Il éprouve des regrets de sa piété perdue, des désirs de retour à la foi. […] Ayant perdu la foi religieuse, il n’avait pas tardé à sentir le vide de son absence. […] Aux gens d’esprit, c’est peine perdue de conter leurs défauts. […] Il affecte de n’avoir jamais eu qu’un ami qu’il a perdu, et cet ami qu’était-il ? […] Je me perds dans ces mystères terribles !
Car lorsque le naïf grand homme s’épuisait dans la recherche de ces combinaisons scéniques où il a fini par se perdre, il n’inventait pas du tout, comme le croit M. […] La tradition de ces plaisanteries ecclésiastiques sur une matière toujours délicate ne s’est point perdue parmi nous ; et, sinon dans le livre de l’abbé Fuzet, du moins dans celui de M. […] Mais on ne me persuadera pas aisément que, sous la forme que je viens de dire, le problème ait rien perdu de son intérêt et de sa gravité. […] Ôtez, par exemple, toute l’histoire de Scipion : vous y perdrez sans doute, vous lecteur, plus d’une page très divertissante, mais je crains qu’en vérité Gil Blas n’y perdît rien, ou même qu’il y gagnât peut-être. […] Tout ce que l’on peut dire de l’hôtel de Rambouillet, c’est que la nature, en dépit des beaux sentiments, n’y perdait pas ses droits.
Depuis l’apparition de son premier volume, M. de Montesquiou a perdu toute existence réelle, et sa gloire mondaine persiste seule pour ceux qui se soucient de cet ordre de faits sociaux. […] La femme, malgré toute science, est retombée à sa misère initiale, au geste de petite fille qui ne sait ; l’effort est rompu et perdu en elle. […] Elle se perdit à suivre les méandres des broderies. […] Puis, c’est le petit drame des enfants perdus parmi la forêt sous l’orage et la description de l’aube de leur voyage, et leurs invocations et leurs prières. […] Les Lamartiniens se perdent en des extases catholiques platement versifiées ; Barbier s’impose, rude et classique de ton, semblable à un Marie-Joseph de Chénier plus inspiré et doué du métier élargi des romantiques.
Provost y a perdu son latin et Barré de même. […] Il peut à sa fantaisie précipiter son débit ; on ne perd pas une syllabe. […] La musique s’en est perdue. […] Le rôle n’y perd-il pas de l’intérêt qu’il doit inspirer ? […] Il serait vraiment dommage qu’il fût perdu pour les spectateurs.
Il faut pour cela une volonté ferme et constante, une attention soutenue, une réflexion laborieuse : mais, par le temps et l’habitude, l’effort disparaît ; les idées restent dans l’esprit vivantes, actives, efficaces et fécondes ; rien ne s’y perd, tout y germe.
Condillac s’écrie : « Les métaphysiciens mes devanciers se sont perdus dans les mondes chimériques, moi seul j’ai trouvé le vrai ; ma science est de la plus grande utilité.
Mais à part ce mérite, partagé par tant de savants d’alors, de déterreurs d’une société finie et de langues mortes, quoi donc pourrait recommander, à l’attention et même à la curiosité, l’existence imperceptiblement domestique ou publique d’hommes perdus dans des études effrayantes sur des vocables latins ou grecs, et dont les travaux, utiles comme le mortier et les pierres qui ont servi à bâtir un monument, ne sont pas plus regardés que ce mortier et ces pierres, quand le monument est debout ?
Il y a trois siècles environ (c’est un fait), l’esprit humain, dans notre Occident, la pensée humaine, en se dégageant des débris et de la décadence du moyen âge finissant, en brisant les liens de la scolastique et d’une autorité pédantesque à bout de voie, s’est enhardie, et en même temps que d’un côté on affirmait la figure véritable de la terre et qu’on découvrait un nouveau monde, en même temps que de l’autre on perçait les sphères étoilées et qu’on affirmait le véritable système planétaire, en même temps on regardait, on lisait d’un bout à l’autre les livres dits sacrés, on traduisait les textes, on les discutait, on les jugeait, on commençait à les critiquer ; on choisissait ce qui semblait le plus conforme à la religion qu’on n’avait point perdue, et à la raison qui s’émancipait déjà. […] Milton, dans son Paradis perdu, nous représente les anges déchus, dont Satan est le chef, les Esprits rebelles et précipités dans l’abîme, qui se livrent encore dans leurs tristes loisirs à leurs anciens goûts favoris ; et quelques-uns d’entre eux et des plus distingués, dit le poète, « assis à l’écart sur une colline solitaire, s’entretiennent en discours infinis de pensées élevées et subtiles, ils raisonnent à perte de vue de providence, prescience, volonté et destin : destin fixé, volonté libre, prescience absolue, et ils ne trouvent point d’issue, ajoute le poëte, perdus qu’ils sont dans ces tortueux dédales. » N’imitons pas ces anges sublimes et déchus. […] Cette école essaye aujourd’hui, un peu tard et après coup, par quelques-uns de ses disciples les plus distingués, de réparer le temps perdu et de se mettre tant bien que mal au courant.
