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968. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Il est constant néanmoins, à lire ce que nous avons sous les yeux que, dans, sa fermeté de pensée, Catherine avait prévu le cas extrême où elle aurait été prise au mot pour sa demande de renvoi, et elle exprime en cette circonstance les dispositions de son âme en des pages admirables et qui font le plus grand honneur en elle au philosophe et au moraliste : c’est là un autre portrait d’elle et qui, pour être tout intérieur, ne paraîtra pas moins digne d’être mis à côté et en regard de tous ceux que l’on possède déjà, soit du portrait de la grande-duchesse que nous avons découpé précédemment, soit de ceux de l’Impératrice que l’on doit à la plume des Rulhière, des prince de Ligne et des Ségur.

969. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Le fait est que Bossuet, avec son air de grandeur et de bonhomie autoritaire, est impatientant et irritant pour tous ceux de la postérité de Leibnitz, pour les Lessing présents et futurs, pour tous ceux qui préfèrent à la vérité même possédée, et dès lors étroite, la recherche éternelle de la vérité.

970. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Mais son charme, utile quelquefois à des jeunes gens qui ne respectent rien, ne l’est que bien peu à une âme qui possède la connaissance et l’amour de Jésus-Christ.

971. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Veyrat avait pour Byron un culte : Childe-Harold était pour lui le grand type ; il en était possédé.

972. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Le talent qui, dans le premier et bel hyménée de la jeunesse, ne fait qu’un d’ordinaire avec les sentiments dont une âme est possédée, s’il est fort, abondant, de trempe durable, s’en sépare bientôt, et devient jusqu’à un certain point distinct du fond même de l’âme.

973. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Il ne se possédait pas, et il en résultait toutes sortes d’inconvénients et de mésaventures ; car ce Dorat, qui ne faisait que des vers muse qués, était, à ce qu’il paraît, tant soit peu capitan et mousquetaire. — « Nous aimons beaucoup M.de La Harpe, disait l’abbé de Boismont à l’Académie, mais c’est désagréable de le voir nous revenir toujours avec l’oreille déchirée. » Dans ces luttes personnelles, même lorsqu’on a d’abord la raison pour soi, l’autorité du critique s’abaisse et périt bientôt avec la dignité de l’homme.

974. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Ce qu’on sait mieux, c’est qu’à partir de cette rédaction sous Pisistrate, de nombreux travaux sont venus ordonner de plus en plus, resserrer, éclaircir et aussi polir dans le détail l’œuvre du poëte, en simplifier peut-être les contours, en faire mieux saillir le dessin, en rendre surtout plus nettes les épreuves et le texte même, jusqu’à ce qu’enfin l’œuvre soit sortie telle que nous la possédons, aussi parfaite et divine qu’on la pouvait désirer, des mains du plus grand des critiques, de celui dont le nom est devenu comme celui d’Homère un immortel symbole de perfection et de louange, — des mains d’Aristarque.

975. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Mais un mauvais exemple que Buffon donna à Le Brun, ce fut cette habitude de retoucher et de corriger à satiété, que l’illustre auteur des Époques possédait à un haut degré, en vertu de cette patience qu’il appelait génie.

976. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

« Le Horla, l’être fantastique, l’invisible puissance dont on subit d’abord le voisinage mystérieux, le Horla intangible mais réel, qui possède les âmes et abolit les volontés, tue le courage ; “ce rôdeur d’une race surnaturelle”, n’est-ce pas la folie qui rôde sans cesse autour du lettré, le guette, prête à fondre sur lui pour en faire sa chose, un dément qu’on enfermera vivant dans une cellule qui s’ouvre sur une tombe ? 

977. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Tout ce qui tient à la vertu dérivant d’une autre source, ayant un autre principe que le raisonnement, l’éloquence régnera toujours dans l’empire qu’elle doit posséder.

978. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

. — Cet objet peut rester idéal, être situé par lui-même hors de toutes nos prises ; peu importe ; nous possédons son représentant.

979. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Car le principe : tous les hommes sont égaux, veut dire que les hommes possèdent également la dignité que la raison et la conscience confèrent à la personne humaine ; qu’ils ont droit au même respect, en tant que personnes humaines, et qu’ils ont droit au libre exercice de leur activité, limité seulement par le droit égal des autres activités.

980. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Mais c’est là le contraire de l’entraînement d’un « tempérament », et la vanité, chose toute cérébrale, n’a rien à voir avec l’émotion primesautière de don Juan, quand son regard se croise avec celui d’une femme, qu’il voit désormais seule là où il s’est rencontré avec elle… Ne faisons pas à l’amoureux l’injure de mettre de la vanité dans ce besoin de plaire, de connaître et de posséder, que nous flairons en lui à première vue, odor d’amore.

981. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Il appela ou il accueillit la plus excellente troupe d’artistes comiques que l’Italie possédât alors.

982. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

Ceux-ci, au contraire, y ont laissé des traces bien distinctes ; on possède sur eux un ensemble de renseignements qui permet de se rendre compte des représentations qu’ils donnaient.

983. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Avec celle-ci il est prudent que le critique possède par devers lui une lecture étendue et digérée.

984. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

À cette période de l’histoire, il faudra nécessairement posséder un invincible génie pour n’être pas assimilé43. » À cette époque, l’antinomie entre le groupe et l’individu est à son maximum.

985. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Mais entachées d’un grossier matérialisme, aspirant à l’impossible, c’est-à-dire à fonder l’universel bonheur sur des mesures politiques et économiques, les tentatives « socialistes » de notre temps resteront infécondes, jusqu’à ce qu’elles prennent pour règle le véritable esprit de Jésus, je veux dire l’idéalisme absolu, ce principe que pour posséder la terre il faut y renoncer.

986. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

D’autres fois, ils l’appelaient fou, possédé, samaritain 996, ou cherchaient même à le tuer 997.

987. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

De très bonne heure, ce mystère se fixa en un petit récit sacramentel, que nous possédons sous quatre formes 1080 très analogues entre elles.

988. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Elles n’ont plus la verve d’enfer qui possédait les jolies diablesses de jadis, ni leur folie de gaspillage, ni les élans de cœur ou de sens qui les arrachaient parfois à l’amour vénal.

989. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

On a vu d’autres étrangers, Horace Walpole, l’abbé Galiani, le baron de Besenval, le prince de Ligne, posséder ou jouer l’esprit français à merveille ; mais pour Hamilton, c’est à un degré qui ne permet plus qu’on y distingue autre chose ; il est cet esprit même.

990. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

De la beauté naît l’admiration ; de l’admiration, l’estime, le désir de posséder et l’amour.

991. (1761) Apologie de l’étude

Une seule espèce d’écrivains m’a paru posséder un bonheur sans trouble ; c’est celle des compilateurs et commentateurs, laborieusement occupés à expliquer ce qu’ils n’entendent pas, à louer ce qu’ils ne sentent point, ou ce qui ne mérite pas d’être loué ; qui pour avoir pâli sur l’antiquité, croient participer à sa gloire, et rougissent par modestie des éloges qu’on lui donne.

992. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

L’espèce de chronique qu’Amédée Renée nous entrouvre ne manque donc ni de vif, ni de risqué, ni même de scandaleux ; mais l’historien se possède si parfaitement qu’il est impossible d’indiquer avec plus de sûreté et moins d’insistance à la fois les vices de cette société, dont la corruption très réelle et très foncée ne nous frappe plus parce que le vermillon effronté de la Régence et du règne de Louis XV l’a décolorée par le contraste.

993. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Ainsi que tous les Tartuffes qui possèdent l’esprit de leur vice et la majorité des hommes doublés d’une idée qu’ils ne disent pas, mais qui chatoie dans leur silence comme le jais brille malgré sa noirceur, Stendhal inspire un intérêt dont on ne saurait se défendre.

994. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Ainsi que tous les tartuffes qui possèdent l’esprit de leur vice, et la majorité des hommes doublés d’une idée qu’ils ne disent pas, mais qui chatoie dans leur silence, comme le jais brille malgré sa noirceur, Stendhal inspire un intérêt dont on ne saurait se défendre.

995. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Or, l’une de ces convictions, et même la plus forte, doit être assurément de croire qu’il possède, lui, Maxime du Camp, l’expression plastique, et la couleur, et la technique de l’auteur d’Émaux et Camées, et qu’il joue avec la puissance de son maître avec tout ce style, difficile à manier, d’un Dictionnaire des Arts et Métiers qui fait le beau !

996. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Cette conscience qu’il a de mouvements décidés et exécutés, tous les autres hommes et la plupart sans doute des animaux la possèdent également.

997. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Mais c’est égal, fais comme tu sens, copie comme tu vois, étudie comme tu l’entends, parce qu’un peintre n’est réputé tel que par la grande qualité qu’il possède, quelle qu’elle soit. […] Dans cette production, supérieure aux précédentes par la science et la fermeté du dessin et du pinceau, il est facile de reconnaître que l’artiste avait rassemblé tout ce qu’il possédait de connaissances sur les mœurs et les costumes de l’antiquité grecque, pour traiter convenablement ce sujet. […] Comme, malgré les efforts des artistes italiens et français, il n’y avait encore ni une médaille ni une gravure qui rappelassent fidèlement les traits du héros pacificateur, David lui proposa de venir poser dans son atelier, s’offrant à reproduire cette image que tout le monde désirait connaître et posséder. […] Outre la facilité de composer, comme il fallait encore posséder le talent de faire lestement des croquis, pour présenter des esquisses passables, il se trouva que deux ou trois élèves seulement remplissant à peu près ces conditions, le reste refusa bientôt de se présenter à ce concours. […] David louait quelquefois ces talents accessoires chez ses élèves, il les admirait même, tant il regrettait de ne pas les posséder.

998. (1888) Poètes et romanciers

La plus sainte vertu que possède ton onde, Ce que je viens chercher dans ton sein, c’est l’oubli, Ce doux sommeil par qui s’éveille un autre monde Lorsqu’en ta longue paix on reste enseveli. […] Son sujet le possède, l’exalte, l’enivre, l’emporte sur les hauteurs, sur les cimes de l’idée où il se plaît et dont j’aimerais à le voir de temps en temps redescendre. […] Cet art, personne ne le possède à un degré plus élevé que Béranger. […] L’aliment, la substance de la passion, c’est le temps, et c’est assurément ce que possèdent le moins les gens du monde, que le tourbillon emporte. […] Mais ce n’est plus l’honneur de l’amour vrai, tremblant devant le soupçon d’une vue d’intérêt ; c’est l’honneur d’une conscience de femme qui s’effraye, dans le partage d’un grand amour, d’être seule à posséder la plus grande joie et le seul espoir de sa vie, la vérité religieuse, et de laisser entre elle et l’âme aimée toute la distance de l’infini.

999. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Qu’il soit donc maudit, le maladroit, et qu’il s’en aille au panier de Théodore, avec ce bavard d’Homère, cet insensé de Dante et ce possédé de Michel-Ange. […] Il y a en elle un mystère qui échappe à votre analyse et que peut seule vous révéler l’âme qui possède et subit cette fatalité, tantôt délicieuse, tantôt effroyable. […] tu n’as aucun pouvoir sur moi, cela je le sens ; tu ne me posséderas jamais, cela je le sais : ce que j’ai fait est fait ; je porte en moi un supplice auquel le tien ne peut rien ajouter. […] J’ai tiré mes forces d’où tu as tiré les tiennes, car toi, tu ne les as pas cherchées… tu les possèdes, tu ne crains pas de les perdre… et moi, je ne le crains pas non plus ! […] J’ai appris qu’il exista des prophètes qui possédaient l’empire des âmes… Je le crois… Mais ce qu’ils pouvaient, je le puis aussi !

1000. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Je glisse sur des détails d’ameublement beaucoup trop prolongés, et où madame de Girardin a encore sacrifié à ses faux dieux ; je glisse sur une visite chez la duchesse de G…, de qui M. de la Fresnaye est quelque peu l’amant, et qui possède un salon merveilleux, à la fois dortoir, boudoir, musée, cabinet de lecture, parloir, oratoire et bibliothèque. […] le poëte, c’est l’homme qui a, mieux que nous tous, la rêverie et l’image, le sentiment et l’émotion, la faculté de vibration intime, dont nous possédons tous le germe ; c’est l’homme qui sait faire de son impression individuelle une partie de la nôtre, et qui, placé en face des spectacles extérieurs ou des phénomènes de l’âme, interprète ce que nous voyons par ce qu’il voit, ce que nous ressentons par ce qu’il ressent. […] … L’hypocrite qu’il est nous a tous attrapés Il possédait si bien la langue des affaires, Était si positif, riait tant des chimères, Traitait la poésie avec tant de mépris, Que j’ai cru qu’il serait le meilleur des maris ! […] Charles Reynaud possède au plus haut degré cette qualité qui domine tout en Italie ; elle est sympathique. […] Ce furent d’abord Lepître et Toulan, municipaux, chargés comme les autres de surveiller et de persécuter les royales victimes, et qui, vaincus par tant d’innocence et de douleur, se dévouèrent à leur cause et travaillèrent à leur salut ; ce fut madame Cléry, la femme du valet de chambre qui a mérité que son nom s’unît, dans toutes les mémoires, à celui de la sublime agonie et des suprêmes volontés de son maître ; ce fut ensuite le chevalier de Jarjayes, homme habile, déterminé, qui se mit à la tête du pieux complot, et possédait toutes les qualités nécessaires pour le faire réussir.

