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1113. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

J’ai pu, à propos de la comédie de Soudraka, et sans effort et sans vain désir de vous étonner, nommer Musset, Henri Heine, Voltaire, Ibsen, Renan. […] Elle sait que l’idée même d’une possession physique n’a jamais traversé l’esprit de Carmosine ; car tout désir égoïste serait essentiellement contradictoire au sentiment que la jeune fille mourante éprouve pour don Pèdre. […] Aider le mari à se tuer et, dans le même moment, accepter l’idée d’épouser la femme plus tard, — ou contribuer à la mort du mari pour épouser la femme, cela suppose deux dispositions d’âme trop proches l’une de l’autre, trop menacées de se confondre l’une dans l’autre, puisqu’il n’y a entre elles deux que l’épaisseur d’un désir, et que, ce désir si naturel, Edouard ne saurait jurer qu’il ne l’éprouvera point à l’instant décisif, qu’il n’y souscrira pas dans le secret de son cœur, et qu’il ne passera pas, ainsi, du désir à l’intention. […] Le désir cruel m’avait mordu… Il peut me perdre ! […] Coquelin (j’entends sa personne artistique), de ce que je sais de son talent, de ses aptitudes et même de ses désirs secrets.

1114. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Une fois liés par cette déclaration, que notre fidélité à ce qu’elle ordonne rendra solennelle, nous n’alarmerons plus le soupçon ; on ne cherchera plus de but secret à nos paroles ; on ne leur supposera plus de tendance cachée ; on prendra moins souvent la peine de nous épier et de nous nuire ; on deviendra calomnieux, soit en nous prêtant des intentions de flatter les préjugés ou la puissance, soit en nous accusant de les braver ; enfin l’on n’aura plus à redresser que les innocentes erreurs de notre esprit ; et le cœur d’un homme qui n’a jamais eu d’autre désir que le bien, la vraie gloire et le repos de son pays, pourra s’exprimer sans inquiétude, sans risque, et par conséquent sans détour, et démontrer tout franchement ce qu’il croit bon et salutaire, ou mauvais et pernicieux. […] Puisse une telle invocation, exaucée, m’affermir dans la marche que m’ont fait prendre le désir et l’espérance de plaire à mes auditeurs ! […] Nous allons voir d’autres raisons de convenance diriger Virgile en son choix dans un siècle où la fureur d’une politique conquérante et les excès des dissensions civiles faisaient regarder la guerre comme le plus horrible fléau et soupirer tous les cœurs du désir d’une heureuse paix. […] Après lui avoir refusé le privilège d’être inventeur, le désir d’attaquer son style même, afin de le ruiner tout à fait dans l’opinion, ne l’égare-t-il pas jusqu’à citer en exemple d’un goût plus burlesque que plaisant, ces deux vers de la belle Dorothée, « Et j’ai trahi la Trimouille et l’Amour « Pour assister à deux messes par jour : Et cet autre vers que l’auteur met dans la bouche de saint Denisp, « Je suis Denis et saint de mon métier. […] Les heures mal employées, les jours usés dans l’oisiveté de l’ignorance, les larmes, les soupirs des amoureux, les prières des misérables pécheurs, les réputations faussement acquises, les stériles projets, les désirs plus nombreux et plus vains, les hommages intéressés offerts à l’insouciance des princes et des patrons, les vers à la louange des grands seigneurs, les serres d’aigle figurant l’excès d’autorité qu’usurpent les ministres, les cruches cassées représentant les disgrâces des courtisans, les aumônes léguées par testament ; là, comme il l’ose dire, la donation de Constantin au bon pape Sylvestre, les couronnes antiques, les empires jadis fameux, dont les noms ne sont plus connus, enfin les trésors, les villes, les citadelles, ou dissipées ou tombées en ruine par les effets de nos frénésies désastreuses, tout ce que nous perdons va droit en ce lieu, où nous chercherions vainement un grain de folie, car elle nous est toute restée ici-bas.

1115. (1876) Romanciers contemporains

Était-ce désir de surprendre par le contraste ? […] Par ce dernier désir, Risler est homme, Risler est vrai. […] Cette vocation littéraire, que si souvent les parents contrarient, oubliant qu’ils aiguisent ainsi les désirs qu’ils combattent, cette vocation littéraire irrésistible, M.  […] Tes désirs sont pour nous des ordres. […] Elle avait des aspirations, des désirs, des rêves, tout un monde de chimères dans la tête, et toute une colonne de calculs dans le cœur.

1116. (1933) De mon temps…

  Jeune, d’une audacieuse et fière jeunesse, belle d’une touchante et singulière beauté, Anna de Brancovan, devenue la comtesse Mathieu de Noailles, n’eut pas longtemps à attendre cette gloire qu’elle appelait à elle de tout l’élan de son cœur innombrable et de tout son frémissant désir. […] Cependant, lors du banquet qui lui fut offert le 1er mars 1895, Edmond de Goncourt témoigna le désir qu’un poète y prît aussi la parole. […] Assez souvent j’allais y rejoindre Mallarmé, et parfois Méry Laurent témoignait du désir d’aller, vers la fin du jour, faire un tour de promenade. […] Et cette scandaleuse chronique où les fleurs du désir se mêlaient à la boue des vices, Elémir Bourges la rapportait d’une plume à la Saint-Simon, d’un style aux tours un peu archaïques, mais dont la puissance verbale annonçait un grand écrivain.

1117. (1925) Dissociations

Notre désir est plus fort que la vie. » Et ainsi la sensibilité, qui a créé la civilisation, la sauvera de la tyrannie du scientisme dogmatique. […] Certes, la femelle de l’homme est généralement, dans sa jeunesse du moins, plus présentable que le mâle, mais outre que cela est bien fugitif, il ne faut pas douter que cette beauté ne soit en grande partie la créature de notre désir, tandis que la beauté de certains animaux frappe directement notre sens esthétique. […] Cependant, l’homme sera toujours pareil à lui-même, pourvu du même corps, de la même âme, des mêmes passions, des mêmes désirs, du même ennui. […] Certes, elle en fut la cause première, mais elle manqua d’argent pour passer des désirs aux actes.

1118. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

L’intérêt ne peut se soutenir que par l’incertitude de ce qui peut arriver, et il s’augmente par le désir et l’impatience qu’on a de l’apprendre. […] On entend par son exposition, l’état où se trouvent les personnages et sur lequel ils délibèrent ; on entend par son nœud, les intérêts ou les sentiments qu’un des personnages oppose aux désirs des autres ; et enfin par son dénouement, l’état de fortune ou de passion où la scène doit les laisser : après quoi, l’auteur ne doit plus perdre de temps en discours qui, tout beaux qu’ils seraient, auraient du moins la froideur de l’inutilité. […] Tout ce que vous voyez conspire à vos désirs ; Vos jours toujours sereins coulent dans les plaisirs ; L’empire en est pour vous l’inépuisable source ; Ou si quelque chagrin en interrompt la course, Tout l’univers, soigneux de les entretenir, S’empresse à l’effacer de votre souvenir : Britannicus est seul ; quelqu’ennui qui le presse, Il ne voit dans son sort que moi qui s’intéresse, Et n’a pour tout plaisir, Seigneur, que quelques pleurs Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs. […] On a cru longtemps que l’amour conjugal n’était pas propre au théâtre : on se fondait sans doute sur ce que la possession refroidit les désirs, et que les sentiments du devoir ne sauraient être aussi vifs que ceux qui sont irrités par la défense.

1119. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Le désir d’étonner et d’être étonné est très-légitime. […] Mais un grand peintre est forcément un bon peintre, parce que l’imagination universelle renferme l’intelligence de tous les moyens et le désir de les acquérir. […] Diaz ; mais il est permis de supposer que ces louables désirs lui sont venus trop tard. […] Il est présumable que je suis moi-même atteint quelque peu d’une nostalgie qui m’entraîne vers le soleil ; car de ces toiles lumineuses s’élève pour moi une vapeur enivrante, qui se condense bientôt en désirs et en regrets.

1120. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

La vie de famille, entremêlée des travaux de sa place, suffisait à ses désirs. […] Mais les sollicitations de sa famille, et surtout la modestie de ses désirs, le rappelèrent promptement à Édimbourg, où il devint d’abord associé, puis successeur de M.  […] À seize ans, il a quitté le collège, la tête remplie de plusieurs centaines de poèmes et de romans, et le cœur aussi vieilli que s’il avait déjà éprouvé et analysé les désirs et les affections, contrariées ou satisfaites, qui suffiraient à défrayer plusieurs existences. […] Toutes les fois qu’il parle de la puissance et de la richesse, on voit qu’il ne conçoit ni les ambitions subalternes ni les simples désirs : il lui faut tout un peuple à gouverner, ou autrement il aimerait autant n’être que portier. […] essayons encore d’éveiller ses sens engourdis. » Et comme il n’a pas réussi, il est arrivé que les désirs de Lélia, ne rencontrant dans la réalité rien qui pût les éteindre et les amortir, ont été s’agrandissant, s’exagérant tous les jours.

1121. (1923) Au service de la déesse

C’était une âme de désir et d’angoisse. […] Mais de tels raisonnements, qui flattent vos désirs, ne changent rien du tout à la réalité, qui se moque de vos désirs. […] Comme Feinaigle, à Munich, avait chapardé la, méthode von Arétin, Guivard eut, à Paris, le désir de confisquer la méthode Feinaigle, ci-devant von Arétin. […] Il possédait, fruit de son travail, de petites économies et revint chez nous, mené par le grand désir d’apprendre : et d’apprendre quoi ? […] Cependant, l’idée de patrie n’est pas mourante le moins du monde : voilà le fait, que tous les désirs qu’on a ne modifient pas.

1122. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Je coupe ces quelques lignes : On peut surprendre dans les regards des tout petits qui s’essaient à marcher, la même expression qu’aux yeux des vieillards presque impotents : la même application entêtée, le même désir, le même effort d’une petite marche en avant ; un appel vers ceux qui sont là, et le désir qu’ils vous aident à commencer l’existence ou à vivre encore un peu. […] Elle avait en tête un tas de préoccupations captivantes, plus captivantes que le désir de tendre ses lèvres au baiser d’un amoureux que rongeait une ardeur désespérée. […] Pendant l’été, le désir de l’eau froide lui faisait accélérer sa toilette quotidienne et sa sortie matinale vers la douche, tandis que, pendant les grandes gelées, il trouvait tant de petites choses à faire chez lui avant de partir, qu’il arrivait toujours à l’établissement une heure plus tard que d’habitude. […] C’est ce désir de retour à la simplicité qui apparaît surtout dans le dernier roman de M. de Bonnières. […] Voyez la marque de ce désir dans ces quelques lignes : Et toutes ces émotions si délicieuses parce qu’elles sont inexprimables et infinies, il faut, pour les rendre, que je me serve de mots que j’ignorais alors.

1123. (1897) Aspects pp. -215

Malgré tous ses combats, tous ses désirs, toutes ses chutes, la nostalgie persistait en lui d’une vie paisible, en demi-teintes. […] S’ils font vibrer en nous plusieurs des fibres les plus essentielles de l’âme c’est parce que, pénétrant loin sous les sentiments émoussés dont nous revêtons d’habitude les plus humains de nos désirs, ils chantent l’hymne de la nature raillant l’Inconnaissable. […] Séduits par l’intention, amusés, comme des enfants, aux chocs de vocables qu’on leur affirmait décisifs, qu’on leur présentait comme réalisant leur désir d’absolue beauté, ils se laissèrent suggestionner, Les écrits de certains s’en ressentirent : par exemple presque tous les premiers poèmes de M. de Régnier. […] Paul Adam ce désir d’évoquer toute la vie, de la poursuivre en ses méandres les plus mystérieux. […] Son désir de rester sincère vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis des autres fera toute sa valeur.

1124. (1802) Études sur Molière pp. -355

. — Blessées par les coups de bâton que Mascarille donne à son maître, par le regret qu’a Lélie d’avoir rendu la bourse d’Anselme, et par l’approbation que son silence donne à ces deux vers de Mascarille : Votre père fait voir une paresse extrême À rendre par sa mort tous vos désirs contents. […] Honneur aux comédiens qui la possèdent, honneur à ceux qui l’ont embellie ; mais je demanderai si l’amour-propre de quelques acteurs, la manie d’avoir plus d’esprit que l’auteur, le désir de vouloir être original, la fureur d’être applaudi par la multitude, nous l’ont conservé bien pur, ce dépôt précieux ? […] En vain chercha-t-il à s’emparer exclusivement de l’attention, lorsque ses camarades parlaient, en vain fit-il une ariette de chaque tirade, en vain sacrifia-t-il la pièce à la scène, la scène au vers, et toutes les bienséances au désir de produire de l’effet : il eut toujours l’air, le ton, la fausse fierté d’un petit maître subalterne, qui, après avoir fait des dettes, après avoir escaladé les murs d’un couvent, vient se cacher et faire de nouvelles fredaines dans le castel de son bon homme de père. […] Si je jouais le rôle de Dubois, je sentirais que le caractère de mon maître n’a pas dû m’accoutumer aux pasquinades ; que la peur de le voir arrêter elle désir de le suivre peuvent bien m’avoir fait endosser à la hâte un habit de voyage ; mais que, certainement, je n’ai pas cru marcher plus vite en prenant des bottes fortes, et que Molière, en notant en toutes lettres, Dubois, après avoir longtemps cherché le billet , n’a pas voulu que je fisse la burlesque revue de vingt chiffons de papier52, que je cherchasse, comme Armand, le redoutable billet dans ma botte, et que ces mauvais lazzis achevassent de faire remarquer combien le ton de cette scène est étranger à celui de la pièce53. […] Molière n’a pas évité ce défaut, nous dirons même que dans la pièce française les deux jeunes gens tiennent bien moins l’un à l’autre que dans la pièce latine ; les aventures des deux cousins y sont intimement liées par l’adresse de Geta, qui fait servir le mariage d’Antiphon, et le désir qu’ont les vieillards de le rompre, à favoriser la tendresse de Phedria.

1125. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

si tu demandes en quelle année a été construit ce portail, je te réponds: « De dessus le portail de Désir, demande tes désirs. » Pour entendre ce dernier distique, il faut savoir qu’au lieu que, dans notre alphabet, il n’y a que sept lettres numérales, ou qui servent de chiffres, comme le V qui vaut cinq, l’X dix, l’L cinquante: l’alphabet, chez tous les Orientaux, a l’usage des nombres arithmétiques ; ainsi, par un jeu d’esprit à quoi il faut beaucoup d’imagination, ils marquent l’année d’une chose par des mots qui y ont du rapport, et qui sont composés des lettres qui fassent juste, en leur valeur d’arithmétique, le nombre des années de leur époque. […] Le dernier mot signifie désir.

1126. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Le véritable sujet qui vous y porte, si vous voulez que je vous le dise, encore que vous le sachiez aussi bien que moi, c’est le désir que vous avez de gouverner la Perse, et longtemps et à votre gré ; c’est pour cela que vous voulez élire un enfant, sous la minorité duquel tout vous sera permis, et vous pourrez exercer une puissance absolue: car ce que l’on allègue du prince aîné, que sans doute il est privé de la vie ou de la vue, ne peut passer pour autre chose que pour une pure illusion. […] Hamzeh-Mirza lui-même, pour qui vous avez prostitué vos consciences, ne vous en saura pas de gré un jour ; il vous regardera comme des chiens, qui ne lui auront procuré cet honneur que dans le désir de faire curée, et qui, dans l’espérance de s’engraisser pendant son bas âge, auront laissé Dieu et la loi, le Prophète et le livre, l’explication, la droite raison et la justice. […] Ils voyaient tous qu’il parlait contre ses propres intérêts, et que ce ne pouvait être que le zèle pour la justice et pour le bien de l’État, le désir de contenter les peuples et la fidélité qu’il devait à son défunt maître qui le faisaient agir.

1127. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Car l’humanité redoute toujours un effort nouveau, je ne sais quel désir de repos, je ne sais quel sentiment de la quiétude existe profondément dans les consciences. […] Originellement, un être contient donc un groupe défini de penchants, de sentiments et de désirs, lentement élaborés dans la suite des dégénérations ancestrales, il les contient en puissance, mais l’éducation, l’atmosphère morale, le milieu physique où sa vie s’accomplit, modifieront ses facultés premières, lui fourniront des circonstances favorables ou nuisibles à l’éclosion de ses aspirations latentes. […] Oui, vous êtes la fleur insolente et abominable de cette Bourgeoisie qui, au travers des empires, des monarchies et des républiques, mène le peuple avec des mots quand, ignorant et aveugle, il est sage, avec du plomb quand, instruit et clairvoyant, il bouge ; cette Bourgeoisie qui a assassiné les princesses légitimes, Liberté, Fraternité, Justice, pour mettre à leur place et saluer de leurs noms sacrés on ne sait plus quelles immondes courtisanes, vieilles et fardées… oui, nous la démasquons en vous, cette Bourgeoisie exécrée, et elle s’offre ainsi à nos yeux avec une de ses caractéristiques les plus importantes, sa volonté d’ignorer la souffrance humaine hors de ses accidents particuliers, et ses pratiques égoïstes de charité individuelle inspirées par la crainte de la révolution ou de l’enfer, par le désir du paradis ou d’un siège à la Chambre, de popularité ou de gloire, par besoin d’excuse pour certaines faiblesses devant sa propre conscience ; elle s’offre à nous avec sa terreur de la justice absolue, de l’égalité absolue, proclamées il y a dix-huit cents ans par le Christ, il y a plus de cent ans par la France, et aujourd’hui dans le monde entier par tout ce qui a un cerveau et un cœur, justice et égalité qui ne seront d’ailleurs une loi sociale universellement acceptée que le jour où, les frontières disparues, les possédants n’auront plus l’excuse de la Patrie à défendre pour entretenir des armées qui ruinent les peuples et qui, aux jours où ils se lèvent pour sauvegarder leurs libertés menacées, les massacrent.

1128. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Par exemple, les organes vocaux d’un homme ne parvenant pas à se plier à la prononciation de la langue russe, l’imagination du même homme peut être, en même temps, capable de reproduire exactement toutes ces articulations si difficiles : un Français établi en Russie aura de l’accent en parlant ; mais sa parole intérieure sera correcte, s’il a le ferme désir de corriger les défauts de sa parole audible, si son attention se porte toujours quand il parle et quand il étudie, vers la prononciation normale. […] Si, dans certains cas, l’image sonore est accompagnée d’une image tactile discernable à l’observation psychologique, ce sont là des cas exceptionnels qui confirment par opposition la règle générale ; j’accorde volontiers qu’il y a de tels cas : ainsi l’image tactile accompagne visiblement l’image sonore quand nous y tenons ; elle l’accompagne, même contre notre désir, si nous portons notre attention sur son idée ; ces deux circonstances, notons-le, ne peuvent se rencontrer que chez un psychologue ; — l’image tactile reparaît encore quand notre parole intérieure s’anime et se rapproche de la parole extérieure [ch. […] n’est-il pas à craindre que l’acteur, au lieu de suivre son inspiration naturelle ne modifie son jeu pour répondre aux secrets désirs du spectateur ?

1129. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Rencontrant par hasard le marquis de B…, ***, qui brûle de l’impertinent désir d’être présenté dans le véritable monde, demandait assez cavalièrement au marquis de lui en ouvrir la porte. […] Privat, qui s’était constitué le député de leur désir, — vint dire à Virmaître : — Nous demandons qu’il y ait au bureau du journal, — une sonnette de nuit pour les avances. — Comme Virmaître avait consenti, un des riches actionnaires du Corsaire lui demanda tout bas, si ce n’était pas inaugurer là un système dangereux. — Laissez donc, répondit-il, — dans deux jours la sonnette sera cassée. […] Eh bien, cette même personne, dont le cœur restait fermé à triple tour et en dedans, à tous les plus ingénieux Sésames que peut inspirer le désir, fut, dit-on, attendrie l’autre soir au bal de l’Opéra-Comique. […] Le seul désir du caudataire est aussi de monter dans les carrosses de la renommée— ne fût-ce que par derrière. […] L’enfant, qui est en vacances, et pour qui cette fonction de cicérone équivaut à une rentrée en classe, montre d’abord peu de soumission aux désirs paternels, et commence, la mémoire un peu troublée, une explication qui n’est pas d’accord avec Malte-Brun.

1130. (1903) Le problème de l’avenir latin

Dans la suite elle nous apparut d’une importance telle, que le désir nous vint de la reprendre et de l’éclaircir en lui donnant toute son étendue. […] Rien ne subsiste de sa prodigieuse jactance, de son goût de l’aventure, de son désir d’inspirer la terreur. […] Dès le premier aspect, les deux contrées, les deux peuples avaient semblé moins se connaître que se revoir et se retrouver. » L’ambition intime et constante, le plus cher désir du Gallo-Romain, après son incorporation matérielle à l’Empire, c’est de s’y intégrer moralement, d’arriver à en faire partie, non point nominalement, mais en réalité et en esprit. […] C’est le champ ouvert au libre fauve, au pur, instinctif, personnel animal humain en proie à son désir et à sa faim. […] Nous n’avons pas au fond de plus grand désir au cœur — maintenant que nous ne sommes plus les forts — que celui d’une existence tranquille et médiocre, exempte de grands efforts et de vastes ambitions — une existence de bureaucrate, pourrait-on dire — soutenue par les débris du capital légué par les ancêtres.

1131. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

il te reverra, si ton cœur t’y porte, quand les tièdes vents du printemps souffleront, au retour de la première hirondelle. » Par une transition glissante et naturelle il passe de là à la délicatesse de Mécène, qui n’importune pas son ami de dons et de faveurs difficiles à refuser ; puis il intercale, en vers laconiques et pittoresques, une moquerie douce contre ceux qui aspirent à une fortune disproportionnée à leurs désirs. […] Mais cet apologue, volé par les deux poètes à Ésope, et par Ésope lui-même au fabuliste indien, Lakman, finit, dans Horace, par un vers lapidaire qui contient avec une énergie sublime le proverbe éternel de la modération des désirs : Serviet æternum qui parvo nesciet uti ; Il sera éternellement esclave celui qui ne sait pas se contenter de peu.

1132. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Ils vont poursuivant le détail de plus en plus, et, tourmentés du désir de donner avec des mots la sensation même des choses, il leur arrive, comme à l’auteur de la Momie, de mêler à la langue littéraire des réminiscences et quelque chose du vocabulaire de l’atelier. […] C’est que les auteurs, en proie à cette inquiétude, à ce désir inassouvissable d’une expression égale à leur impression, ont trouvé (là est l’affectation) que les mots connus étaient usés, n’accrochaient pas assez l’attention, et aussi (là est la part de sincérité) que ces mots ne rendaient pas tout ce qu’ils voulaient.

1133. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Demandez-le au magistrat sans repos dans la conscience, au médecin sans sommeil sur son oreiller, à l’ambitieux sans limite dans sa soif de domination et de primauté sur ses semblables, à l’orateur, à l’écrivain, au poète, dévorés de l’insatiable désir de surpasser leurs rivaux ou de se surpasser eux-mêmes, hommes tellement affamés de renommée, dont ils font du pain pour leurs enfants, que, s’ils croyaient trouver une nouvelle veine de talent dans leur propre sang, ils se saigneraient eux-mêmes aux quatre membres pour jeter leur vie au public en retour d’un peu de gloire ou d’un peu de pain ! […] Car, en quelque climat que l’homme marche ou vive, Au but de ses désirs, pensé, voulu, rêvé, Depuis qu’on est parti qui donc est arrivé ?

1134. (1914) Boulevard et coulisses

Auteurs et directeurs les voient chaque jour arriver chez eux, par files, toutes frémissantes du désir de la scène, très décidées à n’être jamais ni ouvrières, ni fonctionnaires, ni femmes de petits employés. […] Un soir, tous ses désirs se sont précisés, toutes ses réflexions se sont condensées en un mot : le théâtre.

1135. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Marivaux a été frappé d’un trait du caractère féminin, l’amour-propre dans le désir de plaire. […] Elle feindra de ne pas comprendre le désir qui la poursuit, elle se persuadera à elle-même qu’elle ne s’en aperçoit pas. […] Il y a de la gageure dans cette conception de l’art et le désir malicieux, la prétention piquante de vouloir être compris sans presque rien dire. […] » — Là il est fait d’impatience de ce qu’on possède et du désir de ce qu’on vous défend (Double inconstance). — Ailleurs il est fait de la honte même d’aimer : « Quoi ! […] On sent que le présent n’efface qu’à moitié le passé, que le désir ne fait qu’un peu tort à la gratitude.

1136. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Il pria le président Jeannin, comme sien ami et comme agréé de plus par le roi, de l’accompagner dans le voyage qu’il avait à faire à Paris où l’appelaient tous les siens : « Il s’y achemina dès lors, raconte le président, avec environ deux cents chevaux et mille ou douze cents hommes de pied, toujours en intention de se mettre en sûreté et à couvert par un traité ; mais ses troupes, qui étaient petites d’entrée, grossirent par les chemins. » Il apprenait en même temps que de tous côtés dans le royaume, au bruit de l’attentat de Blois, des levées et des mouvements se faisaient en sa faveur ; la pensée de soumission s’affaiblit alors et fit place, dès qu’il y eut jour, au désir naturel de la vengeance.

1137. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

désir de découvrir quelque chose des ressorts et des secrets que lui cachait le grand mystificateur ?

1138. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

il est poète, quoiqu’il n’ait pas la sainte fureur, ni cet aiguillon de désir et d’ennui, qui a été notre fureur à nous, le besoin inassouvi de sentir ; bienqu’il n’ait pas eu la rage de courir tout d’abord à toutesles fleurs et de mordre à tous les fruits ; — il l’est, bien qu’il ne fouille pas avec acharnement dans son propre cœur pour y aiguiser la vie, et qu’il ne s’ouvre pas les flancs (comme on l’a dit du pélican), pour y nourrir de son sang ses petits, les enfants de ses rêves ; — il l’est, bien qu’il n’ait jamais été emporté à corps perdu sur le cheval de Mazeppa, et qu’il n’ait jamais crié, au moment où le coursier sans frein changeait de route : « J’irai peut-être trop loin dans ce sens-là comme dans l’autre, mais n’importe, j’irai toujours. » — Il l’est, poète, bien qu’il n’ait jamais su passer comme vous, en un instant, ô Chantre aimable de Rolla et de Namouna, de la passion délirante à l’ironie moqueuse et légère ; il est, dis-je, poète à sa manière, parce qu’il est élevé, recueilli, ami de la solitude et de la nature, parce qu’il écoute l’écho des bois, la voix des monts agitateurs de feuilles, et qu’il l’interprète avec dignité, avec largeur et harmonie, bien qu’à la façon des oracles.

1139. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Mais lui-même, épris de son objet, il eut ses scrupules de puriste, son désir du mieux, ses idées de perfectionnement : il en résulta, dans la seconde édition qu’il donna, des corrections de son fait, méditées de longue main et portant presque toutes sur les naturelles et divines négligences d’un auteur charmant qui n’avait jamais songé à être auteur.

1140. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Il n’avait guère de patience dans ses prompts désirs de lecture, et aurait voulu être servi aussitôt.

1141. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Madeleine professe avant tout la coquetterie, le désir de plaire à tous, — en tout bien, tout honneur cependant.

1142. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Et puis, quand, tout cela sera fait et parfait, quand il se sera maintenu au premier rang des ministres du second ordre force de zèle et de miracles administratifs ; quand il pourra se vanter auprès du roi d’avoir accompli ses désirs les plus chers, d’avoir converti vingt-deux mille âmes sur vingt-deux mille, moins quelques centaines, et cela dans l’espace d’environ seize mois ; quand il aura plus que personne contribué, par cette fausse apparence d’une réussite aisée, au fatal Édit qui s’ensuivit ; lorsqu’il aura inscrit de gaieté de cœur son nom dans l’histoire au-dessous de celui de Baville, ce même, honnête homme s’en ira jouir de sa réputation acquise, dans une intendance heureuse et plus facile, il s’y fera aimer, aimer surtout des savants qu’il assemblera et présidera volontiers, et avec une entière compétence ; il fondera des chaires, il fera des fouilles, il découvrira d’antiques cités enfouies, en même temps qu’il embellira les cités nouvelles ; il recherchera des manuscrits, il aura un riche cabinet de médailles, il sera auprès des curieux l’aménité même et recueillera pour tant de services pacifiques et d’attentions bien placées des éloges universels.

1143. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Resté seul un moment, il examine autour de lui ce lieu qui lui était à peu près inconnu et qui lui rend presque des désirs : « Charmante petite chambre !

1144. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Les blessures que le soldat porte sur le visage et sur la poitrine sont des étoiles qui guident les autres au ciel de l’honneur et au désir des nobles louanges3… » Cervantes garda toujours un cher souvenir de cette vie d’honneur et de misère qui est la vie du soldat, et à certain jour il l’a célébrée d’une façon toute noble et sérieuse par la bouche de son Don Quichotte.

1145. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Vague et chimérique dans ses plans et ses velléités personnelles, il jugeait cependant avec vérité de l’état de l’esprit public en Allemagne, surtout à la suite du dernier décret dit de Trianon, qui portait à l’extrême l’application du blocus continental, et il pronostiquait exactement comme le roi Jérôme, quoique en vertu de désirs et de sentiments tout opposés : « Le système continental, introduit en Allemagne, y marqua, disait-il, une époque décisive pour l’esprit public de cette contrée.

1146. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Que vous fussiez une sainte. » Elle choisit toujours de préférence pour confidente de ses chastes et ardents désirs cette Louise de Bayne qu’a aimée son frère, qui n’a plus seize ans, qui en a vingt déjà et plus, mais qui n’a pas changé et dont elle nous trace ce ravissant portrait en deux lignes : « C’est même air de jeunesse, même gaieté, même œil de feu.

1147. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Le vrai Dieu était généralement ignoré, bien que le désir et l’idée s’en fissent sentir à quelques âmes.

1148. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Le danger de cette passion, la crainte de mettre le trouble dans la famille royale, les noms de beau-frère et de belle-sœur mirent un frein à leurs désirs ; mais il resta toujours dans leurs cœurs une inclination secrète, toujours chère à l’un et à l’autre.

1149. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Le séjour au château de Silly chez une amie d’enfance, l’arrivée du jeune marquis, son indifférence naturelle, la scène de la charmille entre les deux jeunes filles qu’il entend sans être vu, sa curiosité qui s’éveille bien plus que son désir, l’émotion de celle qui s’en croit l’objet, son empire toutefois sur elle-même, la promenade en tête à tête où l’astronomie vient si à propos, et cette jeune âme qui goûte l’austère douceur de se maîtriser, cette suite légère compose tout un roman touchant et simple, un de ces souvenirs qui ne se rencontrent qu’une fois dans la vie, et où le cœur lassé se repose toujours avec une nouvelle fraîcheur.

1150. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Cette passion étouffe dans les hommes supérieurs les facultés qu’ils tenaient de la nature, et cette carrière de vérité, indéfinie comme l’espace et le temps, dans laquelle l’homme qui pense jouit d’un avenir sans bornes, atteint un but toujours renaissant ; cette carrière se referme à la voix de l’esprit de parti, et tous les désirs, comme toutes les craintes, vouent à la servitude de la foi les têtes formées pour concevoir, découvrir et juger.

1151. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Il fut foncièrement égoïste ; il ne sut résister jamais ni à son désir ni à son plaisir, et s’abandonna à toutes les impulsions de sa nature.

1152. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Le lyrisme qui nous prend, est celui où transparaît sans cesse l’universel : il trouve au fond des tristesses et des désirs de l’individu, il aperçoit à travers les formes multiples de la nature, il pose et poursuit partout les problèmes de l’être et de la destinée.

1153. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Doumic tourmentés du même désir.

1154. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Il voudrait descendre, mais il ne peut s’y résoudre ; il ne sait s’il est arrêté par le désir ou par la charité.

1155. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

« L’argument le plus souvent invoqué par les poètes obscurs en faveur de leur obscurité est le désir de protéger leur Œuvre contre les atteintes du vulgaire. » Le plus souvent ?

1156. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

La colère, la peur, le désir de la vengeance sont en revanche les manifestations diverses d’une antipathie à nous inspirée par les êtres animés ou inanimés qui nous environnent.

1157. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Cela provoque du même coup le désir, la tentation de mettre en œuvre les autres centres nerveux restés inertes pendant ce temps-là, et c’est ainsi que nous appelons de tous nos vœux avec une énergie croissante la variété salutaire, seule capable de nous délasser et de satisfaire notre sensibilité en la stimulant sur des points où elle est fraîche et reposée.

1158. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

En tout cas, quand on est jeune, fût-on la distinction même, on glisse vite sur ces défauts à une première lecture ; on s’attache à ce qui plaît, à ce qui nous offre l’expression idéalisée la plus moderne de nos sentiments, de notre situation ou de notre désir.

1159. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Mais, à force d’en parler, de s’en donner le désir et le tourment, patience !

1160. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Les conjoints se promettent, à cet effet, d’être dorénavant « uns et communs en tous leurs désirs, actions, passions et intérêts généralement quelconques », le tout pour le plus grand bien de l’État et la conservation du roi et du royaume.

1161. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Il y distingue six périodes successives de naissance, de progrès, d’accroissement et de déclin, et, malgré son désir de les rapporter à des circonstances positives, il y laisse bien du vague et du conjectural.

1162. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Son ancien désir se réveilla donc en lui et devint une volonté.

1163. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Il lui faut des faits pour prouver ses assertions générales, le désir qu’ont les menuisiers de ne travailler que pour le théâtre, une fois qu’ils ont goûté de cette gloriole, pour montrer la séduction que celui-ci exerce sur tout ce qui l’approche ; des faits pour trait final à une analyse de caractère, ou à la notation d’un changement moral ; la mère des Zemganno appelée en justice, ne voulant témoigner qu’en plein air, pour montrer le farouche amour de la bohémienne pour le ciel libre ; pour représenter la modification produite en Chérie par sa puberté, décrire en détail la gaucherie et la timidité subite de ses gestes.

1164. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Il est donc des désirs que le ciel récompense en les accomplissant !