C’est ainsi que la douce femme perdit son époux. » Ce court récit de Wolfram est conforme à la version française septentrionale. […] Le jour baisse, des portes se ferment avec un bruit qui se perd peu à peu sous les voûtes. […] Quand le second groupe se précipite à son tour, la tête de Parsifal est comme perdue au milieu d’une mer de fleurs mouvantes. […] Pour la dernière fois, nous arrivons dans le temple de Gral, où tout semble dans la mimique rempli de trouble et désorganisé : ce n’est plus une vision que nous avons devant nos yeux, mais une action dramatique violente, qui se passe sur le devant de la scène, tandis qu’au premier acte tout se perdait dans le lointain.
Le jour où il lit comme un bourgeois, il me semble prêt à perdre sa puissance créatrice. […] Elle lui déclarait qu’il n’y avait plus rien à faire dans son état : l’amour dans les basses classes ayant, depuis quelque temps, perdu de son enragement. […] Mes pensées me font alors l’effet, dans une rivière débordée, de ces petits riens brillants, entraînés au fil du courant, et qui font le plongeon, et qui reparaissent, et qui se divisent et se perdent dans le torrentueux de l’eau. […] * * * — Moi, ma charogne m’est indifférente, et il m’importe peu de pourrir, mais si j’aimais une femme, et que je vinsse à la perdre, il me semble que cette dissolution humoreuse serait un tourment pour ma pensée et mon souvenir.
Le jeune bourgeois n’a pas changé pour avoir perdu Louis-Philippe. […] Il fallait qu’il dégustât, goutte par goutte, le regret et l’angoisse du spectacle de sa gloire perdue ; il fallait qu’il revînt, chaque soir, boire à cet affreux calice ; car il est des supplices qui tuent et qu’on aime. […] … Qui pique une tête en ces bas-fonds y perd la sienne. Il me serait impossible, s’il l’y perdait, de ne pas regretter la noble tête de M.
La vision d’une mécanique qui fonctionnerait à l’intérieur de la personne est chose qui perce à travers une foule d’effets amusants ; mais c’est le plus souvent une vision fuyante, qui se perd tout de suite dans le rire qu’elle provoque. […] On pourrait dire que les cérémonies sont au corps social ce que le vêtement est au corps individuel : elles doivent leur gravité à ce qu’elles s’identifient pour nous avec l’objet sérieux auquel l’usage les attache, elles perdent cette gravité dès que notre imagination les en isole. […] Peu à peu on perdait de vue qu’on eût affaire à des hommes en chair et en os. […] Quelle est donc la pression, quelle est l’étrange poussée qui fait glisser ainsi le comique d’image en image, de plus en plus loin du point d’origine, jusqu’à ce qu’il se fractionne et se perde en analogies infiniment lointaines ?
Boissonade, qu’on a perdu en 1857 à l’âge de 83 ans, ce doyen des hellénistes français, n’était pas seulement un savant des plus distingués, un esprit sagace et fin : c’était un caractère original. […] Cette traduction, joli péché du Directoire, est restée inédite, et s’est par malheur perdue. […] c’est trop fort, respectable serait assez. » Et il me raconta alors des particularités singulières, telles qu’on ne les savait bien que dans la famille des Débats, sur cet homme original, timide, fier, ennemi de tout joug, même conjugal, amoureux avant tout de sa liberté, jaloux de la reprendre au moment de la perdre, et qu’une circonstance fatale de jeunesse avait dû rendre plus réservé encore et plus retiré.