1001. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Ce n’est qu’une illusion de détail dans l’ensemble des illusions d’une société où tout est renversé, qui croit que son mal est de savoir trop, s’imaginant posséder en masse la science de quelques têtes d’exception, alors précisément que la masse a perdu le sens des plus élémentaires notions, le sens primitif de l’ordre et le sens de la destination finale. […] — de l’imprésario, de l’acteur et enfin de l’auteur avec, pour double critère de succès, la nature personnelle, les qualités individuelles du geste et de la grimace du comédien, et la connaissance, l’expérience que possède le directeur quant au « goût du public » : le tout fidèlement, scrupuleusement, honteusement accommodé sur commande par celui qui est devenu le valet de tout le monde, le Poëte ! […] Les yeux à demi ouverts, mal éveillé de son cauchemar, il ne possède pas, il ne tient pas ; mais il désire, il désire, il désire, ô mon Dieu, comme jamais le monde n’a désiré… » — Certes ! […] Sa gloire est, « dans un temps où le vers ne servait plus qu’à peindre l’aspect extérieur des êtres et des choses, d’être parvenu à exprimer l’inexprimable, grâce à une langue musculeuse et charnue qui, plus que toute autre, possédait cette merveilleuse puissance de fixer avec une étrange santé d’expressions, les états morbides les plus fuyants, les plus troublés des esprits épuisés et des âmes tristes64 ». — Il a, lui, consacré la triste vigile à ouvrir des chemins secrets dans les abîmes de l’âme. […] Je sais tout ce qu’on peut dire contre cette tentative d’écrire dans un idiome qu’on possède seul et qu’il faut que le lecteur apprenne pour bien l’entendre, et je sais que tout ce qu’on peut dire ne fait, selon le mot de Molière, que blanchir devant ce jugement qu’il faut que toute sincérité éclairée porte sur cette tentative : cela est beau.

1002. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Il est clair qu’un artiste doit être possédé d’abord de l’amour de son art, et cet amour, distinct de celui de la gloire, est évidemment bien plus nécessaire, puisqu’on peut devenir glorieux en aimant son art sans aimer la gloire, tandis qu’il est impossible d’être un grand artiste, quelque passion qu’on ait de la gloire, si l’on n’a pour son art que de l’indifférence. […] Il faut que l’idée divine qui inspire l’artiste soit assez puissante pour posséder son âme tout entière et lui faire oublier, au moins par instants, sa personnalité. […] » Cette vertu morale, la religion chrétienne, tout affaiblie qu’elle est, toute dégénérée, continue si bien à la posséder seule qu’elle semble devoir la garder indéfiniment. […] Créature supérieurement douée, il possède en naissant le germe des talents les plus divers : lequel développera-t-il par excellence ? […] Car la France possède assez de critiques brillants, et l’Allemagne assez de philosophes nuageux.

1003. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Elle possède les notes du grand ouvrage détruit ; elle passera sa vie, s’il le faut, à le reconstituer. […] Ses propres créations l’obsèdent, le possèdent, lui apparaissent merveilleuses et démesurées, lui arrachent des cris d’enthousiasme. […] Son ancien amour, après dix-neuf ans, la possède comme au premier jour. […] dit-elle, si tu t’en vas, il va falloir vendre notre maison, dont tu possèdes la moitié. […] Possédé lui-même, il veut posséder, lui aussi.