1165. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Assez ami du courage et de la vertu, par imagination au moins, ami plus efficace du bon sens, du désintéressement, des désirs modérés, il représente la moyenne de l’humanité, et par là peut-être il instruit mieux qu’un précepteur plus sévère.

1166. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Après avoir épousé la belle Troyenne, se croyant enfin parvenu au comble de ses désirs, au lieu d’une femme adorée, il n’aurait trouvé qu’un cadavre. […] Quand un poète fait une comédie, c’est une comédie que le public lui demande : le public s’embarrasse fort peu si les bons mots d’une comédie sont d’Aristophane, et n’a nul désir de savoir si des plaisanteries grecques ont bonne grâce sur la scène française. […] Ses émissaires, mêlés parmi le peuple, exprimaient à grands cris leur désir d’entendre cette voix céleste. […] Cette feinte est autorisée par le danger pressant qui le menace, par l’impossibilité où il se trouve de résister à une armée nombreuse, par le désir d’empêcher le pillage du temple. […] La pièce offre cependant cet intérêt de curiosité, ce désir de voir l’imbroglio se dénouer, qui soutient toutes les intrigues de cette espèce ; c’est là son seul mérite : il n’y faut chercher ni caractères, ni mœurs, ni instruction.

1167. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Il y aura intérêt à parcourir, à connaître par extraits ces pamphlets et brochures devenus très-rares, et qui même, sans une bienveillance toute particulière qui est venue au-devant de mes désirs, me fussent sans doute demeurés introuvables et inconnus. […] Son enthousiasme religieux effraya celle qui vous remplaçait auprès de votre fils (une belle-sœur de Mme de Costa)  ; elle pria l’anachorète exalté de diriger ailleurs ses pensées et de ne former aucun vœu dans son cœur, de peur que son désir ne fût une prière  : beau mouvement de tendresse, et bien digne d’un cœur parent de celui d’Eugène !  […] L’auteur du mémoire, témoin oculaire, en signale les hideuses particularités qui ne sont qu’une variante de ce qui se passait alors universellement ; on emprisonne les hommes d’une part, les femmes de l’autre ; on sépare les mères et les enfants ; on sépare les époux : « C’était, disait le représentant Albitte, pour satisfaire à la décence. « La cruauté dans le cours de cette Révolution a souvent eu, s’écrie l’auteur, la fantaisie de plaisanter : on croit voir rire l’Enfer : il est moins effrayant quand il hurle. » Le règlement des prisons destinées à enfermer les suspects les accuse d’un crime tout nouveau, d’être coalisés de VOLONTÉ avec les ennemis de la république  ; sur quoi l’auteur ajoute : « Caligula ne punissait que les rêves, il oublia les désirs !  […] Malgré notre désir et notre insuffisance, il nous sera difficile de continuer à faire de même, et de contenir tout jugement contradictoire en face de l’intolérance fréquente des siens.

1168. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

En général, les opinions de mes professeurs ne m’inspiraient ni le désir de les partager, ni la passion de les contredire. […] C’est un de ces livres qui donnent — et c’est à la fois un éloge et un blâme à leur adresse — le désir de les refaire. […] C’en est le sentiment qui forme tous les nôtres ; Lui seul anime, éteint, ou change nos désirs. […] Il avait le désir de se jouer lui-même, certain qu’ainsi il jouerait bien. […] Toujours est-il que Hebbel s’achemina vers Rome à la fin de l’année 1843, reconnaissant du reste, ce qui m’étonne et nous flatte, envers Paris et écrivant dans son journal : « Paris restera toujours le centre de mes désirs.

1169. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Comme on parle à Zola, du livre, qu’il a annoncé être en train de faire sur Lourdes, il dit à peu près ceci : « Je suis tombé à Lourdes, par une pluie, une pluie battante, et dans un hôtel où toutes les bonnes chambres étaient prises, alors il me venait le désir, en ma mauvaise humeur, d’en repartir le lendemain matin… Mais, je suis un moment sorti… et la vue de ces malades, de ces marmiteux, de ces enfants mourants apportés devant la statue, de ces gens aplatis à terre dans le prosternement de la prière… la vue de cette ville de foi, née de l’hallucination de cette petite fille de quatorze ans… la vue de cette cité mystique, en ce siècle de scepticisme… la vue de cette grotte, de ces défilés dans le paysage, de ces nuées de pèlerins de la Bretagne et de l’Anjou… » « Oui, fait Mme Zola, ça avait une couleur !  […] » Et il s’écrie après un silence, qu’il n’a pas la faculté de la parole, qu’il n’éprouve pas la jouissance de l’inspiration, qu’il est gêné par la peur des choses communes… laissant apercevoir le désir passionné de greffer sur son talent, pour la complète réussite de sa carrière, l’éloquence d’un Lamartine, et de doubler sa littérature, de la publicité d’un homme politique. […] Mardi 30 août Ces jours-ci, en corrigeant les épreuves d’une réédition du roman de Madame Gervaisais, il m’est venu le désir de portraire la vraie Mme Gervaisais, qui fut une tante à moi, et de dire l’influence, que Mme Nepthalie de Courmont, cette femme d’élite, eut sur les goûts et les aptitudes de ma vie.

1170. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Le désir d’éclairer et d’adoucir ce noble esprit fut sans doute un appât de raison et de bienfaisance pour elle aux abords de la liaison étroite. […] Il faut donc commencer par le désir sincère de se voir soi-même comme on est vu par son Juge.

1171. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

La Chimie de Lavoisier, publiée depuis quelques années, mais de doctrine si récente, saisissait vivement tous les jeunes esprits savants ; et pendant que Davy, comme son frère nous le raconte, la lisait en Angleterre avec grande émulation et ardent désir d’y ajouter, M.  […] Ampère, nommé professeur de mathématiques et d’astronomie, avait passé, selon son désir, au Lycée de Lyon.

1172. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Cependant je ne dis pas que je me refuse à rien de ce qui se présentera naturellement ; mais je suis sans passion, sans désir, sans inspiration, sans espérance. […] Prophétisez donc, ô hommes présomptueux, qui osez prendre votre sagesse pour celle de Dieu ; mais, si vous voulez prophétiser à coup sûr, annoncez au monde de demain le monde à peu près semblable au monde de la veille, changeant de siècle plutôt que de sort, flottant dans les mêmes oscillations entre l’erreur et la vérité, cherchant sans cesse et ne trouvant jamais l’absolu que dans ses désirs, figure qui passe, comme dit l’Écriture, mais qui passe, hélas !

1173. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Elle feint de se rendre à ses désirs, mais elle veut, dit-elle, lui faire avant un présent plus précieux pour un guerrier que le cœur de toutes les princesses de la terre. […] Argie sentit le plus ardent désir de posséder un petit chien si charmant, et envoya sa nourrice pour parler au pèlerin, auquel elle fit offrir un prix considérable.

1174. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Elle gouverne tous les éléments dont on prétend qu’elle est composée, leur résiste pendant presque toute la vie, et les dompte de toutes les manières, réprimant les unes durement et avec douleur, comme dans la gymnastique et la médecine ; réprimant les autres plus doucement, gourmandant ceux-ci, avertissant ceux-là ; parlant au désir, à la colère, à la crainte, comme à des choses d’une nature étrangère : ce qu’Homère nous a représenté dans l’Odyssée, où Ulysse, se frappant la poitrine, gourmande ainsi son cœur : — Souffre ceci, mon cœur ; tu as souffert des choses plus dures. » On voit par cette citation, et par mille autres citations d’Homère dans la bouche de Socrate, que ce philosophe était bien éloigné de l’opinion sophistique de Platon proscrivant les poètes de la République, mais qu’au contraire Socrate regardait Homère comme le poète des sages, et comme le révélateur accompli de toute philosophie, de toute morale et de toute politique dans ses vers, miroir sans tache de l’univers physique, métaphysique et moral de son temps. […] La vérité, la liberté, la justice, la charité, la tempérance, la mortification des sens, le dévouement à ses semblables, le désir de la mort pour revivre plus saint ; le sacrifice de soi-même, jusqu’au sang, à Dieu ; la joie dans le supplice volontaire, la foi dans la résurrection, voilà les victoires de l’âme.

1175. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Je le trouvai très-indigné de la marche que suivaient les affaires, et, comme il avait toute sa vie autant aimé la vraie liberté que détesté l’anarchie populaire, il se sentait le désir d’écrire contre la tyrannie d’un seul, après avoir combattu si longtemps celle de la multitude. […] « Vous savez, madame, qu’il ne vous avait été permis de sortir de Coppet que parce que vous aviez exprimé le désir de passer en Amérique.

1176. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Celuy donc qui. voudra complaire Tant seulement au populaire, Celuy choisira les erreurs Des plus ignorants bateleurs… Et Jehan de la Taille, en tête des Corrivaux, fait cette profession de foi : « Vous y verrez non point une farce ni une moralité ; nous ne nous amusons point en chose ni si basse ni si sotte, et qui ne montre qu’une pure ignorance de nos vieux Françoys… Aussi avons-nous grand désir de bannir de ce royaulme telles badineries et sottises… » C’était dur pour les pauvres auteurs du moyen Age. […] La mode et les engouements qu’elle suscite, la contagion de l’exemple, le désir d’associer sa fortune à celle d’écrivains déjà connus déterminent beaucoup de débutants à professer des théories contraires à leur propre talent et partant à composer des œuvres forcément médiocres.

1177. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Au nom du grand Nala mon époux, que je porte gravé dans mon cœur, ainsi périront », dit-elle, « tous ceux qui profaneront d’un désir l’épouse qui lui appartient jusqu’au tombeau !  […] Ce sourd tonnerre du char de Nala sur le pavé des rues, semblable à un grondement de foudre lointain, frappa aussi les oreilles de Damayanti, qui frissonna d’émotion et d’attente ; elle entendit en même temps les chevaux du prince son époux, qui bondissaient de joie et qui hennissaient de désir dans l’écurie ; elle crut déjà revoir le char de Nala attelé dans la cour comme jadis, quand la formidable main de son époux tenait ses rênes.

1178. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Il ne fallait rien moins que ce désir du roi et de Mme de Maintenon pour faire rompre au grand poète un silence qu’il gardait depuis dix ans par scrupule de conscience, et pour rallumer en lui cette flamme du génie qui n’était point morte, mais qui dormait sous les cendres de sa pénitence. […] La nature, qui se révoltait souvent en lui contre cette abstention de la scène ; son talent, qui avait mûri et qui ne demandait qu’à porter des fruits plus consommés dans la maturité de ses années ; la passion de complaire au roi, qui était sa dernière et sa plus grande faiblesse ; le désir de mériter la faveur de Mme de Maintenon, dont il estimait l’esprit et dont il vénérait la piété ; sa fortune à consolider à la cour par des triomphes poétiques qui retentiraient plus loin que Saint-Cyr ; enfin la satisfaction de conscience qu’il éprouvait à mettre son génie dans sa foi, sa foi dans son génie, et à faire son salut pour le ciel en faisant sa grandeur pour ce monde : tous ces motifs combinés tendaient son âme jusqu’à l’exaltation et concentraient toutes ses facultés déjà si puissantes en un de ces efforts suprêmes qui produisent les miracles de la volonté et du génie.

1179. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Les sens usés au service d’une intelligence immortelle, qui tombent comme l’écorce vermoulue de l’arbre, pour laisser cette intelligence, dégagée de la matière, prendre plus librement les larges proportions de son immatérialité ; les cheveux blancs, ce symbole d’hiver après tant d’étés traversés sans regret sous les cheveux bruns ; les rides, sillons des années, pleines de mystères, de souvenirs, d’expérience, sentiers creusés sur le front par les innombrables impressions qui ont labouré le visage humain ; le front élargi qui contient en science tout ce que les fronts plus jeunes contiennent en illusions ; les tempes creusées par la tension forte de l’organe de la pensée sous les doigts du temps ; les yeux caves, les paupières lourdes qui se referment sur un monde de souvenirs ; les lèvres plissées par la longue habitude de dédaigner ce qui passionne le monde, ou de plaindre avec indulgence ce qui le trompe ; le rire à jamais envolé avec les légèretés et les malignités de la vie qui l’excitent sur les bouches neuves ; les sourires de mélancolie, de bonté ou de tendre pitié qui le remplacent ; le fond de tristesse sereine, mais inconsolée, que les hommes qui ont perdu beaucoup de compagnons sur la longue route rapportent de tant de sépultures et de tant de deuils ; la résignation, cette prière désintéressée qui ne porte au ciel ni espérance, ni désirs, ni vœux, mais qui glorifie dans la douleur une volonté supérieure à notre volonté subalterne, sang de la victime qui monte en fumée et qui plaît au ciel ; la mort prochaine qui jette déjà la gravité et la sainteté de son ombre sur l’espérance immortelle, cette seconde espérance qui se lève déjà derrière les sommets ténébreux de la vie sur tant de jours éteints, comme une pleine lune sur la montagne au commencement d’une claire nuit ; enfin, la seconde vie dont cette première existence accomplie est le gage et qu’on croit voir déjà transpercer à travers la pâleur morbide d’un visage qui n’est plus éclairé que par en haut : voilà la beauté de vieillir, voilà les beautés des trois âges de l’homme ! […] Une légère crise les alarma un instant dans la soirée ; elle fut suivie d’un bien-être et d’un calme perfides ; il témoigna le désir de dormir ; il s’endormit et ne se réveilla pas.

1180. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Je voulais que de là mon âme, pure de passions, dégagée de désirs, reposée de fatigues, délivrée de douleurs, ayant rejeté loin d’elle la colère, la contention, tous ces maux intérieurs, acquittât d’une bouche innocente et d’un cœur sanctifié l’hymne d’amour qu’elle te doit. […] Qu’elle a suive de préférence la loi d’un saint hymen, inviolable et pur, inaccessible à tout criminel désir !

1181. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Jouffroy (car, avec tout mon désir de le laisser en dehors de cette critique, je ne puis tout à fait l’omettre), Jouffroy n’avait rien du comédien et était sérieux ; il a fini par mourir de ce qui a fait vivre les autres.

1182. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Il manquait encore, malgré tout, une énorme somme : « Et de cela furent extrêmement joyeux, nous dit Villehardouin, ceux qui ne voulaient rien y mettre ; car maintenant ils pensaient bien que l’armée devrait se rompre. » Le fait est qu’à tout moment on aperçoit dans le récit de Villehardouin le regret d’une partie des croisés de s’être engagés si légèrement dans une si rude entreprise et le désir de la faire échouer.

1183. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Sully, lui écrivant dans les derniers mois, n’avait pu s’empêcher de le louer : J’ai toujours fort estimé la vivacité de votre esprit et la solidité de votre jugement, lui disait ce témoin difficile, mais ces dernières actions m’en donnent meilleure opinion que jamais, ayant su vous débarrasser de tant de diversités et opinions différentes qui tombent d’heure à autre dans l’esprit de toutes les parties avec lesquelles vous avez à traiter ; car non seulement il faut concilier deux ou trois partis fort éloignés de désirs et intentions les uns des autres, mais il semble que vous ayez à faire autant de traités qu’il y a de personnes d’autorité de tous bords, y ayant autant d’opinions que de têtes.

1184. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Mais moralement il retrouve ses avantages ; il s’efforce à tout moment de rendre son commentaire utile en l’appliquant à notre temps, à nous-mêmes, aux vices de la société et à la maladie de nos cœurs : « Bossuet est surtout l’homme de l’âge où nous sommes », pense-t-il ; et il en donne les raisons, qui sont plutôt de sa part d’honorables désirs que des faits manifestes et concluants pour tous.

1185. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Il y a bien des années que, lisant de suite ce recueil des notices historiques de Vicq d’Azyr, simple étudiant alors et en chemin d’être médecin moi-même, mais hésitant encore entre plusieurs velléités ou vocations, il m’a été donné d’en saisir le doux intérêt et le charme ; en passant de l’un à l’autre de ces personnages, je sentais varier mes propres désirs ; chacun d’eux me disait quelque chose ; l’idée dominante que l’auteur avait en vue et qu’il exprimait dans la vie de chacun de ces savants m’apparaissait tour à tour et venait me tenter, même lorsque cette idée dominante n’était que des plus modestes : car il y a cela de particulier dans la touche de Vicq d’Azyr, qu’une sorte de sympathie y respire et que le coloris léger n’y dérobe jamais le fonds humain.

1186. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Après la mort de Louis XIV, Mme de Maintenon, retirée à Saint-Cyr, et vivant dans le passé, lisait le journal manuscrit de Dangeau, et elle en disait à Mme de Caylus : « Je lis avec plaisir le journal de M. de Dangeau : j’y apprends bien des choses dont j’ai été témoin, mais que j’ai oubliées. » Et un autre jour, après avoir marqué le désir d’en faire prendre des extraits sur ce qui la concerne : Remerciez bien M. de Dangeau de la permission qu’il me donnera sur ses mémoires ; ils sont si agréables que j’ai tout lu : vous entendez ce que cela veut dire (cela veut dire qu’il y a des choses qu’on passe de temps en temps).

1187. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

C’est à une pareille illusion qu’a cédé l’auteur de ce nouveau travail qui, assurément, laissera encore aux admirateurs du Dante le désir toujours renaissant d’une traduction meilleure.

1188. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Maintenant que je suis sans matière et sans occupation, je puis bien prendre celle-ci pour remplir ma page et satisfaire à votre désir, plutôt tard que jamais.

1189. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Studieux, modeste, plein du désir de savoir et de bien faire, M. 

1190. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Le désir de connaître et déposséder enfin les œuvres complètes du frère s’en était accru et comme irrité.

1191. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Le prince qu’on se donnait pour roi, quels que pussent être ses désirs secrets, était si peu de l’étoffe dont sont faits les grands usurpateurs, qu’il ne semblait avoir eu d’autre pensée première que de se dérober : il avait fallu courir après lui et le prendre quasi au collet pour l’obliger à se faire roi.

1192. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Molé en 1837 et le secret désir de prendre une revanche personnelle, tout en soutenant une bonne cause générale, aient été sans influence sur mon adhésion à la Coalition de 1839 et sur l’ardeur que j’y ai portée.

1193. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Je suis là-dessus respectueux, mais positif : je ne nie pas la sincérité et la chaleur des convictions, mais j’ai besoin de me les expliquer, et je dis que le fond de ces convictions mêmes se met toujours d’accord en nous à la longue avec nos talents, nos vocations et nos désirs.

1194. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Il n’est pas moins clair que le duc de Bourgogne cherchait, étudiait toujours, et n’avait rien trouvé de précis, n’avait rien de positivement arrêté ; que ses intentions étaient droites, pures, chrétiennes, tournées tout entières au bonheur et au soulagement des peuples, mais qu’avec tant d’instruction et le désir continuel d’en acquérir encore, il manquait de lumières supérieures, de génie politique, de ce génie qui tient surtout au caractère et à la conduite, à la décision de vue dans les crises, bien plus qu’aux règlements écrits et aux procédés mécaniques de constitution.

1195. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Il est vrai que l’impression croissante et totale, la conclusion irrésistible résultant de la quantité de détails accumulés chemin faisant, est qu’il était impossible que Pierre III régnât, et bien difficile que Catherine, au contraire, ne devint point Impératrice de son chef ; ce qui avait été sa première pensée en mettant le pied en Russie et n’avait cessé d’être son secret désir.

1196. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

L’originalité de l’œuvre n’est nullement dans l’action : elle est dans le caractère à la fois rustique et élégant de tout le début, dans la fraîcheur des petits tableaux nets et vifs qui se succèdent, et dans l’analyse graduelle, nuancée, du désir en deux cœurs adolescents, en deux pubertés naissantes et qu’on voit éclore.

1197. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Je ne crois pas que, parce qu’une jeune fille est brune et a des yeux déjà chargés de quelques vagues désirs, il en résulte qu’elle doive être ainsi méchante et cruelle.

1198. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

G. de Lavigne que l’ouvrage du continuateur n’est nullement méprisable et qu’il n’est difficile à lire aujourd’hui que parce que la place est prise et que chaque lecteur a dans l’esprit la suite si agréable de Cervantes, c’est tout ce que vraiment on pourrait faire ; je viens, dans mon désir d’impartialité, d’essayer de lire quelques chapitres de ce Don Quichotte d’Avellaneda ; tout ce que j’en ai vu me paraît lent, logique et lourd ; on ne peut s’empêcher de dire à chaque instant : « Ah !

1199. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Édouard Lefebvre, en croyant devoir tenter une démarche de conciliation, avait donc agi dans le sens des désirs de l’Empereur et avait deviné juste.

1200. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

je le confesse avec désir de réparer tôt ou tard : je dois pourtant en venir, sans plus de remise, à quelques noms particuliers auxquels j’ai à cœur de m’arrêter, sous peine de n’être qu’un nomenclateur.

1201. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Quinet dont nous parlerons tout à l’heure, appartient comme lui à cette génération infatigable et généreuse, pure, avide d’espérance, insatiable de beaux désirs, de laquelle lui-même il a dit en un endroit : Toute une nation puissante qui s’éprend Pour le bien, pour le bon, pour le beau, pour le grand ; Et toute une jeunesse ardente et sérieuse, Qui pâlit de travail, et, les larmes aux yeux, Cherchant son avenir, au plus profond des cieux Suit l’étoile mystérieuse.

1202. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Prière confuse et muette, Effusion de saints désirs, Quel luth se fera l’interprète De ces sanglots, de ces soupirs ?

1203. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

En nous tous, pour peu que nous soyons poëtes, et si nous ne le sommes pourtant pas décidément, il existe ou il a existé une certaine fleur de sentiments, de désirs, une certaine rêverie première, qui bientôt s’en va dans les travaux prosaïques, et qui expire dans l’occupation de la vie.

1204. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

La félicité de l’homme s’accrut de toute l’indépendance qu’obtint l’objet de sa tendresse ; il put se croire aimé ; un être libre le choisit ; un être libre obéit à ses désirs.

1205. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

L’homme, jadis comblé de gloire, qui veut abdiquer ses souvenirs, et se vouer aux relations particulières, ne saurait y accoutumer ni lui, ni les autres ; on ne jouit point par effort des idées simples, il faut, pour être heureux par elles, un concours de circonstances qui éloigne naturellement tout autre désir.

1206. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Quelque chose manque, sans qu’on puisse encore dire clairement ce que c’est ; l’âme s’inquiète, et peu à peu, avec l’aide des écrivains et des artistes, elle va démêler la cause de son malaise et l’objet de son secret désir.

1207. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Le duc de Rohan en fut enthousiasmé ; il témoigna un vif désir de me connaître ; Genoude ne lui dissimula pas ma répugnance à aller me présenter moi-même chez un grand seigneur inconnu.

1208. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Une femme dont presque toute la vie se passe dans le monde, en réceptions et en conversations, une femme entourée et courtisée et dont la présence seule met les vanités en éveil et aussi les désirs et les tendresses, ne doit-elle pas, avec son intelligence plus rapide et sa sensibilité plus délicate, recueillir dans la comédie mondaine de plus fines impressions que nous, mieux saisir certaines faiblesses ou certains ridicules, démêler en elle et autour d’elle, de plus rares complications ou de plus subtiles nuances de sentiments ?

1209. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Cette idylle si simple, si discrète, si chaste, qui même est à peine une idylle, avec tous ses détails si gracieux et si vrais, dans la douceur sereine de cette belle nuit d’été, cela gonfle le cœur et l’emplit d’une langueur vague, d’un désir de larmes, comme dit le vieil Homère, ou d’une envie de s’amuser à pleurer, comme dit la petite Victorine de Sedaine.

1210. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Sur quoi Elmire, très prudente : Pour moi, je crois qu’au Ciel tendent tous vos soupirs, Et que rien ici-bas n’arrête vos désirs.

1211. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

La force de cohésion de la médiocratie a toujours fait défaut aux artistes ; leur nervosité et leur maladif désir de perfection les a poussés, bien plus que l’ambition ou l’envie, à se dénigrer et à se désunir.

1212. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

La religion « a fait office de vaccin contre les désirs d’où naît le socialisme ».

1213. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Laissons ces esprits sans amour et sans flamme, sans désir ; ce sont les tièdes : ils manquent du feu sacré dans les lettres.

1214. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

N’était-ce donc pas le sentiment du péril immense et le désir du salut commun ?

1215. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Les habitants des frontières, souvent exposés aux attaques des Indiens et fanatisés par le désir de la vengeance, attaquèrent à l’improviste et exterminèrent des tribus d’Indiens alliés et inoffensifs.

1216. (1903) Zola pp. 3-31

Mais il faut qu’on sente chez le satirique un désir vrai, sincère et vif de corriger ses concitoyens en leur peignant leurs défauts ou leurs vices ; et il faut bien avouer que dans les livres de Zola on ne le sentait nullement, mais seulement une haine cordiale et un mépris de parti pris pour ceux dont il avait le malheur d’être né le compatriote, ou à peu près le compatriote ; et cela ne laisse pas d’être un peu désobligeant et un peu coupable.

1217. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

L’absence du sentiment de l’effort, qui n’est point toujours synonyme d’une moindre dépense, l’aveugle sur l’intérêt et la grandeur des œuvres qu’il réalise, au lieu que cette sensation d’effort, intervenant dans les tâches où il voudrait en vain exceller, contraint son attention, excite en lui un désir de possession et de victoire.

1218. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Les protagonistes, les acteurs d’Humiliés et offensés, la galerie secondaire de Crime ; cette singulière foule d’êtres infirmes et sains, détraqués, réjouis, aimants, canailles, nobles, subtilement pervers et pauvrement angéliques, les Rogojine, Muichkine, Vastasia, Philippovna de L’Idiot, donnent tous l’impression de cette chose rare dans les livres, la chair, la chair tactile, saignante, molle, rose ou sale, cette chose la plus humaine, couverte de sa peau, traversée de vaisseaux, de nerfs, de glandes, et portant dans le rapide tourbillon des liquides nourriciers, des lymphes et des hématies entre ces cellules épuisées ou turgescentes, tout l’essor des instincts, des ruts, des violences, des désirs et des douleurs, qui, sous la mince surface des phénomènes spirituels conscients, constituent comme les muscles et le squelette de l’âme humaine.

1219. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Obligé de dire le mal, il doit en éveiller l’idée sans en exciter le désir.

1220. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Il avait un certain âge ; son collègue Tallien était jeune au contraire, ardent, peut-être convaincu, à coup sûr ambitieux, et ce désir de jouer un rôle important s’accrut encore sous les influences qu’il subit. […] Nous n’avons conservé aucun témoignage du concours des habitants des villages lointains qui s’y rendirent attirés, les uns par leur dévotion à la sainte, les autres par le désir d’assister à une représentation théâtrale. […] Entre la crainte et l’espérance, l’homme fait sa demeure du désir, il vit par la pensée et meurt par l’oubli : pour lui, c’est bonheur que la tribulation soufferte par amour. […] Quel philtre meurtrier abreuva ta jeunesse, Quel amour monstrueux et quel rut de faunesse, Dans la lande souilla ton désir virginal ? […] Elle daigna à peine entendre le nom du jeune homme ; son fils, assis à quelques pas, se borna à l’indication de son désir de se lever, resta dans son fauteuil, sans cesser de feuilleter l’album qu’il avait en mains et sans souffler mot.

1221. (1929) La société des grands esprits

Tout en reconnaissant leurs droits et en comprenant le désir que chacun d’eux a d’apporter sa marque personnelle, je les supplierai de ne pas trop nous dérouter et de s’entendre un peu entre eux. […] Il y avait bien aussi le désir de s’éclipser les uns les autres : chaque cité commémorait à son tour les victoires qu’elle avait remportées sur ses rivales. […] La troisième raison qu’avait Rodin d’exprimer son culte pour les cathédrales, c’était le désir d’en préciser les motifs. […] Dans son désir de signaler tous les symptômes annonciateurs de cette résurrection, Walter Pater attribue ce caractère au vieux poème d’Amis et Amile qui est une légende miraculeuse profondément médiévale. […] Mais si ce dernier a un peu cédé au désir de tirer à lui d’illustres prédécesseurs, c’est un petit travers assez répandu parmi les philosophes ; Renouvier n’en était certes pas exempt.

1222. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Le roi ne montra aucun désir de connaître le pamphlet ; Sartines n’avait aucune envie de reparler de cette affaire ; il ne fut plus question d’Angelucci. […] C’est pour moi une question de temps ; je finis par réussir, et alors je suis deux fois satisfait, et par la réussite de mon désir et par la difficulté vaincue !  […] Ton âme a donc rejoint le somnolent troupeau Des ombres sans désirs où l’attendait Virgile, Toi, qui, né pour le jour d’où le trépas t’exile, Faisais des voluptés les prêtresses du Beau ! […] Sentant qu’il va mourir, il exprime le désir de s’unir à Pernette pour l’éternité et de faire avec elle un mariage solennel in extremis. […] Fût-il né dans la condition la plus humble, eût-il été obscur, pauvre, prêtre, moine, ermite, il n’eût pas été plus constamment, plus ardemment préoccupé du désir de vivre en fidèle serviteur de Jésus-Christ, et d’assurer, par sa pieuse obéissance à Dieu sur la terre, le salut de son âme dans l’éternité. » Mais il faut tout dire.

1223. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Plutarque ayme mieulx que nous le vantions de son jugement, que de son sçavoir ; il ayme mieulx nous laisser désir de soy, que satiété : il sçavoit qu’ez choses bonnes mesme ôn peult trop dire. […] Les regrets ont la douceur du désir et du bonheur même. […] Rien n’était plus enivrant que l’illusion du désir ; rien n’est plus doux que la mélancolie du regret. […] Nous avons introduit des mots pour amener des chocs : l’illusion du désir, la mélancolie du regret… (pour faire pendants) souvenir des déceptions, attente du bonheur… dans l’intelligence, dans le cœur, etc. […] Habituées à ne tenir compte que des fantaisies chimériques de leur esprit ou des élans déréglés de leurs désirs, ils méconnaissent le droit des gens, et les faits géographiques, et les obligations morales et les obstacles matériels.

1224. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Six, sept, et parfois dix épreuves revenaient raturées, remaniées, sans satisfaire le désir de perfection de l’auteur. […] D’ailleurs il avait réponse à tout ; puis il vous lançait des regards si fulgurants, si illuminés, si chargés de fluide, qu’il vous infusait son désir. […] Un désir de vie pratique et d’action s’empara de lui. […] quelle divination des désirs inavoués et des postulations obscures ! […] Le vague désir de la patrie primitive agite les âmes qui ont plus de mémoire que les autres et en qui revit le type effacé ailleurs.

1225. (1774) Correspondance générale

Il est tourmenté du désir de voir l’Italie. […] Il méprise l’or, il est âgé, et il a la fortune du sage ; mais il est entraîné par le talent et le désir de s’immortaliser par une grande et belle chose. […] Non, mon excellent, non, je ne m’en dépars pas, c’est l’affabilité du prince de Galitzin, le désintéressement de l’artiste, et peut-être, s’il faut dire tout, le noble désir de s’illustrer par un grand monument, qui ont arraché mon artiste philosophe à sa retraite, qui lui était plus chère encore que sa patrie. […] Et notre amie, à ce mot : « Mais il a des désirs… — Des désirs… des désirs… — Et oui, madame… — Ce n’est pas là notre arrangement… » Et puis la satisfaction qui perce par tous les points du visage… et puis votre ami qui en fait la remarque et qui le dit. […] Imaginez que je lui écrivais d’ici : « Si vous vous trouvez entre le désir et le scrupule, appelez-moi vite, et je me joindrai au désir pour prouver au scrupule qu’il n’est qu’un sot », et ainsi du reste.

1226. (1927) Des romantiques à nous

Lisez encore ce digne et ample prélude à une étude sur Lamartine, poète religieux : De tous temps et même dans les âges les plus troublés, les moins assujettis à une discipline et à une croyance, il y a eu des âmes tendres, pénétrées, ferventes, ravies d’infinis désirs et ramenées par un naturel essor aux régions absolues du Vrai, de la Beauté et de l’Amour. […] Aventures sans ivresse et qui n’ont pas couronné un violent désir. Le violent, le délirant désir, Jean-Jacques « né, comme il nous dit, avec un sang embrasé », l’a certes connu. […] Et l’on peut se demander s’il comprit bien la pensée de Saint-Lambert, quand on le voit s’inspirer de cet épisode pour prêter au noble et généreux M. de Volmar, devenu le mari de Julie, le désir de nouer avec Saint-Preux une loyale et mâle amitié. […] Les seuls enchantements qu’elle ait connus et qui aient orienté l’essor de ses désirs, sont ceux de la merveilleuse chanson chrétienne.

1227. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

En cherchant bien la différence essentielle qui existe entre l’amour des sens et l’amour des âmes, on arrive à conclure ceci : C’est que l’amour des sens a pour mobile et pour objet le plaisir, et que l’amour des âmes a pour mobile et pour objet la passion du beau ; aussi le premier n’inspire-t-il que des désirs ou des appétits, et le second inspire-t-il des admirations, des enthousiasmes et pour ainsi dire des cultes. […] VIII À dater de l’heure où il vit Laure, l’âme de Pétrarque ne fut plus qu’un chant d’enthousiasme, de désir, d’amour, de regrets consacrés à cette vision.

1228. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Aussi Léopold Robert, malgré son extrême désir de satisfaire son généreux patron, ne put-il jamais totalement plier son mâle et sauvage génie à ce programme de salon suisse ou français. […] Mais ce désir même, qui n’était encore que rêve confus du cœur, qui devint plus tard passion, et enfin mort, ne faisait que de naître en lui et peut-être ne le reconnaissait-il pas encore lui-même : c’était un amour.

1229. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

» Je cédais, quoique à regret, à ce petit désir d’effet par l’audace de la phrase. […] « J’ose croire que ces trois déclarations excluent jusqu’à l’apparence de l’inconsidération, et, quand même mon désir serait repoussé, j’ose croire encore que Sa Majesté l’Empereur des Français n’y verrait rien qui choque les convenances, rien qui ne s’accorde parfaitement avec la juste idée qu’il doit avoir de lui-même. » XXIV L’empereur Napoléon ne répondit même pas à une demande d’audience si extraordinaire et qui ne pouvait que l’embarrasser.

