l’objet de votre peur, et sur ce fondement vous croyez la mort un mal éternel.
Tu auras vu la France remise debout par l’effort de citoyens désintéressés, appelée, sans acception de parti ou de caste, à se gouverner elle-même, s’élever pendant quelques mois à une magnanime modération et à une légalité volontaire, chercher en soi-même les conditions de la liberté, sauver l’ordre, la vie des citoyens, la paix du monde, puis abdiquer déplorablement son propre règne et préférer la gloire d’un nom dynastique à sa propre dynastie républicaine, trop fatigante pour sa faiblesse ; semblable à ces souverains détrônés de nos premières races qui, laissant les ciseaux du moine dépouiller leurs fronts chevelus, regardaient du fond d’un cloître régner à leur place l’élu du camp ou le maire du palais. […] J’ajoute qu’il me parla avec une éloquence raisonnée et suprême dont je ne le croyais pas susceptible, qu’il éleva cette éloquence du dégoût jusqu’au pathétique ; qu’il s’attendrit lui-même jusqu’à l’émotion qui mouillait ses yeux ; qu’il serrait mes genoux entre ses genoux avec ce geste familier et pressant d’un homme qui veut conquérir un autre homme ; que je restai moi-même souvent sans réplique à ses instances ; que mes refus persistants et mes efforts pour me lever de ma chaise et pour me retirer de sa présence ne le découragèrent pas de me retenir et de recommencer ses instances ; qu’il renvoya deux ou trois fois ses aides de camp, et, entre autres, l’excellent comte d’Houdetot, qui entrouvrait la porte pour lui annoncer tels ou tels survenants et même les ministres ; qu’en sortant, pour aller présider un moment le conseil, il m’enferma à clef dans la salle d’audience, me conjurant en souriant de ne pas profiter de son absence pour m’évader, et de réfléchir jusqu’à son retour ; qu’il revint bientôt après reprendre l’entretien où il l’avait laissé, et qu’enfin, de guerre lasse : « Eh bien, me dit-il, ne vous ai-je donc pas convaincu ?
Veuillot, lui, ne retrouve pas la vérité : il la découvre réellement, il la conquiert, et cela, par son propre effort et en plein frémissement de jeunesse. […] Ne peut-il tenir autant d’émotion, de trouble, de douleur, de faiblesse et d’effort, et de « drame » enfin, dans l’examen de conscience d’un catholique tenté que dans le monologue d’Auguste ou dans celui d’Hermione ?
Le Prêtre, tenant toujours l’hostie de la même manière, appui décemment les coudes sur le devant de l’autel, incline la tête, et prononce tout bas sur l’hostie, sans effort de tête ni de bouche, sans aucune élévation de voix et sans aspiration forcée, les paroles de la consécration. […] La première de l’Assommoir Malgré tant d’efforts, on pouvait craindre un échec Les inquiétudes redoublèrent lors d’un incident qui a soulevé mille querelles, et dont je dois dire quelques mots.
Toute la légère fabulation s’est envolée, s’est perdue dans le vide, comme un oiseau sous un coup de pierre, et tous les efforts de mon imagination, travaillant à ressaisir l’ébauche de création de la soirée, n’aboutissent qu’à reconstruire dans ma cervelle, et me faire toute présente, la néfaste figure de M. […] Mais l’attirant de ce monde neuf, qui a quelque chose de la séduction d’une terre non explorée, pour un voyageur, puis la tension des sens, la multiplicité des observations et des remarques, l’effort de la mémoire, le jeu des perceptions, le travail hâtif et courant d’un cerveau qui moucharde la vérité, grisent le sang-froid de l’observateur, et lui font oublier, dans une sorte de fièvre, les duretés et les dégoûts de son observation.
Car, que vous l’ayez ou non remarquée, elle ne manque jamais, cette consonne ; ce qui manque à ces beaux vers, c’est la variété du rythme, c’est la nouveauté des images, c’est l’inspiration sans effort, c’est l’accent, c’est le nescio quid. […] Ces strophes qui se suivent lentes et régulières font songer à des pierres de taille parfaitement carrées, également pesantes, qu’on roulerait, et il semble qu’un peu de l’effort nécessaire à mouvoir de telles masses retombe en fatigue sur nos épaules.
Socrate, lui, a toujours distingué les impulsions spontanées, qui seules étaient divines à ses yeux, et les motifs que son esprit concevait ensuite de les trouver raisonnables et divines ; ceci était bien humain, car il y sentait l’effort personnel de son intelligence ; ce qui est divin, c’est l’intuition ; l’acte propre de l’esprit humain, c’est la dialectique laborieuse par laquelle la pensée discursive s’efforce de joindre les idées divines. […] Selon quelques auteurs, la parole intérieure devient vive, puis extérieure, même dans la méditation scientifique, quand nous voulons penser fortement, ou quand le problème qui nous occupe exige un grand effort d’attention et comme le concours de tout notre être (de Cardaillac, p. 320 ; cf. p. 306 ; A.
