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774. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

La contemplation des vastes espaces, la vision de l’immensité, la sensation de notre fragilité, qu’il eut pendant une maladie dans laquelle il faillit mourir et qui l’obligea à rentrer en France, l’amenèrent à la cime de son développement. […] Remy de Gourmont donne la sensation d’une pensée solide, mais il ne s’est guère occupé avec méthode que de grammaire et de linguistique. […] Songeons surtout qu’aucun poète peut-être jusqu’ici en France, pas même Victor Hugo qui n’a rien retenu du darwinisme ni de l’évolutionnisme, pas même Vigny qui ne fut qu’un pessimiste idéaliste, j’ajoute : pas même Leconte de Lisle qui n’a revécu la philosophie de l’histoire qu’en pur positiviste, n’ont ressenti avec une intensité définitive l’abîme qui sépare l’homme moderne de l’homme antique, et ne semblent avoir eu la sensation du mystère nouveau qu’est devenu l’homme pour l’homme lui-même.

775. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Comme vous n’appartenez à aucune école, vous n’avez, pas le moindre parti pris et vous vous laissez aller, comme le premier venu, à toutes vos sensations, seulement ce premier venu a ici l’amour et l’habitude des choses de l’esprit, une vue claire, une remarquable faculté de synthèse et de concision, tout ce que doit avoir enfin celui qui a été nourri comme vous de la bonne moelle du dix-septième et du dix-huitième siècle. […] Pascal se tuait littéralement à toutes ces recherches, la longue étude qu’il avait faite de l’hérédité achevait de l’empoisonner, lui fournissait des causes toujours renaissantes d’inquiétude ; il se sentait menacé par ces ancêtres au sang vicié, et s’analysait sans cesse, épiant la moindre de ses sensations. […] Bourget à de bien précieuses observations, ou plutôt au récit de sensations rapportées avec une grande fidélité. […] De temps en temps, une colère s’élevait, grossissait, s’enflait pour venir s’abattre en un plouf terrible sur le sable ; avec une sensation d’écrasement géant, un choc formidable et mou, d’où jaillissait une poussière de pluie salée passant sur le visage, sur les lèvres, sur les mains. […] Désireux d’exprimer plusieurs idées, plusieurs sensations par un seul mot ; il leur retire de leur netteté ; on voit mal deux images en même temps.

776. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Nous percevons ces mouvements sous la forme de sensations ou de pensées. […] Soudain ou par degrés, il se trouve impuissant à exercer sur les sensations, les sentiments, les idées qui s’agitent en lui, un contrôle rationnel. […] Au reste, si la vie est très belle pour qui peut en tirer toutes les sensations naturelles, que vaut-elle pour celui qui ne s’y crée plus qu’un : spectacle décoloré. […] Alors nous achèterons volontiers Sensations païennes avec l’argent que jadis nous aurions porté chez le marchand de places de paradis. […] Son dernier mot est d’une grâce qui m’enchante : « Et si parfois on est triste, on se console en respirant les roses. » Douces et sages sensations païennes !

777. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

ici l’on va plus sûrement ; si l’on a le don d’observation et la faculté dont j’ai parlé, on va loin, on pénètre ; et si à ce premier don d’observer se joint un talent pour le moins égal d’exprimer et de peindre, on fait des tableaux, des tableaux vivants et par conséquent vrais, qui donnent la sensation, l’illusion de la chose même, qui remettent en présence d’une nature humaine et d’une société en action qu’on croyait évanouie. […] La sensation produite par les premiers volumes fut très vive : ce fut le plus grand succès depuis celui des romans de Walter Scott.

778. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

« Il lui écrit le 24 avril 1808 : « J’espère que ma lettre nº 31 vous est déjà parvenue ; je n’ai pu que vous exprimer bien faiblement le bonheur que votre dernière lettre m’a fait éprouver, mais elle vous donnera une idée de la sensation que j’ai ressentie en la lisant et en recevant votre portrait. […] Dubois, philosophe politique de courage et de talent qui semait, dans la revue le Globe, le germe d’une liberté propre à élargir les idées sans préparer des révolutions ; David, le sculpteur, adorateur de la beauté et du génie, qui prenait ses sensations pour des opinions, mais dont toute la supériorité était dans la main et dans le caractère ; M. 

779. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

J’ai dit que tous les arts étaient littéraires, parce que l’objet de tous les arts était d’exprimer des pensées ou de communiquer des sensations. […] Cette littérature palpable n’en produit pas moins des impressions, des sensations et des pensées ; elle est la plus naturelle, la plus simple et la plus réelle des reproductions de la nature par la main de l’homme, et par cela même il est vraisemblable qu’elle a été le premier des arts inventés par l’espèce humaine.

780. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Il était en proie à une foule de sensations nouvelles. […] La sensation fut indescriptible.

781. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Les sensations entièrement nouvelles que j’y trouvai, les visions que j’y eus d’un monde divin, étranger à nos froides et mélancoliques contrées, m’absorbèrent tout entier. […] Ils vécurent là treize cents ans d’une vie obscure, faisant des économies de pensées et de sensations, dont le capital accumulé m’est échu.

782. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

La première vue et le premier examen d’un bibelot, dans la fumée d’un cigare ou d’une cigarette, est la sensation par excellence d’un passionné d’art. […] J’ai rarement souffert de l’anxiété, comme dans ce cauchemar, où j’éprouvais quelque chose de la sensation d’un homme, qui deviendrait fou de la persécution des choses, ainsi qu’il arrive dans les féeries.

783. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Mais cette marche à l’absurde donne au rêveur une sensation singulière. […] Voyez maintenant si certaines comédies de Molière ne donneraient pas la même sensation : par exemple Monsieur de Pourceaugnac, qui commence presque raisonnablement et se continue par des excentricités de toute sorte, par exemple encore le Bourgeois gentilhomme, où les personnages, à mesure qu’on avance, ont l’air de se laisser entraîner dans un tourbillon de folie. « Si l’on en peut voir un plus fou, je l’irai dire à Rome » : ce mot, qui nous avertit que la pièce est terminée, nous fait sortir du rêve de plus en plus extravagant où nous nous enfoncions avec M. 

784. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Il est homme de lettres aussi, celui que le feu de son imagination porte sans cesse vers des sujets nouveaux ; qui, doué de verve et de fécondité naturelle, n’a pas plus tôt fini d’une œuvre qu’il en recommence une autre ; qui se sent jeune encore pour la production à soixante ans comme à trente, qui veut jouir tant qu’il le peut de cette noble sensation créatrice et mener la vie active de l’intelligence dans toutes les saisons.

785. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Mais non point de paresse, cela vaut mieux ; recommençons, rafraîchissons-nous toujours ; obligés de contrôler, de défendre ou de modifier tant soit peu les beautés connues, n’y voyons qu’une occasion d’en retrouver la sensation plus vive et toujours nouvelle ; ne nous figeons pas dans le classique, baignons-nous-y toujours.

786. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

À plus forte raison des livres dont le sujet et la manière conviennent très-peu au xixe siècle français ne peuvent-ils faire sensation dans le public… « S’il me survient assez tôt des circonstances qui me mettent en état de vivre, je me féliciterai fort d’être resté étranger au commérage du monde ; de n’avoir point eu de rapport en général avec ceux pour qui vivre, c’est être en place ; de n’avoir vu que de loin les meneurs :de n’avoir pas ajouté à mes misères leurs vaines passions et de n’avoir pas mis la main à leur petit feu d’artifice… (Ici une lacune.) 

787. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Tandis que la poésie antique ne connaissait que la passion physique, et, pour rendre raison de la force de l’amour, regardait le désir allumé par Vénus dans la nature entière à la saison nouvelle, la poésie moderne, par une orientation toute contraire, assimilera l’amour humain à l’amour divin et en fondera la puissance sur l’infinie disproportion du mérite au désir Même quand le terme réel de l’amour appartiendra à l’ordre le plus matériel et terrestre, la pensée et la parole s’en détourneront, et c’est à peine si, comme indice de ses antiques et traditionnelles attaches au monde de la sensation physique, il gardera ces descriptions du printemps, saison du réveil de la vie universelle ; encore ces descriptions seront-elles de moins en moins sincères et vivantes, et ne subsisteront-elles chez la plupart des poètes que comme une forme vide de sens, un organe inutile et atrophié.

788. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

  Il faut aimer les midis sur la mer et l’été dans les champs, il faut aimer l’instant ébloui où, à travers notre humide septentrion, tous les rayons unissent leurs triomphales merveilles, pour goûter ensuite leurs dégradations perdues et faire vibrer les sensations du plein air.

789. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

C’est, au juste, la sensation d’un intrus éclairage de gaz ou de luciline en un tableau de diffuse lumière Edison.

790. (1890) L’avenir de la science « XII »

Et puis, on voyait à peu de distance la mer, les roches, les vagues blanchissantes, on respirait ce vent céleste qui, pénétrant jusqu’au fond du cerveau, y éveille je ne sais quelle vague sensation de largeur et de liberté.

791. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Mais si la pierre n’est plus pénétrée de vie céleste, la vie naturelle l’anime aussi intensément que par le passé. « La merveille de la sensation de Monet, dit encore M. 

792. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Ce livre et celui de Stendhal se font suite, dans l’ordre du développement philosophique, de façon curieuse, et nous donnent la sensation très nette de ce que la philosophie de la vie a ajouté à la philosophie analytique du XVIIIe siècle.

793. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Croit-on, en effet, que, dans toutes les beautés ou de la nature ou de l’art, ce soit l’idée d’un seul et même objet, ou une sensation simple qui nous attache ?

794. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

I Cette sensation dominante fit la grandeur et la fermeté de son caractère. […] On les compare aux visages modernes, où les traits fins et complexes semblent frissonner sous le contact changeant de sensations ébauchées et d’idées innombrables. […] Il se formait ainsi un style composite et éclatant, moins naturel que celui de ses précurseurs, moins propre aux effusions, moins voisin de là vive sensation prime-sautière, mais plus solide, plus régulier, plus capable de concentrer en une large nappe de clarté tous leurs scintillements et toutes leurs lueurs. […] Les poëmes sacrés des Hindous, les prophéties de la Bible, l’Edda, l’Olympe d’Hésiode et d’Homère, les visions de Dante sont des fleurs rayonnantes où brille concentrée une civilisation entière, et toute émotion disparaît devant la sensation foudroyante par laquelle elles ont jailli du plus profond de notre cœur.

795. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Sensation où le poète adolescent va « loin, bien loin, comme un bohémien ». […] d’extrême jeunesse… Ils sortiront de cette lecture, admirateurs des poèmes connus et comme classiques, charmés de quelques pièces verveuses, Les Raisons de Nina, Ma Bohême, Sensation, un peu ou beaucoup horrifiés de certaines autres, farouches jusqu’à la cruauté, Les Poètes de sept ans, Mes petites amoureuses. […] Esprit d’homme de lettres, idées moyennes, sensations cordiales bourgeoises — nul plus mauvais « chantre » de l’amour. […] Et je suis sûr qu’il n’a jamais frappé une femme ni voulu se procurer des sensations « inédites » par des moyens chirurgicaux.

796. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

La démarche est rythmée par une légère claudication qui ondule et glisse… Le tout donne l’idée d’une remarquable machine à sensations, vite transformées en sentiments. […] C’est le moment où le délicat travail de l’imagination, à force d’affiner et de nuancer la souffrance et d’en lier la sensation première à des impressions esthétiques, la change en langueur et en une sorte de volupté triste. — M.  […] Cette usine le tue, mais lui est une Source inépuisable de sensations ingénieuses. « … Je ne peux pas rester là-haut au coucher du soleil. […] Elle rappelle tout haut, sans l’ombre de gêne, et en termes trop directs pour être rapportés ici, les sensations qu’elle doit à Maxime. […] La pièce finirait sur une impression atroce, si elle ne finissait sur une sensation d’artifice.

