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1523. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Le nommer, s’il existe, semblerait une flatterie ; mieux vaut laisser à la voix publique le soin de le reconnaître et de le désigner. […] En regardant bien, nous reconnaîtrions parmi les convives ce que nous aimons le mieux, la joie et l’honneur de nos foyers : nos fils, nos filles et nos femmes. […] La Muse est jalouse ; elle a la fierté d’une déesse et ne reconnaît que son autonomie. […] Qu’on l’avouât ou non, tout le monde avait reconnu la flamme sacrée. […] On croit reconnaître la baronne Pfeffers, belle, spirituelle et veuve, dont le salon est le quartier général d’une coterie sérieuse, adoration platonique et Égérie mystique du cercle qu’elle inspire ; — M. 

1524. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Il se peint dans ses héros, mais en noir, de telle façon que personne ne peut manquer de le reconnaître et de le croire beaucoup pire qu’il n’est. […] On le reconnaissait dans ce jeune noble voluptueux et dégoûté, prêt à pleurer au milieu de ses orgies, qui « seul errait perdu en de mornes rêveries, et, gorgé de plaisirs, aspirait presque à la douleur1266 », qui, fuyant sa terre natale, portait parmi les splendeurs et les gaîtés du Midi la persécutrice infatigable, « la pensée, comme un démon », acharné après lui. On reconnaissait les paysages : ils avaient été copiés sur place. […] —  Pourtant je suis changé, quoique toujours le même en force — pour endurer ce que le temps ne peut amoindrir, —  et pour me nourrir de fruits amers, sans accuser la destinée… Harold s’était bientôt reconnu le plus impropre des hommes — à vivre dans le troupeau des hommes. […] Refuserez-vous de reconnaître le divin, parce qu’il apparaît dans l’art et la jouissance, et non pas seulement dans la conscience et l’action ?

1525. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Fais les gestes, je ferai l’œuvre. » Quand le roi le reconnut, cela lui fit plaisir. […] Il s’évade sans avoir été reconnu et va rejoindre sa femme Kriemhilt. […] Il porta dans la chambre le flambeau qu’il tenait à la main ; à sa lueur, dame Kriemhilt allait reconnaître l’affreuse vérité. […] Quoique rougie de sang, elle la reconnut aussitôt. […] Voilà ce qui eut lieu et on reconnut ainsi que Hagene avait commis le crime.

1526. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

En dehors de la coloration, la beauté des épreuves ne se reconnaît pas surtout par ces beaux noirs veloutés des estampes européennes, et que n’a pas l’impression japonaise, où le noir est un noir de lithographie usée ; elle se témoigne à la vue, par la netteté du contour, sa pénétration, pour ainsi dire, dans le papier, où le trait a quelque chose de l’intaille d’une pierre gravée. […] Zola, un moment, vient chaleureusement me féliciter d’avoir la salle que j’ai, me congratuler de n’être pas reconnu, d’être contesté, d’être échigné ; cela prouve que je suis jeune, que je suis encore un lutteur, que… que… que… — Ah ! […] Puis, je ne sais par quel chemin, sa parole va à ses livres, et il déclare qu’il n’y a qu’une chose qui blesse son amour-propre, c’est que dans son Tartarin, on n’a vu qu’une fantaisie comique, et qu’on n’a pas reconnu que c’était une sérieuse personnification du Midi, une figure de don Quichotte plus épais. […] Puis, il y a dans la présente jeunesse, ce côté curieux qui la différencie des jeunesses des autres époques ; elle ne veut pas reconnaître de pères, de générateurs, et se considère, dès l’âge de vingt ans, et dans le balbutiement du talent, comme les trouveurs de tout. […] Alors, le roi y faisait placer des pièges pour prendre les voleurs, et l’un des deux frères était pris, et l’autre lui coupait la tête, pour n’être pas reconnu et arrêté.

1527. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Mais Hercule insiste : « Au moins, tends la main à cette étrangère et soulève son voile. » Admète obéit, reconnaît Alceste. […] Il faut bien le reconnaître, l’incroyance de Molière semble avoir été assez peu nuancée. […] Emile Augier venait de publier le théâtre de son ami, avec une préface où il le déclarait grand, et où il lui reconnaissait du génie. […] Car, si la vertu est riche, à quoi la reconnaîtra-t-on ? […] Je reconnais donc sans peine, encore une fois, la vérité de la donnée.

1528. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Et Léopold Baillard mourra dans le giron de l’Église, avant reconnu sa folie. […] La grande affaire, c’est, pour eux, qu’on les veuille bien reconnaître et qu’on ne doute pas de leur identité. […] Marcel Prévost se reconnaît. […] » Il se jette à terre et colle son oreille sur le pavé, il reconnaît le galop de César. […] … Seulement, à lire le poème, Platon n’eût pas reconnu sa pensée.