1004. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Vous avez été trois ans absent sans vous inquiéter de moi, sans m’écrire ; vous voulez me posséder sur l’heure, à la minute et ne plus vous passer de ma vue. […] J’irai plus loin : tout artiste à la longue, tout grand artiste est hypocrite, comédien, en ce sens qu’il se domine et se possède en se livrant ; et aussi en cet autre sens qu’il juge et connaît par les deux bouts cette humanité qu’il charme. […] Dubois me dit : « Maintenant vous savez écrire, et vous possédez votre instrument. » C’est vers ce temps-là (le 8 juillet 1826) que je rendis compte du Cinq-Mars de M. de Vigny, dont le côté historique si faux m’avait choqué, bien que je n’eusse point méconnu le talent de quelques scènes romanesques ; mais je ne m’y étais pas laissé séduire. […] D. : — Un homme qui, depuis cinquante ans, professe, disserte, expose, rapporte à satiété, inonde toutes les chaires et les tribunes, colporte dès le matin ses répétitions de lectures à domicile ; toujours affairé, toujours ruisselant, ou du moins exsudant en tout temps, en toute saison, une légère moiteur oratoire ; également prêt sur tout sujet, un robinet toujours ouvert, usé, sempiternel et monotone ; coulant et collant ; d’une opiniâtre fadeur, soit qu’il approuve et qu’il loue, soit qu’il regimbe et se lamente ; qui parle de tout, se raccroche à tout, généralise et banalise à propos de tout sans savoir une seule chose vraiment bien et la posséder à fond ; — sans poids réel, sans autorité de ton ou de figure ; une mine de vieux, jeune homme à longs cheveux gris, un vieux cadet qui n’a jamais été un maître. — “Est-il possible, me disait un jour M. 

1005. (1933) De mon temps…

La « yole » n’était pas à l’eau, mais Mallarmé possédait une charrette légère à laquelle on attelait un poney que conduisait habituellement la charmante MIle Geneviève Mallarmé. […] Il était capable de forger une lame, de la tremper, de la damasquiner, de l’emmancher, et je possède, en sa gaine de cuir, une fort bonne dague dont il m’avait fait présent, sortie de son atelier et en portant le poinçon. […] Quand elles devenaient trop obsédantes, il se retirait chez sa sœur qui possédait une propriété dans le Bordelais, puis il regagnait le petit appartement qu’il occupait place Laborde et qu’il partageait avec son inséparable Curnonsky. […] Les arbres du Nohant de George Sand sont aussi une verdure académique, mais l’Institut possède encore un autre jardin, celui-là plus humble et qui, pour moins grandiose et moins champêtre, ne laisse pas d’être agréablement pittoresque.

1006. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Et c’est pourquoi il décernait la suprématie à la poésie anglaise, fort belle sans doute, mais que la nôtre égale pour qui la possède à fond. […] Lui aussi, comme les philosophes du dix-huitième, il possédait cette culture et ce talent de haute vulgarisation. […] Il s’en faut qu’un Michelet possède l’intelligence critique, philosophique et scientifique d’un Taine. […] Paul Bourget possédait alors toutes les qualités requises pour être le grand critique de notre époque. […] Daniel Mornet26 possède aussi de bonnes qualités.

1007. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

« La femme a été créée pour appartenir à un maître qu’elle possède », a dit un spirituel écrivain91. […] « Mais par cela même que ces disproportions inévitables sont consacrées, protégées par la loi, ceux qui possèdent tant de biens en doivent moralement compte à ceux qui ne possèdent que probité, résignation, courage et ardeur au travail. […] Il y a aussi ce précepte de charité évangélique que le riche doit moralement compte des biens qu’il possède à ceux qui ne possèdent point. […] Mais irriter le pauvre contre le riche ; lui montrer dans le riche, dans celui qui possède la terre, dans l’homme quel qu’il soit qui habite en face de sa mansarde l’hôtel somptueux, à côté de sa cabane le château opulent, son ennemi, son oppresseur, son bourreau, quel nom donner à une telle entreprise ? […] On peint la société comme divisée en deux camps : d’un côté, ceux qui possèdent ; de l’autre, ceux qui ne possèdent pas.

1008. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Je ne vois, d’après mes souvenirs, qu’un talent que Ferry possédât et que Gambetta n’avait pas. […] Il y avait autrefois des hommes qui possédaient la science intégrale. […] Il l’a cherchée dans un manuscrit encore inédit, parfaitement authentique, portant la signature de Chateaubriand au bas de chaque page, et que possède M.  […] Pourquoi n’a-t-il pas dit qu’elle n’y était pas et profité de cette occasion pour s’expliquer sur la manière dont, lui, il la possédait ? […] C’est ce que, même si nous possédions à fond la psychologie du peuple allemand, nous ne saurions pas encore ; et par conséquent, c’est sur quoi il ne faut rien dire.