1230. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Au reste, il ne faut pas confondre ces égrillardises de la raison, emportée hors des bornes par le désir d’accroître notre entendement, avec ces impuretés artificielles de l’imagination qui souillent tant de livres médiocres et dégoûtants. […] Leurs sujets, tous de mœurs et de caractères différents sont Désir, Çomfort, Bon-Conseil, Trahison, Désespoir, Détresse, Souci.

1231. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Maintenant cette représentation n’ayant pas lieu, je tiens à la disposition de la Société la somme de 500 francs pour laquelle j’avais annoncé vouloir contribuer au monument de Flaubert, regrettant, mon cher Maupassant, que vous ne m’ayez pas écrit directement, enchanté que j’aurais été de me décharger, en ces affaires délicates — où je n’ai été que l’instrument de vouloirs et de désirs qui n’étaient pas toujours les miens, — de toute initiative personnelle. […] Et comme je lui dis un mot du désir, que j’aurai un jour de lui voir illustrer : Venise la Nuit, il me fait observer, qu’il est un homme du nu et non de draperies.

1232. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

James Sully comme condition du bonheur, cette forte discipline de la volonté qui conduit à réaliser les désirs possibles et à se détourner des désirs insensés.

1233. (1894) Textes critiques

L’œil clos du Château enferme l’image de la princesse Elade, que le commerce subtil des tendres lettres et des songes a dotée pour les visiteurs du désir, de la beauté des madones et des fées, sœur de cette Statue de Diane, si asexuée ou ambisexuée, conte l’un des philosophes du Banquet, que le jeune Grec qui la vint violer dans son temple l’approcha à la manière des philopaèdes, avant de se jeter dans la mer. […] Quillard nommait récemment « le triste pasteur de Galilée », tous les désirs meurtris des femmes énervées qu’il a, depuis dix-neuf siècles, volées à la saine volupté.

1234. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Trouvez-vous dans ce rhythme glacé de l’infini, du fini, de leur rapport, quelque chose qui ressemble à ces forces nombreuses, complexes et vivantes, instincts, désirs, passions, sentimens, idées encore confuses et enveloppées de sensibilité qui, par leur expansion dans les directions les plus diverses, par leur indéfectible énergie, portent sans cesse l’humanité en avant vers le mieux ? […] Qu’est-ce à dire, sinon que nous apprécions nos instincts, nos désirs, et, par suite, les motifs de nos actes volontaires d’après un modèle inné de perfection ?

1235. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Et ce sera sans doute le sujet de l’ouvrage qu’annoncent les Leblond : la Révélation de l’exotisme, où ils prétendent notamment établir que le romantisme fut beaucoup moins inspiré de l’Allemagne que provoqué par un désir d’expansion orientaliste. […] Boylesve a symbolisé les angoisses d’un enfant devant la vie, son désir d’un idéal, et son cri douloureux et puéril vers la statue qui domine les foules, est la conclusion nécessaire, profonde et ne prouvant rien.

1236. (1926) L’esprit contre la raison

Le culte des apparences, les préoccupations techniques certes étaient moins angoissantes et nous savons très bien comment, à l’exemple de tel ou tel animal qui peut tomber en sommeil s’il regarde longtemps un point fixe, les réalistes d’une part et, à leur suite, les esthètesac qui n’avaient d’yeux que pour les attitudes, d’oreilles que pour les mots, d’attention que pour les objets, ne se dédiaient ainsi à tout cet attirail que par un confus mais réel désir de somnolence. […] Mais l’esthétisme de l’apparence n’est d’ailleurs pas le seul à craindre et nous pourrions appeler le « mauvais tour joué par Dostoïevsky » certain besoin d’excentricité sentimental, désir d’affirmer de mauvais penchants, hâte à répéter : « Nous aussi nous pouvons faire des cochonneries. » Ces sinistres farces n’ont rien à voir avec le merveilleux auquel tant ont voulu les assimiler et dont la production littéraire artistique contemporaine offre de bien étranges exemples.

1237. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Mais le Joseph est un sot ; mais la femme est froide, sans passion, sans chaleur d’âme, sans feu dans ses regards, sans désir sur ses lèvres ; c’est un guet à pans qu’elle va commettre. […] Est-ce que je ne devrois pas lire dans les yeux de cette femme le dépit, la colère, l’indignation, le désir augmenté par le refus ?

1238. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Devant ces jeunes débauchés en qui fermentait déjà l’esprit du xviiie  siècle, il pose en principe que « la source de toute incrédulité est le dérèglement du cœur » ; que « le grand effort du dérèglement est de conduire au désir de l’incrédulité » ; que c’est l’intérêt qu’ont les passions à ne point arriver à un avenir où la lumière et la condamnation les attendent, qui incline et oblige les esprits à ne pas y croire.

1239. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Elle s’inquiétait beaucoup de ses dettes et de ses créanciers, ce que les grands ne faisaient pas toujours, et on a remarqué qu’elle n’était tranquille que lorsqu’elle avait assuré avant tout cet ordre de paiements, « prévenant les demandes, quelquefois les désirs, et toujours l’impatience et les plaintes ».

1240. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Il signale les vices d’organisation dans l’armée des Impériaux ; il en reconnaît les éléments solides, la supériorité de la cavalerie sur l’infanterie, et par où pèche celle-ci : « Ils ont peu d’officiers ; et on ne voit point dans ceux qu’ils ont un certain désir de gloire qui est dans les officiers français. » Lorsqu’il en vient aux Turcs et à leur gouvernement, il donne aussi ses idées, ses pronostics ; il se livre à des considérations proprement dites, et tourne le tout à la plus grande gloire de Louis XIV qu’il se plaît à supposer voisin de l’Empire ottoman, pour lui faire faire de ce côté des conquêtes plus faciles à exécuter, prétend-il, que ne l’a été celle des Pays-Bas.

1241. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Daru, dans la retraite où il composait son Histoire de Venise, rendu tout entier à sa nature d’écrivain et se rouvrant, comme la plupart des esprits d’alors, à une impulsion d’idées qui sera bientôt universelle, n’oublie donc pas les résultats de l’expérience, laquelle a condamné souvent certains désirs que l’homme estimait plus conformes à sa dignité (t. 

1242. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Ces générations plus jeunes et pleines de nouveaux désirs, qui souffraient impatiemment le long règne et la sujétion muette imposée par Louis XIV, devraient, ce semble, se tourner avec faveur du côté d’un héritier plus ou moins prochain qui s’annonce avec des maximes contraires ; mais loin de là : au lieu de cette faveur, elles n’ont que rage à l’avance et fureur de calomnie contre ce futur roi, parce qu’on le sait vertueux et religieux.

1243. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Il n’y manque, pour la compléter, que ce que Buffon n’avait pas assez, il y manque le rayon, l’humble désir qui appelle la bénédiction d’en haut sur l’humaine sueur et qui fait demander le pain quotidien13.

1244. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Le bonheur d’un être (grand principe, selon Bossuet) ne doit jamais se distinguer de la perfection de cet être ; le vrai bonheur digne de ce nom est l’état où l’être est le plus selon sa nature, où il est le plus lui-même, dans sa plénitude et dans le contentement de ses intimes désirs.

1245. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Nul homme à Paris ne peut dire que je lui aie demandé ou fait demander son suffrage, pas même que j’aie témoigné aucun désir des places où je suis parvenu.

1246. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Il lui parle du jeune Grammont, qui est près de lui à ce siège, avec intérêt et désir de flatter le cœur d’une mère : « Je mène tous les jours votre fils aux coups et le fais tenir fort sujet auprès de moi ; je crois que j’y aurai de l’honneur. » Les expressions de tendresse, mon cœur, mon âme, s’emploient toujours sous sa plume par habitude, mais on sent que la passion dès longtemps est morte ; et enfin le moment arrive où, après quelques vives distractions qui n’avaient été que passagères, Henri n’a plus le moyen ni même l’envie de dissimuler : l’astre de Gabrielle a lui, et son règne commence (1591).

1247. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Arnauld pour rétracter la première, qui n’avait rien d’ailleurs d’exorbitant ; et cette seconde lettre ne rétracte presque rien, et ne fait guère que réitérer les mêmes motifs d’excuse, les mêmes désirs d’approbation et les mêmes chatouilleuses inquiétudes.

1248. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Qu’on veuille se reporter en 1827, au moment où la curiosité critique se dirigeait dans tous les sens, non point par un esprit de simple étude et de connaissance impartiale, mais avec un désir de conquête, d’appropriation, et une honorable avidité de s’enrichir au profit de l’art et, s’il se pouvait, de la création moderne.

1249. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Nos passions et nos désirs taillent en nous, selon le temps et l’occurrence, plus d’une figure et d’un personnage.

1250. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

L’épigramme, chez les Grecs, n’est souvent que cela, un mot, une larme, un regret, un désir, un sourire, un sentiment vif et fugitif qu’on veut fixer.

1251. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Je plains la plus belle et glorieuse entreprise dont on ait jamais ouï parler… occasion que je ne verrai jamais, pour le moins sous un si grand capitaine, ni avec tant de désir d’y servir et d’y apprendre mon métier… N’est-ce pas à moi un assez grand sujet de plaindre la seule occasion qui m’était jamais arrivée de témoigner à mon roi (mais, ô Dieu, à quel roi !)

1252. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

L’impression de la nature champêtre, comme au temps de René ou d’Oberman, vient se mêler par caprices et par bouffées aux ennuis de l’âme et stimuler les vagues désirs : Il arrivait parfois des raffales de vent, brises de la mer, qui, roulant d’un bond sur tout le plateau du pays de Caux, apportaient jusqu’au loin dans les champs une fraîcheur salée.

1253. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Quand elle a un désir, elle n’est pas femme à négliger un moyen (26 avril 1701) : Je vous ai marqué par mes dernières que j’avais pris la résolution d’écrire à M. le duc de Savoie sur ce que vous avez eu la bonté de me mander.

1254. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

rappelle-toi nos anciens amis, les grands hommes que nous avons lus, que nous avons adorés ensemble, le siècle où nous vivons, tes premiers penchants, le caractère de ton esprit, et l’espèce de bonheur qui était l’objet de tes désirs.

1255. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Ce fut d’après le désir du roi son père qu’elle mit par écrit ses souvenirs.

1256. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Et Byron lui-même, le moins dupe des hommes et le moins sujet aux engouements, accueilli en 1816 par la châtelaine de Coppet si près de sa fin, et annonçant à ses amis qu’il avait trouvé Madame aussi brillante que jamais, écrivait ensuite pour lui dans son Memorandum : « Elle était la bonté même, et personne au fond n’était plus spirituel et plus aimable qu’elle ; mais elle était gâtée par son désir d’être… elle ne savait quoi.

1257. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Cet investigateur curieux et fin, et qui de plus est, je le crois, docteur en médecine, n’a pu résister au désir de produire un Journal aussi instructif en son genre que celui dont la Bibliothèque de Versailles avait une copie ; mais il a bien entendu être sérieux, rester historique, ne pas nuire à la mémoire d’un roi glorieux et national.

1258. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Et lorsque le professeur s’est levé en terminant, on se lève avec lui en foule, on sort plein d’instruction, de vues neuves, de désirs d’explication, de besoins de réponse, de controverses animées et bruyantes qui se prolongent longtemps, mais en se félicitant tous que la liberté du haut enseignement, en tant qu’elle dépend de l’équité d’un auditoire, soit consacrée chez nous par un rare exemple et dans une de ses branches les plus élevées.

1259. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

En fait de connaissance purement curieuse et ironique de la nature humaine, je ne sais ce que l’auteur des Lettres persanes laisse à désirer aux plus malins ; et dans l’Esprit des Lois, Montesquieu cherche à réparer, à rétablir les rapports exacts, à faire comprendre les résultats pratiques sérieux, à faire respecter les religions civilisatrices, et son explication historique des lois et des institutions, si elle ne conclut pas, inspire du moins tout lecteur dans le sens du bien, dans le désir du perfectionnement social graduel et modéré.

1260. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

… Quoi qu’il en soit de nos désirs et, de nos regrets, la nécessité à laquelle Carthage est supposée réduite, après toutes sortes de gradations et de vicissitudes, exalte le fanatisme de la populace ; le Sénat cède, il est décidé qu’on immolera des enfants, et un, entre autres, pris dans une grande famille.

1261. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Il me représente quantité d’esprits comme il y en a dans notre pays et à notre époque, mais comme il n’y en a peut-être pas assez, qui vont au fait, à l’utile ; qui ne sont pas préoccupés plus qu’il ne convient de la forme ; qui acceptent ce qui est bien, avec bon sens et sans chicane ; dont l’opposition n’a ni arrière-pensée, ni amertume ; qui élèvent plutôt qu’ils ne rapetissent les questions, qui ne les enveniment jamais ; qui peuvent sans doute préférer les méthodes et les solutions libérales, mais qui ne tiennent pas pour suspect tout bienfait qu’apporte un gouvernement fort ; qui prennent le régime sous lequel ils vivent, avec le franc et sincère désir d’en voir sortir toutes les améliorations sociales dont il est capable.

1262. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

N’ayant plus ni désir, ni force, ni mémoire, Je m’assieds, l’on accourt.

1263. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Et toutefois il a exprimé, en plus d’un endroit de ses écrits, des vœux de méditation individuelle et de hauteur solitaire, si fervents, si profondément sentis, il a marqué un tel désir d’idéal et une telle prédilection élevée pour les sommets infréquentés de la foule, que l’on conçoit très-bien qu’il ait pu, par moments, regretter aussi de ne pas vivre en des temps où cette lutte sur un terrain commun et public, cette bataille à livrer en plaine, ne lui aurait point paru nécessaire.

1264. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Ses belles fleurs jaillissaient avec toute l’ardeur du désir vers la pure lumière du ciel ; ses nobles feuilles, taillées tout exprès par la nature pour couronner la gloire, lavées par la bruine des jets d’eau, étincelaient comme des émeraudes au soleil.

1265. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Mais comment résister aussi au désir d’user de ce rocher si propice comme de son bien propre, pour y élever « l’inaccessible forteresse de Mont-Royal », de laquelle, dans un accès de verve à la Vauban et dans son ardeur de fortification, il disait comme eût fait un artiste, et en s’applaudissant de son idée : « Rien n’est plus beau que le poste que j’ai été visiter sur la Moselle, qui mettra les frontières du roi en telle sûreté, et les Électeurs de Cologne, Trêves, Mayence et le Palatin en telle dépendance, que cette frontière-ci sera meilleure et plus aisée à défendre que n’est celle de Flandre. » Une telle utilité justifiait à ses yeux bien des moyens.

1266. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

La France était aujourd’hui en voie d’intimité avec la Prusse et la Russie ; mais ces relations amicales tenaient à des causes peut-être passagères ; ici, au désir d’obtenir le gros lot dans le partage des indemnités germaniques ; là, à l’attachement passionné dont Paul Ier s’était soudainement épris pour Bonaparte.

1267. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

» Une réflexion cependant se présente, et je la glisse en passant : c’est que, dans le désir qu’il avait de faire sauter les deux d’Argenson, et surtout le second, le maréchal ne réussit que pour le marquis, c’est-à-dire celui qui était déjà condamné : preuve qu’il n’avait nullement cette toute puissance qu’on lui attribue.

1268. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Il semble avoir été écrit en prévision du 18 Fructidor et des déportations prochaines : on n’ose dire pourtant que la Guyane et Sinnamari aient en rien répondu à la description des colonies nouvelles que proposait Talleyrand d’un air de philanthropie, et en considération, disait-il, « de tant d’hommes agités qui ont besoin de projets, de tant d’hommes malheureux qui ont besoin d’espérances. » Il y disait encore, en vrai moraliste politique : « L’art de mettre les hommes à leur place est le premier peut-être dans la science du gouvernement ; mais celui de trouver la place des mécontents est, à coup sûr, le plus difficile, et présenter à leur imagination des lointains, des perspectives où puissent se prendre leurs pensées et leurs désirs est, je crois, une des solutions de cette difficulté sociale. » Oui, mais à condition qu’on n’ira pas éblouir à tout hasard les esprits, les leurrer par de vains mirages, et qu’une politique hypocrite n’aura pas pour objet de se débarrasser, coûte que coûte, des mécontents.

1269. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Ce que nous trouvons d’abord en lui, c’est la sensation, de telle ou telle espèce, agréable ou pénible, par suite un besoin, tendance ou désir, par suite enfin, grâce à un mécanisme physiologique, des mouvements volontaires ou involontaires, plus ou moins exactement et plus ou moins vite appropriés et coordonnés.

1270. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Chérubin est l’enfant en voie de passer homme, qui ne connaît pas la femme, et que la pensée de la femme obsède, tout bouillant de désirs effrontés et timides.

1271. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Qu’il ne songe pas surtout à manifester un désir de vie libre et indépendante.

1272. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Jean Moréas nous avoue qu’après avoir lu le Tombeau d’Edgard Poe il n’avait plus qu’un désir, c’était d’être présenté à l’auteur de « ces vers sublimes ».

1273. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Spinoza, on le sait, expliquait toutes nos passions par le désir, la joie et la peine, qu’il ramenait à l’inclination fondamentale de tout être : « être et persévérer dans son être. » Jouffroy arrivait à la même conclusion sous une autre forme et d’une autre manière.

1274. (1886) De la littérature comparée

Je ne puis vous apporter l’expérience que je n’ai pas, mais j’ai l’amour des grands sujets que nous allons aborder, le désir de vous les faire aimer, la volonté de travailler avec vous en vous encourageant et en vous guidant dans les limites de mes forces, et surtout, vous pouvez y compter, une sympathie toute acquise à tous vos efforts personnels.

1275. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Dans cette année 1677, il publia son épître à Racine ; là il marqua fortement le désir de se concilier la bienveillance du prince de Condé, du duc d’Enghien, des ducs de La Rochefoucauld et Marsillac, de Pomponne, de Colbert et Vivonne, celle du duc de Montausier même.

1276. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Léon Daudet surtout est une âme désemparée, un mélange de révolte exaspérée et de soif d’obéir, un chaos d’ambitions vers le repos moral et d’âpres désirs de pécher.

1277. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Si l’on ne composait ces notices que pour les lire devant des confrères et des connaisseurs, gens du métier, on pourrait s’en tenir aux traits simples et rester dans un parfait accord avec le sujet ; mais les séances publiques amènent le désir et le besoin des applaudissements, et les applaudissements s’obtiennent rarement par des traits fins et justes, par des nuances bien saisies, ou même par des vues simplement élevées.

1278. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Son amour-propre se satisfait ainsi ; il étale son esprit devant le lecteur ; et le désir qu’il a de se montrer penseur ingénieux le conduit souvent à bien penser.

1279. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Cette Convention, ainsi décapitée et privée des chefs qui faisaient sa terreur et sa force, n’est pourtant pas à mépriser ; Mallet du Pan n’a garde de s’y méprendre, et, en général, il pense que « c’est un mauvais conseil que le mépris de son ennemi. » — « Individuellement, dit-il, la Convention est composée de pygmées ; mais ces pygmées, toute les fois qu’ils agissent en masse, ont la force d’Hercule, — celle de la fièvre ardente. » Quant au peuple, au public en France, à la masse de la population, Mallet la connaît bien ; il ne lui prête ni ne lui ôte rien quand il la montre, au sortir du 9 Thermidor, n’ayant qu’un désir et qu’une passion, le repos et la paix, avec ou sans monarchie, et plutôt sans monarchie s’il est possible : Celle-ci (c’est-à-dire la monarchie), écrit-il à l’abbé de Pradt le 1er novembre 1794, n’a encore que des partisans timides.

1280. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Si Catherine de Médicis pour aller voir son fils le duc d’Anjou, fait le voyage de Paris à Tours, en trois jours et demi, ce qui était bien rapide alors et ce qui essoufflait le pauvre M. le cardinal de Bourbon peu accoutumé à de telles corvées, c’est que cette reine y est « portée, dit Marguerite, des ailes du désir et de l’affection maternelle ».

1281. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Il n’avait pu obtenir encore ce suprême témoignage d’attention, quand Beaumarchais se chargea d’en éveiller chez Mesdames le désir, et de le communiquer par elles au Dauphin, et, s’il se pouvait, au roi lui-même.

1282. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

» Ainsi, étant aisément convaincu, et, comme bien d’autres créatures raisonnables, me payant d’une petite raison quand elle est en faveur de mon désir, je bats de nouveau les cartes, et je commence une autre partie.

1283. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

… Partout, chez les boyards, chez les marchands de Moscou, dans les domaines de la petite noblesse, jusque chez les Cosaques zaporogues, il y avait quelque chose de ce regret et de ce désir ; bien des cœurs et des imaginations étaient disposés à accueillir ce roi fils de Rurik s’il reparaissait, lorsque tout à coup, en 1603, et quand Boris régnait depuis cinq années déjà, on apprit que Démétrius n’était point mort et qu’il s’était montré en plus d’un lieu.

1284. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Mme de Staël et M. de Chateaubriand, en survenant à l’heure propice, éveillèrent, chacun à sa manière, le goût du mystérieux ou de l’infini ; il y eut une génération où plus d’un esprit ressentit de ces malaises et de ces désirs inconnus à nos pères.

1285. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Nisard, « d’amour et de dégoût de la vie », du sentiment de la vanité des choses uni à un désir insatiable d’être et de vérité ; c’est le sentiment que l’âme éprouve en présence du problème de sa destinée, comme te disait M. 

1286. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Nos jeunes confrères indiquent dans leur désir d’un instrument rythmique plus libre qu’il est inutile d’attribuer un sexe aux rimes, ils expliquent comment on peut dissoner sur les vieilles habitudes en prolongeant les masculines sur les féminines pour résoudre au gré de l’alternance classique, mais au moment choisi par le poète, ce qui donne un effet agréable de surprise euphonique ; ils citent les allitérations et les arabesques de voyelles, et signalent l’existence d’équilibres phonétiques, plus curieux parfois que l’allitération et l’assonance pure (l’allitération qui n’a pas l’air d’allitérer)… bref tous moyens employés pour remplacer une symétrie au métronome, dure et pesante, par une symétrie très complexe, consistant non point dans la répétition régulière en coups de marteau de forge des mêmes sonorités, mais dans des effleurements ingénieusement variés des sonorités semblables à des intervalles dictés non plus par l’arithmétique, ou plutôt la numération, mais par un instinct de musicien qui manierait tantôt des leitmotiv, tantôt des rappels de timbre.

1287. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Il montre un visage calme et bienveillant, mais son cœur est torturé de la soif du pouvoir, mordu du désir d’étreindre tous ces passants et de les pétrir à sa guise.

1288. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

« Si la sensibilité avait le pouvoir comme elle a le désir, il ne lui resterait plus qu’à les satisfaire l’un par l’autre.

1289. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Le rêve et l’abstraction, telles furent les deux passions de notre renaissance : d’un côté l’exaltation sentimentale, « les aspirations de l’âme », le désir vague de bonheur, de beauté, de sublimité, qui imposait aux théories l’obligation d’être consolantes et poétiques, qui fabriquait les systèmes, qui inventait les espérances, qui subordonnait la vérité, qui asservissait la science, qui commandait des doctrines exactement comme on commande un habit ; de l’autre, l’amour des nuages philosophiques, la coutume de planer au haut du ciel, le goût des termes généraux, la perte du style précis, l’oubli de l’analyse, le discrédit de la simplicité, la haine pour l’exactitude ; d’un côté la passion de croire sans preuves ; de l’autre la faculté de croire sans preuves : ces deux penchants composent l’esprit du temps.

1290. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Les histoires pleuvent, navrantes et scabreuses, qui excitent au plus haut point les curiosités malsaines et la pitié, amènent le désir et les larmes. […] C’est une chose curieuse, vraiment, qu’un homme ne puisse plus, maintenant, confesser une foi littéraire, combattre pour une idée parce qu’il la croyait juste, belle et féconde, sans qu’on l’accuse d’être mû par des désirs bas de réclame et des avidités d’argent. […] Dans le désir exalté où j’étais de venger M.  […] En même temps qu’un artiste passionné, c’est un studieux opiniâtre, une sorte de bénédictin, toujours en désir de quelque noble savoir, toujours en quête de hautes recherches mentales. […] Jean Lombard avait gardé de son origine prolétaire, affinée par un prodigieux labeur intellectuel, par un âpre désir de savoir, par de tourmentantes facultés de sentir, il avait gardé la foi carrée du peuple, son enthousiasme robuste, son entêtement brutal, sa certitude simpliste en l’avenir des bienfaisantes justices.

1291. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

« La vision de Platon, contemplant les âmes cramponnées à la poulie qui les monte ou les descend dans le milieu dont le mal ou le bien de leurs désirs les rend avides, est une folle imagination pour qui ne veut pas dégager l’esprit de la lettre. […] Je veux que l’on respecte l’asile des morts ; je veux bien aussi que leurs monuments et leurs épitaphes servent d’enseignement aux vivants, quand il s’agit de morts illustres ; mais je comprends le désir de cette noble femme qui n’a point voulu d’ornements sur sa tombe. […] Théodore. — Mais cet insatiable désir du mieux, cette soif de la perfection en toutes choses, ce besoin d’un idéal absolu, ne sont-ils pas les conditions sine qua non du progrès ? […] Là où il n’y avait pas de désirs exaltés, il ne peut arriver ni déception, ni abattement, ni transformation quelconque. […] Il faut bien le dire : le sentiment de l’amour a manqué à Goethe ; ses passions de femme n’ont été que des désirs excités ou satisfaits ; ses amitiés, qu’une protection et un enseignement ; sa théosophie symbolique, qu’une allégorie ingénieuse voilant le culte de la matière et l’absence d’amour divin.

1292. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Octave Feuillet, l’héroïne, ennuyée de vertu, poussée par de vagues désirs, par une curiosité périlleuse, est sur le point de succomber ; elle échappe pourtant, et se jette avec un retour de tendresse dans les bras de son mari, parce qu’elle reconnaît qu’il est en définitive plus distingué, plus spirituel et plus aimable que l’homme qui allait la séduire. […] Cousin s’attache surtout à prouver — et il y réussit — c’est que ce ne fut pas le désir de plaire à madame de Longueville qui jeta La Rochefoucauld dans la Fronde, mais le dévouement absolu de madame de Longueville à son amant, qui l’y précipita elle-même, et fit d’elle l’héroïne de ces rébellions funestes. […] Albert de Broglie, non pas de ce banal coup de chapeau qui n’est que la politesse de l’indifférence, mais de ce geste amical et sympathique qui signifie l’estime parfaite, affermie plutôt que troublée par le désir de le voir faire encore un pas de plus sur ce chemin où nous sommes fier de nous rencontrer avec lui. […] car il suffit de les avoir aimées pour ne plus pouvoir aimer rien, et il suffit de t’avoir connue pour mêler sans cesse à l’envie de te maudire le regret de vivre loin de toi et le secret désir de te retrouver ! […] Parfois, le sérieux de sa pensée donnait à sa parole un caractère plein de noblesse ; parfois, le naïf enjouement de son âge rayonnait, au contraire, sans désirs et sans regrets.

1293. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Suppose-t-elle le désir, le dessein de la renverser ? […] Je lui ai exprimé le plus vif désir de voir Mme Camille. […] Je ne le trouve guère meilleur que vous ; mais il a un grand succès en Allemagne, et le succès inspire toujours le désir d’en connaître la cause, — Mais de quoi me mets-je à vous parler ?

1294. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Avec quelle justesse n’a-t-il pas remarqué que, dans les dix premières années de ma vie de ministre et d’homme de cour à Weimar, je n’avais, autant dire, rien fait ; que c’est le désespoir qui m’a poussé en Italie ; que là, pris d’un nouveau désir de produire, je saisis l’histoire du Tasse pour me délivrer, en prenant comme sujet tous les souvenirs et toutes les impressions de la vie de Weimar, qui me fatiguaient encore de leur poids accablant ! […] « A partir du 3, lui écrivait Tocqueville (26 septembre 1842), je vous attends ou plutôt nous vous attendons, nous, le billard, l’allemand, la tourelle, et surtout beaucoup d’amitié et un immense désir de vous tenir longtemps dans nos épaisses murailles, à l’abri des soucis, des agitations d’esprit, et j’espère aussi de l’ennui… » Ampère, dans ces séjours à Tocqueville, était bénédictin à son aise tout le jour et brillant de verve tous les soirs. […] Ampère avait eu une envie extrême d’être de l’Académie française, où il était si bien à sa place, et pendant dix-huit ans la politique, si vivement qu’il la conçût, ne mit jamais de son côté une entrave ni un retard à la poursuite de ses sollicitations, toutes littéraires d’ailleurs, et de ses continuels désirs.

1295. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Arrivé au collège, je ne fus distrait de l’étude que par le désir d’étudier sans contrainte. […] Je vous assure, mon ami cher et vénéré, que je suis plus malheureux que je ne l’ai jamais été. » Nous saisissons l’aveu : La Fayette, avant tout, possède à un haut degré l’amour de l’estime, le besoin de l’approbation, le respect de soi-même ; ce qui est bien à lui, c’est, dans cette affaire du Canada et dans plusieurs autres, d’avoir sacrifié son désir de noble gloire personnelle à un sentiment d’intérêt public. […] Washington répond : « Il est impossible, mon cher marquis, de désirer plus ardemment que je ne fais, de terminer cette campagne par un coup heureux ; mais nous devons plutôt consulter nos moyens que nos désirs, et ne pas essayer d’améliorer l’état de nos affaires par des tentatives dont le mauvais succès les ferait empirer.

1296. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Il avait l’âme d’un dictateur, altérée de pouvoir, et ouvertement, disant « que tous ses efforts pour se distinguer venaient du désir d’être traité comme un lord951. » — « Que j’aie tort ou raison, ce n’est pas l’affaire. […] Il y avait en lui une tempête incessante de colères et de désirs. « Une personne de haut rang en Irlande (qui daignait s’abaisser jusqu’à regarder dans mon esprit) avait coutume de dire que cet esprit était comme un démon conjuré, qui ravagerait tout si je ne lui donnais de l’emploi952. » Le ressentiment s’enfonçait en lui plus avant et plus brûlant que dans les autres hommes. […] Tel est ce grand et malheureux génie, le plus grand de l’âge classique, le plus malheureux de l’histoire, Anglais dans toutes ses parties, et que l’excès de ses qualités anglaises a inspiré et dévoré, ayant cette profondeur de désirs qui est le fond de la race, cette énormité d’orgueil que l’habitude de la liberté, du commandement et du succès a imprimée dans la nation, cette solidité d’esprit positif que la pratique des affaires a établie dans le pays ; relégué hors du pouvoir et de l’action par ses passions déchaînées et sa superbe intraitable ; exclu de la poésie et de la philosophie par la clairvoyance et l’étroitesse de son bon sens ; privé des consolations qu’offre la vie contemplative et de l’occupation que fournit la vie pratique ; trop supérieur pour embrasser de cœur une secte religieuse ou un parti politique, trop limité pour se reposer dans les hautes doctrines qui concilient toutes les croyances ou dans les larges sympathies qui enveloppent tous les partis ; condamné par sa nature et ses alentours à combattre sans aimer une cause, à écrire sans s’éprendre de l’art, à penser sans atteindre un dogme, condottiere contre les partis, misanthrope contre l’homme, sceptique contre la beauté et la vérité.

1297. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Avant tout, la superbe intraitable, le désir de plier autrui, l’esprit militant, le besoin de triomphe ; les sens ne viennent qu’ensuite. […] mon amour, par égard pour les meilleurs des parents, reprenez votre présence d’esprit habituelle ; autrement, moi qui vais me glorifier devant mille témoins de recevoir l’honneur de votre main, je serai prêt à regretter d’avoir acquiescé de si grand cœur aux désirs de ces respectables amis qui ont souhaité une célébration publique1070. » Les révérences commencent, les compliments bourdonnent, l’essaim des convenances voltige comme une bande de petits chérubins amoureux, et leurs ailes dévotes1071 viennent sanctifier les tendresses bénies de l’heureux couple. […] Ce n’est point l’orgueil ni la haine concentrée qui le roidissent. « Je n’ai point de ressentiment à présent, dit-il ; quoiqu’il m’ait pris ce que je tenais plus cher que toutes les richesses, quoiqu’il ait déchiré mon cœur (car je suis malade, très-malade, presque jusqu’à défaillir), pourtant cela ne m’inspirera jamais un désir de vengeance… Si ma soumission peut lui faire plaisir, qu’il sache que, si je lui ai fait quelque injure, j’en suis fâché… Comme il a été autrefois mon paroissien, j’espère un jour pouvoir présenter son âme purifiée au tribunal éternel1091. » Rien ne sert ; le misérable repousse hautainement cette prière si noble, par surcroît fait enlever la seconde fille et jeter le fils en prison sous une fausse accusation de meurtre.

1298. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Lorsqu’avec la faculté de prouver et d’expliquer, on en ressent le désir, on arrive à la véhémence. […] Mais pour ceux qui, en dépit de son aspect repoussant, avaient pitié d’elle et la protégeaient, elle se révélait plus tard à leurs yeux sous la belle et céleste forme qui lui était naturelle, accompagnait leurs pas, exauçait tous leurs désirs, remplissait leur maison de richesses, les rendait heureux dans l’amour et victorieux dans la guerre. […] Je répéterai la même idée sous tant de formes, je la rendrai sensible par des exemples si familiers et si précis, je l’annoncerai si nettement au commencement, je la résumerai si soigneusement à la fin, je marquerai si bien les divisions, je suivrai si exactement l’ordre des idées, je témoignerai un si grand désir de vous éclairer et vous convaincre, que vous ne pourrez manquer d’être éclairé et convaincu. » Certainement, il pensait ainsi, quand il préparait ce morceau sur la loi qui, pour la première fois, accorda aux dissidents l’exercice de leur culte.