1529. (1876) Romanciers contemporains

Mais il faut reconnaître que celui-là a été atteint complètement. […] Outre que le récit de la vie d’un ange ne saurait en rien nous intéresser, car nous n’y reconnaîtrions point notre semblable, M.  […] Ce sont là, nous le reconnaissons, de bien légères taches. […] Il en est un pourtant que nous avions déjà reconnu dans les Mystères de Paris. […] À la liberté de ses allures, on reconnaît bien vite qu’il ne croit pas un mot de ce qu’il raconte.

1530. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Il est aisé de reconnaître ceux des écrits qu’a revus l’académicien bel-esprit : ils sont plus purs, et moins véhéments que tous les autres. […] Cette indépendance était reconnue, et cependant les colonies n’étaient point heureuses. […] C’est le seul moment où leur propre sûreté les force à reconnaître quelque subordination. […] Mais il me semble que ces discours académiques, dont je reconnais d’ailleurs tout le mérite, ne pouvaient jamais fournir les mêmes ressources à l’orateur et produire d’aussi fortes impressions. […] La grâce de sa robe flottante, l’éclat de son front, et sa chevelure parfumée, ne suffisent pas pour la reconnaître.

1531. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

En somme, ce qu’on appelle une École devrait porter le nom du chef qui l’a proclamée ou qu’on lui reconnaît. […] Gustave Geffroy est le critique officiel, reconnu et très dévoué de l’École naturaliste. […] Du bout d’un crayon, je sens, je reconnais mon enveloppe ! […] Tous ces écrivains sont connus et reconnus. […] Je reconnais son talent qui est délicat et subtil, mais j’estime peu son caractère.

1532. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

On reconnoît ce grand maître à la hardiesse de sa main, aux contours coulans de ses figures, à ce goût élégant & gracieux qu’il mettoit dans toutes ses productions(*). […] Le monarque reçut favorablement les députés, & daigna les reconnoître pour bons & fidèles sujets. […] Ces prétendus descendans d’Élie eussent dû reconnoître leur tort, au silence qu’on gardoit à leur égard : mais ils l’imputèrent à l’impossibilité de leur répondre. […] Il fit en même temps signifier ses dernières volontés à tous les nonces apostoliques & aux grands inquisiteurs, faits pour reconnoître sa jurisdiction. […] Ce ministre reconnut sa sottise, abandonna son projet & vit combien il eût été plus facile de reconcilier les puissances les plus ennemies, que deux corps divisés.

1533. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Quiconque a passé dans ses belles années par ces épreuves si difficiles à traverser, se reconnaît dans ces limbes du pur attachement jouissant de contempler ces Béatrices de l’amour idéal, mais interdites par la sainte amitié. […] Qui n’y reconnaîtra le génie et la beauté de la première Consolation ? […] « Notons la nuance, mais n’y insistons pas trop et n’exagérons rien ; n’y mettons pas trop de cette vapeur que Virgile a négligé de nous décrire ; car il n’est que Virgile pour être son propre paysagiste et son peintre, et, dans la première des descriptions précédentes (je parle de celle de l’auteur anglais), on a pu le reconnaître, ce n’est, après tout, que la prose du paysage décrit par Virgile lui-même en ces vers harmonieux de la première églogue : Fortunate senex, hic inter flumina nota… « Que tous ceux, et ils sont encore nombreux, qui savent par cœur ces vers ravissants, se les redisent. […] Il s’agissait de les réconcilier avec le travail des champs, si cher aux aïeux, et de leur en présenter des images engageantes : “Quel vétéran, s’écrie Gibbon, ne se reconnaissait dans le vieillard des bords du Galèse ?

1534. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

. — Ainsi tous les esprits dévoués à la science, à l’art, seront reçus comme hôtes à la table que garnissent richement les œuvres de Goethe, et dans leurs créations se reconnaîtra l’influence de cette source commune de lumière et de vie à laquelle ils auront puisé !  […] Je vis alors avec joie quelle influence on reconnaissait à Goethe sur la nouvelle vie de la littérature française ; les jeunes poètes le vénèrent et l’aiment comme leur chef spirituel. […] On ne peut pas dire de Voltaire qu’il ait eu de l’influence sur les poètes étrangers, qu’il leur ait servi de centre de réunion, et qu’ils aient reconnu en lui un maître et un souverain. — La lettre d’Émile Deschamps était écrite avec une très aimable et très cordiale aisance. […] Mais à la vérité, pour reconnaître et honorer un grand caractère, il faut en être un soi-même.

1535. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Elle fit faire elle-même une magnifique édition de ces poëmes reconnus ossianiques. […] » Il reconnaît à la fin que c’est elle dont le cœur palpite sous le trait fatal. « Ô Galvina ! […] Déjà leur voix s’est fait entendre sur les bruyères de Lena : les enfants de l’Océan ont reconnu les sons du cor de Fingal. […] c’est donc de ma main que tu péris, s’écrie Fingal qui le reconnaît, ô toi, l’ami d’Agandecca !