Bayle, célibataire et sans enfants, n’avait laissé après lui qu’un neveu qui ne lui ressemblait en rien, libertin, dévot et même affilié aux Jésuites : si, par hasard, ce neveu avait eu aussi bien liaison avec des Jansénistes, c’en était fait du Bayle posthume, tous les papiers étaient perdus. […] Il y a mieux : Bayle, qui avait la vogue, fut compris lui-même dans le négoce ; on en trafiqua ; un agioteur, nommé La Grange, qui avait beaucoup gagné au Mississippi et qui sentait que son papier allait perdre, se dépêcha de le troquer contre un papier meilleur, et, dans cette vue, il acheta au libraire Prosper Marchand, retiré à La Haye, ou à ses successeurs, et fit venir de Hollande tous les exemplaires de cette quatrième édition du Dictionnaire de Bayle en grand papier et la plus grande partie de ceux du petit. […] Le reste, comme disait Bayle lui-même, était destiné à s’aller perdre à la voirie des bibliothèques, nous dirions plus poliment a la fosse commune.
Elle avait été un ange de piété filiale pour son père qu’elle perdit en 1817. […] Tous les biens se perdent et s’évanouissent : ce but seul est immuable. […] Il nous rend tout ce que nous avons cru volé ou perdu.
Béranger ne perdit cette modique place qu’en 1821. […] Mainte fois regardant passer dans la rue Desaugiers qu’il connaissait de vue sans être connu de lui, il avait murmuré tout bas : « Va, j’en ferais aussi bien que toi, des chansons, si je voulais, n’étaient mes poëmes. » Lorsqu’il eut fait pourtant les Gueux, les Infidélités de Lisette, ces petits chefs-d’œuvre de rhythme et de verve qui datent des dernières années de l’Empire, les poëmes durent perdre de leur sel pour lui et les refrains redoubler de piquant et d’attrait. […] Il pousse même la rancune contre ce pauvre latin qu’il n’entend pas, et que parlait son ancêtre Horace, jusqu’à reprocher avec assez d’irrévérence à notre langue, à notre poésie, d’avoir été élevée et d’avoir grandi dans le latin : témoin Malherbe et Boileau qui l’ont coup sur coup disciplinée en ce sens, il ajoute méchamment que cet honnête latin a tout perdu ; que, sans les lisières de ce mentor, il nous resterait bien d’autres allures, plus libres et cadencées : Courier, en son style d’Amyot, ne marquerait pas mieux ses préférences.
A défaut de chants héroïques perdus, on a plusieurs vieilles chansons familières, piquantes ou touchantes, et demeurées populaires à travers les âges. […] … Dans une pièce de vers qui obtint, il y a peu d’années, le prix à l’académie de Lausanne, je trouve ces beaux traits de nature ; il s’agit d’un voyageur : Il voit de là les monts neigeux Et les hauts vallons nuageux : Puis il entend les cornemuses Des chevriers libres et fiers, Perdus dans la pâleur des airs Par-dessus les plaines confuses ; et cette autre gracieuse peinture des ébats auxquels se plaisent les nains et les sylphes de la montagne : Sur les bords de l’eau claire, à l’ombre des mélèzes. […] Les articles sur M. de La Rochefoucauld, sur le Paradis perdu de M. de Chateaubriand, sur Arthur, etc., etc. ; les principaux ont été recueillis depuis sous le titre d’Essais de Philosophie morale (Paris, 1837, in-8°).
Je n’aperçois que trop tous les jours de quoi je redeviendrois capable, si je perdois un moment de vue la grande règle, ou même si je regardois avec la moindre complaisance certaines images qui ne se présentent que trop souvent à mon esprit, et qui n’auroient encore que trop de force pour me séduire, quoiqu’elles soient à demi effacées. […] Tandis que, dans ses romans postérieurs, il se perd en des espaces de lieu considérables et se prend à des personnages d’outre-mer, qu’il affuble de caractères hybrides et dont la vraisemblance, contestable dès lors, ne supporte pas un coup d’œil aujourd’hui, dans ces Mémoires au contraire il nous retrace en perfection, et sans y songer, les manières et les sentiments de la bonne société vers la fin du règne de Louis XIV. […] Énumérant les amis distingués que s’était faits l’excellent Mussard : « A leur tête, dit-il, je mets l’abbé Prévost, homme très-aimable et très-simple, dont le cœur vivifiait ses écrits dignes de l’immortalité, et qui n’avait rien dans la société du coloris qu’il donnait à ses ouvrages. » Il est permis de croire que l’abbé Prévost avait eu autrefois ce coloris de conversation, mais qu’il l’avait un peu perdu en vieillissant.