1299. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Sur le regimbement de la table, et l’admiration bravement témoignée par Flaubert pour l’œuvre du grand historien, le voici entrant en une vraie colère, frappant la table du poing, en dépit de douleurs dans les articulations, et jurant, et vociférant que tout l’hystérisme de ses livres vient de ce qu’il a connu une seule femme, et qu’il y a chez lui du désir de prêtre. […] … — Moi, fait Gautier, se confessant au docteur Veyne pendant ce temps ; moi, je n’ai jamais eu un si violent désir de cette gymnastique intime… Ce n’est pas que je sois moins bien constitué qu’un autre. […] — Mais comment voulez-vous, lui disons-nous, que le père Beuve, malgré son touchant désir de tout comprendre, comprenne à fond un talent comme le vôtre ?

1300. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Quelquefois, pour un rien, l’enfant entrait dans de violentes colères, et alors il devenait vraiment méchant, avec un désir de faire mal, de nuire, de blesser. […] Ce Chérubin personnifie un moment, une date de la vie : c’est l’éveil d’une âme au désir. […] Le front mâle et fier, la joue en fleur et qui gardait encore les roses de l’enfance, la narine enflée du souffle du désir, il avançait le talon sonnant et l’œil au ciel, comme assuré de sa conquête et tout plein de l’orgueil de la vie. » Et lui-même, Alfred de Musset, un peu plus tard, fatigué, lassé de beaucoup de choses, se revoit dans le passé tel qu’il était alors : Il était gai, jeune et hardi, Il se jetait en étourdi          À l’aventure. […] Alfred de Musset n’a mis dans ses vers, en effet, que lui-même, et de lui-même il n’a voulu engager dans ses vers absolument que ses désirs, absolument que ses passions.

1301. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

est-ce désir de paraître un vrai Parisien ?) […] C’est bien lui qui écrit : « La plupart prennent pour l’amour ce qui n’est que le désir d’aimer, à moins que ce ne soit la vanité de l’être 23. » Pour le coup je suis sûr que Noël et Chapsal, auxquels M.  […] Meilhac, elle se dégagera tout à fait de la brume qui l’enveloppe encore. » Dans son désir de la voir plus tôt briller en pleine lumière, M.  […] Il a dû aussi bien souvent suivre d’un long et vague désir une belle inconnue devinée d’un regard au fond d’un coupé. […] À toute époque il y a au sein d’une société des aspirations vagues qui naissent à la fois dans un grand nombre de cœurs, des désirs à demi inconscients qui demandent à être satisfaits, des pensées indécises et des sentiments confus qui se respirent en quelque sorte dans l’air ambiant.

1302. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Ce qui fait agir Œdipe, ce n’est pas le désespoir (car il irait alors jusqu’au suicide), c’est le désir d’expier son crime. […] Et le désir du fruit défendu, c’est le péché. […] Il me semble qu’un quadragénaire (surtout si c’est un homme à bonnes fortunes) ne peut aimer une couventine sans qu’il se mêle à son amour une secrète paternité de sentiments, qui le rend équivoque et déplaisant à concevoir, ni sans qu’il se mêle à son désir des curiosités honteuses, des insistances de l’imagination sur ce que la verdeur du fruit attendu lui peut ménager de surprises, bref, des pensées et des espoirs par où l’« objet » aimé se trouve comme souillé d’avance. […] La déesse a la tête voilée ; cela veut dire : « Cache ta vie. » Elle est étroitement drapée de façon à occuper le moins de place possible ; cela veut dire : « Réduis les affections et tes désirs ; ne te marie point ; n’aime point ; ne sois rien, pas même ministre ; arrange-toi de façon à offrir la plus petite surface aux coups de la fortune. » Elle replie le bras de manière à mettre l’avant-bras en évidence ; et, comme la longueur de l’avant-bras, c’est la coudée, et que la coudée, c’est l’unité de mesure ; cela veut dire : « Sois mesuré dans tes paroles et dans tes actes », ou peut-être : « Mesure tout » ; en d’autres termes : « Examine et compare tout et, par suite, doute de tout, et vis uniquement de curiosité. » Elle a les yeux fixés sur son sein ; cela veut dire : « Mais, être curieux de l’univers, c’est être curieux des impressions que l’univers produit sur nous, car tout se passe en nous et nous ne pouvons sortir de nous-même. » Et cela veut dire aussi tout simplement : « Vis en toi et chez toi. » Elle a le doigt rapproché de la bouche ; cela veut dire : « Aime le silence. » Elle tient un joug dans sa main ; cela veut dire : « Résigne-toi. » Elle se tient quelquefois sur un char attelé de griffons, et cela veut dire : « Tous ces conseils seront sans doute fort inutiles, et ne t’empêcheront point d’aller à la douleur par l’inévitable chemin de la passion et des sentiments excessifs. […] Nous avons tous connu ce désir inepte.

1303. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Suivent quelques additions et corrections que Lutteroth a fait imprimer telles que Vinet les lui envoyait sans tenir compte — et il a eu raison — du désir exprimé par Vinet qu’il leur donnât une forme plus châtiée. […] Ce Michiels est des derniers, fou et grossier, n’ayant répondu que par des insultes à nos désirs et à nos efforts stériles pour le servir. […] Que gagne-t-on à dire de naturels désirs, un direct remède, une âme décente, aigri pour aigre, et une foule de choses pareilles ? […] Elle ne se déploie pas au loin ; elle n’en a pas eu l’occasion ni le désir, mais elle est plus souveraine, plus accablante. […] Croire que le monde existe sans but, qu’il n’y a point de terme promis au pèlerinage de l’humanité ; que notre vie individuelle, pleine de désirs et de besoins qui ne doivent jamais être satisfaits, n’est, en résumé, que la plus cruelle des plaisanteries, c’est véritablement épouser le désespoir.

1304. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Henri III empêche donc qu’on ne réprime vigoureusement l’émeute dès le principe : il avait expressément défendu à ses capitaines d’enfoncer les bourgeois, « et il avait tant de peur que l’impatience des soldats et le désir de butiner ne leur fissent oublier ses ordres qu’il leur envoyait de ses officiers de moment en moment pour les réitérer.

1305. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Fabrice, d’après ses débuts et son éclair d’enthousiasme en 1815, pouvait devenir un de ces Italiens distingués, de ces libéraux aristocrates, nobles amis d’une régénération peut-être impossible, mais tenant par leurs vœux, par leurs études et par la générosité de leurs désirs, à ce qui nous élève en idée et à ce que nous comprenons (Santa-Rosa, Cesare Balbo, Capponi).

1306. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Présenté au jeune roi, qui n’avait que six ans plus que lui, La Fare entrait dans le nouveau régime quand tout commençait et sous l’œil du maître ; il n’avait qu’à y tourner son esprit avec quelque suite pour se concilier la faveur : « J’oserais même dire que le roi eut plutôt de l’inclination que de l’éloignement pour moi ; mais j’ai reconnu dans la suite que cette impression était légère, bien que j’avoue sincèrement que j’ai contribué moi-même à l’effacer. » Doué d’un esprit fin et libre, d’un jugement élevé et pénétrant, il aima mieux être indépendant qu’attentif et flatteur, et ce n’est pas ce qu’on peut lui reprocher ; mais il devint évident par la suite qu’il prit souvent pour de l’indépendance ce qui n’était que le désir détourné de se retirer de la presse et de chercher ses aises.

1307. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Presque tout ce que fit Cowper eut ainsi son motif déterminant dans un vœu, dans un désir des personnes qui lui étaient chères : s’il prit part aux Hymnes d’Olney, ce fut à la prière de M. 

1308. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Parlant quelque part d’un homme d’un esprit étroit et faux qui mettait son orgueil à déplaire, et qui méprisait par principe la bonté et la douceur des gens véritablement grands : « Il n’admire du fer, dit-il, que la rouille. » Parlant du caractère des Français qu’il a si bien connus, qui sont portés à entreprendre et à se décourager, à passer de l’extrême désir et du trop d’entrainement au dégoût, il dit : « La lassitude du soir se ressent de l’ardeur du matin. » Enfin, voulant appeler et fixer l’attention sur les misères du peuple des campagnes dont on est touché quand on vit dans les provinces, et qu’on oublie trop à Paris et à Versailles, il a dit cette parole admirable et qui mériterait d’être écrite en lettres d’or : « Il nous faut des âmes fermes et des cœurs tendres pour persévérer dans une pitié dont l’objet est absent. » Si ce n’est pas un écrivain, ce n’est donc pas non plus le contraire que d’Argenson : sa parole, livrée à elle-même et allant au courant de la plume, a des hasards naturels et des richesses de sens qui valent la peine qu’on s’y arrête et qu’on les recueille.

1309. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Pourtant, on a beau être savant et d’une pénétrante intelligence, comme on est jeune, comme on a soi-même ses excès intérieurs de force et de désirs, comme on a ses convoitises et ses faiblesses cachées, il y a des illusions aussi que peuvent faire ces œuvres toutes modernes du dehors et qui s’adressent à la curiosité la plus récente ; on les voit comme les premières jeunes femmes brillantes qu’on rencontre et à qui l’on croit plus de beauté qu’elles n’en ont ; on leur suppose parfois un sens, une profondeur qu’elles n’ont pas, on leur applique des procédés de jugement disproportionnés, et on les agrandit en les transformant.

1310. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Mais je puis bien vous dire encore, en général, qu’il n’y a ni proportion, ni convenance, entre mes forces et mes désirs, entre ma raison et mon cœur, entre mon cœur et mon état, sans qu’il y ait plus de ma faute que de celle d’un malade qui ne peut rien savourer de tout ce qu’on lui présente, et qui n’a pas en lui la force de changer la disposition de ses organes et de ses sens, ou de trouver des objets qui leur puissent convenir.

1311. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Toujours en doute et en défiance d’être aimée, elle a le désir de l’être.

1312. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Il y avait des temps où il disait : « La retraite est le but de mes désirs ; je veux terminer mes jours loin du bruit et d’une société qui finirait peut-être par me rendre misanthrope.

1313. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Elle a trop souvent manqué depuis à des écrivains énervés par le désir d’entrer un jour à l’Académie française. » Beyle ne savait pas très exactement l’histoire littéraire, et il n’appréciait pas la qualité essentielle, solide et grave, de la langue sous Louis XIV ; mais là où il ne se trompait pas, c’était sur l’abus qu’on avait fait depuis lors des fausses imitations et des prétendues conformités avec cette langue et surtout avec la poésie racinienne.

1314. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

On n’en connaissait jusqu’ici qu’une très faible partie, un Mémorandum imprimé à Caen en 1855, et pour quelques amis seulement ; mais ce peu qu’on avait vu d’elle, chez ceux à qui il avait été donné d’en être confidents, avait excité un vif désir d’en avoir et d’en savoir davantage.

1315. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

D’autres, simples assistants et hommes de désir, se plaisaient à voir le catholicisme s’essayer à des interprétations compatibles peut-être avec les progrès de la science et avec ceux de l’humanité ; ils prenaient goût à de hauts entretiens qui rappelaient ceux des philosophes ou des chrétiens alexandrins.

1316. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Nul, en effet, ne s’entendait aussi bien que M. de Harlay à aller au-devant des vœux de Louis XIV, à suivre ses ordres ou à prévenir ses désirs, à le servir en tous ses desseins conçus de bonne heure, pour l’extirpation du Jansénisme, pour l’extinction de l’hérésie, pour le maintien et l’extension des droits de la Couronne, pour l’établissement et l’achèvement de cette unité, chère au monarque, dans les choses de foi, de mœurs, de discipline, de liturgie.

1317. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Il y a des abîmes de misère au fond d’un pareil désir.

1318. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Jamais maladie n’était venue plus à point pour le jeune duc qui, malgré son secret désir, en semblait fort contrarié.

1319. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il y a dans le cœur des hommes plus de pauvreté qu’il n’y a de misère dans la vie. » La sévérité morale, si naturelle à la première jeunesse que rien n’a corrompue, s’y marque en bien des pensées : « Dès que l’on aime, on a besoin de s’estimer ; la dignité est inhérente à tous les sentiments passionnés et au désir de plaire. » « La sensibilité profonde est aussi rare que la vertu ; … le cœur qui peut se laisser séduire un instant ne s’attache véritablement qu’à ce qu’il respecte.

1320. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Je le sais, la doctrine du trop, de l’exagération dite légitime, de la monstruosité même, prise pour marque du génie, est à l’ordre du jour : je demande à n’en être que sous toute réserve ; j’habite volontiers en deçà, et j’ai gardé de mes vieilles habitudes littéraires le besoin de ne pas me fatiguer et même le désir de me plaire à ce que j’admire.

1321. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Lorsqu’il a eu à parler de Mme Roland, comme s’il s’agissait avant tout de la disculper et de la défendre, il a essayé de diminuer son rôle actif auprès de son mari et sa part virile d’influence : il s’est refusé également à admettre qu’il se fût logé dans ce cœur de femme aucun sentiment autre que le conjugal et le légitime, ni aucune passion romanesque : « Écoutez-les, disait-il hier encore, en s’adressant par la pensée aux différents historiens ses prédécesseurs et en les indiquant du geste tour à tour : ceux-là, soit admiration sincère pour le mérite de Mme Roland, soit désir de rabaisser celui des hommes qui l’entouraient, voient dans la femme du ministre la tête qui dirige et son mari et les législateurs qui le fréquentent, et répétant un mot célèbre : Mme Roland, disent-ils, est l’homme du parti de la Gironde ; — ceux-ci, habitués à se laisser aller à l’imagination du romancier ou du poète, transforment l’être qu’ils ont créé en nouvelle Armide, fascinant du charme de ses paroles ou de la douceur de son sourire ceux qu’elle réunit dans ses salons ou qu’elle convie à sa table ; — d’autres enfin, scrutateurs indiscrets de la vie privée, se placeront entre la jeune femme et son vieux mari, commenteront de cent façons un mot jeté au hasard par cette femme, chercheront à pénétrer jusqu’aux plus secrets sentiments de son âme, compteront les pulsations de son cœur agité, selon que telle ou telle image, tel ou tel souvenir l’impressionne, et montreront sous un voile transparent l’être vers lequel s’élancent sa pensée et ses soupirs ; car à leur roman il faut de l’amour. » Et il ajoute, plein de confiance dans le témoignage qu’il invoque : « Mme Roland a raconté elle-même avec une simplicité charmante ce qu’elle a pensé, ce qu’elle a senti, ce qu’elle a dit, ce qu’elle a fait. » Eh bien !

1322. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Mais il est à remarquer qu’elle dit toujours cette nation, et jamais notre : elle n’était pas devenue, malgré tout son effort et son désir, partie intégrante de cette nation.

1323. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Aller en avant, marcher devant soi à travers la terre habitable était un désir à la fois et une nécessité.

1324. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

« Voulez-vous me permettre de vous dire encore que je ne me sens, dans mes petits livres, ni parti pris d’avance, ni désir prêcheur ?

1325. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Le sentiment qui perce déjà le plus en elle est son désir ou plutôt sa volonté décidée d’être absolument indépendante.

1326. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Ici deux points de vue, deux façons de sentir, qui avaient l’une et l’autre leur raison d’être et leur légitimité, sont en présence, et l’histoire ne peut que les constater sans trancher le différend : il y avait la manière héroïque et patriotiquement guerrière d’entendre la défense du sol, la résistance nationale ; de faire un appel aux armes comme aux premiers jours de la Révolution, et, ainsi que Napoléon l’écrivait à Augereau, de « reprendre ses bottes et sa résolution de 93 » ; mais il y avait aussi chez la plupart, et chez les hommes de guerre tout les premiers, fatigue, épuisement, rassasiement comme après excès ; il y avait partout découragement et dégoût, besoin de repos, et, dans le pays tout entier, un immense désir de paix, de travail régulier, de retour à la vie de famille, aux transactions libres, et, après tant de sang versé, une soif de réparation salutaire et bienfaisante.

1327. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Par malheur, il est trop vrai que, de nos jours, plus d’un jeune auteur s’est accoutumé à tout mettre dans la chaleur du sang et dans la fougue du désir ; leur talent a passé de bonne heure dans le tempérament, et s’y est comme fixé.

1328. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Je conçois, Messieurs (et d’assez beaux noms autour de moi me le disent), que le divorce entre les différentes applications de la pensée ait cessé de nos jours, qu’un noble esprit habitué à tenter les hautes sphères, à parcourir la région des idées en tous les sens, ne se croie pas tenu à circonscrire son activité sur tel ou tel théâtre, qu’il ne renonce pas à sa part de citoyen, à faire peser ou briller sa parole dans les délibérations publiques, à compter dans l’État ; — je conçois, Messieurs, et même j’admire un tel rôle ; mais ce n’en est pas moins un aimable contraste que cette modération de désirs et, si l’on veut, d’idées, chez un homme aussi distingué, aussi désigné, et qui pouvait espérer beaucoup.

1329. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Et Boileau, voyez-le tailler, rogner, changer, abréger son Longin, sans autre loi que son goût et le désir d’éviter de la peine à son lecteur, écartant les « antiquailles » (entendez ce qui suppose une teinture d’histoire ou d’archéologie), supprimant ce qui est « entièrement attaché à la langue grecque » (entendez ce qui suppose la connaissance du grec), substituant, dans une citation de Sapho, un « frisson » à une « sueur froide », parce que « le mot de sueur en français ne peut jamais être agréable, et laisse une vilaine idée à l’esprit ».

1330. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Il a la science et l’adresse des célèbres séducteurs des romans du XVIIIe siècle : il n’a pas leur entrain ni leur fougue ; il n’a pas ce qui rend le désir irrésistible ; il ne tient pas assez au dénouement.

1331. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Étrangère à la théorie des récompenses individuelles, que la Grèce a répandue sous le nom d’immortalité de l’âme, la Judée avait concentré sur son avenir national toute sa puissance d’amour et de désir.

1332. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

car si l’espèce humaine est si sotte et si digne de mépris, et s’il n’y a rien ni personne en-dessus d’elle, pourquoi s’aller dévouer corps et âme à l’idée de gloire, qui n’est autre que le désir et l’attente de la plus haute estime parmi les hommes ?

1333. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

En terminant ses Fables à une époque où déjà l’ancienne société française était bouleversée et en train de périr, Florian exprimait un vœu sincère, le désir vrai d’être oublié ; il souhaitait la paix secrète, la paix du cœur, un abri studieux, Le travail qui sait éloigner Tous les fléaux de notre vie ; Assez de bien pour en donner, Et pas assez pour faire envie.

1334. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Cet « engagement âpre et ardent d’un désir impétueux » n’est pas de son fait.

1335. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

L’agrément et la bonté, qui y sont aussi, ne paraissent à des yeux pénétrants que l’effet d’un extrême désir de plaire, et ces expressions séduisantes laissent trop apercevoir le dessein même de séduire.

1336. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Mais l’Abbé, plus judicieux, remarquera que les modernes ont perfectionné l’analyse en tout genre, et que, comme l’anatomie a trouvé dans le cœur des valvules, des fibres, des mouvements et des symptômes qui ont échappé à la connaissance des anciens, la morale y a aussi trouvé des inclinations, des aversions, des désirs et des dégoûts que les mêmes anciens n’ont jamais connus.

1337. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

D’ailleurs, la personne du monde la plus propre à l’intrigue, et qui y avait passé sa vie à Rome par son goût ; beaucoup d’ambition, mais de ces ambitions vastes, fort au-dessus de son sexe et de l’ambition ordinaire des hommes, et un désir pareil d’être et de gouverner.

1338. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Cependant M. de Montbreuse avait d’autres projets pour sa fille ; il la destinait au fils de l’un de ses meilleurs amis, et dont il était le tuteur : mais elle lui laisse à peine le temps de lui expliquer ce désir ; elle aime Alfred, elle n’aime que lui : Jamais d’autre !

1339. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

» Dans une de ses lettres finales, nous surprenons de lui un espoir ou du moins un désir sur l’immortalité de l’âme : Je n’aime pas, disait-il à un ami, que, dans vos réflexions philosophiques, vous regardiez la dissolution du corps comme l’avenir qui nous est exclusivement destiné ; ce corps-là n’est pas nous ; il doit périr sans doute, mais l’ouvrier d’un si bel assemblage aurait fait un ouvrage indigne de sa puissance s’il ne réservait rien à cette grande faculté à qui il a permis de s’élever jusqu’à sa connaissance !

1340. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Dans ce pays, qu’est-ce qu’il arrive, lorsque les instincts du jeune homme sont par trop scientifiques, il se met dans une carrière satisfaisant à moitié ses goûts, à moitié son désir d’enrichissement, il devient ingénieur de chemin de fer, directeur d’usine, directeur de produits chimiques… Déjà cela commence à arriver en France, où l’École polytechnique ne fait plus de savants. » Et la conversation continuant, Berthelot ajoutait : « Que la science moderne, cette science qui n’a guère que cent ans de date, et qu’on dote d’un avenir de siècles, lui semblait presque limitée par les trente années du siècle dans lequel nous vivons.

1341. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Laforgue, depuis nos vingt ans simultanés, connaissait mes théories ; mais à l’application de mes principes encore embryonnaires, désirs plus que système, mais contenant en germe les développements à venir, nos vers furent bien différents de par nos organisations et nos buts dissemblables.

1342. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

On sait que, mille fois, Augier avait exprimé le désir qu’aucun avertissement ne lui fût donné de l’approche de la mort.

1343. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Ce qui a de la valeur est bon à quelque titre ; ce qui est bon est désirable ; tout désir est un état intérieur.

1344. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Henry Murger I Il est certains ouvrages qui, la lecture achevée, vous laissent au cœur une sorte de désir dont on ne se rend pas bien compte.

1345. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Elle fit respecter l’innocence des enfants dont elle était chargée, réfréna les désirs du roi, l’épousa en secret, n’en parla jamais, ne revendiqua aucun des privilèges de sa fonction, acheta et sauva des patrimoines de protestants indemnisés, ne répondit point aux calomnies, et, à la mort du roi, baissa ses coiffes qu’elle n’avait jamais beaucoup relevées, et s’en alla mourir à Saint-Cyr.

1346. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

De l’idée générale il fallait aller jusqu’à l’absolu de l’idée, et mettre la main sur ce qui ferait le couronnement, la gloire et la force de toute critique : le critérium, que je cherche en vain dans tous les critiques, depuis Goethe jusqu’à Sainte-Beuve, qui le nient et le méprisent, et jusqu’à Aubryet, qui ne le méprise point, lui ; qui en a probablement un vague instinct, un désir confus, au fond de son intelligence éprise de l’idée ; mais qui, dans son livre des Jugements nouveaux, encore aujourd’hui ne l’a pas !

1347. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Il conclut à la faire entrer dans le désir et la volonté de l’homme, qui doit vouloir l’achèvement de son être et sa rentrée, par la souffrance, dans l’Infini qui sera sa béatitude… Effort, travail, souffrance, voilà la loi.

1348. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Ce désir d’infini, dit-il,                               … malgré tout, persistant, Hélas !

1349. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

(En Avant, bulletin paroissial d’Ardelay, Vendée, et lettre communiquée)‌ Les mystiques disent qu’il faut se clouer par le désir à la Croix du Christ, et l’on sait sur ce thème une belle lettre de sainte Catherine de Sienne, mais qu’est-ce que la plus ardente doctrine auprès d’un acte !

1350. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

S’il a quelque passion, c’est le désir d’opérer beaucoup, avec précision, et sur des objets inconnus.

1351. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Les fleurs, la fraîcheur de la chambre, l’ennui de bâiller seul, la gaieté du ciel, toutes ces idées, avec tous leurs détails, passent et reviennent dans votre tête, agréables ou fâcheuses, avec des commencements et des chocs de désirs contraires ; tout à coup vous apercevez un volume nouveau, les Contemplations de Victor Hugo.

1352. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Il faut convenir que s’il avait pu le mériter, c’eût été par son respect pour les connaissances et le désir qu’il eut d’éclairer sa nation.

1353. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Dire qu’il parle par une inspiration surnaturelle, c’est dire qu’il trouve en lui-même un ardent désir de parler, ou quelque forte opinion pour laquelle il ne peut alléguer aucune raison naturelle et suffisante556. » Il réduit l’homme à n’être qu’un corps, l’âme à n’être qu’une fonction, Dieu à n’être qu’une inconnue. […] C’est le point de départ des mathématiques qu’il donne aux sciences morales, lorsqu’il pose que la sensation est un mouvement interne causé par un choc extérieur, le désir un mouvement interne, dirigé vers un corps extérieur, et lorsqu’il fabrique avec ces deux notions combinées tout le monde moral. C’est la méthode des mathématiques qu’il donne aux sciences morales, lorsqu’il démêle comme les géomètres deux idées simples qu’il transforme par degrés en idées plus complexes, et qu’avec la sensation et le désir il compose les passions, les droits et les institutions humaines, comme les géomètres avec la ligne courbe et la ligne droite composent les polyèdres les plus compliqués. […] Tel est en effet le désir que suggère ce spectacle de la restauration anglaise. […] Ils étaient dans cet état passager et extrême où l’imagination adulte et vierge, encombrée de désirs, de curiosités et de forces, développe tout d’un coup l’homme, et dans l’homme ce qu’il y a de plus exalté et de plus exquis.

1354. (1893) Alfred de Musset

Et ne vois-tu pas que changer sans cesse, C’est perdre en désirs le temps du bonheur ? […] Tout mon désir était de le quitter sans le faire souffrir. […] Il n’avait pas dix-huit ans : le front mâle et fier, la joue en fleur et qui gardait encore les roses de l’enfance, la narine enflée du souffle du désir, il s’avançait le talon sonnant et l’œil au ciel, comme assuré de sa conquête et tout plein de l’orgueil de la vie. […] Il avait deux raisons d’altérer la vérité : sa haine contre George Sand, qui l’animait à « diminuer sa part », selon l’expression de quelqu’un qui l’a bien connu ; et le désir légitime d’égarer le lecteur, dans la mêlée de femmes du monde compromises par son frère. « La Nuit de décembre » faisait la part trop belle à l’héroïne, pour qu’un justicier de cette âpreté pût se résoudre à la laisser à George Sand. […] Il a, comme Musset, l’amour de l’amour, et, après chaque expérience, le dégoût invincible, et, après chaque dégoût, l’invincible besoin de recommencer l’expérience, et dans la satiété toujours revenue le désir toujours renaissant ; en somme, la grande maladie humaine, la seule maladie, l’impatience de n’être que soi et que le monde ne soit que ce qu’il est, et l’immortelle illusion renaissant indéfiniment de l’immortelle désespérance… » Le Fantasio de la comédie entreprend pieusement de rompre un mariage qui serait une offense envers le divin Éros.

1355. (1898) La cité antique

On lui adressait de ferventes prières pour obtenir de lui ces éternels objets des désirs humains, santé, richesse, bonheur. […] La nécessité de satisfaire à la religion, combinée avec le désir de sauver les intérêts d’une fille unique, fit trouver un autre détour. […] Entre lui et son désir du repos, entre lui et son amour, vient toujours se placer l’arrêt des dieux, la parole révélée, fata. […] Le désir de louer les dieux pouvait être plus fort que l’amour de la vérité.

1356. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

La tempête de ses colères et de ses efforts n’a servi qu’à le leur jeter en pâture, et il n’arrive sous leurs becs ou sous leurs mâchoires qu’avec le sentiment de ses espérances frustrées et de ses désirs inassouvis. […] La froide main — d’un démon impitoyable m’a retenu — par un seul cheveu, qui n’a pas voulu se briser. —  Dans la fantaisie, dans l’imagination, dans toutes — les opulences de mon âme, j’ai plongé jusqu’au fond ; —  mais, comme une vague refluante, elle m’a rejeté — dans le gouffre de ma pensée sans fond. —  J’habite dans mon désespoir, —  et j’y vis, j’y vis pour toujours1292. » Qu’il la voie encore une fois, c’est vers cet unique et tout-puissant désir qu’affluent toutes les puissances de son âme. […] Autour de lui, comme une hécatombe, gisent les autres, blessés aussi par la grandeur de leurs facultés et l’intempérance de leurs désirs, les uns éteints dans la stupeur ou l’ivresse, les autres usés par le plaisir ou le travail, ceux-ci précipités dans la folie ou le suicide, ceux-là rabattus dans l’impuissance ou couchés dans la maladie, tous secoués par leurs nerfs exaspérés ou endoloris, les plus forts portant leur plaie saignante jusqu’à la vieillesse, les plus heureux ayant souffert autant que les autres, et gardant leurs cicatrices, quoique guéris.

1357. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Cette soif de lecture n’a pas pour seul mobile une inerte curiosité ; bien certainement, c’est le désir d’apprendre qui se cache là dessous, le désir d’apprendre et le besoin non moins vif de poursuivre la confirmation des idées qui préoccupent aujourd’hui la masse de notre population. […] Est-elle jeune, son innocence est de l’ignorance : sa candeur est déjà de la volupté ; sans le savoir elle s’offre au désir ; et c’est ainsi que Ninon s’endort en contemplant la blancheur de ses bras et en se demandant ce que c’est qu’un amoureux.

1358. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Il laisse percer le désir de retourner en Orient, au Japon, me peignant le soulèvement de cœur qu’il a, en entrant dans une gare d’Europe devant les affiches Bobœuf, etc. […] mais chez nous, quand l’âme est prise si violemment, se peut-il que la chair s’absente d’un concert, où tout chante le désir d’aimer !  […] Mardi 28 août Un jour arrivera-t-il, où la science pourra traduire les tentatives parlantes de l’animal, voulant dire à l’homme, ses sensations, ses besoins, ses désirs, et ne pouvant les exprimer ?

1359. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Ces idées sont de trois sortes : 1° les idées des choses sensibles qui sont absolument muettes (comme les étoiles) ; 2° les idées psychologiques (l’âme, l’esprit, le désir, etc. ) ; 3° les idées métaphysiques. […] Dès lors, le désir d’exprimer au dehors notre pensée se partage en deux tendances opposées : d’une part, nous désirons faire sortir le signe intérieur naturel de la sphère invisible de la conscience et le rendre sensible à nos semblables ; c’est là le moyen le plus sûr et le plus direct de les amener à concevoir une pensée identique à la nôtre ; car, un tel signe une fois perçu par notre semblable, celui-ci possède l’élément essentiel de la pensée que nous voulons lui communiquer ; il ne lui reste plus qu’à la compléter ; cela même est facile et se fait sans effort : l’image qui est la principale pour tout esprit comme pour le nôtre éveille dans l’esprit d’autrui, comme elle ferait dans le nôtre, ses accessoires habituels ; — d’autre part, nous souhaitons un signe aussi rapide que la pensée, un signe facile à produire, un signe tel qu’une succession de ses variétés puisse rendre avec le moins de retard possible une succession de nos idées ; nous sommes donc invités à modifier les proportions naturelles de l’idée, à fixer de préférence notre attention sur un des éléments que la nature des choses reléguait au second plan, à le situer de force au premier, et à lui attribuer la fonction de représenter l’ensemble. […] Tandis que ces obstacles arrêtaient le développement des signes extérieurs visibles, les phénomènes assez peu nombreux où l’image sonore est la principale étaient promptement, aisément, et avec une approximation suffisante, imités par les organes vocaux ; la tentation d’étendre par des associations cet admirable moyen d’expression était naturelle : on commença par désigner par des sons les formes visibles et tangibles des animaux ; cette hardiesse avant été couronnée de succès, l’onomatopée, fécondée par l’association des idées, se trouva suffire à l’expression d’un très grand nombre de pensées ; dans toute idée dont une image sonore était constitutive à quelque degré, cette image était extraite par l’attention du mélange qui l’enveloppait et comme située à part à l’état de phénomène indépendant ; et à mesure que le langage audible se développait, même alors que l’onomatopée tournait au symbole et que se préparait l’ère du langage conventionnel, le désir secret d’exprimer au-dehors toutes nos pensées, d’exprimer vite chacune d’elles pour passer bientôt à une autre, et d’égaler, autant que possible, le rythme de l’expression au rythme de la pensée, dirigeait les préférences de notre attention sur ceux des éléments de nos idées que nos organes pouvaient le plus facilement reproduire, c’est-à-dire sur les éléments sonores.

1360. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Jeunesse, ensorcellement du désir, beauté, qu’était-ce donc que tout cela ? […] » eût-on dit de Victor Hugo, si, de son vivant, il eut publié le livre qui paraîtra demain ; livre qui renferme tout ce que les spéculations philosophiques et religieuses, tous les désirs, toutes les aspirations de l’âme humaine ont résumé d’utopies et de suppositions, tournées toutes vers un but unique : Dieu. […] Par la force du désir, il monte au-delà du terrestre et commence l’Ascension dans les ténèbres. […] Je ne parle pas du roman, vraiment intéressant, et que cet extrait me semble devoir donner le désir de connaître. […] Poussé par le désir de s’instruire, il va en Danemark, en Suède, puis s’embarque pour aller retrouver ses frères à Philadelphie.

1361. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Il est peut-être bon que les jeunes gens qui entrent dans la carrière sachent à quel prix leurs maîtres ont obtenu l’honneur de leur servir de modèles ; c’est les avertir que l’âcreté ou l’injustice de la critique ne doit point les décourager : Talma était un très grand acteur quand la verge inique du censeur osa le frapper ; ce coup le rendit d’abord furieux ; depuis il ne resta dans son sein que le noble désir de se surpasser, et il y parvint. […] Voltaire se moque beaucoup de Cléopâtre, parce qu’elle a l’ambition de plaire au maître du monde ; il l’accuse même de parler en femme abandonnée, parce qu’elle laisse entrevoir le désir d’épouser César et d’en avoir un enfant : il n’y a rien là de contraire aux bonnes mœurs. […] Un illustre écrivain tel que Corneille a dû songer à se satisfaire lui-même plutôt qu’à satisfaire ceux-ci ou ceux-là ; il a dû s’occuper de sa gloire et de la postérité plutôt que des caprices de tels ou tels ; il a dû suivre son goût et son génie, au lieu de se conformer aux désirs bizarres, de quelques gens fantasques. […] Il cite les anciens comiques où l’on voit de jeunes fous, après bien des espiègleries, bien des escroqueries, jouir à la fin de l’objet de leurs désirs ; cet argument est assez faible, mais en voici un terrible : pour détourner du vice, il n’est pas nécessaire de punir le vicieux au dénouement ; il suffit de peindre le vice de ses couleurs naturelles : ce portrait fidèle est plus efficace que toutes les corrections du théâtre, pour inspirer aux hommes l’amour de la vertu. […] Mais je ne finirais pas si je voulais rétorquer les arguments, et ce n’est pas répondre ; les fautes de Voltaire ne justifient pas Corneille : je dis donc que pour Cléopâtre, dans la situation où elle se trouve, entre le désir de conserver le trône et la nécessité de le céder à son ennemie, le meurtre de Rodogune est un crime nécessaire ; et lorsqu’elle essaie de faire commettre ce crime par un de ses fils, elle prend le parti le plus avantageux et le plus sûr pour elle.