1536. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Il reconnaît aussitôt à quelle classe de la société appartient le visiteur. […] Les bâcleurs de romans le savent bien et lui donnent, de ces choses, l’apparence et la parodie ; mais s’il y trouvait vraiment la poésie de l’aventure et la générosité de l’optimisme, il n’y reconnaîtrait que mieux son âme. […] On reconnaît en outre que le poison n’est point exclusif à la France. […] Ces guides serviraient de phares au lecteur et lui permettraient de se reconnaître dans ce dédale de productions de tout acabit qui inondent les vitrines des libraires, les gares des chemins de fer.

1537. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Ainsi, nous reconnûmes que, pour toute chose, il faut un génie et une vraie vocation, conditions que, dans ce cas, nous accordions de plein cœur à M.  […] Ne le reconnaissez vous pas, l’homme du prodige, l’Orphée sorti des enfers, l’adorable preneur de rats de Hameln ? […] Bien plus, qui donc, dans la presse actuelle, aura assez d’intelligence et de pénétration pour reconnaître que, dans l’écrit qui m’a été le plus reproché, composé au pire moment de la guerre, dans une disposition amèrement ironique, j’ai eu surtout pour but de ridiculiser l’état du théâtre allemand ? […] Impossible de nier, et tous les chrétiens l’ont toujours reconnu, que la doctrine de Jésus règle en substance la vie des hommes, leur enseigne comment ils doivent vivre en commun (p. 62).

1538. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire a dû reconnaître que certaines déformations semblent s’appeler très souvent les unes les autres, tandis que d’autres n’apparaissent que rarement ensemble, mais sans pouvoir assigner à ce fait aucune raison. […] Il serait presque superflu d’adjoindre des preuves à cette règle de la variabilité supérieure des caractères spécifiques, relativement à l’invariabilité reconnue des caractères génériques. […] L’une des plus grandes difficultés qu’il y ait à reconnaître dans la nature une espèce variable décrite dans nos ouvrages systématiques provient de ce que ses variétés miment en quelque sorte d’autres espèces du même genre. […] L’auteur ne paraît pas ici accorder toute sa valeur réelle à l’action locale des conditions de vie ou du milieu ambiant dont Geoffroy Saint-Hilaire et Lamarck ont les premiers reconnu la puissante influence.

1539. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

On reconnaît les membres de l’une des castes neutres des Cryptocerus à une sorte de bouclier très singulier qu’ils portent sur la tête et dont l’usage nous est complétement inconnu. […] L’utilité de leur présence dans une société d’insectes ressort de ce même principe de division du travail social dont l’homme civilisé a reconnu les immenses avantages. […] Souvent, parce qu’on s’obstine à ne pas vouloir reconnaître à un animal l’ombre d’une ressemblance mentale avec nous, il faut, pour en expliquer les actes, recourir à des montagnes d’hypothèses, supposer au dehors de lui le moteur qui est en lui, et demander la cause de faits constants aux contingences les plus hasardeuses, les plus compliquées, et par conséquent les moins probables. […] Elle proviendrait enfin du grand développement de leurs facultés intellectuelles que nous nous obstinons à appeler leurs instincts, parce que notre amour-propre spécifique ne peut s’accoutumer à leur reconnaître les mêmes dons qu’à nous.

1540. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

C’est une chose qui seule pourroit faire reconnoître l’action des causes physiques dans le renouvellement des arts. […] Enfin, on orna l’arc avec des bas-reliefs, où tout le monde reconnoissoit et où tout le monde reconnoît encore la tête de Trajan. […] Or, on reconnoît dans le récit magnifique qu’il fait de cet évenement, toutes les principales circonstances du tumulte qui arriva dans Rome quand le sénat voulut après la mort de Caligula rétablir le gouvernement republiquain, et quand ses partisans se cantonnerent contre les cohortes prétoriennes qui vouloient avoir un empereur. […] Rome est encore aujourd’hui remplie de tombeaux et de statuës qu’on reconnoît certainement par les inscriptions ou par les coëffures des femmes, pour avoir été faits depuis l’empire de Trajan jusqu’à l’empire de Constantin.