Voilà ce qui arrive toujours aux gens douillets ; ils sont comme les menteurs : à force d’avoir abusé de la crédulité des autres, ils perdent le droit d’être crus quand ils devraient réellement l’être. […] Tandis que ce grand intérêt occupait toute la Cour, M. d’Aumont ne perdait pas de vue ses prétentions et le désir d’étendre et d’augmenter ses droits de gentilhomme de la chambre. […] d’Aumont ne restait pas court aux expressions de douleur et de regret de M. de Bouillon ; il enchérissait encore en assurance de dévouement, et, à l’offre que faisait l’autre de ses chers bras, il marquait peu d’étonnement, et disait, avec un verbiage emphatique et que j’aurais peine à rendre, que si au lieu d’une vie il en avait quatre, il les perdrait pour racheter celle du roi avec une satisfaction et un bonheur inimaginables, quoiqu’il priât d’observer qu’il était fort heureux dans ce monde.
Un jour, à l’Académie, Gresset, dans un discours, en osa lâcher cinq ou six359 : il s’agissait, je crois, de voitures et de coiffures ; des murmures éclatèrent ; pendant sa longue retraite, il était devenu provincial et avait perdu le ton Par degrés, on en vient à ne plus composer le discours que « d’expressions générales ». […] L’écrivain perd le droit de mettre en tête et en vedette l’objet ou le trait qui le frappe le plus vivement et d’abord : le cadre est fait, les places sont désignées d’avance. […] Chez lui la forme est plus belle que le fonds n’est riche, et l’impression originale, qui est la source vive, perd, dans les canaux réguliers où on l’enferme, sa force, sa profondeur et ses bouillonnements.
En dernier lieu, considérez un amputé qui, ayant perdu la jambe, se plaint de fourmillements dans l’orteil. […] De cette façon, les sensations perdent tout à fait ou en partie le contrôle qu’elles exercent à l’état normal. — En langage physiologique, l’équilibre qui règne pendant la veille, entre les nerfs et les centres sensitifs d’un côté et les hémisphères de l’autre, est rompu au profit des hémisphères ; ils fonctionnent seuls et d’une façon prépondérante. […] Une dame vient de perdre son mari, s’afflige beaucoup, et, comme elle croit à l’immortalité de l’âme, elle s’occupe sans cesse de son mari comme d’une personne encore existante11.
Aussi bien n’importe-t-il guère, et l’auteur à chaque moment oublie, suspend et nous fait perdre de vue sa fiction. […] En bon bourgeois aussi, le collaborateur indigne de Guillaume de Lorris méprise les femmes : et de ce mépris brutal et profond naît pour lui l’impossibilité de comprendre l’amour courtois : comment peut-on perdre temps en propos ingénieux, en grimaces dévotes, avec cet être fragile, vicieux, bavard, menteur, et qui ne sert pour un prud’homme qu’à tenir le ménage et donner des enfants ? […] Ce bourgeois rangé, prudent, pieux, en veut aux mendiants de leur vie quémandeuse et fainéante, de leurs richesses acquises sans travail ; il leur eu veut de se substituer aux séculiers, de prêcher, de confesser et d’absoudre dans les paroisses, au nez des curés désertés et affamés ; et ses rancunes d’écolier irritant ses haines de bourgeois, il leur en veut de leur intrusion dans les chaires de l’Université, de la défaite et de l’exil de Guillaume de Saint-Amour ; il prend à celui-ci, qui peut-être avait été son maître, des chapitres entiers, notamment du livre des Périls des derniers temps, et les tourne en vers français à la confusion de l’ordre de Saint-Dominique et de tous ces nouveaux frères dont l’oisiveté et l’hypocrisie menacent de perdre la Sainte Église.