1009. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Nous possédons tous les proverbes désirables à l’appui de la diffamation. […] La certitude enfin possédée me procurait un calme singulier, au point que je me souviens d’avoir pu causer une minute avec le valet de pied qui m’introduisait et qui avait un enfant malade. […] Si timide jusqu’alors, il était devenu plus rouge qu’elle, à voir ses pieds blancs ; et une flamme le poussait, il aurait voulu crier la passion qui l’avait possédé tout entier dès le premier jour, dans le débordement de sa jeunesse. […] Depuis longtemps, il sentait bien qu’il possédait une ombre. […] Ce qu’il y a de singulier dans l’histoire des nombreux Louis XVII, c’est que tous possédaient les mêmes secrets, qu’ils faisaient constater leur identité par les mêmes moyens, voulaient embrasser la duchesse d’Angoulême en l’appelant : « Ma sœur ! 

1010. (1923) Au service de la déesse

Les Conjectures prouvent assez qu’il possédait, mieux qu’un lettré ordinaire, les grands et les petits auteurs de l’antiquité. […] Je jeune deux fois par semaine ; je donne la dîme de tout ce que je possède… » Jésus se moque de ce Pharisien, dont l’orgueil est ridicule. […] Il possédait, fruit de son travail, de petites économies et revint chez nous, mené par le grand désir d’apprendre : et d’apprendre quoi ? […] Nul ne possède plus la dialectique ni la grammaire. […] Ainsi, vous les respecterez ; en récompense, ils vous donneront tout ce qu’ils possèdent, qui est tout l’objet, qui est toute l’idée, non seulement une apparence, mais une vivante réalité.

1011. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Si nous nous demandons maintenant ce qui caractérise Renan parmi les grands écrivains et les grands penseurs, on trouvera que sa supériorité réside dans le don particulier qu’il a possédé de comprendre l’histoire et la nature dans leur variété infinie. […] Il en possédait toutes les parties tellement présentes à son esprit que la dernière copie fut écrite par lui sans brouillon sous les yeux et presque sans rature. […] Il est trop modeste pour s’imaginer qu’il possède le remède, mais il croit fermement que la science le découvrira. […] Elle avait le privilège de posséder deux de ces hommes exceptionnels dont le cerveau encyclopédique embrasse toute la science d’une époque, en exprime toutes les tendances intellectuelles et morales et domine d’assez haut la nature et l’histoire pour s’élever à une conception personnelle de l’univers. […] Nous avons la chance heureuse de posséder des confidences de cette nature laissées par l’écrivain le plus original de notre siècle, par celui dont l’œuvre porte le plus fortement l’empreinte de sa sensibilité personnelle, par Michelet.

1012. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Le pauvre peut-il connaître aujourd’hui, si ce n’est par hasard, tel ou tel chef-d’œuvre d’art que possèdent les riches amateurs ? […] Si les Grecs firent jadis la guerre pour Hélène, ils ont failli se battre encore aujourd’hui, d’une bourgade à l’autre, au sujet de l’Hermès de Praxitèle, que plusieurs petites villes voulaient posséder à la fois. […] Les Grecs, on le sait, ne possédaient pas de mots précis pour désigner une foule de teintes ; sans tomber à ce sujet dans les paradoxes de certains physiologistes comme H.  […] Mais un grand nombre des machines de l’industrie possèdent déjà au plus haut degré une beauté poétique, parfois une véritable sublimité, qui tient précisément à ce que leur reproche M.  […] Dès qu’il possède ses douze temps divisés par deux temps forts, le vers moderne est organisé.

1013. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Walt Whitman5 Les États-Unis d’Amérique ne possèdent plus désormais que deux poètes ; encore ne les possèdent-ils qu’en partage avec la France, car ces deux poètes sont M.  […] Le collège de Brasenose possédait un groupe en bronze, Caïn et Abel, qui était une œuvre authentique de Jean de Bologne. […] Il faut que l’humanité arrive à comprendre que ce n’est point de savoir ni de posséder qui peut la rendre heureuse, mais bien de ne désirer que ce qu’on peut atteindre sans mécontenter son voisin. […] Van Nouhuys, l’auteur du Poisson Rouge, et Mme de Vissenkerke, l’auteur du Lotus : car les Hollandais possèdent aussi un théâtre national. […] Car l’Italie possède, en réalité, un « centre littéraire » ; ou plutôt elle en possède deux, dans la même ville, et c’est encore M. 