Puisque ce fanatisme se portait sur la forme républicaine qu’il a enfin obtenue, elle convie tous les esprits sages, tous les amis d’une liberté honnête, quel que soit leur point de départ, à se réunir sincèrement en cette nouvelle enceinte ; elle conjure les cœurs saignants de ne pas se soulever contre un fait accompli : « Il me semble, dit-elle, que la vengeance (si même elle est nécessaire aux regrets irréparables) ne peut s’attacher à telle ou telle forme de gouvernement, ne peut faire désirer des secousses politiques qui portent sur les innocents comme sur les coupables. » Il n’est pas en révolution de période plus heureuse, selon elle, c’est-à-dire plus à la merci des efforts et des sacrifices intelligents, que celle où le fanatisme s’applique à vouloir l’établissement d’un gouvernement dont on n’est plus séparé, si les esprits sages y consentent, par aucun nouveau malheur. […] A dater de 1811 surtout, en regardant au fond de la pensée de Mme de Staël, nous y découvrirons par degrés le recueillement que la religion procure, la douleur qui mûrit, la force qui se contient, et cette âme, jusque-là violente comme un Océan, soumise aussi comme lui, et rentrant avec effort et mérite dans ses bornes. […] Corinne a beau resplendir par instants comme la prêtresse d’Apollon, elle a beau être, dans les rapports habituels de la vie, la plus simple des femmes, une femme gaie, mobile, ouverte à mille attraits, capable sans effort du plus gracieux abandon ; malgré toutes ces ressources du dehors et de l’intérieur, elle n’échappera point à elle-même.
Samedi 22 octobre Ce soir Chennevières me parlait d’efforts, tentés sans succès près de Simon, pour révolutionner le gouvernement de l’art. […] On y voit encore des fillettes qui, dans l’effort de porter un petit sac sur leurs têtes, montrent tendu en avant, sous le placage de la robe mouillée, le dessin menu de leur petit ventre, de leurs cuisses grêles. […] Chez tous, il y a un frisson douloureux, mêlé à une curiosité avide des pâleurs, des taches de sang, des souffrances contenues et mangées par ces mutilés, qui se savent regardés, et font effort pour être à la hauteur du spectacle. […] On cause de l’inertie du gouvernement, du mécontentement produit dans la population par l’absence de l’action du général Trochu, par ses atermoiements sans fin, par le néant de ses tentatives et de ses efforts.
Au moment où Alceste dispute et se querelle avec Célimène ; bien plus, au moment où, plein d’indignation contre Célimène, il comprime sa colère avec un immense effort. […] Il promène sur le monde un regard très perçant, très sûr et très tranquille, bien convaincu de la dépravation humaine et également de l’inutilité de tous les efforts qu’on ferait pour la guérir. […] Jourdain veut passer pour gentilhomme ; mais aussi il fait des efforts louables pour le devenir, pour s’élever au-dessus de ce qu’il est par le savoir et l’acquisition des bonnes manières. […] Le civisme, c’est le sentiment non pas précisément qu’on doit aimer son pays et lui être reconnaissant et lui être dévoué, que le sentiment que, pour sa part, on le constitue ; c’est le sentiment, non point précisément qu’on est le fils de sa patrie, mais qu’on en est le père et qu’on doit l’être ; le civisme consiste à songer sans cesse qu’on fait la patrie par ses efforts, par les exemples qu’on donne, par ses paroles, par ses écrits. […] La première, c’est que ce qui, dans la femme, est utile à l’homme, c’est, sans doute, ce que la femme peut normalement, facilement, aisément, sans effort pénible, développer et mettre en exercice.
Considérez encore qu’elles furent faites pour ce qu’elles font, que leur nature est conforme à leur destinée, qu’elles sont parfaites sans effort. […] Je goûtais sans effort la bonté des choses. […] Charles Richet, que « la volonté, ou l’attention qui est la forme la plus nette de la volonté, semble être la conscience de l’effort et la conscience de la direction des idées. L’effort et la direction sont imposés par une image ou par un groupe d’images prédominantes, par des tentations et desémotions plus fortes que les autres ». […] Que lui sert d’insulter au prodigieux effort des sociétés modernes qui essayent depuis cent ans, avec un génie et des succès divers, de s’organiser d’une manière équitable et rationnelle ?