1541. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

En effet, — et nous insistons sur ce point, parce qu’il a des conséquences de vérité inattendue pour l’histoire qui nous semblent plus importantes à reconnaître que le mérite de Cassagnac, — ce qui distingue et classera véritablement à part le nouvel ouvrage de l’éminent écrivain, c’est ce qui avait tant frappé d’abord dans l’Histoire des causes de la Révolution française : la faculté d’écarter tous les attirails, tous les oripeaux, toutes les mises en scène des partis, pour arriver jusqu’à l’homme exagéré ou menti, jusqu’à l’intrus dans la gloire ou le respect des hommes, — et l’en arracher ! […] X Mais ce manque de rigueur dans une des conclusions de son livre, que nous nous permettons de reprocher à l’auteur de la Chute du roi Louis-Philippe, ne peut avoir d’effet rétrospectif sur les qualités que nous lui avons reconnues. […] Je suis donc persuadé qu’ils ne bougeront pas, ces bonshommes bien assis, ces curulaires de la science officielle, reconnue, centenaire ! […] C’est alors, c’est à toutes ces places que je reconnais Cassagnac, mon ancien Cassagnac, à l’esprit solide et à la main de forte prise, et que j’aime mieux dans les grandes besognes, où il faut l’œil de l’aigle, que dans les petites, où il ne faut que l’œil du lynx.

1542. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Ce voleur de l’auteur d’Othello, qui lui avait pris son magnifique Jaloux pour le mettre en Turc et en faire Orosmane, afin qu’on ne le reconnût pas, ne permettait guère qu’on vantât de son temps celui qu’il avait osé nommer Gilles ; et de la bande de philosophes qui obéissaient à son grelot et tenaient l’opinion de la France esclave, Diderot seul, le débraillé de naturel et de déclamation, avait eu le front d’écrire cette phrase superbe et cynique : « Moi, je ne comparerai Shakespeare ni à l’Apollon du Belvédère, ni au Gladiateur, ni à l’Antinoüs, ni à l’Hercule de Glycon, mais au saint Christophe de Notre-Dame, colosse informe, grossièrement sculpté, mais dans les jambes duquel nous passerions tous sans que notre front touchât à ses parties honteuses. » Mais, comme on le voit, cette phrase ambitieuse et fausse, quoiqu’elle voulût être plus juste que tout ce qu’on disait alors, prouvait que Diderot lui-même ne connaissait pas tout Shakespeare dont le colossal disparaît précisément quand on l’a tout entier sous le regard, dans la perfection de son harmonie. […] Il ne doit point faire écrire des phrases de ce calibre, facile à reconnaître, en parlant de la Reine Élisabeth : « Cette marquise de Rambouillet qui avait pour ruelle l’alcôve impériale, cette femme savante ayant pour canif le glaive et le globe pour serre-papier, régnant non sur des cuisines, mais sur un empire, dirigeant non un ménage, mais une société, et donnant des ordres non pas à Martine, mais à tout un peuple. […] Elle attachait un rêve à chaque coup qu’elle donnait à la pauvre feuille déchiquetée ; mais qui pouvait reconnaître, dans le travail de sa rêverie, la feuille brillante de l’arbre immortel dont on couronne le front des héros et des dieux ? […] Ces raisons sont, je le reconnais, un peu subtiles, et assez semblables à du coton filé trop fin et qui doit casser, mais enfin, telles qu’il a pu les trouver, il nous les a données, et il les a même couronnées par une preuve morale qui ne me paraît pas non plus sans réplique, mais que j’aime dans sa profondeur incertaine : c’est que la Jeanne d’Arc du Henri VI était une calomnie insultante pour la Jeanne d’Arc de l’Histoire, et que cette lâcheté-là était encore plus indigne du génie de Shakespeare qu’un mauvais drame ; et de cette insulte déshonorante qui l’aurait souillée, il a essuyé respectueusement la gloire de Shakespeare, ne voulant pas qu’il eût, en plein front, son grand homme vénéré, la même tache de boue que Voltaire !

1543. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il n’en est rien, je crois qu’on le reconnaît unanimement à cette heure. […] Il faut reconnaître, et on l’a dit avec raison, que sa psychologie n’est point bien profonde. […] Il le fait souvent, reconnaissons-le, pour l’en louer. […] Il faut reconnaître que la guerre au surnaturel a été sa grande tâche, et préférée. […] On reconnaît généralement les premiers à ce qu’ils ne s’adonnent qu’à un genre d’ouvrages, et ensuite prescrivent des règles d’art qui ne s’appliquent bien qu’à ce genre-là.

1544. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

On y reconnaît un amour reposé des champs, non pas tant pour le plaisir de les chanter que pour la douceur et l’habitude d’y vivre. […]    Il faut quitter le séjour des mortels ; Il faut quitter Philis, Amarante et Sylvie, À qui ta folle amour élève des autels… Il continue ainsi l’énumération de tout ce qu’il faut quitter ; on reconnaît le linquenda tellus d’Horace.

1545. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Depuis que les Mémoires de Saint-Simon sont publiés en entier, je ne dirai pas que les pages de chronique qu’on doit à Madame ont pâli, mais elles ont cessé d’étonner ; on y a reconnu de bonnes peintures naïves, un peu hautes en couleur et un peu grosses de traits, chargées et grimaçantes parfois, mais au fond ressemblantes. […] Un jour, en une circonstance mémorable, Madame s’était vue humiliée devant Mme de Maintenon, forcée de se reconnaître envers elle des torts, de lui en faire des excuses devant témoin, et de se dire son obligée avec reconnaissance.