797. (1930) Le roman français pp. 1-197

Et enfin, comme ils nous font goûter la sensation dans une circonstance tout autre, ils la libèrent de toute contingence, ils nous en donnent l’essence extra-temporelle, celle qui est justement le contenu du style, cette vérité générale et nécessaire que la beauté du style traduit. […] Sous l’influence de sensations qui s’associent, qui se « retrouvent », comme il vient de le dire dans cette interview, comme il le redira plus tard dans le morceau admirable et célèbre qui termine Le Temps retrouvé. […] Pour lui, les idées sont toujours incarnées en quelque personnage : et les personnages sont mus par les idées, alors que chez Proust les personnages étaient mus par les sensations et les mouvements instinctifs de leur “moi”. […] Notant sensations, velléités, inquiétudes, ils chercheront d’abord à reproduire « l’élémentaire » de leur psychisme également élémentaire, jusque, et même surtout dans ses contradictions. […] Jamais peut-être il n’y a eu moins de vrais romans qu’à cette heure où il s’en publie une telle quantité : ce sont des autobiographies, ce sont des sensations de voyage, telle la série des Hollywood de M. 

798. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

De sales amours, plus semblables à des turpitudes qu’à des affections, souillent à chaque instant ces pages de jeunesse, ignoble philosophie des sens dont les images font rougir la plus simple pudeur ; sensualités grossières ; fleurs de vices dans un printemps de sensations que Rousseau fait respirer à ses lecteurs et à ses lectrices, et dont il infecte l’odorat des siècles. […] Rousseau, dans un perpétuel délire, continuait à prêter au personnage de son roman les sentiments et les sensations de ses entretiens avec madame d’Houdetot ; les amis de madame d’Épinay, Grimm et Diderot, informés par Thérèse du délire de Rousseau, raillèrent le philosophe amoureux, et contristèrent madame d’Houdetot et Saint-Lambert par des ricanements sur cette passion.

799. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

XXI Il est bien vrai que la littérature des États-Unis avait eu, avant Audubon, quelques essais d’histoire d’un mérite relatif réel, un germe de poète dans un homme distingué mais non original, enfin deux romanciers dans Washington Irving et dans Cooper, dont les ouvrages, imités heureusement de Walter Scott, l’Homère écossais, ont fait sensation il y a vingt-cinq ans en Europe. […] J’ai rarement éprouvé une sensation plus délicieusement, plus innocemment profonde.

800. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Des vues, des aperçus, des jours, des ouvertures, des sensations, des couleurs, des physionomies, des aspects, voilà les formes sous lesquelles l’esprit perçoit les choses 41. […] Son individualité est bien plus forte que celle du barbare ; l’homme civilisé dit Moi avec une énergie sans pareille ; chez le barbare, au contraire, la vie s’élève à peine au-dessus de cette sensation lourde qui constitue la vie de l’animal.

801. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Bientôt j’éprouvai la sensation d’une clarté plus vive, d’une intensité de lumière croissant avec une telle rapidité, que les nuances fournies par le dictionnaire ne suffiraient pas à exprimer ce surcroît toujours renaissant d’ardeur et de blancheur. […] Il est cependant avéré qu’ils y ont produit une sensation assez profonde pour que des milliers de personnes, n’ayant pu assister à l’une des seize représentations, données à une fin de saison, attendent la reprise de l’œuvre, l’année prochaine.

802. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Usant d’une série de moyens qui reviennent à indiquer un état d’âme momentané de la façon la plus sobre et en des mots dont le lecteur doit compléter le sens profond, il dit tantôt un acte significatif sans l’accompagner de l’énoncé de la délibération antécédente, tantôt la manière particulière dont une sensation est perçue en une disposition ; enfin il transpose la description des sentiments durables soit en métaphores matérielles, soit dans les images qui peuvent passer dans une situation donnée par l’esprit de ses personnages. […] Par des indications de sensations, la plénitude de sa joie en certains de ses rendez-vous, et encore l’âme vide et frileuse qu’elle promenait sur les plaines autour de Tostes : « Il arrivait parfois des rafales de vent, brises de la mer, qui, roulant d’un bond sur tout le plateau du pays de Caux, apportaient jusqu’au loin dans les champs une fraîcheur salée.

803. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

., etc. » On voit qu’en sens inverse du matérialisme moderne, qui fait naître l’intelligence des sensations brutales de la matière douée d’organes, le spiritualisme déjà raffiné des sages de l’Inde fait naître les phénomènes matériels de l’intelligence. […] Ce sont nos organes matériels et passagers qui nous donnent ici ces sensations du chaud et du froid, du plaisir ou de la douleur ; mais ces choses n’existent pas en elles-mêmes.

804. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Les littérateurs de sensation qui, pour une volupté d’esprit, brûleraient la vérité comme Néron brûla Rome, sont incapables de juger sévèrement M.  […] Vous les retrouveriez trait pour trait et presque mot pour mot dans cette Histoire de la Révolution française, maintenant terminée si vous vouliez les y chercher… et telle est la première sensation désagréable que nous cause ce livre fait avec un autre livre, dans lequel la pensée, devenu inféconde, se reprend à couver la coquille vidée d’un œuf éclos.

805. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Il y a du talent et beaucoup d’adresse, mais, du reste, il n’a pas fait grande sensation C’est français comme le diable.

806. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Cette ode fit, dès sa naissance, grand bruit et sensation ; on l’imita, on l’imprima en la défigurant, on la traduisit en vers latins.

807. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Mais ce qui me charme, c’est qu’il n’a trouvé nulle part une bonne jurisprudence, mais un prince admirable : c’est le grand-duc ; et partout des sensations, des émotions, tout le contraire de votre paralysie.

808. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Il y gagne la force ; car il prend le droit d’aller jusqu’au bout de sa sensation. » Il s’est trop dit qu’à ce prix aussi est la science.

809. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Bonnet essaya peu à peu de le ramener à la réalité, et il y réussit en partie ; il essaya de le convaincre que la liberté n’est pas une pure sensation, une exaltation vague ; qu’elle est une véritable science, et que le citoyen qui veut s’en rendre digne a tout autant de devoirs que de droits.

810. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Leonora, belle, éblouissante, avide de sensations, ardente dans ses fantaisies, froide de cœur, n’a pas de peine à enlever le jeune et fragile artiste : ce n’est rien de lui avoir jeté son bouquet sur la scène, et son mouchoir par mé-garde avec le bouquet, comme dans un vrai délire d’enthousiasme, il faut voir comme ensuite, dans la visite qu’il lui fait, elle le pique au jeu, lui bat froid, le mortifie, lui tient la dragée haute, le tourne et le retourne à plaisir, comme elle fait tout, en un mot, pour le chauffer, l’enflammer ; elle lui met au cœur un de ces amours furieux, dévorants, à la Musset, qui vous tuent sur place, ou qui vous laissent, pour le restant de vos jours, n’en valant guère mieux.

811. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Lorsque âgé de moins de vingt-deux ans il débarquait en Albanie, ce jeune homme déjà blasé, — aussi blasé que pouvait l’être un Benjamin Constant à cet âge, mais portant de plus que lui je ne sais quel feu sacré inviolable, inextinguible, — voulait simplement renouveler et rafraîchir ses sensations au contact d’une nature étrange et sauvage.

812. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Sainte-Beuve est mort cependant, ignorant la cause de son mal, la soupçonnant peut-être, l’indiquant même par de certaines comparaisons et images réelles, basées sur ses sensations douloureuses, dont la médecine et la chirurgie (qui se croient plus positives) ne tiennent pas assez de compte dans la bouche d’un littérateur, et disant un jour : « Vous verrez qu’on ne saura ce que j’ai que lorsqu’on m’ouvrira… après moi… » — Que si la recherche de la vérité a besoin d’excuse, la catastrophe du 13 octobre dernier pourrait en être une suffisante : mais je renverrai ces délicats, qui me reprocheraient la crudité trop pathologique de ces détails, en tête du premier livre posthume d’un écrivain mort peut-être pour n’avoir pas été assez exa miné à fond, au tome V, page 523 de Port-Royal, où M. 

813. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Antiquaire par son érudition allemande, poëte et philosophe par ses vues profondes et intimes sur l’histoire de l’humanité, familier avec les idées des Niebühr et des Gœrres, épris de l’imagination pittoresque de l’auteur de l’Itinéraire, il aborde la Grèce et l’interroge par tous les points, sur son antiquité, sur ses races, sur la nature de ses ruines, sur les vicissitudes de ses États, sur ses formes de végétation éternelle ; il saisit, il entend, il compose tous ces objets épars ; il les enchaîne et les anime dans un récit vivant, fidèle, expressif, philosophique ou lyrique par moments, selon qu’il s’élève aux plus hautes considérations de l’histoire des peuples, ou selon qu’il retombe sur lui-même et sur ses propres émotions ; c’est une œuvre d’art que ce récit de voyage : le sens historique et le sens des lieux y respirent et s’y aident d’un l’autre ; l’harmonie y règne ; le souffle du dieu Pan y domine ; l’interprétation du passé, depuis les époques cyclopéennes et homériques jusqu’à la féodalité latine, y est d’un merveilleux sentiment, et elle pénètre de toutes parts dans l’âme du lecteur, sinon toujours par voie claire et directe, du moins à la longue par mille sensations réelles et continues, comme il arriverait à la vue des ruines mêmes et sous l’influence du génie des lieux.

814. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

La passion de la gloire excite le sentiment et la pensée au-delà de leurs propres forces ; mais loin que le retour à l’état naturel soit une jouissance, c’est une sensation d’abattement et de mort : les plaisirs de la vie commune, ont été usé sans avoir été sentis, on ne peut même les retrouver dans ses souvenirs ; ce n’est point par la raison ou la mélancolie qu’on est ramené vers eux ; mais par la nécessité, funeste puissance, qui brise tout ce qu’elle courbe !

815. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

En tout cas, si on le veut, c’est à la condition sous-entendue qu’on ne sera pas trop dérangé de son train ordinaire et que les sensations de cette nouvelle vie n’ôteront rien aux jouissances de l’ancienne.

816. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Le « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences » est la biographie d’une pensée ; et du seul caractère narratif et descriptif de l’ouvrage sortent visiblement deux traits de la physionomie intellectuelle de Descartes : au lieu d’une exposition théorique de sa méthode, il nous en décrit la formation dans son esprit, et présente ses idées comme autant d’actes successifs de son intelligence, de façon à nous donner en même temps qu’une connaissance abstraite la sensation d’une énergie qui se déploie ; le tempérament actif des hommes de ce temps est devenu chez Descartes une puissance créatrice d’idées et de « chaînes » d’idées.

817. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Jules Lemaître, qui, sans répudier bruyamment la technique établie, sans déconcerter les habitudes du public, sans prétention philosophique aussi et sans fracas de symboles, nous a donné la sensation rafraîchissante d’une originalité sincère.

818. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Mme Sarah Bernhardt me fait toujours l’effet d’une personne très bizarre qui revient de très loin ; elle me donne la sensation de l’exotisme, et je la remercie de me rappeler que le monde est grand, qu’il ne tient pas à l’ombre de notre clocher, et que l’homme est un être multiple, divers, et capable de tout.

819. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

L’ampleur du tout y est superbe et chaque phrase y produit sensation. » Voyez-vous M. 

820. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Il siérait que l’artiste, déjà honni et disqualifié par les médiocres tant qu’il n’a pas forcé le succès, renonçât à la défroque bizarre, à la « tête à sensation », et rompit ainsi les derniers liens qui permettent au spectateur ironique de le confondre avec les piètres héros de Murger.

821. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Aussi on ne peut se figurer la sensation prodigieuse que fit sur toute l’Italie ce poëme national, rempli de hardiesses contre les papes, d’allusions aux événements récents et aux questions qui agitaient les esprits ; écrit d’ailleurs dans une langue au berceau, qui prenait entre les mains de Dante une fierté qu’elle n’eut plus après lui, et qu’on ne lui connaissait pas avant.

822. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Le sentiment, ou plutôt la sensation immédiate de Madame, fut qu’elle était empoisonnée.

823. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

L’absence du sentiment de l’effort, qui n’est point toujours synonyme d’une moindre dépense, l’aveugle sur l’intérêt et la grandeur des œuvres qu’il réalise, au lieu que cette sensation d’effort, intervenant dans les tâches où il voudrait en vain exceller, contraint son attention, excite en lui un désir de possession et de victoire.

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