Sismondi, de son côté, écrit à la comtesse d’Albany, à propos de l’auteur des Martyrs : « Comme il n’est rien qu’avec effort, comme il veut toujours paraître, au lieu d’être lui-même, ses défauts sont tâchés comme ses qualités ; et une vérité profonde, une vérité sur laquelle on se repose avec assurance, n’anime pas tous ses écrits. » Eh bien ! […] Mais il me faut te perdre après l’avoir perdu ; Cet effort sur ma flamme à mon honneur est dû ; Et cet affreux devoir, dont l’ordre m’assassine, Me force à travailler moi-même à ta ruine. […] Corneille a dû se contenter de nuances moins heurtées ; mais il a su pourtant tirer des effets très heureux de ces touches familières, intimes, naïves de ces scènes de demi-caractère et de quasi-comédie, qu’il a fondues si naturellement, si agréablement, avec les scènes grandioses et sublimes ; à tel point que cette tragi-comédie, envisagée de ce côté-là, pourrait s’appeler, si l’on voulait : le Mariage interrompu, quoiqu’elle soit, en même temps, un fragment d’épopée immense, et que le poète nous transporte, comme de plain-pied et sans effort, sur les sommets les plus tragiques, et nous élève, sans perdre terre, dans les régions de l’idéal. […] Paraissez, Navarrois, Maures et Castillans, Et tout ce que l’Espagne a nourri de vaillants ; Unissez-vous ensemble, et faites une armée A combattre une main de la sorte animée : Joignez tous vos efforts contre un espoir si doux ; Pour en venir à bout c’est trop peu que de vous ! […] Mais on excuse l’un et l’autre poète puisque, grâce à ce moyen, Chimène laisse éclater enfin publiquement l’aveu, désormais irrécusable, de son amour : Sire, il n’est plus besoin de vous dissimuler Ce que tous mes efforts ne vous ont pu céler.
Bref, il n’y a plus à en douter, surtout lorsque l’alliance déclarée avec l’électeur de Bavière va exiger un grand effort pour la jonction, Villars est l’homme du roi à l’armée du Rhin, l’homme de la pensée de Versailles et en qui on a confiance pour l’exécuter ; Catinat n’est plus général en chef que de nom, jusqu’à ce que les convenances mêmes indiquent qu’il n’y peut honnêtement demeurer.
Pour atteindre ce but, il a fallu quelques efforts et assez d’adresse.
Il semble que ses vers sont tombés de sa plume sans nul effort, comme les mots d’une bouche éloquente… C’est par là que Mme Valmore me paraît digne d’occuper une des premières places parmi les femmes-poètes de ce siècle.
L’ordre primitif, indiqué par Jomini dès le matin sur le terrain même, — terrain qu’il connaissait bien, puisque ç’avait été un des champs de bataille de Frédéric, — était de marcher droit sur les clochers de Hochkirch (Haute-Église), le point culminant de tout l’échiquier, d’y faire converger les colonnes pour occuper la chaussée de Wurschen, ce qui eût porté l’effort, en plein, derrière la ligne ennemie entièrement débordée.
Enfin, grâce à ces premiers efforts, l’abbaye de Notre-Dame de la Maison-Dieu de la Trappe se retrouvait une maison de prière et de silence, dans ce vallon fait exprès, que cernent la forêt et les collines, et au milieu de ses neuf étangs.
Aujourd’hui donc qu’à la France étonnée Par tant d’efforts la palme enfin gagnée Ne laisse voir qu’un triste et maigre fruit ; Quand le combat recommence à grand bruit ; Toi, sans dégoût, à ton passé fidèle, Sans repentir (car la cause était belle, Elle était sainte, et dut nous enflammer), Toi, désormais, tu sais où te calmer.
On ne lui a peut-être pas assez tenu compte jusqu’ici de son second effort.
Le pas en effet est glissant, de la confusion se peut faire sans trop d’effort, si l’on n’y prend garde : M ignet du moins ne l’a jamais entendu ainsi, et quel qu’ait été, selon lui, le rôle assigné aux individus par le destin ou la Providence dans l’ordre successif des choses, il a toujours mis à part l’intention morale.
Du milieu des bouleversements de sa jeunesse et des nécessités matérielles qui en furent la suite, Prévost tendit d’un effort constant à cette sagesse pleine d’humilité, et il mérita d’en cueillir les fruits dès l’âge mûr.
L’ouvrage fut publié d’abord en 1770. « La Révolution, dit un des personnages, s’est opérée sans effort, par l’héroïsme d’un grand homme, d’un roi philosophe digne du pouvoir, parce qu’il le dédaignait, etc. » (
Un autre narrateur, qui vers le même temps que Robert de Boron, et sans doute sans le connaître, traitait la même matière, montrait l’adultère Lancelot et le léger Gauvain s’épuisant en vains efforts, malgré leurs chevaleresques vertus, pour conquérir le précieux plat : cet honneur était réservé à l’impeccable Perceval.
La moralité allégorique et la sottie sont des efforts pour dégager les qualités générales, l’essence des caractères et des conditions.