1362. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Il y était d’ailleurs sans cesse excité par Caithness, sa femme, qui, brûlant du désir de se voir reine, « et impatiente de tout délai, dit Boèce, comme le sont toutes les femmes », ne cessait de lui reprocher son manque de courage. […] Roméo l’alla trouver, et le frère, songeant au crédit qu’il acquerrait, non seulement auprès du capitaine perpétuel, mais dans toute la ville, s’il parvenait à réconcilier les deux familles, se prêta aux désirs des deux jeunes gens. […] Redoutant la cruauté de Pandosto, le prince résolut d’attendre incognito sous le nom de Méléagre, l’occasion de se réfugier dans une contrée plus hospitalière ; mais la beauté de Faunia fit encore du bruit : le roi de Bohême voulut la voir, et, oubliant sa douleur, conçut le projet de s’en faire aimer ; il mit Dorastus en prison de peur qu’il ne fût un obstacle à ce désir, et fit les propositions les plus flatteuses à Faunia qui les rejeta constamment avec dédain. […] Macbeth, une fois tombé, ne se soutient que par l’ivresse du sang où il se plonge toujours davantage ; et il arrive à la fin fatigué de ce mouvement étranger à sa nature, désabusé des biens qui lui ont coûté si cher, et ne puisant que dans l’élévation naturelle de son caractère la force de défendre ce qu’il n’a presque plus le désir de conserver. […] Le désir de plaire à Élisabeth, ou peut-être même l’ordre donné par cette princesse de composer une pièce dont sa naissance fût en quelque sorte le sujet, ne pouvait suppléer à cette liberté qui est l’âme du génie.

1363. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Et nous avons aussi les définitions ironiques de Musset, dans ses Lettres de Dupuis et Cotonet, 1836, — moins spirituelles à la vérité qu’animées du désir de l’être, — mais qui ne laissent pas d’avoir sur toutes les autres ce grand avantage d’être « successives », et ainsi de poser la question comme il faut qu’on la pose. […] Lemaître dans l’autre]. — Que de reprocher à Lamartine de n’avoir point marié Jocelyn et Laurence ; — c’est reprocher à Corneille d’avoir séparé Polyeucte de Pauline ; — et oublier qu’ils n’ont sans doute écrit que « pour les séparer » l’un son drame, et l’autre son poème. — D’une comparaison que Sainte-Beuve a faite de la « poésie de curé de campagne » qu’il feint d’admirer surtout dans Jocelyn ; — avec la poésie de Wordsworth ; — et que c’est louer Jocelyn par son moindre mérite. — Que si ce mérite est en effet réel ; — et s’il y a dans Jocelyn toute une veine de poésie familière : — on y retrouve pourtant aussi le poète des Méditations ; — son sentiment de la nature ; — sa conception de l’amour, toujours aussi chaste dans son expression qu’ardente eu son désir. — On y retrouve cette richesse d’inspiration ; — et cette fécondité descriptive auxquelles on ne peut reprocher, — que de tendre à l’abus d’elles-mêmes. — Et on y retrouve enfin ce caractère « philosophique » de la poésie de Lamartine ; — que nous avons déjà signalé dans les Méditations ; — et qui fait songer par endroits de Fénelon. […] Louis Lambert]. — Ses années de stage chez l’avoué et chez le notaire ; — et de quelle manière il en a profité ; — non seulement en y apprenant cette « procédure » qui devait tenir tant de place dans quelques-uns de ses romans ; — mais en y acquérant l’intelligence des « affaires » ; — et du rôle qu’elles jouent dans la vie contemporaine. — Sa tragédie de Cromwell, 1820 [non imprimée], — et ses premiers romans [sous le pseudonyme d’Horace de Saint-Aubin], — dont il est inutile de retenir les titres, puisqu’il les a désavoués. — Ses entreprises industrielles : de librairie, d’imprimerie, de fonderie de caractères ; — et que rien n’est curieux, dans son désir de gagner de l’argent, comme de le voir ainsi toujours tourner autour des « industries du livre ». — Que si d’ailleurs il n’a réussi ni comme « fondeur », ni comme « imprimeur », — cette expérience d’un autre genre, — venant s’ajouter à celle qu’il avait acquise chez le notaire et chez l’avoué, — n’est pas entrée pour une petite part dans la composition de son talent. — Les Chouans, 1827-1829 ; — La Physiologie du mariage, 1829-1830 ; — La Maison du chat qui pelote, Le Bal de Sceaux, La Vendetta, 1830. — Son activité fiévreuse et sa production désordonnée [Cf.  […] Les dernières années d’Hugo ; — et de la très grande influence politique et sociale qu’il a effectivement exercée, — non comme pair de France ; — ni comme député aux Assemblées de 1848 et 1850 ; — mais comme écrivain ; — par ses Châtiments, 1852 ; — par son Napoléon le Petit, 1853 ; — par ses Misérables, 1862 ; — ou, en d’autres termes, par la persistance de ses haines ; — et son habileté, peut-être inconsciente, à les identifier avec la cause du « progrès social ». ; — Des Misérables ; — et que l’idée première en est sans doute née du désir de passer en popularité les maîtres du « roman » feuilleton ; — l’auteur des Mémoires du Diable et celui des Mystères de Paris. — De l’esprit du roman ; — de l’art avec lequel y sont flattés les pires préjugés populaires ; — et, à ce propos, que si Victor Hugo n’est pas ce qu’on appelle un « penseur », — ses idées ont cependant plus de portée qu’on ne leur en attribue. — William Shakespeare, 1864 ; — et qu’en plus d’un point la critique n’a rien trouvé de mieux que quelques jugements ou quelques intuitions littéraires d’Hugo. — Les Travailleurs de la mer, 1566 ; — et qu’il s’y trouve des choses « profondes » ; — ce qui d’ailleurs est assez naturel ; — si, quand on possède au degré où il l’a possédé le don de l’« invention verbale », — on ne saurait associer diversement les mots, — sans associer diversement aussi les idées qu’ils expriment. — On ne saurait non plus traiter le « lieu commun » — sans toucher aux questions les plus générales qui intéressent l’humanité ; — et par exemple, on ne saurait développer le contenu des mots d’indépendance, — de liberté, — de patrie, avec les moyens d’Hugo, — sans mettre en lumière quelques aspects nouveaux des choses [Cf.  […] Les dernières œuvres : Caliban, 1878 ; — L’Eau de Jouvence, 1880 ; — la Préface pour la traduction de L’Ecclésiaste, 1881 ; — Le Prêtre de Némi, 1885 ; — L’Abbesse de Jouarre, 1886 ; — l’Histoire d’Israël, 1887-1890. — Exagération des défauts de Renan dans ces derniers écrits ; — et s’ils ne proviennent pas surtout du désir de se montrer digne d’une popularité ; — qu’au temps de sa laborieuse jeunesse il avait profondément méprisée ?

1364. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Le Grec, dans son désir d’identifier la Nature et l’Humanité, peuplait le bosquet et les flancs des montagnes de belles formes fantaisistes, voyait le dieu tapi dans la futaie, la naïade suivant le fil de l’eau. […] La reliure est essentiellement décorative, et la bonne décoration est suggérée plus fréquemment par la matière et par le genre de travail que par le désir quelconque de l’homme qui conçoit l’idée de nous exprimer sa joie en ce monde. […] A vrai dire, le danger de ces hautes prétentions pour un métier manuel consiste en ce qu’ils laissent voir un désir de donner à des métiers le domaine et la raison d’être qui appartiennent à des arts, comme la poésie, la peinture et la sculpture. […] Ainsi se fait-il, quand une face divinement belle se dévoile devant vos yeux nous montrant une femme d’une indicible beauté : Et le sang court plus vite, et l’esprit bondit, et le désir d’adorer fait fléchir les genoux dociles, et le souffle s’arrête de lui-même. […] Elle ne s’est jamais mise en travers du véritable désir du pays.

1365. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Les violents désirs sont industrieux, et c’est ce qu’on dit que, lorsqu’on aime, ou ne trouve rien d’impossible. […] Je ne cherchois que des personnes qui me pussent parler d’elle, et j’en trouvois assez, parce que tout le monde l’aimoit ; et tant de choses qu’on m’en disoit augmentaient le désir que j’avois de la revoir et m’en ôtoient l’espérance.

1366. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Comme lui, il exaltait l’amour profond, la tendresse conjugale, « l’union des âmes, la parfaite estime animée par le désir » ; l’affection paternelle et toutes les joies domestiques. Comme lui, il combattait la frivolité contemporaine et mettait en regard les anciennes républiques, « dont les désirs héroïques planaient si fort au-dessus de la petite sphère égoïste de notre vie sceptique. » Comme lui, il louait le sérieux, le patriotisme, la liberté, la vertu, s’élevait du spectacle de la nature à la contemplation de Dieu et montrait à l’homme par-delà le tombeau les perspectives de la vie immortelle.

1367. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Quelque chose de sardonique dans son sourire se mêlait, sur ses lèvres, à un désir visible de séduction ; ce sourire semblait indiquer en lui l’arrière-pensée de se jouer des hommes en les charmant ou en les gouvernant. […] Soit ressouvenir de son premier état, soit regret du scandale qu’il avait donné aux hommes religieux en sortant du sanctuaire, quoique affranchi de ses liens sacerdotaux par le souverain pontife, soit désir de laisser une mémoire en paix avec tout le monde, il négociait secrètement, depuis quelques années, une réconciliation consciencieuse ou politique avec l’Église, par l’intermédiaire de l’archevêque de Paris : il voulait une sépulture chrétienne en terre chrétienne.

1368. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Méphistophélès triomphe comme un homme qui n’a d’autre loi que la satisfaction des désirs de son patron ; Faust disparaît et arrive trop tard pour secourir celle qu’il a perdue. […] Le matin qui suivit le jour de sa mort, je me sentis un profond désir de voir sa dépouille terrestre.

1369. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Le désir d’une grande richesse lui amena une mauvaise fin. […] Quand le guerrier vit la tête de son maître, il dit à Kriemhilt: « Enfin tu es arrivée au but de tes désirs, et tout s’est passé ainsi que je l’avais prévu.

1370. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Soudain, dans ce site musical, dans ce fluide et fantastique site, l’orchestre éclate, peignant en quelques traits décisif, enlevant de pied en cap, avec le dessin d’une héraldique mélodie, Tannhaeuser qui s’avance ; — et les ténèbres s’irradient de lueurs, les volutes des nuées prennent des formes tourmentées de hanches et palpitent avec d’élastiques gonflements de gorges ; les bleues avalanches du ciel se peuplent de nudités ; des cris de désirs incontenus, des appels de stridentes lubricités, des élans d’au-delà charnel, jaillissent de l’orchestre et, au-dessus de l’onduleux espalier des nymphes qui défaillent et se pâment, Vénus se lève, mais non plus la Vénus antique, la vieille Aphrodite, dont les impeccables contours firent hennir pendant les séculaires concupiscences du Paganisme, les dieux et les hommes, mais une Vénus plus profonde et plus terrible, une Vénus chrétienne, si le péché contre nature de cet accouplement de mots était possible ! […] Le petit nocturne à deux voix, traité dans la manière de Gounod : Ô nuit sereine, ô nuit profonde, a certainement de la grâce, de même que la cavatine du ténor qui suit : Si dans tes bras, exauçant mon désir.

1371. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

La littérature latine suivit un développement pareil à celui des lettres grecques, moins littéraire seulement, jusque le jour où la Grèce imposa aux Romains le désir de continuer son art. […] Et c’est, aux actes I, IV et V, la merveille d’une musique radieuse, adaptée au sujet, presque continue : c’est la solennelle majesté d’un rite sacré, où bruissent les révoltes de quelque luxurieuse passion ; c’est l’émotion douloureuse d’une lutte entre la science et les épouvantables désirs des ors ; c’est un chant d’amour si fervide et cruel, que le cœur halète, abîmé, sous l’afflux des perverses harmonies.

1372. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Au plus bas degré, le désir ; puis quelques impulsions simples, correspondant à des impressions peu complexes ; puis les sentiments simples forment des groupes ; puis les groupes s’agrègent entre eux. […] « Quand, par suite de l’organisation de l’expérience accumulée, les actions automatiques deviennent si complexes, si diverses, et souvent si rares qu’elles ne peuvent plus désormais se produire avec précision et sans hésitation ; quand après la réception d’une impression complexe, les phénomènes de mouvement approprié naissent, mais ne peuvent passer à l’action immédiate, à cause de l’antagonisme de certains autres phénomènes de mouvement, également naissants, et appropriés à quelque impression intimement unie à la précédente ; alors se produit un état de conscience qui, quand il aboutit finalement à l’action, détermine ce que nous appelons une volition. » Les phénomènes de la vie affective sont donc la source du développement volontaire ; et la racine de nos volitions est dans le désir.

1373. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Vendredi 17 janvier Hier, dans mon tête-à-tête avec Daudet, sur un regard jeté sur un groupe de femmes réunies dans un coin du salon, abandonnant Stanley et l’Afrique, il s’est écrié : « Dans le mariage, n’est-ce pas, on accouple des femmes ayant dix ans de moins que les maris, qui arrivent déjà un peu usés au mariage, et le sont à peu près tout à fait, quand la femme a acquis toute sa vitalité, toute sa richesse de besoins et de désirs : c’est l’histoire d’une dizaine de ménages que je pratique. […] Renan déclare n’avoir pas plus lu que les autres, mais j’affirme sur l’honneur, — et les gens qui me connaissent, pourraient attester qu’ils ne m’ont jamais entendu mentir, — j’affirme que les conversations données par moi dans les quatre volumes, sont, pour ainsi dire, des sténographies, reproduisant non seulement les idées des causeurs, mais le plus souvent leurs expressions, et j’ai la foi, que tout lecteur désintéressé et clairvoyant, en me lisant, reconnaîtra que mon désir, mon ambition a été de faire vrais, les hommes que je portraiturais, et que pour rien au monde, je n’aurais voulu leur prêter des paroles qu’ils n’auraient pas dites.

1374. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Une force irrésistible semble la pousser de plus en plus violemment à la satisfaction de ses désirs les plus grossiers. […] Parce que le luxe coûte plus cher que le simple agrément, et le plaisir que le bien-être, on se représente la croissance progressive de je ne sais quel désir correspondant.

1375. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Au dernier siècle, quand de jeunes Français allaient à Rome où le cardinal de Bernis résida comme ambassadeur de France à dater de 1769, et où il ne mourut qu’en 1794, un de leurs premiers désirs, c’était de lui être présentés, et une des premières choses qu’ils trouvaient d’ordinaire à lui dire, c’était de le remercier du plaisir que leur avaient fait ses jolis vers ; ils s’étonnaient ensuite que le prélat ne répondît point à ce compliment comme ils auraient voulu, et qu’il gardât toute son amabilité et toute sa grâce pour d’autres sujets de conversation.

1376. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

        Ne forme que de saints désirs,         Et te sépare des plaisirs Dont la molle douceur te fait aimer la vie.

1377. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Enfin, on a la conclusion très exacte, très judicieuse, et le dernier mot dans le passage suivant écrit par Mme Du Deffand au moment où il a pris congé d’elle : (26 octobre)… Pour le Gibbon, c’est un homme très raisonnable, qui a beaucoup de conversation, infiniment de savoir, vous y ajouteriez peut-être, infiniment d’esprit, et peut-être auriez-vous raison ; je ne suis pas décidée sur cet article : il fait trop de cas de nos agréments, il a trop de désir de les acquérir ; j’ai toujours eu sur le bout de la langue de lui dire : Ne vous tourmentez pas, vous méritez l’honneur d’être Français.

1378. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Mme de Maintenon ne discutait pas, mais lui opposait l’usage, l’expérience, l’impossibilité de ne pas bégayer en de telles matières : Toutes ces idées, lui disait-elle, sont des restes de vanité : vous ne voudriez point de choses communes à tout le monde ; votre esprit est élevé, vous voudriez des choses qui le fussent autant que lui : inutile désir !

1379. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Aux sédentaires comme moi (et il y en avait beaucoup alors), il a fait connaître bien des noms, bien des particularités étrangères ; il a donné des désirs de voir et de savoir, et a piqué la curiosité par ses demi-mots.

1380. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

a dit encore Dante en un beau passage du Paradis, tu es si grande et tu es si puissante, que vouloir une grâce et ne point recourir à toi, c’est vouloir que le désir vole sans ailes. » 26.

1381. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Rohan, qui était d’accord de tout avec lui, mais qui n’avait pas voulu prendre les armes jusque-là, et qui même s’était prêté à un semblant de négociation avec la Cour, commence à se déclarer, « contraint de le faire, dit-il, pour montrer que ce n’était son impuissance, comme on se figurait, qui l’en avait empêché, mais bien le désir de pacifier toutes choses. » Il avait déjà parcouru bien des villes, accompagné d’un grand nombre de ministres, haranguant, disant des prières, faisant porter une Bible devant lui, fidèle à son double rôle de capitaine et de serviteur des Églises.

1382. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Ce ne sont point de ces détails qui nous déplaisent chez Le Dieu, pas plus que ceux qu’il donne sur la faiblesse tout humaine et plus touchante de Bossuet, sur son désir de guérir ou du moins de continuer de vivre, même avec ses maux.

1383. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

J’aimerais la santé, la force, un enjouement naturel, les richesses, l’indépendance, et une société douce ; mais comme tous ces biens sont loin de moi, et que les autres me touchent fort peu, tous mes désirs se concentrent, et forment une humeur sombre que j’essaye d’adoucir par toute sorte de moyens.

1384. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Ici ce n’était que satisfaction et récompense ; tous les jours des désirs, et plusieurs petits plaisirs.

1385. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Un salon où l’on ne peut suivre ou rejoindre la femme qu’on préfère, la distraire d’un groupe qui l’environne, l’entretenir à l’ombre et à demi-voix quelques instants, lui adresser une partie de la conversation plus générale où l’on se surprend à briller et dont on est récompensé d’un regard, n’est pas un salon pour moi : ne disparaissez jamais du salon français, soins animés et constants, vil désir de plaire, grâces aimables de la France !

1386. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

c’est mieux : le seul amour de la patrie, le seul enthousiasme de la vertu, l’unique désir de rendre la paix à son pays, l’inspire et la transporte jusqu’à l’égarer dans le choix de sa victime.

1387. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Mon désir serait de le faire dans un parfait esprit d’impartialité ; car cette impartialité, cette neutralité même que M. de Pontmartin m’a si souvent reprochée, devient, je l’avoue, un de mes derniers plaisirs intellectuels.

1388. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Revenue sur le continent, elle eut aussi le désir d’aller faire un tour en Hollande, pour voir « ce beau monument de l’industrie humaine. » Dans son séjour à Paris, pendant plusieurs années (1787-1792), elle avait connu la haute société, des gens de lettres, des savants, Mme de Staël, Mme de Beauharnais (la future impératrice), Mme de Genlis, Vicq-d’Azyr, Beaumarchais, André Chénier, Villoison, etc.

1389. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Ses parents s’opposèrent de toutes leurs forces à son désir.

1390. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Il est ressaisi du désir de vivre dans « le pays céleste du bleu », comme il l’appelle.

1391. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Elle espère bien qu’il sera vainqueur, elle veut qu’il l’espère aussi ; elle va lui faire voir qu’elle le désire, mais par degrés et comme sous le coup d’une contrainte morale : et lui qui a le soupçon, et plus que le soupçon, de ce désir qu’elle forme, il vient, je le répète, moins pour s’en assurer (car au fond il en est sûr) que pour s’en donner l’émotion, la joie et l’orgueil, et il est résolu à le lui faire dire nettement.

1392. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Une autre raison qui m’est personnelle m’ôtait d’ailleurs le désir d’être de l’Académie.

1393. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Je l’ai appelé autrefois « le héros sans désir. ».

1394. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Coulmann parle aussi très bien d’Alexandre de Humboldt, et il fait remarquer avec raison « qu’on n’a jamais vu un Allemand ni un Prussien plus jaloux et plus ambitieux que lui de la légèreté parisienne ; sa médisance tenait certainement plus du désir d’être amusant et agréable que de l’envie et de la malignité. » Ce sont là des traits heureux et justes.

1395. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Mais ils reçoivent des nouvelles de leurs pays, de leurs familles ; et l’on conçoit comment peut là-dessus s’exercer l’imagination d’un jeune Français sous la Régence, avec quelle curiosité libertine il mettra en scène la vie oisive et voluptueuse du sérail, des femmes très blanches surveillées par des eunuques très noirs, des passions ardentes, des jalousies féroces, des désirs enragés.

1396. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Les cent premières pages du Forestier sont vraiment savoureuses : l’enfance de Jean Renaud, pauvre abandonné qui n’a d’autre mère ni d’autre institutrice que la forêt ; sa communion avec les arbres et les plantes ; la poursuite du sanglier ; le désir qui le secoue, qui l’étrangle, d’avoir un fusil… C’est bien à l’enfance d’un jeune faune que nous assistons, et la pénétration de la petite créature par le milieu où elle se développe est aussi intime et profonde qu’il se peut.

1397. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Par là, et par l’ampleur, l’harmonie, la beauté rationnelle et la souplesse du plan conçu ; par l’activité ardente et méthodique déployée dans l’exécution ; par l’importance des résultats acquis et des fondations demeurées ; enfin par le bonheur qu’il eut d’imprimer à tout l’enseignement national une direction si juste, si bien prise dans le droit fil des plus légitimes besoins et des meilleurs désirs de notre temps, que ses successeurs, depuis vingt-cinq ans, n’ont eu qu’à la maintenir, j’ose dire que le ministère de M. 

1398. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Une œuvre est belle moralement, quand elle montre et par conséquent suggère le triomphe du devoir sur un désir mauvais, de la volonté raisonnable sur les appétits grossiers ; quand elle inspire l’horreur d’un vice comme l’hypocrisie ou l’avarice ; quand elle pousse au dévouement, au sacrifice ; quand elle combat l’injustice, la misère, l’égoïsme.

1399. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Par désir de se complaire l’une à l’autre, les deux puissances amies s’envoient des ambassades, s’offrent des fêtes, organisent des rencontres entre les grands personnages qui les représentent ; un rapprochement des deux littératures est la conséquence, quand il n’a pas été le prélude, de ces ententes cordiales.

1400. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Aphrodite versa la volupté sur ses membres, et elle alluma dans son sein « les désirs qui lassent les jeunes corps ». « Hermès » — dit le vieux poète dont les idées sur la femme sont celles de l’Oriental qui l’enferme comme une belle bête malfaisante, — « lui inspira l’impudence de la chienne, et les mœurs furieuses, les flatteries et les perfidies ».

1401. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Ceux-ci aveuglés par leur désir, tels que des éperviers pressant des colombes, les poursuivront pour des noces qu’ils auraient dû éviter.

1402. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Il est permis de croire que, quand il s’adressait à l’époque assez peu étudiée de Louis XIII, avec le dessein de la poursuivre jusque sous la Fronde et de ne s’arrêter qu’à la mort de Mazarin, il était un peu conduit par le désir de contredire les idées communes, de faire justice de certaines préventions et de retourner du tout au tout certaines opinions consacrées.

1403. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Avec une rapidité surprenante dans les mouvements, dans les désirs, dans les projets, dans les fantaisies, dans les idées, ils ont le parler lent.

1404. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Étranger, par ma position et mon caractère, aux grands événements qui ont agité le monde, mes amitiés et le désir de voir m’ont conduit dans divers pays, et, partout où je me suis trouvé, j’ai joué et fait jouer des proverbes.

1405. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Dans les conversations que nous eûmes ensemble, il me parla avec beaucoup de vérité sur la situation de la France, avec intérêt sur celle du roi, avec mépris sur l’Assemblée et sur les partis qui la divisent ; il me témoigna un désir extrême qu’on rendît au roi sa dignité, sa liberté, son autorité ; à la monarchie son ancienne constitution, ou du moins à quelques changements près, que les circonstances rendaient inévitables.

1406. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Parquoi Numa, pensant bien que ce n’étoit pas petite ne légère entreprise que de vouloir adoucir et ranger à vie pacifique un peuple si haut à la main, si fier et si farouche, il se servit de l’aide des dieux, amollissant petit à petit et attiédissant cette fierté de courage et cette ardeur de combattre, par sacrifices, fêtes, danses et processions ordinaires que il célébroit lui-même… Et plus loin, marquant que, durant le règne de Numa, le temple de Janus, qui ne s’ouvrait qu’en temps de guerre, ne fut jamais ouvert une seule journée, mais qu’il demeura fermé continuellement l’espace de quarante-trois ans entiers : Tant étoient, dit-il, toutes occasions de guerre et partout éteintes et amorties : à cause que, non seulement à Rome, le peuple se trouva amolli et adouci par l’exemple de la justice, clémence et bonté du roi, mais aussi aux villes d’alenviron commença une merveilleuse mutation de mœurs, ne plus ne moins que si c’eût été quelque douce haleine d’un vent salubre et gracieux qui leur eût soufflé du côté de Rome pour les rafraîchir : et se coula tout doucement ès cœurs des hommes un désir de vivre en paix, de labourer la terre, d’élever des enfants en repos et tranquillité, et de servir et honorer les dieux : de manière que par toute l’Italie n’y avoit que fêtes, jeux, sacrifices et banquets.

1407. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Cet art est subordonné aux changements qui arrivent chez un peuple et à la situation dans laquelle il se trouve. » Je n’ai qu’un désir, c’est de présenter aux esprits qui me font l’honneur de me suivre quelques idées sérieuses qui ne soient pas étrangères à nos temps.

1408. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

À un bal que donne le cardinal Mazarin aux jours gras de 1647, elle nous décrit, l’une après l’autre, les principales beautés et reines de la fête, après quoi elle fait défiler les comparses, et qui ne sont pas les moins prétentieuses ni les moins bruyantes : Les filles de la reine, Pons, Guerchy et Saint-Mégrin, tâchèrent de faire quelques conquêtes naturelles, par le soin qu’elles eurent de s’embellir par toutes sortes de voies ; heureuses si, parmi tant d’amants, elles eussent pu attraper des maris selon leur ambition et le dérèglement de leurs désirs !

1409. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Louis XIV a lui-même exposé la première idée qu’il se fit des choses, et cette première éducation intérieure qui s’opéra graduellement dans son esprit, ses premiers doutes en vue des difficultés, ses raisons d’attendre et de différer ; car « préférant, comme il faisait, à toutes choses et à la vie même une haute réputation, s’il pouvait l’acquérir », il comprenait en même temps « que ses premières démarches ou en jetteraient les fondements, ou lui en feraient perdre pour jamais jusqu’à l’espérance » ; de sorte que le seul et même désir de la gloire, qui le poussait, le retenait presque également : Je ne laissais pas cependant de m’exercer et de m’éprouver en secret et sans confident, dit-il, raisonnant seul et en moi-même sur tous les événements qui se présentaient ; plein d’espérance et de joie quand je découvrais quelquefois que mes premières pensées étaient les mêmes où s’arrêtaient à la fin les gens habiles et consommés, persuadé au fond que je n’avais point été mis et conservé sur le trône avec une aussi grande passion de bien faire sans en devoir trouver les moyensm.

1410. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

En prenant ce commandement des mains de Masséna, il ne se fait aucune illusion sur les difficultés de la tâche et sur la nature des moyens ; après quelques considérations sur le pays, théâtre de la guerre, il en vient au moral et au matériel des troupes : De la misère, dit-il, de l’indiscipline, du mépris de l’autorité, un mécontentement universel, et un désir immodéré de rentrer en France de la part des généraux ; une artillerie détruite en entier, et point de munitions ; une cavalerie réduite à peu de chose, et ce peu dans le plus mauvais état ; l’infanterie diminuée de près de la moitié : tel était tout à la fois le pays dans lequel je devais agir, et l’instrument dont il m’était donné de me servir.

1411. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Le pas était franchi, il n’y avait plus à douter que l’humeur de Courier déciderait toujours de sa conduite, et que son plaisir d’écrire l’emporterait sur son désir de vivre en repos.

1412. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Né sous un gouvernement doux, vivant dans une société éclairée où le souvenir des factions était lointain, et où le despotisme qui les avait réprimées n’était plus présent ou du moins sensible, il accommoda légèrement l’humanité à son désir.

1413. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Franklin imagina un moyen de le gagner sans sollicitation ni bassesse, et ce moyen, ce fut de se faire rendre un petit service par lui : Ayant appris, dit-il, qu’il avait dans sa bibliothèque un certain livre très rare et curieux, je lui écrivis un mot où je lui exprimais mon désir de parcourir ce volume, et où je demandais qu’il me fît la faveur de me le prêter pour peu de jours : il me l’envoya immédiatement, et je le lui renvoyai au bout d’une semaine avec un autre billet qui lui exprimait vivement ma reconnaissance pour cette faveur.

1414. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Aussitôt le prince de Condé arrêté (1er septembre 1616), tout change d’aspect ; la foule des courtisans, qui désertait le Louvre, s’y porte à l’instant ; chacun vient pour se montrer et faire acte de fidélité : Tel le faisait sincèrement, dit Richelieu, tel avec intention et désir tout contraire ; mais il n’y en avait pas un qui n’approuvât ce que Sa Majesté avait fait ; beaucoup même témoignaient envier la fortune du sieur de Thémines, qui avait eu le bonheur d’être employé en cette entreprise ; mais, en effet, la Cour était si corrompue pour lors, qu’à peine s’en fût-il trouvé un autre capable de sauver l’État par sa fidélité et son courage.

1415. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Le naturalisme matérialiste se figure un monde complet en soi indépendamment de tout élément d’ordre mental, de tout rudiment de conscience, de sentiment, de désir, une sorte d’univers qui existerait et se suffirait alors même que nulle part il n’arriverait à sentir, à penser, à vouloir ; mais alors, d’où viendrait cette pensée surajoutée au monde par surcroît, étrangère à sa nature essentielle et pourtant capable de surgir du sein des choses, de sentir et de comprendre l’insensible et inintelligent univers ?

1416. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Et la douleur entière, la vraie, le désir de l’éviter, étant les derniers mobiles de toute l’activité animale, humaine et sociale, nous comprenons maintenant pourquoi les suprêmes émotions esthétiques sont improductives d’actes, comme nous l’avons dit au commencement de ce chapitre ; ces émotions comprennent toutes les souffrances harcelantes de l’existence, mais sans les aiguillons des périls, des angoisses, des menaces, des maux prévus ou ressentis.

1417. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

L’abbé renaît avec le printemps ; c’est sous une pluie de roses pétales, qu’Albina dévoile ses chairs rosées ; le fauve hérissement des plantes grasses exacerbe les désirs du couple, auquel il faut l’ombre d’un arbre inconnu, lascif et mystique, pour se mêler ; et c’est en une agonie de fleurs qu’Albine expire.

1418. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Pour des raisons de hâte, et par le désir d’être le plut tôt possible ailleurs qu’à l’auberge.

1419. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Il aurait pu laisser après lui quelque monument immortel, mais la puissance nous ôte peut-être le désir.

1420. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Henri Heine est un génie éminemment tendre, nuancé des plus ravissantes et (dans le sens religieux) des plus divines mélancolies, chez qui le sourire et même le rire trempent dans les larmes, et les larmes se rosent de sang… C’est une âme d’une si grande puissance de rêverie et d’un désir si amoureux du bonheur, que l’on peut dire qu’elle est faite pour le Paradis tel que les chrétiens le conçoivent, comme les fleurs sont faites pour habiter l’air et la lumière.

1421. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

« Les légendes des pays à demi ouverts à la culture rationnelle, dit-il page 63 du volume, ont été formées bien plus souvent par la perception indécise, par le vague de la tradition, par les ouï-dire grossissants, par l’éloignement entre le fait et le récit, par le désir de glorifier les héros, que par création pure comme cela a pu avoir lieu pour l’édifice presque entier des mythologies indo-européennes », et, suspendu entre le je ne sais qui et le je ne sais quoi, il ajoute alors cette incroyable phrase qu’il importe de recueillir : « Tous les procédés ont contribué dans des proportions indiscernables au tissu de ces broderies merveilleuses, qui mettent en défaut toutes les catégories scientifiques et à l’affirmation desquelles a présidé la plus insaisissable fantaisie. » Proportions indiscernables !

1422. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

« Et c’est la ville dont mon fils a si grand désir de faire la conquête ?

1423. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Mais je ne veux pas louer l’artiste, puisque ces éloges alarmeraient sa conscience et qu’il se reprocherait d’avoir sacrifié au désir de briller. […] Les considérations déterminantes sont la nécessité de renforcer tel groupe où se sont faits des vides, le désir de faire une concession à tel immortel influent qui vous en a fait une à l’élection dernière. […] Mais ne soyons pas trop ambitieux dans nos désirs et souhaitons simplement un pendant à Pêcheur d’Islande. […] Peut-être est-il entraîné par le désir de systématiser, de faire entrer dans un même cadre ou une même formule des esprits très divers, dont, tout le premier d’ailleurs, il constate les caractères particuliers. […] Il est bien entendu d’ailleurs que ce n’est pas chez lui désir vulgaire de voir beaucoup de monde passer à la caisse.