1546. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

On le trouve, en 1788, faisant l’office de secrétaire auprès du comte de Périgord, commandant de la province de Languedoc, au milieu de la crise difficile qui se termina par la suppression des parlements : le comte de Périgord lui reconnut une prudence et une mesure au-dessus de son âge. […] Dans ce travail dont les éléments étaient si compliqués, et dont la netteté et la franchise allaient faire scandale en sens inverse parmi ceux dont il contrariait les désordres, on reconnaît la présence et la collaboration de Daru, cette ardeur d’investigation qu’aucune difficulté n’arrêtera.

1547. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Le Siècle de Louis XIV paraissait ; il n’en sut pas reconnaître la supériorité déguisée sous l’agrément, et, pour se venger du procédé de Voltaire, il en eut un impardonnable à son égard, et que lui-même s’est reproché depuis. […] A l’instant de la grande querelle de 1753, on y voit Frédéric entre Maupertuis et Voltaire, les jugeant tous deux, mais, dans sa juste balance, n’hésitant pas et se prononçant du côté où il peut y avoir quelques travers et même des ridicules, mais où il reconnaissait de la probité.

1548. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Je reconnais mon tort. » Il reconnaît son tort.

1549. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

ce n’est pas là un salon ; les quelques jeunes femmes qui y passent, avant de se rendre au bal sous l’aile de maris exemplaires, et qui viennent y recevoir comme une absolution provisoire qui, plus tard, opérera, ne me font pas illusion : c’est un cercle religieux, une succursale de l’église, — donnez-lui le nom que vous voudrez, — un vestibule du Paradis, « une maison de charité à l’usage des gens du monde. » Salon français de tous les temps, d’où me reviennent en souvenir tant d’Ombres riantes, tant de blondes têtes et de fronts graves ou de fronts inspirés, passant tour à tour et mariant ensemble tout ce qui est permis à l’humaine sagesse pour charmer les heures, enjouement, audace, raison et folie, — je ne te reconnais plus ! […] Il résulte du premier qu’en décembre 1839, Mm Edling reconnaît que Mme Swetchine « dévie un peu pour elle de la ligne ni roide qu’elle suit », et qu’en janvier 1840, elle se montre plus satisfaite.

1550. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Madame, il a raison ; nous le méritons bien. » Le grand Frédéric, lorsque Dutens eut l’honneur de le voir quelques années après, reconnut de même la force de ce raisonnement et lui donna raison. […] Mme de Boufflers se distingue entre les autres dames en ce qu’elle porte le tablier à bavette ; quelques autres n’ont qu’un tablier à dentelle sans bavette ; c’est à ce signe qu’on croit reconnaître la dame de céans ; plus elle faisait la servante à pareil jeu, plus elle était la maîtresse.

1551. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Il est temps que la beauté du langage vienne faire oublier ce qu’il y a d’un peu singulier, et même d’un peu comique, dans la situation du vieillard : « Tout cassé que je suis, je cours toute la ville… » Dès que don Diègue et Rodrigue se sont rencontrés, Corneille retrouve ses accents et traduit admirablement son modèle, lequel, à cet endroit, est des plus beaux : « Touche ces cheveux blancs à qui tu rends l’honneur ; Viens baiser cette joue, et reconnais la place Où fut jadis l’affront que ton courage efface. » — Admirable ! […] Il est prudent de ne pas lui laisser le temps de se reconnaître.

1552. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Une ou deux fois, Collé chercha à s’élever jusqu’à la scène de la Comédie-Française, et sa pièce de Dupuis et Desronais y eut un certain succès ; mais, dans cet ouvrage qui vise à être une pièce de caractère et dans le grand genre, on ne reconnaît plus que faiblement le joyeux Collé : il mit des années à faire cette comédie, à la limer et re-limer, à écouter et à peser les conseils ; elle était d’abord en prose, il la rima. […] Dieu eût dû mettre la jeunesse à la fin de notre vie » ; lorsqu’il parle ainsi et qu’il raisonne à la manière de Garo chez La Fontaine, je l’arrête, je ne reconnais plus là son bon sens, et je lui oppose ce qu’a dit un autre moraliste dans une pensée toute contraire : « Force nous est bien de vieillir ; justice est que nous vieillissions.