L’invention se perd dans la diffusion et le bavardage. […] Mais quand on reprend le texte, quand on le lit dans sa plate pauvreté, ou se rappelle que ce débat est un lieu commun des serinons du moyen âge déjà exploité du reste au théâtre, et l’invention de Gréban perd de son prix, par l’insuffisance de l’exécution. […] Un boiteux et un aveugle, qui craignent de perdre avec leurs infirmités leur gagne-pain, fuient les reliques du saint dont on annonce les miraculeux effets.
Nous apprenons ainsi (je vous fais grâce de ses ascendants) qu’il était né à onze mois, fut mis en nourrice au village, apprit le latin avant le français, était éveillé en son enfance au son des instruments, reçut les verges deux fois, joua des comédies latines au collège de Guyenne ; qu’il était de taille au-dessus de la moyenne, assez peu porté aux exercices du corps et à tous les jeux qui demandent de l’application physique, qu’il avait la voix haute et forte, un bon estomac, de bonnes dents, dont il perdit une passé cinquante ans, qu’il aimait le poisson, les viandes salées, le rôti peu cuit, le vin rouge ou blanc indifféremment, et trempé d’eau ; qu’il était sujet au mal de mer, et ne pouvait aller ni en voiture, ni en litière sans être malade, mais en revanche faisait de longues traites à cheval, même en pleine crise de coliques néphrétiques ; qu’il ne prenait pas de remèdes, sauf des eaux minérales, et qu’il gémissait sans brailler, quand la gravelle le tenait. […] Il perdit deux ou trois enfants au berceau avant la première édition des Essais. […] Sachons perdre femme et enfants sans affliction tyrannique : se détacher, c’est s’affranchir.
Il reste, et il veut plaire : il s’évertue gauchement, lourdement, sans aisance, comme ses contemporains l’ont remarqué ; il a la mauvaise grâce d’un homme fier, qui fait effort pour plaire et manifeste si sensiblement son intime humiliation qu’il en perd tout le bénéfice. […] Il se perdit faute de se résoudre à confesser simplement, devant trois amis, une erreur. […] Nommé archevêque de Cambrai grâce au silence des commissaires d’Issy sur ses doctrines, qu’il paraissait avoir rétractées, sacré par Bossuet, le souple abbé, devenu prélat et prince de l’empire, se redresse ; il travaille à regagner le terrain perdu, à rattraper ses désaveux : dans ses lettres, il incrimine Bossuet, il se montre persécuté, offensé par lui ; et, le gagnant de vitesse, il fait paraître son Explication des Maximes des Saints avant les États d’Oraison.
Ferdinand Fabre 103 Voici un solitaire dans la littérature d’aujourd’hui, un homme qui n’est pas de Paris, qui vient d’un pays perdu, un montagnard robuste et sérieux, un sauvage à l’imagination puissante qui ne raconte pas les histoires de tout le monde, qui écrit avec labeur et conviction des livres drus, imparfaits et beaux, et d’une saveur si forte que peu de personnes les goûtent du premier coup. […] Eût-il perdu la foi (ce qui, je crois, vaudrait mieux pour son dessein), il faudrait que le romancier des mœurs cléricales eût conservé le don de s’attendrir au souvenir de ses années d’enfance et de jeunesse, de sentir en quoi les pratiques et les croyances qu’il a quittées peuvent être bonnes et douces aux âmes. […] Partout où il a été curé, il s’est lancé dans de telles entreprises, écoles, hospices, orphelinats, que tout le bien de sa mère y a passé, et il s’est mis dans de tels embarras d’argent que son évêque, après l’avoir quelque temps suspendu de ses fonctions, l’a relégué à Saint-Xist, un village perdu dans la montagne.
Selon lui, si le chrétien était immédiatement justifié par la foi, il ne l’était pas irrévocablement, et il pouvait perdre par sa faute son salut, quoiqu’il ne pût l’acquérir par ses seuls mérites. […] Dans le système de Luther, la justification pouvait se perdre par les fautes, et se recouvrer par la pénitence. […] Il lui a donné la méthode ; il l’a forcé d’apprendre ce qu’il avait oublié de retrouver ce qu’il avait perdu, de rentrer dans ces voies si connues des Pères, par lesquelles ils s’insinuaient si avant dans les cœurs.