1424. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Je ne puis cependant résister au désir de signaler, comme la conséquence, la plus grave peut-être, du système actuel, l’anéantissement du répertoire classique. […] C’est pourquoi, s’il est pardonnable à la plupart des directeurs de sacrifier à la moindre culture du plus grand nombre, il est du devoir de quelques directeurs privilégiés de maintenir, autant que possible, l’art dans toute son intégrité et de résister au désir de trop flatter les instincts moins délicats d’un public plus nombreux. […] Un directeur privilégié et garanti par l’État contre des pertes trop sensibles a pour devoir de ne pas sacrifier l’art à un désir de gain immodéré. […] Tout lui sourit dans la vie, et il possède ce qui à ses yeux compose le véritable bonheur ici-bas, une maison bien ensoleillée, des buffets bien garnis d’argenterie et de beau linge, une gouvernante qui prévient ses moindres désirs, et un estomac capable de tenir tète aux amis qu’il rassemble à sa table et avec lesquels il sable les vins de la Moselle et du Rhin ou savoure, en fumant, la bonne bière d’Alsace. […] C’est la vue de l’eau qui éveille chez Sichel le désir de boire, et c’est l’action de boire à la cruche que penche la jeune fille qui ramène à la mémoire du rabbin l’histoire touchante de Rébecca et d’Eliézer.

1425. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Toutefois leur souveraine triomphe et les renferme : leurs époux enragent, et les amants redoublent de désir. […] « En vain sur tous ses pas nous prétendons régner, « Je trouve que le cœur est ce qu’il faut gagner ; « Et je ne tiendrais, moi, quelque soin qu’on se donne, « Mon honneur guère sur aux mains d’une personne « À qui, dans les désirs qui pourraient l’assaillir, « Il ne manquerait rien qu’un moyen de faillir. […] « Mes soins pour Léonor ont suivi ces maximes ; « Des moindres libertés je n’ai point fait des crimes ; « À ses jeunes désirs j’ai toujours consenti, « Et je ne m’en suis point, grâce au ciel, repenti. […] « Il s’est subitement éloigné de ces lieux, « Et sa fuite a trompé mon désir curieux : « Mais de sa trahison je ne suis plus en doute, « Et le peu que j’ai vu me la découvre toute. […] « Dès qu’on sait que l’on peut remplir tous ses désirs, « Qu’on en a les moyens, notre âme est satisfaire.

1426. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

C’est ce désir de voir les choses de très près, mais au jour des bonnes lumières naturelles, qui m’a donné l’idée de cette étude, assez terre à terre, et qui ne cherche point le fin du fin, je le confesse. […] Que le coquin se fait hypocrite, non pas pour réussir plus sûrement (ce qui est la vérité vraie), mais par un secret désir d’honorer au moins par les apparences, par les observances, par une manière de « culte », à défaut de religion, l’autel qu’il a abandonné. […] Il croit que, si l’homme est dur pour l’homme, ce n’est pas par dureté ; perfide, ce n’est pas perfidie ; ingrat, ce n’est pas par ingratitude, et méchant, en un mot, ce n’est pas par méchanceté ; mais que tous ces vices ne sont que des formes de l’amour de soi et du désir de persévérer dans l’être. […] On ne le supprime jamais tout à fait, quelque désir qu’on en puisse avoir. […] Je ne puis que redire ici ce que j’ai déjà eu l’honneur de dire devant cette Chambre : si par là on entend le désir de servir ma cause, de faire triompher mes idées, on a raison ; j’ai de l’ambition et sans limites.

1427. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

N’y voit-elle pas la preuve de la sincérité de ses « désirs amoureux » ? […] On suppose que sa « raison » le place au-dessus de tous les désirs, même les plus légitimes, et lui tient lieu de toutes les satisfactions. […] Au théâtre romanesque le public applaudit, puis, en s’en allant, se sent pris d’un secret désir d’émulation qui finit par une espèce de contrefaçon. […] La pièce fut reprise en 1850 par Rachel et évidemment sur son désir. […] Mlle Lisbeth ne peut exprimer à personne, non pas même à Mme Marneffe (et cela aurait quelques inconvénients et quelques invraisemblances), les motifs de sa haine contre les Hulot ; nous ne pouvons pas, non plus, les connaître, comme dans le roman, par de longues conversations entre la cousine Bette et sa famille ; il faut donc que la cousine Bette nous prenne pour confidents et nous dise à nous-mêmes les longues humiliations qu’elle a subies dans cette famille et qui lui ont inspiré le désir féroce de les tous précipiter dans la ruine et dans la honte.

1428. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

L’insensé Dagobert, trop soumis à ses désirs, détestait déjà le médecin de son mal, au point de souhaiter sa perte, à la grande joie des envieux et des méchants. […] « On comprend alors, dit M. de Gourmont, toutes ces expressions de terreur, ces craintes de mort qui saisissent le poète au paroxysme du désir ; c’est l’inspiration qui le hante, qu’il appelle et dont il redoute la venue. » L’éloquent petit livre de M.  […] Il m’est arrivé de transcrire librement une histoire d’amour, qui est une des perles du Décaméron, et le désir me prend d’associer à la gloire de Béatrice et de Laure, la modeste et touchante héroïne de cette aventure tragique… Écoutez d’abord cette chanson : J’avais un pot de basilic,      — Qui pourra me le rendre ? […] « Je goûte fort, pour mon compte, dit Pouvillon, ce désir passionné du saint homme, cette volonté posthume assez forte pour pousser la barque, pour obliger les aigles à la conduire et les rivières à la porter jusqu’au lieu qu’il avait choisi entre tous pour y reposer ses restes. » En effet, rien n’avait su arrêter le saint martyr sur son passage, ni la superbe Toulouse et la Garonne couverte de peupliers, ni les rives du Tarn couronnées de pampres, ni l’antique Cosa aux marbres éclatants, ni Bruniquel sur sa hauteur. […] Alors, ce n’est qu’un désir de s’épancher et une sorte de nonchalance.

1429. (1913) Poètes et critiques

L’idéal de ses jeunes ans, la vie errante, aventureuse, s’exprime dans tous ses écrits avec plus ou moins d’âpreté de désir. […] C’est d’une part le längtan, quelque chose comme « le désir qui nous porte à sortir de nous-mêmes et la volupté mélancolique d’en ressentir l’impuissance ». […] Maintenant supposez l’équilibre rompu entre ces deux pouvoirs mystérieux, qui sont comme le flux et le reflux de la vie intérieure chez les Suédois ; donnez la prédominance à « ce désir qui nous porte à sortir de nous », et vous aurez des révoltés contre les conventions sociales, à la façon du romantique Almqvist. […] L’œuvre est datée ainsi : « Mons, juin-juillet 1874. » Elle a occupé, abrégé les délais qu’on avait imposés aux trop fougueux désirs de cette âme repentie, avant d’admettre au banquet de l’Eucharistie, une bouche qui proféra plus d’un blasphème si coupable. […] Cellulairement nous avait donné cette joie si rare et ce désir, unique désormais, de ne découvrir dans Verlaine qu’un « homme », et, de nouveau, nous avons vu poindre « l’auteur » !

1430. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Certes, la préoccupation de la surenchère électorale joue un grand rôle dans ce début, mais ce fait même atteste, chez l’électeur, une inquiétude, avouée ou latente, sur la mentalité des générations qui viennent, et un désir de les aiguiller à l’avance dans un sens que ceux-ci estiment le meilleur, et ceux-là le pire. […] Le programme des cours qui réunissaient chaque mois trente à trente-cinq de ces Sévriennes révèle l’unité des préoccupations du Père, tout entières fondées sur le désir de vivifier la vie mystique par les bonnes volontés pratiques, et de vivifier à leur tour ces volontés pratiques par a vie mystique. […] Comme son désir d’être prêtre s’exalte et le ronge, l’obstination du père cède enfin. […] Je n’ai reçu d’elle aucune confidence, mais j’imagine qu’elle rêvait d’un Idéal d’art si haut à la fois et si délicat, qu’elle ne se jugeait pas capable de l’atteindre, et comme elle était étrangère à toute vanité, un aiguillon lui manquait, qu’il n’y a pas lieu de condamner puisque des écrivains de la valeur de Chateaubriand en ont été piqués, le désir du succès. […] Je souhaite, si ces lignes sont lues par quelque fervent de la psychologie, qu’elles suscitent en lui le désir de reprendre un thème aussi riche en réflexions possibles, et j’entends Dupré me dire un autre vers, celui-là de Lucrèce, la réconfortante devise de tous les fidèles de l’esprit : Et quasi cursores vitaï lampada tradunt.

1431. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Par lui le goût des lettres espagnoles s’introduisait à la cour, et de la cour se répandait parmi les auteurs, avec le désir d’imiter ce qu’il était de mode d’admirer. […] Cette complaisance détruit toute la force du langage, les mots n’étant plus les signes de nos jugements, mais d’une civilité tout extérieure qu’on rend à ceux qu’on veut louer, comme pourrait être une révérence. » La peur de la critique était égale au désir d’être loué. […] Ce sont les satires littéraires et quelques satires morales, fruits de cet âge où l’on a un sentiment si vif des défauts et des vices des hommes, et la prétention de les corriger ; l’Art poétique, et les épîtres, qui marquent, l’un, l’âge de la pleine maturité et le désir d’établir ses principes et de confesser sa foi ; les autres, l’expérience, qui croît à mesure que les jours s’écoulent, et qui nous rend plus faciles sur les défauts d’autrui et plus attentifs aux nôtres.

1432. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Ceux-ci, en effet, gens économes par nature, sont payés pour croire qu’on court après l’esprit quand on en a plus qu’eux : « Messieurs, lisez-moi, semblent-ils dire ; vous verrez un homme qui pense simplement, raisonnablement, qui va son grand chemin, qui ne pétille point : et voilà le bon esprit. » Selon Marivaux plaidant dans sa propre cause, « il y a un certain degré d’esprit et de lumières au-delà duquel vous n’êtes plus senti ; c’est même un désavantage qu’une si grande finesse de vue, car ce que vous en avez de plus que les autres se répand toujours sur tout ce que vous faites, embarrasse leur intelligence » ; on vous accuse d’être obscur par trop de subtilité ; et il conclut avec découragement, et en ayant l’air de consentir, par égard pour les lecteurs vulgaires, à ne plus être sagace qu’à demi : « Peignez la nature à un certain point, mais abstenez-vous de la saisir dans ce qu’elle a de trop caché ; sinon vous paraîtrez aller plus loin qu’elle, ou la manquer. » Tels étaient les ingénieux sophismes que le désir de se justifier suggérait à Marivaux, et sur lesquels il revient en vingt endroits.

1433. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

— La douleur, dans l’homme et hors de l’homme, lui paraissait le cri universel, et il eût dit volontiers avec l’Apôtre : « Toutes les créatures soupirent et sont comme dans le travail de l’enfantement, attendant avec grand désir la manifestation des enfants de Dieu. » Il se rapprochait et se séparait de Rousseau par bien des points.

1434. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Il a dit encore : J’ai de l’imagination, l’esprit vif pour peu que quelque nouveauté ou désir sympathique l’anime.

1435. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Il lui fait l’effet d’être plus jeune qu’il ne l’était, et M. de Meilhan passa longtemps dans le monde pour être plus jeune que son âge : elle le plaint et elle compatit à le voir ainsi désabusé comme un vieillard, et il semble qu’en mettant son propre désenchantement en commun avec le sien, elle ait quelque désir de le consoler : « Vous êtes destiné, monsieur, lui disait-elle au début, à passer une vie douloureuse : vous voyez le jeu des machines, et alors plus de bonheur.

1436. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Villars, malgré son vif désir, n’osa prendre sur lui l’événement contre l’avis de ses officiers généraux, qui, la plupart, lui firent et pour la seconde fois, au moment même de commencer l’attaque, dans la nuit du 23 avril (1703), de très fortes et obstinées représentations.

1437. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Ici il analyse finement l’ennui, dans un esprit de psychologie délicate et restée chrétienne : L’homme inoccupé, c’est-à-dire l’homme livré à la seule considération de son être personnel, éprouve deux sentiments habituels, également tristes : l’un est le sentiment de son infortune, il a le désir d’un bonheur vague qui le suit ; l’autre est le sentiment de sa bassesse, il voudrait être grand et important, il se trouve petit et méprisable.

1438. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Mme de Choiseul, sachant son désir, l’y invitait, et dans le même temps, elle écrivait confidemment à Mme du Deffand (octobre 1771) : « Dites-moi, je vous prie : croyez-vous de bien bonne foi à ces lettres si empressées pour attirer une certaine maréchale ?

1439. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Don Carlos, irrité de cette décision qui contrariait ses désirs, profita d’une absence de Philippe, alors en retraite à l’Escurial pour les fêtes de Noël ; il se fit ouvrir la salle du palais où les cortès étaient réunies et lança, à la stupéfaction de tous, l’allocution suivante : « Vous devez savoir que mon père a le dessein d’aller en Flandre et que j’entends de toute manière y aller avec lui.

1440. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Malgré mon désir de ne pas les détacher et les séparer du sujet, je dois remarquer encore qu’il a fait révolution en ce genre au théâtre et dans les bals costumés.

1441. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Faugère le désir qu’il en fît usage pour rétablir la vérité et montrer que la part de gloire qui revenait légitimement à Mme Roland était assez grande sans qu’il fût besoin d’y rien ajouter aux dépens de son mari : « J’acceptai cette mission avec empressement, nous dit le nouvel éditeur, et je m’occupai dès lors à compléter les éléments d’un ouvrage qui sera consacré à faire connaître plus intimement Roland de La Platière, en même temps que la femme supérieure qui ne fut pas tout dans sa destinée, mais qui, en s’unissant à lui, a contribué à donner à son nom un éclat que son seul mérite n’aurait point produit. » Oserai-je dire à M. 

1442. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

« Nous aurons, écrivait-il au roi le 15 septembre, toutes les troupes que Votre Majesté a fait marcher (on attendait de jour en jour un renfort ) ; tout est rempli de désir et d’envie d’agir et de contribuer glorieusement au bien de l’État, et avec confiance a l’heureuse étoile de Votre Majesté. » C’est la seconde fois que je surprends Catinat parlant de l’étoile du roi ; il en avait déjà parlé après le prompt et heureux siège de Nice.

1443. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Et pourtant je sens la force ou plutôt l’agrément des raisons qu’on m’oppose ; je le sens si bien, que je suis tenté parfois de m’y associer et de pousser aussi mon léger soupir ; tout en marchant vers l’avenir, je suis tout prêt cependant, pour peu que j’y songe, à faire, moi aussi, ma dernière complainte au passé en m’écriant : Où est-il le temps où, quand on lisait un livre, eût-on été soi-même un auteur et un homme du métier, on n’y mettait pas tant de raisonnements et de façons ; où l’impression de la lecture venait doucement vous prendre et vous saisir, comme au spectacle la pièce qu’on joue prend et intéresse l’amateur commodément assis dans sa stalle ; où on lisait Anciens et Modernes couché sur son lit de repos comme Horace pendant la canicule, ou étendu sur son sofa comme Gray, en se disant qu’on avait mieux que les joies du Paradis ou de l’Olympe ; le temps où l’on se promenait à l’ombre en lisant, comme ce respectable Hollandais qui ne concevait pas, disait-il, de plus grand bonheur ici-bas à l’âge de cinquante ans que de marcher lentement dans une belle campagne, un livre à la main, et en le fermant quelquefois, sans passion, sans désir, tout à la réflexion de la pensée ; le temps où, comme le Liseur de Meissonier, dans sa chambre solitaire, une après-midi de dimanche, près de la fenêtre ouverte qu’encadre le chèvrefeuille, on lisait un livre unique et chéri ?

1444. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

. — Son Histoire des Guerres de la Révolution terminée, Jomini, malgré ses plaintes et cet ennui d’écrire qu’il ne faudrait cependant pas s’exagérer, devait n’avoir qu’une pensée et qu’un désir : continuer son récit et donner l’histoire des guerres de l’Empire.

1445. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

ces doux jardins, cette retraite heureuse, Qui des plus chers désirs de mon âme amoureuse Enferme les derniers ; Beaux lieux dont je n’ai vu que l’enceinte, bordée De mélèzes en pleurs et d’arbres de Judée Et de faux ébéniers ; Bosquets voilés au jour, secrètes avenues, Dont je n’ai respiré les odeurs inconnues Que par la haie en fleur ; Au bord desquels poussant mon alezan rapide, J’ai souvent en chemin cueilli la feuille humide Pour la mettre à mon cœur ; Quoi !

1446. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Il fit ainsi bien des essais dès le collége ou dans l’étude d’avoué où il entra pour quelque temps ; car sa mère, en mourant, avait exprimé le désir qu’il fût avocat, et M.

1447. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Indépendamment du plaisir direct et tout désintéressé que pouvaient procurer ces admirables créations d’un génie terrible, pathétique ou gracieux, et toujours puissant, il y avait, au fond de tout cela, un désir de marcher à son tour, il y avait un mobile présent, contemporain, une émulation qui semblait aussi promettre des œuvres.

1448. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Le désir d’opposer à l’ouvrage en vogue, sinon un contre-poids, du moins une contrepartie et un pendant, dut le séduire.

1449. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Après ce que lui inspire le plus ardent désir de soulager ceux qui souffrent, il a mieux que le remède ou l’aumône, il a son regard, un mot tendre, un soupir, une larme.

1450. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Une fusion se fait de l’honneur chevaleresque et du désir de la gloire, mobile des individualités héroïques de l’antiquité et de l’Italie : et nous en trouvons le témoignage dans la charmante biographie de Bayard écrite par le Loyal Serviteur 173 : c’est comme un mélange de Chrétien de Troyes et de Plutarque.

1451. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

L’amour est le désir du bien, donc, réglé sur la connaissance du bien.

1452. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

En fait, sa philosophie est absolument matérialiste ; sa morale, sa politique, son économie politique, tous ses désirs de réformes et d’améliorations sociales sont d’un homme qui borne ses pensées à la vie présente.

1453. (1890) L’avenir de la science « II »

De là ce fier caractère d’audace contre les dieux que portent les premiers inventeurs ; de là ce thème développé dans tant de légendes mythologiques : que le désir d’un meilleur état est la source de tout le mal dans le monde.

1454. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

On ne pourra plus nous reprocher de rendre l’adultère intéressant, par la raison bien simple que, le divorce existant, l’adultère de la femme ne sera plus que le désir de bénéficier du mari et de l’amant et qu’il s’appellera le libertinage.

1455. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

On a beau nous dire que ce petit jeune homme a le diable du désir au corps, il succombe vraiment trop vite à la tentation.

1456. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

ce n’était point un amour vulgaire ; ce n’était pas même un amour naturel, comme ceux de Didon, ou de Juliette, ou de Virginie, un de ces amours qui brûlent et consument jusqu’à ce qu’il y ait eu satisfaction du désir : c’était un amour idéal, mieux qu’un amour de tête, et pas tout à fait un amour de cœur.

1457. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Dans l’intervalle du 20 juin au 10 août, Condorcet ne cesse, par ses articles, de chauffer ou du moins de caresser l’opinion exaltée, et de témoigner hautement son désir de la voir se porter jusqu’au dernier éclat.

1458. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Une application infinie et un désir insatiable d’apprendre lui tenaient lieu de science ; plus il était ignorant, plus il affectait de paraître savant, citant quelquefois hors de propos des passages latins qu’il avait appris par cœur, et que ses docteurs à gages lui avaient expliqués.

1459. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Elle n’avait pu se décider encore pour le choix d’un mari, et, dans son désir d’une couronne, elle laissait échapper ce qui s’offrait et qui était sous sa main, pour se prendre à des impossibilités lointaines.

1460. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Dans le donjon de Vincennes, il écrivait pour lui seul, dans son cahier de notes et d’extraits, divers passages de Plaute, qu’il lisait beaucoup alors, et il en faisait l’application à sa félicité perdue ; tout ce joli passage du Pseudolus, par exemple, qui fait partie de la lettre d’une maîtresse à son ami : Nunc nostri amores, mores… « Voilà que nos plaisirs, nos désirs, nos entretiens, avec les ris, les jeux, la causerie, le suave baiser… tout est détruit ; plus de voluptés ; on nous sépare, on nous arrache l’un à l’autre, si nous ne trouvons, toi en moi, moi en toi, un appui salutaire. » Mais j’aime mieux cet autre passage, également emprunté de Plaute, où le sentiment domine : « Lorsque j’étais en Hollande , écrit Mirabeau, je pouvais dire : Sibi sua habeant regna reges, etc. », et tout ce qui suit, « Rois, gardez vos royaumes, et vous, riches, vos trésors ; gardez vos honneurs, votre puissance, vos combats, vos exploits.

1461. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Mais la fin de l’Épître est surtout heureuse ; le jeune compositeur s’y montre dévoré souvent du désir d’écrire, de composer pour son propre compte, tandis qu’il est obligé d’imprimer les autres : Hélas !

1462. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

quel assemblage grotesque de vieilles idées et de nouveaux projets, de petites répugnances et de désirs d’enfants, de volontés et de nolontés, d’amours et de haines avortés !

1463. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Elle analyse tout, elle disserte sur tout, sur les parfums, sur les plaisirs, sur les désirs, sur les qualités et les vertus ; une fois même, elle fera des observations presque en physicienne et en naturaliste sur la couleur des ailes et le vol des papillons.

1464. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Insistant sur ce principe d’émulation et de noble zèle, elle est allée jusqu’à dire à son fils : On ne peut avoir trop d’ardeur de s’élever, ni soutenir ses désirs d’espérances trop flatteuses.

1465. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Dans une lettre où elle s’excuse de ne pouvoir leur présenter deux jeunes Zurichois, elle nous les montre ne pouvant se contraindre dans leurs propos, travaillant le matin dans leur cabinet, puis causant tout le reste du jour : Le matin est consacré à l’étude, et ils ont une si grande liberté de penser, qu’ils ne peuvent se résoudre à rencontrer un visage inconnu dans les maisons qu’ils fréquentent ; car qui dit liberté de penser, sous-entend un désir violent de parler ; j’en vois quelques-uns, et heureusement leurs mœurs, qui sont très honnêtes, corrigent l’impression de leurs principes, sans quoi il vaudrait mieux renoncer à ce genre de société.

1466. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Parlant de la déclaration du roi dans la séance royale du 23 juin, il se demande pourquoi cette déclaration qui, un peu modifiée, pouvait devenir la Grande Charte du peuple français, eut un si mauvais succès ; et la première raison qu’il en trouve, c’est qu’elle vint trop tard : Les opérations des hommes ont leur saison, dit-il, comme celles de la nature ; six mois plus tôt, cette déclaration aurait été reçue et proclamée comme le plus grand bienfait qu’aucun roi eût jamais accordé à ses peuples ; elle eût fait perdre jusqu’à l’idée, jusqu’au désir d’avoir des États généraux.

1467. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Hennin, qui vient d’aider Bernardin de sa bourse, a le droit de lui donner ces bons conseils ; il lui parle le langage d’un esprit juste qui suppose à son correspondant le désir réel de fixer sa fortune et sa destinée.

1468. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

L’éducation a pour but de préparer cette coopération par une continuelle « suggestion » d’idées et de désirs, de corriger ainsi les effets défectueux de l’hérédité acquise par une hérédité nouvelle2.

1469. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Un exercice purement abstrait de l’intelligence, sans un éveil correspondant du désir et de toutes les forces de l’être, n’eût pu aussi bien faire oublier à Pascal un mal de dents.

1470. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Ainsi, tout ce jour-là, jusqu’au soleil couchant, Ils banquetèrent, et leurs désirs furent comblés par le repas bien ordonné.

1471. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Elle représente ainsi une protestation contre une hypothèse non démontrée, et elle sauve par là même le physiologiste des illusions où pourrait l’entraîner le désir bien naturel de simplifier les choses, de réduire les propriétés vitales aux propriétés générales de la matière.

1472. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Parmi eux, il y a peut-être un époux que sa femme attend avec impatience et qu’elle ne reverra plus ; un fils unique que sa mère a perdu de vue depuis longtemps et dont elle soupire en vain le retour ; un père qui brûle du désir de rentrer dans sa famille, et le monstre terrible qui veille dans la contrée perfide dont le charme les a invités au repos, va peut-être tromper toutes ces espérances.

1473. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Il y a aussi de l’arbitraire dans le choix des textes, et le désir de faire mieux ou de faire autrement que les autres peut très bien tromper l’éditeur qui se pique le plus de fidélité. […] Un système n’intéresse guère le commun des hommes que par les conséquences morales et pratiques qu’ils en tirent ; malheur à qui leur fournit, fût-ce sans le vouloir, un prétexte pour fermer l’oreille au cri de leur conscience et lâcher la bride à leurs désirs ! […] C’est un désir d’absorption au sein de la nature, d’évanouissement dans l’éternel repos, de contemplation infinie et d’immobilité absolue qui touche de bien près au nirvana indien. […] Mais sous toutes les couleurs, sous tous les visages, c’est la nature qui vit telle que la font les heures et les saisons ; la nature, l’enchanteresse qui préside à l’épanouissement des fleurs, à la naissance involontaire des instincts amoureux ; la consolatrice qui berce et qui apaise les désirs inassouvis ; l’antique Cybèle enfin, celle à qui les Grecs donnèrent tant de noms, tant de masques divinisés !  […] Quand, sans désir, et déterminée par des considérations diverses, elle consentait à essayer des rôles nouveaux : Catherine II, Judith, Diane, Cléopâtre, Valéria, lady Tartuffe, Rosemonde, c’était toujours en se réservant de prendre sa revanche dans l’ancien répertoire, et, généralement, à la veille d’un congé, afin de disparaître et de laisser un échec s’oublier en son absence.

1474. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Pour leur plaire, il fit Zaïre ; et comme il savait qu’on ne peut jamais satisfaire trop tôt les désirs des femmes, il la fit en vingt-deux jours : c’est un effort de galanterie.

1475. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Celui-ci débuta chez Fouquet, aligna des vers à Iris, composa un Dialogue sur l’amour et l’amitié, en prose, où l’on s’étonne d’apprendre que ces deux sentiments sont pareillement « enfants du désir ». […] Désir pourtant assez naturel ! […] Stendhal y tenait si bien qu’il avait rédigé plusieurs dispositions testamentaires, léguant le manuscrit à sa sœur Pauline, ou, « si elle était devenue dévote », à Romain Colomb ou à un autre de ses amis, exprimant, en outre, le désir qu’un homme de goût corrigeât le style, supprimât les redites, mais respectât « les extravagances ». […] Il laisse entrevoir des arrière-pensées et des soucis dominants, voire obsédants, étrangers au pur désir de s’instruire et de satisfaire sa raison. […] Mais l’exode des Hébreux ne comportait aucun désir de revenir en Égypte ; celui de nos écrivains admet heureusement l’esprit de retour.

1476. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

… Loin de sentir en moi un fier éloignement pour le public, j’en ai, créature faible, l’ardent désir et le profond besoin, et je ne désespère pas encore, malgré tous mes mécomptes, de gagner à mon livre des Réputations un cercle de lecteurs qui pourra grandir peu à peu. […] Quand on considère que ce désir ardent d’avoir sa place au soleil n’est qu’une forme, et une des plus hautes, du besoin d’exister et de vivre, on ne peut le condamner que si l’on pense, avec Schopenhauer, que la suprême sagesse est, pour l’individu, d’anéantir en soi la volonté de vivre. […] Et Balzac écrivait à sa sœur : « Laure, Laure, mes deux seuls et immenses désirs, être célèbre et être aimé, seront-ils jamais satisfaits ?  […] Taine commet une erreur et une injustice quand il voit dans le désir d’être apprécié et loué la passion dominante des artistes. […] Victor Hugo, qui n’a jamais voulu comprendre théoriquement la valeur de la sobriété, bien qu’il ait quelquefois été sobre d’instinct, trouvait Mérimée « plat » ; mais, pour distinguer de la platitude la sobriété, ou plutôt la simplicité, telle que l’entendait l’artiste supérieur qui a fait Colomba, il suffit d’observer que l’écrivain simple est si exclusivement attentif à la vérité de l’objet, que, dans son passionné désir de n’exprimer qu’elle, il s’interdit sévèrement les mots inutiles, les bavures, les scories, la prolixité et la diffusion, qui sont inséparables de la platitude et de la négligence.

1477. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Il le louait d’une foule de vertus pour lui inspirer le désir de les avoir. […] Il avait besoin de voir son texte typographié pour le trouver mauvais ou être enragé du désir de le faire meilleur. […] Il eut l’amour de la mort, le désir de la mort, l’ambition de la mort, la vocation de la guillotine. […] Il entraîna Michelet par son influence personnelle, par ses exhortations, par l’émulation, par le désir très honorable de ne pas laisser un ami de vingt ans seul sur la brèche, peut-être aussi par un secret désir de ne pas laisser Quinet devenir seul populaire. […] il n’aurait pas trouvé que ce fût excessif. » Il faut, en effet, servir chacun selon ses désirs.

1478. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

  À propos de ces mots : « les jeunes », je ne voudrais pas décourager ceux qui le sont véritablement, mais je voudrais bien aussi qu’on n’abusât pas de cette épithète ; d’autant plus que la plupart de ceux qui crient le plus haut qu’ils sont jeunes le crient depuis assez longtemps pour avoir un peu vieilli. « Je suis jeune » peut le plus souvent se traduire par : « Je ne suis pas encore arrivé, malgré le nombre de mes ans, et je brûle du désir de prendre place au premier rang. » Le difficile est là, hélas ! […] Puis, dans la soirée, comme la mort la glaçait peu à peu, un grand désir lui était venu de l’extrême onction, la médecine céleste, insinuée pour la guérison de l’âme et du corps. […]   Un désir indéniable à l’époque est de séparer, comme en vue d’attributions différentes, le double état de la parole, brut ou immédiat ici, là essentiel. […] Et elle vivait, dans la banlieue propre et claire de la petite ville, sans désirs, sans rêves, sereine. […] Je ne puis que citer une pièce prise au hasard dans le volume, mais par elle on pourra juger de la saveur de l’ouvrage entier : Nous retrouverons-nous, ô mes amours perdues, Âme étoilée, et vous, ô lèvres de velours, Et vous, sombres désirs, félicités ardues, Irradiation des terrestres amours ?

1479. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Cet esprit libre, qui eut la réputation de ne rien respecter, éprouva toujours un secret désir d’entrer et de s’installer dans les hiérarchies officielles. […] Ses écrits les plus admirés sont nés d’un caprice, d’une conversation, d’une lecture, du désir de plaire à quelqu’un… On regrette, en lisant sa biographie, qu’il n’ait pas formé le dessein de remplir sa destinée et d’aller jusqu’au bout de son mérite. […] Ce qui me réjouit surtout dans notre République, c’est le sincère désir qu’elle a de ne point faire la guerre en Europe. […] Bergeret, donnant la réplique à l’abbé, gémit sur ce « peuple inglorieux et patient, traînant sans désirs une morne existence, indifférent au juste et à l’injuste… ». […] que le désir de parvenir tout de suite se manifestait chez cette jeunesse avec une âpreté singulièrement plus âpre qu’en aucun temps.

1480. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Le mesme destin veut que vous soiés l’une et l’autre, ne m’estant pas possible de séparer l’amour de l’amitié, et des désirs ardens d’une tendresse de père ; et tranquile, conformés vous au destin, et ne séparés pas ce qu’il semble que le Ciel ayt prit plaisir de joindre. […] Va, porte dans son sang la plus subtile flamme ; Change en désirs ardents la glace de son cœur ; Et qu’elle sente la chaleur Du feu qui brûle mon âme !

1481. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Je me reprocherais plutôt de n’avoir pas assez changé, c’est-à-dire de n’avoir pas assez profité du temps que Dieu m’a laissé vivre pour me transformer davantage encore ; d’avoir peut-être trop sacrifié aux convenances, aux situations antécédentes, au respect humain, à toutes ces considérations personnelles qui empêchent de se démentir plus franchement de ce qu’on a dit étourdiment sur la foi d’autrui dans son âge d’ignorance : toutes choses qui sont louables au point de vue du monde, mais qui sont méprisables au point de vue de Dieu ; freins timides qui retardent la marche de la pensée d’un siècle par la difficulté d’avouer que le vieil homme est mort en vous, qu’on est un nouvel homme, et par le désir naturel, mais coupable, de concilier vaniteusement en vous l’homme d’hier et l’homme d’aujourd’hui. […] XXVII Déçu dans mon désir de monter derrière Casimir Périer sur la brèche, pour y défendre, non la royauté orléaniste, mais la société européenne assaillie par les partis de la guerre universelle et par les partis de la turbulence anarchique au dedans, je m’absentai pendant deux ans, pour tromper, par de grands voyages dans l’Orient, mon impatience d’action sans emploi possible dans mon pays.

1482. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Il réprima toujours les attendrissements Qui naissent sans savoir, et les troubles charmants, Et les désirs obscurs, et ces vagues délices De l’amour dans les cœurs naturelles complices. […] Le devoir de l’ami clairvoyant envers l’ami infirme consiste donc à lui ménager cette initiation délicate qui le ramène d’une espérance à l’autre ; à lui rendre d’abord le goût de la vie ; à lui faire supporter l’idée de lendemain ; puis, par degrés, à substituer pieusement dans son esprit, à cette idée vacillante, le désir et la certitude du lendemain éternel.

1483. (1925) La fin de l’art

Ampère, fort timide, n’osait pas la déranger et la dame soutenait comme elle pouvait une conversation désespérée, luttant entre sa politesse et le désir de mettre à la porte l’Académicien qui, l’œil fixé sur le creux où son épée s’était enfoncée, avait l’air le plus embarrassé et le plus ridicule. […] Notre pays est si beau qu’il m’a pris un ardent désir de le connaître.

1484. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

De même, l’idée de s’abstenir d’une action conçue et désirée, pour laquelle déjà les muscles s’agitent et frémissent, cette idée ne peut réussir à arrêter l’élan actif de la passion que si elle prend, elle aussi, l’allure de la passion, si elle semble rompre subitement le cours naturel des désirs et des actes. […] « Eugène marchait avec mille précautions pour ne se point crotter, mais il marchait en pensant à ce qu’il dirait à madame de R. ; il s’approvisionnait d’esprit, il inventait les reparties d’une conversation imaginaire, il préparait ses mots fins, ses phrases à la Talleyrand230. » Le cas le plus fréquent de la parole intérieure vive nous présente l’imagination et la passion réduites chacune à un minimum ; l’une fournit un interlocuteur, et nullement invraisemblable, celui-là même que suggèrent le plus facilement les probabilités ou l’expérience ; l’autre consiste dans le simple désir de causer et d’exprimer des idées auxquelles on est attaché.