1553. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

On ne vint point à bout des Barbets ni de la race ; il le reconnut plus tard. […] Il s’agissait, pour ce peuple errant et dispersé, de se donner un rendez-vous à l’extrémité du lac de Genève, à Bex, aux portes du Valais, d’entrer en Savoie, « de l’effleurer par le territoire de Saint-Maurice, de passer à Martigny, de suivre la vallée du grand Saint-Bernard jusqu’à Orsières, de remonter le val Ferret, puis traverser le col Letrevre, descendre à Courmayeur, passer de là au petit Saint-Bernard, tourner ainsi le Mont Blanc, et venir retomber en Savoie entre le col Bonhomme et le mont Iseran du côté de Scez, sur la route qu’avaient reconnue leurs premiers éclaireurs. » Cet itinéraire habile et hardi ne fut pas suivi comme il avait été tracé d’abord ; le premier projet échoua ; la pratique et la nécessité en suggérèrent un autre : ce fut à Prangins, près de Nyon, que le rendez-vous patriotique eut lieu ; on traversa le lac à cet endroit (16 août 1689) ; on passa par Cluse, Sallanches, on attaqua le Mont-Blanc et le col du Bonhomme par un autre côté.

1554. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

elle lui reconnaît ce don et ce bonheur de se faire aimer, qui est, selon elle, l’unique ressource et félicité de l’état de souverain : « Vous l’avez si parfaitement acquis (ce bonheur), ne le perdez pas en négligeant ce qui vous l’a procuré : ce n’est ni votre beauté, qui, effectivement, n’est pas telle, ni vos talens, ni votre savoir (vous savez bien que tout cela n’existe pas), c’est votre bonté de cœur, cette franchise, ces attentions, appliquées avec tant de jugement. […] Là-dessus aucune négligence, et n’imitez personne ; suivez ce que vous avez vu et appris ici. » Elle ne cesse de conseiller à sa fille des lectures fortes, des lectures suivies ; elle attend tous les mois en vain la liste des livres sérieux que l’abbé de Vermond s’était chargé de procurer à la jeune princesse, et qui, on le sait aujourd’hui par les catalogues, étaient si absents de ses bibliothèques particulières : « Tâchez de tapisser un peu votre tête de bonnes lectures ; elles vous sont plus nécessaires qu’à une autre, … n’ayant aucun autre acquit, ni la musique, ni le dessin, ni la danse, peinture et autres sciences agréables. » Il est permis sans doute, surtout à son âge, de s’amuser, mais d’en faire son unique soin et de n’être occupée qu’à « tuer le temps entre promenades et visites », elle en reconnaîtra le vide et en sera un jour aux regrets.

1555. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

La seule nouvelle de la convocation des États généraux l’avait comblé de joie, et il avait désiré d’en être ; mais envoyé à Paris par ses compatriotes de Riom, dès le mois de novembre 1783, un peu avant les élections, pour demander que la ville fût le chef-lieu du bailliage, il avait trouvé un régime moral peu rassurant, et avait pu reconnaître un Paris tout autre que celui qu’il avait laissé : « Lorsque je vis l’état de la capitale, où je n’étais pas entré depuis près de trois ans, la chaleur des discussions politiques, celle des pamphlets circulant, l’ouvrage de M. d’Entraigues, celui de l’abbé Sieyès, les troubles de Bretagne et ceux du Dauphiné, mes illusions disparurent. » Il avait emporté de M.  […] Ses rapports sur toutes ces questions, éloquents et sensés, ont fait voir, dans le consul Lebrun, un sage traversant avec calme les orages révolutionnaires88. » Pour qualifier ceux de ses collègues honnêtes gens, mais qui ont gardé en eux du sectaire, tels que Rabaut-Saint-Étienne, le ministre protestant, et le janséniste Camus, il les reconnaît hommes de conscience, mais ils avaient, dit-il, la conscience factieuse.

1556. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

A peine a-t-il fait un pas dans la cléricature qu’il ne se sent aucun attrait à poursuivre, il exprime sous forme mystique et symbolique des fautes dont il s’accuse, et dont il est permis à chacun de soupçonner la nature : « (La Chesnaie, 1810)… Je crois que le Seigneur m’éclaire malgré ma profonde indignité ; je crois reconnaître au fond de mon âme quelques faibles rayons de cette lumière qui annonce sa présence et prépare à la goûter. […] Aidez-moi à me reconnaître, pour m’aider ensuite à me changer.

1557. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

On lui reconnaissait dans le débit « une vérité d’inflexion qui rendait sa pensée transparente et les endroits comiques très saillants ». […] que sont devenues ces mille bonnes qualités qu’on lui reconnaissait, et qui me rendaient fière d’être de la paroisse Saint-Eustache ?