.** le fin mot des choses, que le problème ne sera pas plus près de sa solution qu’il ne l’était auparavant, que tout cela est aussi insignifiant que quand on se demandait à Rome si ce serait Didius Julien ou Flavius Suplicianus qui l’emporterait à l’enchère, et que les sept cent cinquante personnes intelligentes qui sont là attentives autour de cette arène, saisissant avidement toutes les péripéties du combat, perdent leur temps et leur peine. […] Ce peuple semblait résigné à la mort, il avait perdu toute conscience et ne comptait plus comme individualité dans le monde, quand un groupe incomparable de génies, Gœthe, Schiller, Kant, Beethoven sont venus le révéler à lui-même. […] De là vient un fait caractéristique, la couleur savante, poétique, littéraire de ce mouvement, depuis Arndt, Kleist, Sand, jusqu’à cette assemblée de docteurs, dont la maladresse et la gaucherie ont pu faire sourire l’Europe et compromettre, mais non perdre, une idée désormais fondée.
Dans le passage du xviie siècle au xviiie , la foi aux dogmes du christianisme s’est singulièrement attiédie et la morale chrétienne a en même temps perdu beaucoup de son empire sur les âmes. […] Alzire résiste,, il est vrai, mais elle veut se tuer pour se dérober à celui qui est devenu son époux et son maître, pour rejoindre au moins dans la tombe l’amant qu’elle a perdu. […] Ecoutez Rousseau parler de La nouvelle Héloïse A l’entendre, la jeune fille « qui, malgré ce titre, en osera lire une seule page, est une fille perdue ; mais qu’elle n’impute pas sa perte à ce livre ; le mal était fait d’avance116. » Il paraît ainsi accepter, provoquer même la sévérité des magistrats de Genève qui défendirent aux cabinets de lecture de faire circuler un ouvrage pernicieux pour la jeunesse.
Il n’y a, en réalité, pas de femme, comme on va le voir, dans le cas du vicomte Jean de Thommeray ; par conséquent, point de circonstance attenuante : sa cause est perdue. […] Le mari perdu ressuscite, M. […] — La jeune fille est frappée deux fois par cet odieux mensonge : sa réputation est flétrie et son avenir est perdu.
Elle a perdu le pouvoir d’interposer son rêve entre sa vue et les réalités et d’en obscurcir le réel. […] Parvenu à sa maturité, il perd ce pouvoir et tend vers la certitude par une autre voie : il a recours à l’observation des phénomènes et se fie à l’enchaînement causal pour en obtenir le dernier mot des choses. […] Toutes les sciences particulières ont leur origine dans un parti pris de l’esprit humain qui décide de placer en quelque endroit de la réalité une frontière pour ta commodité de ses spéculations : on ne leur voit pas de commencement dans la nature des choses où leurs racines plongent et se perdent.
Le jour où il avait entendu les faiseurs de lois parler humanité, philanthropie, progrès, il s’était cru perdu. […] Ne sentez-vous pas au fond du cœur que vous avez tout au moins perdu le sentiment moral et social de la mission de sang que vos prédécesseurs, les vieux parlementaires, accomplissaient avec une conscience si tranquille ? […] Elle veut perdre son vilain nom.
Vous ne l’ôterez point sans m’ôter du plaisir ; Nous y perdons tous deux : quand je vous le conseille. […] L’image de ces biens rend mes maux cent fois pires ; Ma mémoire me dit : « Quoi, Psyché, tu respires, Après ce que tu perds ? […] Aujourd’hui je n’ai plus le temps ; Le bien perdu rend l’homme avare ; J’y veux voir moins loin, mais plus clair.
Il faut que tu puisses remplacer alors un des soldats morts pour la patrie… (Lettres communiquées Léo Latil, fils d’un médecin d’Aix-en-Provence, sergent au 67e d’infanterie, qui va mourir pour la France à vingt-quatre ans, écrit à sa famille : Les sacrifices seront bien doux, si nous avons une victoire bien glorieuse et s’il y a plus de lumière pour les âmes ; si la vérité en sort plus claire, plus aimée… Il ne faut pas perdre de vue que nous allons nous battre pour de grandes choses, pour les plus grandes choses. […] … » Une autre nuit, dans un vallon perdu, j’ai entendu un rossignol chanter si merveilleusement que sa voix nous a fait taire longtemps… La nature me console ; elle est mon amie, je suis dans son intimité ; j’ai épié tous les moments de la nuit et du jour. […] Avoir constamment un extrême souci de la justice, il faut exiger beaucoup : avoir de l’autorité, en acquérir encore, sans perdre le contact des hommes ; il faut pouvoir remonter et consoler.