1485. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Jusque-là, on avait constaté que la vie était souffrance : le Bouddha remonta jusqu’à la cause de la souffrance ; il la découvrit dans le désir en général, dans la soif de vivre. […] C’est par une série d’étapes, et par toute une discipline mystique, qu’il aboutit au nirvana, suppression du désir pendant la vie et du karma après la mort.

1486. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Avant de donner des extraits du livre, le spirituel habitué du salon de Mme Necker vante et caractérise « cette jeune personne entourée de toutes les illusions de son âge, de tous les plaisirs de la ville et de la cour, de tous les hommages que lui attirent la gloire de son père et sa propre célébrité, sans compter encore un désir de plaire tel qu’il suppléerait seul peut-être tous les moyens que lui ont prodigués la nature et le destin. » Les Lettres sur Jean-Jacques sont un hommage de reconnaissance envers l’auteur admiré et préféré, envers celui même à qui Mme de Staël se rattache le plus immédiatement. […] Quant à l’accusation faite à Delphine d’attenter au mariage, il m’a semblé, au contraire, que l’idée qui peut-être ressort le plus de ce livre est le désir du bonheur dans le mariage, un sentiment profond de l’impossibilité d’être heureux ailleurs, un aveu des obstacles contre lesquels le plus souvent on se brise, malgré toutes les vertus et toutes les tendresses, dans le désaccord social des destinées. […] La première fois que je le lus, ce fut en Suisse (1816), d’après le désir de Mme de Staël ; » et il ajoute un mot contre une supposition fausse qui avait couru.

1487. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

On reconnaît l’homme de parti qui, sur l’extrême penchant de la restauration, quand « toute la multitude était folle du désir d’avoir un roi », publiait « le moyen aisé et tout prêt d’établir une libre république448 », et en décrivait le plan tout au long. […] C’est la vie des salons qui a dégrossi les hommes : il a fallu la société des dames, le manque d’intérêts sérieux, l’oisiveté, la vanité, la sécurité, pour mettre en honneur l’élégance, l’urbanité, la plaisanterie fine et légère, pour enseigner le désir de plaire, la crainte d’ennuyer, la parfaite clarté, la correction achevée, l’art des transitions insensibles et des ménagements délicats, le goût des images convenables, de l’aisance continue et de la diversité choisie. […] … Qui ne t’aperçoit aujourd’hui dans ta marche éclatante, au milieu de ton sanctuaire, entre ces candélabres d’or longtemps obscurcis chez nous par la violence de ceux qui les avaient saisis, attirés plutôt par le désir de leur or que par l’amour de leur rayonnante clarté ?

1488. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Je suppose que la seule règle de vos raisonnements, c’est le désir de voir clair dans vos idées : veuillez donc supposer la même chose de ceux qui ne pensent pas comme vous. » J’ajouterai une observation qui mériterait de longs développements. […] En un mot, le stoïcien, si creuse que puisse être sa vertu, ne saurait être rabaissé au niveau de ce troupeau vulgaire qui n’a d’autre ciel que les sens, et d’autre mesure du bien et du beau que la jouissance et le désir. […] Sans doute, si l’idée du parfait n’est qu’une représentation confuse de l’imagination et du désir, rien de plus facile à expliquer ; mais quelle en est alors la valeur et l’autorité ?

1489. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Presque petite, mais de proportions harmonieuses, le visage rond et d’un modelé exquis, les cheveux blond-paille avec de sombres yeux comme brûlés de pensée, des yeux dévorés du désir de voir et de connaître, la bouche ferme, bonne et rêveuse, les narines vibrantes d’un cheval sauvage de l’Ukraine, Mlle Marie Bashkirtseff donnait, au premier coup d’œil, cette sensation si rare : la volonté dans la douceur, l’énergie dans la grâce. […] Cette photographie est si jolie que je ne puis résister au désir de vous montrer envers quelle charmante personne vous manquez d’amabilité. […] Et les choses ne tournant pas selon vos désirs, ne m’en voudrez-vous pas bêtement de m’avoir aimée ? […] Dans mon désir de m’expliquer les bizarres découragements que vous me prodiguez avec une bonne grâce charmante, je fais des suppositions.

1490. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

C’est une petite fille qui manque de couleurs, cette poésie, mais on regarde avec quelque plaisir sa joliesse pâle et anémique et ses gestes d’une câlinerie gentiment puérile : Je ferai la maison attachante et câline en des riens délicats qui te feront rêver, je serai la fée prévoyante qui devine tes plus secrets désirs pour pouvoir les combler. […] Mon admiration attendrie pour saint Vincent de Paul augmente mon désir de cracher au visage de Tartuffe. […] Ô sauvage désir de vengeance farouche ! […] Elle parle, égale, austère et infatigable, jusqu’à ce que le lecteur édifié médite longuement sur cette religieuse phrase finale : « Dans le monde supérieur où il est parvenu, il lui a été sans doute tenu compte de ce désir du bien qui, durant plus d’un demi-siècle, a tourmenté sa vie et ennobli ses faiblesses. » Je regrette d’ignorer également la musique et l’hymne suisse et de ne pouvoir me jouer quelques mesures après ce beau discours de distribution des prix. […] Deux éléments principaux contribuent à le former : une prétention puérile d’abord, le désir de nous montrer qu’on peut faire ce que nous faisons ; et aussi la timidité, l’effroi de s’engager seule dans une voie inconnue.

1491. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Je n’avais guère l’idée de ma propre faiblesse, puisque ce désir de protéger, et la certitude que j’en étais capable, domina toute ma première enfance. […] Je voulais, je voulais absolument, et suppliante et câlinante, je soufflais mon désir à la chérie. […] J’avais l’idée de quelque chose de brillant et de joyeux et tout mon désir se tendait vers le parc. […] Humiliée d’être venue, chagrinée aussi d’être contrainte de m’abandonner à d’autres, elle protestait, par son attitude et son désir de ne pas s’attarder, une fois sa mission remplie. […] J’aurais voulu l’écouter toujours, et un de mes désirs était de lire ses œuvres, mais j’avais beau fouiller la bibliothèque, je ne trouvais aucun livre de lui.

1492. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

On ne m’accusera pas de dénigrer Napoléon, par exemple, juste orgueil de notre siècle, mais j’affirme que le code qui porte son nom et qui l’a grandi fût resté lettre morte si Bonaparte n’eût été que son inventeur, et si toutes les provinces de la France ne l’avaient pas fait par leurs désirs, leurs besoins, pièce à pièce avant lui. […] Il n’avait le désir de rien, le courage de rien. […] Elle traversa la forêt, attendant avec un désir qui ralentissait sa marche que quelque chêne s’écroulât et l’ensevelit dans la majesté de sa chute. […] Elle croyait qu’elle allait agoniser dans la phrase maladive des soucis et des pavots qui lui rappelait les tourments de ses désirs. […] je pourrais leur être utile ; je me sens pour eux une affection vraie, un désir sincère de les instruire, et ils ne veulent pas.

1493. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

S’il s’est donc séparé de Ronsard, c’est assez tard, comme on le, voit, par un effet des circonstances plutôt que de sa volonté peut-être : pour des raisons tirées de son désir de réussir en cour et à Paris autant que de son inspiration ; et, très habilement, bien loin de débuter « par supprimer tout ce qui l’avait précédé », au contraire, il a commencé par en sauver, pour le retenir, tout ce qui lui semblait de convenable à son nouveau dessein. […] Mais lui-même, dit-on, n’a-t-il pas exprimé le désir que, pour achever, pour couronner son œuvre pacificatrice, une voix autorisée réconciliât la religion même avec le monde ? […] Mais ce qui se voit encore mieux par-là, c’est l’analogie ou la conformité de l’œuvre du poète avec les intentions et le désir du prince. […] Et le succès de leurs exemples ou de leurs leçons s’explique par le désir ou le besoin que l’on avait en leur temps de les voir paraître. […] Le désir que l’on éprouvait, c’était celui de « communiquer », si je puis ainsi dire ; et, à l’expérience, ou jugeait que la langue n’en fournissait pas les moyens.

1494. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Quelque secret désir qu’eût le Constitutionnel de vous remplacer par M.  […] La conclusion, je le répète, était loin de combler mes désirs, bien que je comprisse la valeur des termes où ces messieurs avaient résumé leur opinion, et que je ne fusse pas absolument étranger à cette formule, sacrée aux critiques du jour : « Il a du tempérament, « Il n’a pas de tempérament. » Avez-vous du tempérament, ami romancier ? […] Parfois, de ci, de là, perce bien un timide désir d’examiner si nous nous traînerons longtemps encore, avec la résignation d’intelligences esclaves et abruties, des petits romans de mœurs sans émotion, sans style, sans composition, aux poésies incroyables de MM. les formistes. […] Nul désir d’en imposer. […] Et comme vous ne me l’avez point commandé, que je n’ai ni le devoir ni le désir d’agréer quand même à Votre Excellence, il y a des chances pour que, malgré ma profonde infériorité d’écrivain, j’évite l’insignifiance hors ligne qui distingue les rapports de MM. de Sacy, Th. 

1495. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Ce n’est pas là la bonne manière, et, suivant l’expérience, il fallait me mander : « Le roi sait que votre zèle et un désir de gloire vont tellement avant tout dans votre cœur, que les récompenses ne sont pas nécessaires pour vous exciter.

1496. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

On remarque d’abord en France le désir de tout le monde de briller en se distinguant de tout le monde.

1497. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Messieurs, Si vous avez eu le désir amical, dont j’ai été plus d’une fois informé, de me voir commencer ce cours, croyez bien que, de mon côté, il ne me tardait pas moins de me trouver au milieu de vous pour remplir l’honorable et cher devoir qui m’est confié, et auquel j’appartiens désormais sans réserve.

1498. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Il le sentait tout le premier, lorsqu’il écrivait à son ami M. de Beaumont (8 octobre 1839) : « Je ne puis vous dire quel désir j’éprouve devoir ce manuscrit terminé, afin qu’il vous passe sous les yeux.

1499. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Aujourd’hui même je ne saurais penser à la vie tranquille et solitaire des champs, à nos livres, à la Chesnaie, au charme répandu sur tous ces objets, auxquels se rattachent tous mes désirs et toutes mes idées de bonheur ici-bas, sans éprouver un serrement de cœur inexprimable, et quelque chose de ce sentiment qui faisait dire à ce roi dépossédé : Siccine separat amara mors ! 

1500. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Au milieu de sa fatale maladie, elle était encore agitée du désir de placer mon cher Valmore à Paris. — Mon bon Félix, je t’en prie, dis une prière pour cette femme presque divine.

1501. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

On aura peut-être remarqué que Jomini, dans sa lettre de janvier 1813 au ministre Clarke, exprimait positivement le désir non plus d’un poste dans l’état-major, mais d’un commandement dans un corps d’armée.

1502. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Il fut long avant de céder à son propre désir.

1503. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Une fois engagé dans des liens indissolubles, il tâcha que toute image trop émouvante et trop propice aux désirs fût soigneusement bannie de ce plan un peu chimérique, où le devoir était la mesure de la volupté.

1504. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Je trouve sur la même liste Jean-Jacques Rousseau pour ses Confessions, une œuvre de courage, où se mêle sans doute une veine de folie ou de misanthropie bizarre, mais production à jamais chère à la classe moyenne et au peuple, dont elle a osé représenter pour la première fois les misères, les durs commencements, les mœurs habituelles, les désirs et les rêves de bonheur, les joies simples, les promenades au sein de la nature, sans en séparer jamais l’espérance en Dieu ; car, à celui-là, vous ne lui refuserez pas, je le pense, de croire en Dieu, d’y croire à sa manière, qui.à l’heure qu’il est, est celle de bien des gens.

1505. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

. — En dernier lieu, son organisation mentale plus fine a fait de lui, dès les premiers jours, un être imaginatif en qui les songes pullulants se développent d’eux-mêmes en chimères monstrueuses, pour amplifier au-delà de toute mesure ses craintes, ses espérances et ses désirs.

1506. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Il démontrera que les lois ne représentent pas la justice, mais la coutume, afin qu’on n’ait point le désir turbulent de les changer.

1507. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Fénelon est charmant et coquet comme une femme : toute sa force est dans ce don et ce désir de plaire.

1508. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Et c’est pourquoi j’ai pu lire, avec une admiration stupéfaite, il est vrai, et dans une sorte d’ivresse physique mais sans une minute d’émotion, de douceur intérieure, et sans le moindre désir de larmes, les dix mille vers de Toute la Lyre.

1509. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Les qualités qu’il faut priser entre toutes, chez l’écrivain qui s’adonne à la critique, sont la bonne fol et l’ouverture de l’esprit, accompagnées du désir d’exprimer le plus nettement et le plus complètement possible sa pensée.

1510. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Stéphane Mallarmé, M. de Régnier n’a voulu borner à la forme ses désirs ; il est pour penser ainsi, trop poète.

1511. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Corneille est le contemporain des jansénistes de la première heure qui sacrifient sans hésiter les plaisirs du monde et les affections les plus légitimes au désir de vivre en communion avec Dieu, qui prêchent et pratiquent les préceptes les plus sévères.

1512. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Il faut la voir, l’œil ardent, les joues en feu, le geste homicide, penchée sur la réponse, attendue comme une proie d’impatience et de désir.

1513. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Et comment n’a-t-elle pas craint les pièges que peut receler ce rendez-vous donné par un nabab féroce, comme un thug, lorsque le désir lui monte au cerveau.

1514. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

« Monsieur, lui écrivait Helvétius, je suis pénétré de vos bontés ; je compte toujours sur votre amitié : j’espère que vous ne m’aurez pas mis entre les mains d’un théologien ridicule. » Il s’agissait bien de cela, en vérité, et des belles protestations d’Helvétius qui s’écriait : « Je n’ai été animé, en composant mon livre, que du désir d’être utile à l’humanité, autant qu’un écrivain peut l’être. » L’affaire avait pris des proportions effrayantes.

1515. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

La marquise ne se défend plus que pour s’assurer de la résolution de celui qui la combat en la servant ; elle ne fait des objections que dans le désir d’être réfutée.

1516. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Certes, il n’a donné à personne d’humain le désir de savoir quelle eût été la suite, et ce qu’il aurait pu faire hors de sevrage et dans sa juste maturité ; mais, physiologiquement, je maintiens qu’à aucune époque Saint-Just ne fut mûr.

1517. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

À ceux-là, généreux imprudents et qui vont courir tant de hasards, s’ils ont même un véritable talent, que de conseils nouveaux à donner et non prévus par Quintilien, pour leur dignité, pour la conduite et l’économie de leur verve laborieuse, pour la modération des désirs, pour qu’ils ne sacrifient pas l’art au métier, l’inspiration à l’industrie, pour qu’ils ne fassent du moins que les concessions indispensables !

1518. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Il y a du renoncement moral dans ce respect du métier, dans ce désir de bien faire.

1519. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

                          Vos désirs inconnus, sous l’arceau triomphal, Dont votre esprit en songe arrondissait la voûte, Passent assis en croupe au dos de leur cheval.

1520. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Ils ont fait entrer dans l’héroïsme des premiers âges, trois idées naturelles à des esprits éclairés et adoucis par la civilisation : l’idée d’une justice raisonnée, et conduite par les maximes d’une morale socratique ; l’idée de cette gloire qui récompense les bienfaiteurs du genre humain ; enfin, l’idée d’un noble désir de l’immortalité.

1521. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

À la chartreuse de Bosserville, c’est un mystique, une « imagination frémissante », un homme de désir. […] Deux éléments : le désir de l’aventure, puis l’aventure elle-même, sous sa forme la plus extraordinaire, la plus neuve pour un homme animal politique, la plus purement aventure ; la solitude. […] Cet espace visuel, étendu par le télescope jusqu’à des mondes qui ont disparu depuis des milliers d’années, multiplie devant nous les objets proposés à notre choix et à notre désir. Il constitue le monde propre à des êtres de désir, et il faut beau coup de bonheur ou beaucoup de sagesse pour que le désir, moyen de progrès pour l’espèce, n’amène pas le mal de l’individu. […] Il faudrait faire aussi une place importante au genre épistolaire, qui produit au xviiie  siècle le roman de Richardson, de Rousseau, de Laclos, et qui donne sa forme naturelle aux désirs et aux ambitions de leurs destinées manquées : le soldat qui ne reçoit jamais de lettres, et qui s’en écrit à lui-même pour entendre le vaguemestre le nommer, s’il est poète, ce sont les plus belles de la compagnie.

1522. (1886) Le roman russe pp. -351

Pays d’âmes vagues comme les âmes des gens de mer, concentrées, longuement résignées, avec des violences soudaines de désir ; terre faite pour les tentes plus que pour les maisons, où les idées sont nomades ainsi que les hommes. […] Éraste a oublié les préjugés de sa caste » et promet à Lise d’être son époux ; mais il devance le moment dans l’une de ces minutes « où l’ombre du soir nourrit les désirs et où aucun rayon n’éclaire les erreurs ». […] Comme il va quitter les bancs de l’école, ses lettres à sa mère nous déclarent déjà les inclinations de son esprit : une verve observatrice et satirique, exercée aux dépens de ses camarades, un fonds de piété sérieuse, le désir d’une grande destinée. […] À coups de privations, par des prodiges d’épargne, il réalise son rêve ; alors son immense bonheur est en raison de la violence de son désir. […] Ici, il y a quelque chose de plus ; ce n’est pas le désir de l’innocenter ou de le soustraire au pouvoir de la justice, c’est le besoin de réconforter son âme déchue, de le consoler comme on console un frère, comme le Christ nous a ordonné de nous consoler les uns les autres.

1523. (1881) Le roman expérimental

Cet inconnu immense qui nous entoure ne doit nous inspirer que le désir de le percer, de l’expliquer, grâce aux méthodes scientifiques. […] Il a été élevé dans les pratiques les plus strictes du catholicisme ; son premier désir est d’être prêtre, et toute son éducation, toute son instruction le destinent au sacerdoce. […] Puis, ils finissent par revenir débuter au cirque de Paris, le but de leurs secrets désirs. […] Seulement, avec ce désir de justice pédagogique, avec cette ambition de distribuer des prix aux plus méritants, on arrive à ne plus tenir compte des grandes évolutions, à se désintéresser du mouvement général des esprits. […] En vérité, les poètes auraient tort de nous refuser le désir de l’immortalité.

1524. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Jamais pauvre gentilhomme obéré ne fut plus las de la vie, n’eut désir plus furieux d’en être débarrassé que l’homme du Nord. […] Elle ne leur inspire ni piété ni amour désintéressé, elle ne leur inspire que des désirs de possession. […] Quant à l’homme de la Renaissance, vous savez si personne a jamais exprimé aussi bien que Shakespeare ses ardeurs, ses passions, ses désirs, ses chimères et ses rêves. […] D’ailleurs ces enchantements n’ont plus rien à lui donner en fait de renommée et même de fortune, et enfin, quoiqu’il soit jeune encore, trop de rêves ont fatigué son âme pour qu’il n’éprouve pas le désir d’un repos qui lui permettra, comme à son duc magicien, « sur trois de ses pensées, d’en consacrer une à la tombe ». […] Ainsi son cœur est fait déjà aux soupirs et aux transports, les larmes connaissent le chemin de ses paupières, ses désirs lui ont révélé le prix de la beauté, et ses jalousies le prix de l’amour partagé.

1525. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Heureux de n’avoir en partage que la santé, l’aisance et la paix, il ne portait pas plus haut ses désirs, celui dont la simple histoire est retracée dans des vers sans art. […] Il n’enviait point les rois ; il ne pensait point à eux : il n’était point troublé par ces désirs que trompe la fortune, qu’éteint la jouissance. […] Périsse cette vaine sagesse qui étouffe les jeunes désirs ! […] Il n’enfante que des désirs mourants et des projets sans consistance. […] Alors revoyant ces vastes enceintes qui retentissent de nouveau du bruit des jeux et des triomphes classiques ; ces hautes murailles, où on lit toujours les noms à demi effacés de quelques grands hommes de la France, ils sentent revivre en eux des regrets amers et des désirs plus douloureux que les regrets.

1526. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Alexandre Dumas le père n’a pas résisté au désir de nous le peindre, et il en a tracé une esquisse comparable à ses meilleurs portraits : C’était un des plus beaux jeunes hommes que l’on pût voir. […] En tout, dans l’amour comme dans la haine, dans la volonté et dans le désir, dans les plaisirs du corps et dans les voluptés de l’âme, le paroxysme fut atteint. […] Les regards brillants, les chaudes étreintes des mains, tous les effluves qui se dégagent d’une parole haletante et d’un corps ardent de désirs font les trois quarts de la besogne de perdition. […] Les plus enviées donneuses d’amour, dames de haute lignée, courtisanes savantes, avaient lassé en moi le désir : une enfant m’obsédait de son charme. […] Quel sortilège efficace pourra nous redonner le goût de l’action, le désir d’entreprendre ?

1527. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Bergerat, même quand il modère ses désirs, est encore très exigeant, et ces deux choses sont encore extrêmement difficiles, même la première. […] Il se console en songeant à la gloire, dont, déjà, le noble désir le possède, et il dit à Marie (elle s’appelle Marie) qu’elle sera sa Muse. […] Il y a, quelque part, une ligne de démarcation peu visible au regard et très ployable au désir. […] Je lui annonçai mon départ et lui témoignai mes regrets de n’avoir pas répondu à ses désirs dans le rôle qu’il m’avait confié. […] À quoi ne pousse point le désir de parvenir, laudumque immensa cupido  ?

1528. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Chez nous, la culture a interposé entre le désir et l’action le tissu entre-croisé et amollissant des réflexions et des calculs ; ici la détente est soudaine, et le meurtre et toute action extrême en partent à l’instant. […] L’épouse, en entrant sous le toit de son mari, sait qu’elle se donne tout entière36, « qu’elle n’aura avec lui qu’un corps, qu’une vie ; qu’elle n’aura nulle pensée, nul désir au-delà ; qu’elle sera la compagne de ses périls et de ses travaux ; qu’elle souffrira et osera autant que lui dans la paix et dans la guerre. » Comme elle, il sait se donner : quand il a choisi son chef, il s’oublie en lui, il lui attribue sa gloire, il se fait tuer pour lui ; « celui-là est infâme pour toute sa vie, qui revient sans son chef du champ de bataille37. » C’est sur cette subordination volontaire que s’assiéra la société féodale.

1529. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

On sent que le désir de s’élever donnait des vertus à son âme, et de l’énergie à son caractère. […] IV Cependant il avait échappé aux dangers de la révolution ; le 9 thermidor et le 18 brumaire avaient tari le sang et ramené l’ordre, quand Bernardin, veuf de mademoiselle Didot et père de deux enfants, nommé membre du premier Tribunat national, comme le premier écrivain de sentiment de la France et investi d’une considération immense et d’une aisance due à son logement du Louvre, à ses opérations littéraires, à ses pensions, éprouva le désir d’assurer une seconde mère à ses enfants.

1530. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Je m’y tenais dans l’ombre et dans le silence, mais madame de Raigecourt ne manquait pas une occasion de m’y faire apercevoir et d’inspirer aux hommes ou aux femmes célèbres de la société le désir de me connaître. […] XXIX Chaque fois que je revenais de l’étranger à Paris, le désir ou le hasard me faisait connaître ou aimer quelques nouveaux venus à la célébrité ou au génie pendant ces fertiles années de 1820 à 1830.

1531. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

. — Cléanthe ou le désir en Cage, roman […] Œuvres. — Du Désir aux Destinées, poèmes : Mercure de France, 1903, in-19. — L’Île et l’Empire de Grande Bretagne, id.

1532. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Chez Paul de Saint-Victor se reconnaît pareillement le désir d’une prose claire et serrée, même dans sa plus ardente éloquence. […] Son premier roman : les Désirs de Jean Servien, nous révèle que ces lectures n’ont pas été sans troubler singulièrement sa jeune sensibilité. […] On a prétendu que le désir d’une plus large popularité l’avait égaré. […] Cette affirmation de ses goûts, de ses désirs, de ses élans individuels conduit un Barrès à mieux se connaître. […] C’est à lui-même qu’il pense lorsque, au commencement de la première Diabolique, il parle de ces têtes « construites d’une certaine façon militaire pour lesquelles, à propos de tout et toujours, toute la question, comme à Waterloo, est de ne jamais se rendre », et l’on peut dire de lui qu’ayant conçu pour lui-même un certain idéal d’existence et de littérature, et s’étant heurté, soixante ans durant, à des conditions matérielles contraires à tous ses désirs, à un public contraire à tous ses goûts, à une société contraire à tous ses principes, il ne s’est jamais rendu.

1533. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Il faudrait une épithète de la vieille Asie… » s’achève en un tableau gracieux au possible et joli comme tant de bébés « … qui appellent de leurs petits bras, de leur sourieuse mine s’enflant comme de vague désir, ils appellent l’infini même. […] le désir de s’enrichir ou le goût des affaires que l’ardeur à savoir, que l’amour de voir du nouveau et encore du nouveau, qui l’entraina dans la série d’énormes voyages qui devaient en quelque sorte, remplacer, quand l’âge d’homme sonna pour lui, les extraordinaires escapades de son esprit adolescent. […] Après trois années orageuses et douloureuses que je passai alors sur le continent, Car le malheur est bien un trésor qu’on déterre5, sentant le besoin, ou plutôt le désir d’un travail calme et régulier, hors de toute littérature, et sans qu’aucune nécessité pécuniaire me contraignit à cette résolution, je me déterminai à retourner en Angleterre, seul cette fois, et avec des intentions hautement « respectables »6. […] Le livre que nous présentons, conformément au désir que l’auteur a bien voulu nous en exprimer, est triste, pensif et tendre, sans plus d’indulgence qu’il ne semble requis en un pareil sujet.

1534. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Les draperies qui flottent et jusqu’à cet épiderme et le désir qu’elle inspire, c’est Maïa l’illusoire qu’il faut vaincre, mais dessous il y a une étincelle d’éternité, un pleur d’infini. […] Le monde foulé — co-propriété indivise de tous dans la république de la vie — il nous faut le considérer comme l’apprentissage foncier de celui de notre esprit, lequel n’est, à franc dire, que le résultat d’un désir de réaliser mieux, désir servi par la morale de notre personnelle esthétique. […] L’émotion, l’inquiétude de l’homme devant la nature qui existait avant lui et qui lui survit ; la passion, le désir de justice à voir les hommes en société, la tristesse de l’attachement fugace, l’artiste sent tout cela plus vivement, et s’exprime instinctivement, parle pour marquer ce rapide passage à travers les choses, pour faire vivre les êtres qu’il a aperçus, — et il parle aussi pour ceux qui se taisent… Oh ! […] ça n’évoque chez moi que le désir de m’en aller !

1535. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

De telles occupations répugnèrent bientôt à un génie qui ne s’ignorait pas entièrement ; aussi ne tarda-t-il pas à témoigner le plus vif désir de s’instruire. […] La réputation des élèves et du maître donna à un jeune homme, alors aussi redoutable dans les collèges par son insubordination qu’il le fut depuis dans le monde par son humeur guerroyante, un désir ardent d’être admis à ces cours. […] La froideur avec laquelle La Vallière reçut ses hommages piqua davantage les désirs du surintendant, peu habitué à un semblable accueil. […] Cherchant à pressentir ses moindres désirs, ses plus légers caprices, il s’empressait de les satisfaire. […] Louis XIV lui-même, dont les idées naturellement grandes et généreuses n’étaient pas encore étouffées par les efforts des Le Tellier ou des Maintenon, ne cédait qu’avec impatience aux désirs de la cabale puissante qui sollicitait chaque jour l’éternelle suspension du Tartuffe.

1536. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Deux mobiles seuls animèrent la littérature : un désir de popularité à tout prix, et l’amour de l’argent. […] Et depuis dix mille ans, pour toute réponse à mes cris, pour tout soulagement à mon agonie, j’entends planer sur cette terre maudite le sanglot désespéré du désir impuissant20 !  […] S’il est au-dessus de la brute, ce n’est point parce qu’il connaît et adore Dieu, parce qu’il aime le beau et aspire au bien, parce qu’il se sent porté d’un irrésistible désir vers la vérité éternelle : non, c’est parce qu’il a la pensée de sa propre destruction et qu’il peut se tuer ! […] Dans Antony, Adèle d’Hervey, la femme mariée, dit à son amant : « Antony, le monde a ses lois, la société a ses exigences : qu’elles soient des devoirs ou des préjuges, les hommes les ont faites telles ; et eussé-je le désir de m’y soustraire, il faudrait encore que je les acceptasse. — Et pourquoi les accepterais-je, moi ? […] L’amour de l’argent est de tous les temps : ce qui est plus particulièrement du nôtre, c’est l’amour du bien-être, c’est la soif des jouissances matérielles, c’est le désir effréné de toutes les voluptés que peut procurer la richesse.

1537. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Pour nous, appelé aujourd’hui à parler de M. de Fontanes, nous ne faisons en cela qu’accomplir un désir déjà bien ancien. […] Jupiter la voit à peine, Que les désirs renaissants, Comme une flamme soudaine, Ont couru dans tous ses sens : « Non, dit-il, jamais Europe, Lo, Léda, Sémélé, Cérès, Latone, Antiope, D’un tel feu ne m’ont brûlé ! […] Au Sénat où il siégeait depuis sa sortie du Corps législatif, il fut chargé, d’après le désir connu de l’Empereur, du rapport sur l’état des négociations entamées avec les puissances coalisées, et sur la rupture de ce qu’on appelle les Conférences de Châtillon.

1538. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Je me figurai ce pauvre père trompé dans toutes ses espérances, n’ayant pour consolation dans sa vieillesse qu’un homme aux yeux duquel, à vingt ans, tout était décoloré, sans activité, sans énergie, sans désirs, ayant le morne silence de la passion concentrée sans se livrer aux élans de l’espérance qui nous raniment et nous donnent de nouvelles forces. […] Un des premiers désirs de Benjamin Constant, à son adolescence, fut de voyager seul, à pied, vivant au jour le jour comme Jean-Jacques Rousseau ; mais il y avait entre l’illustre Genevois et le gentilhomme vaudois cette différence, que celui-ci trouvait à peu près partout, grâce à son nom et au crédit de sa famille, des bourses ouvertes et un accueil que le pauvre Jean-Jacques ne put jamais rencontrer au début de sa carrière. […] En politique de même, il perce au fond de tous les écrits de Benjamin Constant un grand désir de convaincre, si toutefois l’auteur était convaincu.

1539. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Joignez à cela la fougue et l’emportement du naturel poétique, et cette espèce d’afflux, de bouillonnement de toutes les forces et de tous les désirs qui se fait dans ces sortes de têtes lorsque, pour la première fois, le monde s’ouvre devant elles, et vous comprendrez l’Adonis, « le premier héritier de son invention. » En effet, c’est un premier cri ; dans ce cri, tout l’homme se montre. […] 194» Ainsi faisait Alceste auprès de Célimène ; mais quelle Célimène salie que la drôlesse devant laquelle il s’agenouille, avec autant de mépris que de désir ! […] « Si tu me trahis, je me trahis bien moi-même, quand je livre la plus noble partie de moi-même à mon grossier désir. » — Les rebuts ?

1540. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Quand je songe que, dans l’âge voisin de la vieillesse et de ses infirmités, me voilà seul sur la terre, comme un célibataire débauché ou un homme personnel qui n’a vu que lui dans la nature ; que le sein sur lequel je m’appuie doucement, pour y chercher la consolation, est le sein d’une bonne mère de soixante-quinze ans ; que les objets qui devaient vivre avec moi et auprès de moi m’ont précédé si jeunes dans le tombeau ; quand je parcours tout cet espace qu’on appelle la vie, et que j’embrasse d’un coup d’œil cette longue chaîne de besoins, de désirs, de craintes, de peines, d’erreurs, de passions, de troubles et de misères de toute sorte, je rends grâces à Dieu de n’avoir plus à sortir du port où il m’a conduit ; je le remercie de la tendre mère qu’il me laisse, et des amis qu’il m’a donnés, et surtout de pouvoir descendre dans mon cœur, sans le trouver méchant et corrompu.

1541. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Le lendemain je me disposais à noter tout ce que j’avais vu de remarquable et à profiter des observations de mon guide, lorsque je reçus de lui une longue lettre par laquelle il allait au-devant et au-delà de mon désir et achevait de compléter mes instructions de la veille.

1542. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Le marquis de Mirabeau, en 1778, écrivait au bailli son frère : « Sitôt qu’un mien désir n’est pas combattu par ma conscience, j’ai des ressources pour en venir à bout….

1543. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Mme de La Fayette, dans son généreux désir d’aller au secours du général captif, avait fini par avoir pour appui sincère Roland, c’est-à-dire Mme Roland.

1544. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

On se plaint souvent que la littérature actuelle ne soit pas plus forte, plus élevée, plus semblable à celle des siècles précédents, des grandes époques précédentes : je ne sais ce que ces plaintes ont de fondé ; nous sommes trop juge et partie peur avoir voix au chapitre dans la question ; mais, en admettant le fondé du reproche, comment voulez-vous que la littérature, la véritable, celle qui a son inspiration propre, celle qui n’est animée ni du désir du gain ni de l’ambition des honneurs, mais qui a sa verve naturelle, originale, son goût de fantaisie ou de vérité, et d’une vérité piquante et parfois satirique (car ce ne sont pas les sujets qui manquent), comment voulez-vous que cette littérature qui sacrifie tout à elle-même, à sa propre satisfaction, au plaisir de rendre avec art, avec relief, et le plus excellemment possible ce qu’elle pense, ce qu’elle voit et dans le jour sous lequel elle le voit, comment voulez-vous qu’elle ait toute sa vigueur, sa joie, sa fierté et son indépendance, si, à tout moment, l’écrivain qui tient la plume a à se faire cette question : « Aurai-je affaire ou non à messieurs du parquet, à messieurs de la police correctionnelle ? 