1558. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Aussi, nous qui regrettons personnellement, et regretterons jusqu’au bout, comme y ayant le plus gagné à cet âge de notre meilleure jeunesse, les commencements lyriques où un groupe uni de poëtes se fit jour dans le siècle étonné, — pour nous, qui de l’illusion exagérée de ces orages littéraires, à défaut d’orages plus dévorants, emportions alors au fond du cœur quelque impression presque grandiose et solennelle, comme le jeune Riouffe de sa nuit passée avec les Girondins (car les sentiments réels que l’âme recueille sont moins en raison des choses elles-mêmes qu’en proportion de l’enthousiasme qu’elle y a semé) ; nous donc, qui avons eu surtout à souffrir de l’isolement qui s’est fait en poésie, nous reconnaissons volontiers combien l’entière diffusion d’aujourd’hui est plus favorable au développement ultérieur de chacun, et combien, à certains égards, cette sorte d’anarchie assez pacifique, qui a succédé au groupe militant, exprime avec plus de vérité l’état poétique de l’époque. […] En réalité, je n’ai jamais pu me repentir de ce mot, dit une fois pour toutes, sur cet auteur qui n’avait que des boutades sans talent, sans style, et qui était surtout poëte par la vanité. — Mais il a eu du piquant dans ses Fables, dira-t-on. — Oui, peut-être, comme le chardon a des piquants. — Si j’avais à écrire un article sur lui, je ne pourrais m’empêcher de le commencer en ces termes : « Il faut avoir quelque esprit pour être parfaitement sot : Töpffer l’a dit et Viennet l’a prouvé. » Vers la fin sa vie, il me disait en me parlant des poëtes : « Je n’en reconnais que huit avant moi. — Et lesquels ? 

1559. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

J’imagine, pour accorder mon désir avec l’exactitude bien reconnue du narrateur, qu’ayant su par un témoin que la saignée au pied avait été difficile, il aura attribué cette difficulté à un reste d’embonpoint, tandis que la saignée au pied est quelquefois lente et pénible, même sans cette circonstance. […] Si vous ne la reconnaissiez pas en la rencontrant dans la rue, ce serait votre faute. » Ainsi tout ce que Mlle de Liron a de brillant par la blancheur, Cécile l’a par le rembruni ; ce que l’une a de commun avec les femmes du Cantal, l’autre l’a avec les jolis enfants de Savoie ; le cou visiblement épaissi de Cécile est un dernier caractère de réalité, comme d’être un peu grasse ajoute un trait distinctif à Mlle de Liron.

1560. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Ce qui est poésie dans la nature physique ou morale, et ce qui n’est pas poésie se fait reconnaître à des caractères que l’homme ne saurait définir avec précision, mais qu’il sent au premier regard et à la première impression, si la nature l’a fait poëte ou simplement poétique. […] Si un navire en perdition apparaît et disparaît tour à tour sur la cime ou dans la profondeur de ses lames, on pense aux périls des hommes embarqués sur ce bâtiment, on voit d’avance les cadavres que le flot roulera le lendemain sur la grève, et que les femmes et les mères des naufragés viendront découvrir sous les algues, tremblant de reconnaître un époux, un père ou un fils. — Émotion !

1561. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Cela se reconnaît dans la médiocre composition de son livre. […] Tout ce début date de la période scientifique que nous avons reconnue tout à l’heure.

1562. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Mais, dans les temps modernes, l’indépendance de deux mouvements parallèles n’est pas aussi facile à reconnaître. […] A côté de quelques écrivains qui ont la franchise d’avouer leurs maîtres et de reconnaître leurs dettes envers eux, combien n’y en a-t-il pas qui cachent leurs emprunts, même les plus innocents, comme si c’étaient autant de larcins !

1563. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

» — Une autre fois, un de ses prêtres reconnaît qu’il porte en lui le même feu divin que sa main vient d’allumer sur l’autel, et il s’écrie dans un saint transport : — « Lorsque je pense que cet être lumineux est dans mon cœur, les oreilles me tintent, mon œil se voile, mon âme s’égare. […] L’enfant n’est reconnu par son père qu’après qu’il lui a fait traverser sa flamme ; l’épouse n’est légitime que lorsqu’elle a communié avec l’époux devant l’aire, en mangeant le gâteau nuptial.

1564. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Car les Dieux, qui prennent toutes les formes, passent souvent par les villes, semblables à des étrangers errants, afin de reconnaître la justice ou l’iniquité des mortels. » — Apollonios de Rhodes raconte qu’un jour, Héra, déguisée en vieille femme, pleurait et se lamentait sur le rivage de l’Anauros gonflé par les neiges, « pour éprouver la bonté des hommes ». […] L’alerte a été donnée, la Cité en armes vient reconnaître les nouveaux venus.

1565. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Dès ce moment, Mlle de Lespinasse vécut à part et devint, par son salon et par son influence sur d’Alembert, une des puissances reconnues du xviiie  siècle. […] Reconnaissons toutefois qu’un homme qui put être à ce point aimé de Mlle de Lespinasse, et qui, ensuite, eut le premier l’honneur d’occuper Mme de Staël, devait avoir de ces qualités vives, animées, qui tiennent à la personne, qui donnent le change sur les œuvres tant que leur père est là présent.