1014. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

L’imagination le possède par-dessus tout. […] XV M. de Vigny, cependant, ébranlé par les secousses de la révolution qui vient d’éclater, à son insu possédé par la haine féodale contre ceux qui viennent d’expulser son roi et dont il est heureux de se venger, prend en main la cause de ce coupable et malheureux Chatterton, le compose comme la cause d’un poète et d’un homme incompris, et en fait un dangereux chef-d’œuvre, un manifeste socialiste touchant, contre le sens commun et contre la société de droit et de devoir commun aussi. […] La secte de vos quakers est déjà une exception dans la chrétienté, et vous êtes vous-même une exception parmi les quakers. — Vous avez partagé tous vos biens entre vos neveux ; vous ne possédez plus rien qu’une chétive subsistance, et vous achevez votre vie dans l’immobilité et la méditation. — Cela vous convient, je le veux ; mais ce que je ne veux pas, c’est que, dans ma maison, vous veniez, en public, autoriser mes inférieurs à l’insolence.

1015. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Et mets-toi bien dans l’esprit qu’il existe, parmi nous, plus de mille criminels dont le crime est que leur père ou quelqu’un des leurs possède des vaches tachetées… ou pas tachetées, car on ne sait pas. […] Elle ne possédait point l’argent nécessaire à cette expédition coûteuse ; elle fut donc obligée de prier le ministre de l’Intérieur de lui permettre d’accompagner le transport d’exilés ; ce qui lui fut accordé. […] … S’il n’y avait que du mensonge, je ne serais pas si triste… Que m’importe le mensonge, après tout, puisqu’il m’est donné de posséder en moi-même, ou, du moins, de reconstruire en moi la vérité ? […] Par surcroît, et pour bien attester l’ignominie de mon crime, je serai dépouillé, en cette libre Belgique, des droits civils que je n’ai point, ainsi que des droits électoraux que je n’ai pas davantage et qu’il m’a toujours répugné, électeur méfiant et modeste souverain, d’exercer en France, où je les possède encore dans leur intégrité. […] Ce bon camarade, mort aujourd’hui, n’était pas très riche… tranchons le mot, il était très pauvre, si pauvre qu’il ne possédait même pas d’habit… non qu’il fût obligé de figurer dans le monde — on ne demandait pas tant à un informateur mondain — mais quand il se rendait à l’office de certaines duchesses ou aux écuries de certains barons, il ne voulait pas se montrer inférieur à la livrée.

1016. (1925) Comment on devient écrivain

D’autres ont non seulement la production facile, mais possèdent surtout l’art de la faire valoir. […] Crébillon père possédait aussi ce don merveilleux. […] Autant l’érudition allemande, est inorganique, autant l’érudition française possède le sens de la réalité et le souci de la couleur. […] Nous n’avons pas eu, depuis Sainte-Beuve, un critique qui ait possédé à ce suprême degré l’esprit d’assimilation et de filtration. […] Je ne possédais sur la marine du Brésil aucun renseignement.

1017. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Milton fournit à M. de Chateaubriand l’occasion de coudre à de nombreux fragments de ses Mémoires plusieurs pensées qui ont déjà figuré dans les Quatre Stuarts et qui possèdent tous les genres de mérite, hormis le mérite littéraire. […] L’admission au sein de l’Académie française d’un savant qui posséderait, avec la science, le talent d’un grand écrivain, pourrait alors s’appeler un acte de sagesse ; car la langue de la science peut rendre à la langue poétique d’importants services. […] Guizot, esprit éminent, n’est ni orateur ni écrivain, et ne possède pas même les éléments de l’éloquence ou du style. […] Le dialogue de Shakespeare ne possède assurément pas l’évidente unité du dialogue de Sophocle. […] Il a pris au sérieux son apothéose ; il possède désormais l’omniscience intuitive, et s’il n’est pas encore parvenu à ébranler l’Olympe en fronçant le sourcil, du moins il lui suffit de vouloir pour éclairer, en se jouant, les questions les plus obscures ; et même à parler nettement, il n’y a pas pour lui de véritable question.

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