1545. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

J’aurais peine à citer un seul révolutionnaire qui ne fût transporté de ces théorèmes anarchiques et qui ne brûlât du désir de les réaliser.

1546. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Emporté dans ses désirs, violent dans ses projets, implacable dans ses haines, il régit tous les sentiments du cœur qu’il possède, en occupe tous les replis et n’y laisse aucun vide.

1547. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

L’article fit un beau tapage, tombé dans la mare aux grenouilles de la critique contemporaine, où quatre crétins, onze ratés, deux prophètes, huit philosophes, revenus des erreurs de ce monde, et soixante-quatorze bons garçons équitablement partagés entre la crainte de peiner un ami et le désir bien légitime de ne pas compromettre leurs titres à la réception d’un lever de rideau, disputaient à notre Bon Oncle l’honneur de rectifier le tir.

1548. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Vous exprimez le désir de savoir ce que je pense de Lycophron que vous jugez ésotérique autant que possible et suffisamment complexe.

1549. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

De même que dans les arts du dessin et de la scène, voire dans l’art un peu frivole de la danse, le travail seul nous donne une main sûre, un geste aisé, la grâce et la souplesse des mouvements, de même dans les ouvrages de l’esprit c’est par le travail que nous nous débarrassons des fausses impressions, de l’humeur, de la tyrannie du corps, de l’imitation, du désir de briller, de la vanité, de tout ce qui nous empêche d’être naturels.

1550. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Tout cela est léger, glisse, caresse en passant, et s’oublie, non sans nous laisser le désir d’y revenir.

1551. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Pourquoi a-t-elle immolé avec si peu d'égards, la vérité, la décence, à l'essor de son imagination déréglée, & au désir de plaire à quelque prix que ce fût ?

1552. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Quand elle va sous la tente de Mâtho, il est évident qu’elle est poussée par un vague et irrésistible élan physiologique autant que par son désir de sauver Carthage, et cependant, après qu’elle s’est abandonnée au Libyen, elle dirait volontiers comme Judith : Non permisit me Dominus ancillam suam coinquinari, sed sine pollutione peccati revocavit me vobis .

1553. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Avant d’écrire cet article sur M. de Latouche, je me suis adressé à plusieurs de ses anciens amis ou qui passaient pour tels, dans le désir qu’on me dit de lui plus de bien que je n’en savais, et j’ai dit, je l’avoue, tout ce que j’en ai su.

1554. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Un désir commun réunit en ira groupe homogène des hommes animés des mêmes besoins et qui appartiennent à des nationalités différentes.

1555. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Puis, la jalousie, le nœud de la pièce, ils la transforment en le désir d’obtenir un bureau de tabac… » Et ainsi du reste.

1556. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

— cela peut-être avec un désir vague d’en fixer le déchirant pour des amis futurs de la mémoire du bien-aimé… Pourquoi ?

1557. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Comment donc, en ces luttes de l’espérance et du désir, se défendre de ces sensualités corruptrices, de ces liens du cœur, plus durs que la plus dure des prisons ?

1558. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

La méthode idéologique permet, il est vrai, d’échapper à ce mysticisme et c’est, d’ailleurs, le désir d’y échapper qui a fait, en partie, la persistance de cette méthode.

1559. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

La parole extérieure, jetée dans l’âme par la sensation, s’est trouvée être une semence féconde, parce que l’attention l’a fécondée, et parmi les mobiles de l’attention, parmi les désirs, les besoins, les tendances de l’âme, l’analogie de l’âme et du son doit figurer en première ligne : si nous sommes séduits à chaque instant à maintenir l’union de fait, de la parole et de la pensée, ce n’est pas seulement parce qu’elle est utile ou commode à l’entendement [ch.

1560. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Je vous ai manqués pour la plupart, je voudrais vous rectifier, aller au-devant des désirs que vous pouvez avoir, combler vos souhaits et vous consoler de vos regrets.

1561. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Mais à supposer même qu’en effet l’homme ne soit rien qu’un animal, et que nos sentiments, nos désirs, nos pensées mêmes et nos convictions soient uniquement les résultats nécessaires du jeu de nos organes, de notre constitution, je répondrai que la physiologie doit être laissée aux physiologistes ; méfions-nous de la physiologie littéraire autant que de la musique d’amateurs.

1562. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

La société s’effrayait de ces sauvages doctrines qui installaient sur une ruine universelle l’apothéose du moi substitué tour à tour à Dieu, au devoir envers ses semblables, à l’amour de la patrie et même au culte de l’humanité : il fallait lui demander si, avant d’en arriver là, on n’avait point passé par tous les degrés d’un individualisme superbe, et si l’abandon d’une religion qui seule a le secret du dévouement et la vertu du sacrifice, ne devait pas infailliblement conduire l’homme à se préférer à tout et à chercher l’assouvissement de son orgueil ou de ses désirs sur les débris de l’univers. […] Ce ne devrait pas être non plus ce que j’appellerai volontiers une conversion de circonstance ou d’urgence, in extremis, suspendue dans le vide, portant le 24 février pour étiquette, ne s’appuyant que sur le sentiment le moins honorable et le plus ingrat de notre triste humanité, la peur, et se composant du désir d’échapper au danger, de la rancune contre ses causes, et de l’évidence du néant des espérances et des sagesses humaines. […] Pour y parvenir, il faut qu’ils posent, et, pour poser dans les conditions les plus favorables au secret désir de leur vanité, il faut qu’ils élaguent tout ce qui, dans l’ensemble de leurs souvenirs, de leurs sentiments et de leur vie, gâterait l’effet et ressemblerait trop aux faiblesses et aux misères de notre pauvre humanité. […] Qu’il s’agisse de Sirven ou de Calas, on s’aperçoit constamment de deux choses : d’abord, que c’est l’air de Genève, le désir de lui complaire et le contact avec quelques hommes sérieux et chrétiennement tolérants, qui poussent et dominent Voltaire dans cette croisade impromptu contre la persécution et l’intolérance ; ensuite, que ces influences fortuites et passagères ne réussissent pas même à le rendre bon protestant ; qu’il se retient, joue la comédie ou le drame, affecte des allures graves, pour ne pas trop offusquer M.  […] Ils ont été de deux sortes, répondant toutes deux au double instinct de la nature humaine : l’envie de ne pas obéir ou la révolte de l’esprit ; le désir de commander ou l’abus de la puissance ; ces deux ennemis ont un nom : l’un s’appelle l’hérésie, l’autre le despotisme, et, grâce à ces affinités mystérieuses qui unissent ou rapprochent, dans l’homme, les choses les plus contradictoires, il y a entre ces deux extrêmes, l’abus de la liberté intellectuelle, l’abus du pouvoir matériel, plus d’attrait et de liens qu’on ne pense.

1563. (1902) Propos littéraires. Première série

Je ne résiste point au désir de vous le présenter. […] Elle visite les malheureux sans en avoir le moindre désir ni en éprouver aucune satisfaction, mais simplement parce qu’on l’y mène, et que son besoin d’activité y trouve une occasion de s’employer. — Le dirai-je ? […] Et où se trouvera la doctrine qui pourra concilier tant d’exigences diverses et contradictoires et contenir en son sein une humanité qui a besoin et d’indépendance et de cohésion, et qui a le désir du port et aussi de la tempête ? […] Tout écrivain doit souhaiter, comme comble du succès, et même comme le seul succès digne de désir, d’être mis successivement en majorité et en minorité après sa mort. […] J’éprouvai tout à coup une espèce de langueur sans nom, un maladif désir de mourir.

1564. (1888) Portraits de maîtres

Néanmoins nous estimons beaucoup moins une pièce de ce genre que dans ce même recueil Hymne à la douleur et surtout les Novissima verba qui développent avec ampleur l’histoire de l’âme humaine à ses heures de lassitude : profonde fatigue, pensée envahissante de la mort, ressouvenirs d’amour, reflux des déceptions passées, inanité du désir, désespoir de conquérir la vérité, velléités d’anéantissement, retour d’espérance. […] Je crois fermement en une vocation ineffable qui m’est donnée, et j’y crois à cause de la pitié sans bornes que m’inspirent les hommes, mes compagnons en misère, et aussi à cause du désir que je me sens de leur tendre la main et de les élever sans cesse par des paroles de commisération et d’amour. […] Vos désirs inconnus sous l’arceau triomphal Dont votre esprit en songe arrondissait la voûte, Passent assis en croupe au dos de leur cheval. […] C’est pourtant le seul désir qui ne meurt pas dans mon cœur. […] C’est là qu’il avait attaché son âme et ses désirs.

1565. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Nous étions Français, c’est-à-dire ne manquant pas de vanité, et pleins du désir non de lire Homère, mais de juger Homère. […] Il ôte aux différentes classes de citoyens le désir d’être aimables aux yeux les uns des autres, et par conséquent le pouvoir de rire aux dépens les uns des autres.

1566. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

L’idée du bien est donc la lumière sacrée du monde : Tout la possède, et rien ne pourrait la saisir ; Elle s’offre immobile à l’éternel désir, Et toujours se refuse et sans cesse se donne145. […] Hugo admet en toutes choses ce que les philosophes appellent une finalité immanente, c’est-à-dire un désir, une aspiration interne, dont l’évolution mécanique des choses n’est que le côté extérieur. « Une formation sacrée accomplit ses phases, dit-il155. » « On ne peut pas plus circonscrire la cause que limiter l’effet… Toutes les décompositions de forces aboutissent à l’unité.

1567. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

L’assassinat, l’empoisonnement, la pendaison, le feu, le couteau, la rage, l’amour, la haine, le désir n’ont, chez ces deux romanciers dits populaires, aucune adhérence avec le réel, et en deviennent insignifiants. […] Je parle de ces choses, comme des autres, avec un désintéressement total, n’ayant jamais connu, ni même effleuré, le désir de prononcer un discours de réception sous la Coupole, et ayant hérité de cet esprit d’indépendance absolue, qui était celui de mon père. […] On a beaucoup joué de la foule, de la masse, de 1789 à 1914, de ce qu’on affirmait être ses aspirations, ses désirs, ses volontés, ses saintes colères, son délire sacré, etc. […] Il fut admis que, de la naissance à l’âge adulte, l’esprit de l’homme évoluait en progressant et progressait en évoluant, que le jeune enfant était une sorte de demi-fou, ce qui est exactement le contraire de la réalité, et que la chute du désir coïncidait avec le dépérissement de l’intelligence. […] De même que les spirites convaincus finissent par soulever la table, à force de vouloir son soulèvement, et transmettent au bois leur désir ardent de lévitation, de même les premiers pastoriens, penchés sur leurs bouillons de culture, ayant au milieu d’eux leur maître fascinant, communiquaient à ces bouillons et courts bouillons une vertu curative, d’une durée moyenne de X années.

1568. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

« Mes concitoyens ne m’ont point élevé aux honneurs ; Idoménée, ils ont mieux fait, ils m’en ont ôté le désir… » Ce mot est d’Epicure. […] Je t’avais engendré, nous dit la nature, sans désirs, sans crainte, sans superstition, sans perfidie, sans vice… Cela est-il bien vrai ? […] Quels sont nos besoins et nos désirs naturels ? […] Panétius lui répondit : Oui, le sage. » Lettre CXXI : « L’accomplissement de vos désirs les plus vifs a souvent été la source de vos plus grandes peines… » En effet, combien il m’est arrivé de fois de soupirer après le malheur ! […] La fortune l’éblouit, le désir d’une grande réputation le tourmente ; il le sent, il s’en accuse : il se relègue dans la classe de ceux qui oscillent entre le vice et la vertu, et qui ne sont ni assez corrompus pour être comptés parmi les méchants, ni assez vertueux pour être comptés parmi les bons.

1569. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Notez que les Goncourt n’ont eu nulle intention de les rabaisser, nul désir de les ridiculiser ; ces hommes étaient les seuls parmi les contemporains pour qui les deux frères eussent quelque estime, et même quelque sympathie. […] Dès que sa fortune le lui a permis, il a réalisé cet éternel désir du bourgeois : il est devenu propriétaire. […] Non pas cette jouissance du monsieur qui s’exalte dans l’adoration de son fruit, mais le juron du portefaix qui jette bas le fardeau dont il a l’échine cassée107. » Serait-ce que l’auteur, comme il aimerait à le faire croire, est travaillé par un désir de la perfection et qu’il n’arrive jamais à se satisfaire ? […] Plaire est un don, mais qui ne va pas sans le désir de plaire. […] Ce n’est pas par le désir de vérifier une conception morale ou une thèse sociale qu’il est induit à observer.

1570. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Non, ce n’était pas du Voltaire, parce que Voltaire était sincère, passionné, possédé jusqu’à son dernier soupir du désir de changer, d’améliorer, de perfectionner les choses autour de lui ; parce qu’il avait le prosélytisme du bon sens ; parce que, jusqu’à sa dernière heure, et tant que son intelligence fut présente, il repoussait avec horreur ce qui lui semblait faux et mensonger ; parce que, dans sa noble fièvre perpétuelle, il était de ceux qui ont droit de dire d’eux-mêmes : Est deus in nobis  ; parce que, tant qu’un souffle de vie l’anima, il eut en lui ce que j’appelle le bon démon, l’indignation et l’ardeur.

1571. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

J’ai souvenir de quelques promenades d’alors et de bien des discours sensés, fleuris, mélancoliques un peu, car il était triste, par ses yeux souffrants encore, par les désirs contrariés d’un bonheur qu’il a depuis trouvé dans le mariage, par les circonstances publiques enfin.

1572. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

« Selon moi, le voici. » XI Alors, usant largement de l’attention passionnée qu’ils accordaient à ma personne et à mes paroles, je leur démontrai, avec une énergique sincérité, que personne n’avait le secret de l’organisation du travail, ni d’une organisation de fond en comble, d’une organisation parfaite de la société, dite socialisme, où il n’y aurait plus ni inégalité, ni injustice, ni luxe, ni misère ; qu’une telle société ne serait plus la terre, mais le paradis ; que tout le monde s’y reposerait dans un repos si parfait et si doux que le mouvement même y cesserait à l’instant, car personne n’aurait le désir de respirer seulement un peu plus d’air que son voisin ; que ce ne serait plus la vie, mais la mort ; que l’égalité des biens était un rêve tellement absurde dans notre condition humaine que, lors même qu’on viendrait à partager à parts égales le matin, il faudrait recommencer le partage le soir, car les conditions auraient changé dans la journée par la vertu ou le vice, la maladie ou la santé, le nombre des vieillards ou des enfants survenus dans la famille, le talent ou l’ignorance, la diligence ou la paresse de chaque partageur dans la communauté, à moins qu’on n’adoptât l’égalité des salaires pour tous les salariés, laborieux ou paresseux, méritant ou ne méritant pas leur pain ; que le repos et la débauche vivraient aux dépens du travail et de la vertu, formule révoltante, quoique évangélique, de M. 

1573. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Elle invoque, elle supplie, elle se consume de désir, elle brûle de volonté, puis elle se dit pour dernier mot : mystère !

1574. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Parvenu au but de ses désirs, qui était de renverser les libéraux modérés du ministère, pour créer et protéger un ministère de royalistes auxquels il prêterait son talent, puis, de le renverser ensuite et de se substituer seul à M. de Villèle, il semble d’abord ressentir ou affecter pour madame Récamier une passion de jeunesse sans mesure, qui n’a pour objet que de revenir de ses ambassades à Paris pour s’enivrer de sa passion équivoque auprès d’elle, dans la solitude et dans le désintéressement de son amour ; puis, après le congrès de Vérone et sa nomination au ministère des affaires étrangères, d’autres passions moins platoniques paraissent le refroidir et l’éloigner de madame Récamier.

1575. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Sans doute, il ne fait pas de psychologie profonde ; il ne s’attache pas au travail intérieur qui fait ou défait une âme ; il n’essaie pas d’isoler et de peser tous les éléments qui se mêlent dans une volonté, dans un désir.

1576. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

En principe, je suis contre tous les prix, que je considère comme des primes à l’intrigue et des excitations à un désir fallacieux de gain… En réalité, il est absolument immoral pour la littérature que des écrivains publient dans l’espérance de diplômes, comme des fermiers candidats aux concours agricoles.

1577. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Mais mon tourment ne me donna loisir De lever l’œil à un si haut désir ; Cherchant pitié, non louange à mes cris.

1578. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Si je ne suis pas dupe d’un vain désir de distinguer, il y a eu de notre temps quatre sortes de critique littéraire.

1579. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

« J’ai lu et relu, continue-t-il, cette page étrange ; je l’ai écoutée avec l’attention la plus profonde et un vif désir d’en découvrir le sens ; eh bien, il faut l’avouer, je n’ai pas encore la moindre idée de ce que l’auteur a voulu faire… » Berlioz ne pouvait cependant méconnaître absolument la valeur de ce prélude : « Ce compte-rendu sincère, dit-il, met assez en évidence les grandes qualités musicales de Wagner.

1580. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Dans l’Andante intitulé Gretchen, il n’a pas ramené moins de quatre thèmes du premier mouvement (Faust) caractéristiques du héros ; le motif de l’Amour, du Désir, celui de l’Impulsion passionnée et celui de la Fierté, mais tous quatre remarquablement métamorphosés ; car, pour le moment, Faust lui-même, prosterné aux pieds de son amante, est devenu un tout autre homme.

1581. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Ces trois genres d’excitations nervoso-musculaires seraient impliqués dans chaque sensation, perception, image, conception, émotion, désir, volition, etc.

1582. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Et je pense alors, poète, que c’est votre âme qui tourne ainsi autour de moi, jouant à cache-cache, ayant de lancinants regrets de s’éloigner et de vifs désirs, aussitôt exaucés, de revenir vite… » Je voudrais bien aussi vous faire admirer — mais on n’enferme pas un chêne dans un herbier — le morceau merveilleux : C’était « un de ces fols », n’ayant pas de demeure Et faisant peine à voir comme un pauvre qui pleure.

1583. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

J’éprouve le désir souriant de vous parler au vocatif.

1584. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

pas une aspiration, pas une ambition, pas un désir !

1585. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Non, le romancier, qui a le désir de se survivre, continuera à s’efforcer de mettre dans sa prose de la poésie, continuera à vouloir un rythme et une cadence pour ses périodes, continuera à rechercher l’image peinte, continuera à courir après l’épithète rare, continuera, selon la rédaction d’un délicat styliste de ce siècle, à combiner dans une expression le trop et l’assez, continuera à ne pas se refuser un tour pouvant faire de la peine aux ombres de MM. 

1586. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Il me serait difficile, malgré le désir de M. 

1587. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Les bras tendus vers vous, je crois vous ressaisir, Comme on croit dans les eaux embrasser des visages Dont le miroir trompeur réfléchit les images, Mais glace le baiser aux lèvres du désir.

1588. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

La douleur, le désir de faire passer cette douleur chez les autres, la juste indignation contre les auteurs du désastre dont ils viennent d’être témoins, l’envie d’exciter à les en punir, et les divers sentiments qui peuvent naître des différentes raisons de leur attachement à ceux dont ils déplorent la perte : toutes ces raisons agissent en eux, en même temps, indistinctement, sans qu’ils le sachent eux-mêmes, et les mettent dans une situation à peu près pareille à celle où Longin nous fait remarquer qu’est Sapho, qui, racontant ce qui se passe dans son âme à la vue de l’infidélité de celui qu’elle aime, présente en elle, non une passion unique, mais un concours de passions.

1589. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Au fond, c’est la même haine contre l’Église, c’est le même désir scélérat de la voir détruite, et c’est surtout la même théologie.

1590. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Or, la passion qui ne s’ensanglante pas elle-même contre le devoir dans nos cœurs n’est plus qu’un désir assez ignoble, fait de sens et de vanité.

1591. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Ces antécédents moraux sont des désirs, des aversions, des habitudes, des dispositions combinées avec des circonstances extérieures propres à mettre en action les mobiles internes19. » Stuart Mill en appelle, avec toute l’école qui nie le libre arbitre, à l’observation que chacun de nous fait de ses propres volitions, aussi bien que des actions volontaires de ceux avec qui nous sommes en contact.

1592. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Mais l’homme de désir cela ne veut pas dire, ce qui serait plus « épicurien », l’homme de la satisfaction. […] Quand Sainte-Beuve appelle, vulgairement, Chateaubriand un homme à bonnes fortunes, Sainte-Beuve le voit à travers son propre désir. Le désir comme le style, comme l’ennui, doit être tenu en Chateaubriand pour une nature irréductible à toutes satisfactions possibles. La Sylphide n’est pas seulement la périphrase décente de son adolescence, mais la femme idéale, projection de son désir, qu’il a cherchée à travers toutes les femmes réelles. Par ce désir montait son élan vers la vie, et sans cesse cet élan retombait sur ce sol qui était sa patrie : l’herbe épaisse où sont les morts.

1593. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Nous redoutions l’accomplissement de ce désir si longtemps caressé. […] Plus d’une fois nous lui avons entendu exprimer le désir de cheminer dans la vie le long d’une immense bandelette se repliant à mesure derrière lui, sur laquelle il noterait les idées qui lui viendraient en route de façon à former au bout du chemin un volume d’une seule ligne. […] Asselineau, à qui nous souhaitons de rencontrer ce dahlia bleu, emblème de l’éternel désir, et qu’il vaut peut-être mieux ne trouver jamais. […] L’impassibilité de sa figure régulière et pâle et le sang-froid avec lequel il regardait les honnêtes gens des loges démontraient à quel degré d’abomination et de désolation le théâtre était tombé. » Oui, nous les regardâmes avec un sang-froid parfait toutes ces larves du passé et de la routine, tous ces ennemis de l’art, de l’idéal, de la liberté et de la poésie, qui cherchaient de leurs débiles mains tremblotantes à tenir fermée la porte de l’avenir ; et nous sentions dans notre cœur un sauvage désir de lever leur scalp avec notre tomahawk pour en orner notre ceinture ; mais à cette lutte, nous eussions couru le risque de cueillir moins de chevelures que de perruques ; car si elle raillait l’école moderne sur ses cheveux, l’école classique, en revanche, étalait au balcon et à la galerie du Théâtre-Français une collection de têtes chauves pareille au chapelet de crânes de la déesse Dourga. […] Par l’horreur des formules vulgaires, le sentiment descriptif, la compréhension de la nature et le désir de faire exprimer à son art ce qu’il n’avait pas dit encore, Hector Berlioz fut un vrai romantique, et comme tel engagé dans la grande bataille où il lutta avec un acharnement incroyable.

1594. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Et cet être adoré, cette femme angélique, Que dans l’air embaumé Raymond voit voltiger, Cette frêle Indiana, dont la forme magique Passe sur les miroirs comme un spectre léger ; Ô George, n’cst-ce pas la pâle fiancée Dont l’ange du désir est l’immortel amant ? […] Le fond de son état d’esprit et de ses tendances littéraires était un certain besoin et désir de réaction contre le romantisme. […] Tel était, je crois, le pauvre Glatigny, d’ailleurs phtisique, maladie qui s’accompagne presque toujours du désir d’agitation continuelle. […] Elle a trop de désirs pour n’être pas chrétienne. — Lune de miel passée, elle s’aperçoit que son petit camarade est un simple jeune daim et, très « intellectuelle », elle le méprise. […] Vous m’avez aguiché, puis grisé et enivré d’amour sensuel, puis vous vous refusez depuis des mois, pour vous faire désirer du plus vif désir qui soit, à savoir le regret, et pour m’amener où vous voulez.

1595. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Si la vie est mauvaise, et elle l’est, puisqu’elle ne peut contenter ni notre désir de bonheur, ni noire soif de science, ni notre rêve de vertu, cependant nous ne pouvons pas en accuser l’auteur même de la vie, puisque cet auteur, s’il existe, ne peut rien avoir fait que de bon. […] L’amour n’y était plus du tout, comme à l’hôtel de Rambouillet, une passion dont la noblesse épure le désir, mais bien tout simplement l’art de plaire, — et l’art surtout d’y trouver soi-même son plaisir. […] Aussi, dans Marianne comme dans le Paysan parvenu, l’amour, après tout, n’est-il que la galanterie et, comme il le dit dans son langage ou dans son jargon, « l’utile enjolivé de l’honnête », le désir sous le voile de l’élégance et de la politesse. […] Mais réciproquement, supposez tout ce que peut faire une femme pour lasser l’amour d’un homme : ajoutez au mensonge la perfidie, à la perfidie la trahison, à la trahison l’impudence, à l’impudence l’infamie, et vous ne découvrirez rien que Manon n’ait fait ou tenté pour tuer, à ce qu’il semble, jusqu’au désir même en tout autre que son des Grieux. […] Modérés dans nos vœux, raisonnables dans nos désirs, protégés contre nous-mêmes par le respect des convenances, nous les regardons en effet comme de hardis explorateurs, qui reviennent des contrées quasi fabuleuses dont nous avons tous entendu parler, mais où la plupart d’entre nous n’ont jamais mis ni sans doute ne mettront les pieds, et ainsi, qui nous en attestent matériellement l’existence.

1596. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Sous les embellissements qu’y ajoutait le désir de plaire à une noble clientèle, il fallait bien que l’on retrouvât, dans le portrait de la princesse Clarinte, quelque chose au moins de la vraie marquise de Sévigné. […] Se levaient du lit quand bon leur semblait, buvaient, mangeaient, travaillaient, dormaient quand le désir leur venait… En leur règle n’était que cette clause, fais ce que voudras. […] Les désirs changent d’objets : ce qu’on aimait, on ne l’aime plus ; on était libre avec les lois, on veut être libre contre elles ; chaque citoyen est comme un esclave échappé de la maison de son maître : ce qui était maxime, on l’appelle rigueur ; ce qui était règle, on l’appelle gêne ; ce qui était attention, on l’appelle crainte. C’est la frugalité qui y est l’avarice et non pas le désir d’avoir. […] Citons encore d’Alembert et passons-lui son emphase habituelle toutes les fois qu’il parle d’un collaborateur de l’Encyclopédie : « L’amour du bien public, le désir de voir les hommes heureux, se montrent de toutes parts dans l’Esprit des lois, et n’eût-il que ce mérite si rare et si précieux, il serait digne par cet endroit seul d’être la lecture des peuples et des rois. » D’Alembert est un contemporain ; et je ne puis me faire à l’idée que, pour entendre un livre, il soit indispensable de n’avoir pas vécu parmi les préoccupations qui l’ont dicté jadis à son auteur.

1597. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

S’ils servent alors malgré eux d’instruments de publicité, notre siècle pratique les juge cependant très inutiles en général et, de ce fait sans doute, dépourvus de besoins, de soucis, de désirs. […] Elle n’est pénible qu’à ceux qui n’ont pas la force de vivre dans la poésie, de faire entrer le rêve dans la vie, ce qui exigerait le courage de considérer la vie en soi, sans la revêtir de mille chimères stupides, conformes à d’impuissants désirs et appelées à se dissiper au premier choc avec le monde extérieur.

1598. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Le philosophe catholique poursuit cette enquête solennelle avec un esprit ferme et avec un cœur humble et soumis ; avec le vif désir de trouver cette raison des choses et des événements qu’il poursuit comme le sujet le plus digne d’occuper l’intelligence humaine que Dieu a créée à son image, mais en même temps avec la ferme résolution d’incliner l’impuissance de son esprit devant la toute-puissance de l’intelligence et de la justice divine, s’il ne réussit pas dans cette investigation sublime. […] Malgré l’épuisement de la génération de 89 et le désir de la génération qui suivait d’échapper aux agitations révolutionnaires, il n’eût pas été sûr de laisser sans aliment l’activité du génie français. […] On voit en même temps la vive résistance opposée aux efforts du parti philosophique, et le désir de l’empereur de maintenir en équilibre la balance que ses soupçons, sans cesse entretenus et irrités par des dénonciations nouvelles, semblent toujours au moment de faire pencher contre le journal dont son correspondant, M.  […] On voit à la fois les idées de l’empereur sur la presse, les limites imposées à la presse sous l’empire, les désirs de Napoléon, contradictoires comme sa position, les défiances dont l’école religieuse et sociale était l’objet, les conditions auxquelles on obtenait la parole, les raisons qui la faisaient perdre. […] Au bout de ces trois mois, le voyageur s’embarqua pour Constantinople, parcourut en passant les champs où fut Troie, puis, en traversant l’Hellespont, ce coureur de toutes les gloires fut saisi du désir de renouveler la périlleuse tentative de Léandre.

1599. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Il est devenu sentiment, en ce sens qu’il n’est plus perçu qu’associé à un sentiment ; il peut contenir un monde de désirs, être un objet d’amour. […] Ainsi desir, querir, guerir, peril sont devenus désir, quérir, guérir, péril. […] On n’en sait rien, mais il est certain que, réalisée, elle eût assez mal répondu aux désirs de Tolstoï. […] Mais le désir du publiciste, précisément parce qu’il est totalement ignorant en ces matières, a son importance.

1600. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Commandez à Rembrandt ces tableaux selon votre désir. […] Si je réalisais tous mes désirs, voyez-vous, je ferais une révision générale de mon passé, j’en extrairais ce qu’il y a de bon à garder, et j’en écrirais incidemment en vers quelques épisodes. » Sainte-Beuve, Renan, Taine, pris eux aussi par le démon de l’analyse intérieure, lui ont cédé dans leur jeunesse, l’ont oublié ou maîtrisé dès que l’âge mûr leur a tenu les yeux obstinément ouverts sur autrui et les a attachés à leur besogne critique. […] « Je crois que j’étais heureux, si le bonheur consiste à vivre rapidement, à aimer de toutes ses forces, sans aucun sujet de repentir et sans espoir. » Et ce bonheur modéré, un peu triste, est en effet le seul où les êtres comme Dominique puissent trouver leur élément naturel, leur raison de vivre ; juste assez de satisfaction, juste assez d’absence et de désir pour que l’excitation au rêve soit parfaite. […] Mais précisément la philosophie allemande, l’habitude allemande de s’intérioriser, l’ont soustrait à ce désir d’une chose déterminée, et sa destinée, mieux qu’il ne l’eût fait lui-même, a choisi et creusé sa voie VI. 

1601. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

et il allume les cœurs et il attise les flammes : chacune est en proie à ses partialités, chacune a son désir.

1602. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Au milieu de sa fatale maladie, elle était encore agitée du désir de placer mon cher Valmore à Paris. — Mon bon Félix, je t’en prie, dis une prière pour cette femme presque divine.

1603. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

. —  Pareillement, quand nous lisons une tragédie grecque, notre premier soin doit être de nous figurer des Grecs, c’est-à-dire des hommes qui vivent à demi nus, dans des gymnases ou sur des places publiques, sous un ciel éclatant, en face des plus fins et des plus nobles paysages, occupés à se faire un corps agile et fort, à converser, à discuter, à voter, à exécuter des pirateries patriotiques, du reste oisifs et sobres, ayant pour ameublement trois cruches dans leur maison, et pour provisions deux anchois dans une jarre d’huile, servis par des esclaves qui leur laissent le loisir de cultiver leur esprit et d’exercer leurs membres, sans autre souci que le désir d’avoir la plus belle ville, les plus belles processions, les plus belles idées et les plus beaux hommes.

1604. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

« À force de graisse leurs yeux sortent de leurs orbites ; leurs désirs satisfaits débordent.

1605. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Le ciel m’est témoin que dans mon jugement d’historien sur le duc d’Orléans (Égalité), jugement que quelques âmes inflexibles ont trouvé trop doux, je ne fus influencé en rien par le désir de complaire au roi Louis-Philippe, qui régnait alors sur la France, et dont j’aurais pu ou briguer la faveur ou redouter la vengeance.

1606. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

XI Dans ce jardin de délices, sous le ciel le plus tiède de l’univers, au sein du loisir et de l’amour, à l’âge où le cœur s’apaise et où l’esprit se possède, époux d’une des femmes les plus belles et les plus lettrées de l’Italie, écrivant, pour le plaisir plus que pour la gloire, le poème chevaleresque d’Amadis, déjà père d’une fille au berceau, dont les traits rappelaient la beauté de sa mère, possesseur d’une fortune plus que suffisante à ce séjour champêtre, Bernardo jouissait de tout ce qui fait le rêve des hommes modérés dans leurs désirs.

1607. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Elle brûlait du désir de prendre place dans la renommée du siècle, dont le salon de son père était le cénacle.

1608. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

La grâce de Dieu a été que, puisqu’il veut que je vive encore ici-bas, il m’a enseigné par cette mort à mourir moi-même non-seulement sans regret, mais encore avec un immense désir de mourir.

1609. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

la fade sentimentalité qui encore aujourd’hui partage les applaudissements avec la grosse ordure dans nos cafés-concerts, d’innocentes mièvreries émanées de la haute littérature allégorique, et qui une fois sur vingt échappent à la puérilité, une fois sur cent atteignent l’exquise délicatesse : avec cette poésie de rêve, la réalité sans voiles, dans toute sa brutalité, dérision du mariage et de la famille, âpre désir des jouissances grossières, filles qui partent avec les gens d’armes, soudards avides de pillage, accourant comme des bêtes de proie aux provinces où il y a guerre : en somme, le plus complet nihilisme moral adouci par les tons chauds d’une verve robuste.

1610. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Mais il ne renonça point à ses tendances, à son désir de réconcilier l’Église et le monde moderne, le dogme et la liberté.

1611. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Enfin, leur ignorance même et la date de leur venue au monde (qui fait d’eux des esprits très jeunes lâchés dans une littérature très vieille ; des sortes de barbares sensuels et précieux), leur vie de noctambules, l’abus des veilles et des boissons excitantes, leur désir d’être singuliers, la mystérieuse névrose (soit qu’ils l’aient, qu’ils croient l’avoir ou qu’ils se la donnent), il me semble que tout cela suffirait presque à expliquer leur cas et qu’il n’est point nécessaire de suspecter leur bonne foi.

1612. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Leur intention, du reste, était de publier ces lettres, toutes ou en partie, et, en les éditant, je n’ai que réalisé leur désir.

1613. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Il nous invite à le critiquer ; il se livre, moitié sincèrement, moitié avec le désir de n’être pas pris au mot.

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