Le pauvre homme est tellement américanisé par ses philosophes zoocrates et industriels qu’il a perdu la notion des différences qui caractérisent les phénomènes du monde physique et du monde moral, du naturel et du surnaturel. […] Il arrive souvent (cela est arrivé au moyen âge) que, tout étant perdu, tout est à refaire. […] Quand l’âpre idée s’adoucit et se fit caressante sous le pinceau de Gros, elle était déjà perdue.
Or on ne saurait superposer des durées successives pour vérifier si elles sont égales ou inégales ; par hypothèse, l’une n’est plus quand l’autre paraît ; l’idée d’égalité constatable perd ici toute signification. […] Elles perdraient leur raison d’être pour le théoricien de la Relativité comme pour tout le monde, car il ne les fait intervenir, lui aussi, que pour marquer le temps d’un événement. […] Il est évident que l’hypothèse perdrait de sa signification si l’on se représentait la conscience comme un « épiphénomène », se surajoutant à des phénomènes cérébraux dont elle ne serait que le résultat ou l’expression.
Faisons la part de ce qui est perdu, et celle de ce qui est immortel. […] Les soins et les bonheurs apparents de la vie, les émotions même de la charité, se perdaient pour elle dans une pensée plus haute de contemplation divine. […] Nul doute qu’une éducation à part, la plus sévère, la plus abstinente, la plus morale, la plus poétique, préparait ces hommes ; et, si quelquefois le même don de sagesse et d’enthousiasme, que l’éducation développait en eux, se trouvait ailleurs perdu et comme enfoui dans une existence grossière, là encore parfois il s’éveillait, sous quelque coup du sort et quelque ressentiment des maux de la patrie, comme nous l’atteste l’exemple du prophète Amos, enlevé à ses travaux rustiques pour avertir un roi corrompu d’Israël et protester contre l’idolâtrie de Damas et le schisme de Samarie.
On hésite, entre quelques vers épars détachés de cette œuvre perdue. […] Car tu m’as perdue volontairement une seconde fois. […] Enfin, après ces grands hommes, et tout ce qui nous manque de leurs créations si nombreuses, et tout ce qui s’est perdu devant leur gloire, quoique sans doute inspiré par elle, nous aurons encore à chercher le sillon lyrique dans celui qui fut leur ennemi, leur juge et leur immortel parodiste..
Nous perdons en espoir la moitié de nos jours. […] Il y a longtemps que l’arbre est dépouillé à la cime et que la sève n’y monte plus. — Parny, dans ses trente dernières années, rima encore à ses moments perdus, joua beaucoup au whist, se maria, fut un homme de bonne compagnie, et il mourut au seuil de la vieillesse proprement dite, à soixante et un ans (5 décembre 1814).
Il faut, sans doute, un certain degré de développement dans l’esprit humain pour atteindre à la hauteur de la poésie ; mais cette partie de la littérature doit perdre néanmoins quelques-uns de ses effets, lorsque les progrès de la civilisation et de la philosophie rectifient toutes les erreurs de l’imagination. […] L’homme, en acquérant la faculté de prévoir, perd beaucoup de celle de s’étonner, et l’enthousiasme, comme l’effroi, se compose souvent de la surprise.
L’esprit serait moins faussé, l’éloquence ne serait point perdue, si l’on s’était contenté de commander, dans les délibérations comme à la guerre, par le simple signe de la volonté. […] Les factions servent au développement de l’éloquence, tant que les factieux ont besoin de l’opinion des hommes impartiaux, tant qu’ils se disputent entre eux l’assentiment volontaire de la nation ; mais quand les mouvements politiques sont arrivés à ce terme où la force seule décide entre les partis, ce qu’ils y adjoignent de moyens de parole, de ressources de discussion, perd l’éloquence et dégrade l’esprit au lieu de le développer.