1566. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

En un mot, elle continue de représenter l’esprit déjà philosophique, mais encore modérateur, de la première partie du siècle, tant qu’il n’avait pas cessé de reconnaître de certaines bornes. […] Respectons, honorons donc la libéralité naturelle et raisonnée de Mme Geoffrin ; mais reconnaissons toutefois qu’il manque à toute cette bonté et à cette bienfaisance une certaine flamme céleste, comme il manque à tout cet esprit et à cet art social du xviiie  siècle une fleur d’imagination et de poésie, un fond de lumière également céleste.

1567. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Et comme on reconnaît la ressemblance de la physionomie première, dans ce portrait que La Bruyère a tracé de lui : Ascagne est statuaire, Hégion fondeur, Eschine foulon, et Cydias (c’est-à-dire Fontenelle) bel esprit ; c’est sa profession. […] On reconnaît à quel point le Fontenelle de quatre-vingt-dix ans, et le Fontenelle de La Bruyère qui en avait trente, l’un peint par un ennemi, et l’autre par une amie, sont bien pourtant le même.

1568. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Laquelle des deux jeunes filles va reconnaître celui qu’elle aime ? C’est la légère, la moins éprise, c’est Annette qui reconnaît Joseph parmi les favorisés.

1569. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

À la manière dont il parle « de cet horrible dégoût de soi-même, qui ne nous laisse d’autre désir que celui de cesser d’être », on voit que si cette âme calme et supérieure n’a jamais été atteinte du mal des Rousseau, des Werther et des futurs René, elle n’a pas été sans le reconnaître et sans le dénoncer à sa source : « Dans cet état d’illusion et de ténèbres, dit-il, nous voudrions changer la nature même de notre âme ; elle ne nous a été donnée que pour connaître, nous ne voudrions l’employer qu’à sentir. » Le vrai sage, selon lui, est celui qui sait maîtriser ces fausses prétentions et ces faux désirs : Content de son état, il ne veut être que comme il a toujours été, ne vivre que comme il a toujours vécu ; se suffisant à lui-même, il n’a qu’un faible besoin des autres, il ne peut leur être à charge ; occupé continuellement à exercer les facultés de son âme, il perfectionne son entendement, il cultive son esprit, il acquiert de nouvelles connaissances, et se satisfait à tout instant sans remords, sans dégoût, il jouit de tout l’univers en jouissant de lui-même. […] Buffon reconnaissait à Montesquieu du génie, mais il lui contestait le style : il trouvait, surtout dans L’Esprit des lois, trop de sections, de divisions, et ce défaut, qu’il reprochait à la pensée générale du livre, il le retrouvait encore dans le détail des pensées et des phrases ; il y reprenait la façon trop aiguisée et le trop peu de liant : « Je l’ai beaucoup connu, disait Buffon de Montesquieu, et ce défaut tenait à son physique.

1570. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

M. de Bonald, qui est le premier dans sa préface à reconnaître les défauts de sa manière, pense pourtant que les livres sont faits pour exercer de l’influence, et c’est pour cela qu’il écrit. […] Marie-Joseph Chénier a insisté, dans son Tableau de la littérature, sur les inconvénients de la méthode de M. de Bonald, mais il l’a fait sans rien reconnaître ni deviner des parties supérieures de la pensée.

1571. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Enfin, après avoir rassemblé en six volumes dissertations, grammaire, textes choisis, tout le trésor des troubadours, et en préparant six autres volumes de Lexique, qui ont achevé de paraître qu’après sa mort, il faisait plus, il franchissait la Loire, non pas en conquérant cette fois, mais en auxiliaire, et condescendait jusqu’à nous autres Picards et Normands ; il faisait sur notre vieille langue française l’application et la vérification des mêmes règles grammaticales essentielles qu’il avait reconnues dans l’ancienne langue du Midi, et montrait que nos bons vieux auteurs du xiie  siècle n’écrivaient pas au hasard5 ; de sorte que tous ceux qui s’occupent maintenant de la publication des vieux textes rencontrent à l’origine M.  […] On souriait du bonhomme Raynouard, mais on sentait la nature énergique en lui, on le reconnaissait pour maître et on l’aimait.

1572. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

C’est ainsi qu’ayant lu les Mémoires de Madame, mère du Régent, il dira (1822) : « On voit bien là ce que c’est que la Cour ; il n’y est question que d’empoisonnement, de débauche de toute espèce, de prostitution : ils vivaient vraiment pêle-mêle. » Ce n’est certes pas moi qui défendrai la Cour, mais on a droit de dire à Courier : Élargissez votre vue, voyez l’homme indépendamment des classes, reconnaissez-le partout le même, sous les formes polies ou grossières. […] L’embarras était que le jeune homme qu’elle désignait pour avoir été avec elle dans le bois et qui avait tout vu comme elle, marié depuis, niait tout et ne voulait reconnaître en rien sa bergère de ce temps-là.

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