Sa conversation est composée de parenthèses, principal objet de toutes ses phrases ; il voudrait laisser échapper ce qu’il a le plus grand besoin de dire ; il essaye de se montrer fatigué de tout ce qu’il envie ; pour se faire croire à son aise, il tombe dans les manières familières ; il s’y confirme, parce que personne ne compte assez avec lui pour les repousser, et tout ce dont il est flatté dans le monde est un composé du peu d’importance qu’on met à lui, et du soin qu’on a de ménager ses ridicules pour ne pas perdre le plaisir de s’en moquer. […] Le bonheur des femmes perd à toute espèce d’ambition personnelle.
II Il n’en a pas perdu le sommeil. […] Vis-à-vis des personnages réels, il se perdait dans l’admiration et dans la louange, élevait les gens jusqu’au ciel, les y installait à demeure. « Savez-vous bien que, pour peu que j’aime, je ne vois les défauts des personnes non plus qu’une taupe qui aurait cent pieds de terre sur elle ?
Taine, et j’ajoute sans perdre un instant de vue la réalité et les faits) à une conception de l’art de plus en plus élevée, partant de plus en plus exacte… Aucune de ces définitions ne détruit la précédente, mais chacune d’elles corrige et précise la précédente, et nous pouvons, en les réunissant toutes et en subordonnant les inférieures aux précédentes, résumer ainsi qu’il suit tout notre travail : L’œuvre d’art a pour but de manifester quelque caractère essentiel ou saillant, partant quelque idée importante, plus clairement et plus complètement que ne font les objets réels. […] C’est-à-dire qu’il faut se rendre toujours un compte rigoureux de la valeur des mots qu’on emploie, n’en perdre jamais de vue le sens précis, et prendre garde de conserver toujours la même étendue au même terme.
Mais, en somme, on n’y perd pas son temps. […] Le fou qui la suivrait, dit le poète, serait pauvre, honni des bourgeois, et se damnerait. « Il perdrait la sainte chimère de l’hyménée éternel mais il n’aurait pas de belle-mère !
Dans les cinquante ou soixante mille lignes qu’un journaliste écrit tous les ans, ce qui lui appartient en propre, ce qui le signale et le distingue se trouve perdu dans ce qui le confond et le mêle, dans tout ce qu’il a laissé s’écouler de lui sans y apporter d’attention et sans y attacher de prix. […] Cette franc-maçonnerie établit qu’une jeune fille qui donne son cœur pour un bouquet de roses est perdue, tandis qu’une femme mariée qui le donne par caprice — ou pour un bracelet, comme les lionnes pauvres dont le monde honnête est plein n’est pas compromise, pourvu qu’elle y mette un peu d’hypocrisie, etc.
Que ces esprits indifférens sur le désordre qui ne les touche pas, que ceux dont la foible prudence méconnoit cette vertu supérieure à toute crainte, l’appellent un insensé, ou le regardent comme un misantrope qui se livre au triste plaisir d’exercer une censure amere ; ce n’est pas à eux de sentir qu’il est impossible à l’homme vertueux de garder le silence, tandis que les cris plaintifs des victimes de l’oppression retentissent à son oreille & frappent son cœur sensible, tandis que les droits éternels de la Justice sont violés pour satisfaire quelques monstres avides, tandis qu’un peuple entier vit dans les larmes, ayant tout perdu jusqu’au droit lamentable d’élever ses soupirs ; ah ! […] C’est le Virgile des Portugais, qui fier & intrépide, lutte d’une main contre les flots ; de l’autre souleve son Poëme son plus cher trésor, il le protége, le sauve, & s’écrie transporté de joie, je n’ai rien perdu, j’ai préservé du naufrage le gage de mon immortalité.
il est perdu ! […] Il a déjà perdu de sa naïveté primitive9.
Ce que gagne l’un, l’autre ne le perd-il pas ? […] Avec l’évolution des sociétés, avec leur croissance en étendue et en hétérogénéité, l’oppression sociale perd de sa force et l’individualisme fait des progrès.
La niaise littérature des coteries et des salons, la science des curieux et des amateurs est bien dépréciée par ces terribles spectacles ; le roman-feuilleton perd beaucoup de son intérêt au bas des colonnes d’un journal qui offre le récit du drame réel et passionné de chaque jour ; l’amateur doit bien craindre de voir ses collections emportées ou dérangées par le vent de l’orage. […] Mais rien de ce qui contribue à donner l’éveil à l’humanité n’est perdu pour le progrès véritable de l’esprit ; jamais la pensée philosophique n’est plus libre qu’aux grands jours de l’histoire.